Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (reste du quart) - Inaptitude à exécuter les tâches - le fonctionnaire s'estimant lésé, qui travaillait comme chauffeur de camions, a été suspendu sans traitement de 10 h 30 à 15 h 45 le 23 septembre 1994, soit pour le reste de son quart - le superviseur du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que dans ses échanges avec le fonctionnaire s'estimant lésé le jour en question, il avait remarqué que celui-ci avait de la difficulté à s'exprimer, qu'il était agité et que son haleine sentait l'alcool - interrogé par son superviseur, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis qu'il avait bu la veille - le superviseur a ordonné au fonctionnaire s'estimant lésé de rentrer chez lui - il a ensuite communiqué avec son propre superviseur, qui a également décelé l'odeur d'alcool, et a confirmé qu'il fallait le renvoyer chez lui - le fonctionnaire s'est fait offrir le choix entre demander un congé annuel ou faire l'objet d'une suspension disciplinaire, mais il a refusé de prendre le congé - deux autres témoins qui ont eu affaire avec le fonctionnaire s'estimant lésé le jour en question ont déclaré qu'ils n'avaient pas décelé d'odeur d'alcool - le fonctionnaire s'estimant lésé a admis durant son témoignage avoir consommé neuf ou 10 bières la veille, jusqu'à 1 h 30, un ami l'ayant ramené chez lui vers 2 h 30, ce qui lui avait donné environ trois heures de sommeil avant de se lever pour aller travailler - d'après la preuve, et vu que l'employeur avait le fardeau de la preuve, l'arbitre n'était pas convaincu que le fonctionnaire s'estimant lésé sentait l'alcool au moment pertinent - néanmoins, le superviseur a eu raison de croire que le fonctionnaire s'estimant lésé était inapte à exécuter ses tâches et de lui dire de rentrer chez lui vu ce qu'il avait avoué au sujet de ses activités de la veille. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26628 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE RAYMOND RENAUD fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Archives nationales du Canada)

employeur

Devant: Richard Labelle, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: George Nadeau, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l'employeur: Richard Wex, avocat Affaire entendue à Ottawa (Ontario) le 3 juin 1996

Decision Page 1 DÉCISION La présente affaire a trait au renvoi à l’arbitrage d’un grief concernant une mesure disciplinaire imposée à M. Raymond Renaud.

Le fonctionnaire s’estimant lésé travaille pour les Archives nationales du Canada, Opérations de transport, à Ottawa, comme chauffeur de camion (GL-MDO-5).

Le 18 octobre 1994, son superviseur, Russ Shannon, l’a informé qu’il était suspendu de ses fonctions, sans traitement, 23 septembre 1994.

La note de service (pièce E-4) se lit comme il suit : [Traduction] Suspension de fonctions Le 23 septembre 1994, à 10 h 30, je vous ai ordonné de rentrer chez vous lorsque j’ai remarqué que votre haleine sentait fortement l’alcool et que vous aviez de la difficulté à vous exprimer. Le 3 octobre 1994, on vous a remis une note indiquant que j’étais disposé à accepter une demande de congé annuel pour le temps vous aviez été absent du travail le 23 septembre 1994. Vous avez également été informé que des mesures disciplinaires seraient immédiatement prises contre vous la prochaine fois vous vous présenteriez au travail dans un état qui, à mon avis, vous empêcherait d’exécuter vos tâches.

Le 18 octobre 1994, vous avez rencontré mon superviseur, Charles Lemieux, lequel vous a informé que si vous ne présentiez pas avant la fin de la journée de travail une demande de congé annuel pour votre absence le 23 septembre 1994, la lettre datée du 3 octobre 1994 serait annulée.

La présente lettre a donc pour objet de vous informer que la lettre datée du 3 octobre 1994 est par les présentes annulée, et que vous êtes suspendu de vos fonctions, sans traitement, de 10 h 30 à 15 h 45 le 23 septembre 1994, pour vous être présenté au travail ce jour-là dans un état qui, à mon avis, vous rendait incapable de conduire un véhicule du Ministère.

