Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Réadaptation - Coût - Obligation de payer - le fonctionnaire s'estimant lésé avait été suspendu, puis licencié pour toxicomanie - l'arbitre avait ordonné la réintégration du fonctionnaire s'estimant lésé à la condition que celui-ci accepte de se soumettre à un examen par les autorités médicales compétentes approuvées par Santé et Bien-être social Canada, qu'il suive tout programme de réadaptation et tout traitement qui lui seraient proposés et à la condition que lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé serait reconnu sobre et apte à reprendre ses fonctions, il soit réintégré et que pendant une période d'un an après sa réintégration, l'employeur soit autorisé à demander au fonctionnaire s'estimant lésé de fournir une preuve satisfaisante qu'il demeurait sobre [(1995) 28 Recueil de décisions de la CRTFP 27] - l'arbitre est demeuré saisi de l'affaire dans l'éventualité où l'application de sa décision présenterait des difficultés - la question a été soulevée à savoir qui du fonctionnaire s'estimant lésé ou de l'employeur devait assumer les coûts des traitements requis - le fonctionnaire s'estimant lésé a renvoyé la question à l'arbitre demandant que celui-ci déclare qu'il incombait à l'employeur d'assumer la responsabilité du coût du traitement - l'arbitre en est venu à la conclusion qu'aucune disposition de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ni de la Loi canadienne des droits de la personne ne prévoyait qu'un employé avait un droit inhérent d'exiger de son employeur qu'il assume les frais médicaux découlant d'une incapacité attribuable à une maladie autre que professionnelle - l'arbitre en est venu à la conclusion qu'en l'absence de toute obligation contractuelle à l'effet du contraire, les coûts liés à la réadaptation du fonctionnaire s'estimant lésé incombaient à ce dernier et non à l'employeur. Droit établi.

Contenu de la décision

Dossiers: 166-2-26327 et 26328 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE DONALD GUNDERSON fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Douanes et Accise)

employeur Devant: P. Chodos, président suppléant Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Joe Ahrens, agent des relations du travail,Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Ronald Snyder, avocat (Décision rendue sans audience)

Decision Page 1 DÉCISION Le fonctionnaire s'estimant lésé a été suspendu, puis licencié de son emploi à Revenu Canada, Douanes et Accise, en date du 22 novembre 1994. La présente affaire a déjà fait l'objet de deux griefs qui ont été renvoyés à l'arbitrage. Dans une décision datée du 12 septembre 1995, le soussigné a émis l'ordre suivant :

[...] l'employeur doit réintégrer M. Gunderson dans ses fonctions; toutefois, il n'est pas nécessaire que le fonctionnaire reprenne ses fonctions avant d'avoir rempli les conditions exposées ci-dessous; le fonctionnaire s'estimant lésé doit être considéré comme étant en congé sans traitement, sauf dans la mesure il utilise tout crédit de congé de maladie ou de congé annuel actuellement à son actif. Les conditions régissant la reprise de ses fonctions sont les suivantes :

a) le fonctionnaire s'estimant lésé subira un examen administré par des autorités médicales compétentes approuvées par Santé et Bien-être social Canada; s'il trouve cela inacceptable, les parties s'entendront professionnel de la santé à cette fin;

b) le fonctionnaire s'estimant lésé suivra tout programme de réadaptation et de traitement proposé par le professionnel de la santé; il fournira à l'employeur une preuve satisfaisante de sa participation à tout programme qui lui a été prescrit et il consentira à la communication à l'employeur de renseignements concernant sa réadaptation et son traitement;

c) lorsque le professionnel de la santé aura certifié que le fonctionnaire s'estimant lésé ne consomme plus de drogue et qu'il est apte à reprendre ses fonctions, l'employeur permettra immédiatement à M. Gunderson de reprendre ses fonctions;

d) pendant une période d'un an à compter de la date à laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé aura repris ses fonctions, l'employeur pourra lui demander de continuer de fournir des preuves satisfaisantes du fait qu'il continue de s'abstenir de consommer de la drogue; l'employeur sera libre d'imposer durant cette période d'un an les restrictions qu'il jugera appropriées quant à l'accès du fonctionnaire s'estimant lésé aux renseignements confidentiels.

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sur le choix d'un

Decision Page 2 Je ne rends aucune ordonnance en ce qui concerne la rémunération rétroactive, puisque j'estime qu'il faut tenir le fonctionnaire s'estimant lésé responsable de son omission de fournir à l'employeur une preuve satisfaisante du fait qu'il menait à bien un programme approprié de traitement et de réadaptation. Je demeure saisi de l'affaire au cas l'exécution de la présente décision poserait des difficultés.

