Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Suspension (période indéfinie) - Fraude - Inspecteur des douanes mêlé à des activités de contrebande - Crédibilité - le fonctionnaire s'estimant lésé, un inspecteur des douanes à la frontière des États-Unis, a été suspendu sans traitement en attendant de connaître le résultat d'une enquête concernant des activités de contrebande de boissons alcooliques - il a été licencié à la suite de l'enquête - il a nié toute participation à des activités de contrebande et a demandé l'annulation de sa suspension et de son licenciement - la preuve de l'employeur a essentiellement consisté en des témoignages des agents de la Gendarmerie royale du Canada et des conducteurs des camions contenant de l'alcool de contrebande - les témoins de l'employeur ont soutenu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait facilité l'importation illégale d'alcool au Canada - le fonctionnaire s'estimant lésé a maintenu qu'il n'avait pas participé aux activités de contrebande et a affirmé que le témoin clé de l'employeur avait inventé sa version des faits - le fait qu'il y a eu contrebande et que le fonctionnaire s'estimant lésé était en service au moment en question n'a pas été contesté - l'arbitre a conclu que les témoins ayant comparu au nom du fonctionnaire s'estimant lésé n'étaient pas crédibles tandis que la preuve de l'employeur était accablante et ne laissait à toutes fins utiles aucun doute quant à la culpabilité du fonctionnaire s'estimant lésé - la suspension et le licenciement étaient donc justifiés. Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Dossiers: 166-2-26614 et 26615 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JOHN PAUL MACKENZIE fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt)

employeur

Devant: P. Chodos, président suppléant Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Barry Done, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur: Ronald Snyder, avocat Affaire entendue à Hamilton (Ontario) du 25 au 29 novembre 1996 et à Niagara Falls (Ontario) du 3 au 5 décembre 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Le fonctionnaire s’estimant lésé a travaillé en qualité d’inspecteur des douanes (PM-1) au pont Whirlpool à Niagara Falls (Ontario) pendant environ dix-neuf ans et demi jusqu’à son congédiement le 20 janvier 1995. Avant son congédiement, M. MacKenzie avait été suspendu sans solde pendant une période indéterminée à compter du 11 novembre 1994 (traduction) «en attendant de connaître le résultat d’une enquête concernant des allégations d’abus de confiance et de complicité en vue de faciliter une opération de contrebande». (pièce E-9) Dans la lettre de congédiement (pièce E-10), l’employeur prétend que le fonctionnaire s’estimant lésé a participé à (traduction) «l’importation illégale de 1 036 caisses de boisson alcoolique au Canada les 13 et 14 janvier pendant que vous étiez de service au pont Whirlpool». Le fonctionnaire nie toute participation à une activité de contrebande et demande l’annulation de sa suspension et de son congédiement.

Les inspecteurs des douanes travaillent des quarts de douze heures par jour selon un horaire de cinquante-six quarts de jour; au pont Whirlpool, ils font la rotation entre trois à six postes différents chaque quart. M m e Barbara Lemire, chef des douanes au pont Whirlpool et superviseure immédiate de M. MacKenzie, a déclaré qu’elle préparait quotidiennement l’horaire de rotation qu’elle affiche parfois quatre heures avant le début d’un quart; cet horaire indique heure par heure l’endroit chaque inspecteur en service un jour donné doit travailler ce jour-là. M m e Lemire a reconnu la pièce E-3, un certain nombre d’horaires quotidiens choisis pour la période allant d’octobre 1993 à janvier 1994. Elle a affirmé que les agents des douanes ont normalement droit à deux pause-repas d’une demi-heure chacun durant leur quart de douze heures; à leur demande, ils peuvent prendre plutôt une pause-repas d’une heure. L’horaire du 13 janvier indique que M. MacKenzie a pris sa pause-repas de 11 heures à 11 h 30. Celui du 14 janvier indique qu’il était affecté à «P-1», soit la ligne d’inspection primaire ou la voie des camions (parfois appelée la voie du milieu) de 00 h 40 à 1 h 20. M me Lemire a précisé que tous les camions doivent emprunter la voie P-1.

En avril 1993, la Section des douanes et accises du poste de la GRC à Niagara Falls a reçu un rapport d’enquête de la Subdivision de la GRC à Newmarket. Le rapport indiquait ce qui suit :

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Decision Page 2 [traduction] 1. La section D et A de Milton a été informée par une source confidentielle dont la fiabilité est reconnue que Doug N.I. (qui veut dire nom inconnu), un inspecteur des douanes à Revenu Canada, qui travaille au poste de contrôle à la frontière de la région de Niagara se fait payer pour aider une organisation de la région de Toronto à importer illégalement des spiritueux des États-Unis au Canada.

2. Selon notre source, au cours d’une de ces importations typiques, Howard N.I., un parent de Doug N.I., détermine quand et Doug travaille. Il dirige ensuite le ou les conducteurs et le chargement vers Doug N.I. qui autorise l’importation illégale des spiritueux.

3. La section des D et A de Milton, aidée de la source confidentielle, a saisi environ 2 000 caisses de spiritueux importés illégalement par cette organisation.

À la suite de cette note de service, le bureau de Niagara Falls a été informé qu’on n’en savait pas davantage au sujet de l’identité de «Doug» ou de «Howard». Le caporal Michael Watters, qui était responsable de la Section des douanes et accises pour la GRC à Niagara Falls, a déclaré que le caporal Matheson du bureau de Newmarket lui avait téléphoné à 2 h 33 le 13 janvier 1994 pour lui demander de le rencontrer à Fort Erie (Ontario) en vue de faire de la surveillance. Il est monté dans une voiture banalisée, une Pontiac bleue à quatre portes portant l’immatriculation ontarienne 174-NEW. La voiture était munie d’un radio et d’un gyrophare rouge que l’on place sur le toit d’un véhicule en cas d’urgence. Le caporal Watters s’est rendu à Fort Erie; l’agent Blair Pemberton l’accompagnait dans un autre véhicule. Ils ont fini par rejoindre l’agent spécial Robert Leary du United States Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms, qui avait suivi un camion-remorque jusqu’à un entrepôt non agréé, situé sur la rue Tiff à Buffalo, New York. Le caporal Watters s’est joint à lui et à d’autres pour surveiller le camion-remorque.

À 14 h 40, deux camions de location immatriculés en Ontario sont arrivés dans la cour de l’entrepôt; l’un d’eux était un camion de la compagnie Budget, l’autre de la compagnie U-Haul. À 16 heures, l’agent Pete Phillips et l’agent Willie Hébert sont arrivés sur les lieux, rue Tiff chacun dans une voiture; il y avait déjà un autre camion de location Budget ainsi qu’une camionnette. Le caporal Watters a remis le volant de la

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Decision Page 3 Pontiac bleue à l’agent Phillips tandis que l’agent Hébert a pris le volant du véhicule que conduisait l’agent Phillips. Les deux camions de Budget et la remorque U-Haul se seraient stationnés à proximité du camion-remorque et des produits auraient été transférés du camion-remorque aux trois véhicules. À 20 h 35, trois camions de location ont quitté l’entrepôt de la rue Tiff et sont arrivées à un relais-routier à 23 h 15 à Niagara Falls, New York. Ce relais, appelé Junior’s, se trouve à quelque cinq ou dix minutes du pont Whirlpool. À 23 h 30, la camionnette qui se trouvait à l’entrepôt a également été aperçue au restaurant. Le conducteur de celle-ci avait rejoint trois autres personnes; plus tard il a été identifié comme étant M. Chuck Laubisch de l’État de New York; une des autres personnes a été identifiée comme étant M. Howard Greenwood.

À minuit trente-cinq, les trois conducteurs ont démarré les camions. M. Leslie Maxwell, au volant du camion de location Budget, s’est présenté au poste de péage du pont Whirlpool, a payé le droit de passage puis a passé la frontière; il était suivi par l’agent Phillips, toujours au volant de la Pontiac bleue que lui avait remise le caporal Watters. Le chauffeur du camion s’est arrêté très brièvement au poste de contrôle de la douane, dans la voie du milieu ou P1, aussi appelée la voie des camions, puis a poursuivi son chemin en direction de Niagara Falls (Ontario). Juste avant, l’agent Phillips a vu un inspecteur, identifié comme étant le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Paul MacKenzie, fermer la voie de droite et ouvrir celle du milieu. Il a également remarqué que l’agent de douane tenait un bloc-notes ou une planchette à pinces et qu’il semblait être en train d’écrire. L’agent Phillips s’est alors présenté au poste de contrôle. M. MacKenzie lui a posé les questions d’usage, soit trois ou quatre questions, par exemple il était allé et combien de temps il avait passé à l’extérieur du pays. Il a déclaré que M. MacKenzie semblait plein d’entrain au départ, mais que son attitude avait changé après qu’il eut répondu à ses questions. L’agent Phillips croyait que M. MacKenzie avait peut-être aperçu son bloc-notes, le gyrophare et la radio de bord dans sa voiture pendant qu’il lui parlait. À 1 h 25, l’agent Phillips a intercepté le chauffeur du camion de Budget qu’il suivait sur l’autoroute Reine-Élizabeth (QEW); il avait remarqué que les pneus du camion étaient plutôt plats et conclu qu’il transportait probablement une pleine charge. Plus tard au cours de la matinée, après avoir obtenu un mandat de perquisition, on avait brisé la serrure de la porte arrière du camion et trouvé 650 caisses de boisson alcoolique. L’agent Phillips a

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Decision Page 4 affirmé que ce n’est qu’après avoir reçu un message radio l’informant que le troisième camion avait été saisi à la frontière et qu’il avait décidé d’intercepter le camion de Budget.

Une dizaine de minutes après que le chauffeur du premier camion eut quitté le restaurant, le chauffeur du deuxième camion de Budget s’est présenté au poste de péage du pont Whirlpool, a payé le droit de passage, puis a traversé le pont et s’est approché du poste de contrôle de la voie du milieu. L’agent Hébert était juste derrière lui dans une voiture banalisée. Il s’est entretenu avec le péager, M. Walter Wisniewski, qui lui a dit que le camion qui venait juste de passer transportait une cargaison et qu’elle ne serait pas dédouanée.

M. Wisniewski a déclaré qu’il se souvenait que deux petites fourgonnettes blanches ayant chacune quelque chose d’écrit sur le côté avaient passé le pont durant son quart qui avait commencé à 23 heures le 13 janvier. Le conducteur de la première fourgonnette lui a dit qu’il n’avait pas de cargaison et il a perçu le droit prévu dans pareil cas; le conducteur de la deuxième fourgonnette lui a dit qu’il transportait une pleine cargaison, il lui a précisé que les Douanes ne le laisseraient pas passer si tard le soir et qu’il devait se rendre au pont Queenston. Il s’est rappelé que le conducteur avait répondu qu’il voulait traverser et qu’il avait payé le droit de passage pour un camion transportant une pleine charge. M. Wisniewski s’est également souvenu qu’une voiture de la GRC était arrivée peu après et que le conducteur lui avait dit que le camion qui le précédait transportait du whisky de contrebande. M. Wisniewski n’a pu dire s’il avait émis des reçus aux conducteurs des deux fourgonnettes; il a déclaré qu’il en émettait normalement aux conducteurs des véhicules commerciaux ou de voitures qui en font la demande.

