Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Négligence - le fonctionnaire s'estimant lésé, un employé assumant la responsabilité d'un programme de repas dans un établissement carcéral, a été licencié pour avoir fait défaut de surveiller et de contrôler de manière appropriée les stocks d'aliments de la cuisine, d'en dresser l'inventaire et de produire les rapports prévus et pour avoir falsifié des rapports afin de dissimuler des pertes de stocks - le fonctionnaire s'estimant lésé affirme qu'il n'avait pas été formé de manière satisfaisante pour accomplir cette tâche, que les gestes qu'il a posés étaient conformes aux pratiques courantes et qu'il avait tenu ses supérieurs hiérarchiques informés de l'état des affaires - l'employeur a contesté ces affirmations - l'arbitre a retenu la version de l'employeur et en est venu à la conclusion que les gestes du fonctionnaire s'estimant lésé avaient anéanti la relation de confiance entre lui et l'employeur - l'arbitre n'a trouvé aucune circonstance atténuante et a jugé que le fonctionnaire s'estimant lésé n'éprouvait aucun remords. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26517 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JOHN CUDMORE fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)

employeur Devant: Yvon Tarte, vice-président Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Jacques Dupont, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur: Roger Lafrenière, avocat Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick),

les 28 et 29 septembre 1995, et les 25 et 26 avril 1996.

Decision Page 1 DÉCISION M. Cudmore a contesté son congédiement à titre de GS-FOS-06 aux services d’alimentation de l’Établissement Westmorland. Au moment de son congédiement, en janvier 1995, le fonctionnaire était responsable du Programme de la préparation de repas en petits groupes depuis sa mise en place en août 1993 à l’établissement carcéral.

En octobre 1994, l’employeur a reçu une lettre anonyme mettant en cause l’intégrité de M. Cudmore et sa capacité d’exécuter les tâches de son poste.

Intrigué par les allégations contenues dans cette lettre, l’employeur a décidé de mener une enquête approfondie sur les activités du fonctionnaire s’estimant lésé relatives au Programme de préparation de repas en petits groupes. Il a découvert des écarts, d’où le congédiement de M. Cudmore.

L’employeur n’a pas mentionné dans les motifs de congédiement les allégations de vol et d’abus d’autorité rapportées dans la lettre anonyme. Je n’en ai donc pas tenu compte dans ma décision en l’occurrence. L’employeur a plutôt invoqué le fait que le fonctionnaire n’avait pas tenu de registres appropriés et avait falsifié certains documents de contrôle des stocks.

Au début de l’audience dans cette affaire et à la demande des parties, j’ai ordonné l’exclusion des témoins. Au début de la séance du 26 avril 1996, M e Lafrenière m’a informé qu’un dirigeant syndical, qui n’était pas un témoin, mais qui avait entendu plusieurs témoignages, avait discuté de certains d'entre-eux avec le personnel de l’Établissement Westmorland.

Le dirigeant syndical en question a avoué avoir désobéi à l’ordonnance d’exclusion et s’en est excusé. J’ai accepté ses excuses tout en lui indiquant qu’il était important de prendre ce genre d’ordonnances au sérieux. J’ai précisé que le non-respect de telles ordonnances était susceptible d’influer sur ma perception de la crédibilité de certains témoins et pouvait même entraîner des accusations d’outrage au tribunal.

En raison de la nature de l’affaire et de la période de temps écoulée, j’ai demandé aux parties d’exposer leurs arguments par écrit. Le texte intégral de ces

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Decision Page 2 arguments est reproduit ci-dessous. Dans une large mesure, les faits sur lesquels repose l’affaire ne sont pas contestés.

Argument de l’employeur [traduction] PARTIE I - GRIEF CONTESTANT LE CONGÉDIEMENT A - Lettre de licenciement du 9 janvier 1995 Le 9 janvier 1995, il a été mis fin, pour des motifs disciplinaires, à l’emploi de John CUDMORE à titre d’agent des services d’alimentation (GS-FOS-06) au sein du Service correctionnel du Canada (SCC). La lettre de licenciement, datée du 9 janvier 1995, a été signée par John GILLIS, directeur de l’Établissement Westmorland (pièce G-1). Cette lettre se lit comme suit :

[traduction] J’ai terminé l’examen complet de la preuve relative à l’exécution du Programme de préparation de repas en petits groupes à l’Établissement Westmorland en tenant compte des commentaires que vous-mêmes et vos représentants avez faits lors des réunions des 23 décembre 1994 et 9 janvier 1995 convoquées pour discuter de votre mauvaise conduite.

Sur la foi de la preuve réunie et selon vos propres aveux, vous n’avez pas dûment appliqué les modalités de surveillance, de contrôle, de tenue des registres et d’établissement des rapports relatifs aux stocks et gardés en réserve; vous n’avez pas correctement indiqué les prix des articles stockés selon les indices des prix; vous n’avez pas dûment surveillé ni contrôlé la distribution des denrées aux unités résidentielles; vous n’avez pas dûment conservé les documents financiers pertinents durant toute la période de conservation prescrite ni dûment fait en sorte que les détenus des unités résidentielles reçoivent des denrées correspondant à la valeur et aux quantités budgétisées et auxquelles ils avaient droit.

De plus, vous avez intentionnellement et délibérément falsifié le Rapport mensuel des Services d’alimentation d’octobre 1994 (Unités résidentielles), formulaire 157 du SCC, en vue de dissimuler les pertes de stocks.

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Decision Page 3 J’ai soigneusement examiné votre mauvaise conduite et votre mauvaise gestion. Votre manque de professionnalisme et votre comportement contraire à l’éthique ont miné de façon irréparable la confiance de la direction.

Par conséquent, en vertu de l’autorité qui m’est dévolue aux termes du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je dois vous informer que, par les présentes, vous êtes licencié du Service correctionnel du Canada à compter de 15 h le vendredi 18 novembre 1994.

En vertu de votre convention collective, vous avez le droit de présenter un grief directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs à la suite à cette mesure.

B - Grief et réponse au dernier palier Le jour même de la réception de sa lettre de licenciement, M. CUDMORE a présenté un grief contestant la mesure disciplinaire. À titre de redressement, il demande la réintégration dans ses fonctions et le remboursement du salaire et des avantages sociaux qu’il a perdus. Le 4 mai 1995, M m e D.M. DUFRESNE, conseillère ministérielle, Ressources humaines, a rejeté le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Voici ce qu’elle dit :

[traduction] Nous avons discuté des circonstances de votre grief avec votre représentant syndical au Bureau national du SESG.

À la suite d’une enquête approfondie entourant les circonstances de votre grief, nous avons conclu que vous aviez commis une infraction grave et que votre comportement avait provoqué une situation les autres gestionnaires avaient perdu confiance en votre capacité d’exécuter les fonctions de votre poste.

Vu les circonstances entourant votre congédiement du Service correctionnel du Canada, votre grief est rejeté.

C - Renvoi à l’arbitrage et audience L’affaire a été renvoyée à l’arbitrage le 9 mai 1995. Elle a été instruite par le président suppléant Yvon TARTE, à Riverview

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Decision Page 4 (Moncton) (Nouveau-Brunswick), les 28 et 29 septembre 1995. L’audience a été ajournée aux 25 et 26 avril 1996 en vue d’entendre le reste de la preuve. Les parties ont accepté de présenter leurs arguments par écrit.

Au début de l’audience, à la demande de l’employeur, M. TARTE a ordonné l’exclusion des témoins. Cette ordonnance devait être valable pour la durée de l’audience. M. TARTE a insisté sur l’importance d’une ordonnance de ce genre dans un cas la crédibilité est en cause. Il a interdit aux témoins présents de discuter de leur témoignage. Il a également émis une mise en garde à l’intention de toutes les personnes présentes en précisant que l’ordonnance s’appliquait à elles également.

L’employeur a cité cinq témoins à comparaître dans le cadre de sa preuve principale : (1) Maurice LEBLANC, directeur adjoint, Services administratifs, (2) Sharon WARD, chef, Finances et Administration, (3) Giles ALLAN, chef d’unité, Établissement de l’Atlantique, (4) Guy POIRIER, chef régional, Budgets et (5) John GILLIS, directeur, Établissement Westmorland.

L’agent négociateur a cité quatre témoins à comparaître au nom du fonctionnaire s’estimant lésé : (1) John CUDMORE, (2) Elroy FLETCHER, superviseur des Services d’alimentation, au Pénitencier de Dorchester, (3) Scott TURRIF, agent des services d'alimentation au Pénitencier de Dorchester, et (4) Paul DEVARENNES, agent extérieur principal, Établissement Westmorland.

L’employeur a subséquemment cité trois témoins en réfutation : Wayne McCLUSKEY, superviseur des Services d’alimentation, Établissement Westmorland, Sharon WARD et Maurice LEBLANC.

Le matin du vendredi 26 avril 1996, l’employeur a appris qu’un représentant de la section locale de l’agent négociateur avait enfreint l’ordonnance d’exclusion. Cette personne avait discuté dans les moindres détails de la déposition des témoins de l’employeur, immédiatement après leur comparution en septembre 1995, avec d’autres membres du personnel de l’Établissement Westmorland. L’infraction n’a pas été contestée devant le président suppléant. Vu les excuses présentées à l’audience, l’employeur ne voit pas la nécessité de divulguer l’identité du représentant en question. Toutefois, l’avocat de l’employeur a fait valoir que le président suppléant devait tenir compte de cette infraction dans sa décision. Ce dernier en a convenu.

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Decision Page 5 Il y a lieu de faire remarquer que deux témoins, Roy FLETCHER et Scott TURRIF, ont été cités à comparaître après cette infraction. Leur témoignage est manifestement douteux puisqu’ils ont tous les deux nié connaître les motifs du congédiement du fonctionnaire s’estimant lésé et s’être renseignés à ce sujet avant leur témoignage. Pourtant, ils étaient tous les deux disposés à avouer, sous serment, avoir falsifié des documents à titre d’agents des Services d’alimentation, un acte de mauvaise conduite identique à celui à l’origine du congédiement du fonctionnaire s’estimant lésé. L’employeur demande que leur témoignage soit entièrement écarté comme étant peu fiable et relevant de l’invention. Quoi qu’il en soit, leur témoignage n’est pas pertinent en l’espèce, étant donné qu’il ne peut être utilisé pour expliquer ou excuser la mauvaise conduite du fonctionnaire s’estimant lésé.