Par lettre datée du 15 février 1996, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que : [traduction] «Le paiement des coûts associés au programme de traitement pose des difficultés.» M. Ahrens a demandé mon intervention en vue de régler le litige. Par lettre datée du 18 mars 1996, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué en détail les circonstances et les problèmes qui, à son avis, se rapportent à la mise en oeuvre de la décision. À la lumière de la réponse de l'avocat de l'employeur, M e Snyder, que ce dernier a exposée dans sa lettre du 18 avril 1996 (voir ci-après page 17), je tiens pour acquis, aux fins de la présente décision, que les faits décrits par M. Ahrens dans son exposé du 18 mars 1996 ainsi que dans la documentation qui y est jointe ne sont pas contestés. Il y a lieu de faire remarquer que ni l'une ni l'autre des parties n’a proposé de convoquer une autre audience relativement à cette affaire ni n’en a fait la demande.

Voici les arguments exposés par M. Ahrens dans sa lettre du 18 mars 1996 : [traduction] Dans la décision datée du 12 septembre 1995, l'arbitre a ordonné la réintégration du fonctionnaire s'estimant lésé, Donald Gunderson, aux conditions suivantes :

[...] CHRONOLOGIE DES FAITS ET DESCRIPTION DES PIÈCES Peu après la réception de la décision relative à la présente affaire, je me suis entretenu avec M me Colleen Trent, conseillère en ressources humaines, Revenu Canada, Edmonton (Alberta). Au terme de plusieurs entretiens, on est parvenu à s'entendre sur la nomination d'un médecin acceptable par les deux parties, soit le docteur Ian Scott, pour s'occuper des aspects médicaux des conditions indiquées dans la décision (soit l'examen, les tests de dépistage de drogue et le traitement). J'ai informé le docteur Scott de sa nomination et il a accepté de s'occuper du cas.

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Decision Page 3 Le 20 novembre 1995, j'ai reçu un coup de téléphone du docteur Scott m’informant qu’il n'avait reçu aucun avis de Revenu Canada ou de Santé Canada comme quoi on allait retenir ses services ou approuver les frais qui s’y rattachent. Il a par la suite communiqué, à cet égard, avec le docteur E.R. Jorundson, spécialisé en médecine du travail à Santé Canada. Malheureusement, cela a retardé le début du traitement.

Onglet 1 Le 23 novembre 1995, M me Trent a écrit au docteur Scott. Dans sa lettre, elle indique que l'employeur acquittera les frais associés à l'examen, au dépistage aléatoire de drogue et au traitement. Elle précise que l'employeur estime que le coût du traitement est à la charge du patient, et ajoute, néanmoins, que l'employeur est disposé à «assumer le coût du traitement pour le moment».

La seule allusion qu'elle fait à la «responsabilité du patient» a trait au «traitement en tant que tel», et il s'agit manifestement d'un traitement devant être subi dans le cadre d'un programme en résidence.

Il est très révélateur, et il convient de le noter, que M me Trent précise dans sa lettre la préférence de l'employeur quant au traitement que devrait subir le fonctionnaire s'estimant lésé. À cet égard, elle dit :

[traduction] Bien que nous convenions qu'il devrait pouvoir bénéficier du traitement qui lui serait le plus profitable, si les deux programmes sont tout aussi efficaces l'un que l'autre, le coût de 10 $ par jour à Ponoka pendant 28 jours est plus raisonnable que le coût de 4 500 $ à Grande Prairie pour la même durée. Nous attendons votre recommandation à ce sujet. (c'est moi qui souligne)

Au nom du Ministère, M me Trent a pris la liberté de jouer le rôle du client ou du moins de celui qui allait payer la facture. Manifestement, elle estime que, non seulement elle a le droit d'intervenir, mais que le Ministère prendra la décision médicale sur la foi de la recommandation du docteur Scott. Que le Ministère se prenne pour le client ou qu'il juge simplement que «qui paie a bien le droit de choisir», le résultat est le même. Il ne peut «choisir» maintenant et imputer le coût associé au traitement au fonctionnaire s'estimant lésé à une date ultérieure.

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Decision Page 4 Il semble clair que le Ministère estimait au départ que c’était à lui qu’incombait la responsabilité financière de la décision de l'arbitre. Comme nous le verrons, cette attitude a changé au fil de la correspondance.

Onglet 2 Le 24 novembre 1995, M me Trent a écrit à M. Gunderson. Elle l’informe que l'employeur paiera les frais associés à l'examen et au traitement. Elle ajoute qu'«il est possible qu'on décide à un moment donné que vous devrez assumer la totalité ou une partie de ces frais.» Elle ne fournit aucune indication quant aux circonstances aux termes desquelles le remboursement pourrait être exigé ou non.

Bien que le coût de l'examen, des tests de dépistage de drogue et du traitement soit mentionné, dans le même contexte qu’à l'onglet 1, seul le traitement est considéré comme étant de la responsabilité d’un patient.

