Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence - Autre recours administratif visant à obtenir réparation - Plainte déposée également devant la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) - Article 91 de la LRTFP - par suite de l'accord des parties à cet effet, la décision n'a porté que sur l'objection préliminaire relative à la compétence de l'arbitre à entendre le grief contestant un congédiement et demandant la réintégration du fonctionnaire s'estimant lésé et le remboursement du salaire perdu et de tous autres avantages perdus, ainsi que sur la demande de prorogation de délai - une plainte a été déposée également devant la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) au même moment que le grief, à l'encontre d'un acte discriminatoire qui aurait été posé entre le 30 janvier 1995 et le 3 août 2001 - dans sa plainte, le fonctionnaire s'estimant lésé a allégué que, en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), il ne peut pas inscrire de grief lorsqu'un autre recours administratif de réparation est prévu dans une autre loi du Parlement (en l'espèce, la LCDP) et que, par conséquent, la CCDP est le seul organisme habilité à déterminer, sous le régime des articles 41 et 44 de la LCDP, si la question doit être tranchée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs ou de la procédure de plaintes - dans la présente affaire, la CCDP a décidé, en vertu du paragraphe 41(1) de la LCDP, de statuer sur la plainte, de sorte que l'on a fait valoir que la CRTFP ne pouvait entendre le grief - l'arbitre a déterminé, sur le fondement des éléments déposés devant lui, que les faits entourant le licenciement dont l'arbitre aurait pu être saisi sur le fond du grief toucheraient certaines des questions soulevées dans le cadre de la plainte, que ce soit en regard de l'élément intentionnel des gestes reprochés au plaignant ou de la problématique de la réintégration en conséquence de la déficience du fonctionnaire - l'arbitre a conclu que, en ces circonstances, il était dans l'intérêt du fonctionnaire que la décision relative à son licenciement puisse être considérée dans le cadre d'un recours où seraient pris en compte tous les éléments pertinents qui y sont reliés, y compris ceux pouvant se rapporter aux droits de la personne - l'arbitre a précisé que, compte tenu de l'ensemble des éléments précités, il était clair que des décisions contradictoires pourraient être issues de chacune des instances où le congédiement est contesté, ce qui est nettement à l'encontre de l'intérêt des parties et d'une saine application de la justice administrative - l'arbitre a conclu que, parce qu'un autre recours administratif de réparation était ouvert au fonctionnaire, sous le régime de la LCDP, pour contester son congédiement, et parce que la plainte inscrite auprès de la CCDP est plus large que le grief et inclut spécifiquement le licenciement, il devait se déclarer incompétent pour trancher le grief sous le régime du paragraphe 91(1) de la LRTFP - Considérant l'absence de compétence, il n'était pas nécessaire de trancher la demande de prorogation de délai. Grief et demande rejetés. Décisions citées :Boutilier [2000] 3 C.F. 27; Canada (Procureur général) c. Boutilier [1999] 1 C.F. 459 (Section de première instance); Byers Transport Ltd. c. Kosanovich [1995] 3 C.F. 354 (C.A.); Chopra c. Canada (Conseil du Trésor) [1995] 3 C.F. 445; Mohammed c. Canada (Conseil du Trésor) [1998] A.C.F. 845; O'Hagan et al. c. Canada (Procureur général) (1999), 162 F.T.R. 15; Audate (166-2-27755); Kehoe (166-2-29657).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-05-07
  • Dossiers:  149-2-236 et 166-2-31767
  • Référence:  2003 CRTFP 37

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

JEAN CHERRIER
requérant/fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant:   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le requérant/
fonctionnaire
s'estimant lésé
:  
Giovanni Mancini, avocat, UCCO-SACC-CSN

Pour l'employeur:  Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 25 février 2003


[1]      L'audience tenue le 25 février 2003 n'a porté que sur l'objection préliminaire relative à la compétence de l'arbitre à entendre le grief 166-2-31767 et la demande de prorogation de délai 149-2-236, en conséquence de l'accord des parties à cet effet.

[2]      Aucun témoin n'a été entendu lors de l'audience, la preuve déposée se résumant aux documents énumérés à la liste des pièces.

[3]      M. Jean Cherrier a été à l'emploi du Service correctionnel Canada (S.C.C.) depuis octobre 1978, au poste d'agent de correction à l'établissement Montée-St-François, à Laval.

[4]      Il est licencié le 3 août 2001 et l'employeur l'avise dans les termes suivants (pièce G-6) :

Objet : Licenciement

Monsieur,

Je fais suite à l'audition disciplinaire qui a eu lieu le 16 juillet 2001 concernant l'infraction commise le 10 janvier 2000. J'ai tenu compte des commentaires que vous et votre représentante m'avez transmis lors de cette audition, du rapport d'enquête concernant cet incident et de l'ensemble de votre dossier disciplinaire.

Le 31 mars 1999, vous avez agressé verbalement et physiquement un collègue de travail. Après enquête, le 8 mai 1999, je vous imposais une suspension de quatre (4) jours et une sanction pécuniaire de 1,000$.