PARTIE II - LES FAITS Introduction La vaste majorité des faits de l’espèce ne sont pas contestés. L’employeur a déposé en preuve un rapport d’enquête interne daté du 20 décembre 1994 (pièce E-7). Ce document décrit en détail les faits et les conclusions sur lesquelles repose le congédiement de M. CUDMORE. Les enquêteurs ont interviewé ce dernier le 24 novembre 1994, et ses réponses ont été incorporées au rapport. Le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué que les notes prises lors de la réunion du 24 novembre (pièce E-9) traduisaient assez fidèlement les déclarations qu’il avait faites aux enquêteurs. On lui a remis, ainsi qu’au représentant de l’agent négociateur, une copie du rapport d’enquête au début de la réunion disciplinaire tenue en présence du directeur de l’Établissement le 23 décembre 1994. Les propos échangés lors de la réunion ont été enregistrés sur bande magnétique et le fonctionnaire s’estimant lésé a également reconnu que la transcription (pièce E-6) était exacte. On a donné jusqu’au 9 janvier 1995 à M. CUDMORE pour communiquer des renseignements additionnels. Il n’a rien ajouté.

Les quelques faits qui sont contestés seront discutés ci-dessous. Il est toutefois important d’insister, à ce stade-ci, sur le fait que chaque fois que s’est posée une question de crédibilité, c’était entre le témoignage de M. CUDMORE et celui d’un autre témoin. Il y a également lieu de faire remarquer que la version et les explications fournies par le fonctionnaire s’estimant lésé ont souvent changé entre le moment il a initialement été confronté par M. LEBLANC, le 15 novembre 1994, et celui il a témoigné devant le

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Decision Page 6 président suppléant. Le récapitulatif de la preuve, extrait des témoignages et des pièces, suit ci-après.

Aux environs du mois d’août 1993, l’Établissement Westmorland (l’Établissement) a instauré le Programme de préparation de repas en petits groupes (PPRPG). Il s’agit d’un établissement à sécurité minimale situé à proximité de Westmorland (Nouveau-Brunswick). Le PPRPG était un projet «pilote» visant à enseigner aux détenus à subvenir à leurs besoins en leur apprenant à commander leurs propres aliments, à établir leur budget et à préparer leurs repas. Avant la mise en œuvre du PPRPG, l’Établissement servait des repas à environ deux cent trente (230) détenus et quatre- vingts (80) à cent (100) membres du personnel dans la cuisine principale. A l’automne de 1992, on a mis en chantier un projet de construction de dix-huit (18) résidences en rangée à l’intention des détenus. Les unités (ou condominiums) étaient conçues pour loger six (6) détenus chacune et comprenaient un salon et une cuisine.

John CUDMORE, en qualité d’agent des Services d’alimentation, a été choisi pour superviser l’exécution du PPRPG. Au moment de la mise en œuvre de ce programme, M. Maurice LEBLANC, directeur adjoint, Services administratifs (SASA), et Sharon WARD, chef, Finances, ont discuté des attentes, des tâches et des responsabilités avec M. CUDMORE. Il allait relever de Wayne McCLUSKEY, chef intérimaire des Services d’alimentation. Ses fonctions, à l’époque, consistaient à aider M. McCLUSKEY à commander de petits articles pour les unités, à organiser la cuisine d’enseignement ainsi qu’à établir des menus et à commencer à commander des denrées en vue d’approvisionner les détenus logés dans les unités à compter de la mi-octobre (pour les petits-déjeuners seulement) et du 1 er décembre 1994 (pour les trois repas).

L’administration du PPRPG se trouvait dans le sous-sol de l’unité «B» du bâtiment de l’administration, juste au nord du complexe principal de bureaux de l’Établissement Westmorland. On avait décidé d’allouer 215 $ par semaine à chaque unité pour les denrées. Les commandes étaient distribuées les mardis et vendredis. Les détenus commandaient leurs denrées au moyen du formulaire intitulé «Commande d’épicerie bihebdomadaire».

Initialement, M. LEBLANC approuvait tous les achats effectués dans le cadre du PPRPG et discutait du déroulement du programme avec M. CUDMORE. Il a également rencontré ce dernier ainsi que M. McCLUSKEY et M Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e WARD à de

Decision Page 7 nombreuses occasions pour discuter de l’aspect budgétaire touchant l’achat des denrées.

Au début, le budget du PPRPG était intégré à celui de la grande cuisine de l’Établissement (la cuisine principale). À la fin de novembre 1994, on a décidé de séparer les deux budgets. À compter du 1 er avril 1994, le budget du PPRPG, 175 000 $, n’était plus inclus dans celui de la cuisine principale, et M. CUDMORE a été fondé de signature. On lui a confié le contrôle du budget et des dépenses connexes.

On a expliqué à M. CUDMORE qu’on lui allouait un budget pour le programme. On lui a aussi dit qu’il était responsable de l’ensemble de son exécution. Ses tâches comportaient notamment la commande de denrées pour les unités, la tenue de stocks appropriés, le paiement des factures et l’embauche de détenus. Il était également tenu d’établir des rapports mensuels, des rapports quotidiens ainsi que des prévisions de trésorerie à la demande de la Section des finances. On lui a indiqué qu’en cas de problème, il pouvait s’adresser à M. McCLUSKEY, M m e WARD ou M. LEBLANC. Entre les mois d’août 1993 et octobre 1994, le tarif quotidien des repas pour le PPRPG, d’après les rapports mensuels des Services d’alimentation, a toujours respecté une fourchette respectable. On n’a jamais soupçonné qu’il pouvait y avoir des écarts ou des problèmes jusqu’à ce qu’on reçoive une note anonyme le ou vers le 11 octobre 1994 (pièce E-7, Annexe D). Cette note se lit comme suit :

[traduction] J’ai décidé de vous écrire parce que je suis préoccupé par le fait qu’un de vos employés (M. John Cudmore) semble abuser de ses privilèges. Je crois qu’il y a lieu de porter cette situation à votre attention.

J’ai été informé de certaines irrégularités à la suite de contacts personnels avec des gens qui connaissent M. Cudmore. Voici d’ailleurs quelques-uns des incidents qui m’ont été rapportés.

Par exemple, il se sert du véhicule de l’État pour acheter des denrées, dont il garde une partie pour son usage personnel. Dans certains cas, il est même allé jusqu’à en offrir en vente. Aux Fêtes de 1993, le coffre de sa voiture était rempli de dindes à vendre. Sauf erreur, il est propriétaire d’un comptoir de commandes à emporter à Shediac et d’un établissement de traiteur. De plus, il utilise des denrées et des ustensiles

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Decision Page 8 provenant de la prison. Il va même jusqu’à se servir parfois du matériel à la prison pour préparer des aliments qui seront vendus dans son entreprise. On a même vu à l’extérieur, dans d’autres entreprises, des personnes porter des uniformes appartenant à la prison. On a souvent vu son fils porter ce genre d’uniforme à l’hôtel Shediac.

Je porte ces faits à votre attention car je crois qu’il est inacceptable qu’un employé du Service correctionnel soit aussi malhonnête et bénéficie d’autant de liberté sans supervision. Il y a quelqu’un qui ne fait pas bien son travail si ce type parvient à déjouer le système de cette façon sans jamais se faire prendre.

Un citoyen très inquiet. Cette lettre a amené une vérification plus attentive des rapports mensuels du PPRPG par M. LEBLANC et M m e WARD. M. LEBLANC a donné l’ordre de vérifier les stocks à la fin du mois d’octobre tant en ce qui a trait au programme qui était administré par M. CUDMORE qu’en ce qui a trait à la cuisine principale afin d’éviter d’éveiller les soupçons de M. CUDMORE. Sharon Ward et Brenda Silliker ont terminé l’inventaire des stocks du PPRPG le 31 octobre 1994.

À la suite d’une vérification, il a été conclu que M. CUDMORE gonflait les prix de certains articles distribués aux détenus. Le 15 novembre 1994, M. LEBLANC et M m e WARD ont décidé de le confronter avec leurs conclusions préliminaires. M. CUDMORE a semblé très nerveux et n’a pu leur expliquer la provenance de ces prix. On lui a demandé d’y songer et de revenir s’expliquer plus tard. Lors d’une réunion de rappel tenue le 17 novembre, M. CUDMORE a affirmé qu’il ne savait pas d’où provenait ces prix. Il a prétendu qu’il «n’avait pas bien surveillé son affaire, c’est tout.»

M. LEBLANC a consulté le commissaire-adjoint intérimaire, M. Jim Davidson, et lui a demandé d’ouvrir une enquête. Le vendredi 18 novembre, M. Giles Allan et M. Guy Poirier ont commencé leur enquête. Pour protéger la preuve et pour éviter toute possibilité de falsification, M. LEBLANC a également décidé de suspendre M. CUDMORE sans salaire en attendant de connaître les résultats de l’enquête.

Enquête Le 18 novembre 1994, M. Giles Allan, un gestionnaire d’unité à l’Établissement de l’Atlantique, et M. Guy Poirier, chef, Analyse du budget, Quartier régional de l’Atlantique, ont

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Decision Page 9 amorcé une enquête interne sur le fonctionnement du Programme de préparation de repas en petits groupes à l’Établissement Westmorland.

Leur enquête a révélé de graves écarts commis par M. CUDMORE dans le cadre de l’exécution du PPRPG. On lira ci-après le résumé de leurs conclusions sur lesquelles repose le congédiement. En ce qui concerne les faits qui sont contestés par M. CUDMORE, on fournit une analyse du témoignage présenté à l’arbitrage.

I - CONTRÔLE DES STOCKS Accessibilité Le fonctionnaire, M. CUDMORE, n’exerçait que peu ou pas de contrôle sur les stocks. De nombreux membres du personnel avaient un accès illimité au secteur ils étaient entreposés. La porte de la réserve était couramment laissée ouverte après les heures d’ouverture, de sorte que quiconque possédait une clé des portes extérieures «du sous-sol» pouvait y avoir accès. Cette allégation n’a pas été contestée par M. CUDMORE.

Inventaires en fin de mois Les inventaires de fin de mois n’étaient pas contrôlés efficacement. Les deux détenus qui travaillaient dans la réserve dressaient les inventaires de fin de mois et établissaient les rapports. M. CUDMORE ne participait pas à cette activité, n’était pas présent au moment des inventaires et tenait en grande partie pour acquis que les niveaux de stocks inscrits par les détenus étaient exacts.

Lors d’une entrevue avec M. CUDMORE tenue le 24 novembre 1994, ce dernier a déclaré que le contrôle des stocks ne faisait pas partie de sa description de travail en qualité de GS-FOS-06. Il a toutefois prétendu que lorsqu’il notait un écart évident dans les quantités de stocks, il effectuait un suivi, mais que c’était très rare.

