Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a déposé un grief collectif au nom de 17 de ses membres (les « fonctionnaires s’estimant lésés ») travaillant dans les bureaux de Service Canada de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (l’« employeur »), comme était connu le ministère lors du dépôt du grief – dans le grief, on allègue que l’employeur a manqué à son obligation de rembourser aux fonctionnaires s’estimant lésés les frais de stationnement de leurs véhicules privés (VP) les jours où ils étaient requis pour affaires gouvernementales – la Commission a déterminé que son rôle n’était pas de réécrire la convention collective ou la Directive sur les voyages du Conseil national mixte, mais de les interpréter – la Commission a confirmé qu’il arrive que les employés utilisent leurs VP lors de l’exécution de leurs fonctions – lorsqu’ils le font, ils ont le droit, conformément à la Directive sur les voyages, de demander le remboursement pour le kilométrage et autres dépenses supplémentaires, comme le stationnement et les péages – la Commission n’a trouvé aucune preuve qui porte à croire que quiconque au Conseil du Trésor ou ayant l’autorité de le faire en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11) aurait approuvé le partage des frais de stationnement mensuels aux bureaux en question – au contraire, la preuve a démontré que, lorsqu’on a découvert ce qui se passait, les personnes responsables y ont mis fin, ce qui a donné lieu au présent grief – de plus, la Commission n’a rien trouvé indiquant que des dépenses supplémentaires devraient être remboursées aux fonctionnaires s’estimant lésés – le choix de payer le stationnement mensuel au bureau est un choix personnel que chaque fonctionnaire s’estimant lésé a fait – par conséquent, ils doivent assumer le coût du stationnement, peu importe s’il leur arrive, à l’occasion, lorsqu’ils stationnent à leur bureau, d’utiliser leurs véhicules privés pour leur déplacement lié au travail – les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont engagé aucune dépense supplémentaire lorsqu’ils ont stationné au travail ces jours-là.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date:  20180116

Dossier:  567-02-158

 

Référence:  2018 CRTESPF 4

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

agent négociateur

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

 

employeur

Répertorié

Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

 

Affaire concernant un grief collectif renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur : Pamela Sihota, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur  :  Joel Stelpstra, avocat

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba)

le 11 octobre 2017.

(Traduction de la CRTESPF).


MOTIFS DE DÉCISION

(traduction de la crtESpF)

I.  Grief collectif renvoyé à l’arbitrage

[1]  L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a déposé un grief collectif (pièce 5) au nom de 17 de ses membres (les « fonctionnaires s’estimant lésés ») travaillant dans les bureaux de Service Canada de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (l’« employeur »), comme était connu le ministère lors du dépôt du grief, à Winnipeg, au Manitoba. Ce grief allègue que l’employeur a manqué à son obligation de rembourser aux fonctionnaires s’estimant lésés les frais de stationnement de leurs véhicules privés (VP) lors des jours où ils sont requis pour affaires gouvernementales.

[2]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan daction économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan daction économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan daction économique de 2013.

[3]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la «  Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II.  Résumé de la preuve

[4]  Les parties ont présenté en tant que pièce 1 un exposé conjoint des faits, que je reproduis ci-dessous :

[Traduction]

Le Conseil du Trésor (Emploi et Développement social Canada (l’« employeur ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») s’entendent, aux fins du présent arbitrage, pour dire :

a) que les faits ici présentés ne sont pas en litige et sont admis comme étant corroborés, comme s’ils avaient été établis en preuve, dans la mesure où ils sont pertinents aux enjeux, leur poids en l’affaire étant déterminé par l’arbitre de grief;

b) que les documents présentés comme pièces sont admis comme étant corroborés, comme s’ils avaient été établis en preuve, dans la mesure où ils sont pertinents aux enjeux, leur poids en l’affaire étant déterminé par l’arbitre de grief;

c)  que chaque pièce présentée est une copie conforme d’un document dont l’original a été imprimé, écrit, signé ou exécuté de la façon dont il est censé l’avoir été, et expédié et reçu, selon le cas, par les personnes mentionnées sur ou dans les documents, à la date indiquée ou autour de celle-ci;