Le 23 juin 2000, suite à une enquête qui a démontré que le 27 septembre 1999, vous n'avez pas respecté les conditions émises pour effectuer une escorte pour raisons humanitaires, enfreignant ainsi la directive du Commissaire, l'ordre de poste, l'ordre permanent et les consignes du SCC, je vous imposais dix (10) jours de suspension et une sanction pécuniaire de 300$.

Le 10 janvier 2000, lors d'une évaluation médicale avec un professionnel de la santé, vous auriez proféré des menaces homicidaires à l'endroit du personnel et des détenus du SCC. Suite à ces menaces, des accusations en vertu du Code criminel ont été portées à votre endroit et vous avez plaidé coupable à ces accusations. Le 14 novembre 2000, le juge a rendu une sentence, assortie de conditions de probation pour une période de trois (3) ans qui sont incompatibles avec la poursuite (ou continuité) de votre emploi au Service correctionnel du Canada.

De plus, votre cote de fiabilité approfondie étant échue, compte tenu des événements récents, celle-ci n'a pas été renouvelée.

La gravité des infractions reprochées et votre comportement en général, sont incompatibles avec votre rôle d'agent de la paix et les valeurs préconisées au Service correctionnel du Canada et de ce fait, vous avez rompu ainsi le lien de confiance entre employeur-employé.

Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l'article 11 (2)f et 11(2) g de la Loi sur la gestion des finances publiques, je n'ai pas d'autres alternatives que de vous licencier à compter de ce jour.

Conformément aux termes et dispositions de votre convention collective, vous avez le droit de déposer un grief relativement à cette décision et de le renvoyer directement au dernier palier de la procédure.

[5]      Un grief est inscrit à l'encontre de cette décision le 22 août 2001 dans les termes suivants (pièce G-1) :

Par la présente, nous contestons le congédiement de M. Jean Cherrier tel énoncé (sic) dans la lettre du 3 août 2001.

Mesures correctives demandées

Nous demandons la réintégration de Jean Cherrier, remboursement de tout salaire perdu et tous autres avantages perdus. - Être représenté par UCCO-SACC-CSN à tous les paliers.

[6]      Une plainte est complétée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (C.C.D.P.) en date du 5 décembre 2001, à l'encontre d'un acte discriminatoire qui aurait été posé entre le 30 janvier 1995 et le 3 août 2001. L'allégation y est précisée comme suit (pièce E-8):

[…]

ALLÉGATION

          Service correctionnel du Canada a agi de façon discriminatoire à mon égard en ne prenant pas les mesures d'adaptation nécessaires pour tenir compte de ma déficience (syndrome post-traumatique), contrevenant ainsi à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[…]

[7]      Aux précisions énoncées à sa plainte, M. Cherrier évoque un élément déclencheur qu'il situe en janvier 1995. Lors de la constatation du décès d'un détenu sidatique, le 30 janvier 1995, M. Cherrier aurait subi un choc post-traumatique qui a été contesté par l'employeur autant par contre-expertise médicale qu'à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.). Il a été absent du travail jusqu'au 31 juillet 1995, alors qu'il profite d'un retour progressif et adapté.

[8]      Les précisions de la plainte peuvent se résumer comme suit :

  1. Le refus d'appliquer des manouvres de réanimation (lors de l'incident du 30 janvier 1995) lui a valu une suspension sans solde de sept jours et une réprimande.
  2. La décision de la Commission des lésions professionnelles (C.L.P.) rendue le 19 novembre 1999 reconnaît l'accident du travail (du 30 janvier 1995) et lui donne droit rétroactivement aux prestations, rescindant ainsi les décisions antérieures de la C.S.S.T. et du Bureau de révision qui avaient conclu à l'absence de relation entre l'incident et le diagnostic.
  3. Lors de l'année 1999, M. Cherrier subit trois enquêtes disciplinaires. Pour la première, reliée à une absence au poste de travail le 1er janvier 1999, aucune mesure disciplinaire n'en a découlé malgré une reprise d'enquête. Le second incident, le 31 mars 1999, lui a valu une suspension sans solde de quatre jours et 1 000 $ de pénalité pour agressions verbales et physiques envers un collègue de travail. Lorsqu'il a enfreint les directives lors d'une escorte le 27 septembre 1999, il assume une suspension sans solde de trois jours et une pénalité de 300 $, qui s'ajoute à une suspension sans solde de 15 jours durant l'enquête.
  4. M. Cherrier est diagnostiqué en épuisement professionnel le 7 octobre 1999, ce qui est contredit par une contre-expertise le 3 novembre 1999. Le retour au travail, sur directive de l'employeur le 1er janvier 2000, achoppe et une dépression majeure avec symptômes paranoïdes est diagnostiquée le 2 janvier 2000. Ce dernier diagnostic est contredit par une contre-expertise le 10 janvier 2000 et par Santé Canada le 14 janvier 2000.
  5. Lors de la contre-expertise, M. Cherrier aurait exprimé au médecin expert des menaces homicidaires envers ses supérieurs. L'employeur aurait procédé à une dénonciation au criminel et M. Cherrier a été incarcéré le 18 janvier 2000. Un verdict de libération conditionnelle sur plaidoyer de culpabilité a été rendu le 14 novembre 2000.
  6. Un diagnostic de dépression majeure est posé le 25 janvier 2000 et a été confirmé les 29 février, 31 mai et 13 septembre 2000. Le 13 septembre 2000 le docteur Belzile constate une invalidité totale temporaire et prévoit que M. Cherrier présentera probablement une incapacité permanente à retourner en contact des détenus en milieu carcéral ou autre. M. Cherrier est déclaré admissible aux prestations d'invalidité à compter du 3 janvier 2000 par la décision du 28 novembre 2000 de la SunLife.
  7. En date du 8 novembre 2000, l'agent de probation au dossier de M. Cherrier conclut qu'il présente une dangerosité faible en autant que sa mobilisation personnelle est poursuivie et qu'il ne retourne pas dans le même milieu de travail.
  8. Une enquête disciplinaire est ouverte le 28 janvier 2000 en regard des menaces exprimées lors de la contre-expertise du 10 janvier 2000. Suite à une audition disciplinaire le 16 juillet 2001, l'avis de licenciement a été expédié à M. Cherrier le 3 août 2001.

