Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Horaire de travail - Respect des délais - aux termes de la convention collective, aucun employé préposé à l'exploitation ne devait travailler plus de neuf jours consécutifs, sauf dans une situation d'urgence - selon l'horaire de travail établi, le fonctionnaire était censé travailler dix jours consécutifs - il a été convenu qu'il n'y avait pas eu de situation d'urgence - en réalité, le fonctionnaire n'a pas travaillé le dixième jour car il était malade et a pris un congé de maladie ce jour-là - la preuve a établi que les parties appliquaient depuis longtemps une pratique selon laquelle, lorsqu'un employé était censé travailler le dixième jour, il avait le loisir de ne pas se présenter au travail, le versement de sa rémunération lui étant néanmoins assuré - le fonctionnaire a allégué qu'il aurait dû être rémunéré pour le jour en question bien qu'il ait été malade - il a fait valoir que la disposition de la convention collective était ambiguë dans la mesure où elle n'envisageait pas le cas où son horaire de travail obligeait un employé à travailler plus de neuf jours consécutifs - par conséquent, il a soutenu qu'il fallait appliquer la pratique établie pour résoudre l'ambiguïté - il s'est également appuyé sur la pratique établie pour invoquer le principe de la préclusion - de plus, comme le grief avait pris naissance dans la province de Québec, le fonctionnaire s'est appuyé aussi sur les principes de l'irrecevabilité ou fin de nonrecevoir - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire n'ayant pas travaillé le dixième jour comme prévu, il n'avait pas été contrevenu à la convention collective - de plus, la disposition pertinente de la convention collective n'était pas ambiguë - en dernier lieu, le fonctionnaire n'avait pas réussi à convaincre l'arbitre que la notion de fin de non-recevoir en droit civil s'appliquait à la présente affaire - la pratique établie invoquée par le fonctionnaire semblait s'être installée spontanément, sans qu'un article de la convention collective entre en jeu - par conséquent l'arbitre a conclu qu'elle n'avait pas la compétence requise pour l'appliquer - l'arbitre a rejeté le grief [(1994) 25 Recueil de décisions de la CRTFP 31] - le fonctionnaire ayant présenté une demande fondée sur le paragraphe 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour fédérale (première instance) a infirmé la décision de l'arbitre et a renvoyé l'affaire à un arbitre différent pour qu'il tienne une nouvelle audience - l'arbitre a entendu la preuve uniquement sur la question du respect des délais, question qui avait été soulevée mais non tranchée au cours de la première audience d'arbitrage - la preuve a établi que le fonctionnaire avait été informé de la décision de l'employeur au plus tard le 5 juin 1992 et qu'il n'avait déposé son grief que le 4 août 1992 - la convention collective prévoit un délai de 25 jours pour la présentation d'un grief - le fonctionnaire n'a fourni aucun motif qui aurait permis à l'arbitre de proroger le délai prescrit dans la convention collective, et, quoi qu'il en soit, le fonctionnaire n'a pas demandé de prorogation de délai. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-24117 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE MARTIN SITTIG fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur Devant: Yvon Tarte, président suppléant Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Sean McGee, avocat, Association canadienne du contrôle du trafic aérien

Pour l’employeur: Roger Lafrenière, avocat, et Jock Climie, stagiaire en droit Affaire entendue à Montréal (Québec) et à Ottawa (Ontario), le 27 octobre 1995 et le 30 avril 1996

Decision Page 1 DÉCISION Cette affaire a d’abord été entendue par l’arbitre Marguerite-Marie Galipeau le 19 mai 1994 dont la décision du 27 juin 1994 a été renvoyée devant la Cour fédérale du Canada en vue d’un examen judiciaire (n o du dossier de la cour T-1684-94). M. le juge Teitelbaum a décidé le 8 mai 1995 que l’affaire devait être renvoyée devant un arbitre différent «en vue d’une audition entièrement nouvelle».

Le grief a trait à l’interprétation et à l’application de la clause 15.04 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne du contrôle du trafic aérien (code 402/91, pièce G-1).

LA QUESTION DE LA RECEVABILITÉ La recevabilité du grief de M. Sittig a toujours été en litige. Elle a d’abord été soulevée par l’employeur au premier palier de la procédure de règlement des griefs lorsqu’il a rejeté le grief de M. Sittig qui avait été présenté après le délai fixé dans la convention collective. La recevabilité du grief de M. Sittig a aussi été soulevée par l’employeur à d’autres paliers de la procédure de règlement des griefs et devant l’arbitre Galipeau qui n’a pas tranché la question.

Tant à Montréal qu’à Ottawa, la question a de nouveau été soulevée par les deux avocats de l’employeur. J’ai donc décidé d’entendre les éléments de preuve concernant l’objection que formule l’employeur avant d’entendre l’affaire sur le fond.