Introduction

La présente affaire concerne un grief collectif déposé par Kim Allard et al. par rapport aux dispositions de la Directive sur les voyages du Conseil national mixte (CNM). Les fonctionnaires s’estimant lésés sont, ou étaient aux moments pertinents, classifiés PM-01 ou PM-02, représentés par l’agent négociateur et assujettis à la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration (date d’expiration le 20 juin 2011).

Faits

1. Pendant toute la période pertinente, les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient à titre d’agents ou d’enquêteurs des services d’intégrité de Service Canada (Emploi et Développement social Canada, à l’époque Ressources humaines et Développement des compétences Canada).

2. La responsabilité première des fonctionnaires s’estimant lésés est de prévenir, détecter et dissuader la fraude contre les programmes ministériels en réalisant des activités d’éducation et d’enquête.

3. Les fonctionnaires s’estimant lésés doivent voyager dans l’exercice de leurs fonctions. Ces déplacements ont principalement lieu « dans leur zone d’affectation », telle que définie par la Directive sur les voyages du CNM.

4. La plupart des déplacements liés au travail des fonctionnaires s’estimant lésés se font à l’aide de véhicules privés. Toutefois, les fonctionnaires s’estimant lésés ne sont pas tenus d’avoir accès à un véhicule privé en milieu de travail ou d’utiliser leur propre véhicule privé pour voyager.

5. Avant 2009, l’unité de travail des fonctionnaires s’estimant lésés se situait au 280, avenue Broadway, à Winnipeg au Manitoba. À l’époque, l’employeur fournissait des espaces de stationnement gratuits aux enquêteurs des services d’intégrité.

6. Vers 2009, l’employeur a réalisé un examen pangouvernemental du stationnement. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont alors été avisés que l’employeur ne fournirait plus de stationnement payé et que les dépenses liées au stationnement seraient remboursées selon les paramètres de la Directive sur les voyages du CNM.

7. Peu de temps après, soit vers 2009, l’unité de travail des fonctionnaires s’estimant lésés a déménagé au 266, avenue Graham, à Winnipeg, au Manitoba. Aucun stationnement payé par l’employeur n’était fourni au bureau du 266, avenue Graham.

8. Jusqu’en mai 2010, l’employeur remboursait les frais de stationnement selon les modalités suivantes :

a.  Sur présentation de reçus pour le stationnement au prix quotidien les jours où les employés demandaient aussi le remboursement des frais de déplacement engagés dans le contexte du travail;

b.  Au prorata des frais mensuels de stationnement en fonction du nombre de jours où les employés avaient demandé le remboursement des frais de déplacement engagés dans le contexte du travail.

9. En juin 2010, l’employeur a avisé les employés que les frais de stationnement mensuels ne seraient plus remboursés au prorata et qu’on les rembourserait uniquement sur présentation d’un reçu de stationnement au tarif quotidien.

Annexes

1. Directive sur les voyages du Comité national mixte, en vigueur le 1er avril 2008, (archivée) [pièce 2].

2. Description de travail d’enquêteur des services d’intégrité (PM-02) [pièce 3].

 

[5]  Sean Kiely, un des fonctionnaires s’estimant lésés, a témoigné au nom du groupe de fonctionnaires s’estimant lésés. Il est agent principal des services d’intégrité. Il enquête des cas majeurs de fraude dans les domaines de l’assurance-emploi, des pensions, des travailleurs étrangers temporaires et des prêts étudiants. Au moment du grief, il était enquêteur des services d’intégrité affecté au programme d’assurance-emploi. Son travail exige qu’il se déplace dans le cadre de ses enquêtes sur les bénéficiaires d’assurance-emploi.