Veuillez noter qu’en aucun cas je ne vous permettrai de prendre la route si j’ai des raisons de croire que vous pourriez être en état d’ébriété. Si, dans l’avenir, je devais être obligé de vous suspendre de vos fonctions pour des

Commission des relations de travail dans la fonction publique

de 10 h 30 à 15 h 45 le

Decision Page 2 raisons semblables, des mesures disciplinaires encore plus sévères seront prises.

MM. Russell Shannon, Charles Lemieux et Tom Louks ont témoigné pour le compte de l’employeur. Le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Raymond Renaud, ainsi que MM. André Albert et Alexander J. MacDonald ont témoigné au nom du fonctionnaire s’estimant lésé.

À l’audience, les témoins ont été exclus à la demande du représentant du fonctionnaire s’estimant lésé.

Résumé de la preuve M. Shannon travaille pour les Archives nationales du Canada. En septembre 1994, il était le superviseur immédiat du fonctionnaire s’estimant lésé. Les fonctions de ce dernier consistaient à ramasser et à livrer des documents du gouvernement. Le 23 septembre 1994, le témoin a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé d’aller chercher des documents à un immeuble satellite du gouvernement. Il n’a rien remarqué d’anormal chez le fonctionnaire s’estimant lésé à ce moment-là.

Vers 9 heures, le fonctionnaire s’estimant lésé a appelé le témoin pour lui dire qu’il avait de la difficulté à charger son camion. Le témoin a alors remarqué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait de la difficulté à s’exprimer et qu’il était agité.

Le témoin a affirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé est revenu à son bureau vers 10 h 15. Le témoin s’est alors entretenu avec le fonctionnaire s’estimant lésé, et il a remarqué que celui-ci sentait beaucoup l’alcool et qu’il avait les yeux injectés de sang. Il lui a demandé s’il avait bu. Le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu : [traduction] «Oui, hier soir». Le témoin lui a alors demandé de rentrer chez lui étant donné qu’il ne semblait pas en état de conduire. Il a ensuite communiqué avec son superviseur, M. Lemieux. Le fonctionnaire s’estimant lésé et M. Lemieux ont eu un entretien, et M. Lemieux a aussi suggéré au fonctionnaire s’estimant lésé de rentrer chez lui.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé s’il pouvait continuer à travailler mais dans le bureau, ou encore prendre une journée de congé annuel. Le témoin a

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 refusé. Le délégué syndical du fonctionnaire s’estimant lésé est également venu parler au témoin, à qui il a demandé de remettre au fonctionnaire s’estimant lésé une formule de demande de congé annuel. Il s’est aussi heurté à un refus. M. Shannon a ensuite signalé l’incident à l’agent des relations de travail, M. Tom Louks (pièce E-2).

Le témoin a déclaré qu’au début, il avait décidé d’imposer comme mesure disciplinaire une suspension d’une journée sans traitement. Il a témoigné qu’il a ensuite décidé de demander au fonctionnaire s’estimant lésé de remplir une formule de congé annuel. Celui-ci a refusé de remplir une formule comme le lui demandait le témoin dans sa note de service du 3 octobre 1994 (pièce E-3). Le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé de présenter une demande de congé annuel, puis il a déposé un grief concernant la note de service du 3 octobre 1994 (pièce E-3) qui a par la suite été retiré. Le témoin a affirmé qu’il a ensuite imposé la suspension d’une journée (pièce E-4).

En contre-interrogatoire, le témoin a dit qu’il n’avait pas parlé au fonctionnaire s’estimant lésé lorsque celui-ci a ramassé les clés de son camion à 7 h 15 ou à peu près, et qu’il n’avait rien remarqué d’anormal à ce moment-là. Il a ajouté que c’est seulement lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé l’a appelé de son point de ramassage pour lui dire qu’il avait de la difficulté à charger son camion qu’il a remarqué que le fonctionnaire s’estimant lésé était agité et qu’il avait de la difficulté à s’exprimer. C’est seulement lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé est revenu au bureau que le témoin a remarqué son comportement et l’odeur d’alcool. Le témoin a dit qu’il a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé s’il avait bu, et que celui-ci a répondu : [traduction] «Oui, hier soir».

