Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Sanction pécuniaire (100 $) - Négligence - Tâche d'agent accompagnateur - Évasion d'un détenu - le fonctionnaire s'estimant lésé avait été désigné pour accompagner un détenu à un rendez-vous médical à l'extérieur de l'établissement - le détenu n'était pas considéré comme présentant un risque sécuritaire élevé et, par conséquent, il n'était pas nécessaire de lui appliquer des dispositifs de contrainte - à la suite du rendez-vous, le fonctionnaire et le détenu se sont rendus dans un restaurant choisi par le détenu pour y prendre le déjeuner - pendant que le détenu se rendait aux toilettes, le fonctionnaire l'a perdu de vue pendant un bref moment, et le détenu s'est échappé - le détenu a été repris un mois plus tard - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire avait été négligent parce qu'il avait perdu de vue le détenu pendant un bref moment, ce qui a permis à ce dernier de s'évader - la sanction imposée était raisonnable dans les circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26569 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE BRIAN PAXMAN fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada)

employeur

Devant: Louis M. Tenace, vice-président Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Chris Dann, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l'employeur: Patrick Bendin, avocat Affaire entendue à Calgary (Alberta) le 18 janvier 1996

Decision Page 1 DÉCISION Au début de l'audience, les représentants des parties m'ont remis l'exposé conjoint des faits suivants :

[Traduction] Le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Brian Paxman, occupe le poste d'agent de correction II à l’établissement de Drumheller. Le poste est classé CX 2. Il a été embauché le 26 janvier 1987 à titre de CX COF 1. M. Paxman n'a pas d’antécédents disciplinaires.

Le 2 novembre 1994, M. Paxman devait escorter le détenu X à l'occasion d'une absence temporaire pour les fins du programme. Le détenu avait rendez-vous chez un psychologue à Calgary.

Après le rendez-vous, M. Paxman a demandé au détenu à quel endroit il souhaitait manger. Le détenu a répondu qu'il aimerait manger au restaurant Red Lobster.

M. Paxman et le détenu se sont rendus au restaurant Red Lobster ils ont pris place.

M. Paxman a jeté un coup d'oeil pour voir se trouvaient les toilettes, les sorties et l'entrée principale.

Une fois qu'ils ont été assis, que leur café leur a été servi et que leur commande a été prise, le détenu s'est dirigé vers les toilettes. C'est alors que le fonctionnaire s’estimant lésé a perdu de vue le détenu et que ce dernier s'est échappé.

En conséquence de cet incident, une amende de 100 $ a été infligée au fonctionnaire , amende que ce dernier a contestée par voie de grief. Le fonctionnaire demande que la sanction soit annulée et qu'il soit remboursé en conséquence.

Résumé de la preuve M. Robert Repas occupe le poste de chef d'unité à l’établissement de Drumheller depuis les sept dernières années. Depuis deux ans, il est le chef hiérarchique de M. Paxman.

M. Repas a témoigné que le détenu X a pu quitter l'établissement après avoir obtenu une permission de sortir avec surveillance (PSAS) afin de se rendre à un rendez-vous chez le psychologue (pièce E-1). Le détenu X n'était pas considéré comme présentant un risque sécuritaire élevé et, par conséquent, il n'a pas été nécessaire de

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Decision Page 2 lui appliquer des dispositifs de contraintes (c.-à-d. menottes, fers pour les pied, etc.). M. Paxman a été désigné pour accompagner le détenu X en PSAS. Après le rendez- vous, M. Paxman a demandé au détenu X à quel endroit il désirait déjeuner. Celui-ci a répondu qu'il souhaitait aller au restaurant Red Lobster. Ils s'y sont rendus. Pendant qu'ils étaient dans le restaurant, le détenu X a déclaré qu'il voulait utiliser les toilettes. M. Paxman lui a permis de le faire. C'est à ce moment-là que le détenu X s'est échappé. Selon M. Paxman, tandis que le détenu X se dirigeait vers les toilettes, une serveuse est passée entre eux à environ cinq pieds de leur table, et il a perdu de vue le détenu X pendant près de dix secondes. M. Paxman s'est rendu à l'extérieur, mais le détenu était introuvable. M. Repas a expliqué que les détails de cet incident lui ont été fournis par la pièce E-3, soit le compte rendu de l'incident rédigé par M. Paxman, ainsi que par une entrevue qu'il a tenue avec M. Paxman. Il a noté que le compte rendu écrit de M. Paxman ne faisait aucune mention de la période pendant laquelle il a perdu de vue le détenu. C'est au cours de l'entrevue que M. Paxman a révélé que le détenu X a été hors de sa vue pendant environ dix secondes.

M. Repas a témoigné que M. Paxman a violé les Instructions à l’intention des agents accompagnateurs en ce sens qu’il n’a pas toujours vu, entendu et surveillé le détenu (pièce E-2). M. Repas connaissait assez bien le restaurant en question et, à son avis, il n'était tout simplement pas possible de perdre de vue pour dix secondes une personne qui quittait la table à laquelle le détenu X et M. Paxman étaient assis pour se rendre à la salle de toilettes. Selon M. Repas, le détenu X s'est échappé à cause de la négligence de M. Paxman. Cet incident constitue une violation du Code de discipline du Service correctionnel du Canada qui précise ce qui suit aux pages 4 et 5 :

Commet une infraction, l'employé qui: [...] par négligence, permet à un délinquant de s'évader.