[6]  Lorsque M. Kiely a commencé sa carrière d’enquêteur, en 2008, l’employeur disposait d’un parc de véhicules pour les enquêteurs, qui était situé au 280, avenue Broadway, à Winnipeg. Lorsque l’employeur a déménagé ses bureaux au 266, avenue Graham, à Winnipeg, les véhicules du parc automobile n’étaient plus disponibles. M. Kiely ne se souvient plus si les véhicules du parc automobile étaient toujours disponibles au 280, avenue Broadway, après le déménagement de son bureau. Il a confirmé, au contre-interrogatoire, que les véhicules du parc automobile étaient disponibles, pendant un temps limité, lorsque son bureau se trouvait au 266, avenue Graham.

[7]  À cet endroit, les employés avaient accès à un stationnement mensuel qu’ils devaient payer. L’employeur remboursait les enquêteurs qui payaient leur stationnement de façon mensuelle au prorata pour les jours où ils utilisaient leur véhicule privé dans l’exercice de leurs fonctions. Les enquêteurs qui n’avaient pas de stationnement mensuel se voyaient rembourser les frais de stationnement quotidien s’ils présentaient leurs reçus. Cet arrangement a été confirmé dans un courriel du chef d’équipe de M. Kiely (pièce 6).

[8]  L’employeur a cessé de rembourser le stationnement au prorata une fois ses bureaux déménagés au 280, avenue Broadway, mais il a continué de rembourser le stationnement quotidien. Cet arrangement se poursuit jusqu’à aujourd’hui, même au 111, rue Lombard, où les bureaux de l’employeur se situent maintenant. Comme l’employeur ne rembourse plus le stationnement mensuel au prorata, M. Kiely a témoigné qu’il ne conduit son véhicule privé que les jours où il est nécessaire pour le travail. On lui rembourse alors le coût du stationnement quotidien, qui est d’environ 11 $ à 14 $ par jour (le coût au prorata du stationnement quotidien était d’environ 7 $ à 10 $ par jour).

[9]  M. Kiely a témoigné qu’il utilise son véhicule privé lorsqu’il doit se déplacer pour interviewer des bénéficiaires ou autres clients. Les enquêteurs ont l’option d’utiliser le transport en commun ou de prendre un taxi pour se rendre aux entrevues, mais, selon M. Kiely, la plupart des enquêteurs utilisent leurs véhicules privés. L’autre option serait de louer une voiture, ce qui est très dispendieux, soit environ 20 $ à 60 $ par jour, en plus du coût du stationnement. Selon M. Kiely, l’utilisation du transport en commun ou d’un taxi n’est pas responsable sur le plan financier.

[10]  L’utilisation du transport en commun ou d’un taxi pose des risques pour la sécurité si un enquêteur ne peut se sauver rapidement d’une entrevue qui aurait mal tourné. Les entrevues ont lieu dans divers endroits, y compris le domicile des bénéficiaires et les locaux de l’employeur. Lorsqu’un enquêteur se présente à une rencontre dans le cadre d’une enquête, il ne sait pas à quoi s’attendre. De plus, pendant une enquête, l’enquêteur peut accumuler divers documents qui doivent être rapportés au bureau, ce qui n’est pas possible. Et il n’est pas raisonnable de demander à un chauffeur de taxi d’attendre sur place pendant qu’a lieu une entrevue selon M. Kiely. Qui plus est, selon lui, l’employeur ne préconise pas l’utilisation de ces moyens de transport de rechange. On encourage plutôt les employés à se servir de leurs véhicules privés. Si le coût d’une location est inférieur à celui du véhicule privé, on s’attend à ce que l’employé loue une voiture.