Distribution des denrées M. CUDMORE ne surveillait pas la distribution des denrées remises aux unités résidentielles les mardis et vendredis. Les détenus affectés à la réserve remplissaient les commandes de denrées en enregistrant les quantités, et s’occupaient de la distribution. Le processus ne prévoyait pas la vérification de la liste d’épicerie par les détenus, pour confirmer que les marchandises commandées avaient réellement été reçues. Il n’y avait pas non plus de mécanisme en place prévoyant la

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Decision Page 10 signature par les détenus d’un accusé de réception des marchandises reçues.

Redressement des stocks M. CUDMORE effectuait couramment des visites dans les unités résidentielles et retirait des denrées des cuisines sous le prétexte que les détenus gardaient un approvisionnement excessif. Il avait déjà fait l’objet d’une entrevue-conseil à l’issue de laquelle on l’avait enjoint de cesser cette pratique. Les denrées, une fois confisquées, étaient restockées dans la réserve de l’unité «B», en vue d’être redistribuées ultérieurement. Les niveaux de stocks n’étaient pas redressés en conséquence.

Utilisation de la cuisine d’enseignement Au moment de la mise en place du PPRPG, l’objectif premier était de former un détenu de chacune des dix-huit (18) unités résidentielles à la préparation des repas. Une cuisine avait été entièrement équipée à cette fin. M. CUDMORE ainsi qu’un détenu cuisinier se sont occupés de la formation des détenus en s’approvisionnant dans les réserves jusque vers le mois de juin ou juillet 1994. À partir de ce moment-là, toutefois, les détenus ont commencé à moins s’intéresser à cette activité et le programme de «formation» a, à toutes fins utiles, cessé.

Lors de l’entrevue du 24 novembre 1994, M. CUDMORE a affirmé que 12 à 16 employés prenaient leurs repas quotidiennement dans la cuisine d’enseignement. On utilisait les denrées de la réserve du Programme de préparation de repas en petits groupes. On n’a pas tenu de registre des stocks qu’on utilisait. Par conséquent, les niveaux d’inventaire n’étaient pas redressés de façon à refléter le présumé usage qu’on en faisait.

Lors de l’arbitrage, M. CUDMORE a déclaré qu’il avait essayé maintes fois d’interdire au personnel de se nourrir dans la cuisine d’enseignement. Il a en outre prétendu qu’il avait demandé l’aide de M. LEBLANC et de M mais que ceux-ci l’avaient rabroué. Son témoignage contredit celui de M. LEBLANC et de M m une version différente aux enquêteurs et au directeur de l’Établissement respectivement.

M. LEBLANC a déclaré que c’est lui qui avait initialement demandé à M. CUDMORE de mettre un terme à la pratique de servir des repas au personnel lorsqu’il avait appris, en novembre ou en décembre 1993, que certains employés se procuraient des «sucreries». M. LEBLANC a affirmé que

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m e WARD à cet égard, e WARD. De plus, il a raconté

Decision Page 11 M. CUDMORE lui avait répondu : «Pas de problème.» Il a également précisé qu’il ignorait que la pratique s’était poursuivie avant d’avoir entendu des rumeurs à cet effet au printemps ou au début de l’été 1994. Il a de nouveau demandé à M. CUDMORE de mettre un terme à cette pratique. M. CUDMORE a répondu, selon M. LEBLANC : «Eh bien, ils (le personnel) continuent de descendre. Qu’ils mangent dans la grande cuisine ou en bas, ça ne fait pas de différence.» Il a convenu, toutefois, d’y mettre un terme. M. LEBLANC ne savait pas que M. CUDMORE continuait de nourrir le personnel jusqu’au jour lui-même et M m e WARD l’ont confronté au sujet des prix gonflés (le 15 novembre 1994). M. CUDMORE a prétendu que les prix avaient été gonflés pour dissimuler le coût des repas du personnel.

M m e WARD a déclaré qu’elle ne savait pas que M. CUDMORE servait des repas au personnel. De plus, elle a nié, en réfutation, que ce dernier lui ait demandé de l’aide pour mettre un terme à l’habitude du personnel de se faire servir des repas dans la cuisine d’enseignement.

Au cours de l’entrevue avec les enquêteurs, M. CUDMORE a été interrogé au sujet du gonflement des prix unitaires (pièce E-9, pages 5 et 6) :

Q. C’est quelqu’un qui vous l’a suggéré? R. Non. Personne ne m’a demandé de faire quoi que ce soit. Personne ne m’aurait dit de ne pas le faire (nourrir le personnel).

M. CUDMORE s’est contredit lors de l’audience disciplinaire du 24 décembre 1994 (pièce E-6, pages 5 et 6) :

John Gillis : D’accord, vous aviez l’habitude de servir des repas au personnel dans la cuisine d’enseignement. Quand avez-vous officiellement cessé de le faire?

John Cudmore : Le 1 er novembre, mais un ou deux employés ont continué ... juste pour voir s’ils pouvaient obtenir quelque chose ou ...

John Gillis : Vous a-t-on dit de mettre un terme à cette pratique?

John Cudmore : Si on m’a dit? John Gillis : Hum, hum. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 12 John Cudmore : Officiellement, par écrit, non. John Gillis : Verbalement? John Cudmore : Verbalement - oui, mais quand je n’étais pas là, même Wayne y allait et les gars continuaient de servir des repas.

John Cudmore : On a dit que nous ne devions pas leur servir de repas... nous ne devions pas.

Niveaux des stocks indiqués dans les relevés On a retrouvé cinquante six (56) boîtes de chair de crabe dans le bureau de M. CUDMORE, qui n’avaient pas été consignées dans le relevé des stocks de la fin du mois d’octobre. On en avait acheté soixante-douze, mais on n’en a trouvé que cinquante six. Il n’y a pas eu de distribution de boîtes de chair de crabe dans les unités résidentielles en octobre. De plus, la chair de crabe ne figurait pas dans les listes de commande d’épicerie.

II - PRATIQUES D’ÉTABLISSEMENT DU PRIX DES ARTICLES EN STOCK

Les prix indiqués dans les relevés de stocks de fin de mois étaient substantiellement plus élevés que le coût de certains articles. Un exemple qui a initialement éveillé les soupçons était le prix de 2,05 $ la boîte de thon émietté indiqué dans le relevé de la fin du mois d’octobre. D’après le registre des achats, il coûtait 0,90 $ la boîte. Le prix avait donc été gonflé de 1,15 $ la boîte.

Lors d’une entrevue, le 94-11-24, on a demandé à M. CUDMORE de justifier les prix qu’il avait indiqués dans le relevé de la fin d’octobre. Il a d’abord cherché à calculer les chiffres, mais ne pouvant les justifier, il a prétendu que c’était les prix qu’il avait indiqués au début du programme et qu’il ne les avait pas changés depuis. Interrogé plus à fond, étant donné que les relevés en main indiquaient une différence de prix par rapport au prix courant, M. CUDMORE a déclaré : «Je ne puis justifier les prix.»

M. CUDMORE a poursuivi en disant qu’il avait volontairement gonflé ou ajusté les prix pour masquer la consommation de denrées dans la cuisine d’enseignement. Il a affirmé que chaque jour, de 12 à 16 employés y étaient nourris outre les 6 détenus et lui-même. Il avait par conséquent ajusté les chiffres en fonction du coût d’exploitation de la cuisine.

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Decision Page 13 M. CUDMORE a précisé : «Il n’y avait pas de crédits alloués pour le faire... il n’y avait pas d’autre façon de le dissimuler (le coût).»

Lors de l’arbitrage, M. CUDMORE a réitéré que «ses chiffres représentaient les prix qu’il avait indiqués au début du programme et qu’il ne les avait pas changés depuis». Deux pièces déposées par consentement contredisent carrément cette déclaration. Une comparaison des prix unitaires indiqués dans les relevés de fin de mois pour les mois de mai, juin, juillet, septembre et octobre 1994 (pièces E-11 et E-12) révèle que certains d’entre eux avaient changé au cours de cette période.

En raison de la pratique de gonfler les prix, les détenus de l’unité résidentielle recevaient moins de denrées que ce qui leur était alloué, soit une valeur de 215 $ par semaine. En bout de ligne, en octobre 1994, il manquait 4 127,04 $ pour les 18 unités résidentielles. De par le seul gonflement des prix, chaque unité résidentielle recevait 63,05 $ de moins en denrées alimentaires. De plus, ce gonflement des prix par M. CUDMORE a eu pour effet de surévaluer de 4 634,62 $ la valeur des stocks du mois d’octobre.

III - PRÉSENTATION DE L’INFORMATION FINANCIÈRE Le Rapport mensuel des Services d’alimentation comportait les rubriques suivantes : 1) le Nombre de jours-repas (détenus) 2) le Total des achats et 3) le Coût des aliments consommés. Cette information devait permettre à M. CUDMORE de calculer le coût réel («actuel» [sic] dans le formulaire) des aliments consommés par les détenus, aussi appelé le «coût par jour».

Au cours de l’été de 1994, en l’absence de M. McCLUSKEY, M. CUDMORE a assuré l’intérim à titre de superviseur adjoint des Services d’alimentation. Durant cette période, M. CUDMORE a rempli tous les formulaires mensuels lui-même pour les deux secteurs de travail. Subséquemment, il a continué de remplir les deux rapports mensuels («Cuisine principale» et «Unité résidentielle») qu’il faisait signer par M. McCLUSKEY.

M. CUDMORE a avoué avoir intentionnellement «gonflé» le prix des denrées distribuées aux détenus, ce qui influait sur la valeur des stocks à la fin du mois. Cela lui permettait de dissimuler le coût des repas servis dans la cuisine d’enseignement. Encore une fois, selon M. CUDMORE, la différence ne pouvait se justifier autrement qu’en manipulant

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Decision Page 14 les chiffres de la fin du mois afin d’obtenir un «coût par jour» acceptable. Cette manipulation n’éveillait pas les soupçons et l’on ne s’interrogeait pas à ce sujet.

Pour le mois d’octobre 1994, M. CUDMORE a indiqué une valeur de 19 404 $ comme stock en début de période (pièce E-7, Annexe E). Cette valeur est inexacte. Plusieurs articles d’une valeur totale de 2 771,84 $ n’étaient pas comptabilisés dans le rapport de la fin de septembre. De plus, la somme de 1 744,09 $ n’est pas entrée en ligne de compte dans le total de la fin de septembre pour les aliments en réserve pour octobre, qui avaient été distribués avant l’inventaire.