M. Repas a ajouté que, en prenant la décision de recommander l’imposition d’une amende de 100 $ à M. Paxman, il a tenu compte du fait que M. Paxman avait omis de mentionner dans son rapport qu'il avait perdu de vue le détenu X pendant environ dix secondes, ainsi que de l’absence de tout remords témoigné par M. Paxman à l’égard de ses actions. M. Repas a signalé que le détenu X est demeuré en liberté pendant environ un mois avant d'être repris.

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Decision Page 3 Au cours du contre-interrogatoire, M. Repas a reconnu que M. Paxman avait toujours été un employé satisfaisant et qu'il avait accompagné des détenus en PSAS à maintes reprises sans incident. Il a également reconnu qu'il s'agit d'un travail pour lequel les agents se portent volontaires.

M. Timothy Fullerton est le directeur de l'établissement de Drumheller, poste qu'il occupe depuis environ sept ans. Il a témoigné que, même si ce n'est pas lui qui a fixé le montant de l'amende qui a été infligée à M. Paxman, il était néanmoins convaincu que celle-ci était justifiée parce que M. Paxman avait violé les règles de conduite professionnelle. Selon M. Fullerton, les agents de correction reçoivent une formation complète avant d'entreprendre leurs fonctions et également pendant leur carrière. Avant qu'une PSAS ait lieu, l'agent accompagnateur en question reçoit des instructions précises. M. Fullerton a témoigné qu'il ne considère pas qu'une amende de 100 $ soit exagérée dans ce cas. Il estime qu'il est important qu'un établissement tel que Drumheller puisse engendrer la confiance dans ses programmes et inspirer un sentiment de sécurité publique. Les agents de correction sont régis par des règles de conduite professionnelle et ils doivent montrer qu'ils peuvent les respecter.

Le représentant du fonctionnaire n'a assigné aucun témoin. Arguments L'avocat de l'employeur fait valoir que M. Paxman a fait l'objet d'une mesure disciplinaire parce qu'il avait été négligent dans l'exécution de ses fonctions. Il a perdu de vue le détenu X pendant environ dix secondes, ce qui a permis à ce dernier de s'échapper. M. Paxman a omis de mentionner dans son compte rendu écrit qu'il avait perdu de vue le détenu X. Il ne l'a signalé qu’au moment de son entrevue avec M. Repas (pièce E-5). L'avocat soutient également qu'il était inconcevable que M. Paxman ait perdu le détenu de vue pendant environ dix secondes s'il le suivait à quelque cinq pieds pendant que ce dernier se rendait aux toilettes. Le fonctionnaire a fait preuve de négligence et la sanction qui lui a été infligée est appropriée. Selon l'avocat, aucun motif fondé sur la preuve n'a été offert pour justifier une atténuation de la peine.

Le représentant du fonctionnaire fait valoir que la sanction imposée était de nature punitive plutôt que progressive. Le fonctionnaire a toujours eu un dossier

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Decision Page 4 vierge, avant et depuis cet incident. L'évasion s'est produite en raison de circonstances inévitables, et non à la suite d'une action ou d'une omission de la part de M. Paxman. L'employeur n'a pas prouvé la négligence du fonctionnaire. Le représentant du fonctionnaire ajoute que l'employeur n'a pas établi que les actions de M. Paxman ont causé un préjudice à la société ou à l'établissement. De plus, il incombait à la direction de décider si le détenu X risquait de s'évader et de lui appliquer les dispositifs de contraintes en conséquence. Il fait également valoir que les règles relatives à la PSAS sont déraisonnables et qu'elles n'ont probablement jamais été respectées à la lettre.

À l'appui de ses arguments, le représentant du fonctionnaire me renvoie aux décisions suivantes de la Commission : Veilleux et Cagiotti, (dossiers 166-2-15247 et 15248); Juteau et Therrien, (dossiers 166-2-23564 et 23565); Bukovy, (dossier 166-2-21514).

Motifs de la décision Après avoir examiné la preuve et les témoignages, je suis convaincu que le fonctionnaire s’estimant lésé a fait preuve de négligence dans l'exécution de ses fonctions et que la sanction imposée n'est pas exagérée dans les circonstances.

Il n'y a aucun doute que M. Paxman a violé les règles relatives aux PSAS. On ne conteste pas qu'il a perdu de vue le détenu X pendant environ dix secondes, ce qui a permis à ce dernier de s'échapper. Il pouvait s'agir de quelques secondes de plus ou de moins. Dix secondes est une longue période dans une situation comme celle qui nous occupe. De plus, cinq pieds est une très courte distance. Il est difficile de concevoir qu'une personne puisse en suivre une autre à une distance de cinq pieds et la perdre de vue pendant environ dix secondes. Toutefois, étant donné que le fonctionnaire n'a pas témoigné, je n'ai pas eu droit au bénéfice de l’explication qu'il aurait pu fournir. Il ne me reste que le témoignage de M. Repas et le compte rendu écrit de M. Paxman. Le représentant du fonctionnaire fait valoir que la sanction imposée est excessive, cependant, il ne m'offre aucun motif de fond qui me permette de l'atténuer. Il ne suffit pas de se contenter d'affirmer que les règles concernant les PSAS sont déraisonnables et qu'elles n'ont probablement jamais été respectées. Il aurait fallu que cette affirmation soit appuyée d'une preuve forte, ce qui n'a pas été fait en l'occurrence. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 Pour tous les motifs susmentionnés, je rejette le grief.

Louis M. Tenace, Vice-président

OTTAWA, le 5 février 1996 Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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