[11]  Une autre des plaignants, Kim Allard, a témoigné au nom du groupe de plaignants. Elle a commencé à titre d’enquêteuse en 2007 aux bureaux de l’employeur situés au 280, avenue Broadway. À l’époque, sa seule option était de se servir de son véhicule privé pour ses déplacements pour le travail et elle disposait d’un stationnement réservé au 280, avenue Broadway. Elle ignorait l’existence du parc de véhicules, dont elle aurait pu se servir. Les seuls véhicules de parc dont elle était au courant appartenaient à la région et non à son bureau. À un moment donné, alors qu’elle était au 266, avenue Graham, elle a tenté de réserver un véhicule de parc et on lui a dit qu’elle devrait attendre deux semaines pour en obtenir un.

[12]  Le stationnement payant du 266, avenue Graham se trouvait à l’hôtel Delta. Selon Mme Allard, le coût était de 168,50 $ par mois. L’employeur la remboursait au prorata pour les jours où elle utilisait son véhicule privé pour des visites auprès des clients. Elle présentait des demandes de remboursement pour ces journées et on lui remboursait au taux de 7 $ par jour. Cela s’est poursuivi jusqu’au 25 juin 2010, date à laquelle sa demande a été refusée. On ne lui avait jamais signalé, soit par écrit ou verbalement, qu’il y avait eu un changement et qu’elle devait désormais assumer le coût entier du stationnement mensuel. À l’heure actuelle, seul le stationnement quotidien est remboursé.

[13]  Mme Allard a témoigné qu’elle a toujours eu le stationnement mensuel payé et qu’elle l’a gardé, malgré le changement. Cela n’a pas changé lorsque l’employeur a cessé de la rembourser au prorata. Elle aime la flexibilité de fixer son propre horaire.

[14]  Mme Allard est tenue de réaliser des entrevues principalement dans les centres de Service Canada. Elle utilise son véhicule privé pour le faire, même si elle a témoigné que d’autres options lui sont disponibles, notamment des voitures de location et des taxis, pour lesquels elle doit obtenir une approbation préalable. Selon elle, ni l’une ni l’autre de ces options n’est viable et de toute façon, la direction ne les préconise pas. Les autres modes de transport en commun ne sont pas viables, non plus, puisqu’elle doit transporter des documents à chaque entrevue, et le nombre de documents peut être assez élevé, selon la nature du cas.

[15]  Mme Allard réalise de 12 à 14 entrevues par mois, pour lesquelles on ne lui rembourse que le kilométrage. Le coût supplémentaire de l’usure normale de son véhicule privé ne lui est pas remboursé. Le coût du stationnement est d’en moyenne de 11 $ à 14 $ par jour, ce qui lui est aussi remboursé.

[16]  Kelly Minucci est une représentante syndicale à la retraite qui travaillait pour l’agent négociateur de 2002 à 2016. En 2010, les fonctionnaires s’estimant lésés lui ont demandé d’intervenir parce que la Direction générale du dirigeant principal des finances de l’employeur refusait leurs demandes de remboursement au prorata des frais de stationnement, même si elles avaient été approuvées par le gestionnaire des employés. Ils s’inquiétaient non seulement parce qu’on ne leur remboursait plus les frais, mais aussi parce que selon les quotas de gestion du rendement adoptés par l’employeur, le temps passé à chercher un stationnement ne pouvait pas être exclu de ce qu’on considérait être le temps de production pendant lequel les quotas devaient être respectés. Le manque d’efficience et les coûts associés à l’utilisation de l’autobus ou d’un taxi les inquiétaient aussi. Enfin, ils s’inquiétaient pour leur sécurité s’ils n’utilisaient pas leurs véhicules privés.

[17]  Selon Mme Minucci, au Manitoba, il existe des antécédents documentés d’attaques contre des agents d’intégrité chez des bénéficiaires, d’un bénéficiaire sautant par-dessus un bureau pour attaquer un agent et de menaces de mort contre des agents. Les employés doivent pouvoir s’extirper rapidement de ces situations, ce qui n’est pas possible si on prend le transport en commun ou un taxi.