L’agent Hébert a vu un agent de douane sortir du poste de contrôle le plus éloigné et s’approcher de la voie réservée aux camions. L’agent de douane semblait être en train d’écrire sur une planchette à pince ou un bloc-notes; il était du côté du conducteur; il s’est entretenu brièvement avec lui et l’a autorisé à partir. Pendant ce temps-là, l’agent Hébert attendait à un panneau d’arrêt situé à quelque quarante à cent pieds du poste de contrôle. De cet endroit, il ne pouvait pas identifier l’inspecteur; on lui a fait signe de s’avancer à droite de la voie du milieu. En

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Decision Page 5 s’approchant, il a reconnu M. MacKenzie qu’il avait déjà rencontré à de nombreuses occasions pour des raisons professionnelles. D’après l’agent Hébert, M. MacKenzie a paru étonné de le voir; ils ont échangé quelques propos; M. MacKenzie ne lui a pas demandé s’il avait quelque chose à déclarer. Craignant de perdre le camion de vue, l’agent Hébert lui a dit : « Il faut que je parte, je suis ce camion. » M. MacKenzie a affiché un air étonné et lui a dit : « Oh! Passez. » L’agent Hébert s’est mis en communication radio avec le caporal Matheson qui lui a conseillé de retourner au pont et d’attendre le troisième camion, ce qu’il a fait. À son arrivée, il a aperçu la remorque de U-Haul s’approcher de l’aire secondaire. Il a remarqué que deux autres inspecteurs des douanes s’occupaient du camion; il leur a dit que la GRC soupçonnait que le camion transportait de la boisson alcoolique et que deux autres camions étaient passés. Il est possible, a-t-il déclaré, qu’il ait affirmé qu’un des agents de douane était « malhonnête ». Il a précisé qu’il n’avait aucune raison valable de dire une pareille chose, mais qu’il était déçu que deux camions aient été autorisés à passer sans inspection. Le conducteur de la remorque de U-Haul a été mis en état d’arrestation; il a ultérieurement été identifié comme étant M. Randy Hobbins. On a découvert une grande quantité de boisson alcoolique en ouvrant le camion; l’agent Hébert a transmis ce renseignement par radio au caporal Matheson qui a déclaré que les deux camions qui avaient été autorisés à passer seraient interceptés.

Au cours du contre-interrogatoire, l’agent Hébert a affirmé qu’il s’était mis à soupçonner M. MacKenzie parce qu’il avait laissé passer les deux camions et qu’il avait décidé de fouiller la remorque de U-Haul seulement après qu’il lui eut parlé. Il a reconnu qu’il aurait ne rien dire aux agents de douane au sujet de ses soupçons à l’endroit de M. MacKenzie. Il a maintenu que l’enquête aurait donné les mêmes résultats si les trois camions avaient été fouillés aux douanes. Il a convenu qu’il avait déclaré à l’occasion de la procédure au criminel que les véhicules auraient été suivis jusqu’à leur destination s’il l’avait fallu. Il a aussi nié avoir affirmé au procès qu’il s’agissait d’une « livraison contrôlée ». En employant le terme « livraison contrôlée » au procès, il avait voulu dire que le poste de la GRC à Newmarket avait le contrôle de l’enquête. L’agent Hébert a déclaré que les autorités douanières n’avaient pas été prévenues des livraisons. Il a aussi précisé qu’il était affecté à l’aéroport de Toronto, par choix, depuis 1994.

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Decision Page 6 L’agent Kim Floyd a déclaré que lui et le caporal Matheson se trouvaient dans le terrain de stationnement d’un hôtel situé à proximité du pont Whirlpool lorsqu’ils ont reçu un message radio de l’agent Hébert les informant que les trois camions étaient sur le point de quitter le terrain de stationnement du restaurant Junior’s. Ils ont vu le premier camion, suivi par l’agent Phillips, passer le pont; ils sont demeurés au pont. À 1 h 02, ils ont aperçu un deuxième véhicule arriver au poste de contrôle des douanes puis continuer sa route. C’est l’agent Floyd qui, ayant conduit des camions pendant plusieurs années, avait remarqué que le véhicule semblait transporter une pleine cargaison, c’est-à-dire qu’il penchait d’un côté et semblait rouler mollement. Les deux agents ont ensuite aperçu le véhicule de l’agent Hébert au poste de contrôle. Un certain agent Fraser s’est mis à suivre le deuxième camion du côté ontarien de la frontière. L’agent Floyd a été informé que l’agent Fraser avait intercepté le deuxième camion. Il a rejoint l’agent Fraser qui était arrêté derrière un camion de Budget Rent-a-Truck; on lui a dit que le conducteur avait été arrêté; il a jeté un coup d’oeil à l’arrière et a vu la cargaison de boisson alcoolique. Il a ensuite conduit le camion jusqu’au poste de Niagara il a été mis sous clef. On a confirmé que le conducteur du camion était un dénommé Victor Zip. L’agent Floyd a déclaré que l’opération n’était pas considérée comme une « livraison contrôlée »; il était entendu d’après lui que si les camions étaient interceptés aux douanes, soit, sinon la GRC prendrait les mesures nécessaires. Il a reconnu que, le 13 janvier à 15 h 45, lui-même ou le caporal Matheson avait téléphoné à M. Paul Weaver qui, à l’époque, était le gestionnaire de la Division du renseignement et de la répression de la contrebande pour la région de Hamilton; il lui avait téléphoné pour lui dire qu’une cargaison de boisson alcoolique du côté des États- Unis faisait l’objet d’une surveillance et qu’on voulait que les choses se déroulent « normalement ».

L’agent Hébert se souvient d’un entretien qu’il a eu avec la surintendante Barb Lemire, la superviseure en service au poste de contrôle ce soir-là, après la saisie de la remorque U-Haul; il a déclaré qu’il avait peut-être de nouveau mentionné qu’il croyait que M. MacKenzie était « malhonnête »; il a fait remarquer qu’elle n’avait guère apprécié ce commentaire. M. Weaver a déclaré que, le 14 janvier à 8 h 30, le chef lui avait téléphoné parce que M m e Lemire s’inquiétait des commentaires de l’agent Hébert; il avait aussi téléphoné à M. Weaver pour l’informer de la saisie.

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Decision Page 7 M. Weaver a reconnu un document intitulé (traduction) Principes opérationnels régionaux en matière d’exécution (pièce E-40), lequel, entre autres choses, précise les contacts à établir dans un cas de livraison contrôlée. On y lit que : [traduction] « La décision d’effectuer une livraison contrôlée de quantités commerciales d’autres marchandises de contrebande (que de la drogue ou des armes) doit être autorisée par le gestionnaire des enquêtes ou le gestionnaire de la Division du renseignement et de la répression de la contrebande, ou leur remplaçant, et ne peut se faire qu’avec la participation de la GRC. » M. Weaver a également fait référence au manuel d’application des mesures douanières qui précise qu’il incombe au gestionnaire de la Division du renseignement et de la répression de la contrebande d’approuver la participation du service des douanes aux livraisons contrôlées. Si une telle situation se présente, le gestionnaire doit téléphoner au gestionnaire de la répression de la contrebande qui se trouve sur les lieux et lui expliquer la situation. Tous les deux s’entendent pour communiquer avec le personnel d’exécution et leur expliquer comment procéder. M. Weaver a précisé que tous les inspecteurs ont accès au manuel d’application des mesures douanières; lorsqu’un inspecteur soupçonne qu’il y a contrebande, il doit demander au conducteur du véhicule de se rendre à l’aire secondaire, c’est-à-dire qu’il n’a pas la possibilité de laisser passer le véhicule s’il doute de la véracité de la déclaration du conducteur.

M. Weaver a déclaré que, le 12 janvier, la GRC l’a informé qu’une cargaison de boisson alcoolique sous surveillance aux États-Unis était sans doute destinée au Canada. Personne ne connaissait à ce moment-là la destination exacte de la cargaison. Vers la fin de l’après-midi du 13 janvier, le caporal Matheson l’a avisé que la cargaison avait été subdivisée en cargaisons plus petites et que les véhicules utilisés pour leur transport se trouvaient dans le stationnement du restaurant Junior’s. On lui a dit de ne pas bouger, qu’on ne faisait que le mettre au courant de la situation. Lorsqu’il a rencontré le chef des douanes au pont Rainbow, M. Brent Gallagher, à 8 h 30 le 14 janvier, il a appris que ce dernier avait communiqué avec un certain M. Miller de la GRC pour lui faire part des allégations faites par un agent de la GRC au sujet d’un inspecteur des douanes; M. Gallagher lui avait dit que ce n’était pas un comportement approprié, ce qu’à convenu M. Miller. M. Weaver a déclaré qu’il n’avait jamais dit à qui que ce soit au pont Whirlpool qu’une livraison contrôlée était en cours.

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Decision Page 8 M. Victor Zip était le conducteur du deuxième camion de Budget qui a été arrêté par l’agent Fraser. M. Zip, qui a fait partie du corps de police de Hamilton de 1968 à 1982, a déclaré avoir rencontré un dénommé Paul Adams en décembre 1993 à l’époque lui-même était partenaire dans une compagnie d’enquêtes de sécurité et d’installation de systèmes d’alarme appelée Steeltown Security. M. Adams avait retenu les services de sa compagnie en vue de faire installer un système d’alarme chez lui; il avait expliqué à M. Zip qu’il avait besoin du système d’alarme parce que deux de ses associés dans une affaire de contrebande de boisson alcoolique étaient entrés chez lui par effraction et avaient volé la somme de 600 000 $ en espèces, somme qui représentait le produit de la contrebande. Il s’était confié à M. Zip parce qu’il voulait que ce dernier essaie de retrouver les deux individus en question qui étaient connus sous les noms de Clark et Krusto. En janvier 1994, M. Zip avait dit à M. Adams qu’il accepterait volontiers de conduire un camion parce qu’il avait un réel besoin d’argent; à cette époque, la femme de M. Zip avait été arrêtée à la suite d’une tentative de suicide et il devait payer une caution de 1 000 $. M. Adams, qui a été cité à comparaître par l’employeur et qui a longuement témoigné dans cette affaire, était le chef du réseau de contrebande en question et c’était lui qui, entre autres choses, avait assuré le financement de l’opération du 14 janvier ainsi que d’autres activités semblables avant cette date. M. Adams a accepté de payer M. Zip 1000 $ pour conduire un camion rempli d’alcool des États-Unis au Canada en passant par le pont Whirlpool. D’après M. Zip, M. Adams lui avait dit que l’opération ne comportait presque aucun risque étant donné qu’un des gardes-frontières avait été soudoyé. Le 11 janvier 1994, M. Adams a rencontré M. Zip et lui a remis la somme de 500 $ en guise de dépôt pour la location d’un camion de cinq tonnes que M. Zip devait aller chercher le 12 janvier. Il lui a donné instruction d’amener le camion au restaurant Junior’s à Niagara Falls, New York, il rencontrerait un dénommé «Chuck». M. Zip est arrivé audit restaurant vers midi le 13 janvier. Il y a rencontré M. Randy Hobbins qu’il connaissait déjà; il a eu tôt fait de constater que ce dernier avait également un rôle à jouer dans cette affaire. M. Zip et M. Hobbins, et un autre homme qui se nommait «Maxwell», ont rencontré «Chuck» qui conduisait un plus petit camion. M. Zip a déclaré qu’ils avaient suivi le camion de Chuck jusqu’à un entrepôt à Buffalo ils ont transféré la boisson du camion remorque aux trois camions de location. Ils sont ensuite retournés au restaurant ils ont attendu que se présente l’occasion de traverser la frontière.

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Decision Page 9 Chuck avait un téléphone cellulaire dont il s’est servi à deux ou trois reprises ce jour-là.

