Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Démission - Contrainte - Compétence - le fonctionnaire s'estimant lésé a allégué que, le 11 juin 1993, on lui avait demandé de présenter sa démission, à défaut de quoi il serait licencié - le fonctionnaire a subséquemment démissionné le 21 juin - le 6 août, le fonctionnaire a écrit à l'administrateur général adjoint une lettre dans laquelle il a expliqué sa situation et demandé le retrait de sa démission - la demande du fonctionnaire a été rejetée le 25 novembre - le 11 février 1994, le fonctionnaire a présenté un grief alléguant qu'il avait été contraint à démissionner et qu'il avait, en réalité, été congédié - l'employeur a soutenu qu'il avait accepté de bonne foi la démission du fonctionnaire et que le grief n'était pas arbitrable au titre d'un licenciement en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - à l'audience d'arbitrage, le fonctionnaire a tenté de témoigner, toutefois, après avoir fourni quelques précisions au sujet de ses antécédents d'emploi, il est devenu malade et l'audience a été ajournée - une autre audience fixée pour juin 1995 a été ajournée à la demande du fonctionnaire pour lui permettre d'obtenir des documents additionnels - en décembre 1995, l'employeur a demandé que le grief soit rejeté pour absence de compétence ou qu'une nouvelle date d'audience soit fixée sans délai - le fonctionnaire a répondu qu'il ne s'opposait pas au renvoi du grief, comme le proposait l'employeur, mais qu'il était prêt à faire d'autres observations si l'arbitre voulait bien l'entendre - lorsqu'on lui a demandé de clarifier sa position, le fonctionnaire a répondu qu'il était prêt à fournir d'autres arguments sur la question de la compétence, mais qu'il estimait que l'arbitre pouvait rendre une décision à cet égard en se fondant sur les documents qu'elle avait déjà - l'arbitre, pendant toute la période pertinente, était disposée à entendre toute présentation pertinente que le fonctionnaire désirerait faire - l'arbitre a indiqué que sa compétence était limitée aux questions énoncées dans l'article 92 de la LRTFP - l'arbitre a également signalé qu'une démission et un licenciement étaient deux choses différentes et que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ne conférait pas à un arbitre le pouvoir de traiter un cas de démission - lorsqu'un fonctionnaire s'estimant lésé reconnaît avoir démissionné de la fonction publique, mais qu'il allègue avoir été forcé de le faire, il lui incombe d'établir que, ce qui à première vue semble être une démission, était en réalité un licenciement injustifié - le fonctionnaire ne s'est pas acquitté de ce fardeau - absence de compétence. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-25703 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE PAUL J.A. WHITE fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant: Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Paul-Émile Chiasson, avocat Pour l'employeur: Dora Benbaruk et Denis Bouffard, avocats Affaire entendue à Ottawa (Ontario), les 17 janvier et 13 juin 1995.

Decision Page 1 DÉCISION M. Paul J.A. White a commencé à travailler à Transports Canada en juin 1967. Le 11 juin 1993, il a remis sa démission, laquelle a été acceptée par l’employeur et a pris effet le 21 juin 1993.

Le grief, daté du 11 février 1994, se lit comme suit : [traduction] Le soussigné, Paul J.A. White, a été embauché par Transports Canada le 21 juin 1967. Le 10 juin 1993, Suzanne Tining, directrice générale, Développement commercial et marketing, Transports Canada, et Cheryl Read, directrice, personnel aéroports-RCN, Transports Canada, ont indiqué que je serais congédié si je ne démissionnais pas. J’ai décidé de remettre ma démission le 11 juin 1993 avec effet le 21 juin 1993.

Du 29 juin au 3 août 1993 j’ai été hospitalisé à cause du stress et de trouble psychiatrique découlant de mon licenciement.

Le 6 août 1993, j’ai écrit à M. Victor M. Barbeau, sous-ministre adjoint, Aéroports, Transports Canada, pour lui expliquer les circonstances de ma démission ainsi que lui demander de l’annuler, de me réintégrer et de m’accorder un congé de maladie.