M. Charles Lemieux travaille pour les Archives nationales du Canada depuis 20 ans. Il était le superviseur immédiat de M. Shannon.

Le témoin a déclaré que vers 10 h ou 10 h 30 le 23 septembre 1994, il a reçu un appel de M. Shannon qui lui demandait de venir à son bureau. C’est qu’il a senti l’odeur d’alcool provenant du bureau de M. Shannon.

Le témoin a dit qu’à ce moment-là, il se trouvait à environ cinq ou six pieds du bureau, et que le fonctionnaire s’estimant lésé et M. Shannon étaient tous deux dans le bureau. M. Shannon a dit au témoin que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 en état de travailler ce jour-là. Le témoin était d’accord. Après le départ du fonctionnaire s’estimant lésé, le témoin et M. Shannon ont discuté des mesures qu’il fallait prendre. Le témoin a alors communiqué avec l’agent des relations de travail, M. Tom Louks. Ce dernier leur a dit qu’ils devraient demander au fonctionnaire s’estimant lésé de remplir une formule de demande de congé annuel. Le témoin et M. Shannon ont tous deux rejeté cette suggestion à ce moment-là. Le témoin a déclaré que plus tard, il a rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé et lui a dit de présenter une demande de congé ou il risquait une suspension.

Le témoin a déclaré que M. Shannon avait eu raison d’envoyer le fonctionnaire s’estimant lésé chez lui ce jour-là, compte tenu de son état.

En contre-interrogatoire, le témoin a affirmé qu’il se trouvait à une dizaine ou une douzaine de pieds du fonctionnaire s’estimant lésé mais qu’il avait senti l’odeur d’alcool.

M. Tom Louks, l’agent des relations de travail, a témoigné qu’il croyait savoir que le délégué syndical du fonctionnaire s’estimant lésé avait demandé que l’on donne à ce dernier l’autorisation d’utiliser une journée de congé annuel plutôt que de lui imposer une mesure disciplinaire. Il a proposé que l’employeur laisse le fonctionnaire s’estimant lésé utiliser ses congés annuels et qu’il lui donne un avertissement.

Le témoin a déclaré que le 3 octobre 1994, M. Shannon a remis au fonctionnaire s’estimant lésé une note de service l’informant qu’il accepterait une demande de congé annuel pour sa journée d’absence, le 23 septembre 1994, lorsqu’il avait été renvoyé chez lui (pièce E-3). Le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé et a présenté un grief. L’employeur a retiré la note de service et a imposé au fonctionnaire s’estimant lésé une suspension d’une journée.