Chuck a informé les chauffeurs que le moment était venu de traverser, qu’ils devaient partir à tour de rôle à quinze minutes d’intervalles et que lui-même prendrait la tête du peloton. Il a répété les instructions que M. Zip avaient reçues de M. Adams, soit dire que son camion était «vide». M. Zip a déclaré que le premier camion était conduit par Maxwell qui est parti juste après minuit; à minuit vingt, ce fut au tour de M. Zip; lorsqu’il est arrivé au poste de péage du pont Whirlpool il a dit au péager qu’il transportait une charge maximale; le péager lui a répondu que les douanes canadiennes ne le laisseraient pas passer. Il a payé le droit de passage et a quand même continué sa route. Il s’est présenté aux douanes; il se trouvait dans la voie du milieu; le garde-frontière est sorti du poste de contrôle, s’est approché du camion et lui a demandé ce qu’il transportait, ce à quoi M. Zip a répondu : «Vide». Le garde a repris : «Vide?» et M. Zip a répété : «Vide». Le garde lui aurait ensuite dit : «Il y a une Pontiac bleue portant le numéro d’immatriculation 174-NEW, qui rôde dans les parages depuis des heures, c’est un flic.» M. Zip a déclaré qu’il avait griffonné sur le tableau de bord, sans regarder, le numéro en question au verso du reçu que lui avait remis le péager en entrant aux États-Unis l’après-midi de la veille (pièce E-19); il s’était dit que cela ne lui servirait pas à grand chose étant donné qu’il n’avait nullement l’intention d’essayer d’échapper à un véhicule de la police. Il a affirmé qu’il ne connaissait pas le garde-frontière qu’il a identifié comme étant M. MacKenzie. Il l’avait reconnu sur une des photos de gardes-frontières que lui avait montrées la GRC (pièce E-21). Il a ajouté que la GRC l’avait arrêté sur l’autoroute QEW, à l’extérieur de St. Catherines, Ontario. Celle-ci avait confisqué son camion et il n’y avait plus accès. Le caporal Watters a déclaré que la GRC avait trouvé le reçu au verso duquel des lettres et des chiffres avaient été griffonnés lors de la fouille du camion au moment de l’arrestation de M. Zip et l’avait versé au dossier; après la déclaration de M. Zip, les policiers ont retrouvé le reçu en question dans le dossier.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Zip a avoué qu’on s’était engagé à ne pas intenter de poursuites contre lui en échange de sa déclaration. Il a aussi admis qu’il avait témoigné pour la Couronne au procès de M. MacKenzie. Il a affirmé qu’il n’avait reçu aucune offre de récompense ni fait l’objet de menaces pour sa participation en

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Decision Page 10 l’instance et qu’il n’agissait pas par intérêt personnel dans cette affaire. Il a convenu avoir, à titre d’ancien policier, fait de la surveillance à de nombreuses occasions et pouvoir probablement mieux que la population en général reconnaître des voitures de police banalisées. Il a déclaré qu’il n’avait rien dit à la police lorsque M. Adams lui avait parlé de ses activités de contrebande et qu’il ne s’était pas senti obligé de le faire. Il comptait faire 10 ou 12 voyages pour M. Adams et ainsi gagner entre 10 000 $ et 12 000 $. Une des raisons pour lesquelles M. Zip a décidé de collaborer avec la police est que M. Adams était revenu sur l’engagement qu’il avait pris d’assumer les honoraires d’avocat et autres frais de M. Zip. Ce dernier a déclaré que M. MacKenzie ne lui avait posé aucune des questions d’usage aux douanes; il a affirmé qu’il s’était arrêté au poste de contrôle, mais qu’il ne pouvait pas dire s’il avait mis l’embrayage en position de stationnement (Park); il ne se rappelait pas qu’il avait gardé le crayon dont il s’était servi pour griffonner le numéro de la plaque d’immatriculation; il croit que le reçu qu’il avait utilisé se trouvait à côté de lui à ce moment-là. Dans sa déclaration à la GRC, il a indiqué qu’il avait été arrêté sur l’autoroute QEW par un policier conduisant une Pontiac bleue. Il a ajouté que M. MacKenzie aurait les prévenir que la police était à leurs trousses; il lui en voulait de ne pas l’avoir fait. M. Zip n’a pas été poursuivi pour sa participation aux activités de contrebande, pas plus que M. Adams, qui a également fait une déclaration à la police.

M. Paul Adams a déclaré qu’il avait passé 14 commandes de boisson alcoolique entre octobre 1993 et le 14 janvier 1994 et qu’il avait traité avec un certain M. John Pattullo qui travaillait pour un dénommé Gary Nicholls, le propriétaire d’une entreprise appelée Lang Exports; M. Nicholls avait des contacts dans plusieurs distilleries aux États-Unis. Initialement, soit au cours de l’été 1993, MM. Ken Clark et Pat Krusto ont utilisé des camions de gravier pour passer la frontière avec l’alcool. Sept cargaisons ont réussi à passer et trois ont été interceptées; les remorques ont été saisies à Niagara Falls, New York par le Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms. Au début d’octobre 1993, MM. Clark et Krusto lui ont dit qu’ils pouvaient faire passer de la boisson de l’autre côté de la frontière parce qu’ils connaissaient un agent des douanes au pont de Whirlpool qui était prêt à collaborer. Ils lui ont demandé 18 000 $ dont une partie devait servir à soudoyer l’inspecteur des douanes. Selon M. Adams, l’arrangement était que lorsqu’ils sauraient quand le garde-frontière était de service, ils s’organiseraient pour charger les camions et attendre au restaurant Junior’s du côté

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Decision Page 11 de la frontière américaine. Par la suite, ils rencontreraient quelqu’un connu sous le nom de « golfeur » qui recevrait un appel sur sa pagette pour leur indiquer l’heure exacte à laquelle ils pourraient traverser la frontière.

M. Adams a rencontré le « golfeur » accompagné de MM. Clark et Krusto chez Burger King à Niagara Falls (Ontario). Il a appris par la suite, à l’interrogatoire préliminaire de M. MacKenzie, que le « golfeur » s’appelait Howard Greenwood. Ce dernier parlait de « la fille » lorsqu’il était question du garde-frontière; M. Adams n’a jamais su de qui il s’agissait. Il a rencontré le « golfeur » à une ou deux autres occasions et ce dernier lui a téléphoné plusieurs fois; il signalait le numéro de pagette du « golfeur » ou ce dernier l’appelait par téléphone cellulaire pour lui dire quand la « fenêtre » serait ouverte en vue de faire passer une autre cargaison à la frontière en empruntant la voie réservée aux camions. Une fois informé de la date à laquelle ils pouvaient traverser, il prévenait MM. Clark et Krusto qui fixaient rendez-vous à M. Greenwood chez Junior’s. M. Adams s’est rendu aux États-Unis à quelques occasions lorsque les cargaisons devaient passer la frontière; il se rendait chez Junior’s il rencontrait MM. Clark et Krusto ainsi que le « golfeur »; M. Greenwood attendait de recevoir un appel sur sa pagette; il s’agissait d’un message en code; à un moment donné il était avec M. Greenwood lorsque la pagette a sonné; M. Greenwood lui avait alors dit : « Nous avons une heure pour nous rendre au pont. »

M. Adams a déclaré qu’il avait embauché les chauffeurs après le 20 décembre pour passer la frontière en camion. Il avait rencontré M. Zip le 21 décembre lorsqu’il lui avait donné le contrat d’installation d’un système d’alarme; il croyait également que ce dernier était un enquêteur privé, et il avait retenu ses services afin de retrouver MM. Clark et Krusto qui s’étaient enfuis avec son argent. Il lui avait dit d’où provenait l’argent et lui avait remis 1 000 $ pour effectuer un voyage ainsi que 500 $ pour la location d’un camion lorsque M. Zip s’est dit intéressé à conduire un des camions.

Le 12 janvier 1994, M. Adams a rencontré Chuck Laubisch et M. Greenwood chez Junior’s; M. Greenwood lui a dit que la fenêtre serait ouverte les 13 et 14 janvier entre 20 heures et 8 heures. M. Adams, qui attendait à Hamilton pour prendre livraison des cargaisons, voyant que les camions n’arrivaient pas, s’est rendu au pont à Niagara Falls il a aperçu un des camions de location stationné près du poste de

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Decision Page 12 contrôle. Il a conclu que les autres véhicules avaient sans doute été saisis et il est reparti. Il réalisait un profit d’environ 50 000 $ par livraison. Il a indiqué qu’il n’avait reçu aucune promesse de récompense ni fait l’objet de menaces du fait de son témoignage en l’instance.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Adams a reconnu qu’en 1992 il vendait de la boisson importée illégalement et qu’il avait continué de le faire jusqu’en janvier 1994; il a précisé qu’il ferait encore de la contrebande s’il avait l’argent pour financer l’opération. Il a déclaré qu’il avait été arrêté à Cornwall en décembre 1994 pendant qu’il essayait de passer de la boisson en contrebande. Il avait alors avoué être mêlé aux activités de contrebande du pont Whirlpool. Il avait été accusé à la suite de son arrestation à Cornwall et contraint de payer une amende de 2 000 $. On lui avait dit qu’on se montrerait indulgent à son endroit en échange de sa collaboration. M. Adams a affirmé qu’il avait dit à la GRC, dans sa déclaration, qu’on lui avait laissé entendre que d’autres personnes s’adonnaient à la contrebande au pont Whirlpool. Ce sont des autochtones de la Réserve des Six Nations qui le lui avaient dit; il n’avait pas cherché à en savoir davantage. Il ne savait pas personnellement qu’un garde-frontière était mêlé à l’affaire. Il n’a jamais demandé à M. Greenwood à qui il remettait l’argent. Il a été témoin d’un paiement au « golfeur » pour les six livraisons; cela se serait produit durant la dernière semaine de novembre ou la première semaine de décembre. C’est à cette occasion qu’il a entendu parler de « la fille » pour la première fois. Il a déclaré qu’en ce qui le concerne un seul garde-frontière participait à l’opération et que lui et ses complices étaient prévenus lorsque ce garde-frontière travaillait.

M. Howard Martin Greenwood a été cité à comparaître par l’employeur; il travaille actuellement comme chauffeur au casino de Niagara Falls. Depuis trois ans, il est le conjoint de fait de Janet Pascuzzo, la soeur de la femme de M. MacKenzie, Theresa. Il a déclaré que M. MacKenzie lui avait été présenté par Janet Pascuzzo; il lui arrivait de le rencontrer à l’occasion de réunions en famille. Il avait entretenu une relation cordiale avec M. MacKenzie jusqu’à ce que ce dernier soit accusé. Lui-même avait été accusé et reconnu coupable de conspiration pour contrebande et abus de confiance et avait été condamné à trois mois de prison.

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Decision Page 13 M. Greenwood a déclaré que lui-même et Theresa MacKenzie avaient utilisé sa voiture pour se rendre dans une réserve indienne aux États-Unis au début de janvier 1993 dans le but d’acheter de l’essence et 30 cartouches de cigarettes. Ils avaient emprunté le pont Whirlpool à leur retour au Canada; M. MacKenzie se trouvait dans le poste de contrôle de la voie qu’ils avaient prise; ils ont échangé quelques propos; M. MacKenzie ne lui a pas demandé s’il avait quelque chose à déclarer. M. Greenwood et sa compagne sont passés et il s’est rendu à Toronto il a vendu les cartouches de cigarettes. Il a réalisé un profit de 300 $, somme qu’il a partagé avec M. MacKenzie. D’après M. Greenwood, l’idée de faire la contrebande de cigarettes leur était venue à « tous les deux ». À une autre occasion, toujours en janvier 1993, lui-même et M. MacKenzie se sont rendu dans un magasin de boissons à Niagara Falls, New York dans la voiture de ce dernier, une Pony de Hyundai; M. Greenwood a acheté 60 bouteilles de boisson qu’il a mises dans le coffre de la voiture; ils se sont présentés à la frontière du pont Whirlpool; M. MacKenzie connaissait l’inspecteur des douanes; ils ont échangé quelques propos sans faire de déclaration, puis sont repartis. De l’autre côté de la frontière, ils ont transféré les bouteilles de boisson dans le coffre de la voiture de M. Greenwood qui les a vendues à Toronto en réalisant un profit de 600 $, somme qu’il a encore une fois partagée avec M. MacKenzie.

D’après M. Greenwood, M. MacKenzie lui avait dit qu’ils devraient s’organiser pour faire la contrebande de plus grandes quantités de boissons par le pont Whirlpool. M. Greenwood a trouvé une filière, soit un groupe de personnes appelées « John », « Leo » et « Harry »; ces personnes ont exigé de rencontrer l’agent des douanes pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un agent d’infiltration; MM. MacKenzie et Greenwood ont organisé une rencontre du groupe dans une beignerie Tim Horton à Niagara Falls en février ou mars 1993. M. Greenwood a présenté M. MacKenzie aux trois autres personnes; « Leo » est sorti avec M. MacKenzie et l’a amené dans une fourgonnette stationnée à l’extérieur de la beignerie pour procéder à une fouille afin de s’assurer qu’il ne portait pas de dispositif de communication. Selon M. Greenwood, M. MacKenzie a dit au groupe qu’il ne voulait pas qu’on utilise son nom, qu’il préférait qu’on l’appelle « Doug »; il a précisé à M. Greenwood qu’il connaissait un agent des douanes appelé Doug Lauder qu’il n’aimait pas.