Par lettre datée du 25 novembre 1993, M. Victor M. Barbeau, sous-ministre adjoint, Aéroports, Transports Canada, a refusé d’annuler ma démission.

Par les présentes, je soutiens que j’ai été forcé de démissionner et qu’il s’agit d’un licenciement déguisé avec effet le 25 novembre 1993.

Grief Par les présentes, conformément au sous-alinéa 9(1)a)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, je me plains d’avoir été licencié illégalement.

Redressement Que ma démission du 11 juin 1993 soit annulée, que je sois réintégré dans mon poste, qu’on me rembourse le salaire perdu et que je sois autorisé à présenter une demande de congé de maladie.

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Decision Page 2 (Nota : Bien que la copie du grief accompagnant le renvoi à l’arbitrage et la copie fournie par l’employeur comportent certaines différences, il s’agit de différences mineures.

Une erreur s’est glissée dans le numéro de la disposition de la Loi qui a été citée sous la rubrique « Grief » ci-dessus; il s’agit en réalité de l’alinéa 92(1)b).)

Les avocats de l’employeur ont soulevé des objections relativement à ma compétence à connaître du grief.

L’employeur a fait valoir qu’il avait accepté la démission du fonctionnaire s'estimant lésé en toute bonne foi et qu’il n’avait aucune raison de croire que ce dernier avait démissionné contre son gré.

Le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Paul J.A. White, a été cité à comparaître. Il a toutefois souffert d’un malaise au cours de son témoignage après fourni quelques détails sur ses antécédents de travail, les postes qu’il a occupés et les tâches qu’il a exécutées. Il a fallu ajourner l’audience.

Le 13 juin 1995, il y a eu une autre tentative de tenir une audience. À ce moment-là, le fonctionnaire s'estimant lésé et son avocat ont demandé d’urgence un ajournement pour leur permettre d’obtenir certains documents demandés aux termes du programme d’accès à l’information. Après avoir entendu les représentations des parties, j’ai accordé l’ajournement jusqu’à la réception des documents en question.

Avant qu’on ait pu remettre l’affaire au rôle, M l’employeur, par lettre datée du 8 décembre 1995, a informé la Commission de ce qui suit :

[traduction] D’après nos dossiers, le 13 juin 1995, l’arbitre, M la demande du fonctionnaire s'estimant lésé, a ajourné sine die l’audience susmentionnée.

Depuis, toute tentative déployée en vue de régler le litige s’est révélée vaine.

M e Chiasson, l’avocat de M. White, m’a en outre informé qu’il n’avait pas l’intention de poursuivre l’audition du grief devant la CRTFP.

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e Denis Bouffard, l’avocat de

m e Simpson, à

Decision Page 3 Par conséquent, l’employeur m’a demandé de présenter une requête en vue d’obtenir le rejet du grief pour défaut de compétence ou de demander sa remise au rôle le plus tôt possible étant donné que tout autre délai risque de causer un préjudice grave à la preuve qu’il a l’intention de présenter.

La Commission a par la suite envoyé la lettre suivante à M du fonctionnaire s'estimant lésé. La lettre, datée du 13 décembre 1995, se lit comme suit :

[traduction] En réponse à la lettre de M e Bouffard, datée du 8 décembre 1995, dont vous avez reçu copie, l’affaire a été portée à l’attention de M m e Simpson qui m’a demandé de vous faire part de ce qui suit :

1) Désirez-vous poursuivre l’audition du grief devant la Commission?

2) Dans l’affirmative, veuillez indiquer les dates auxquelles vous seriez disponible durant les mois d’avril, mai et juin 1996. Sinon, nous vous saurions gré de bien vouloir nous aviser de votre décision de retirer le grief.

3) S’il doit y avoir audience, les parties devraient être en mesure de présenter tous les éléments de preuve et leurs arguments. Avec le consentement des deux parties, l’arbitre accepterait de reporter l’audience en vue d’examiner la question de sa compétence.

Veuillez informer la Commission de vos intentions d’ici le 21 décembre 1995 .