Après ce qui semble être une position sans équivoque adoptée par l'employeur (soit que le coût de l'examen et des tests de dépistage de drogue ne serait pas recouvré, mais que celui du traitement pourrait l'être), la lettre devient vague et se poursuit en ces termes :

[traduction] L'arbitre n'a pas dit que l'employeur devra assumer soit le coût de l'examen, soit le coût du traitement. Toutefois, pour ne pas retarder le traitement que le docteur Scott pourrait vous prescrire, Revenu Canada est disposé à payer ce traitement pour le moment. Il est possible qu'on décide à un moment donné que vous devrez payer la totalité ou une partie de ces frais. (c'est moi qui souligne)

En décembre 1995, j’ai eu un entretien avec le docteur Scott, qui m’a dit que M. Gunderson progressait bien. D'après lui, ce dernier n’aurait peut-être pas besoin de s’inscrire à un programme en résidence.

Onglet 3 Le 15 janvier 1996, j'ai écrit à M me Trent. En raison de l’ambiguïté des lettres susmentionnées (onglets 1 et 2), je lui ai demandé d’éclaircir la position de l'employeur au sujet de la question du recouvrement éventuel des coûts de l'examen, des tests de dépistage de drogue et du traitement. De plus, vu la conversation que j'avais eue avec le docteur Scott, j'ai tenté d'obtenir son accord pour que les questions en suspens ne soient renvoyées à la CRTFP qu'en cas de besoin.

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Decision Page 5 Peu après l'envoi de la lettre susmentionnée à M me Trent (onglet 3), le docteur Scott m'a informé qu'il prescrivait un traitement au Business and Industry Clinic (Clinique du commerce et de l’industrie) de Grande Prairie (Alberta). Cette clinique est également appelée le Centre de toxicomanie du Nord. Le coût d'un séjour de 28 jours en résidence à cet endroit est de 4 500 $.

En raison de l’ambiguïté des lettres figurant aux onglets 1 et 2, j'avais espéré, à la suite de la présente, faire la lumière une fois pour toutes sur la question des coûts. À cet égard, j'ai écrit ce qui suit :

[traduction] Malgré ce qui précède, sauf erreur, le Ministère a l'intention d’assumer le coût de l'examen et des tests aléatoires de dépistage de drogue sans exiger de remboursement. Sauf erreur également, le protocole de traitement est garanti par le régime d’assurance-santé de l'Alberta. Par conséquent, selon moi, l'unique coût qui soit susceptible d'être recouvré serait le coût d’un programme de traitement comme celui offert à Ponoka ou à Grande Prairie (Alberta).

J'ai demandé au Ministère de confirmer mon interprétation de la situation.

Onglet 4 Le 19 janvier 1996, Henry Lee, directeur intérimaire, Service fiscal d'Edmonton, Revenu Canada, a écrit à M. Gunderson.

Cette lettre, qui vise à régler la question, ne fait que la rendre plus ambiguë. M. Lee écrit, en partie :

[traduction] Comme nous vous l'avons indiqué dans notre lettre du 24 novembre 1995, Revenu Canada est disposé à payer les frais associés à l'examen et au traitement pour le moment. (c'est moi qui souligne)

Pourtant, la lettre du 24 novembre 1995 ne mentionne, en fait, aucun recouvrement éventuel du coût de l'examen. Cette lettre se lit en partie comme suit :

[...] Revenu Canada est disposé à assumer le coût du traitement pour le moment.

M. Lee ajoute :

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Decision Page 6 À défaut de vous abstenir complètement de consommer de la drogue, vous vous exposez à un congédiement de Revenu Canada et à l’obligation de rembourser toutes les dépenses engagées en votre nom.

C'est la première fois que le Ministère fait allusion à un éventuel licenciement. On omet spécifiquement de mentionner le coût des tests de dépistage de drogue. Contrairement à la correspondance antérieure (onglets 1 et 2) le coût de l'examen a été ajouté aux coûts susceptibles de recouvrement.

Onglet 5 Le 19 janvier 1996, M me Trent m'a écrit. Elle a inclus une copie de la lettre susmentionnée (onglet 4).

Sa lettre traite spécifiquement des coûts de l'examen et du traitement. Étant donné que j'avais demandé à connaître la position du Ministère concernant les coûts de l'examen, des tests de dépistage de drogue et du traitement, il semble clair que le Ministère n'a pas l'intention de considérer le coût des tests de dépistage de drogue comme étant susceptible de recouvrement.

Comme l’a fait M. Lee dans sa lettre à M. Gunderson, M me Trent précise la position du Ministère en ces termes : [traduction] L'arbitre n'a pas indiqué que l'employeur sera responsable des coûts de l'examen ou du traitement. La position du Ministère est qu'à défaut d'une abstinence complète durant le traitement et pendant une période d'un an à compter de la date de reprise de ses fonctions, M. Gunderson pourrait être licencié et être tenu de rembourser toutes les dépenses engagées en son nom. (c'est moi qui souligne)

Onglet 6 Le 15 février 1996, j'ai écrit à M me Trent. Cette lettre visait à confirmer le fait que nous n'acceptions pas la condition imposée unilatéralement par l'employeur selon laquelle M. Gunderson serait automatiquement licencié s'il ne s'abstenait pas de consommer de la drogue. Par la même occasion, j'ai informé l'employeur que nous avions l'intention de demander à la CRTFP de statuer sur la question des coûts.