En contre-interrogatoire, le témoin a affirmé que la note de service du 3 octobre 1994 constituait un avertissement pour le fonctionnaire s’estimant lésé, et qu’il y était indiqué qu’un autre incident semblable donnerait lieu à des mesures disciplinaires.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 Le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Raymond Renaud, a déclaré que le 23 septembre 1994, il est arrivé au travail à 7 h 05 environ, puis il s’est rendu au bureau de M. Shannon vers 7 h 25 pour ramasser ses clés. On lui a dit d’aller chercher un chargement à un immeuble satellite à l’angle de l’avenue Leeds et du chemin Innis, puis de revenir au bureau, à l’aire réservée à la destruction de documents fédéraux.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il s’est rendu au point de ramassage, a abaissé la partie arrière de son camion, a sonné pour demander à M. Alexander MacDonald (superviseur) d’ouvrir la porte basculante, puis a inséré le niveleur de quai à la base de son camion. Le fonctionnaire s’estimant lésé a compté six plates-formes de matériaux (de dimensions irrégulières, empilés de façon inégale sur les plates-formes). Comme les caisses sur les plates-formes ne pesaient pas toutes la même chose, elles se sont renversées alors qu’il les chargeait dans le camion. Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit que M. MacDonald est venu l’aider à remettre les caisses sur les plates-formes. Le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite replacé les rangées de caisses sur les plates-formes, étant donné qu’il ne pouvait pas mettre celles-ci les unes à côté des autres. Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il a alors commencé à s’impatienter. Il a téléphoné à son superviseur, M. Shannon, pour lui faire part du problème. M. Shannon s’est rendu compte que le fonctionnaire s’estimant lésé était agité, et il lui a dit de finir de charger son camion et de revenir au bureau. Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé que lorsqu’il est arrivé au bureau, il a vu M. Shannon qui lui a demandé s’il avait bu. Il a répondu : [traduction] «Oui, hier soir». De retour dans le bureau de M. Shannon, M. Lemieux était (M. Shannon a quitté le bureau), et M. Lemieux a dit au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il était d’accord avec M. Shannon qu’il devrait rentrer chez lui, qu’il pouvait sentir l’odeur d’alcool dans son haleine. Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il a répondu : [traduction] «OK, je m’en vais.» Il a ensuite tendu le bras pour prendre une formule de demande de congé, et on lui a dit : [traduction] «Pas de demande de congé. Cela s’en va au bureau central, c’est un congé sans traitement.» Le fonctionnaire s’estimant lésé a alors décidé de déposer un grief, ce qu’il a fait sur-le-champ. Il a affirmé qu’il n’était pas ivre ce jour-là.

En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’estimant lésé a admis que la veille il avait bu jusqu’à environ 1 h 30, sachant que son poste commençait à 7 h 15. Il a dit qu’il avait commencé à jouer aux cartes vers 20 h, et qu’il avait consommé environ 9 Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 ou 10 bières. Il a déclaré qu’un ami l’avait reconduit chez lui vers 2 h 30. Il a affirmé qu’il se lève à 5 h 45, ce qui lui donnait environ 3 heures de sommeil.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il se pouvait qu’il ait eu la gueule de bois, mais il croyait qu’il pouvait aller travailler.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit qu’à son retour au bureau, il a rencontré M. Shannon et celui-ci lui a demandé s’il avait bu; il a répondu : [traduction] «Oui, hier soir». Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il a alors eu un entretien avec M. Lemieux dans le bureau de M. Shannon, et qu’on lui a dit de rentrer chez lui. Il a déclaré qu’il voulait une formule de demande de congé, mais que ce jour-là on a refusé de lui en donner une. C’est seulement quelques jours plus tard que l’employeur s’est dit disposé à accepter une formule de demande de congé.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé que dans la note de service du 3 octobre 1994, on lui donnait seulement jusqu’à 15 h pour accepter l’offre. Il a été insulté par le fait qu’on le prévenait que dans l’avenir des mesures disciplinaires seraient prises contre lui s’il se produisait un autre incident semblable, et il a décidé de ne pas présenter de demande de congé pour le reste de son poste du 23 septembre 1994.

M. André Albert travaille pour les Archives nationales du Canada depuis presque 20 ans. En septembre 1994, il était délégué syndical. Le témoin se rappelle avoir rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé le 23 septembre 1994, et que celui-ci lui a dit qu’on le renvoyait chez lui. Le témoin a affirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé était fâché ou vexé, mais qu’il parlait normalement; il n’avait pas de difficulté à s’exprimer, mais il avait l’air fatigué. Le témoin a dit qu’il n’a pas senti l’odeur d’alcool dans l’haleine du fonctionnaire s’estimant lésé, et qu’il se trouvait à environ trois pieds de lui. Il a ajouté qu’il a alors demandé à M. Shannon si le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait présenter une demande de congé, et que M. Shannon a répondu non.

En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu’il connaissait le fonctionnaire s’estimant lésé depuis environ 14 ou 15 ans. Ils étaient des collègues de travail, et il leur arrivait à l’occasion d’aller dans un bar à l’heure du déjeuner. Le témoin a réitéré

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 avoir parlé avec le fonctionnaire s’estimant lésé pendant environ une heure, et n’avoir pas senti l’odeur d’alcool dans son haleine à ce moment-là.

