Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (20 jours) - Harcèlement - Harcèlement sexuel - le fonctionnaire s'estimant lésé a écopé d'une suspension de 20 jours pour avoir prétendument harcelé une collègue - le fonctionnaire a, en grande partie, admis son comportement tel qu'allégué par la plaignante bien qu'il soutînt que cette dernière ne s'en était pas plaint - le fonctionnaire soutenait aussi qu'il s'agissait d'un coup monté contre lui - l'arbitre n'a eu aucune difficulté à accepter la version des événements relatée par la plaignante et a conclu que le comportement du fonctionnaire constituait du harcèlement sexuel et que la suspension était justifiée. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-25915 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE MARCEL LAGACÉ fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur

Devant: Richard Labelle, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Jacques Dupont, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur: Robert Lee, avocat Affaire entendue à Montréal (Québec), les 12, 13 et 14 décembre 1994 et le 12 septembre 1995.

Decision Page 1 DÉCISION La présente décision fait suite à l’audience d’un grief renvoyé à l’arbitrage par M. Marcel Lagacé. Le fonctionnaire s’estimant lésé conteste la décision de l’employeur qui lui a imposé une suspension de 20 jours sans traitement, du 10 janvier au 4 février 1994 inclusivement (pièce E-1): À la suite de mon enquête sur les allégations qui vous ont été reprochées le 7 décembre 1993, j’ai établi, en me basant sur les preuves recueillies lors de cette enquête, que vous vous étiez effectivement mal conduit entre la fin août 1993 et la fin octobre 1993.

Par conséquent, j’ai décidé que la mesure corrective appropriée sera une suspension de 20 jours ouvrables qui seront servis du 10 janvier 1994 au 4 février 1994 inclusivement. L’accès à votre lieu de travail vous sera interdit pendant toute cette période. Veuillez noter que vous demeurerez en affectation dans l’entrepôt 6 jusqu’à nouvel ordre.

En tant que Commandant du 25e Dépôt, je m’attends à ce que vous compreniez l’élément correctif de cette décision et qu’il est de votre responsabilité d’améliorer ce type de comportement. Je vous avise aussi que si vous deviez vous présenter devant moi pour une autre infraction à la discipline, et que je vous trouvais coupable, je n’aurais d’autre alternative que de recommander aux autorités supérieures votre licenciement de la Fonction publique fédérale pour inconduite.

L’article 90 de la Loi concernant les relations entre employeur et employés dans la Fonction publique du Canada prévoit que vous avez droit de soumettre un grief si vous n’êtes pas satisfait de cette décision. Vous devrez le présenter à l’officier désigné pour recevoir les griefs dans votre section dans les 25 jours ouvrables suivant la réception de cette lettre.

Une copie de cette lettre sera placée à votre dossier personnel.

Au moment de sa suspension, le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait comme magasinier (GS-STS-03) pour le compte du ministère de la Défense nationale à Longue-Pointe, Montréal (Québec).

L’énoncé du grief se lit comme suit: Je fais un grief parce que le 14 décembre 1993, j’ai reçu une lettre signée par le colonel J.O.R. Pothier datée du 14 décembre 1993 m’avisant de ma suspension de 20 jours

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Decision Page 2 effective du 10 janvier 1994 au 04 février 1994 et cela brime ma convention collective.

Mesures correctives demandées Je demande que l’employeur retarde la mise en oeuvre de la décision de me suspendre jusqu’au règlement final de ce grief, comme preuve de bonne foi; que l’employeur déclare sa décision, contenue dans la lettre, précipitée, nulle et non avenue; que l’employeur me réinstalle dans mes fonctions rétroactive à la date de ma suspension et me rembourse intégralement toute perte de salaire et de bénéfice; que toute documentation relative à ce grief et à cette lettre de suspension soit retiré de mon dossier personnel et détruite en ma présence et/ou celle de mon représentant syndical; d’être présent à toutes les consultations et ce, au frais de l’employeur. DOMMAGE ET INTÉRÊTS.

L’avocat de l’employeur a cité six témoins: la capitaine Fabienne Bouchard, le caporal Bruce Gauley, le sergent Robert Martel, M. Ronald Piché, le capitaine Pierre Lemelin et la caporale G. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a cité deux témoins: M. Michel Poitras et M. Marcel Lagacé, le fonctionnaire s’estimant lésé.

À la demande du représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, l’exclusion des témoins à été accordée.

La preuve Voici en quoi consiste la preuve pertinente qui a été présentée par les témoins de l’employeur.

Au début de novembre 1993, le commandant, le colonel J.O.R. Pothier, a demandé à la capitaine Bouchard de mener une enquête sommaire (pièce E-3) sur la plainte de harcèlement déposée le 28 octobre par la caporale G., du 25 e Dépôt d’approvisionnement des Forces canadiennes 1993 (pièce E-4).

La caporale G. prétend avoir été l’objet de harcèlement sexuel à son lieu de travail par un de ses collègues. Un employé civil, M. Marcel Lagacé, lui aurait fait des attouchements d’ordre sexuel à plusieurs reprises, aurait eu des gestes à connotation sexuelle à son égard et l’aurait humiliée en se moquant souvent d’elle et en proférant des remarques méprisantes et insultantes à son égard et ce, devant ses autres confrères de travail. Le harcèlement sexuel présumé se serait poursuivi malgré les

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Decision Page 3 demandes répétées de la caporale G. à M. Lagacé de cesser ces remarques et ces gestes qu’elle trouvait importuns et blessants (pièce E-5).

M. Lagacé et la caporale G. se connaissent depuis l'été 1993. À ce moment-là, M. Lagacé travaillait dans un autre endroit que la caporale G. C’est au mois d’août 1993 qu’ils ont commencé à travailler ensemble à la même place.

Au début, ils semblaient bien s’entendre. Ils sont même allé dîner ensemble à deux reprises. D’après les témoignages de MM. Gauley, Martel, Piché et Lemelin, il semblerait que l’amitié entre M. Lagacé et la caporale G. se serait refroidie après que la caporale G. eut indiqué qu’elle ne voulait pas une relation de «fun» avec M. Lagacé et que c’est à partir de ce moment-là que M. Lagacé aurait commencé à poser des gestes et faire des commentaires défavorables à l’égard de la caporale G.