[18]  Mme Minucci n’avait pas de connaissance directe des véhicules disponibles aux agents d’intégrité des autres bureaux, mais selon son témoignage, les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient pas accès à un parc de véhicules, contrairement à ceux travaillant à Edmonton et à Calgary, en Alberta; à Brandon, au Manitoba; à Regina et à Saskatoon, en Saskatchewan; et en Colombie-Britannique, où on dispose de parcs de véhicules. Selon Mme Minucci, il n’y avait personne au bureau de Winnipeg pour gérer un parc de véhicules. Son témoignage se fondait sur ce que lui avaient dit les fonctionnaires s’estimant lésés.

[19]  L’employeur a choisi de ne pas citer de témoins à comparaître.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

[20]  En éliminant le parc de véhicules et en offrant des solutions de rechange dangereuses et peu pratiques, l’employeur a contraint les fonctionnaires s’estimant lésés d’utiliser leurs véhicules privés pour faire leur travail. Par conséquent, il leur a nié l’option d’utiliser d’autres moyens de transport, comme le covoiturage, pour se rendre au travail.

[21]  Selon l’article 3.1.11c) de la « Directive sur les voyages » du Conseil national mixte, les frais de stationnement ne sont habituellement pas payés lorsque le fonctionnaire est de service à son lieu de travail. La Directive sur les voyages ne fait pas de distinction entre ceux qui paient pour le stationnement de façon mensuelle et ceux qui paient de façon quotidienne. Les fonctionnaires s’estimant lésés ne demandent d’être indemnisés que pour les jours où ils doivent voyager pour affaires.

[22]  Les fonctionnaires s’estimant lésés ont décrit leur travail comme étant réactif; ils peuvent être appelés à quitter le bureau en tout temps, sans préavis, ce qui fait qu’ils doivent disposer d’un véhicule. Les options de transport offertes par l’employeur sont moins qu’économiques. Les frais quotidiens de stationnement sont supérieurs aux frais mensuels calculés au prorata. Le coût inférieur est conforme aux directives de l’article 3.1.11 de la Directive sur les voyages, qui indique que le moyen de transport doit être déterminé en tenant compte de l’accessibilité et du coût pour l’employeur.

[23]  Les options proposées par l’employeur sont plus dispendieuses que le coût du stationnement calculé au prorata. Le stationnement quotidien n’offre pas de privilège d’entrée et de sortie. Les employés doivent prendre le temps de trouver un espace de stationnement. L’utilisation d’un taxi pose des problèmes de sécurité, car les types de fraudes sur lesquels les fonctionnaires s’estimant lésés enquêtent peuvent mener à des accusations au criminel contre les bénéficiaires. L’utilisation du transport en commun implique une certaine attente, ce qui compromet la sécurité des documents que transportent les fonctionnaires s’estimant lésés.

[24]  Les fonctionnaires s’estimant lésés se déplacent principalement dans leur zone d’affectation. L’utilisation de véhicules de location est plus dispendieuse et demande beaucoup plus de temps pour l’employeur que le remboursement au prorata des frais de stationnement des véhicules privés des fonctionnaires s’estimant lésés. Il serait bénéfique financièrement pour l’employeur de se débarrasser des coûts d’exploitation d’un parc de véhicules. Ces coûts seraient transférés aux employés, qui se verraient rembourser uniquement le kilométrage, ce qui ne couvrirait pas les frais d’entretien et d’assurance des véhicules privés.

[25]  L’employeur n’encourage pas ses employés à prendre un taxi ou à louer un véhicule, ce qui suggère qu’on s’attend à ce qu’ils utilisent leurs véhicules privés pour faire leur travail. On contraint ainsi les employés à prendre chaque jour leurs véhicules privés, à se trouver un stationnement et à engager des dépenses supplémentaires. Par conséquent, selon eux, l’employeur doit payer les frais de stationnement calculés au prorata, rétablir le parc de véhicules ou payer pour qu’un taxi attende pendant qu’ils font leur travail. Leur description de poste n’exige pas que les fonctionnaires s’estimant lésés possèdent de permis de conduire ou de véhicule privé. Toutefois, il est sous-entendu que l’employeur s’attend à ce qu’ils puissent conduire et qu’ils disposent d’un véhicule privé.