Le témoin a affirmé que le 23 septembre 1994, il a demandé à la fois à M. Shannon et à M. Lemieux si le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait demander un congé, mais les deux ont répondu non. Il a dit que lorsque l’employeur a consenti à accepter une demande de congé, le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé d’en présenter une.

Selon le témoin, MM. Shannon et Lemieux étaient tous deux des hommes justes et raisonnables, et il ne pouvait pas les imaginer en train d’inventer cette histoire au sujet du fonctionnaire s’estimant lésé.

M. Alexander MacDonald a déclaré que le 23 septembre 1994, il travaillait à l’immeuble de l’avenue Leeds lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé est arrivé pour ramasser des caisses. Il l’a aidé à charger les plates-formes sur le camion, car les caisses ne cessaient pas de tomber. Le témoin a mentionné que le fonctionnaire s’estimant lésé semblait un peu contrarié, mais autrement tout avait l’air normal. Il n’a pas senti l’odeur d’alcool dans l’haleine du fonctionnaire s’estimant lésé. Celui-ci a appelé son superviseur parce qu’il avait de la difficulté à charger son camion, mais il n’y avait rien pour indiquer qu’il ne se sentait pas bien à ce moment-là.

En contre-interrogatoire, le témoin a affirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé lui a dit qu’il avait bu quelques bières la veille et qu’il avait la gueule de bois. Le témoin a déclaré qu’il connaissait MM. Shannon et Lemieux, que c’était des hommes justes et raisonnables, et qu’il ne pouvait pas les imaginer en train d’inventer cette histoire au sujet du fonctionnaire s’estimant lésé.

Argumentation de l’employeur L’avocat de l’employeur, M e Wex, soutient qu’il a été établi que le fonctionnaire s’estimant lésé est allé travaillé le 23 septembre 1994 dans un état qui ne lui permettait pas d’exécuter ses tâches en toute sécurité. La mesure disciplinaire qui a été prise, soit la suspension du fonctionnaire s’estimant lésé pour le reste de son poste, a été prise de bonne foi.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 8 Les témoignages de MM. Shannon et Lemieux ainsi que du fonctionnaire s’estimant lésé établissent clairement que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en état d’exécuter ses tâches. Un chauffeur de camion doit être vigilant en tout temps.

MM. Shannon et Lemieux ont tous deux vu le fonctionnaire s’estimant lésé ce jour-là, et ils ont tous deux observé les mêmes symptômes : (1) l’odeur d’alcool dans l’haleine du fonctionnaire s’estimant lésé; (2) les yeux injectés de sang; (3) de la difficulté à s’exprimer; et (4) le fonctionnaire s’estimant lésé avait l’air fatigué et était agité.

L’avocat de l’employeur plaide que l’on a offert une chance au fonctionnaire s’estimant lésé - prendre un congé annuel et aucune mesure disciplinaire ne serait imposée. Après quelques jours, l’employeur a accepté la demande initiale du fonctionnaire s’estimant lésé de présenter une demande de congé.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il a bu 9 ou 10 bières jusqu’à tard dans la nuit, et il a admis n’avoir dormi que trois heures. Le propre témoin du fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que ce dernier lui avait dit qu’il avait la gueule de bois.

La mesure prise par l’employeur était appropriée en l’espèce, et le grief devrait être rejeté.

L’avocat me renvoie aux décisions suivantes : Gros-Louis (dossiers de la Commission 149-2-105 et 166-2-21667 ); Roy (dossier de la Commission 166-2-19519 ); Edison (dossier de la Commission 166-2-19659); Vallières (dossier de la Commission 166-2-16897); et Gaudreau (dossier de la Commission 166-2-19453).