Les achats effectués dans le cadre du Programme de l’agroentreprise du PPRPG ont totalisé 5 498 $ en octobre. Le Rapport mensuel des Services d’alimentation pour ce mois-là indiquait cependant une somme de 10 178 $. Ce montant était, en fait, le chiffre des achats du Programme de l’agroentreprise pour la cuisine principale. De même, le total des achats n’incluait pas une facture impayée de 1 264,80 $. Le total des achats réels effectués en octobre pour le secteur de M. CUDMORE s’élevait à 18 309 $. Cela signifiait que M. CUDMORE avait gonflé de 3 415 $ les achats effectués.

Lors de l’arbitrage, M. CUDMORE a déclaré que la «permutation» des chiffres du Programme de l’agroentreprise avait été effectuée en vue d’éliminer un écart qu’il avait remarqué dans les stocks de la cuisine principale. Il a affirmé qu’il avait un excédent de 5 000 $ dans le budget du PPRPG ce mois-là. Il a également prétendu que cela avait été fait au vu et au su de M. McCLUSKEY et avec son consentement. M. McCLUSKEY a contredit les déclarations de M. CUDMORE à ce sujet.

L’employeur fait remarquer que la question de la participation active de M. McCLUSKEY à la falsification des rapports mensuels du mois d’octobre a été soulevée par M. CUDMORE pour la première fois lors de l’arbitrage. Elle n’a pas été soulevée durant l’enquête, ni à l’audience disciplinaire. L’allégation a été réfutée par M. McCLUSKEY. M. CUDMORE a déclaré que lui-même et M. McCLUSKEY avaient préparé les rapports mensuels ensemble. M. McCLUSKEY l’a catégoriquement nié. Il a déclaré que les rapports avaient été préparés par M. CUDMORE et déposés sur son bureau. Au cours de l’enquête, M. CUDMORE a offert l’explication suivante (pièce E-9, page 2) :

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Decision Page 15 [traduction] C’est à ce moment-là que je lui ai montré le Rapport mensuel des Services d’alimentation pour le mois d’octobre (I 994). Il a déclaré qu’il avait rempli le formulaire et que c’était «mes chiffres». En guise d’explications supplémentaires, M. CUDMORE a indiqué qu’il n’avait pas inscrit les chiffres, mais que quelqu’un d’autre (un détenu), peut-être Michel BOWES, l’avait fait.

M. McCLUSKEY a également affirmé qu’il avait été informé du problème lorsque M. CUDMORE s’était mis en rapport avec lui le 14 novembre (1994) pour lui dire que la facture du Programme de l’agroentreprise comportait une erreur.

M. CUDMORE a indiqué dans le relevé de la fin d’octobre du PPRPG, qu’il avait un stock d’une valeur de 25 345 $ (pièce E-7, Annexe E). Le chef, Finances a procédé à une réévaluation des stocks à la fin d’octobre et a déterminé qu’il y en avait pour 20 710 $, soit 4 635 $ de moins que le montant indiqué dans le relevé.

IV - CONSERVATION DES REGISTRES Le SCC a adopté des politiques bien précises concernant la conservation des registres financiers (pièce E-7, Annexe V). Les documents financiers pertinents relativement à certaines périodes de conservation manquaient. M. CUDMORE a reconnu qu’il les avait détruits. Dans certains cas, on a pu retrouver des registres partiels, mais c’était insuffisant pour permettre une analyse en profondeur des activités du PPRPG. On a fouillé le bureau de M. CUDMORE et les seuls dossiers qu’on a pu trouver étaient les suivants :

Feuilles de commande d’épicerie bihebdomadaire (période 94-08-16/31)

Feuilles de commande d’épicerie bihebdomadaire (période septembre 1994) (sauf 94-09-06/10)

Feuilles de commande d’épicerie bihebdomadaire (période 94-02-15/22)

Registres des stocks de fin de mois (novembre, décembre 93, janvier, mars, avril (manuscrit) juin, juillet 94)

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Decision Page 16 À l’arbitrage, M. CUDMORE n’a pas contesté le fait que les documents ci-dessus étaient tous des documents qu’on avait trouvés dans son bureau. Lors de l’entrevue du 94-11-24, M. CUDMORE a affirmé qu’il gardait des registres pendant 7 à 12 semaines et : «je jetais les autres; personne ne s’y est jamais opposé.» M. CUDMORE a prétendu qu’il manquait d’espace pour conserver les feuilles de commande d’épicerie. Toutefois, les enquêteurs ont constaté que M. CUDMORE utilisait moins de la moitié de l’espace disponible dans son classeur.

L’explication fournie par M. CUDMORE pour justifier le fait qu’il ne respectait pas la politique de conservation des registres était que personne ne lui avait jamais expliqué les exigences et qu’il n’avait jamais reçu de formation à cet égard. Cette excuse est peu vraisemblable compte tenu de la formation approfondie qu’il a reçue et de son expérience à titre de superviseur intérimaire des Services d’alimentation (pièce E-7, pages 20-21). M. CUDMORE a en outre prétendu qu’il avait dit à M. LEBLANC, au cours de l’instruction du grief d’un détenu, qu’il détruisait les documents au bout de 7 à 12 semaines. Contre-interrogé, M. CUDMORE a reconnu qu’il ne pouvait pas se souvenir l’avoir spécifiquement mentionné à M. LEBLANC.

Audience disciplinaire et décision À la suite de la réception du rapport d’enquête, le directeur de l’Établissement a convoqué une audience disciplinaire le 23 décembre 1994. Une transcription de l’audience a été déposée sous le numéro de pièce E-6. D’après le directeur de l’établissement, M. CUDMORE a eu une autre occasion de s’expliquer le 9 janvier 1995. M. CUDMORE nie qu’on lui ait offert cette possibilité. Son propre témoin, Paul DEVARENNES, soit le représentant syndical, le contredit à ce sujet. M. DEVARENNES a confirmé que le directeur avait offert au fonctionnaire s’estimant lésé une autre occasion de s’expliquer, mais que M. CUDMORE avait décliné l’offre.

Le directeur a déclaré qu’il considérait les allégations de mauvaise conduite comme étant une infraction grave. Il a tenu compte du fait que M. CUDMORE était sensé être un modèle de comportement pour les détenus et qu’il les avait trompés. Le directeur a affirmé qu’il avait pris en considération toutes les circonstances atténuantes et aggravantes. Il avait tenu compte du nombre d’infractions et de la gravité de chacune d’elles. Il avait aussi tenu compte du milieu se sont produits les incidents. Dans un établissement correctionnel, le personnel doit corriger les comportements antisociaux et, par conséquent, se montrer

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Decision Page 17 ouvert, être irréprochable et se comporter de façon exemplaire.

Le directeur avait conclu que le fonctionnaire n’était pas un modèle de sérieux et de personne digne de confiance. Il avait examiné les facteurs atténuants, tels que les états de service et le rendement antérieur de M. CUDMORE. Toutefois, le fait que ce dernier ait refusé d’admettre sa mauvaise conduite et d’exprimer des remords, l’avait amené à conclure que «cette personne n’était pas réhabilitable».

PARTIE III - ARGUMENT L’employeur soutient que les motifs du congédiement ont tous été démontrés selon la prépondérance des probabilités. Ces motifs sont ainsi exposés dans la lettre de licenciement :

Sur la foi de la preuve réunie et selon vos propres aveux, vous n’avez pas dûment appliqué les modalités de surveillance, de contrôle, de tenue des registres et d’établissement des rapports relatifs aux stocks et gardés en réserve; vous n’avez pas correctement indiqué les prix des articles stockés selon les indices des prix; vous n’avez pas dûment surveillé ni contrôlé la distribution des denrées aux unités résidentielles; vous n’avez pas dûment conservé les documents financiers pertinents durant toute la période de conservation prescrite ni dûment fait en sorte que les détenus des unités résidentielles reçoivent des denrées correspondant à la valeur et aux quantités budgétisées et auxquelles ils avaient droit.

De plus, vous avez intentionnellement et délibérément falsifié le Rapport mensuel des Services d’alimentation d’octobre 1994 (Unités résidentielles), formulaire 157 du SCC, en vue de dissimuler les pertes de stocks.

M. CUDMORE a fini par avouer qu’il avait intentionnellement manipulé les prix unitaires des stocks. Il a offert à divers moments de nombreuses explications contradictoires pour l’avoir fait. Il a, dans un premier temps, nié toute responsabilité concernant le changement des prix unitaires sur les listes d’épicerie bihebdomadaires. Il a ensuite tenté de se justifier en disant qu’il voulait s’assurer d’obtenir un coût par jour «acceptable». Il a également déclaré ne pas avoir consacré beaucoup de temps aux inventaires, étant donné que cela ne faisait pas partie de sa description de travail à titre de GS-FOS-06 et qu’on ne lui avait jamais donné de directive ou de ligne directrice à suivre.

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Decision Page 18 Lors de l’entrevue avec les enquêteurs, le 24 novembre 1994, M. CUDMORE a imputé une grande partie des erreurs commises dans l’établissement des relevés, les prix et le contrôle des stocks à son manque de formation ou d’orientation ainsi qu’au fait qu’il n’était qu’un GS-FOS-06. Quand on lui a demandé ce qu’il aurait accompli différemment s’il avait été classé au niveau GS-FOS-07, il a répondu, après une longue pause : «Je serais responsable de... (pause)... je ne sais pas.»

La preuve laisse supposer que M. CUDMORE connaissait fort bien ses tâches et responsabilités. Il a reçu des directives et du counselling à plusieurs occasions concernant son rôle et ses responsabilités à titre de superviseur de ce secteur. Il connaissait ou aurait connaître ses responsabilités à ce titre. M. LEBLANC et M m e WARD l’ont rencontré au moment du lancement du programme et plusieurs fois par la suite pour renforcer chez lui le besoin de dresser l’inventaire efficacement et d’exercer d’autres mesures de contrôle.

M. CUDMORE a également bénéficié d’une formation en cours d’emploi et, plus spécifiquement, a assisté à un atelier organisé dans le cadre du PPRPG. Il a assuré l’intérim du poste GS-FOS-07 (superviseur adjoint des Services d’alimentation) à de nombreuses occasions et pour de longues périodes. En fait, M. CUDMORE s’est vanté, dans un curriculum vitae, d’avoir effectué les tâches de «[...] gestion de toutes les ressources financières, humaines et matérielles du Service d’alimentation, lequel est distinct de la cuisine principale» (pièce E-7, Annexe W).