Le 14 décembre 1995, M e Chiasson a répondu en ces termes à la lettre de la Commission :

[traduction] La présente fait suite à votre lettre du 13 décembre 1995 et à notre discussion concernant l’affaire susmentionnée.

Selon moi, un fardeau indu incombe à l’employé qui, bien qu’il ne soit pas représenté par un syndicat, découvre qu’après avoir présenté tous les éléments de preuve dans le but de faire instruire son grief sur le fond, que la Commission chargée d’entendre les parties n’a pas compétence pour examiner le fond de son grief. La préparation et la

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e Chiasson, l’avocat

Decision Page 4 présentation de la preuve relative à un seul employé est une procédure extrêmement onéreuse. Lorsque la question est rejetée pour défaut de compétence, l’employé doit se présenter devant un autre tribunal ayant la compétence nécessaire pour instruire son grief.

Lors de l’examen des questions préliminaires, M m e Simpson a indiqué que la CRTFP n’avait pas compétence relativement à l’article 26 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Le grief de M. White concerne une démission et non pas un manquement à la discipline. M. White n’a jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Il a démissionné en vertu de l’article 26 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

Dans sa lettre datée du 8 décembre 1995, M e Bouffard a indiqué que le grief pourrait être rejeté pour défaut de compétence. Si la Commission juge qu’elle n’a pas compétence pour se saisir de la démission de M. White sur le fond, alors je crois qu’il ne serait que juste pour les parties que le grief soit rejeté pour ce motif.

Si l’on accède à cette requête, M. White pourra se présenter devant un tribunal qui a compétence pour examiner sa démission sur le fond. Ce tribunal aurait également l’autorité nécessaire pour déterminer si l’employeur a agi équitablement en exigeant la démission, s’il a respecté ses propres politiques internes en matière de démission, et si le fonctionnaire s'estimant lésé a pu obtenir des conseils indépendants avant de démissionner. La compétence de la CRTFP s’applique à l’égard de questions disciplinaires visées par l’article 91 de la Loi. Quel que soit le tribunal devant lequel nous nous présenterons, nous n’avons aucunement l’intention de discuter de la question de savoir si les présumés actes frauduleux qu’aurait commis M. White justifiaient l’imposition de mesures disciplinaires puisque ce dernier n’a jamais fait l’objet de telles mesures et que ces actes ne sont pas en cause.

D’aucuns pourraient soutenir que la démission constitue en réalité une forme de mesure disciplinaire. Un tribunal ayant compétence en matière de relations du travail aurait normalement l’autorité voulue pour se saisir d’une démission et des questions disciplinaires en vue de les trancher sur le fond. En vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, il existe une distinction entre une mesure disciplinaire et une démission. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une question visée par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique qui ne relève pas de la compétence de la CRTFP.

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Decision Page 5 La Cour fédérale du Canada a jugé que lorsqu’une loi prévoit une procédure administrative, c’est cette procédure qu’il faut appliquer. Si le grief était retiré, l’employeur pourrait faire valoir que la question a été réglée et qu’il s’agit d’une « chose jugée ». De plus, il y a de bonnes raisons d’invoquer la question du délai. Si le grief était rejeté pour défaut de compétence, ce qui semble évident, M. White pourrait soutenir que l’affaire à été rejetée pour défaut de compétence si quelqu’un voulait faire valoir que l’affaire doit être renvoyée à la CRTFP comme le prévoit la Loi.

Au nom de M. White, je ne m’oppose pas à ce que cette affaire soit rejetée pour défaut de compétence, comme le demande l’avocat de l’employeur. Je suis toutefois disposé à présenter d’autres arguments officiels si l’arbitre veut bien m’entendre.

M. Gilles Brisson, gestionnaire des opérations à la Commission, a récrit à M e Chiasson le 18 décembre 1995 pour lui faire part de ce qui suit : [traduction] Nous accusons réception de votre lettre datée du 14 décembre concernant l’affaire susmentionnée.