Argumentation du fonctionnaire s’estimant lésé M. Nadeau se demande si cette mesure disciplinaire est justifiée. Le fonctionnaire s’estimant lésé croyait qu’on l’accusait de boire au travail. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne buvait pas au travail. Les témoins du fonctionnaire s’estimant lésé, MM. Albert et MacDonald, ont dit qu’ils n’avaient pas senti l’odeur d’alcool dans l’haleine du fonctionnaire s’estimant lésé.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 9 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé me renvoie à la réponse au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, il est indiqué que les versions de MM. Shannon et Lemieux sont différentes. Selon lui, il est évident que MM. Shannon et Lemieux avaient une dent contre le fonctionnaire s’estimant lésé. Il est inconcevable qu’ils aient pu sentir l’odeur d’alcool dans son haleine.

M. Nadeau me renvoie au troisième paragraphe de la pièce E-4. est la preuve que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en état de conduire? L’allégation d’odeur d’alcool n’a pas été corroborée par M. MacDonald. Le problème qu’a eu le fonctionnaire s’estimant lésé à charger les plates-formes sur le camion n’était pas un problème inhabituel. Il n’y a aucune autre preuve qui pourrait m’amener à croire que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en état de faire son travail.

Selon le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, M. Shannon a témoigné que le fonctionnaire s’estimant lésé avait de la difficulté à s’exprimer lorsqu’il lui a parlé au téléphone, mais il n’est aucunement mention de ce fait dans la réponse au troisième palier de la procédure de règlement des griefs (deuxième paragraphe).

M. Nadeau dit que M. Shannon aurait remarqué l’odeur d’alcool lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé est allé cherché ses clés au bureau, étant donné que le bureau est petit. Par conséquent, il n’y a aucune prépondérance de preuve que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en état d’exécuter ses tâches ce matin-là.

M. Nadeau déclare que si j’accepte que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en état de travailler, je devrais consulter la pièce E-3 l’employeur a mis un avertissement par écrit et, par conséquent, une réprimande écrite pour la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé.

Il me renvoie au grief déposé par le fonctionnaire s’estimant lésé (pièce E-6) et à la réponse de l’employeur il a fait droit au grief (pièce G-1). Selon lui, l’employeur n’avait aucunement le droit d’imposer une autre peine pour le même incident (pièce E-4). Il ajoute qu’il n’y avait aucune preuve que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en état d’exécuter ses tâches ce jour-là. Par conséquent, je devrais faire droit au grief.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 10 Il cite Canadian Labour Arbitration, de Brown et Beatty, au paragraphe 7:4240, «Multiple penalties» (Peines multiples).

Réplique de l’employeur L’avocat de l’employeur dit qu’il n’y a aucune raison de croire que MM. Shannon et Lemieux avaient une dent contre le fonctionnaire s’estimant lésé. Il y a de la confusion concernant la distance qui séparait les témoins du fonctionnaire s’estimant lésé. Au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, M. Shannon ne pouvait se rappeler à quelle distance il se trouvait du fonctionnaire s’estimant lésé. (Il dit 10 ou 12 pieds.) M. Lemieux a dit qu’il pouvait sentir l’odeur d’alcool, même avant d’entrer dans le bureau de M. Shannon.

L’employeur n’a jamais dit que le fonctionnaire s’estimant lésé avait bu au travail. Il me renvoie à la lettre du 18 octobre 1994 (pièce E-4). Ce qu’il a dit, c’est que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en état de faire son travail.

L’employeur a fondé sa décision d’imposer une suspension sur de nombreux facteurs : (1) yeux injectés de sang; (2) odeur d’alcool; et (3) difficulté à s’exprimer, et non seulement sur le problème qu’avait eu le fonctionnaire s’estimant lésé à charger son camion.

L’avocat me renvoie à la pièce E-2 il est fait mention de la difficulté qu’avait le fonctionnaire s’estimant lésé à s’exprimer. Il affirme qu’il est vrai que M. Shannon aurait le remarquer lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé est venu chercher ses clés, mais M. Shannon était occupé à attribuer leurs tâches à ses autres chauffeurs.