[26]  La Directive sur les voyages est claire. Elle indique qu’on doit rembourser aux employés le coût réel des déplacements lorsqu’ils accomplissent leurs fonctions. Le coût réel, dans le cas présent, est le coût du stationnement calculé au prorata.

B.  Pour l’employeur

[27]  La Directive sur les voyages a comme objectif de rembourser les dépenses supplémentaires engagées par les employés dans le cadre de leur emploi. Le seul élément en litige est l’interprétation de la Directive. Aucun élément de preuve n’indique qu’on ait nié aux fonctionnaires s’estimant lésés l’option de prendre un taxi ou l’autobus ou de louer une voiture. Ces options leur sont disponibles. Ils ne sont pas obligés d’avoir accès à leurs véhicules privés tous les jours au travail. Le stationnement mensuel est une question de choix et de commodité personnelle; il ne s’agit pas d’une dépense légitime liée au travail.

[28]  La Directive sur les voyages indique clairement ce qui est remboursable. Seul ce qui est clairement désigné comme étant remboursable sera remboursé. Le libellé de l’article 3.1.11 de la Directive sur les voyages est ambiguë, au mieux; le CNM en est arrivé à une impasse, car il ne pouvait convenir d’une interprétation de l’article. L’objectif et la portée de la Directive sur les voyages sont de veiller à ce que les employés se voient rembourser les dépenses supplémentaires engagées dans l’accomplissement de leurs tâches. La Directive sur les voyages ne constitue pas une source de revenu.

[29]  Lorsque les fonctionnaires s’estimant lésés apportent leurs véhicules privés au travail et s’en servent dans le cadre de leurs fonctions, les frais de stationnement sont remboursés. Il n’y a pas de frais supplémentaires pour les fonctionnaires s’estimant lésés si le stationnement fait partie de leurs habitudes normales de déplacement.

[30]  Le pouvoir d’un arbitre de grief doit s’en tenir au libellé exprès de la convention collective. Un arbitre de grief peut seulement interpréter et appliquer la convention collective, et en l’instance, la Directive sur les voyages. Un arbitre de grief ne peut modifier la convention collective ou la Directive sur les voyages, qui fait partie de la convention collective, lorsque les termes sont clairs. Il ne peut pas, non plus, créer de nouveaux termes. (Voir Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, au par. 50). En outre, il est interdit à un arbitre de grief de faire ces choses en vertu de l’article 229 de la Loi.

[31]  Au moment d’interpréter la Directive sur les voyages, l’arbitre de grief doit déterminer l’intention des parties à l’aide de la signification ordinaire des mots utilisés. Si un avantage monétaire était voulu, il doit être conféré dans un langage clair dans la convention collective ou la Directive sur les voyages. S’il y a eu violation de la convention collective, l’agent négociateur doit le prouver. Le fardeau de la preuve selon laquelle une violation de la convention collective a eu lieu lui revient. Lorsqu’il fait valoir un droit à un avantage monétaire, il doit démontrer que la convention collective comprend un libellé précis qui contraint l’employeur à verser la prestation en question (voir Allen c. Conseil national de recherches du Canada, 2016 CRTEFP 76, au par. 180).

[32]  S’il était pratique courante au bureau de Winnipeg de l’employeur de rembourser les frais de stationnement mensuels, calculés au prorata, aux fonctionnaires s’estimant lésés, il ne s’agissait pas d’une pratique répandue connue du Conseil du Trésor. Le courriel (pièce 6) du chef d’équipe des fonctionnaires s’estimant lésés (entre autres personnes dans ce bureau) ne constitue pas une pratique répandue dans l’ensemble de la fonction publique. Pour être exécutoire, elle ne peut être applicable uniquement dans le lieu de travail des fonctionnaires s’estimant lésés et elle doit être connue du Conseil du Trésor (voir Chafe, au par. 71). Lorsque la Direction générale du dirigeant principal des finances de l’employeur a découvert la pratique, elle y a mis fin.