D’après la capitaine Bouchard, il semblerait que M. Lagacé aurait harcelé la caporale G. pour la première fois vers le 23 août 1993. La capitaine Bouchard a témoigné que la caporale G. lui avait dit que, quand elle et M. Lagacé ont commencé à travailler ensemble, elle le trouvait intéressant mais après quelque temps, elle a perdu intérêt dans lui.

Les témoins, MM. Gauley, Martel, Piché et Lemelin, ont tous réitéré à l'audience leurs déclarations lors de l'enquête au sujet de l'harcèlement de la caporale G. par M. Lagacé (pièces E-6, E-7, E-8 et E-10).

En contre-interrogatoire, M. Gauley a dit que M. Lagacé parlait toujours de sexe, de ses conquêtes sexuelles. La caporale G. aurait dit au témoin qu’elle se faisait harceler par M. Lagacé et il la «tannait». Le témoin a dit que la caporale G. pleurait souvent; cela se passait au mois d’octobre. Le témoin a dit que M. Lagacé lui avait confié que c’était la première fois qu’il était rejeté par une femme. Le témoin dit ne pas avoir rapporté ces éléments de harcèlement avant le mois de novembre 1993 (pièce E-6).

En contre-interrogatoire, M. Martel a dit qu’au début, les relations entre M. Lagacé et la caporale G. étaient bonnes. Il a ajouté qu’après que la plainte de la caporale G. eut été déposée, elle est allée le voir. M. Lagacé aussi est allé voir le témoin. Le témoin est parti pendant deux semaines au mois d’octobre 1993 à un cours et

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Decision Page 4 quand il est revenu, il a perçu que l’atmosphère entre les deux était tendue. Le témoin a dit que, quand M. Lagacé est allé le voir après que la caporale G. eut déposé sa plainte, M. Lagacé lui avait dit que c’est lui qui s’était éloigné d’elle. Le témoin a dit que M. Lagacé lui avait dit: «C’est une christ de vache de me faire une affaire comme ça». Le témoin a mentionné que M. Lagacé parlait de ses prouesses avec les femmes devant d’autres personnes, y compris la caporale G. Par contre, le témoin a dit qu’il n’avait pas avisé personne sur les farces sexuelles, même s’il était le responsable de la section. Le témoin a conclu en disant que personne n’avait eu de la formation sur le harcèlement sexuel à ce moment-là.

Le témoin, M. Piché, a dit avoir vu M. Lagacé sauter d’une jambe à l’autre en disant: «Mon nerf, mon nerf», en se moquant des maux de la caporale G. devant celle-ci et d’autres employés. Un matin, en prenant le café, M. Lagacé a commencé à écoeurer la caporale G.; il l’a appelé une «christ de conne». Une autre fois, la caporale G. avait un mal de cou et M. Lagacé aurait dit: «Parce que t’as pas de tête». M. Lagacé en voulait à la caporale; il l’a traitait de noms. Le témoin a entendu souvent la caporale G. dire à M. Lagacé: «Laisse-moi». Elle pleurait souvent; elle a dit au témoin qu’elle avait peur (pièce E-8).

En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré avoir dit à M. Lagacé de faire attention, que la caporale G. pouvait porter une accusation contre lui. Il a dit à plusieurs reprises à M. Lagacé de la laisser.

Le témoin, le capitaine Lemelin, a dit avoir été mis au courant de la situation après avoir rencontré M. Gagné, le premier maître à la bâtisse numéro 8, qui a mentionné que la caporale G. avait des problèmes. Il a noté une diminution de rendement; elle était souvent absente en congé de maladie. Le témoin visita toutes les semaines l’entrepôt travaillait la caporale G. La caporale n’a pas parlé de ses problèmes à ce moment-là. C’est seulement plus tard que M. Gagné a dit au témoin que la caporale G. se plaignait de harcèlement sexuel. Le témoin a alors rencontré la caporale G.; il l’a rencontrée seule pendant quelques heures.

La caporale G. lui a dit que M. Lagacé: 1) lui a pris un sein à la sortie des toilettes; Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 2) en revenant de dîner, il lui a pris la main pour ensuite la mettre entre ses jambes à lui;

3) une autre fois, il lui a pris les seins quand elle travaillait à l’ordinateur;

4) une fois il sautait d’une jambe à l’autre en disant: «Mon nerf, mon nerf».

Le témoin dit avoir précisé le sens de la politique relative au harcèlement à la caporale G. Cette dernière a parlé de témoins: MM. Piché, Gauley et Martel. Le capitaine Lemelin lui a demandé si ces personnes pouvaient confirmer les paroles qu’elle lui avait rapportées. La caporale a répondu que probablement que oui. Le témoin a rencontré au cours de la même journée les personnes nommées pour obtenir une confirmation de ce qui s’était passé et mettre cela par écrit. Puis, il a rencontré de nouveau la caporale G. pour lui demander de mettre ses commentaires par écrit (pièce E-4).

Le 21 octobre 1993, le témoin a rencontré M. Martel et tous les autres témoins. Il en a ensuite informé son patron et lui a transmis l’information reçue des témoins ainsi que la plainte écrite de la caporale G. M. Lagacé a reçu copie de la plainte (pièce E-9). Le témoin a rencontré M. Lagacé et son représentant syndical vers le 3 ou 4 novembre 1993. Le témoin a rencontré la capitaine Bouchard pour lui relater les faits (pièce E-10).

En contre-interrogatoire, le témoin dit que l’information sur le harcèlement sexuel vient dans les ordres courants (newsletter). Il n’y a aucun document officiel qui contient des directives précises. Le témoin dit que c’est la première fois qu’il est impliqué dans ce genre de dossier.