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Decision Page 14 D’après les explications fournies par M. Greenwood, M. MacKenzie, lorsqu’il était de service au pont Whirlpool, l’appelait sur sa pagette pour lui dire à quel moment il se trouverait dans le poste de contrôle principal; M. Greenwood a déclaré qu’il recevait un appel une heure ou deux avant que M. MacKenzie soit affecté au poste en question. Après l’appel, M. Greenwood traversait le pont Whirlpool et allait rejoindre les chauffeurs de camions de cinq tonnes qui l’attendaient près d’un entrepôt à Buffalo. Selon M. Greenwood, son rôle était de traverser le pont en camion; il passait le premier pour indiquer à M. MacKenzie dans quel camion se trouvait la contrebande. Il a déclaré qu’il avait reçu 3 000 $ de « John », soit 1 000 $ pour lui et 2 000 $ pour M. MacKenzie. Ce dernier lui avait dit que les chauffeurs devaient déclarer au péager qu’ils transportaient une pleine charge puis payer le droit de passage, ils devaient ensuite répondre « vide » lorsque M. MacKenzie leur demanderait au poste de contrôle principal si le camion était « vide ou plein ».

M. Greenwood a déclaré que lui et M. MacKenzie avaient touché en tout, pour toutes les livraisons, entre 10 000 $ et 12 000 $ et que le partage se faisait à 2 pour 1 en faveur de M. MacKenzie. Il a affirmé qu’il avait cessé de faire affaire avec « John » et « Leo » après quatre ou cinq livraisons parce qu’ils avaient été arrêtés lors de la dernière livraison et que lui et M. MacKenzie n’avaient pas été payés. Lui et M. MacKenzie avaient décidé de se trouver une autre filière pour pouvoir continuer de faire la contrebande; M. MacKenzie avait dit à M. Greenwood qu’il ne voulait pas rencontrer personne. M. Greenwood a déclaré qu’ils avaient fait passer huit ou dix cargaisons de contrebande au pont Whirlpool entre octobre 1993 et janvier 1994, y compris la cargaison du 14 janvier. D’après M. Greenwood, M. MacKenzie avait participé à toutes les opérations.

MM. Greenwood et MacKenzie ont continué de cette façon après avoir cessé de traiter avec « John » et « Leo », c’est-à-dire que M. MacKenzie téléphonait à M. Greenwood sur sa pagette une heure avant; M. MacKenzie se rendait même chez lui parfois rue Stamford laquelle rue, comme l’a fait remarquer M. Greenwood, se trouve à quelques minutes seulement du pont. M. Greenwood s’est souvenu que M. MacKenzie s’était présenté chez lui à deux ou trois reprises pour lui indiquer à quelle heure il pouvait faire passer la cargaison. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait remis à M. Greenwood une feuille de codes indiquant les numéros qui étaient

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Decision Page 15 attribués à chaque période de l’horaire; M. Greenwood a déclaré que c’était une mesure de précaution suggérée par M. MacKenzie au cas la pagette aurait été sous écoute électronique.

M. Greenwood s’est souvenu que le soir du 13 janvier, M. MacKenzie s’était présenté chez lui à 23 heures pour lui dire qu’il allait être affecté au poste de contrôle principal entre 00 h 30 et 1 h 30; il lui a aussi dit que les camions devaient se suivre à dix minutes d’intervalles; il a ajouté qu’il avait loué des films pour le personnel au magasin de vidéos Blockbuster et qu’il avait aussi acheté du café. M. Greenwood a déclaré que sa conjointe de fait, Janet Pascuzzo, était à la maison ce soir-là et qu’elle était présente pendant sa conversation avec M. MacKenzie. Il a ensuite téléphoné à M. Laubisch à Niagara Falls, New York, pour lui demander de le rencontrer au restaurant Bob Evans à Niagara Falls, situé à quelques minutes du restaurant Junior’s. Il lui a dit à quelle heure M. MacKenzie serait de service au poste d’inspection primaire et indiqué ce que le chauffeur devait dire au péager et à M. MacKenzie au sujet des camions.

M. Greenwood a déclaré que, le 13 janvier et à toutes les autres occasions, il avait utilisé la même voiture, soit une Mustang portant l’immatriculation 141 SNA, pour se rendre aux États-Unis lorsqu’il s’occupait de contrebande. M. MacKenzie lui avait dit qu’il pouvait éteindre l’appareil au poste de contrôle de telle sorte qu’il n’y avait pas moyen de savoir que M. Greenwood avait traversé le pont Whirlpool en sens inverse. M. Greenwood a affirmé qu’ils avaient reçu 2 000 $ et 6 000 $ à la suite des deux premières livraisons et que sa part avait été de 3 000 $. Il avait exigé un partage égal dans un cas parce que M. Laubisch lui avait causé des difficultés à cause de son manque d’organisation.

M. Greenwood a ajouté qu’il avait assisté au procès de M. MacKenzie, mais qu’il n’avait pas été cité à comparaître et qu’il n’avait pas témoigné. Il s’est souvenu d’avoir rencontré M. MacKenzie dans la salle de toilettes du palais de justice; M. MacKenzie lui avait demandé ce qu’il faisait là. Il a nié avoir dit à M. MacKenzie à ce moment-là qu’il voulait s’assurer que ce dernier « n’allait pas le dénoncer ».

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Decision Page 16 Au cours du contre-interrogatoire, M. Greenwood s’est fait interroger au sujet de ses allégations selon lesquelles lui et M. MacKenzie avaient fait passer en contrebande 60 bouteilles de boisson dans le coffre de sa Hyundai; il a répondu qu’il ne se souvenait pas qui était de service au poste de contrôle à ce moment-là et il n’a pu identifier la personne sur une photo. Il ne se souvenait pas non plus de la date exacte à laquelle lui et M. MacKenzie avaient rencontré « John » et « Leo » chez Tim Horton; pour autant qu’il s’en souvenait c’était entre janvier et mars 1993. Il a nié avoir jamais dit à M. MacKenzie qu’il « allait avoir sa peau ». Il a indiqué qu’ils ne connaissaient pas l’identité de « John » ou « Leo » ni celle des autres personnes impliquées dans l’opération de contrebande. Il a reconnu avoir dit au caporal Watters que lui-même et M. MacKenzie avaient reçu 9 000 $, et que sa part avait été de 3 000 $. Il a aussi été interrogé au sujet de la feuille de codes; il a affirmé qu’il n’en avait pas de copie parce qu’il avait jeté la feuille en novembre 1994 lorsque M. MacKenzie avait été suspendu; il a aussi raconté que M. MacKenzie lui avait dit qu’en cas de problème il ferait le quatre ou le sept trois fois pour lui indiquer de ne pas passer; il ne l’a jamais fait. M. Greenwood a affirmé qu’il avait été étonné de voir apparaître M. MacKenzie chez lui le 13 janvier; il lui a dit que des membres de la famille qui habitaient non loin de chez lui pourraient le voir et conclure qu’ils tramaient quelque chose étant donné qu’ils ne se fréquentaient pas beaucoup.

M. Greenwood a aussi été interrogé au sujet de ses activités les plus récentes; il a indiqué qu’il venait de se trouver un emploi comme conducteur de fourgonnette au casino de Niagara Falls; le caporal Watters lui avait donné la permission d’inscrire son nom à titre de référence dans son curriculum vitae. M. Greenwood a déclaré qu’il n’avait participé à aucune activité illégale depuis sa sortie de prison. Interrogé au sujet de yens japonais qui auraient disparu de la résidence d’un certain M. Iskander chez qui Janet Pascuzzo travaillait comme gardienne d’enfant, il a avoué avoir volé l’argent et avoir essayé de le convertir en devises canadiennes à une succursale de la Banque Royale. Il a été accusé de vol en août 1996 à la suite de cet incident, mais M. Iskander avait demandé qu’on laisse tomber les accusations. Il a admis avoir effectivement volé l’argent, mais il a présenté l’incident comme étant un « malentendu ».

M me Janet Pascuzzo a également témoigné au nom de l’employeur. Elle est la soeur de Theresa MacKenzie et le conjoint de fait de M. Greenwood depuis trois ans.

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Decision Page 17 Elle a admis avoir été reconnu coupable de vol il y a neuf ans et avoir été condamné à 100 $ d’amende. Elle a aussi admis avoir à une ou deux occasions au début des années 1990 omis de déclarer quelques cartouches de cigarettes aux douanes; M. MacKenzie n’avait pas été mêlé à ces incidents. Avant la condamnation de M. Greenwood, elle rencontrait M. MacKenzie aux réunions familiales seulement; il en était de même de sa soeur. Depuis la condamnation de M. Greenwood, il n’y a eu aucun contact entre elle et la famille MacKenzie.

M me Pascuzzo s’est souvenue que, le 13 janvier à 23 heures, M. MacKenzie s’est présenté à ce qui était alors leur résidence rue Stamford. Elle a déclaré qu’elle se souvenait de l’heure exacte parce sa fille était sortie ce soir-là et qu’elle l’attendait près de la fenêtre. Quelqu’un a frappé à la porte et elle a ouvert. C’était M. MacKenzie qui voulait parler à « Howie »; elle est restée près de la porte; M. MacKenzie a dit à M. Greenwood qu’il était allé chercher un film et du café pour les gars et qu’il serait sur le pont entre 00 h 30 et 1 h 30. Elle s’est souvenu des paroles de M. Greenwood : « Pourquoi es-tu venu ici? », et de la réponse de M. MacKenzie : « Pourquoi pas? »

Elle savait que M. MacKenzie fournissait des renseignements à M. Greenwood au moyen de sa pagette après quoi M. Greenwood se rendait aux États-Unis; elle savait également qu’ils ramenaient de la boisson des États-Unis dans des camions loués. M me Pascuzzo a ajouté qu’elle avait vu la feuille de codes fournie par M. MacKenzie. Le lendemain de la saisie, elle-même et M. Greenwood se sont présentés au domicile de M. MacKenzie; ce dernier leur a dit qu’il avait été interrogé par la GRC au cours de la nuit, mais qu’il ne fallait pas s’inquiéter car il maîtrisait la situation et la police ne soupçonnait ni lui ni M. Greenwood.

Au cours du contre-interrogatoire, M me Pascuzzo a déclaré qu’elle s’était rendu compte pour la première fois que M. MacKenzie et M. Greenwood faisaient de la contrebande lorsque M. Greenwood avait vendu des cartouches de cigarettes à Toronto en 1993. Elle a indiqué qu’elle n’avait rien dit à la police parce que c’était une source de revenus et qu’elle ne voulait pas attirer des ennuis à M. Greenwood. Elle aussi avait assisté au procès de M. MacKenzie parce qu’elle voulait savoir ce que la police savait à leur sujet. Elle a indiqué que M. Greenwood avait été arrêté parce que la police avait suivi M. MacKenzie jusqu’à leur domicile et noté le numéro des plaques de voiture de

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Decision Page 18 M. Greenwood, ce qui avait finalement permis à la police de le relier aux activités de contrebande.

M me Pascuzzo a affirmé qu’elle avait fait une déclaration au caporal Watters le 30 janvier 1996. Elle ne lui avait pas fourni ces renseignements à ce moment-là. En ce qui concerne leur visite au domicile de M. MacKenzie le 14 janvier, elle s’est souvenue que M. MacKenzie avait dit qu’il n’avait d’autre choix que de remettre le dernier camion à la police. Elle s’est aussi souvenue qu’il avait dit à M. Greenwood : «Ne t’en fais pas, ils ne savent pas qui est passé; l’ordinateur était éteint.»