[33]  En l’absence d’un libellé clair appuyant le paiement d’un avantage, il incombe à l’agent négociateur de le prouver. Un arbitre de grief doit interpréter la convention collective dans le but d’éviter toute absurdité. Le fait que les gestionnaires locaux aient interprété la Directive sur les voyages d’une certaine façon, pour quelque raison que ce soit, ne constitue pas une représentation de son exactitude de la part du Conseil du Trésor (voir Golden Giant Mine v. United Steelworkers of America, Local 9364, [2004] O.L.A.A. No. 600 (QL), au par. 19; Taticek c. Canada (Agence des services frontaliers), 2014 CF 281, au par. 59; Chafe, au par. 76).

[34]  Les demandes de remboursement doivent être approuvées par une personne autorisée à le faire (voir Hamilton c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 91, au par. 30), et ce pouvoir provient des articles 32 et 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques  (L.R.C. (1985), ch. F-11; LAF). Rien ne porte à croire que le chef d’équipe qui a produit le courriel à la pièce 6 ne s’était vu conférer un tel pouvoir.

[35]  Les fonctionnaires s’estimant lésés ont des habitudes de déplacement pour se rendre au travail, mais il n’y a pas de preuve de dépenses supplémentaires. De plus, rien ne porte à croire qu’un reçu pour frais de stationnement présenté de façon appropriée a été refusé. La commodité de disposer de leurs véhicules privés de façon quotidienne n’engendre pas une obligation pour l’employeur de partager le coût d’un stationnement mensuel. Le caractère économique de la décision de l’employeur est sa propre responsabilité. Il est le mieux placé pour déterminer quand fournir des véhicules d’un parc de véhicules. Il n’y a pas de preuve que les fonctionnaires s’estimant lésés ont engagé des dépenses supplémentaires pour des déplacements liés à leur travail.

[36]  Les questions de sécurité soulevées par les fonctionnaires s’estimant lésés dans leurs éléments de preuve constituent une esquive. Elles parlent de moyens de transport, non pas du fait que les fonctionnaires s’estimant lésés ont droit à un remboursement pour le stationnement. Ils ont le contrôle de leurs charges de travail, ce qui leur permet de prévoir divers moyens de transport. Ils choisissent plutôt d’utiliser leurs véhicules privés. Un véhicule privé et un permis de conduire ne sont pas des exigences de leurs postes. L’employeur n’a démontré aucune intention claire de rembourser les fonctionnaires s’estimant lésés au prorata pour les frais de stationnement mensuels. Ils cherchent à obtenir le remboursement du coût du stationnement mensuel, ce qui n’est pas offert aux employés ailleurs dans la fonction publique. Il leur incombait de prouver que l’employeur avait l’intention de leur rembourser le stationnement mensuel. Ils ne l’ont pas fait et par conséquent, leur grief doit être rejeté.

IV.  Motifs

[37]  Le grief est rejeté. Selon l’admission du représentant des fonctionnaires s’estimant lésés, il n’y a pas d’ambiguïté dans la Directive sur les voyages. Mon rôle en tant qu’arbitre de grief a clairement été décrit dans l’argumentation de l’employeur. Il ne s’agit pas de réécrire la convention collective ou la Directive sur les voyages. Il s’agit d’interpréter ce qui m’est présenté (voir Taticek et Chafe).