Onglet 7

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Decision Page 7 La politique du Conseil du Trésor intitulée «Programme d'aide aux employés», chapitre 1-2, Santé et sécurité au travail.

Cette politique, discutée plus en détail ci-après, stipule clairement que les examens médicaux font partie du mandat et des responsabilités des ministères. Cette politique accorde une attention particulière à l'aide à fournir concernant des questions d'abus d'intoxicants.

Onglet 8 La politique du Conseil du Trésor intitulée «Santé et sécurité au travail», chapitre 1-1, Santé et sécurité au travail.

Comme à l'onglet 7, cette politique stipule clairement que les examens médicaux font partie responsabilités des ministères.

Onglet 9 Décision de la CRTFP - Donald Gunderson et le Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise)

Onglet 10 La Loi canadienne sur les droits de la personne. Les dispositions de cette Loi doivent être examinées à la lumière des décisions prises par les autorités habilitées à les appliquer. Comme je l'indique ci-dessous, la règle établie par l'employeur concernant le recouvrement des coûts est contraire à cette Loi, étant donné que cette règle, entre autres choses, défavorise M. Gunderson relativement à son emploi. L'obligation de tenir compte de la situation d'un employé atteint d’une déficience découle de cette Loi. Elle est particulièrement pertinente en l'occurrence.

[...] Il n’est pas nécessaire de trancher la question de la justesse de la menace d’un congédiement éventuel étant donné qu'elle est théorique et, à ce stade-ci, il est à souhaiter qu'elle le demeurera. J'estime qu’il y a cependant lieu de la soulever pour que l'employeur ne se dise pas étonné plus tard. C'est une condition, semble-t-il, qu'un arbitre est habilité à imposer, comme l'illustrent quelques-unes des décisions invoquées dans la décision rendue par le président suppléant Chodos, soit les affaires Powrmatic du Canada Ltée et Syndicat des travailleurs et travailleuses de Powrmatic et MacMillan Bathurst Inc., Whitby Plant and International Woodworkers, Local 242. Le président suppléant Chodos a préféré ne pas imposer une telle condition. L'employeur ne peut le faire de son propre chef. Quoi qu'il en soit, il s'agit

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du mandat et des

Decision Page 8 d'une question sur laquelle il n'y a pas lieu de se prononcer pour l’instant. Au cas cela deviendrait nécessaire, on la tranchera en temps et lieu, conformément aux dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[...] Le Ministère aurait, semble-t-il, réglé la question du coût des tests de dépistage de drogue selon les onglets 4 et 5, de telle sorte qu'il ne procédera pas au recouvrement dudit coût.

Il semble également que les coûts de l'examen et du traitement ne seront recouvrés qu'en cas de licenciement à la suite d’un manquement à la condition d’abstinence pendant l'année suivant la réintégration.

On est parvenu à faire la lumière sur les problèmes au cours de l'échange de correspondance, mais la position du Ministère demeure inacceptable pour les motifs suivants.

Condition a) le fonctionnaire s'estimant lésé subira un examen administré par des autorités médicales compétentes approuvées par Santé et Bien-être social Canada; s'il trouve cela inacceptable, les parties s'entendront sur le choix d'un professionnel de la santé à cette fin;

Question Le problème relatif à la condition a) a été réglé en partie. À cet égard, les parties et Santé et Canada se sont entendues sur la nomination du docteur Ian Scott, qui s’occupera des aspects médicaux de l'ordonnance.

Le coût de l'examen médical demeure un problème. L'employeur l'a assumé, mais il reste à régler la question de savoir s'il a l'intention de le recouvrer. Il semble, d'après la correspondance, que l'employeur n'avait pas eu l'intention de proposer le recouvrement du coût de l'examen (onglets 1 et 2) avant la demande d’éclaircissements (onglet 3), à la suite de quoi il a changé d’avis sur ce point (onglets 4 et 5).

Position du fonctionnaire s'estimant lésé Le coût de l'examen médical de M. Gunderson ne devrait pas être susceptible de recouvrement.

Argument Cette condition semble avoir un double objectif. Le premier consiste à faire subir l'examen médical en vue d'amorcer le processus de traitement et de réadaptation. Le second

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Decision Page 9 consiste à informer l'employeur de l'état de santé du fonctionnaire s'estimant lésé.

L'autorité médicale doit être choisie par le représentant médical de l'employeur, Santé Canada. Il reste un peu de latitude au fonctionnaire s'estimant lésé quant au choix, mais sous réserve de l'approbation de l'employeur.

Étant donné que le choix d'un médecin devait relever de la prérogative ou de l'approbation de l'employeur, celui-ci doit également en assumer la responsabilité financière. L'onglet 1 illustre dans quelle mesure le Ministère estime être le client ou du moins le décisionnaire.