M me Theresa MacKenzie, qui a témoigné au nom du fonctionnaire s'estimant lésé, avait un tout autre souvenir des incidents relatés par M. Greenwood et M m e Pascuzzo. Elle a déclaré qu’elle n’avait jamais accompagné M. Greenwood aux États-Unis. Elle a aussi affirmé qu’elle était chez elle les 13, 14 et 15 janvier 1994 et que sa soeur, Janet Pascuzzo, ne lui avait pas rendu visite. Elle a fait remarquer que M. MacKenzie dort jusqu’à 14 heures ou 15 heures lorsqu’il travaille jusqu’à 8 heures du matin, puis qu’il sort faire des courses; le couple avait pris l’habitude de ne recevoir personne ces jours-là parce que l’horaire était trop chambranlé. Elle s’est souvenue que M me Pascuzzo leur avait rendu visite à Noël puis le 28 février 1994 à l’occasion de l’anniversaire de la fille de M me MacKenzie. Entre octobre et janvier 1994, a-t-elle ajouté, M. MacKenzie avait fait des heures supplémentaires durant la période des Fêtes; elle a aussi affirmé qu’ils avaient deux comptes conjoints à la banque; elle n’est au courant d’aucune somme d’argent qu’aurait touchée M. MacKenzie à part le paiement de ses heures supplémentaires.

Au cours du contre-interrogatoire, M m e MacKenzie a déclaré qu’il lui arrivait de faire des emplettes aux États-Unis, mais qu’elle les déclarait toujours aux douanes; elle ne voulait pas mettre l’emploi de son mari en jeu. Elle a convenu que M. MacKenzie s’occupait de toutes les opérations bancaires de la famille; elle se rendait parfois à la banque pour retirer de l’argent; à ce moment-là elle demandait le solde des comptes; elle a également convenu qu’ils vivaient exclusivement du salaire de son mari, qu’ils payaient une grosse hypothèque de 60 000 $ et qu’ils effectuaient un paiement de 1 000 $ sur le solde de leur carte de crédit; au moment de son licenciement, M. MacKenzie gagnait entre 37 000 $ et 38 000 $ par année et il fallait

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Decision Page 19 tenir un budget serré; il arrivait à M. MacKenzie de recevoir un gros chèque d’heures supplémentaires. M me MacKenzie a affirmé qu’elle aurait su si son mari avait été en possession d’argent illégalement obtenu et qu’elle l’aurait dit à la police si on le lui avait demandé. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas de casier judiciaire et qu’elle n’avait jamais été arrêtée.

M. Paul MacKenzie a aussi donné une version très différente des faits. Il travaillait pour Douanes et Accise depuis juin 1975. Pour toute cette période, son dossier disciplinaire ne faisait état que d’une suspension d’une journée à la suite d’un débrayage relié à une grève, et peut-être une réprimande pour avoir abandonné son poste pour aller aux toilettes. Il a fait remarquer que son rendement avait été évalué entièrement satisfaisant pendant la période de 1975 à 1993 et qu’il avait reçu trois mentions élogieuses dont une relative à la saisie du 14 janvier.

M. MacKenzie a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir accompagné M. Greenwood aux États-Unis; il a nié avoir été de connivence avec ce dernier pour faire la contrebande de cigarettes et s’être trouvé à la ligne d’inspection primaire lorsque ce dernier avait passé la frontière avec M me MacKenzie. En ce qui a trait aux allégations de M. Greenwood selon lesquels ils s’étaient rendus aux États-Unis dans la voiture de M. MacKenzie pour rapporter 60 bouteilles d’alcool, M. MacKenzie a tout nié et a affirmé qu’il aurait été impossible de transporter autant de bouteilles dans le coffre de sa voiture. Il a rencontré M. Greenwood pour la première fois il y a six ou huit ans lorsque sa belle-soeur, Janet, le lui a présenté; il a décrit leur relation comme étant cordiale et a précisé qu’ils ne se voyaient qu’à l’occasion de réunions de famille et au terrain de camping tous les deux avaient une roulotte.

En ce qui concerne les incidents des 13 et 14 janvier 1994, M. MacKenzie a déclaré qu’il était parti de chez lui à 19 h 25 et qu’il était arrivé au pont dix minutes plus tard. Il stationne normalement sa voiture dans un terrain de stationnement situé à proximité d’un entrepôt en face de l’immeuble de l’administration; il pénètre ensuite à l’intérieur de l’entrepôt il change de manteau, met une ceinture de travail et des gants, puis se rend à l’immeuble de l’administration il vérifie l’horaire quotidien affiché au tableau situé à côté du bureau de la surintendante. Il a fait remarquer qu’il y avait cinq téléphones dans l’immeuble auxquels les inspecteurs ont accès. Ce

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Decision Page 20 jour-là, il était d’abord affecté au comptoir et il aurait pu facilement se servir des téléphones.

M. MacKenzie a précisé qu’il arrivait fréquemment aux inspecteurs de fermer une voie et de se partager la tâche sur la voie restée ouverte lorsqu’il n’y avait pas de file d’attente; il a décrit l’arrangement comme étant une «convention verbale» entre les inspecteurs et que l’horaire quotidien n’en fait pas état car la direction ne serait pas d’accord. M. MacKenzie a déclaré qu’il prenait toujours une pause-repas d’une demi-heure même s’il avait droit à une heure. Le 13 janvier, il l’aurait prise à 20 h 50, même s’il n’est pas sûr de l’heure exacte étant donné qu’il ne porte pas de montre, il est sûr que c’était avant 23 heures, l’heure officielle de la pause-repas; il a affirmé qu’il était parti plus tôt parce que M. Neufeld était affecté au bureau de l’adjoint (BA) jusqu’à 23 heures et que lui-même devait le remplacer à minuit; il voulait le remplacer le plus tôt possible.

Il s’est souvenu qu’à 22 h 50 il s’est rendu à sa voiture stationnée de l’autre côté de la rue, l’a démarrée, puis est entré dans l’entrepôt, s’est rendu à son casier, a changé de manteau et est retourné à son auto; il l’a déneigée puis s’est engagé sur River Road, puis sur la rue Bridge jusqu’à l’avenue Victoria; au troisième feu de circulation de l’avenue Victoria il est entré dans la plaza commerciale du Blockbuster Video; plus tôt dans la soirée, M m e Lemire, la surintendante du quart, lui avait demandé de rapporter du café et deux films vidéos; il a stationné devant la boutique de vidéos, est entré, a choisi deux films, a payé et est retourné à sa voiture; il est ensuite arrêté à un café un peu plus loin il a acheté du café; il a emprunté l’avenue Victoria, tourné sur Valley Way, puis sur la rue Huron; il emprunte intentionnellement la rue Huron habite sa mère pour voir s’il y a de la lumière chez elle. Il tourne ensuite à gauche sur la rue Ontario et poursuit sa route jusqu’à la rue Queen pour ensuite emprunter River Road jusqu’au pont il tourne dans le terrain de stationnement situé à gauche de l’entrepôt. Il laisse le café et les films au comptoir. Ce soir-là, il croit qu’il est revenu au pont vers 23 h 20; d’après ses souvenirs, il lui avait fallu vingt-cinq minutes pour effectuer le trajet; il avait stationné sa voiture près de l’entrepôt, s’était rendu au comptoir, avait compté l’argent dans la caisse de M. Neufeld et s’était rendu dans l’aire secondaire. Il y est resté jusqu’à minuit et, de minuit à 00 h 40, il était affecté à la caisse et de 00 h 40 à 1 h 20 à la ligne

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Decision Page 21 d’inspection primaire. Il a nié avoir fait un arrêt chez M. Greenwood ce soir-là en précisant qu’il n’aurait pas eu assez de temps. À la demande des parties, l’arbitre a refait l’itinéraire et les activités de M. MacKenzie avec et sans arrêt à la résidence de la rue Stamford.

M. MacKenzie a déclaré que les inspecteurs préfèrent être affectés à la ligne d’inspection primaire durant le quart de nuit car celle-ci se trouve plus près de l’immeuble de l’administration. À l’arrivée du premier camion, conduit par M. Maxwell, M. MacKenzie tenait une borne dans la main droite; il a levé la main gauche pour indiquer au conducteur du véhicule immédiatement derrière le camion de M. Maxwell qu’il devait s’arrêter et il a essayé de déposer la borne sur la voie P-1; l’agent Phillips, le conducteur du véhicule en question, une voiture de tourisme bleue de marque Pontiac, a insisté pour emprunter la P-1 même si M. MacKenzie lui faisait signe de prendre la P-2; M. MacKenzie a alors déposé la borne et a ouvert la voie P-1 à contrecoeur pour laisser passer ce conducteur qui ne semblait pas vouloir entendre raison et qui était peut-être en état d’ébriété puisqu’il refusait d’emprunter l’autre voie. M. MacKenzie a déclaré qu’il s’était penché pour déterminer si le conducteur avait bu; il a aperçu le walkie-talkie de la GRC sur la banquette avant droite; il a également aperçu un micro dissimulé dans le coffre à gants laissé ouvert. Il est resté surpris de constater qu’il avait affaire à un agent de la GRC; il a demandé au conducteur il habitait, quelle était sa citoyenneté, etc., puis le conducteur a poursuivi sa route. M. MacKenzie s’est souvenu d’avoir posé à M. Maxwell les questions d’usage; il lui a demandé si le camion était vide ou plein, ce à quoi le chauffeur avait répondu qu’il était vide; M. MacKenzie a déclaré qu’il n’avait rien remarquer d’anormal dans le comportement du chauffeur; il avait l’air d’avoir environ 65 ans et semblait très détendu et nullement menaçant. M. MacKenzie a fait remarquer que même s’il n’existe aucune règle écrite interdisant aux véhicules commerciaux chargés de passer le pont Whirlpool à minuit, il aurait fallu remplir les documents administratifs nécessaires si le véhicule avait été chargé; cette tâche est normalement laissé à un courtier, mais à cette heure-là il n’y en a qu’un et il se trouve au pont Queenston; par conséquent, les camions sont autorisés à passer le pont Whirlpool seulement s’ils sont vides.

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Decision Page 22 M. MacKenzie s’est également souvenu du deuxième camion conduit par M. Zip; il a demandé à ce dernier il habitait, ce à quoi M. Zip avait répondu : «Hamilton». Il lui a demandé quelle était sa citoyenneté, combien de temps il s’était absenté du pays, ce à quoi M. Zip avait répondu : «la journée» en ajoutant qu’il n’avait rien acheté pendant son séjour. M. MacKenzie lui a ensuite demandé si le camion était vide ou plein; M. Zip avait répondu qu’il était vide. M. MacKenzie n’a rien remarqué de particulier dans l’allure du véhicule qui aurait indiqué qu’il était chargé; selon son expérience, les pneus d’un camion chargé s’affaissent quelque peu. Il a aussi remarqué que M. Zip semblait nerveux; il ne l’a pas prévenu de quoi que ce soit; il n’a pas discuté avec lui; il lui a seulement posé les questions d’usage. M. Zip a déclaré que le camion était vide et M. MacKenzie ne lui a donc pas demandé de passer à l’aire secondaire. M. MacKenzie a précisé qu’il avait tout de suite conclu en voyant l’agent Phillips que ce dernier suivait le camion conduit par M. Maxwell, mais que lorsque le camion suivant conduit par M. Zip s’est présenté, il n’avait aucune idée de ce qui se passait. Il a déclaré que la surintendante Lemire informe les inspecteurs des véhicules dont ils doivent surveiller l’arrivée pendant leur quart et elle ne l’avait pas fait. Il a dit qu’il avait vérifié dans l’ordinateur avant l’arrivée de M. Zip pour voir s’il y avait une surveillance; il n’y avait aucune indication. Il avait par contre remarqué qu’une voiture de tourisme beige à quatre portes conduite par un homme seul se trouvait à quelque cinquante à cent pieds du camion de M. Zip. Il a pensé qu’il pouvait s’agir d’un autre agent de la GRC, que la GRC faisait une filature et qu’il s’agissait d’une livraison contrôlée. Il a supposé que M. Zip se faisait filer par la GRC. S’il n’était pas arrivé à la conclusion qu’il s’agissait d’une livraison contrôlée, il aurait invité M. Zip à passer à l’aire secondaire.