[9]      M. Cherrier conclut sa plainte dans les termes suivants (pièce E-8) :

[…]

          Je considère que Service correctionnel du Canada, a agi de façon discriminatoire en raison de ma déficience (syndrome post-traumatique) et ce, à plusieurs moments. Tout d'abord, depuis le 30 janvier 1995, le mis en cause a toujours refusé de reconnaître ma déficience.

          Par ailleurs, après le 19 novembre 1999 et la décision de la Commission des lésions professionnelles confirmant définitivement que j'avais bel et bien été victime d'un accident de travail, l'employeur a persisté dans la négation de ma déficience et a agi envers moi sans en tenir compte.

          Enfin, le 3 août 2001, en me congédiant, le mis en cause n'a pas tenu compte du fait que les actes et propos sur lesquels il fonde sa décision sont des symptômes de ma déficience (syndrome post-traumatique).

[10]      En date du 22 novembre 2002, la C.C.D.P. a avisé l'employeur de sa décision en regard de la plainte de M. Cherrier dans les termes suivants (pièce E-7) :

[…]

          Avant de prendre sa décision, la Commission a étudié le rapport qui vous a été divulgué au préalable ainsi que toutes observations afférentes transmises ultérieurement. Après avoir examiné cette information, la Commission a décidé, en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de statuer sur la plainte parce que:

  1. la procédure de règlement des griefs présentement en cours porte sur le congédiement et ainsi ne couvre pas une portion substantielle de l'allégation du plaignant; et
  2. la procédure de règlement des griefs n'offre pas les garanties suffisantes que la dimension de la déficience du plaignant sera prise en compte dans la mesure où les infractions reprochées sont la conséquence de la déficience du plaignant.

[…]

Les plaidoiries

[11]      L'employeur soumet que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (C.R.T.F.P.) n'a pas juridiction aux présents dossiers. En vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.T.F.P.), le fonctionnaire s'estimant lésé ne peut pas inscrire de grief lorsqu'un autre recours administratif de réparation est prévu à une autre loi du Parlement.

[12]      Suite à la décision de l'employeur de le licencier, M. Cherrier a inscrit un grief à la C.R.T.F.P., ainsi qu'une plainte à la C.C.D.P. Dans ces deux recours, M. Cherrier conteste son licenciement, créant ainsi un conflit ou un chevauchement entre ces deux.

[13]      Suivant l'arrêt Boutilier rendu par la Cour d'appel fédérale du Canada [2000] 3 C.F. 27, le législateur a choisi d'autoriser la C.C.D.P. à déterminer si la question devait être tranchée par grief suivant la L.R.T.F.P. ou selon la plainte suivant la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.C.D.P). La C.C.D.P. est la seule autorisée à déterminer, aux termes des articles 41 et 44 de la L.C.D.P., si la question doit être tranchée par la procédure de grief ou par la procédure de plainte. Dans les cas de conflit ou de chevauchement, la C.R.T.F.P. ne peut trancher la question par la procédure de grief à moins d'être autorisée par la C.C.D.P. par le biais des articles 41 et 44. L'arrêt Byers Transport Ltd. c. Kosanovich [1995] 3 C.F. 354 (C.A.) précise qu'un arbitre ne peut procéder à l'étude d'un grief lorsqu'une autre loi prévoit un autre recours.

[14]      Au présent dossier, la C.C.D.P. a décidé, en vertu du paragraphe 41(1) de la L.C.D.P., de statuer sur la plainte tel que précisée à la pièce E-8. La C.R.T.F.P. ne peut donc pas entendre le grief de M. Cherrier, la C.C.D.P. ayant décidé de se saisir de la plainte suivant le paragraphe 41(1) de la loi.