La caporale G. a témoigné qu’elle a connu M. Lagacé depuis l’été 1993. Pendant environ deux semaines tout allait bien. Vers le 25 août, ils transfèrent des véhicules ensemble et M. Lagacé lui tapotait les cuisses. La caporale dit avoir mentionné à son sergent superviseur qu’elle ne voulait plus travailler avec M. Lagacé. Elle dit être allé dîner chez McDonald avec M. Lagacé dans la même semaine et qu’il lui a pris un sein. Elle lui a dit: «Arrête ça». Il a pris sa main et la mis sur son entre-jambes, et des fois il

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Decision Page 6 collait le bas de son ventre contre elle et lui disait: «Sens tu comment c’est dure». La caporale G. dit que M. Lagacé l’invitait à coucher avec lui en lui disant que coucher avec lui serait quelque chose de merveilleux. Elle lui a répondu non, qu’elle cherchait une relation stable, pas une relation de sexe. Elle dit avoir averti M. Lagacé de ne pas la toucher.

La caporale G. dit qu’elle ne s’est pas plaint à ce moment-là parce qu’elle pensait qu’il finirait par comprendre et parce qu’elle n’était pas convaincue que son comportement constituait de l’harcèlement sexuel à ce stade.

La caporale G. dit que, vers le 6 septembre 1993, elle est allé aux toilettes. M. Lagacé l’a accoté sur le bord du mur et il a essayé de lui prendre un sein. Elle l’a poussé dehors.

Vers le 13 septembre 1993, M. Lagacé riait d’elle et il était sarcastique envers elle. Du 20 septembre au 3 octobre 1993, la caporale G. était absente, en congé de maladie. Au retour de son congé, M. Lagacé riait souvent d’elle à cause de ses oreilles qui silent et de ses maux de tête.

La caporale a témoigné sur un incident qui aurait eu lieu le 14 octobre 1993 lorsqu’elle était assise devant son ordinateur. M. Lagacé est arrivé derrière elle et a commencé à la flatter et à caresser son épaule en descendant vers l’avant. La caporale dit qu’elle s’est retournée vers M. Lagacé et lui a dit: «Marcel Lagacé, tu n’as pas d’affaire à me toucher comme ça. Tu n’as pas le droit». La caporale témoigna qu’elle lui a dit d’arrêter de «tripper» et que M. Lagacé aurait répondu: «Tu sais c’est quoi tripper? Bien, mois je ne trippe pas, je bad-trippe». À partir de ce moment-là, M. Lagacé a commencé à être méchant envers elle.

Le 14 octobre 1993, la caporale G. a demandé au sergent Martel de parler à M. Lagacé. Il lui a dit oui. Elle lui a demandé de le faire quelques jours plus tard pour que M. Lagacé n’ait pas de doute sur le fait que c’est elle qui avait parlé au sergent Martel. Le sergent a dit qu’il lui parlerait le lundi 18 octobre, mais M. Lagacé n’est pas entré ce jour-là. Le sergent Martel n’a pu lui parler car les 19 et 20 octobre 1993 il suivait un cours.

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Decision Page 7 La caporale G. a témoigné que le 19 octobre M. Lagacé, devant M. Piché, se mit à sauter d’une jambe à l’autre, la main sur le cou, en disant: «Mon nerf, mon nerf». Le 20 octobre, M. Lagacé a répété encore ce geste et elle lui a dit d’arrêter et si elle avait du mal à quelque part c’était son problème et non le sien. M. Lagacé lui a répondu que son problème était le fait qu’elle s’appelait [prénom]. «Que de t’appeler [prénom] c’est un hostie de problème».

La caporale G. a témoigné que c’est M. Gauley qui lui a dit que M. Lagacé lui faisait une mauvaise réputation.

Le 21 octobre, M. Gagné est allé au bureau de la caporale pour la voir et lui a demandé si tout allait bien. C’est alors qu’elle lui a dit qu’elle n’en pouvait plus, que M. Lagacé la harcelait constamment. Elle lui raconta toute l’histoire. M. Gagné a ensuite rencontré le capitaine Lemelin pour lui confirmer la situation et ce qui se passait entre la caporale G. et M. Lagacé. Le 22 octobre, la caporale a rencontré le capitaine Lemelin et lui a raconté les faits qu’elle avait mentionnés au sergent Martel.

La caporale G. a témoigné qu’elle travaillait avec des hommes (comme militaire) depuis six ans et qu’elle a eu seulement une fois un problème avec un collègue de travail mais que le problème s’est arrêté.

La caporale G. a témoigné qu’un homme peut être intéressé à une femme mais qu’une femme ne peut l’être. Elle voulait une relation stable et M. Lagacé n’était pas son genre. Par la suite, M. Lagacé lui faisait des attouchements sexuels et elle lui disait de ne pas la toucher. M. Lagacé s’est mis à rire d’elle, était sarcastique et l’humiliait. La situation affectait son moral, sa santé, et son travail. La caporale G. est une mère célibataire d’une fille.

En contre-interrogatoire, la caporale a témoigné être militaire depuis six ans. Elle est arrivée à la base de Longue-Pointe au mois de juillet 1992. Elle travaillait à la bâtisse numéro 8 depuis le 15 août 1993. Elle avait vu M. Lagacé quelques fois auparavant lorsqu’elle travaillait à la bâtisse numéro 9.

La caporale G. a dit ne pas avoir fréquenté M. Lagacé à part de leur heure de dîner. Pendant la première semaine la caporale et M. Lagacé travaillaient ensemble, ils discutaient et faisaient des farces avec les autres quand ils allaient dîner à la

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Decision Page 8 cantine. Elle dit qu’il y avait des farces à connotation sexuelle, mais qu’elle n’en faisait pas parce qu’elle est une femme.

La caporale G. dit que, pendant la première semaine au cours de laquelle ils travaillaient ensemble, il n’y a pas eu de harcèlement. Durant la deuxième semaine, il déménageait des camions militaires et M. Lagacé a demandé à son sergent que la caporale aille avec lui pour déménager les camions Dans le camion, il y avait une distance approximative de deux pieds entre eux. M. Lagacé lui tapotait les cuisses et elle lui a dit d’arrêter. M. Lagacé lui a demandé d’aller au McDonald avec lui et elle lui a dit: «Oui, mais tapote-moi pas». Au restaurant, M. Lagacé l’aurait touché et elle lui a dit d’arrêter. Dans la voiture, M. Lagacé a pris sa main de force et la mise sur son entre-jambes.