ÉLÉMENT DE PREUVE CONCERNANT LA RECEVABILITÉ Martin Sittig, un contrôleur de la ciculation aérienne, et Gaston Labonté, le chef de section à la tour de contrôle de Mirabel ont tous deux témoigné. Les incidents qui ont entraîné le présent différend ne sont pas généralement contestés.

À compter du 12 mars 1992, le fonctionnaire s’estimant lésé a travaillé neuf jours consécutifs jusqu’au 20 mars. Le samedi 21 mars, M. Sittig devait travailler conformément à son horaire, mais a appelé pour se porter malade. Le dimanche 22 mars, M. Sittig s’est présenté au travail. Comme c’est la pratique, il allait inscrire son absence pour cause de maladie dans le registre prévu à cette fin lorsqu’il s’est rendu compte que le 21 mars avait été la 10 e journée prévue à son horaire de travail. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 2 Vu les dispositions de la clause 15.04 de la convention collective qui stipulent que, sauf dans une situation d’urgence, aucun employé préposé à l’exploitation ne doit travailler plus de neuf (9) jours consécutifs, le fonctionnaire s’estimant lésé a cru qu’il avait droit à un jour de congé acquis et qu’il n’était donc pas tenu d’écouler un congé de maladie. La nature exacte de la pratique du congé acquis n’a pas été débattue pleinement à cette audience qui examinait seulement la recevabilité du grief de M. Sittig.

Dans une note de service aller retour datée du 22 mars 1992 adressée à M. Labonté, le fonctionnaire s’estimant lésé expliquait sa situation et demandait qu’un jour de congé acquis lui soit accordé conformément à la clause 15.04.

M. Labonté a répondu le 30 mars 1992 que puisque le fonctionnaire s’estimant lésé s’était porté malade le 21 mars, il ne pouvait pas ensuite modifier sa demande de congé de maladie et demander un autre type de congé.

Le 1 er avril 1992, M. Sittig a envoyé une autre note à M. Labonté réaffirmant sa position. Tous deux ont discuté de la question le même jour, M. Sittig quittant l’entretien avec l’impression que son superviseur avait compris sa façon de voir les choses et M. Labonté, pour sa part, croyant qu’il avait dit au fonctionnaire s’estimant lésé qu’un congé de maladie devait couvrir son absence du 21.

Le 7 avril 1992, M. Sittig a remis une demande de congé et un relevé de ses absences au mois de mars 1992. Le document (pièce G-3) ne faisait état d’aucune demande de congé de maladie pour le 21 mars et était signé par M. Sittig et M. Labonté. Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit dans son témoignage que la signature de son superviseur sur la demande de congé et sur le relevé de ses absences l’avait convaincu qu’un jour de congé acquis lui avait été accordé pour le 21 mars.

M. Sittig s’est rapidement rendu compte du contraire le 3 juin 1992 ou quelques jours plus tard lorsqu’il a reçu de Nicole Martel, l’adjointe de M. Labonté, une note de service lui demandant de soumettre une version corrigée de la demande de congé et du relevé de ses absences pour le mois de mars. Ce document modifié devait mentionner un jour de congé de maladie pour le 21 mars.

Les 3, 4 ou 5 juin, M. Sittig a discuté de la question avec M propre témoignage, M. Sittig a reconnu qu’il savait à cette époque que sa demande de congé acquis pour le 21 mars avait été refusée. Il a dit à M grief.

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me Martel. D’après son me Martel qu’il formulerait un

Decision Page 3 Le 18 juin 1992, M. Labonté a écrit au fonctionnaire s’estimant lésé (pièce E-5) pour lui rappeler que la demande de congé de maladie n’avait pas encore été remise et que le défaut de le faire dans les délais prescrits aboutirait à l’imposition unilatérale d’un congé non payé. M. Labonté a dit dans son témoignage qu’il avait rencontré M. Sittig au travail vers le 18 juin et lui avait rappelé de remettre une formule de demande de congé de maladie. M. Sittig a nié que cette réunion ait eu lieu.

Lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé a omis de remettre le document demandé, M. Labonté a préparé et signé le 30 juin une demande de congé de maladie au nom de M. Sittig. M. Sittig a présenté son grief le 4 août 1992.

LA CONVENTION COLLECTIVE Le droit de présenter des griefs est enchâssé dans l’article 5 de la convention collective et la clause 5.03 traite en partie de la question de la recevabilité :

5.03 Droit de présenter des griefs Sous réserve et en conformité de l’article 90 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, l’employé qui s’estime injustement traité ou qui s’estime lésé par une action ou une absence d’action de l’employeur, portant sur des questions autres que celles qui relèvent du processus de règlement des griefs de classification, a le droit de présenter un grief selon la procédure prescrite dans le présent article, sauf que :

a) lorsqu’une loi du Parlement prévoit une autre procédure administrative pour régler ce genre déterminé de plainte, cette procédure doit être suivie,

b) lorsque le grief porte sur l’interprétation ou l’application de la présente convention collective ou d’une décision arbitrale s’y rapportant, l’employé n’a pas le droit de présenter le grief à moins d’avoir obtenu au préalable l’approbation de l’Association et d’être représenté par celle-ci.