[15]      De plus, comme M. Cherrier a soumis une plainte à la C.C.D.P., il ne peut pas soumettre un grief à la C.R.T.F.P., car un autre recours administratif de réparation lui est ouvert à la L.C.D.P. L'article 91 de la L.R.T.F.P. empêche M. Cherrier de soumettre un grief.

[16]      Les décisions rendues dans les dossiers Audate (dossier de la Commission 166-2-27755), Kehoe (dossier de la Commission 166-2-29657), Djan (dossier de la Commission 166-2-29395) et Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [1995] 3 C.F., 445, sont au même sens. L'agent négociateur ne peut pas demander à la C.R.T.F.P. de surseoir à l'audience du grief jusqu'à décision de la C.C.D.P. sur la plainte en vertu de l'alinéa 44(2)a). La C.R.T.F.P. n'a pas cette capacité de surseoir en l'absence de compétence dans le dossier de grief.

[17]      Dans le présent dossier, la C.C.D.P. seule pourrait redonner compétence à la C.R.T.F.P. par l'alinéa 44(2)a) de la L.C.D.P. et l'arbitre n'a d'autre alternative que de rejeter le grief pour défaut de compétence.

[18]      En sa réponse à l'objection soumise par l'employeur, l'agent négociateur reconnaît le principe élaboré par la Cour fédérale selon lequel l'arbitre nommé en vertu de la L.R.T.F.P. a compétence pour instruire et trancher le grief qui donnait lieu à une plainte sur des actes discriminatoires seulement lorsque la C.C.D.P. détermine, en exerçant les pouvoirs qui lui sont conférés par l'alinéa 41(1)a) ou 44(2)a) de la L.C.D.P., que la procédure des griefs doit être épuisée (pièce G-5). Ce principe peut recevoir application que lorsque le grief et la plainte sont de même nature ou couvre les mêmes matières, ce qui n'est pas le cas au présent dossier.

[19]      Les décisions soumises par l'employeur précisent qu'on ne peut pas soumettre aux deux recours simultanément une plainte et un grief ayant le même fondement tenant des droits de la personne.

[20]      L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé soumet qu'il est possible, sous le régime de droit en vigueur au Canada, d'inscrire un grief à l'encontre d'un congédiement suivant l'article 91 de la L.R.T.F.P. et, d'autre part, de déposer une plainte à la C.C.D.P. dans le cas d'infraction à l'article 7 de la L.C.D.P. Notre régime de droit permet ces deux recours lorsque le grief et la plainte ne couvrent pas les mêmes matières.

[21]      La plainte déposée par M. Cherrier allègue que l'employeur n'a pas pris les mesures d'adaptation nécessaires, contrevenant ainsi à l'article 7 de la L.C.D.P. (pièce E-8).

[22]      D'autre part, le grief (pièce G-1) conteste le congédiement qui lui a été précisé par la correspondance du 3 août 2001. Le licenciement est clairement motivé par l'employeur pour des raisons disciplinaires précisées à la lettre du 3 août 2001 (pièce G-6). La réponse de l'employeur au dernier palier (pièce E-3) confirme que le licenciement a été décidé en considération du dossier disciplinaire.

[23]      Ainsi, la plainte soumise par M. Cherrier est différente par sa nature du grief qu'il a soumis.

[24]      Le jugement rendu dans la cause Boutilier (supra) précise qu'un arbitre doit examiner les questions de compétence et il serait idéal que la plupart de ces questions puissent être tranchées au début des procédures de règlement des griefs.

[25]      Bien que le jugement Boutilier indique qu'on ne peut pas procéder en grief devant la C.R.T.F.P. dans un cas qui relève de la compétence de la C.C.D.P., ce n'est pas le cas au présent dossier. M. Cherrier soumet à l'appui de son grief que le licenciement est une mesure nettement exagérée et n'y fait aucune référence à des allégations reliées à des violations des droits de la personne. Il s'engage formellement, par l'entremise de son procureur, à ne pas soulever de questions qui pourraient être de la juridiction de la C.C.D.P. au cours de l'audience sur le grief.

[26]      La C.R.T.F.P. a la compétence pour trancher le grief contestant le congédiement disciplinaire. Le fait que M. Cherrier ait inscrit une plainte pour défaut d'adaptation auprès de la C.C.D.P. n'enlève pas compétence à la C.R.T.F.P. puisqu'il s'agit de deux recours distincts.

[27]      Relativement à la question de prorogation de délai, l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé demande de prendre la question sous réserve de la preuve sur le fond, ce à quoi acquiesce l'avocate de l'employeur.