Si ce n'est pas le cas, l'employeur aurait, en toute légitimité, le droit de choisir ou d'approuver un médecin aux tarifs exorbitants, sachant que le fonctionnaire s'estimant lésé, qui ne touche aucun revenu depuis presqu’un an et demi, serait tenu de les payer.

Au nom de Revenu Canada, et des autres ministères, le Conseil du Trésor du Canada a déjà accepté d'assumer la responsabilité des examens médicaux. La politique du Conseil du Trésor intitulée «Programme d'aide aux employés» (chapitre 1-2, Santé et sécurité au travail) (onglet 7) stipule ce qui suit à la page 4 :

Responsabilités Sur demande, Santé Canada, par l'entremise du Programme de santé des fonctionnaires fédéraux, doit :

- faire ou demander des services de diagnostic médical ou des premiers conseils relativement à l'alcoolisme ou à d'autres problèmes de santé et recourir aux organismes communautaires pour les traitements ultérieurs;

De même, la politique du Conseil du Trésor intitulée «Santé et sécurité au travail» (chapitre 1-1, Santé et sécurité au travail) (onglet 8) décrit le Programme de santé des fonctionnaires fédéraux dans les termes suivants à la page A-1 :

Ce programme est administré par Santé et bien-être social Canada, par délégation du Conseil du Trésor. Le Programme de santé des fonctionnaires fédéraux est une ressource institutionnelle que les ministères devraient utiliser en conséquence. Ses services sont essentiellement d'ordre préventif et ne devraient ni entraver ni remplacer ceux qu'offrent les médecins privés ou les organismes de santé communautaire.

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Decision Page 10 Il prévoit : - des évaluations de santé des employés et des services médicaux d'urgence;

Revenu Canada et son agent médical, Santé Canada, ont la capacité et, en fait, le mandat et la responsabilité de fournir aux fonctionnaires des ressources en matière de santé. Dans la politique relative au Programme d’aide aux employés, on accorde une importance particulière à son application dans des cas d'abus d'intoxicants. L'examen exigé est à l'avantage du Ministère et de son fonctionnaire, M. Gunderson.

Si le Programme d'aide aux employés avait été offert à M. Gunderson lorsque l'employeur a constaté sa toxicomanie, on ne l’aurait sans doute pas menacé de procéder au recouvrement du coût de l'examen médical. M. Gunderson ne devrait pas être traité différemment aujourd'hui parce que l'employeur a commis des erreurs au début.

Condition b) le fonctionnaire s'estimant lésé suivra tout programme de réadaptation et de traitement professionnel de la santé; il fournira à l'employeur une preuve satisfaisante de programme qui lui a été prescrit et il consentira à la communication à l'employeur concernant sa réadaptation et son traitement;

Question Le point b) est réglé dans la mesure M. Gunderson se fait soigner par le docteur Scott. Ce dernier a prescrit un traitement de 28 jours en résidence à la Clinique du commerce et de l’industrie, Ponoka (Alberta). Le coût du traitement s’élève à 4 500 $. L'employeur a promis de l'assumer, mais également sous réserve d'un éventuel recouvrement.

Position du fonctionnaire s'estimant lésé Le coût du traitement ne devrait pas être susceptible de recouvrement.

Argument En vue de sa réintégration, M. Gunderson doit suivre tout traitement prescrit par le médecin nommé/approuvé par l'employeur. Il doit fournir à l'employeur une preuve de sa participation, de sa réadaptation et de son traitement à cet égard.

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proposé par le sa participation à tout de renseignements

Decision Page 11 Étant donné que M. Gunderson n'a son mot à dire qu'en ce qui concerne le choix du médecin et du traitement à suivre, il est injuste de lui en imputer le coût.

M. Gunderson ne peut pas «refuser» ce traitement. Sa décision de le suivre ne peut reposer sur la question de savoir s'il peut ou non se le permettre financièrement.

Pendant la période de suspension qu’il purgeait, laquelle a immédiatement été suivie de son congédiement, et jusqu'au rétablissement de son salaire aux termes de l'ordonnance de la CRTFP, M. Gunderson n'a touché aucun revenu pendant près d’un an et demi. Sa situation financière est désastreuse. Outre sa désintoxication, M. Gunderson commence à peine à améliorer sa situation financière.

Si l'employeur décidait de recouvrer le coût dans un avenir rapproché, M. Gunderson serait ruiné. Cela ne ferait que nuire au progrès médical. Nulle part aux onglets 1 et 2 est-il fait allusion à la date à laquelle l'employeur pourrait décider de procéder au recouvrement des coûts. Ces deux onglets semblent faire référence à un recouvrement éventuel qui surviendrait uniquement en cas de congédiement. Nous soutenons que c’est le pire moment de rejeter un tel fardeau financier sur les épaules d'un employé. De plus, un congédiement subséquent pourrait aussi ne reposer sur aucun motif valable, une question qui ne peut être tranchée que sous le régime de la procédure de règlement des griefs ou du processus d'arbitrage.