La caporale dit être allée manger une autre fois avec M. Lagacé après leur dîner au McDonald, peut-être une semaine plus tard, le 29 août. C’est la caporale G. qui a demandé à M. Lagacé d’aller dîner. Ils ont pris la voiture de la caporale. Ils ne se sont pas fréquentés en dehors du bureau. La caporale dit qu’ils ont parlé de leur situation personnelle. M. Lagacé lui a demandé s’il pouvait passer des soirées avec elle chez-elle, mais cela n’est pas arrivé.

La caporale G. déclare qu'elle a dit à M. Gauley qu’après qu'ils sont allés dîner ensemble (la caporale et M. Lagacé), qu’elle ne lui faisait pas confiance et elle ne voulait pas sortir avec lui.

La caporale G. déclare qu'après le dépôt de sa plainte, elle est allée souper chez M. Piché mais qu'elle ne cohabitait pas avec M. Piché, qu'elle avait un «chum».

La caporale G. a déclaré qu’elle aurait peut-être dit à M. Piché d'avoir «gagné son poste sur les camions par le pouvoir des boules».

Le témoin du fonctionnaire s'estimant lésé, M. Poitras, a dit qu'il connaît M. Lagacé depuis huit ans. M. Poitras est, depuis cinq ans, le deuxième vice-président de la section locale 10527 de l’Union des employés de la Défense nationale. M. Poitras a agi comme représentant syndical de M. Lagacé depuis le début de novembre 1993.

M. Poitras dit avoir été impliqué dès le début de l'enquête faite par l'employeur sur la plainte de la caporale G. contre M. Lagacé. M. Poitras était présent lors de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 9 rencontre avec le commandant du dépôt, le colonel Pothier, le 8 ou 9 décembre 1993. Le témoin a mentionné que le colonel Pothier a dit qu'il voulait en savoir plus sur ce qui était arrivé dans le cas de la caporale G. M. Poitras dit qu’étaient présents à cette rencontre avec le colonel Pothier, M. Leblanc, M. Lagacé, lui-même et les témoins MM. Gauley et Piché, M. Daniel, la caporale G. et M. Gagné (pièce P-3). M. Poitras dit qu’il y a des personnes, M. Gauley notamment, qui ont dit que c’est une histoire bizarre.

M. Poitras témoigne qu’aucun des témoins n’a vu quoi que ce soit (MM. Gauley, Piché et Daniel). Il dit que les trois témoins ont raconté la même chose, que la caporale G. aurait dit que la position qu'elle a obtenue sur les camions c'est à cause du «pouvoir des boules».

Le témoin dit que la caporale G. est allée souper chez M. Piché. M. Gagné a avoué qu'il a fait des avances à la caporale G. Le témoin dit que M. Gagné a quitté la base de Longue-Pointe cet été-là. Il a été muté parce que le commandant était furieux parce qu'il avait fait des avances à la caporale G. Le témoin dit que M. Lagacé n'était pas présent pendant cette rencontre.

D'après le témoin M. Poitras, le colonel Pothier aurait dit qu'il ne comprenait rien dans cette affaire. Le colonel a fait venir la capitaine Bouchard. Selon le témoin, le colonel aurait dit que c’était une décision très dure pour lui. Il aurait dit: «On n'a pas de preuve».

En contre-interrogatoire, on a demandé au témoin si, lorsqu’il a rencontré le colonel, il avait lu la transcription de l'entrevue avec M. Piché (pièce E-8). Il a répondu qu'il ne s’en souvenait pas. Il ne se souvient pas que M. Piché aurait dit au colonel Pothier que M. Lagacé traitait la caporale G. d'une «christ de conne». Il ne se souvient pas non plus que M. Piché aurait dit au colonel Pothier qu'il avait entendu la caporale G. dire à M. Lagacé: «Laisse-moi tranquille, touche-moi pas». Il ne se souvient pas que M. Piché aurait dit au colonel que la caporale G. pleurait souvent.

Le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Lagacé, travaille à la base militaire de Longue-Pointe depuis 12 ans. Il demeure à Montréal nord avec ses parents.

Le témoin dit n'avoir jamais eu de sanction disciplinaire. Par contre, il a eu certains problèmes avec le personnel militaire, il y avait un froid entre eux. Le témoin

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Decision Page 10 dit qu'il avait un problème à son endroit de travail (bâtisse numéro 8) avec le premier maître, M. Gagné, que son travail ne semblait pas satisfaire à celui-ci. M. Lagacé mentionne qu'on lui avait déjà reproché de contester l'autorité des autres. Il dit qu'il conduit des véhicules, qu’il les place en ordre. Il connaît la caporale G. depuis le mois de juillet 1993. Il y avait une attirance mutuelle. Elle travaillait à ce moment-là à la bâtisse numéro 9 et ils se croisaient. La caporale G. est arrivée à la bâtisse numéro 8, le lieu de travail de M. Lagacé, au mois d'août 1993. Le témoin dit qu'ils se sont mieux connus lorsqu'ils ont commencé à travailler ensemble et qu'il était attiré par elle.

La première fois qu'ils ont travaillé ensemble pour déménager des camions, il y avait des araignées dans la cabine. La caporale eut peur et elle mis sa main sur la cuisse de M. Lagacé et a sauté à côté de lui. Il s’est aperçu qu'elle avait une attirance vers lui. Elle lui a demandé d'aller dans sa voiture (de la caporale) dîner au McDonald. Ils ont parlé de toutes sortes de choses, comme des petits amoureux qui commencent à se connaître, dit le témoin. Le témoin dit qu'après leur dîner ils sont revenus à la voiture et dans le stationnement ils ont continué à parler et ils ont commencé à s'embrasser pendant 10 ou 15 minutes. M. Lagacé dit lui avoir peloté les seins et qu’elle ne s'est pas objectée. Elle a caressé M. Lagacé aussi. Le témoin dit que c'est vrai qu'il lui a pris la main, mais pas de force. Elle lui a dit de faire attention parce qu'elle conduisait et il a arrêté. Le témoin dit qu'ils se sont embrassés avant de descendre de la voiture. Ils se rencontraient tous les matins et ils se donnaient des petits becs, dit le témoin. Ils s'arrangeaient pour être seulsil n'y avait pas d'autres employés. Il dit avoir invité la caporale G. à dîner. Cette fois, ils sont allés au restaurant Kentucky. Elle lui a mis la main entre les jambes et lui a dit: «Marcel, t’embrasses bien».