[28]      En réplique, l'avocate de l'employeur souligne que M. Cherrier, aux trois derniers paragraphes de sa plainte (pièce E-8), caractérise clairement le congédiement comme étant une action discriminatoire de l'employeur qui n'a pas tenu compte du fait que les actes et propos sur lesquels il fonde sa décision sont des symptômes de sa déficience (syndrome post-traumatique). Ainsi, les deux recours utilisés par M. Cherrier visent à contester son congédiement et recherchent le même remède. La C.R.T.F.P. n'a donc pas de juridiction et doit respecter la décision de la C.C.D.P., qui a décidé de statuer sur la plainte en vertu du paragraphe 41(1) de la L.C.D.P.

Motifs de la décision

[29]      Suite au renvoi à l'arbitrage du grief inscrit au nom de M. Cherrier, l'arbitre assigné par la C.R.T.F.P. doit examiner la question de compétence qui a été soumise par l'employeur. Le juge Linden le précise dans les termes suivants dans la décision Boutilier (supra) :

[…]

Un arbitre doit par conséquent examiner ces questions de compétence, soit avant le début des audiences, soit au cours de celles-ci; mais il serait idéal que la plupart de ces questions puissent être tranchées au début des procédures de règlement des griefs.

[…]

[30]      La compétence de l'arbitre à entendre un grief découle des articles 91 et 92 de la L.R.T.F.P., qui se lisent comme suit :

          91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

          (2) Le fonctionnaire n'est pas admis à présenter de grief portant sur une mesure prise en vertu d'une directive, d'une instruction ou d'un règlement conforme à l'article 113. Par ailleurs, il ne peut déposer de grief touchant à l'interprétation ou à l'application à son égard d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale qu'à condition d'avoir obtenu l'approbation de l'agent négociateur de l'unité de négociation à laquelle s'applique la convention collective ou la décision arbitrale et d'être représenté par cet agent.

          (3) Le fonctionnaire ne faisant pas partie d'une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée peut demander l'aide de n'importe quelle organisation syndicale et, s'il le désire, être représenté par celle-ci à l'occasion du dépôt d'un grief ou de son renvoi à l'arbitrage.

          (4) Le fonctionnaire faisant partie d'une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée ne peut être représenté par une autre organisation syndicale à l'occasion du dépôt d'un grief ou de son renvoi à l'arbitrage.

          92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

          (2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

          (3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

          (4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l'application de l'alinéa (1)b), tout secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

[31]      L'employeur a procédé à l'étude du grief inscrit par M. Cherrier au dernier palier de la procédure des griefs et a donné une réponse négative en date du 15 février 2002 (pièce E-2). Le grief de M. Cherrier a été renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)(b) de la L.R.T.F.P. (pièce G-2). Ainsi les conditions préalables précisées au paragraphe 92(1) ont été rencontrées.

[32]      L'analyse des documents déposés en preuve par les parties se rapporte à trois éléments : le grief inscrit le 22 août 2001 (pièce G-1), la plainte déposée devant la C.C.D.P. le 5 décembre 2001 (pièce E-8) et l'avis expédié par la C.C.D.P. le 22 novembre 2002 et motivant sa décision de statuer sur la plainte (pièce E-7).

[33]      Le grief de M. Cherrier conteste le congédiement « tel qu'énoncé dans la lettre du 3 août 2001 », sans y mentionner les motifs à son appui. L'employeur a motivé la décision de licenciement par la rupture du lien de confiance en considération du dossier disciplinaire et du non-renouvellement de la cote de fiabilité approfondie du fonctionnaire s'estimant lésé, tel que précisé à la lettre déposée comme pièce G-6. À première vue, le grief se présente comme un grief contestant une mesure disciplinaire et aucune référence à une violation des droits de la personne n'y est précisée.

[34]      Lors de l'audience, l'avocat de M. Cherrier a précisé que le grief serait contesté, lors de l'audience au fond, sur la base que le congédiement est une mesure disciplinaire excessive prise par l'employeur en regard des faits reprochés. Il s'est engagé à ne déposer aucune preuve à l'encontre de la mesure disciplinaire qui pourrait être considérée comme de la nature des droits de la personne.

[35]      M. Cherrier dénonce à sa plainte inscrite devant la C.C.D.P. (pièce E-8), que l'employeur n'a pas assumé son obligation d'adaptation relativement à sa déficience (syndrome post-traumatique). De plus, il expose aux précisions de sa plainte que l'employeur a agi de façon discriminatoire de trois façons :

- d'abord en refusant de reconnaître sa déficience à compter du 30 janvier 1995;

- en persistant à nier cette déficience malgré la décision de la Commission des lésions professionnelles du 19 novembre 1999;

- en ne tenant pas compte que les actes et propos motivant la décision de congédiement sont des symptômes de la déficience.

[36]      D'autre part, la C.C.D.P. a décidé de statuer sur la plainte « en vertu du paragraphe 41(1) de la L.C.D.P ». Elle a fondé sa décision sur les motifs suivants (pièce E-7) :

[…]

.      la procédure de règlement des griefs présentement en cours porte sur le congédiement et ainsi ne couvre pas une portion substantielle de l'allégation du plaignant; et

.     la procédure de règlement des griefs n'offre pas les garanties suffisantes que la dimension de la déficience du plaignant sera prise en compte dans la mesure où les infractions reprochées sont la conséquence de la déficience du plaignant.