La question à trancher est de savoir s’il était possible que M. CUDMORE, fort de toute son expérience en supervision et de la formation poussée qu’il a reçue, ne connaisse pas ses responsabilités financières et opérationnelles concernant la surveillance, le contrôle, la tenue des stocks et la gestion des ressources financières? L’employeur soutient que ce n’est pas possible.

La preuve a révélé que M. CUDMORE avait reçu une formation et une orientation suffisantes. Le bon sens commande qu’un employé qui constate des pertes à l’inventaire commence par prendre des mesures pour corriger la situation. M. CUDMORE ne l’a pas fait. Si l’employé est incapable de régler un problème, il devrait en aviser son superviseur. Nous soutenons que M. CUDMORE ne l’a pas fait, même s’il affirme en avoir discuté avec M. LEBLANC et M m e WARD. À la réunion du 24 novembre 1994 avec les enquêteurs, M. CUDMORE a prétendu avoir porté les

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Decision Page 19 problèmes à l’attention de quelqu’un, mais a refusé de nommer la personne en question (pièce E-9, page 7).

L’achat de la chair de crabe et son entreposage dans le bureau de M. CUDMORE minent également sa crédibilité. D’une part, il prétend qu’il gardait les boîtes dans son bureau pour prévenir tout chapardage, d’autre part, il ne prend aucune mesure ou presque pour surveiller le reste des articles en stock. De plus, ces boîtes de chair de crabe, que M. CUDMORE a reconnu comme étant précieuses dans l’Établissement, ne figuraient pas sur les feuilles de stocks jusqu’à ce qu’elles soient découvertes par le personnel qui a effectué la vérification le 31 octobre 1994. L’employeur soutient que ces faits démontrent clairement que le fonctionnaire achetait des produits alimentaires à des fins autres que l’alimentation des détenus. Ayant distribué ces articles à son gré, M. CUDMORE ne peut être perçu que comme quelqu’un qui s’achetait des faveurs.

On estime qu’il manque 2 500 $ en nourriture. L’explication fournie par M. CUDMORE pour justifier la différence est le coût élevé de l’exploitation de la cuisine d’enseignement attribuable aux repas servis au personnel. Nous soutenons que l’estimation de M. CUDMORE concernant le nombre d’employés qui se nourrissaient sur une base quotidienne est grandement exagérée. Il n’existe aucune preuve corroborant sa déclaration selon laquelle on nourrissait un grand nombre d’employés quotidiennement. De plus, la consommation d’aliments par le personnel n’aurait représenté que de petites quantités à un coût minimal.

La falsification des rapports mensuels des Services d’alimentation (pièce E-7, Annexes E et F) discrédite complètement le fonctionnaire. De son propre aveu, M. CUDMORE a reconnu qu’il savait que M. LEBLANC se fierait à la véracité de l’information qu’il lui transmettait. L’employeur soutient que M. McCLUSKEY avait également le droit de pouvoir se fier à l’honnêteté du fonctionnaire.

Il s'agit d'un acte conscient et délibéré de violation de l’article 80 du Manuel du Conseil du Trésor (chapitre 8-1 LGFP) sur la gestion financière (pièce E-7, Annexe T), lequel stipule ce qui suit :

80. Commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, une amende maximale de cinq mille dollars et un emprisonnement maximal de cinq ans le percepteur, gestionnaire ou ordonnateur de fonds publics qui, selon le cas :

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Decision Page 20 b) [...] donne à autrui l'occasion de commettre une telle fraude;

d) dans les cas il lui appartient, au titre de ses fonctions, de porter des inscriptions dans un livre ou d'établir des certificats ou des rapports, volontairement porte ou signe une fausse inscription ou établit ou signe un faux certificat ou rapport;

Les faits établissent clairement que M. CUDMORE a sciemment et volontairement porté de fausses inscriptions dans le Rapport mensuel des Services d’alimentation du mois d’octobre ainsi que dans les registres de stocks en main. Même si le président suppléant conclut que M. McCLUSKEY était au courant de la falsification, ce que ce dernier nie, nous soutenons qu’un superviseur ne peut fermer les yeux sur un acte criminel ni le sanctionner.

Le Plan d’ordonnancement et de classification des dossiers du SCC (pièce E-7, Annexe V) précise que tout dossier relatif aux systèmes de contrôle doit être conservé pendant un minimum de trois (3) ans. La nécessité de conserver les registres financiers qui peuvent justifier les chiffres de fin de mois est évidente. C’est la seule façon que l’on a de déterminer l’exactitude de la vérification de l’efficacité d’une exploitation. M. CUDMORE a reconnu qu’il savait que le Ministère effectuait des vérifications.

Le fonctionnaire peut faire valoir que l’employeur aurait le surveiller plus étroitement. L’employeur n’est pas d’accord. Le fait est que les employeurs ont le droit de s’attendre à ce que les employés adhèrent à des règles raisonnables et, plus particulièrement, à ce qu’ils soient honnêtes. L’honnêteté est la pierre angulaire de la relation employeur-employé. Le travail qu’on a demandé au fonctionnaire d’exécuter exigeait qu’il agisse sous un minimum de supervision. Il s’agissait d’un poste de confiance. Les rapports mensuels présentés par le fonctionnaire constituaient un mécanisme suffisant pour surveiller son rendement. La possibilité d’une vérification permettait simplement de contrôler l’exactitude de l’information fournie. L’employeur soutient qu’il avait de bonnes raisons de ne plus faire confiance au fonctionnaire. Par conséquent, le grief devrait être rejeté.

PARTIE IV - DÉCISIONS D’ARBITRAGE L’affaire Moore (dossier de la Commission : 166-2-23658) concernait le congédiement d’une employée par suite de deux demandes frauduleuses consécutives de prestations Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 21 d’assurance-chômage qui ont permis à une autre personne de toucher soixante-cinq semaines de prestations auxquelles elle n’avait pas droit. M. Turner, appelé à examiner la gravité de l’allégation de fraude, a conclu :

Le fonctionnaire fédéral qui commet intentionnellement une fraude se rend coupable d’un grave abus de confiance et doit être puni en conséquence. Au moment il doit décider de la peine à infliger, l’employeur se doit d’être sévère, sauf s’il est saisi de toutes les circonstances atténuantes qui ont pu inciter la personne à commettre ce crime.

[...] [...] Être déloyal envers un employeur, cela porte directement atteinte aux responsabilités qui nous sont confiées, bien que j’admette que la fonctionnaire n’a pas profité personnellement de la fraude.

L’infraction de M m e Moore était grave, préméditée et répétitive. Même en tenant compte de ses longs états de service ainsi que de la sympathie et de la compassion que j’éprouve pour elle et sa famille, je ne puis modifier la sanction imposée. À mon avis, son employeur avait raison lorsque, dans sa réponse au grief au dernier palier de la procédure, il a écrit que les «nouveaux» éléments de preuve (le «facteur peur» et la relation que M m e Moore entretenait avec M. Giesbrecht) qui lui avaient finalement été révélés ne justifiaient pas la réduction de la peine et étaient insuffisants pour que la direction puisse conclure qu’elle était toujours «digne de la confiance, et qu’elle possédait encore les qualités d’honnêteté et d’intégrité que requérait l’exercice des fonctions et responsabilités d’un agent du niveau I».

Bien que M m e Moore regrette ce qu’elle a fait et qu’elle ait tiré une dure leçon de sa conduite, le fait que l’employeur a totalement perdu confiance en elle ne me permet pas d’annuler son congédiement.

Le grief est donc rejeté. (Les caractères gras sont de moi)

Le fonctionnaire fera sans doute valoir que sa mauvaise conduite, tout en relevant de la négligence, n’était pas intentionnelle contrairement à l’argument soulevé dans l’affaire Potvin (dossier de la Commission : 166-2-23870). Il

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Decision Page 22 existe des distinctions importantes entre l’affaire Potvin et la présente. Dans Potvin, le président suppléant a conclu qu’à l’époque les superviseurs du fonctionnaire ne veillaient pas à appliquer les politiques ministérielles concernant les registres de congés. Il a déterminé que :

M. Potvin a commis un acte répréhensible, mais son geste n’était pas aussi grave que le dit son employeur. Il s’agit plutôt d’actes de négligence et non d’une fraude volontaire et délibérée. Les circonstances qui existaient à l’époque atténuent la gravité de l’inconduite de M. Potvin.

Nous soutenons qu’il n’existe pas de circonstances qui «atténuent» la gravité de la mauvaise conduite de M. CUDMORE. On ne lui avait pas demandé de «jouer» avec les prix unitaires ni de «remanier» les montants. On n'a présenté aucun élément de preuve démontrant que cette pratique avait cours à l’Établissement Westmorland ni qu’elle était tolérée.

Dans l’affaire Swan (dossier de la Commission : 166-2-3579), le vice-président Cantin a maintenu le congédiement d’une employée accusée d’avoir falsifié les registres de caisse. Il a déclaré :

Les preuves produites dans la présente affaire visent à démontrer que l’employée s’estimant lésée a sciemment falsifié les livres de caisse pour que les vérificateurs ne découvrent pas l’absence d’une somme d’argent d’environ 900 $. L’absence de cette somme d’argent a été constatée quelque temps auparavant par l’employée s’estimant lésée, mais celle- ci ne l’a déclarée à ses supérieurs que le 12 août 1977. La modification des livres de caisse avait certainement pour but, comme je l’ai indiqué précédemment, d’induire en erreur et il n’y a pas de doute dans mon esprit qu’il y a eu manque d’honnêteté. En effet, il n’est pas nécessaire qu’un employé commette un vol pour qu’il soit considéré comme étant malhonnête. Selon le Webster’s New Collegiate Dictionary, la malhonnêteté se définit comme suit : «lack of honesty or integrity; disposition to defraud or deceive» (manque d’honnêteté ou d’intégrité; disposition à frauder ou tromper). Quant à l’honnêteté, elle est définie comme suit : «fairness and straightforwardness of conduct» (équité et droiture dans la conduite). M. Laskin, qui devait devenir par la suite juge en chef du Canada, a déclaré en 1959, dans l’affaire Canadian General

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Decision Page 23 Electric and United Electrical Workers, Local 524, 1 L.A.C. 320, ce qui suit :

McIvor a été congédié pour cause de malhonnêteté. Il s’agit de la faute la plus grave dans l’exercice d’un emploi ...

Young, sous le titre At the Point of Discharge, à partir de la page 27, cite un certain nombre d’affaires il y a eu malhonnêteté et qui se sont terminées par un congédiement.