Le témoin dit qu'ils ne se fréquentaient pas à l’extérieur du bureau. Le témoin dit que lorsqu’ils étaient ensemble, elle parlait des problèmes avec son enfant, des problèmes avec ses oreilles, des conversations de couple.

Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à celui-ci s'il avait vu la plainte formulée par la caporale G. Il a répondu que oui, qu’il l'avait vue (pièce E-4).

En réponse aux allégations mentionnées dans la plainte de la caporale G. (pièce E-4), M. Lagacé dit que:

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Decision Page 11 1) A la mi-août ou vers la mi-août, lorsque je suis arrivée à la bâtisse 8, M. Marcel Lagacé m’a dit qu’il serait intéressé par moi et je cite «moi, je suis intéressé à toi, mais toi ça pas l’air». Je lui ai répondu que non, car je ne voulais pas que d’une «botte» mais d’une vraie relation, qui comprend l’amour, et aussi l’acceptation de mon enfant.

Il ne se souvient pas d'avoir dit cela mais qu'après leur dîner au restaurant Kentucky, il s’est aperçu que quelque chose ne marchait plus. Elle disait qu'il voulait seulement l'avoir pour son sexe. M. Lagacé dit que c'est lui qui a mis fin à la relation.

2) Vers le 23 août. Par la suite, M. Lagacé me suppliait, il s’est déjà même mis à genoux devant moi en me suppliant qu’il me voulait.

Il dit que ce n’est pas vrai qu'il l'a suppliée. M. Lagacé dit que c'est en farce qu'il s'est mis à genoux. Il dit que la caporale G. l'a appelé chez lui, mais qu’il ne l'a jamais appelé chez-elle.

3) En autre temps, on est allé faire un travail qui consistait à déplacer des dix tonnes. Il me touchait les cuisses lorsque l’on était à l’intérieur du véhicule, et me les flattait. Je lui disais d’arrêter que je n’aimais pas ça, mais il continuait en disant «Envoie donc, tu verrais que tu aimerais ça avec moi». J’ai alors did au sgt Martel que ne voulais plus faire les véhicules avec M. Lagacé.

M. Lagacé dit que, oui, il lui a touché les cuisses quand ils sont allés faire du travail qui consistait à déplacer des camions. La caporale lui disait d'arrêter, qu'elle n'aimait pas cela, mais qu’il continuait en disant: «Envoie donc, tu verras que tu aimerais ça avec moi». M. Lagacé nie avoir jamais dit cela.

4) Entre-temps, il me disait souvent «envoie touche s’y donc (montrant son entre-jambe), tu verrais comment elle est dure, tu aimerais ça!» Je lui disait d’arrêter.

M. Lagacé dit qu'il peut avoir dit: «Envoie, touches-y donc (montrant son entre-jambes), tu verras comme elle est dure, tu aimeras cela». Elle lui disait d'arrêter. Le témoin a dit qu'après qu'ils ont mis fin à leur relation, il ne lui a jamais dit «touche moi».

5) Vers le 6 sept. Une fois, j'allais aux toilettes et en entrant dans la toilette des femmes, lui, il sortait du cabinet. Il m'a accoté au mur et m'a «taponné» un sein. Il disait envoie donc laisse toi donc faire. Je l'ai poussé en dehors de la toilette et j'ai barré la porte.

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Decision Page 12 M. Lagacé dit que ce n'est pas arrivé. Il dit que la caporale G. lui a dit: «Y'a rien là» et elle s'est frottée contre lui. Il ne l'a pas accotée au mur; il ne pense pas lui avoir touché un sein. 6) Vers le 23 août. Une fois, il est venu dîner au McDonald avec moi. Il me disait combien il voudrait «m'avoir» et non pas sortir avec moi. Ce qui pour moi veut dire, qu'il [ne] s'agirait [pas] d'une relation stable, avec des sentiments d'amour et l'acceptation de ma fille. Je lui ai encore dit que ce qu'il voulait ne m'intéressait pas. En s'en revenant à la Base, il s'est mis à me prendre les cuisses et les seins. Je lui ai carrément dit d'arrêter car je conduisais et que je n'aimais pas ça. Il m'a même pris la main (de force) et l'a mise sur son entre-jambes. Je lui ai souvent dit que je ne voulais pas qu'il me «taponne». Il le faisait quand même.

M. Lagacé dit que c'est la caporale G. qui l'a invité au McDonald, qu'il a pris sa main, mais pas de force. M. Lagacé dit ne pas avoir «tapponné» la caporale G. après qu'elle lui aurait dit de ne pas le faire.

7) Souvent, il me disait «touche-s'y», je le sais que tu aimerais ça. Que de coucher ensemble serait pour moi la meilleure affaire à faire pour me déstresser et que surtout je ne le regretterais pas.

M. Lagacé nie cette accusation. 8) Souvent, il me regardait (les seins) et faisait des sons comme «hum» que ça serait bon.

M. Lagacé a dit que oui dans le temps ça allait bien il l’a fait, mais pas après. 9) Il m'a même dit, car je repoussais toujours ses avances «, je te veux, sacrement, je te veux, j'ai envie de toi». Je lui ai répondu qu'il savait déjà ce que je pensais.

M. Lagacé dit que oui il a peut-être dit cela quand ça allait bien entre eux. 10) Parfois, lorsque je me retrouvais seule avec lui, il s'approchait très près de moi, au point de me toucher et se «la» frottait. Moi, je me décollais, et m'en allais.

M. Lagacé dit que cela arrivait mais qu'elle allait le voir lorsque ça allait bien ensemble, mais qu’il ne se frottait pas sur elle.