[…]

[37]      Une revue de la jurisprudence à la lumière du sommaire de la preuve me permettra de trancher la question de compétence à la lumière des éléments déposés en preuve.

[38]      Il est nécessaire d'évaluer préalablement la nature du grief soumis par M. Cherrier, car selon le juge Strayer dans l'arrêt Byers Transport Ltd. (supra), il précise :

[…]

.Je crois que la plainte (c.-à-d. les faits reprochés) doit être essentiellement la même dans l'autre recours. Cependant, je doute que les réparations prévues dans l'autre disposition doivent être égales ou supérieures pour que l'arbitre perde la compétence dont il est investi en vertu de l'alinéa 242(3.1)b). Cette disposition n'exige pas que le Code canadien du travail ou une autre loi fédérale prévoie le même recours. Elle exige simplement qu'un autre recours existe à l'égard de la même plainte. Je ne crois pas que les réparations découlant des recours doivent être exactement les mêmes, bien que la procédure en question doive certainement permettre à la même partie plaignante d'obtenir une véritable réparation.

[…]

(N.B. Les soulignés sont du soussigné.)

[39]      Selon le juge Strayer, les faits reprochés dans la plainte doivent être essentiellement les mêmes dans le recours de grief pour que l'arbitre perde compétence dont il est investi en vertu de l'alinéa 242(3.1)b) du Code canadien du travail.

[40]      Dans l'affaire Chopra (supra), la juge Simpson a décidé qu'un arbitre nommé en vertu de la L.R.T.F.P. n'avait pas compétence pour entendre un grief basé uniquement sur la clause d'élimination de discrimination contenue dans la convention collective; le fonctionnaire s'estimant lésé alléguait un comportement discriminatoire de l'employeur fondé sur la race. La juge Simpson précise entre autres que :

[…]

.la plainte et le grief sont identiques quant au fond; les deux soulèvent la question de discrimination..

[…]

[41]      Dans l'affaire Mohammed c. Canada (Conseil du Trésor), [1998] a.c.f. 845, le juge Cullen a conclu, en l'absence de compétence d'un arbitre nommé en vertu de la L.R.T.F.P. à statuer sur un grief uniquement fondé sur la clause d'élimination de la discrimination de la convention collective. Le fonctionnaire alléguait que l'employeur avait eu un comportement discriminatoire à son égard, sur la base de sa race et de sa religion. Le motif de sa décision repose principalement sur la conclusion de fait suivante :

[…]

          En l'espèce, la demanderesse demande uniquement un redressement fondé sur la clause relative à l'élimination de la discrimination; elle n'utilise pas cette clause comme outil d'interprétation d'autres dispositions de la convention cadre. Il s'agit de déterminer si les faits, tels qu'ils sont allégués, démontrent l'existence d'un motif de distinction illicite.

[…]

[42]      Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Boutilier, [1999] 1 C.F. 459 (1re instance), Mme la juge McGillis a conclu que le fonctionnaire n'avait pas le droit de renvoyer un grief à l'arbitrage en vertu du paragraphe 92(1) de la L.R.T.F.P. La juge a décrit comme suit la nature du grief du fonctionnaire :

[…]

          En l'espèce, la question soulevée par M. Boutilier dans son grief est une question complexe, controversée et fondamentale relativement aux droits de la personne et porte sur la possibilité pour un couple homosexuel de se prévaloir d'un avantage social, c'est-à-dire le congé de mariage. Le grief est entièrement fondé sur une allégation de discrimination au motif qu'un avantage social a été refusé à l'employé pour des raisons liées directement à son orientation sexuelle. Autrement dit, l'allégation de discrimination constitue la question centrale et en fait l'unique question soulevée dans le grief. Pour reformuler le grief dans les termes utilisés aux articles 2 (mod par L.C. 1998, ch. 9, art. 9) et 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, M. Boutilier allègue que l'employeur l'a défavorisé en cours d'emploi, pour un motif de distinction illicite, à savoir son orientation sexuelle, en lui refusant un congé de mariage. À mon avis, cette affaire relève directement du mandat confié à la Commission et au tribunal des droits de la personne par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[…]

[43]      Dans l'affaire O'Hagan et al. c. Canada (Procureur général) (1999), 162 F.T.R. 15, le juge Weston a décidé que l'arbitre n'avait pas compétence pour traiter de griefs dans lesquels les fonctionnaires alléguaient avoir été victimes de harcèlement sexuel. Il exprime la base de sa décision comme suit :

[TRADUCTION]

[…]

Il ne fait aucun doute que, dans la présente espèce, l'objet du grief est le harcèlement sexuel tel qu'énoncé dans l'article 43. Dans l'affaire Boutilier, il ne fait aucun doute que le grief est entièrement fondé sur la discrimination au motif qu'un avantage social a été refusé pour des raisons liées directement à l'orientation sexuelle de M. Boutilier. On considère que l'allégation de discrimination constitue la question centrale et en fait l'unique question soulevée dans le grief. Dans l'affaire qui m'est présentée, il est évident que l'objet est le harcèlement sexuel qui, en outre, constitue la question centrale et, en fait, l'unique question soulevée dans le grief. L'article 14 de la LCDP reconnaît le harcèlement sexuel comme étant un motif de discrimination illicite. Comme nous l'avons déjà précisé, le Tribunal dispose également des pouvoirs réparateurs étendus en vertu du paragraphe 53(2) de la LCDP.