Avant de saisir M m e Simpson de la question en vue de connaître sa décision, la Commission vous saurait gré de lui fournir des éclaircissements au sujet du dernier paragraphe de votre lettre vous dites :

Au nom de M. White, je ne m’oppose pas à ce que cette affaire soit rejetée pour défaut de compétence, comme le demande l’avocat de l’employeur. Je suis toutefois disposé à présenter d’autres arguments officiels si l’arbitre veut bien m’entendre.

Vous devez indiquer à la Commission si vous avez l’intention de présenter des arguments officiels sur la question de la compétence. Dans l’affirmative, la Commission invitera les deux parties à le faire. Par ailleurs, si vous demandez à l’arbitre de rendre une décision sur la question de la compétence sur la foi des documents déjà présentés, alors vous devez aviser la Commission en conséquence. Nous vous saurions gré de nous faire connaître votre réponse d’ici le 8 janvier 1996.

M e Chiasson a répondu, par lettre datée du 3 janvier 1996, qu’il était prêt à présenter d’autres arguments sur la question de la compétence à la demande de l’arbitre. Il a toutefois indiqué que, d’après lui, la Commission était déjà en mesure de Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 se prononcer sur la question de sa compétence sur la foi « ...des renseignements déjà fournis et de la correspondance sur la question que contient le dossier ». M. Brisson a ensuite informé M e Chiasson, par lettre datée du 16 janvier 1996, que l’affaire m’avait été renvoyée en vue d’une décision.

Motifs de la décision Dans sa lettre datée du 14 décembre 1995, M e Chiasson a indiqué entre autres qu’il ne s’opposait pas au rejet du grief pour défaut de compétence. Il a ensuite déclaré qu’il était « ...disposé à présenter d’autres arguments officiels si l’arbitre veut bien m’entendre ». À cet égard, je signale que j’étais toujours disposée à entendre toute argumentation, sous réserve de sa pertinence, que le fonctionnaire s'estimant lésé aurait désiré présenter.

La Commission est saisie du présent grief depuis le 29 avril 1994, soit depuis presque deux ans. La première audience s’est tenue le 17 janvier 1995, il y a plus d’un an. Les parties ont présenté très peu d’éléments de preuve.

Compte tenu de ma décision concernant la question de ma compétence, je n’ai pas à me prononcer sur celle du délai.

Le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu avoir démissionné de la fonction publique conformément à l’article 26 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), en date du 21 juin 1993. Dans son grief, il prétend avoir été forcé de démissionner de telle sorte que sa démission constituerait un congédiement illégal. Par ailleurs, l’employeur maintient qu’il s’agit d’une démission en bonne et due forme de telle sorte que le grief ne peut être instruit pas un arbitre pour défaut de compétence.

Au cours de l’audience, j’ai indiqué que mon pouvoir en tant qu’arbitre se limite aux questions visées par l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). J’ai également indiqué qu’une démission et un licenciement ne sont pas la même chose, et qu’un arbitre ne peut, en tant que tel, se saisir d’une démission remise en vertu de l’article 26 de la LEFP. J’ai en outre précisé que lorsqu’un fonctionnaire s'estimant lésé reconnaît avoir démissionné de la fonction publique, mais prétend que ce fut parce qu’il a été forcé de le faire, il lui incombe

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Decision Page 7 d’établir que ce qui à première vue semble être une démission est en réalité un licenciement. C’est uniquement si le fonctionnaire s'estimant lésé réussit à se décharger de ce fardeau qu’il peut faire valoir qu’un arbitre a compétence pour se prononcer sur le fond du grief.

En l’occurrence, je suis convaincue que le fonctionnaire s'estimant lésé, n’ayant pas complété son témoignage, n’a pas réussi à se décharger du fardeau de prouver que sa démission était en réalité un licenciement. Faute de preuve contraire, je dois accepter la démission du fonctionnaire s'estimant lésé comme ayant été dûment remise en vertu de l’article 26 de la LEFP. Par conséquent, cette question ne peut être renvoyée à l’arbitrage conformément au paragraphe 92(1) de la LRTFP.

Pour les motifs ci-dessus, je dois rejeter le grief pour défaut de compétence.

Rosemary Vondette Simpson, commissaire

OTTAWA, le 21 février 1996. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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