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Decision Page 13 11) Vers le 13 sept. Par la suite, voyant qu'il «ne m'aurait pas», il s'est mis à rire de moi dans le sens que j'étais niaiseuse de ne pas coucher avec lui, que c'était parce que je me retenais, que j'avais peur, que j'étais frustrée des hommes. Il me lançait souvent des jokes (pour lui c'était des jokes). Il était sarcastique et parfois méchant avec moi.

M. Lagacé dit qu'il ne se moquait pas de la caporale G. Elle disait qu'elle avait tous les hommes à ses pieds. M. Lagacé dit qu'il lui a répondu que peut-être elle avait tous les hommes à ses pieds, mais pas lui. Il n'a pas fait de farces sarcastiques à son égard. Quand M. Lagacé faisait référence à son nerf, il dit que c'était son nerf du cou. Il ne s'est jamais touché entre les deux jambes. M. Lagacé dit que c'est en farce qu'il a parlé de relations sexuelles dans un frigidaire, mais c'était vrai qu'il «avait sorti» avec deux filles de la base. 12) Du 20 sept. au 3 oct. J'ai été en congé de maladie. En revenant de congé, il riait souvent de moi à cause de mes oreilles qui cillent et mes maux de tête. Il disait que c'était parce que j'étais trop stressée et poignée, que lui, il me ferait passer ça, mais que je ne voulais pas.

M. Lagacé avoue qu’il lui a dit qu'elle était stressée, mais en farce seulement.

13) 14 oct. J'étais assise à l'ordinateur, il est arrivé derrière moi et il a commencé à me flatter, caresser l'épaule (il était derrière moi) et il commençait à descendre vers l'avant. Je me suis retournée brusquement et lui ai dit «Marcel Lagacé, tu n'as pas d'affaire à me toucher comme ça, tu n'as pas le droit». Il est allé s’asseoir et marmonnait des choses que je ne pouvais comprendre. Je lui ai dit d’arrêter de "tripper", il m'a dit «tu sais c'est quoi tripper, ben moi je ne trippe pas, je badtrippe». A partir de ce moment, il a commencé à être méchant avec moi.

M. Lagacé dit que ce n'est pas vrai, qu’il a seulement mis sa main sur l'épaule de la caporale G. Il ne l'a jamais touché en avant.

M. Lagacé déclare qu'il a dit à la caporale G.: «Tu me fais bad-tripper. Tu me fais sentir mal». 14) M. Lagacé dit que c'est lui qui a parlé au sergent Martel après que M. Stephen Hébert l'a appelé pour lui dire que quelque chose se passait. Il a parlé au sergent Martel une semaine avant de recevoir la plainte.

15) 19 oct. Devant M. Ronald Piché, Marcel se lève et en faisant le fou, méchamment, il se met à sauter d'une jambe à l'autre,

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Decision Page 14 la main dans le cou et en disant «mon nerf-s, mon nerf-s». Il était tellement méchant lorsqu'il a fait ça que j'ai failli pleurer. Mais je me suis retenue pour ne pas qu'il voit qu'il réussissait à m'affecter à ce point. Je lui ai dit qu'il n'avait pas le droit de rire de moi, que c'était pas bien fin et qu'en plus, je n'avais même plus de maux de tête depuis trois semaines.

M. Lagacé dit qu'il a dit cela en farce, pas pour être sarcastique, et que tout le monde faisait des farces. 16) 19 oct. 20 oct. Encore une fois, M. Lagacé recommence encore ses histoires «Aie oyé aie oyé! mon nerf, mon nerf» et ceci méchamment encore une fois. Je lui ai dit d'arrêter ça et que si j'avais mal à quelque part, c'était mon problème pas le sien. Il m'a répondu que mon problème était le fait que je m'appelais [prénom]. «Que de t'appeler [prénom] c'en est un esti de problème». Je ne réponds pas car ça m'a encore fait de la peine et je ne veux pas qu'il me voit pleurer. Après quelques secondes, il se met à rire d'un rire sarcastique. Il est assis sur une chaise dans le bureau tout écarté. Je passe devant lui et il me dit «envoie, envoie touche s'y, j’aimerais ça», je le regarde et je m'en vais. J'aimerais dire que des choses comme j'ai mentionnées ci-haut, il faisait ça à tous les jours ou presque. Des phrases cochonnes et des gestes aussi.

M. Lagacé soutient avoir dit «Aie oyé» seulement une fois, pas deux. Peut-être a-t-il dit à la caporale G. que son problème était le fait qu'elle s'appelait [prénom]. M. Lagacé dit qu'il n'a pas dit: «Envoie, envoie touches-y j'aimerais ça».

17) 21 oct. Cpl Gauley a dit avoir été témoin de certaines choses. C'est aussi lui qui m'a avisé que M. Lagacé me faisait une réputation de «salope, [...], etc.» et que lorsqu'il parlait aux autres gars, il leur disait «essaie de l'avoir, elle a l'air chaude et d'une salope»...

M. Lagacé a juré qu'il n'a jamais dit cela à qui que ce soit. 17) 21 oct. Le PM2 Gagné vient au bureau et demande (pour moi) si tout va bien. C'est alors que je lui dit que je n'en peux plus, que M. Lagacé me harcèle constamment aussitôt qu'il le peut. Le PM Gagné me demande de lui raconter l'histoire et me dit qu'il lui parlerait.

M. Lagacé dit que cette affaire est montée entre M. Gagné et la caporale G.

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Decision Page 15 Une requête d'ajourner est demandée et une continuation a été accordée. L’audience a repris le 12 septembre 1995. Le fonctionnaire s’estimant lésé a poursuivi son témoignage.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé lui a demandé s’il avait suivi des cours sur le harcèlement sexuel au travail avant les événements dont je suis saisi. Il a répondu non; il n’a pas été informé, ni n’a reçu de l’information sur le harcèlement sexuel, même pas depuis les événements de 1993 jusqu’à aujourd’hui.

M. Lagacé a dit qu’il a entendu la phrase «le pouvoir des boules» au moins trois fois depuis le début de cette cause. Il dit que la caporale G. aurait même dit cela devant des témoins que la phrase «pouvoir des boules» lui a fait gagner sa cause. (L’avocat de l’employeur s’est opposé à l’admissibilité de cette partie du témoignage que j’ai autorisé sous réserve de la pondération que je lui accorderais plus tard.) Le témoin dit avoir été présent lorsque cette phrase a été prononcée devant le colonel Pothier.