[…]

[44]      Dans le dossier Audate (supra), le président Yvon Tarte conclut, en l'absence de compétence pour instruire le dossier, sur la base suivante :

[…]

le témoignage de Mme Audate était clair. Selon la fonctionnaire s'estimant lésée, la mesure disciplinaire lui a été imposée parce qu'elle était noire et d'origine haïtienne.

[…]

Puisque la résolution du grief de Mme Audate dépend d'un constat de discrimination de la part de l'employeur, sur la base d'un ou plusieurs motifs de distinction illicite énumérés à la L.C.D.P., je conclus ne pas avoir la compétence nécessaire pour instruire ce dossier.

[…]

[45]      Dans le dossier Kehoe (supra), le président Yvon Tarte décline compétence en vertu des paragraphes 91(1) et 92(1) de la L.R.T.F.P. pour entendre le grief dans les termes suivants :

[…]

          La seule conclusion logique à laquelle l'on puisse arriver en examinant le grief de Mme Kehoe est que l'essentiel du grief porte sur des questions fondamentales touchant les droits de la personne, c'est-à-dire la discrimination et le harcèlement fondés sur une déficience ou incapacité. Ces questions ne sont pas simplement secondaires au grief, mais en constituent au contraire l'élément essentiel. Si l'on fait abstraction de ces questions, tout ce qui reste au grief est une allégation imprécise de congédiement déguisé.

[…]

          Dans les circonstances de l'affaire qui nous occupe, comme le grief de Mme Kehoe, soulève des questions qui peuvent être réglées en recourant à la procédure d'examen des plaintes prévue par la L.C.D.P., et à la lumière de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Boutilier (C.A.) (supra), je conclus que, à la lecture du dossier que possède la Commission, le grief de Mme Kehoe ne peut être présenté en vertu du paragraphe 91(1) de la Loi et, en tant que tel, ne peut être renvoyé à l'arbitrage en vertu du paragraphe 92(1). Je conclus par ailleurs qu'il est approprié, en l'occurrence, de recourir à la procédure prévue à l'article 84 du Règlement.

[…]

          Pour les motifs ci-dessus, je conclus que le grief de Mme Kehoe ne peut être renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi.

[…]

[46]      Ainsi, dans tous ces dossiers, l'essentiel des griefs portait sur des questions touchant les droits de la personne. Ces questions n'étaient pas secondaires au grief, mais en constituaient l'élément essentiel.

[47]      Je ne peux pas accepter l'argument de l'avocate de l'employeur selon lequel l'arbitre assigné par la C.R.T.F.P. devient automatiquement sans compétence pour entendre un grief lorsque la C.C.D.P. se saisit d'une plainte aux fins d'enquête par le biais du paragraphe 41(1) de la L.C.D.P. Les décisions et jugements cités à la présente indiquent clairement qu'un arbitre se doit d'évaluer la nature et la portée des recours utilisés par le fonctionnaire s'estimant lésé afin de déterminer si un élément de la nature des droits de la personne est au cour du grief et si un conflit ou un chevauchement existe entre le grief et un autre recours administratif prévu à une autre loi fédérale. Le fait que la C.C.D.P. ait procédé à l'évaluation de la plainte qui lui est soumise et qu'elle ait décidé de statuer sur cette plainte, en vertu de sa loi constituante (L.C.D.P.) ne peut pas avoir pour effet de dessaisir l'arbitre assigné au grief de ses responsabilités de déterminer sa compétence en vertu de sa propre loi constituante (L.R.T.F.P.).

[48]      Le principe élaboré par la juge McGillis dans l'affaire Boutilier (supra) se doit de recevoir application au présent dossier. Le juge McGillis l'énonçait comme suit :

          Les alinéas 41(1)a) et 44(2)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne constituent d'importants pouvoirs discrétionnaires dans la gamme des mécanismes mis à la disposition de la Commission pour lui permettre d'assumer son rôle dans le traitement d'une plainte et, dans les cas appropriés, d'obliger le plaignant à épuiser les procédures de règlement des griefs. Les alinéas 41(1)a) et 44(2)a) indiquent également que le législateur a expressément envisagé la possibilité que des conflits ou des chevauchements se produisent entre des procédures de règlement des griefs prescrites par différentes lois, comme celle qui est prévue dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et les procédures et pouvoirs législatifs prévus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne concernant le traitement des plaintes au sujet d'actes discriminatoires. En cas de conflit ou de chevauchement, donc, le législateur a choisi d'autoriser la Commission, aux termes des alinéas 41(1)a) et 44(2)a), à déterminer si la question devrait être réglée comme un grief en vertu de l'autre loi comme la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ou en tant que plainte fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne. En fait, la capacité de la Commission de prendre une telle décision va de pair avec son rôle crucial dans la gestion et le traitement des plaintes portant sur des actes discriminatoires.