Je désire maintenant examiner les motifs invoqués par les arbitres pour réduire la pénalité initialement infligée par l’employeur. Ces motifs sont souvent assimilables aux circonstances atténuantes et sont décrits en détail dans la décision susmentionnée rendue dans l’affaire Steel Equipment Co. Ltd. and United Steelworkers, aux pages 356 à 358. L’une de ces circonstances consiste à déterminer si la faute a été un incident isolé dans la vie professionnelle de l’auteur du grief. Or, je n’estime pas que, dans la présente affaire, il n’y a eu qu’un incident; il y en a eu au contraire plusieurs. Une autre circonstance exige de déterminer si la faute a été commise sous l’impulsion du moment, par suite d’une aberration momentanée, en raison de vifs sentiments personnels, ou s’il s’est agi d’une faute préméditée. Or, il est clair aussi, dans cette affaire, qu’il y a eu préméditation. Une dernière circonstance dont il doit être tenu compte tient à la gravité de la faute.

Il a été décidé, au sujet des circonstances atténuantes, que dans la présentation de tout grief par lequel un employé désire contester le bien-fondé de la pénalité, celui-ci a l’obligation de prouver lui-même l’existence de telles circonstances atténuantes. C’est ce qui a été décidé dans les affaires Phillips Cables Ltd. (1974), 6 L.A.C. (2d) 35 (Adams), Canadian Car Fort William Division of Hawker Siddeley Canada Ltd. (1968), 19 L.A.C. 375 (O’Shea), dont des extraits son cités dans Baton Broadcasting Ltd. (1970), 21 L.A.C. 7 (O’Shea), p. 11, et Aerocide Dispensers Ltd. (1965), 16 L.A.C. 57 (Laskin).

L’employée s’estimant lésée occupait un poste de commis aux comptes et son employeur avait et devait avoir une grande confiance en elle. Elle a sciemment falsifié les registres de caisse et a ainsi fait preuve de malhonnêteté. Elle avait 52 ans et était considérée

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Decision Page 24 comme une employée expérimentée et compétente. Elle n’avait aucune excuse d’agir de la sorte.

LE TOUT EST RESPECTUEUSEMENT PRÉSENTÉ. Fait à Toronto le 21 mai 1996. Argument du fonctionnaire s’estimant lésé L’employeur a suspendu et subséquemment congédié le fonctionnaire s’estimant lésé à la suite d’une présumée mauvaise conduite.

La lettre se rapportant à la suspension a été déposée sous le numéro de pièce E-7, Annexe «B». Cette lettre, adressée au fonctionnaire, est signée par Maurice LeBlanc, directeur intérimaire, Établissement Westmorland.

La lettre de licenciement a été déposée sous le numéro de pièce G-1. Cette lettre, adressée au fonctionnaire, est signée par John Gillis, directeur, Établissement Westmorland.

La question que doit trancher l’arbitre est la suivante : Vu les circonstances et sur la foi de la preuve présentée à l’audience, le licenciement est-il justifié?

Nous soutenons qu’il n’y avait pas lieu de recourir à une mesure disciplinaire et, subsidiairement, que si une telle mesure disciplinaire étai justifiée, la SANCTION LA PLUS SÉVÈRE N’ÉTAIT PAS appropriée et qu’une sanction moins sévère était plus indiquée.

NOTA BENE en ce qui concerne l’infraction de l’ordonnance d’exclusion de l’arbitre commise par un dirigeant de la section locale du syndicat qui assistait à l’audience à titre d’observateur, nous soutenons que, si notre mémoire est bonne, ce dirigeant a affirmé qu’il avait discuté de la manière dont se déroulait une audience en arbitrage et avait décrit en termes généraux l’aspect matériel d’une telle audience. Le dirigeant en question a déclaré que s’il avait enfreint l’ordonnance d’exclusion et que si c’est ainsi qu’on avait perçu ses propos, il offrait ses excuses les plus sincères à l’arbitre et aux parties.

Nous soutenons très respectueusement que cette personne n’a jamais plus, si notre mémoire est bonne, affirmé qu’il avait discuté dans les moindres détails du témoignage des

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Decision Page 25 témoins de l’employeur ou de tout autre témoin avec les autres membres du personnel de l’Établissement Westmorland immédiatement après le témoignage de ces derniers en septembre 1995, contrairement à l’affirmation du représentant de l’employeur. Nous soutenons, en toute déférence, qu'aucune preuve n’a été présentée à l’audience à l’appui de la position de l’employeur selon laquelle il s’était produit une situation qui permettait à l’employeur de demander que la totalité des témoignages de Elroy Fletcher et Scott Turriff soit écartée parce que ces témoignages auraient été peu fiables et inventés ou hors de propos.

Nous soutenons respectueusement que la déclaration et les excuses du dirigeant de la section locale du syndicat à l’audience, conjuguées à l’absence de preuve concrète, suffisent pour conclure que les témoignages respectifs de Elroy Fletcher et Scott Turriff sont dignes de foi et pertinents en l’espèce. Leur témoignage est représentatif des pratiques de «manipulation, gonflement et réduction» des coûts par jour qui avaient cours dans certaines circonstances, et que cette pratique n’était pas inconnue des employés de l’employeur. Leur témoignage est également représentatif de la circulation (c.-à-d. l’emprunt) de produits ou denrées alimentaires entre les cuisines de l’établissement.

L’employeur, le Service correctionnel du Canada, dirige un établissement pénal situé à Westmorland (Nouveau-Brunswick). Westmorland est adjacent à l’établissement pénal de Dorchester (également dirigé par le SCC). L’Établissement de Dorchester est également un pénitencier et fonctionne à titre autonome. Entres autres installations, il y a une cuisine principale travaille du personnel de l’Établissement de Dorchester. C’est dans la cuisine de ce dernier établissement que travaillait le fonctionnaire s’estimant lésé; il y occupait le poste de cuisinier, classé GS-FOS-06. C’était le poste d’attache du fonctionnaire s’estimant lésé à l’époque il a été affecté aux tâches de cuisinier à l’Établissement Westmorland.

Comme je l’ai déjà mentionné, Westmorland est un établissement carcéral adjacent à l’Établissement de Dorchester. Westmorland est doté de son propre personnel. Entres autres secteurs d’activités, il y a une ferme et deux cuisines. Il y a la cuisine PRINCIPALE (où l’on prépare les repas des détenus et du personnel) et les cuisines des CONDOMINIUMS DES DÉTENUS (outre la cuisine qui se trouve dans les unités de condominiums). Maurice LeBlanc and Wayne McCluskey étaient les fonctionnaires responsables affectés à ce secteur d’activités avant, après et durant

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Decision Page 26 l’époque John Cudmore était affecté à la cuisine des condominiums (voir la pièce E-7, Annexe «C», paragraphe 4).

La pièce E-7, Annexe «C», (paragraphe 2) et les témoignages de vive voix nous amènent à reconnaître que l’employeur (Maurice LeBlanc) «a très à contrecoeur affecté John Cudmore à la mise en œuvre du Programme de préparation de repas en petits groupes.»

À cet égard, lors du contre-interrogatoire, Maurice LeBlanc a déclaré que John Cudmore n’était pas le meilleur ni le pire des candidats ou employés à choisir pour exécuter les nouvelles tâches devant être accomplies dans la cuisine des condominiums, et il a admis connaître les antécédents de travail de M. Cudmore auprès de l’employeur, son dossier antérieur et ses lacunes.

Nous savons que ces tâches, au début de l’affectation (août 1993), n’étaient pas les mêmes qu’au début d’avril 1994. Les fonctions et responsabilités confiées à John Cudmore sont devenues de plus en plus importantes au fil du temps, et il a perdu sa rémunération d’intérim.

D’après la preuve présentée à l’audience, nous savons que John Cudmore touchait une rémunération d’intérim au niveau GS-FOS-07 entre l’automne 1993 et avril 1994. Nous savons aussi que John Cudmore exécutait ses tâches sans une description de travail faisant état de sa nouvelle affectation à la cuisine des condominiums. L’employeur a eu amplement le temps de rédiger une description de travail pendant l’affectation du fonctionnaire s’estimant lésé et, surtout, durant l’audience, mais il ne l’a pas fait dans ces deux circonstances.

Étant donné que le fonctionnaire s’estimant lésé, pendant son affectation à la cuisine des condominiums, n’avait aucune description officielle spécifique de ses tâches, bien qu’il ait reçu des instructions générales, nous soutenons ce qui suit :

Qu’attendait-on exactement de John Cudmore durant son affectation pour que l’on puisse déterminer quelles étaient ses tâches?

Quelle autorité (en tant que telle) possédait-il à l’égard des autres membres du personnel, y compris les gestionnaires, en ce qui concerne cette affectation? Par exemple, d’ordonner à ces mêmes employés, y compris les gestionnaires, de ne pas circuler dans le secteur d’affectation (la cuisine des condominiums, objet : repas gratuits), vu que même Wayne McCluskey a été incapable d’empêcher le personnel de se faire servir des repas dans

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Decision Page 27 la cuisine des condominiums ou d’y obtenir de la nourriture.

Quel genre d’aide MM. LeBlanc et McCluskey lui ont-ils offert pour empêcher le personnel des établissements de se rendre dans la cuisine des condominiums dans le but de «manger à l’oeil» et d’«emprunter» des denrées destinées aux autres cuisines (les quantités de ces emprunts ont été précisées par les témoins)? Nous savons que John Cudmore a soulevé cette question à de multiples reprises et qu’il a même demandé la convocation d’une «réunion» pour en aviser tous les intéressés, mais en vain.

Quel pouvoir possédait-il relativement aux situations qui le préoccupaient et qui préoccupaient l’employeur?

Il est impossible de répondre catégoriquement ou de façon pratique à ces questions ainsi qu’à une multitude d’autres sans instructions ou références spécifiques. Nous ne pouvons qu’offrir une réponse spéculative et nous soutenons que cela ne suffit pas.

Nous soutenons respectueusement que John Cudmore a été affecté à un emploi, lequel n’était pas son emploi normal, pour apprendre sur le tas.