En contre-interrogatoire, le témoin a admis qu’il ne se sentait pas confortable devant certains des militaires; il se sent encore harcelé par certains hauts militaires. Il dit que c’est M. Gagné qui a commencé toute cette histoire. Il dit que M. Piché s’est parjuré; d’après lui, les témoins se sont parjurés.

En contre-preuve, la caporale G. a dit que ce n’était pas vrai qu’elle était attirée par M. Lagacé. Elle dit ne pas avoir mis sa main sur la cuisse de M. Lagacé. Elle ne l’a pas embrassé comme a dit M. Lagacé. Elle nie avoir dit à M. Lagacé qu’elle pourrait avoir n’importe qui, quand ils sont allés dîner ensemble au restaurant Kentucky. Elle n’a jamais dit qu’elle avait eu sa position par le «pouvoir des boules». La caporale G. a admis que, oui, elle avait peur des araignées. Elle a aussi dit que, durant la première semaine de travail avec M. Lagacé, il l’a touchée et que, oui, après leur dîner au McDonald il l’a touchée. Elle dit que la relation entre elle et M. Lagacé, même durant les premières semaines avant leur dîner aux restaurants McDonald et Kentucky, en était une de tolérance. Elle a dit que, oui, M. Lagacé l’a invitée à sortir avant sa plainte mais elle ne se souvient pas de la date.

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Decision Page 16 Plaidoiries L'avocat de l'employeur m'a renvoyé à la lettre de suspension de 20 jours remise à M. Lagacé par le commandant, le colonel Pothier (pièce E-1). Il m'a renvoyé aux raisons de la suspension (trois accusations de harcèlement sexuel à l’égard de la caporale G.) (pièce E-2)).

C’est une question de crédibilité; croire le témoignage de M. Lagacé ou ceux des cinq témoins, dont trois ont entendu les paroles de M. Lagacé à la caporale G. Y avait-il un complot à l’endroit de M. Lagacé? Les trois témoins, MM. Gauley, Piché et Martel, ne se sont pas parjurés.

L’avocat de l’employeur m'a aussi renvoyé aux paragraphes 3, 4, 5, 6, 13 et 17 de la pièce E-4. Il y a eu de l’harcèlement sexuel. M. Lagacé ternissait la réputation de la caporale G. Le témoin, M. Piché, dit ne jamais avoir entendu cela, les insultes de M. Lagacé à l’endroit de la caporale G. M. Piché a suggéré à celle-ci de porter plainte. Les témoins n’avaient aucune raison de monter un complot contre M. Lagacé. Un arbitre doit tenir compte de l’attitude des témoins pendant leur déposition.

L'employeur a cité sept affaires: Bédard (dossiers de la Commission 166-2-20768 et 20869); Kahlon (dossier de la Commission 166-2-20871); McMorrow (dossier de la Commission 166-2-23967); Potvin (dossier de la Commission 166-2-14871); Mourant (dossier de la Commission 166-2-14877); Robichaud c. Canada (Conseil du trésor), (1987) 8 C.H.R.R. D/4326 (C.S.C.); et Janzen c. Platy Enterprises Ltd., (1989) 10 C.H.R.R. D/6205 (C.S.C.).

Pour toutes ces raisons, je dois rejeter le grief. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a repris les décisions citées par l'avocat de l’employeur. L’affaire Robichaud (supra) a confirmé que l'employeur doit faire obstacle au harcèlement sexuel, que l'employeur doit gérer ses employés. Il a une obligation d'instruire son personnel sur le harcèlement sexuel.

Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé dit qu’au ministère de la Défense nationale il y a une absence totale de formation sur le harcèlement sexuel, avant et après cette affaire. Il faut établir une distinction avec la décision Robichaud. L’employeur a des obligations; aucune preuve médicale professionnelle n’a été déposée Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 17 prouvant que la caporale G. a eu des problèmes médicaux à cause du harcèlement sexuel.

Dans la décision Janzen (supra), il a été mentionné que dans le milieu du travail entre les personnes du sexe masculin et féminin il y a des farces de nature sexuelle. Le sergent Martel a dit devant moi qu’il y avait des farces de nature sexuelle au travail.

Dans la décision Potvin (supra), le fonctionnaire s’estimant lésé a profité de son poste pour exiger des faveurs de nature sexuelle. Il a abusé de son autorité.

Dans la décision Mourant (supra), le fonctionnaire s’estimant lésé se servait de son poste comme Directeur surveillant de bureau pour faire des farces sexuelles.

Dans la décision Kahlon (supra), le fonctionnaire en question a agressé sexuellement la plaignante. La présente cause est différente.

La décision Bédard (supra) portait sur un autre élément. Le fonctionnaire en question a physiquement harcelé une autre personne. Ce n’est pas pareil à l’affaire dont je suis saisi.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé me dit qu’il faut que je regarde les faits qui m’ont été présentés dans la présente affaire. Je dois donner le bénéfice du doute à M. Lagacé au niveau de la crédibilité. Il faut regarder le contexte des faits dont je suis saisi, le milieu du travail, militaire et civil. On sait que pendant les deux premières semaines il y avait des relations personnelles privées entre la caporale G. et M. Lagacé. Le sergent Martel a témoigné qu’ils étaient amicals au début. M. Lagacé a admis que, oui, il a fait certaines choses, avec le consentement de la caporale G. Après que la relation a cessée, il a commencé à avoir des problèmes: les cancans, ouï-dire, rumeurs.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dit que M. Lagacé m’a raconté ce qui s’est passé lors de la première rencontre avec la caporale G. Elle ne nie pas que cela est arrivé (la main sur la cuisse). Pourquoi avoir accepté un autre dîner avec M. Lagacé si elle voulait éviter une occasion comme cela. M. Lagacé ne voulait pas le même genre de relation que la caporale voulait. Le représentant me renvoie à la décision Veillette (dossier de la Commission 166-2-13846).