Entre les mois de mai 1994 et octobre 1995 environ, M. Gunderson est resté sans salaire à cause de sa suspension et de son congédiement. S'il est de nouveau congédié, ce pourrait être encore une fois sans motif valable. Néanmoins, encore une fois, il se retrouverait sans salaire pour une période de temps analogue. Il serait déraisonnable pour l'employeur d'attendre ce moment précis pour tenter de recouvrer le coût.

Si M. Gunderson avait été un autre employé que le Ministère aurait accepté d’aider, on n’aurait sans doute pas menacer de recouvrer les coûts associés au traitement médical.

Il est important de garder à l'esprit que, contrairement à l'objectif du Programme d'aide aux employés et à l’obligation générale qu'a un employeur d'aider et non pas de pénaliser les employés, cet employeur n'a offert aucune aide à M. Gunderson lorsqu’il a été informé de son handicap. Au contraire, M. Gunderson a fait l'objet d'une suspension puis d'un licenciement. Le président suppléant Chodos aborde la question en ces termes à la page 27 de sa décision :

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Decision Page 12 D'autre part, l'employé a le droit de ne pas être licencié sans motif valable et l'employeur a une certaine obligation à l'égard de l'employé qui s'est loyalement acquitté de ses fonctions pendant un certain nombre d'années et qui se trouve ensuite dans une situation il est incapable, du moins temporairement, de continuer de remplir ses fonctions. Dans ce contexte, il convient de signaler que de nombreux arbitres et autres personnes reconnaissent que la toxicomanie est une maladie ou une invalidité qui exige un traitement et des services de réadaptation (voir par exemple, Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, paragraphe 7:3210).

À la page 28 : Il m'étonne que M me Luit, qui était chargée du Programme d'aide aux employés, apparemment n'ait pas accepté le fait que la toxicomanie est une maladie qu'il faut traiter.

À la page 30 : Toutefois, la preuve présentée permet d'établir que l'employeur n'a rien fait pour faciliter le processus de réadaptation du fonctionnaire s'estimant lésé et que la direction n'a même pas informé clairement ce dernier des conséquences de son omission de mener à bien le programme de traitement. Je trouve fort étonnant, par exemple, qu'aucun document écrit n'a été remis à M. Gunderson ou à son représentant exposant les mesures que l'employeur s'attendait qu'il prenne pour convaincre l'employeur qu'il serait capable de reprendre ses fonctions dans un avenir proche, ainsi que les conséquences qui découleraient de son omission de remplir ces conditions.

Et enfin à la page 34 : Je dois tenir compte de ces considérations dans ma conclusion que l'employeur a fait très peu d'efforts jusqu'ici pour tâcher de tenir compte de l'incapacité du fonctionnaire s'estimant lésé et qu'il n'a pas non plus, tel qu'indiqué ci-dessus, informé clairement M. Gunderson de ses attentes et exigences concernant les efforts que celui-ci devrait faire pour se réadapter.

L'employeur n'a pas tenu compte des besoins de M. Gunderson, un employé atteint d'une invalidité de longue durée. Si l'employeur avait choisi l'accommodement au lieu de la suspension et du licenciement, M. Gunderson aurait eu l'occasion de recouvrer la santé et de reprendre sa place en tant que membre productif des effectifs.

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Decision Page 13 Dans le contexte d'une décision d'arbitrage ordonnant la réintégration du fonctionnaire s'estimant lésé sous réserve de plusieurs conditions, l'employeur s'en tient au strict minimum pour ce qui est de l'accommodement. Si l'employeur refusait carrément de payer quelque frais que ce soit lié aux conditions spécifiées dans la décision, il ferait manifestement preuve, encore une fois, d’un manque d’esprit de conciliation. S’il assume les coûts tout en menaçant d'en recouvrer une partie ou la totalité à un moment donné, le niveau d'accommodement est à peine plus élevé que ce qu'il a toujours été. Même ce niveau est loin d'être ce que l'on pourrait qualifier de contrainte excessive pour l'employeur.

Si M. Gunderson ne parvient pas à se rétablir et à se maintenir en santé pour travailler, ce ne sera pas faute d’avoir essayé. À cet égard, le docteur Scott m'a indiqué récemment que M. Gunderson avait terminé le programme de quatre semaines et qu'il avait accepté volontairement de le poursuivre une semaine de plus. Il semble que cet employeur, qui a initialement pénalisé le fonctionnaire s'estimant lésé à cause de sa maladie, a de nouveau aujourd'hui l'intention de le pénaliser au cas où, à son avis, le fonctionnaire ne réussirait pas à recouvrer la santé. Cela ressemble à un employeur qui accepte de payer les frais associés à la chimiothérapie d'un patient atteint du cancer, sous réserve d’en recouvrer les coûts si le cancer n'est pas vaincu.

De toute évidence, l'employeur ne comprend toujours pas la nature de la maladie de M. Gunderson et cherche encore à lui imposer des mesures disciplinaires. Le problème n'est pas tant l'obligation comme telle de l'employeur de payer les dépenses médicales que la possibilité qu’il a de recouvrer les sommes qu'il a déjà accepté de consacrer à cette fin.