(N.B Le souligné est du soussigné.)

[49]      Je crois que le contenu de la plainte déposée à la C.C.D.P. par M. Cherrier ainsi que l'avis que la C.C.D.P. a expédié pour motiver sa décision de statuer sur cette plainte sont des éléments pertinents au présent dossier. Je ne peux pas simplement ignorer le contenu de ces documents. Je dois donc les considérer avec l'ensemble des autres éléments déposés en preuve lors de l'audience, en vue d'évaluer la nature et la portée du grief contestant le congédiement.

[50]      Le congédiement est contesté par grief sur la base qu'il constituerait une mesure disciplinaire excessive en regard des actes reprochés à l'employé. Le libellé du grief ne précise pas les motifs à son appui et peut ainsi porter à croire qu'il est essentiellement de nature disciplinaire. L'engagement du procureur de M. Cherrier à ne soumettre à l'arbitre aucun élément de la nature des droits de la personne renforce cette impression.

[51]      Par ailleurs, dans sa plainte, M. Cherrier dénonce les actes discriminatoires de son employeur qui a fait défaut d'assumer son obligation d'adaptation relativement à la déficience (syndrome post-traumatique) qui l'afflige. De façon très précise, il allègue à sa plainte que son employeur a commis des actes discriminatoires de trois façons :

- tout d'abord, en refusant de reconnaître l'existence de la déficience, depuis le 30 janvier 1995;

- par ailleurs, en persistant à le faire malgré la décision de la Commission des lésions professionnelles du 19 novembre 1999;

- enfin, en ne tenant pas compte, en le congédiant, que les actes et propos reprochés sont des symptômes de sa déficience.

[52]      Ainsi, dans sa plainte déposée auprès de la C.C.D.P. M. Cherrier dénonce que son employeur a commis un acte discriminatoire en le congédiant. En ce sens, le grief et la plainte contestent la décision de l'employeur de le congédier et un conflit et un chevauchement existe bel et bien entre les deux recours utilisés par M. Cherrier.

[53]      Bien que l'avocat de M. Cherrier se soit engagé à ne soumettre aucun élément de droits de la personne à l'audience sur le fond du grief, il n'en demeure pas moins que le conflit ou chevauchement entre les deux recours persiste néanmoins. Le fait que M. Cherrier se soit prévalu de son droit de plainte devant la C.C.D.P. à l'encontre, entre autre, de son licenciement démontre bien l'existence d'un autre recours administratif de réparation au sens du paragraphe 91(1) de la L.R.T.F.P.

[54]      Il appert des éléments déposés devant moi que les faits entourant le licenciement dont l'arbitre aurait pu être saisi sur le fond du grief toucheraient certaines des questions soulevées à la plainte, que ce soit en regard de l'élément intentionnel des gestes reprochés au plaignant ou de la problématique de la réintégration en conséquence de la déficience du fonctionnaire. En ces circonstances, il est dans le meilleur intérêt du fonctionnaire que la décision relative à son licenciement puisse être considérée en un recours pouvant considérer tous les éléments pertinents qui y sont reliés, y incluant ceux pouvant être de nature des droits de la personne.

[55]      En considérant l'ensemble des éléments précités, il appert clairement que des décisions contradictoires pourraient être issues de chacune des instances ou le congédiement est contesté, ce qui est nettement à l'encontre de l'intérêt des parties et d'une saine application de la justice administrative (Boutilier, (supra)).

[56]      Je conclue qu'un autre recours administratif de réparation est ouvert à M. Cherrier, sous le régime de la L.C.D.P., pour contester son congédiement. La plainte inscrite auprès de la C.C.D.P. est plus large que le grief et inclue spécifiquement le licenciement. Je décline avoir compétence pour trancher le présent grief sur la base du paragraphe 91(1) de la L.R.T.F.P.

[57]      En conséquence, le grief est rejeté pour défaut de compétence, sous réserve d'un possible renvoi devant la C.R.T.F.P., par la C.C.D.P. sur la base de l'alinéa 44(2)a) de la L.C.D.P.

[58]      Considérant l'absence de compétence, il n'est pas nécessaire de trancher en regard du dossier de demande de prorogation de délai (149-2-236), celui-ci devant être soumis à l'arbitre advenant le renvoi du dossier devant la C.R.T.F.P. selon l'alinéa 44(2)a) de la L.C.D.P.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 7 mai 2003.

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