[38]  Le coût du stationnement mensuel est un sujet controversé depuis longtemps pour les fonctionnaires et leurs agents négociateurs. Il arrive que les employés utilisent leurs véhicules privés dans l’accomplissement de leurs fonctions. Lorsqu’ils le font, ils ont droit, conformément à la Directive sur les voyages, de demander le remboursement pour le kilométrage et autres dépenses supplémentaires, comme le stationnement et les péages (voir la Directive sur les voyages, article 3.1.11). Pour demander le remboursement de ces dépenses supplémentaires, les employés doivent présenter des reçus. Selon le témoignage de M. Kiely, lorsqu’il présente ses reçus pour le stationnement quotidien, il obtient un remboursement.

[39]  M. Kiely a aussi déclaré lors de son témoignage que depuis que l’employeur a cessé de lui rembourser le stationnement mensuel au prorata, il avait modifié ses habitudes de déplacement et s’est trouvé un stationnement moins dispendieux ailleurs. D’autre part, Mme Allard a déclaré lors de son témoignage qu’elle avait obtenu un stationnement à son bureau, conformément à ses préférences personnelles plutôt qu’à une quelconque obligation de son emploi, j’en suis convaincue.

[40]  Rien de ce qui m’a été présenté en preuve ne me porte à croire qu’un employé du Conseil du Trésor ou qu’une personne autorisée à le faire selon la LAF aurait approuvé le partage des frais de stationnement mensuels aux bureaux des Services d’intégrité de Winnipeg. Au contraire, la preuve démontre que lorsqu’on a découvert ce qui se passait, les personnes responsables y ont mis fin, ce qui a donné lieu au présent grief.

[41]  Pour avoir gain de cause, les fonctionnaires s’estimant lésés devaient prouver, selon la prépondérance des probabilités, que leur interprétation de la Directive sur les voyages est celle à retenir. Rien dans la signification simple et ordinaire de la Directive sur les voyages ou de la convention collective ne me porte à croire que l’employeur ait accepté de partager les frais de stationnement mensuels des employés qui utilisent leurs véhicules privés dans l’accomplissement de leurs fonctions. L’employeur est tenu de rembourser les frais de stationnement des employés lorsqu’ils se servent de leurs véhicules privés dans l’accomplissement de leurs fonctions. Les modalités de ce remboursement relèvent clairement des droits de la direction et des droits de l’employeur en vertu de la LAF.

[42]  De plus, je ne trouve rien qui indiquerait que les fonctionnaires s’estimant lésés doivent se voir rembourser les dépenses supplémentaires. Leur représentant me demande de croire que les dépenses supplémentaires réelles que les fonctionnaires s’estimant lésés souhaitent se faire rembourser sont les frais de stationnement mensuels, ou du moins une partie calculée au prorata de ces frais. Le choix de payer pour le stationnement mensuel au bureau est un choix personnel que chaque fonctionnaire s’estimant lésé a fait. L’employeur n’a pas pris part à cette décision et n’a pas exigé des fonctionnaires s’estimant lésés qu’ils paient un stationnement mensuel à leur bureau. Par conséquent, ils doivent assumer le coût du stationnement, peu importe s’il leur arrive, à l’occasion, lorsqu’ils stationnent à leur bureau, d’utiliser leurs véhicules privés pour leur travail ces jours-là.

[43]  D’autres options sont offertes aux fonctionnaires s’estimant lésés s’ils choisissent de ne pas se servir de leurs véhicules privés dans l’accomplissement de leurs fonctions. Il n’y a pas de preuve qu’un fonctionnaire s’estimant lésé se soit vu refuser le droit de louer un véhicule; en fait, M. Kiely a déclaré lors de son témoignage qu’il l’a fait et qu’on le lui a remboursé. Que l’employeur fournisse des véhicules de parc de véhicules aux fonctionnaires s’estimant lésés n’est pas une question qui relève de ma compétence dans ces circonstances. S’il existe réellement une question de sécurité, les fonctionnaires s’estimant lésés ont des droits qu’ils peuvent se prévaloir, en vertu de la partie II du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2), ce qu’ils n’ont pas fait selon la preuve devant moi.

[44]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[45]  Le grief est rejeté.

Le 16 janvier 2018.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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