Nous demandons que la question soit tranchée de façon que l'employeur soit tenu d'assumer les coûts associés aux conditions, sans menace de recouvrement.

Condition c) lorsque le professionnel de la santé aura certifié que le fonctionnaire s'estimant lésé ne consomme plus de drogue et qu'il est apte à reprendre ses fonctions, l'employeur permettra immédiatement à M. Gunderson de reprendre ses fonctions;

Question M. Gunderson n'est pas encore apte à reprendre ses fonctions. Toutefois, cette condition, comme la condition d), prévoit des tests de dépistage de drogue. Un examen de la

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Decision Page 14 correspondance semble indiquer que l'employeur n'a pas l'intention de recouvrer le coût de ces tests.

Position du fonctionnaire s'estimant lésé Le coût des tests de dépistage de drogue ou d'aptitude au travail devrait être assumé par l'employeur et ne pas être susceptible de recouvrement.

Argument L'employeur a le droit d'exiger d’être convaincu de l'aptitude au travail de M. Gunderson. Toutefois, étant donné que l'objectif de la condition imposée est de satisfaire l'employeur, ce dernier devrait également assumer les coûts y relatifs. En d'autres termes, M. Gunderson sait s'il ne consomme pas de drogue. Les résultats des tests ne lui apprendront rien qu'il ne sait pas déjà.

Le docteur Scott m'a informé que les tests de dépistage de drogue à des fins médicales sont garantis aux termes du Régime d'assurance-maladie de l'Alberta. Par conséquent, si le médecin du fonctionnaire s'estimant lésé estime qu'il doit faire subir des tests au patient, ces tests ne coûteront rien au patient ou à l'employeur.

Les tests de dépistage de drogue aux fins de faire rapport à un employeur ne sont pas garantis par le Régime d'assurance-maladie de l'Alberta, car ce n'est que lorsque l'employeur l'exige qu'il y a des coûts. De toute évidence, dans les présentes circonstances, le coût des tests devrait également incomber à l'employeur. Si ce n'était pas le cas, l'employeur pourrait exiger des tests hebdomadaires, voire quotidiens.

Ce qui précède s'applique également au certificat d'aptitude au travail. Le docteur Scott m'a indiqué que le coût du certificat est minime.

Condition d) pendant une période d'un an à compter de la date à laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé aura repris ses fonctions, l'employeur pourra lui demander de continuer de fournir des preuves satisfaisantes du fait qu'il continue de s'abstenir de consommer de la drogue; l'employeur sera libre d'imposer durant cette période d'un an les restrictions qu'il jugera appropriées quant à l'accès du fonctionnaire s'estimant lésé aux renseignements confidentiels.

Question Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 15 La poursuite des tests de dépistage de drogue et le coût associé à ces tests.

Position du fonctionnaire s'estimant lésé Le coût des tests continus de dépistage de drogue devrait être assumé par l'employeur et ne pas être susceptible de recouvrement.

Argument Voir c) ci-dessus. Loi canadienne sur les droits de la personne Dans une décision rendue récemment par la CRTFP dans Yarrow (dossier de la Commission : 166-2-25034), l'arbitre a conclu qu'elle devait appliquer les lois du pays en faisant spécifiquement référence à la Loi canadienne sur les droits de la personne. La même conclusion vaut en l'occurrence. M Gunderson est atteint d'une incapacité comme on peut le lire à l'onglet 9. Les articles pertinents de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont reproduits ci-après :

Article 2 La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

Paragraphe 3(1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

Article 7 Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d'employer d'employer un individu; b) de le défavoriser en cours d'emploi.

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ou de continuer

Decision Page 16 Article 25 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

«déficience» Déficience physique ou mentale, qu'elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l'alcool ou la drogue.

En raison de sa déficience, M. Gunderson doit satisfaire aux conditions prescrites par le président suppléant Chodos pour reprendre ses fonctions. Pour y parvenir, il a besoin de l'aide de son employeur. Revenu Canada a le mandat de fournir cette aide et dispose des moyens nécessaires à cette fin. En fait, le Ministère s'est déjà engagé à assumer tous les coûts. La règle établie par l'employeur selon laquelle il peut recouvrer les coûts au cas M. Gunderson serait incapable de surmonter son invalidité à sa satisfaction, est discriminatoire. L'arbitre est entièrement habilité à trancher la question aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Résumé Pour tous les motifs qui précèdent, le fonctionnaire s'estimant lésé demande à l'arbitre de conclure que les coûts associés aux conditions de sa réintégration seront assumés par l'employeur et ne seront pas susceptibles de recouvrement.

Au nom de l'employeur, M e Snyder, par lettre datée du 18 avril 1996, a répondu à l’exposé ci-dessus en ces termes :

[traduction] J'ai eu l'occasion d'examiner les arguments de M. Joe Ahrens au sujet des questions susmentionnées. Sauf erreur, il estime que l'employeur doit assumer les coûts associés à l'examen et au traitement de la toxicomanie du fonctionnaire s'estimant lésé, et il demande à l'arbitre de le confirmer.