M. MacKenzie a catégoriquement nié avoir prévenu M. Zip; en particulier, il a indiqué qu’il n’emploie pas le terme : «les flics». Il avait saisi la borne dans l’intention de fermer la P-1 et de passer à la P-2; lorsque le véhicule est arrivé à cinq pieds de lui, il a reconnu le conducteur de la voiture de tourisme qui suivait M. Zip; il lui a lancé : «Hé Willy, qu’est-ce qui se passe?» Lui et l’agent Hébert ont échangé quelques propos anodins, puis M. Hébert lui a dit : «Il faut que je parte, je suis en train de suivre ce camion.» M. MacKenzie a répondu : «Je viens de laisser passer un autre camion de Budget, les deux conducteurs m’ont dit qu’ils étaient vides. » Il lui a de nouveau demandé ce qui se passait lorsque M. Hébert lui a dit qu’il devait partir et est parti.

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Decision Page 23 M. MacKenzie a déclaré que le camion U-Haul est arrivé une quinzaine de minutes plus tard. Ce n’était pas le même type de camion que celui de Budget et il n’y avait pas de véhicule qui le suivait de telle sorte qu’il a conclu qu’il ne faisait pas l’objet d’une surveillance. Il a déclaré que le chauffeur, M. Hobbins, avait l’air d’un « motard » et que le véhicule semblait être lourdement chargé. Entre autres choses, M. MacKenzie a demandé au chauffeur si le camion était vide ou plein; le chauffeur a répondu qu’il était vide; M. MacKenzie a alors rempli la fiche de renvoi et demandé au chauffeur de se présenter à l’aire secondaire. M. Dimaurizio et M. Sabrizzi se sont occupés de la saisie. Par conséquent, il y a une erreur dans l’horaire de rotation par quart du 14 janvier, selon M. MacKenzie; ce n’est qu’à 3 h 30 qu’il a été remplacé par un certain M. Smith qui avait été rappelé du pont Rainbow à cause de la saisie.

M. MacKenzie s’est souvenu avoir fait une déclaration de témoin à la GRC dans le bureau de la surintendante le matin du 14 janvier. Il avait été étonné qu’on lui demande de faire une telle déclaration car il avait déjà par le passé participé à plusieurs saisies et avait rempli dans ces cas-là un K-19A, c’est-à-dire un formulaire normalisé utilisé à l’occasion des procédures au criminel pour examiner les témoignages et que les agents appellent un « rapport de saisie ». Il croyait que la déclaration était « tout à fait inappropriée ». Il a pris une demi-heure pour faire sa déclaration; il n’était pas à l’aise en présence des deux agents, y compris de l’agent Hébert qu’il connaissait. Il leur a dit qu’il était prêt à leur fournir un « rapport de saisie », mais ils ont exigé une déclaration; il leur a alors demandé : « Croyez-vous que je sois mêlé à cette histoire? » Ils ont répondu que non, mais qu’ils devaient faire remplir tous les papiers nécessaires. Avant de faire sa déclaration, M. MacKenzie est allé voir la surintendante Lemire pour lui dire que ce n’était pas nécessaire et que cela n’avait pas de bon sens; selon M. MacKenzie, elle a répondu qu’elle aussi était désolée, mais qu’il n’avait pas à s’inquiéter et qu’il devait leur donner sa déclaration.

M. MacKenzie a déclaré qu’il n’avait jamais rencontré M. Greenwood ou Janet Pascuzzo ce jour-là. Il a également nié être allé à la beignerie Tim Horton à Niagara Falls avec M. Greenwood pour rencontrer qui que ce soit; il a dit qu’on ne lui avait jamais présenté un dénommé « Leo » et qu’aucun des prétendus événements décrits par M. Greenwood n’était survenu.

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Decision Page 24 M. MacKenzie a aussi affirmé que l’employeur n’avait nullement restreint ses tâches de janvier à novembre 1994; personne n’a donné d’indication qu’il était soupçonné de quoi que ce soit.

Le 11 novembre 1994, lorsqu’il a été informé de sa suspension, il s’est rendu chez sa belle-mère car il s’était rappelé que sa femme lui avait dit qu’elle y passerait la journée.

M. MacKenzie a été interrogé au sujet d’une lettre anonyme envoyée à la GRC (pièce G-2). Il a dit qu’il ignorait l’existence de la lettre jusqu’à ce que le caporal Watter la lui montre lors de son arrestation en janvier 1995. Il n’avait jamais été question de la lettre avec M. Greenwood. M. MacKenzie s’est souvenu avoir vu M. Greenwood dans les toilettes au cours de son procès criminel et qu’il lui avait demandé ce qu’il faisait là. Il a affirmé que son avocat lui avait dit de se présenter seul avec sa femme au procès et qu’il avait transmis la directive au reste de la famille. M. Greenwood lui a répondu qu’il avait le droit d’être et que : « Je veux m’assurer que tu ne vas pas me dénoncer. » M. MacKenzie a déclaré qu’il avait été abasourdi par ces propos et qu’il ne lui avait pas répondu; il ne savait pas ce qu’il voulait dire. Ce n’est qu’en janvier 1995 qu’il a appris que M. Greenwood était mêlé à une histoire de contrebande lorsque lui-même a été arrêté une seconde fois en même temps que M. Greenwood et qu’ils ont tous les deux été détenus dans une cellule de détention provisoire. M. MacKenzie a affirmé que son avocat, M e Conti, lui avait conseillé de ne rien dire et de le laisser répondre aux questions. Il a ajouté qu’il se considérait comme un bon employé, qu’il ne prendrait pas part à une conspiration en vue de faire de la contrebande et qu’il ne ternirait pas l’insigne de son père (M. MacKenzie avait déclaré que son père avait été un inspecteur des douanes et qu’il avait insisté pour porter son insigne lorsqu’il avait commencé à travailler aux douanes).

Au cours du contre-interrogatoire, M. MacKenzie a reconnu que le fait d’autoriser l’importation illégale de produits de contrebande constituait une violation fondamentale des devoirs de sa charge. Il n’avait pas été prévenu par la GRC qu’il y aurait une livraison contrôlée ce jour-là. Il a aussi convenu que le manuel pertinent précise qu’il faut obtenir une autorisation avant de procéder au contrôle d’une livraison et que cette autorisation n’avait pas été obtenue en l’occurrence. Même s’il

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Decision Page 25 avait eu des soupçons au sujet de M. Zip, il ne lui avait pas demandé de passer à l’aire secondaire. Il avait remarqué, pendant qu’il s’occupait de M. Zip, que la voiture derrière lui semblait être un véhicule de la GRC; ses soupçons avaient été éveillés parce qu’il s’agissait d’une voiture de tourisme à quatre portes semblable à celle que conduisait l’agent Phillips. Il a convenu qu’il n’avait pas vérifié s’il s’agissait effectivement d’une voiture de police avant de laisser M. Zip repartir. Il a déclaré qu’il savait que quelque chose n’allait pas vu l’heure qu’il était et vu que la voiture de M. Hébert semblait s’avancer « furtivement ». Il a reconnu que du fait de ses soupçons il n’aurait pas laisser M. Zip passer; il a affirmé qu’il avait : « pris un risque » pour la première fois en 19 ans.

M. MacKenzie a nié avoir peut-être pris sa pause-repas avant 22 h 50; il a insisté sur le fait qu’il avait toujours l’habitude de mettre son manteau personnel avant d’aller chercher le café. Il a reconnu l’importance de fournir des rapports détaillés et exacts; il a convenu qu’il n’avait pas mentionné ses soupçons au sujet du camion conduit par M. Zip dans sa déclaration de témoin et qu’il n’y avait pas fait état non plus du fait qu’il croyait qu’il s’agissait d’une livraison contrôlée. Il a reconnu qu’il n’avait pas fait allusion à une livraison contrôlée au cours de ses conversations avec le caporal Watter ou l’agent Hébert ou encore avec sa superviseure immédiate, M me Lemire. D’après M. MacKenzie, cette dernière lui avait dit : « Si j’étais à ta place, je ne dirais pas un mot. Tout va bien! » Il a convenu que M me Lemire n’avait pas été interrogée au sujet de ce commentaire lors du contre-interrogatoire. Il a aussi été interrogé au sujet de ses notes (pièce E-49). Il a reconnu qu’il n’y avait rien au sujet d’une livraison contrôlée ou de ses soupçons concernant M. Zip.

M. MacKenzie a maintenu que M. Zip, M. Greenwood et M m e Pascuzzo mentaient au sujet du rôle qu’il avait joué dans les activités de contrebande. Il a également affirmé que le témoignage de l’agent Hébert selon lequel il n’avait rien dit au sujet du camion de M. Zip était également un mensonge. Il a émis l’hypothèse que l’agent Hébert s’était parjuré parce qu’il avait eu des ennuis après avoir dit à M m e Lemire que M. MacKenzie était « malhonnête ». Il a fait remarquer que M. Zip avait bénéficié d’une immunité contre une poursuite au criminel.

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Decision Page 26 M. MacKenzie a aussi été contre-interrogé au sujet de sa situation financière en 1993; il a déclaré qu’à l’époque il avait une hypothèque de 55 000 $ et qu’il devait 2 000 $ sur sa carte de crédit; son unique source de revenus était son salaire d’environ 43 000 $. Il a aussi déclaré que sa situation financière était demeurée la même d’octobre 1993 à janvier 1994 sauf qu’il avait gagné 1 800 $ au bingo, argent qui a servi à payer des comptes.

Lorsqu’on lui a demandé s’il avait fait des achats importants aux environs du mois de décembre 1993, M. MacKenzie a répondu par la négative. À une question particulière visant à déterminer s’il avait acheté une bague à diamant, il a commencé par dire qu’il ne se souvenait pas avoir fait un tel achat; il a déclaré qu’il se souviendrait d’un tel achat; il a fait remarquer que la bague que sa femme porte actuellement avait été achetée en 1990. On lui a alors demandé s’il reconnaissait la pièce E-51, un reçu émis à son nom pour l’achat le 15 décembre 1993 d’une bague à diamant au coût de 2 980 $ payé comptant. Il a avoué avoir fait cet achat; il a admis qu’il n’avait pas retiré d’argent de ses comptes de banque à cette occasion, il a dit que l’argent provenait des gains de bingo de sa femme, qui avaient été mis de côté.

Au cours du réinterrogatoire, M. MacKenzie a affirmé qu’il n’avait pas reçu de formation en matière de livraisons contrôlées; il a déclaré que les agents jouissent d’un certain pouvoir discrétionnaire suivant leurs soupçons au sujet d’une personne. Il a aussi fait remarquer qu’il ne porte pas la veste des Douanes et que par conséquent, à part les pantalons, son manteau d’hiver ne permet pas de savoir qu’il est en uniforme.

M. MacKenzie a mentionné que, lorsqu’il doit préparer un rapport de saisie, il ne le fait jamais en présence de la GRC; il la dactylographie plutôt lui-même. Il a affirmé qu’il avait donné sa déclaration de témoin à 3 heures du matin et qu’il était nerveux à cause de ce qu’il considérait être une façon de procéder inappropriée. M me Lemire lui avait dit que la GRC voulait seulement savoir il était et ce qu’il avait fait. Il a aussi déclaré qu’il n’était pas inhabituel pour lui de toucher entre 1 000 $ et 1 200 $ par mois en heures supplémentaires. À une question au sujet de la pièce E-51, il a répondu que la bague était un cadeau fait à sa femme à l’occasion de leur dixième anniversaire; il l’avait achetée avec ses économies et les gains de bingo de sa femme.