John Cudmore aurait recevoir de la formation en vue d’assumer cette nouvelle tâche, et la preuve non contredite a démontré qu’il avait assisté à un séminaire à Montréal (Québec). Il a fait part du programme du séminaire au présent tribunal, soit aucune séance de formation au sujet de l’administration d’une cuisine de condominium ou de la mise en œuvre du Programme de préparation de repas en petits groupes, lequel exigeait l’établissement d’un budget, de la mise en équilibre des comptes, du coût par jour, etc., relativement aux difficultés susceptibles de survenir dans le cadre de l’exploitation quotidienne d’une cuisine et dans un milieu il y a des échanges, des vols, des emprunts de denrées, des repas pris gratuitement, etc. L’employeur doit être tenu responsable de ne pas lui avoir donné de formation suffisante en vue de cette nouvelle affectation. On déclare à la page 26 de la pièce E-7, paragraphe 1 (présentée le 1994-12-21) qu’il «n’existe pas de DC, IR, OP ou de procédures ou de politiques écrites concernant l’exécution du Programme de préparation de repas en petits groupes.» Nous soutenons que, dans les circonstances, M. Cudmore s'est débrouillé et s'est servi de son jugement (bien que ce n’ait pas toujours été de la meilleure façon) pour s’acquitter de ses tâches. Dans ces circonstances, l’employeur devrait assumer une part des responsabilités et des conséquences. À cet effet, je vous renvoie au dossier de la Commission 166-2-11262, soit la décision de l’arbitre Donald MacLean dans Read,

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Decision Page 28 R., rendue le 26 avril 1982. Nous attirons votre attention sur la rubrique Conclusion et Motifs de décision, page 11. Nous soutenons que le raisonnement de l’arbitre MacLean s’applique également aux circonstances de la présente affaire.

Nous savons d’après la preuve que John Cudmore n’a jamais fait l’objet d’une évaluation de rendement relativement à l’exécution des nouvelles tâches pendant qu’il s’en acquittait. Nous nous demandons donc comment il aurait pu corriger ses lacunes si celles-ci n’étaient jamais portées à son attention?

D’après la preuve, les qualifications de John Cudmore n’ont jamais été correctement cotées avant son affectation à ces nouvelles tâches ni pendant son affectation intérimaire dans la cuisine des condominiums, ni après qu’il eut cessé de toucher sa rémunération d’intérim en avril 1994.

John Cudmore a accepté l’affectation et a convenu de faire de son mieux, et nous soutenons que, dans les circonstances, il a fait ce qu’on lui avait demandé.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il s’était acquitté de ses tâches au cours de la période en question en dépit de problèmes personnels de stress, mais toujours en gardant à l’esprit l’argent du Conseil du Trésor et des contribuables. Il prenait ces questions au sérieux.

John Cudmore s’est acquitté de ses tâches de la façon qu’il croyait qu’il devait les exécuter, si l’on tient compte du fait qu’il n’a pas reçu de formation et de la façon dont les choses étaient accomplies dans les établissements dans les mêmes circonstances (calcul du coût par jour par équilibre des comptes).

Le fonctionnaire a exécuté ses tâches comme il l’a fait et de la même façon que les autres, en ajustant le coût par jour selon la procédure qui avait cours dans différents établissements, particulièrement dans l’établissement il travaillait et dans celui situé à proximité. Il devait mettre les comptes en équilibre pour le calcul du coût par jour dans les circonstances qui ont été révélées à l’audience.

John Cudmore a déclaré qu’il n’aurait pas fait ce qu’il a fait s’il avait su que ce n’était pas acceptable et ce qu’on attendait de lui.

John Cudmore a déclaré qu’il désirait reprendre ses fonctions en qualité de GS-FOS-06, son ancien emploi, l’emploi qu’il aime le plus et qu’il exécute le mieux.

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Decision Page 29 John Cudmore a affirmé qu’il regrettait ce qui s’était passé et les problèmes que son style d’administration avait causés à l’employeur.

Nous soutenons que la version des faits avancée par John Cudmore n’a pas changé quant au fond entre la première entrevue menée par l’employeur et son témoignage à l’audience en arbitrage.

Il ne faut pas oublier, d’après la preuve (pièce 7 et le témoignage de John Cudmore), que le fonctionnaire croyait faire l’objet d’une enquête pour un présumé vol ou pour des infractions analogues. Beaucoup de personnes lui ont dit qu’il faisait l’objet d’une enquête pour vol et que même la GRC s’en mêlait. Il a aussi entendu des rumeurs à cet effet.

John Cudmore a déclaré qu’il était nerveux lorsque la direction et (ou) le comité disciplinaire avait communiqué avec lui et qu’il avait comparu devant ces personnes en croyant que c’était pour une question de vol. Dans ces circonstances, nous soutenons qu’il avait le droit et des raisons d’être nerveux.

Il a été incapable, dans ces circonstances, de répondre à certaines questions spécifiques concernant les questions soulevées en l’occurrence. Ce n’est que plus tard qu’il a indiqué qu’il ne pouvait justifier les chiffres sauf qu’il devait calculer le coût par jour en fonction de ce qui se passait dans la cuisine des condominiums. Il l’a fait en tenant compte de toutes les pertes de denrées attribuables au fait que le personnel mangeait gratuitement, que certaines denrées étaient distribuées à la prison régionale, dans le cadre d’activités sociales et ailleurs.

L’employeur ne nie pas que des denrées provenant de la cuisine des condominiums aient été détournées de la cuisine principale, (pour distribution à la prison régionale, aux autres cuisines, au personnel, ce qui comprend les gestionnaires, les déjeuners gratuits, les activités sociales, les requêtes du directeur, etc.). Nous soutenons que tout ce «parasitage» a influé sur le budget et, par conséquent, sur le coût par jour de la cuisine des condominiums. M. Cudmore a faire face à ces difficultés tout en respectant le coût par jour qu’il avait fixé dans son budget. Il a été obligé de rajuster ce coût.

M. Cudmore n’a pas personnellement ni autrement bénéficié de ces actes. Il n’y a pas eu de mauvaise intention de sa part dans l’exécution de ses tâches.

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Decision Aucune preuve n’a été l’employeur avait fait l’objet d’une mauvaise publicité.

Nous désirons aborder brièvement l’allégation selon laquelle John Cudmore a omis de tenir des registres, d’effectuer une surveillance et d’exercer un contrôle.

La position de M. Cudmore est : qu’il ne disposait pas de suffisamment d’espace pour entreposer tous les registres, les documents, les menus, etc.; qu’il ne savait pas qu’il devait conserver ces registres pendant une longue période; et qu’il ne savait pas qu’il devait les conserver pendant de longues périodes ni n’avait reçu d’instruction à cet effet.

C’est ce qu’il a affirmé à l’équipe d’enquêteurs, à M. Poirier, et c’est ce qu’il a déclaré à l’audience. Il est conséquent en ce qui concerne ces éléments de la situation. Nous soutenons que la pièce E-10 n’est pas révélatrice de la façon dont John Cudmore devait conserver les registres pour la cuisine des condominiums. Comme il l’a déclaré dans son témoignage, la pièce E-10 n’est pas et n’était pas pertinente pour l’exécution de ses tâches.

M. Cudmore a fourni à son supérieur, Wayne McCluskey, les registres, récépissés et autres documents essentiels pour les mois antérieurs aux mois d’octobre et novembre 1994. Wayne McCluskey l’a confirmé lors de son témoignage lorsque, contre-interrogé, on lui a demandé si l’équipe d’enquêteurs l’avait interviewé. Il a répondu OUI et que les membres du comité d’enquête ne lui ont jamais demandé de leur remettre quelque autres documents que ceux relatifs aux mois d’octobre et de novembre 1994.

Nous demeurons perplexes quant à savoir pourquoi il n’y a absolument aucune trace de la déclaration de M. McCluskey dans la pièce E-7, le rapport d’enquête interne, et encore plus perplexes lorsque John Gillis, dans sa lettre de licenciement à M. Cudmore (pièce G-1) affirme «j’ai terminé l’examen complet de la preuve concernant [...]» et lorsque K.M. Dufresne, conseillère ministérielle, Ressources humaines, dans sa réponse au dernier palier de la procédure affirme, au deuxième paragraphe, que «à la suite d’une enquête complète entourant les faits de votre grief [...]» Nous soutenons que l’employeur n’a pas tenu compte de la TOTALITÉ des déclarations faites durant l’enquête. Nous aimerions savoir pourquoi la déclaration de Wayne McCluskey ne fait pas partie du dossier? A-t-elle disparue?

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Page 30 présentée démontrant que

Decision Page 31 Nous en prenons note et nous vous demandons, M. l’arbitre, de vous poser la question en ayant présent à l’esprit le témoignage de M. Allan (ancien membre de la GRC) et particulièrement son comportement lors du contre-interrogatoire. On lui a demandé :

a) s’il avait interviewé Wayne McCluskey, ce à quoi il a répondu OUI;

b) si Wayne McCluskey avait fait une déclaration et, dans l’affirmative, s’il pouvait, à l’aide de la pièce E-7, nous la montrer, ce à quoi il a répondu oui, elle devrait figurer à la pièce E-7, mais en consultant la pièce en question il n’avait pu la retrouver;

c) s’il pouvait trouver la déclaration de Wayne McCluskey dans la caisse de documents qu’il transportait avec lui, ce à quoi il a dit oui, elle devrait être dans la caisse. On lui a donné le temps de chercher la déclaration, mais il ne l’a pas trouvé.

d) Nous avons remarqué que le comportement de M. Allan a changé pendant qu’il effectuait cette recherche. Il paraissait nerveux. Nous avons remarqué que son visage, ses oreilles et son menton sont devenus très rouges et également qu’il tremblait pendant qu’il faisait sa recherche ou essayait de répondre. Il a finalement avoué qu’il ne l’avait pas. Son comportement, sa nervosité sont-ils des indices d’un comportement d’une personne coupable comme on a allégué que ça l’était dans le cas de M. Cudmore?

Nous soutenons que l’ensemble de la preuve (du moins une déclaration faite par un supérieur), n’a pas été versé au rapport du comité d’enquête et nous vous demandons de tenir compte des documents qui font défaut en l’occurrence.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve présentée à l’audience, des longs états de service du fonctionnaire s’estimant lésé, de son rendement satisfaisant par le passé, de la possibilité de réadaptation, de ses remords, des difficultés économiques (les nombreux efforts du fonctionnaire pour se trouver du travail), nous soutenons respectueusement que vous devriez trancher en faveur du fonctionnaire s’estimant lésé et faire droit au grief au complet, c’est-à-dire annuler la décision de l’employeur de le congédier et ordonner la réintégration du fonctionnaire dans son poste d’attache y compris le paiement rétroactif de son salaire et des avantages, c.-à-d. de l’indemniser intégralement.

Si vous tranchez en faveur de l’employeur et que le fonctionnaire est l’auteur de ces actes, alors nous soutenons

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Decision Page 32 respectueusement que, dans les circonstances, et face à l’ensemble de la preuve présentée, la faute commise ne justifie pas le congédiement, mais bien une sanction beaucoup moins sévère et plus appropriée.