Le grief doit être présenté au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle l’employé est avisé ou informé de la décision ou des circonstances qui font l’objet du grief.

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Decision Page 4 PLAIDOYER CONCERNANT LA RECEVABILITÉ Pour l’employeur : La convention collective dit clairement que M. Sittig avait un délai de 25 jours à compter de la journée il a été informé qu’un congé acquis lui serait refusé. Le fonctionnaire s’estimant lésé savait ou aurait savoir dès le 30 mars que M. Labonté ne ferait pas droit à sa demande. Vers le 3 juin, M. Sittig savait que son congé acquis lui avait été refusé.

Le document du 30 juin concernant le congé, signé par M. Labonté, n’est rien de plus qu’une mesure administrative prise par l’employeur. Rien ne peut être fondé sur ce formulaire. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais demandé une prolongation du délai pour déposer son grief. Dans Lusted (dossier de la Commission 166-2-21370), l’arbitre Tenace a décrété que les questions de recevabilité doivent être corrigées le plus tôt possible. Un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut dans des circonstances normales attendre l’audition d’arbitrage pour demander une prolongation du délai lorsqu’il était au courant du problème quelque temps auparavant.

La décision Achtemichuk et les autres (dossiers de la Commission 166-2-19683 à 19694) appuie aussi la position prise par l’employeur. Le présent renvoi à l’arbitrage ne peut être entendu puisque le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas conformé aux strictes exigences de la clause 5.03 de la convention collective.

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Afin de résoudre comme il se doit la question de recevabilité, nous devons d’abord déterminer la nature du grief de M. Sittig. Ce grief a trait au fait que l’employeur n’avait pas le droit de l’obliger à écouler ses crédits de congé de maladie lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit à un congé acquis.

Bien que M. Labonté ait menacé M. Sittig à la mi-juin, ce n’est que le 30 juin que le fonctionnaire s’estimant lésé a finalement appris quelle mesure l’employeur comptait prendre. La recevabilité est calculée à partir du moment le litige prend forme (voir Suchma, dossier de la Commission 166-2-19518).

Comme la mesure qui fait l’objet du grief dans la présente affaire est l’imposition par l’employeur d’un jour de congé de maladie, le litige a donc pris forme le 30 juin 1992. En d’autres termes, la plainte de M. Sittig consiste à dire que l’employeur a pris une

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Decision Page 5 mesure unilatérale pour lui supprimer un crédit de congé de maladie lorsqu’il aurait lui octroyer un congé acquis. Le grief a été déposé dans le délai de 25 jours à partir du 30 juin et est donc recevable.

Réponse : L’affaire Suchma (précitée) invoquée par le fonctionnaire s’estimant lésé appuie en fait la position de l’employeur. Cette affaire a trait à l’application de l’article 15.04 de la convention collective. Le litige a donc pris forme dès que le fonctionnaire s’estimant lésé a appris que l’employeur refusait de lui accorder un congé acquis. À la fin de la première semaine en juin, M. Sittig savait que ce congé acquis lui avait été refusé. Son grief n’a donc pas été présenté dans les délais.

MOTIFS DE LA DÉCISION Je dois conclure que l’objection que formule l’employeur quant à la recevabilité du grief de M. Sittig est fondée.

Au plus tard le 5 juin 1992, M. Sittig savait que sa demande de congé acquis qui découle prétendument de l’application de la clause 15.04 de la convention collective, avait été refusée.

Le document même du grief de M. Sittig mentionne particulièrement la clause 15.04 et demande comme redressement que le 21 mars 1992 soit considéré comme un congé acquis. Le fonctionnaire s’estimant lésé comprenait donc clairement la position de l’employeur lorsqu’il a parlé à M me Martel vers le 5 juin. Il est extrêmement révélateur de constater que c’est pendant cet entretien que M. Sittig a indiqué qu’il avait l’intention de déposer un grief pour contester le refus de l’employeur. L’employeur n’a rien dit ni fait après le 5 juin pour indiquer au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il avait changé d’avis ou que la question n’était pas encore réglée. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a donné aucune raison qui me permettrait de le soustraire aux restrictions de la clause 5.03 et il n’a effectivement pas demandé de prolongation.

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Decision Page 6 Vu le libellé clair d’application obligatoire de la clause 5.03 de la convention collective, je n’ai d’autre choix que de conclure que je n’ai pas compétence pour entendre le grief de M. Sittig.

Yvon Tarte, président suppléant

Ottawa, le 24 mai 1996 Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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