L’avocat dit que la pièce E-3 prouve qu’il n’y a pas eu de double peine. Il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire. L’employeur a fait une offre en réponse à une demande du fonctionnaire s’estimant lésé, et le fonctionnaire s’estimant lésé l’a refusée. La pièce G-1 montre que l’employeur a fait droit à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé de retirer du dossier la lettre du 3 octobre 1994.

Motifs de la décision J’ai examiné toute la preuve et les décisions qui m’ont été présentées. La question en litige est très simple. Ce qu’il faut décider, c’est si oui ou non l’employeur

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 11 a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que M. Renaud n’était pas en état d’exécuter ses tâches le 23 septembre 1994.

Comme les faits ont été décrits en détail plus tôt dans la présente décision, il n’est pas nécessaire de les répéter ici.

M. Renaud a admis que le jour de l’incident il n’avait dormi que trois heures, et qu’il avait consommé 9 ou 10 bières la veille, de 20 h environ jusqu’à 1 h 30 ou à peu près. Lorsqu’il est allé chercher son chargement le 23 septembre, il a avoué à M. MacDonald qu’il avait la gueule de bois.

Je peux comprendre que le fonctionnaire s’estimant lésé ait été agité ou qu’il se soit mis en colère lorsqu’il a eu de la difficulté à charger les plates-formes sur le camion et qu’il a alors téléphoné à son superviseur, M. Shannon, qui lui a dit de revenir au bureau.

Deux témoins ont affirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé sentait l’alcool lorsqu’il leur a parlé, et deux témoins ont affirmé qu’ils ne sentaient pas l’odeur d’alcool dans l’haleine du fonctionnaire s’estimant lésé. Nous avons donc une impasse. Étant donné que le fardeau de la preuve incombe à l’employeur, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur n’a pas établi que le fonctionnaire s’estimant lésé sentait effectivement l’alcool le jour en question.

L’employeur a une responsabilité face à ses employés et, en l’espèce, face à la sécurité du public. Même s’il n’avait pas senti l’odeur d’alcool dans l’haleine du fonctionnaire s’estimant lésé, il avait raison de croire que M. Renaud n’était pas capable, ce jour-là, d’exécuter ses tâches, et il lui a dit de rentrer chez lui. M. Renaud lui a alors demandé une formule de demande de congé, et il a refusé de lui en donner une. C’est seulement quelques jours plus tard que l’employeur a offert au fonctionnaire s’estimant lésé de demander un congé pour son absence le jour en question, et qu’il a également indiqué que si un tel incident se reproduisait dans l’avenir, il ferait l’objet de mesures disciplinaires (pièce E-3).

Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il avait été insulté par le ton de la note de service du 3 octobre 1994, et que c’est la raison pour laquelle il avait refusé l’offre de l’employeur de présenter une demande de congé pour cette journée, le

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 12 23 septembre. Par conséquent, l’employeur a imposé une suspension d’une journée (le reste du poste).

Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il est allé travailler après avoir dormi seulement trois heures, qu’il avait consommé 9 ou 10 bières la veille, et qu’il avait la gueule de bois. En l’espèce, l’employeur a pris ses responsabilités au sérieux, et il ne pouvait pas, pour des raisons de sécurité, laisser le fonctionnaire s’estimant lésé se promener avec son camion pendant le reste de la journée.

M. Lemieux a témoigné qu’il a rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé plus tard et qu’il lui a dit de présenter une formule de demande de congé pour le reste de la journée du 23 septembre 1994, sinon il risquait une suspension. Étant donné que le fonctionnaire s’estimant lésé a rejeté l’offre, l’employeur lui a imposé une suspension pour la période de son absence. Contrairement à ce qu’a soutenu le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, cela n’équivaut pas à imposer plus d’une peine pour la même infraction.

Pour tous ces motifs, je dois conclure que la suspension d’une journée sans traitement est juste et raisonnable. Par conséquent, le grief est rejeté.

Richard Labelle, commissaire

OTTAWA, le 27 février 1997 Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.