Respectueusement soumis au s’estimant lésé.

Fait à Ottawa, le 10 juin 1996. Réplique de l’employeur Suit la réplique de l’employeur aux arguments écrits de M. Dupont présentés au nom du fonctionnaire s’estimant lésé, John Cudmore. Les présentes observations suivent le même ordre que les arguments qui ont été présentés.

Au dernier paragraphe de la première page de ses arguments, M. Dupont tente de minimiser la gravité du non- respect de l’ordonnance d’exclusion. Il indique que le dirigeant de la section locale du syndicat a seulement avoué avoir «discuté de la manière dont se déroule une audience en arbitrage et décrit en termes généraux les aspects matériels d’une telle audience.» Ce n’est pas ce dont je me souviens. D’après mes notes, il a également avoué avoir fait des observations sur la crédibilité des témoins de l’employeur. Cela comporterait nécessairement une discussion de leurs témoignages.

L’effet de cette infraction sur le témoignage de MM. Turriff et Fletcher, bien qu’il demeure inconnu, peut certainement être déduit. Il y a lieu de faire remarquer que M. Turriff a avoué s’être entretenu avec M. John Cudmore entre les deux audiences. Tant M. Turriff que M. Fletcher avaient des intentions cachées en s’offrant à témoigner. Je soutiens respectueusement que leurs témoignages devraient être considérés comme douteux et être écartés.

À la deuxième page, troisième paragraphe de ses arguments, M. Dupont affirme que le poste d’attache de John Cudmore à l’époque il était affecté aux tâches de cuisinier à l’Établissement Westmorland était au pénitencier de Dorchester. Cela contredit la preuve qui a été présentée. L’établissement Westmorland était le lieu de travail du fonctionnaire s’estimant lésé.

À la page 3 de ses arguments, M. Dupont fait valoir que le fonctionnaire s’estimant lésé ne disposait pas d’une description de travail et qu’il n’avait pas reçu de formation

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nom du fonctionnaire

Decision Page 33 suffisante pour exécuter ses tâches. La preuve indique le contraire. John Cudmore, de son propre aveu, savait ce qu’on attendait de lui. Il avait une description d’emploi, bien que celle-ci n’ait pas été spécifique au PPRPG. Il a rencontré Wayne McCluskey, Sharon Ward et Maurice LeBlanc à de multiples reprises. Il avait assumé l’intérim à d’autres occasions dans des postes exigeant des compétences et des connaissances analogues sans se plaindre de l’absence de formation ou de supervision. Il n’y a aucune preuve que l’employeur ait négligé de donner des instructions appropriées à M. Cudmore. De plus, il incombait à ce dernier de poser les questions nécessaires s’il éprouvait réellement des difficultés. Il ne l’a pas fait.

Bien que M. Cudmore n’ait pas été le supérieur hiérarchique immédiat du personnel, il était responsable du stock des denrées que l’employeur lui avait confié. L’argument de M. Dupont selon lequel M. Cudmore n’exerçait aucun contrôle sur les «repas pris par le personnel» est absurde. Par analogie, un ou une préposé(e) à la caisse d’une banque ne pourrait pas soutenir qu’il ou elle n’est pas responsable des déficits de caisse simplement en affirmant que ses collègues, à l’égard desquelles il ou elle n’exerce aucune autorité, soutiraient constamment de l’argent.

Au dernier paragraphe de la page 3, M. Dupont soutient que M. Cudmore aurait recevoir de la formation pour sa nouvelle tâche. M. Dupont n’indique pas quel genre de formation on peut donner à un employé pour lui enseigner l’honnêteté et à ne pas falsifier les documents. Ce n’est pas par manque de formation que John Cudmore a fait ce qu’il a fait. Il a pris des décisions en toute conscience. L’intégrité et la responsabilité personnelles sont des facteurs innés et non acquis à la suite d’une formation.

À la page 4, paragraphe 2, M. Dupont soutient que M. Cudmore n’a pas fait l’objet d’évaluation pendant l’exécution de ses nouvelles tâches. De nouveau, cette affirmation contredit la preuve. M. Cudmore a rencontré plusieurs fois M. LeBlanc, M m e Ward et M. McCluskey pour discuter des attentes. Il savait parfaitement ce qu’on attendait de lui.

À la page 4 de ses arguments, M. Dupont affirme que John Cudmore a fait du mieux que l’on pouvait s’attendre de lui dans les circonstances. À cet égard, l’employeur est complètement en désaccord. M. Dupont soutient d’une part que le fonctionnaire s’estimant lésé ne faisait que suivre les instructions que lui avait données l’employeur et, d’autre part, qu’on lui avait assigné des tâches qui allaient au-delà de

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Decision Page 34 ses capacités. Le fonctionnaire s’estimant lésé a lui-même reconnu qu’il avait mal agi. Une autre préoccupation demeure, soit le fait que M. Cudmore refuse toujours d’admettre qu’il a trompé les détenus et que c’était mal.

À la page 4, paragraphe 6, M. Dupont donne à entendre que M. Cudmore a agi selon la pratique qui avait cours concernant la manière d’établir le coût par jour dans les autres établissements. Le fait est que, si de telles pratiques existaient, elles n’étaient certainement pas connues de ses superviseurs ni tolérées par eux.

À la page 5, paragraphe 2, M. Dupont insiste sur le fait que la version des incidents avancée par M. Cudmore n’avait pas été substantiellement modifiée entre le moment on l’a rencontré pour la première fois et son témoignage à l’arbitrage. Un examen attentif de ses déclarations à M. LeBlanc, à l’équipe d’enquêteurs, au directeur et à l’arbitre révèle l’existence de nombreuses versions, d’inconséquences, voire de contradictions.

À la page 5, paragraphes 5 et 6, M. Dupont fait allusion aux pertes de denrées et au fait que l’employeur ne nie pas la manière dont elles se sont produites. En fait, les pertes n’ont jamais été expliquées de façon satisfaisante par le fonctionnaire s’estimant lésé. L’étendue de ces pertes ne peut être justifiée par la simple affirmation que des repas étaient servis de temps à autre à des membres du personnel. De plus, ces pertes auraient être notées et rapportées.

Le Rapport mensuel des Services d’alimentation exige spécifiquement que les denrées utilisées dans le cadre d’activités sociales soient inscrites dans une colonne distincte. Pourquoi M. Cudmore les inscrirait-il dans le budget de la cuisine principale et non dans celui du PPRPG? Et pourquoi se sentirait-il obligé de jongler avec le coût par jour des repas pris par les détenus alors qu’il aurait pu facilement les inscrire séparément, sans que le coût par jour s’en trouve modifié? Ces questions demeurent sans réponse.

Il est assurément malheureux que l’équipe d’enquêteurs n’ait pas pris note de la déclaration que leur a faite M. McCluskey. Toutefois, on n’a pas démontré que cet oubli avait été intentionnel ou avait causé un préjudice au fonctionnaire s’estimant lésé. Lui-même a intentionnellement refusé de mettre M. McCluskey en cause au cours de l’enquête. En supposant qu’il y ait eu injustice sur le plan de la procédure, ce que l’on nie, cette injustice «a été entièrement réparée par l’audition de novo qui a eu lieu devant l’arbitre, le requérant a été pleinement informé des allégations qui

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Decision Page 35 pesaient contre lui et il a eu pleinement l’occasion d’y répondre.» (voir Robert C. Tipple c. Sa Majesté la Reine, Cour fédérale, A-66-85).

En terminant, il y a lieu de noter que le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé n’a rien dit au sujet de la preuve contradictoire en l’occurrence. En dernière analyse, il s’agit d’une question de crédibilité. En bout de ligne, le fonctionnaire s’estimant lésé ne peut compter sur personne pour étayer sa version des faits, laquelle est en soi contradictoire et inconséquente.

Le 14 juin 1996. MOTIFS DE DÉCISION Le poids de la preuve présentée, y compris le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé lui-même, lequel était souvent contradictoire et évasif, m’amène à conclure que les allégations de mauvaise conduite formulées par l’employeur contre M. Cudmore sont fondées.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a omis à de nombreuses occasions de tenir des registres appropriés et d’exercer un contrôle sur les stocks. Cela en soi n’aurait pas nécessairement justifié le congédiement, n’eût été la falsification volontaire et délibérée de plusieurs documents.

La prétendue inaptitude de M. Cudmore à occuper le poste (ce à quoi je ne souscris pas), son manque de formation et l’absence d’une description de travail à jour ne peuvent être invoqués en l’occurrence pour atténuer ses activités frauduleuses. Si le fonctionnaire s’estimant lésé avait été simplement coupable de négligence ou de piètre rendement, ces facteurs auraient pu peser dans la balance. M. Cudmore savait ou aurait savoir que ce qu’il faisait était mal.

Même MM. Fletcher et Turriff, qui ont témoigné au nom du fonctionnaire s’estimant lésé au sujet de l’existence de pratiques d’établissement de rapport «relâchées», ont nié avoir jamais falsifié les prix des articles dans les relevés de fin de mois ou dans les listes de stocks. M. Fletcher a plutôt candidement avoué, lors du

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Decision Page 36 contre-interrogatoire, qu’il aurait de la difficulté à travailler avec M. Cudmore si l’on prouvait que ce dernier avait en fait falsifié des documents.

La confiance entre l’employeur et l’employé est la pierre angulaire de la relation d’emploi. Le comportement de M. Cudmore en l’espèce a ébranlé et sapé les fondements mêmes de cette relation.

À un moment de son témoignage, le fonctionnaire a indiqué qu’il regrettait ses actes parce qu’ils ne lui avaient causé que des ennuis. Il a également indiqué qu’il pouvait maintenant travailler selon les règles. Il n’a toutefois pas avoué ni reconnu la gravité de son inconduite. Au contraire, il a toujours attribué sa mauvaise conduite à son inexpérience ou à la pratique existante et à l’absence d’orientation. Les employés n’ont pas besoin de formation ou de description de travail pour savoir que l’honnêteté et l’intégrité sont exigées dans l’exécution de leurs tâches.

L’incapacité de M. Cudmore à reconnaître et à avouer ses erreurs m’oblige à conclure que la confiance dont il a abusé ne peut être recouvrée. Les actes de mauvaise conduite commis par M. Cudmore sont suffisamment graves pour justifier le congédiement. Son grief est donc rejeté.

Yvon Tarte, vice-président

OTTAWA, le 25 juillet 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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