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Decision Page 18 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé me renvoie au témoignage de M. Poitras (pièce P-3). Il dit que les trois témoins en question n’ont pas contesté devant moi ce qui s’est dit à cette rencontre avec le colonel Pothier. Peut-être les personnes en question n’ont pas dit la vérité lors de leur témoignage devant moi. Un soupçon de mensonge planne sur leurs témoignages. L’une ou l’autre des parties aurait pu embellir son témoignage mais pas M. Lagacé. Il a admis avoir dit certaines choses; il n’a pas nié les frôlements à une certaine époque. Au sujet de l’affaire dans les toilettes, la caporale G. et M. Lagacé étaient seuls. M. Piché dit avoir entendu un cri mais n’a rien fait. Nous ne pouvons croire que c’est arrivé comme la caporale G. le dit.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé m’a renvoyé au rapport du comité d’enquête dirigée par la capitaine Bouchard (pièce E-5) et m’a demandé de porter une attention particulière au déroulement de l’entrevue avec les témoins. Pourquoi est-ce que la caporale G. n’a pas parlé de la deuxième visite au restaurant Kentucky? Peut-être la caporale était-elle frustrée que M. Lagacé n’a pas répondu envers elle. Le représentant me renvoi aussi aux pages 3, 4 et 5 de la pièce E-6 et me demande d’évaluer la crédibilité des témoins.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé me renvoie à la page 4 de la pièce E-7, le témoignage du sergent Martel. Il faut faire attention aux ouï-dire; il y a eu beaucoup de ouï-dire. M. Lagacé a dit que oui il a fait des choses à la caporale G. M. Lagacé ne mérite pas de sanction disciplinaire, il ne mérite pas la suspension de 20 jours. M. Lagacé n’a jamais fait l’objet de sanction disciplinaire dans son poste. Il travaille dans un milieu très singulier. Est-ce que les éléments dans la pièce E-2 ont été prouvés? Il y avait une relation de consentement entre les deux personnes en cause.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé me renvoie à la rencontre des témoins avec le commandant, le colonel Pothier. Auparavant, le colonel Pothier aurait dit qu’il ne savait plus quoi penser (pièce E-3).

En réplique, l’avocat de l’employeur a mentionné six points: 1) on n’a pas besoin de cours sur le harcèlement sexuel pour savoir qu’on ne touche pas aux seins ou aux jambes;

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Decision Page 19 2) l’arbitre doit évaluer la crédibilité des témoins, tenir compte de la pondération des probabilités, se reporter au fardeau de la preuve (civil). Il doit se demander quelle version est plus probable;

3) au début, la caporale G. a payé au McDonald. M. Lagacé s’est invité lui-même; 4) l’histoire de M. Gagné, détacher ses pantalons, n’est pas vrai (voir la pièce P-3); 5) M. Piché n’a rien fait après avoir entendu la caporale G. dans les toilettes parce qu’il venait juste d’arriver dans le bureau;

6) les questions demandées au comité d’enquête sont importantes; les réponses sont devant moi.

Motifs de la décision Le harcèlement est prohibé au Canada par la Loi canadienne sur les droits de la personne., L.R.C. 1985, ch. H-6. Le paragraphe 14 (1) se lit en partie ainsi: 14. (1) Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu:

[...] c) en matière d’emploi. Certes, le paragraphe 3 (1) de cette Loi prévoit qu’une distinction fondée sur le sexe est une distinction illicite. Les affaires Robichaud, supra, et Jantzen, supra, confirment que le harcèlement sexuel constitue de la discrimination fondée sur le sexe.

Il n’y a pas de doute qu’il faut conclure que le harcèlement sexuel ne doit pas être toléré au travail. Dans une étude faite au mois de mars 1993 et intitulée «Attentions sexuelles non sollicitées et harcèlement sexuel», la Commission canadienne des droits de la personne suggère une liste non exhaustive des formes possibles de harcèlement. Je cite:

- les insultes; Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 20 - les remarques, les plaisanteries, les insinuations ou les commentaires mal à propos sur les vêtements d’une personne, son corps, son âge, sa situation de famille, etc.;

- l’étalage de photographies pornographiques, racistes, offensantes, ou humiliantes;

- les mauvais tours qui peuvent être cause de gêne ou d’embarras; - les invitations ou les requêtes importunes, qu’elles soient implicites ou explicites ou l’intimidation;

- les regards concupiscents ou autres gestes associés à la sexualité; - une attitude condescendante ou paternaliste qui porte atteinte à la dignité; - les contacts physiques inutiles, comme les attouchements, les caresses, les pincements, les coups.

J’ai considéré la preuve de tous les témoins ainsi que leur comportement à l’audience et je n’ai aucune difficulté d’accepter la version des événements relatée par la caporale G. Il serait, à mon avis, difficile de trouver un exemple plus parfait et plus complet de harcèlement sexuel. En fait, certains des gestes reprochés au fonctionnaire pourraient constituer des voies de fait.

Je ne puis concevoir, comme M. Lagacé le prétend, une machination de la part des employés qui ont témoigné. J’ai entendu le témoignage de ces employés et je n’ai pas l’impression d’avoir eu devant moi des personnes qui voulaient me tromper ou qui exagéraient. Je n’ai aucune hésitation à les croire.

Il y a peut-être eu une relation à l’amiable entre M. Lagacé et la caporale G. au début, durant les premières semaines au cours desquelles ils travaillaient ensemble. Mais quand M. Lagacé a vu que la caporale G. ne voulait pas le genre de relation qu’il voulait, il aurait accepter sa décision et mettre fin à son comportement disgracieux et vulgaire.

J’accepte la plaidoirie de l’employeur à l’effet que malgré l’absence de conscientisation sur l’harcèlement sexuel, le fonctionnaire aurait savoir que ses

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Decision Page 21 gestes et paroles étaient inacceptables. Toutefois, il pourrait s’avérer fort utile pour l’employeur de voir à une telle conscientisation si cela n’a pas encore été fait.

Pour les motifs susmentionnés, je rejette le grief du fonctionnaire s’estimant lésé.

Richard Labelle, commissaire.

OTTAWA, le 17 septembre 1996

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