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Decision Page 27 M me Lemire a témoigné au sujet d’un Système automatisé de surveillance à la ligne d’inspection primaire (SASLIP). Lorsqu’un véhicule arrive dans la voie d’inspection, un lecteur prend une photo de la plaque et le numéro est enregistré dans le système, puis vérifié dans une base de données; l’inspecteur peut voir sur un moniteur à l’intérieur du poste de contrôle si une ordonnance d’exécution a déjà été émise relativement au véhicule en question. Il est possible pour un inspecteur de changer le numéro de la plaque enregistré dans le système; tous les inspecteurs possèdent un numéro d’identité et un mot de passe; le système enregistre aussi l’identité de l’agent en service dans le poste de contrôle lorsqu’il enregistre les données relatives à un véhicule particulier. M m e Lemire a indiqué que les inspecteurs doivent quitter le système à la fin de leur affectation, sinon le remplaçant continuerait de traiter les véhicules en utilisant le numéro d’identité de l’inspecteur précédent.

En contre-interrogatoire, M me Lemire a convenu que M. MacKenzie était considéré comme un bon agent de douane; elle n’était au courant d’aucune autre mesure disciplinaire qui aurait été prise contre lui antérieurement. Elle a affirmé que l’horaire de cinquante-six jours est affiché quinze jours à l’avance sur un tableau installé à l’arrière des casiers qui se trouvent dans l’immeuble de l’administration. Elle a précisé que le grand public a accès à l’immeuble et que n’importe qui peut consulter l’horaire. Elle a indiqué que le roulement ne se faisait pas dans un ordre particulier et que l’horaire peut être modifié si un employé est malade ou s’il doit s’occuper d’une ordonnance d’exécution. Il arrive souvent que la liste soit modifiée plus d’une fois par semaine. M me Lemire a convenu que lorsque M. MacKenzie a terminé son quart à 8 heures le matin du 13 janvier, il ne pouvait pas savoir à quelle heure il serait de service durant la soirée, avant le début de son quart à moins d’arriver au travail plus tôt. Elle ne savait pas à quelle heure il était arrivé ce jour-là pour son quart de 20 heures.

M m e Lemire a également affirmé qu’il arrive parfois aux inspecteurs des douanes de regarder des vidéos dans le salon de l’immeuble de l’administration; elle s’est souvenue que M. MacKenzie était allé cherché du café pendant sa pause-repas, mais elle ne pouvait dire s’il avait demandé l’autorisation de prendre une pause-repas d’une heure la soirée du 13 janvier, ni s’il y avait eu un message ce soir-là au sujet de

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Decision Page 28 la livraison de produits illicites. Elle a ajouté qu’il était normal de fermer une voie lorsqu’il n’y avait pas beaucoup de circulation; le surintendant en service l’autorise à la demande d’un inspecteur. Elle a convenu que les inspecteurs ont le pouvoir discrétionnaire de laisser passer un véhicule; il est déjà arrivé qu’on constate par la suite que le conducteur faisait de la contrebande. M me Lemire a aussi indiqué que les agents peuvent modifier les numéros de plaques enregistrés dans le SASLIP; elle ne savait pas si M. MacKenzie l’avait déjà fait. Il est déjà arrivé que des inspecteurs oublient de quitter le système. On lui a dit qu’il était arrivé que des inspecteurs utilisent le système sous le nom de l’inspecteur qu’ils venaient de remplacer parce que ce dernier avait oublié de quitter le système.

Le caporal Watters a reconnu un certain nombre de relevés d’appels téléphoniques de M. Paul Adams ainsi que ceux faits de la pagette de M. Greenwood et du domicile de ce dernier rue Stamford à Niagara Falls. Aucun des relevés obtenus par la GRC n’indiquait que M. MacKenzie avait fait ou reçu des appels; ils indiquaient que M. Adams avait téléphoné à M. Greenwood à quelques reprises et que ce dernier avait téléphoné à M. Adams le 13 janvier et que, entre le 21 octobre 1993 et le 14 janvier 1994, il avait à plusieurs reprises composé les numéros de pagette et de téléphone cellulaire de M. Laubisch à partir de son domicile, rue Stamford. Le caporal Watters a également fait référence à des relevés d’ordinateurs fournis par le service des douanes américain, qui indiquent qu’une voiture portant la plaque numéro 141 SNA, enregistrée au nom de M m e Janet Pascuzzo de la rue Stamford, avait passé le pont Whirlpool plusieurs fois durant cette période, notamment à 23 h 29 le 13 janvier 1994. Le caporal a fait référence à un document (pièce E-25) qui établit une comparaison entre les relevés de numéros de téléphone, les registres du service des douanes et les affectations de M. MacKenzie à la ligne d’inspection primaire du pont Whirlpool. D’après cette comparaison, MM. Adams et Laubisch ont reçu un certain nombre d’appels de la résidence de la rue Stamford entre le 21 octobre 1993 et le 14 janvier 1994. De plus, dans plusieurs cas, à la suite d’une série d’appels effectués chez MM. Adams et Laubisch depuis la résidence de la rue Stamford, la voiture Pascuzzo traversait le pont pour se rendre aux États-Unis; cela se produisait une heure avant l’arrivée de M. MacKenzie au poste d’inspection primaire.

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Decision Page 29 Le caporal Watters a reconnu que les dossiers n’indiquent pas que M. MacKenzie a communiqué avec M. Greenwood aux moments visés; il n’existe aucune preuve non plus que M. Greenwood a communiqué avec M. MacKenzie. Le caporal a aussi reconnu qu’il n’existe aucune preuve, à part la déclaration de M. Greenwood, que M. MacKenzie a reçu de l’argent des contrebandiers. Le caporal Watters a fait remarquer qu’il était au volant d’une Pontiac bleue immatriculée 174 NEW en compagnie de l’agent Phillips et qu’il n’attendait pas au pont Whirlpool le soir en question; il a également affirmé qu’il avait fait certaines vérifications pour déterminer si M. Zip avait cherché à obtenir auprès de contacts qu’il pouvait avoir dans la police des renseignements au sujet de l’immatriculation des véhicules, mais il n’avait rien trouvé. Il a nié que la GRC ait été furieuse d’apprendre que la remorque U-Haul avait été interceptée aux Douanes. Il a également maintenu que l’opération de contrebande du 14 janvier n’était pas une livraison contrôlée en ce qui concerne la GRC. On lui a montré une lettre anonyme (pièce G-2) concernant des menaces faites par les frères Maxwell aux agents de douane. Le caporal Watters a déclaré qu’on soupçonnait M. MacKenzie de l’avoir rédigée pour s’inventer une défense. Des échantillons de l’écriture de M. MacKenzie n’avaient toutefois pas permis de tirer des conclusions définitives. Au moment de son arrestation, M. MacKenzie a nié avoir écrit la lettre; la police a été incapable de confirmer l’origine de celle-ci.

M me Jennifer McFadden a également témoigné au nom de l’employeur. Elle avait été chargée d’établir certains documents comparant les horaires de travail de M. MacKenzie et d’autres employés travaillant au pont Whirlpool ainsi qu’aux ponts Rainbow et Queenston à Niagara Falls aux dates auxquelles la GRC prétendait que les activités de contrebande avaient eu lieu entre le 21 octobre 1993 et le 14 janvier 1994. Au cours de cette période, il y aurait supposément eu dix incidents de contrebande; sur les 34 quarts effectués par M. MacKenzie durant cette période, il avait été de service durant les dix quarts ces incidents se seraient produits. Comparativement aux 16 autres employés qui travaillaient au pont Whirlpool, un seul avait été affecté plus d’une fois au poste d’inspection primaire durant les prétendues activités de contrebande. Pour ce qui est des autres ponts, M me McFadden avait réussi à établir un maximum de quatre correspondances à l’égard de trois employés au pont Queenston et quatre autres à l’égard d’un employé au pont Rainbow.

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Decision Page 30 M. Charles Laywine enseigne les mathématiques à l’université Brock. C’est un spécialiste des mathématiques combinatoires qui porte sur l’analyse systématique des combinaisons possibles. L’employeur lui a demandé d’essayer de trouver une corrélation entre (traduction) « la séquence des appels effectués par Martin Howard (soit Howard Greenwood) aux numéros de la pagette ou du téléphone cellulaire de M. Laubisch et l’entrée aux États-Unis d’une voiture immatriculée 141 SNA suivie dans les 60 minutes de l’arrivée de Paul MacKenzie dans le poste d’inspection des véhicules commerciaux (P-1). » (Pièce E-48). D’après l’analyse de M. Laywine, la probabilité que ces incidents soient le fruit du hasard est d’environ 30 000 000 contre 1. M. Laywine a fait remarquer que c’est : (traduction) « moins que la moitié de la probabilité de gagner le gros lot à la 6/49 ». Il a conclu que : (traduction) « cette probabilité est tellement infinitésimale qu’il faut rejeter l’hypothèse que les incidents soient le fruit du hasard en ce qui concerne les heures d’affectation de M. MacKenzie au poste d’inspection P-1 ».

Argument L’avocat de l’employeur a soutenu que la preuve avait clairement démontré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait sciemment et intentionnellement facilité l’importation d’alcool le 14 janvier 1994. M e Snyder a maintenu qu’il ne s’agissait pas d’un cas de négligence ou de contrainte, mais bien d’abus de confiance de la part de M. MacKenzie à des fins de gains personnels.

M e Snyder a repris en détail la preuve présentée par l’employeur. Il a maintenu que les témoignages avaient été corroborés par chaque témoin. Il a fait remarquer, en particulier, qu’il y avait une grande corroboration entre les témoignages de MM. Greenwood et Zip qui avaient tous les deux directement impliqué le fonctionnaire s'estimant lésé. De plus, il y a amplement de preuve documentaire pour appuyer leurs témoignages, par exemple, le relevé des appels téléphoniques de M. Greenwood, les relevés de l’ordinateur indiquant qu’il a traversé la frontière aux moments pertinents et, en ce qui concerne M. Zip, le reçu du poste de péage au verso duquel a été griffonné le numéro de la plaque.

L’avocat de l’employeur a soutenu qu’il n’y avait aucun motif de conclure que M. Greenwood s’était parjuré; M. MacKenzie a confirmé qu’il ne le connaissait que

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Decision Page 31 vaguement; l’animosité entre eux est uniquement due au fait que M. Greenwood a fait de la prison à cause de la contrebande et non M. MacKenzie. M e Snyder a également évoqué le témoignage de M. MacKenzie qui a affirmé avoir rencontré M. Greenwood dans les toilettes du palais de justice ce dernier lui a dit : « Je veux juste m’assurer que tu ne me dénonceras pas. » Ce commentaire n’a aucun sens à moins que M. MacKenzie et M. Greenwood aient tous les deux été mêlés aux activités de contrebande. L’avocat a aussi mentionné l’absence de preuve indiquant que M. Zip a reçu une récompense ou a fait l’objet de menaces pour avoir témoigné en l’instance. Il a également maintenu que certains éléments du témoignage de M. MacKenzie ne sont tout simplement pas crédibles, en particulier son témoignage au sujet de l’achat de la bague en décembre 1993 et le fait qu’il n’a pas mentionné ses soupçons à l’endroit de M. Zip dans sa déclaration de témoin ou sur son bloc-notes.

M e Snyder a aussi fait valoir que même si la preuve directe est assez convaincante pour impliquer le fonctionnaire s'estimant lésé, il y a lieu de tenir compte aussi de la preuve circonstancielle selon les critères énoncés dans New Dominion Stores and R.W.D.S.U., Local 414 (1992), 28 L.A.C. (4th), 53, auxquels le juge Marcotte a souscrits dans l’affaire Dominion Colour Corporation and Teamsters Chemical Energy and Allied Workers’, Local 1880 (1996), 54 L.A.C. (4th), 386. M e Snyder a insisté sur le fait que même si le critère d’une preuve « claire et forte » s’applique en l’occurrence, la preuve n’est pas subordonnée à une échelle dégressive et que la règle du fardeau de la preuve demeure celle qui vaut au civil d’après Bradley Air Services v. Paul Chiasson et al. (1995), 90 F.T.R., 264, page 272.

Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu que bien que la règle du fardeau de la preuve qui soit applicable en l’occurrence soit la règle civile, en cas d’allégations d’actes criminels, la preuve doit être d’autant plus convaincante. M. Done a fait valoir que cette affaire reposait sur la question de savoir si les témoignages de M. Greenwood, M me Pascuzzo et M. Zip respectivement étaient plus crédibles que ceux de M. MacKenzie et Theresa MacKenzie. En particulier, M. Done a soutenu que si l’on rejetait le témoignage de M. Greenwood, il n’y aurait pas suffisamment de preuve contre M. MacKenzie. Il a maintenu que M. Greenwood n’était pas un témoin crédible, que ce dernier avait menti au cours de ces procédures lorsqu’il avait affirmé ne pas avoir commis d’acte malhonnête depuis sa libération de

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Decision Page 32 prison. Il a donné à entendre que M. Greenwood aurait pu faire de la contrebande pendant le quart de M. MacKenzie à l’insu de ce dernier dans l’espoir qu’il le protégerait en cas de difficultés. M. Done a fait remarquer l’absence de preuve indépendante indiquant que M. Greenwood et M. MacKenzie avaient communiqué entre eux. De plus, le témoignage de M. Greenwood comporte des contradictions; par exemple, ce dernier a indiqué que M. MacKenzie lui avait fourni un code par mesure de précaution; pourtant, il a affirmé que M. MacKenzie s’était présenté chez lui le 13 janvier.

M. Done a aussi maintenu que le témoignage de M m e Pascuzzo n’était pas crédible. M. MacKenzie n’avait pas eu le temps d’aller chercher du café, de louer des films puis de retourner au pont ainsi que de s’arrêter au domicile de M. Greenwood. De plus, le témoignage de M me Pascuzzo au sujet de la visite chez M. MacKenzie le 14 janvier est contredit par M m e MacKenzie. Selon M. Done, M me MacKenzie est plus digne de foi que M me Pascuzzo. Cette dernière a avoué avoir volé et fait de la contrebande; elle a aussi dit qu’elle ne dénoncerait pas M. Greenwood parce que l’argent rentrait. Par ailleurs, M me MacKenzie a fourni des raisons détaillées pour expliquer que M me Pascuzzo ne pouvait pas leur avoir rendu visite le 14 janvier; elle a vigoureusement maintenu qu’elle ne mentirait pas sous serment pour protéger M. MacKenzie. Le représentant de ce dernier a aussi soutenu que M. Greenwood s’était parjuré en vue d’impliquer M. MacKenzie parce que ce dernier avait mis les policiers sur sa piste; de plus, il a pu croire qu’à titre d’agent chargé d’appliquer la loi, M. MacKenzie avait fourni des preuves incriminantes à la police.

M. Done a également fait valoir que M. Zip n’était pas un témoin crédible; il a fait remarquer que ce dernier avait obtenu une immunité contre toute poursuite en échange de son témoignage. M. Zip a avoué qu’il aimait faire de la contrebande; M. Done a donné à entendre que M. Zip avait sans doute noté le numéro de la plaque pendant qu’il conduisait, ce qui expliquerait le griffonnage de la pièce E-19; s’il avait noté le numéro pendant qu’il était arrêté à la frontière et qu’il parlait à M. MacKenzie, son écriture aurait été plus lisible.

Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a aussi soutenu que l’employeur a agi de manière contradictoire; même après avoir été alerté par la GRC,

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Decision Page 33 au début de 1994, que M. MacKenzie était un suspect, il l’a gardé dans un poste de confiance et n’a imposé aucune restriction à ses tâches. L’employeur n’a jamais mené d’enquête en vue de déterminer si M. MacKenzie était coupable de mauvaise conduite. M. Done a aussi maintenu qu’il est approprié de faire la distinction entre ce que l’employeur pouvait avoir à reprocher à M. MacKenzie à la date de la suspension pour une période indéterminée, soit le 11 novembre 1994, puis à la date du congédiement, soit le 20 janvier 1995. M. Done a soutenu que l’arbitre était libre de conclure que l’employeur avait agi prématurément et sans motif valable en novembre, peu importe le bien-fondé de sa décision du 20 janvier 1995.

Motifs de décision La question de fait à trancher en l’occurrence est assez simple : M. MacKenzie a-t-il participé à une opération de contrebande de boisson durant les premières heures du 14 janvier 1994 comme l’a prétendu l’employeur dans sa lettre de congédiement. Les parties conviennent que si M. MacKenzie a participé de gré à une telle opération, il a manqué au devoir fondamental d’un inspecteur des Douanes.

Personne ne conteste qu’une opération de contrebande a eu lieu le 14 janvier 1994 concernant l’importation illégale d’importantes quantités de boisson alcoolique en passant par le pont Whirlpool à la frontière canadienne et que M. MacKenzie était de service à ce moment-là et qu’il a laissé passer deux des trois camions transportant les articles de contrebande sans demander aux chauffeurs de se ranger pour un examen secondaire. M. MacKenzie a maintenu qu’il avait laissé passer le premier camion parce qu’il croyait honnêtement mais à tort qu’il ne contenait pas de contrebande, et qu’il avait laissé passer le deuxième camion parce qu’il croyait que cela assurerait le succès de l’apparente surveillance que menait alors la GRC. L’employeur estime que M. MacKenzie avait pris part de plein gré à une conspiration en vue de faire la contrebande de ces articles et que le fait de laisser entrer les camions au Canada lui rapporterait un avantage pécuniaire. À mon avis, l’affirmation de l’employeur est fortement étayée par la preuve directe et la preuve circonstancielle.

Trois témoins ont directement impliqué le fonctionnaire s'estimant lésé dans l’opération de contrebande; le témoignage le plus dommageable a été celui de

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Decision Page 34 M. Howard Greenwood. En fait, il a témoigné que, sur une période de plusieurs mois, M. MacKenzie a fourni à M. Greenwood les dates exactes auxquelles il serait affecté au poste d’inspection primaire du pont Whirlpool pour que M. Greenwood communique cette information aux personnes qui importeraient ensuite illégalement la boisson au Canada avec la collaboration de M. MacKenzie. Le témoignage de M. Greenwood au sujet de la participation de M. MacKenzie était détaillé et sans équivoque; il n’y a aucun doute que si son témoignage est digne de foi M. MacKenzie a bien commis les écarts de conduite pour lesquels il a été licencié. Bien que je partage l’avis de M. Done selon qui M. Greenwood est loin d’être un modèle de vertu et d’honnêteté, je conclus que son témoignage concernant le rôle de M. MacKenzie est crédible. Comme l’a fait remarquer l’avocat de l’employeur, le fonctionnaire s'estimant lésé n’a fourni aucune explication convaincante qui expliquerait pourquoi M. Greenwood se parjurerait en vue de l’impliquer. A vrai dire, l’explication la plus logique du témoignage accablant de M. Greenwood contre M. MacKenzie est le ressentiment qu’il nourrit à l’égard de ce dernier qui, selon M. Greenwood, a reçu la part du lion du produit de leurs activités en plus d’échapper à la prison tandis que lui, M. Greenwood, est allé en prison. De plus, il y a une preuve considérable corroborant le témoignage de M. Greenwood, y compris les témoignages de M. Adams et de M. Zip ainsi que la preuve documentaire telle que les relevés des appels téléphoniques de M. Greenwood et les imprimés d’ordinateur des Douanes. Il faut aussi se demander quel était le rôle de M. Greenwood dans l’opération de contrebande si ce n’était d’agir en tant que liaison entre les contrebandiers et M. MacKenzie. M. Done a donné à entendre que M. Greenwood avait peut-être menti aux contrebandiers au sujet de la collaboration du fonctionnaire s'estimant lésé en vue d’obtenir une part du produit de la contrebande; cela n’explique pas toutefois son apparente connaissance détaillée de l’horaire de rotation quotidien de M. MacKenzie.

M. Zip a aussi impliqué M. MacKenzie en l’identifiant comme étant l’inspecteur des douanes qui l’avait prévenu à la frontière qu’il était filé par la police. De nouveau, le témoignage de M. Zip a été détaillé et sans équivoque; à aucun moment au cours de son témoignage n’a-t-il essayé d’éluder les questions ou de s’exonérer pour sa participation aux activités illégales. Dans l’ensemble, j’ai trouvé que M. Zip était un témoin entièrement digne de foi, que la plus grande partie de son témoignage avait été corroborée par M. Adams et M. Wiesnewski ainsi que par le reçu du péager. Il y a

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Decision Page 35 aussi le témoignage de M m e Janet Pascuzzo qui a affirmé qu’elle était présente lorsque M. MacKenzie leur a rendu visite le soir du 13 janvier pour dire à M. Greenwood à quelle heure il serait affecté au poste d’inspection primaire ce soir-là; elle a aussi maintenu qu’elle se trouvait à la résidence MacKenzie le 14 janvier lorsque ce dernier leur a garanti qu’ils n’étaient pas soupçonnés. De même, elle connaissait la « feuille de codes » que M. MacKenzie avait prétendument remise à M. Greenwood en vue de lui communiquer secrètement son horaire de travail. De nouveau, le fonctionnaire s'estimant lésé n’a pu expliquer comment M. Greenwood aurait eu une connaissance si détaillée de son horaire quotidien, lequel lui permettait de savoir exactement quand M. MacKenzie serait affecté à l’inspection primaire. La logique et le bon sens dictent que ces renseignements ne pouvaient avoir été communiqués que directement par M. MacKenzie. Je tiens également compte de la preuve de l’employeur qui a démontré que la possibilité d’une coïncidence entre les activités de M. Greenwood, M. Laubisch et des autres et la présence de M. MacKenzie au poste d’inspection primaire à ces occasions, est hautement improbable, et c’est peu dire.

Compte tenu de la preuve accablante présentée, ni M. MacKenzie ni sa femme n’ont fourni de preuve indépendante qui permettrait de corroborer leur version des événements. De plus, je ne trouve pas que M. MacKenzie a été un témoin digne de foi. En particulier, son attitude au cours du contre-interrogatoire au sujet de l’achat comptant d’une bague à diamant de 3 000 $ en décembre 1993 et sa réponse aux questions à ce sujet ont dénoté un manque total de franchise et énormément d’ambiguïté. En outre, les circonstances de cet achat donnent lieu à bien des soupçons au sujet du comportement du fonctionnaire s’estimant lésé. Son explication tardive que cette importante dépense en argent comptant (qui n’a pas été retiré de l’un ou l’autre de ses deux comptes bancaires) avait été possible grâce à l’argent gagné par sa femme au bingo n’est tout simplement pas convaincante et contredit son témoignage antérieur qu’il n’avait fait aucune dépense importante à l’époque et que les 1 800 $ avaient servi à payer des comptes.

Les deux représentants ont convenu que vu la nature des allégations qui pesaient contre le fonctionnaire s'estimant lésé, le critère de la preuve consiste à déterminer s’il y a une preuve claire et forte démontrant la mauvaise conduite alléguée par l’employeur. À mon avis, peu importe la manière dont on pourrait définir

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Decision Page 36 ou interpréter ce critère, il s’agit d’un exercice théorique dans la présente affaire; la preuve contre le fonctionnaire s'estimant lésé est accablante et ne laisse à toutes fins utiles aucun doute quant à sa culpabilité. Je ne crois pas que l’on puisse reprocher à l’employeur d’avoir autorisé le fonctionnaire s'estimant lésé à continuer d’exécuter toutes ses tâches jusqu’au moment de la suspension le 11 novembre 1994; on peut difficilement dire que cela équivalait à excuser le fonctionnaire ou à lui manifester de la confiance. Je conclus également que dans les circonstances l’employeur a eu entièrement raison de le suspendre pour une période indéterminée ce jour-là. Je ne vois aucune raison pour laquelle je devrais indemniser M. MacKenzie en tout ou en partie pour le salaire perdu entre la date de sa suspension pour une période indéterminée et son congédiement, comme l’a demandé son représentant.

En résumé, je conclus que le fonctionnaire s'estimant lésé a volontairement participé à une conspiration en vue d’importer illégalement d’importantes quantités d’alcool au Canada, que cela a constitué une violation flagrante de son devoir en qualité d’inspecteur des douanes. Par conséquent, son congédiement a été une mesure appropriée de la part de l’employeur. Pour ces motifs, les griefs sont rejetés.

P. Chodos, président suppléant.

OTTAWA, le 3 février 1997. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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