D'après les diverses lettres émanant de Revenu Canada à cet égard, il semble y avoir une ambiguïté quant à la responsabilité financière que le Ministère est disposé à assumer à cet égard (voir les onglets 1, 2, 4 et 5 de l’exposé de M. Ahrens).

À titre d'information, le Ministère a assumé, à ce jour, la totalité des coûts associés tant aux examens médicaux qu’au programme de traitement du fonctionnaire s'estimant lésé. Plus spécifiquement, le Ministère a assumé tous les frais associés au premier examen médical du fonctionnaire ainsi que ceux associés aux tests aléatoires de dépistage de drogue.

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Decision Page 17 En outre, il a assumé le coût total du programme de traitement de 28 jours suivi par le fonctionnaire à Grande Prairie en février 1995, soit environ 4 500 $.

Le Ministère a l'intention de recouvrer ce dernier montant au cas le fonctionnaire ne serait pas jugé apte à reprendre ses fonctions dans une période de temps raisonnable suivant son traitement ou s'il ne s'abstenait pas de consommer de la drogue à son retour au travail, conformément aux conditions énoncées par l'arbitre dans sa décision.

Nous reconnaissons que l'arbitre peut se saisir de cette question même si elle n'a pas été mentionnée explicitement dans la décision. En rendant une décision, toutefois, il y a lieu de tenir compte des éléments suivants :

(1) L'employeur n'est pas tenu, légalement ou autrement, ni aux termes d'un précédent, d'assumer les coûts du traitement d'une maladie non reliée au travail. Si l'on avait établi un lien direct entre la maladie du fonctionnaire et ses fonctions au travail, alors une telle déficience lui aurait donné droit aux avantages, y compris la garantie du traitement aux termes de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État.

(2) Contrairement à l'interprétation que fait M. Ahrens de la politique du Conseil du Trésor en matière de santé et de sécurité au travail (mentionnée à l'onglet 8 de son exposé), ladite politique traite strictement des responsabilités de l'employeur relativement à la sécurité au travail. Les examens médicaux des employés et les services d'urgence médicaux mentionnés à la page A-2 du document concernent les maladies reliées au travail ainsi que les accidents du travail, les examens et les services qui sont fournis par Santé Canada;

(3) La politique du Programme d'aide aux employés (mentionnée à l'onglet 7 de l’exposé de M. Ahrens) stipule que Santé Canada doit :

faire ou demander des services de diagnostic médical ou des premiers conseils [...] recourir aux organismes communautaires pour les traitements ultérieurs (p. 4).

Étant donné que le Ministère s'est engagé à assumer le coût total de l'examen médical initial du fonctionnaire s'estimant lésé ainsi que des tests aléatoires de dépistage de drogue, la détermination, s’il y a lieu, de l'obligation

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Decision Page 18 financière du Ministère relativement à ces questions est devenue sans objet. Il est évident, toutefois, que le Ministère est uniquement tenu de recourir aux organismes pour le traitement et non pas de payer ces traitements. Le fait que le Ministère, sans aucune obligation de sa part, se soit engagé à composer avec la situation du fonctionnaire en assumant le coût total du traitement à la condition que ce dernier continue de s'abstenir de consommer de la drogue, témoigne de la bonne foi de l’employeur.

(4) Depuis le 12 septembre 1995, le fonctionnaire touche son plein salaire sous forme de congé de maladie payé. De plus, il accumule tous les avantages pécuniaires décrits dans son contrat de travail. Par conséquent, laisser croire qu'il est sans le sou n'est pas un argument valable.

(5) Laisser entendre que le Ministère doit prendre à sa charge tous les coûts associés au traitement d'un employé atteint d'une maladie qui n'est pas attribuable à ses fonctions est une question qui risque d’avoir des retombées importantes sur les rôle et obligation d'un employeur vis-à-vis des employés.

En conclusion, l'employeur demande à l'arbitre de déclarer ce qui suit :

(A) Que l'employeur n'est nullement tenu d’assumer quelque coût que ce soit associé au traitement du fonctionnaire s'estimant lésé à Grande Prairie.

(B) Que l'employeur a le droit de recouvrer les coûts du traitement si certaines conditions ne sont pas respectées.

Par lettre datée du 2 mai 1996, M. Ahrens a répondu aux arguments de M e Snyder : [traduction] J'ai maintenant eu l'occasion d’examiner l’exposé que M e Ronald Snyder a présenté au nom de l'employeur en date du 18 avril 1996. Vu les arguments que j'ai déjà fait valoir, je n'ajouterai que quelques commentaires au sujet de l’exposé.

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Decision Page 19 1. M e Snyder a indiqué que seul le coût du traitement à la Clinique du commerce et de l’industrie, Grande Prairie (Alberta) continuait de poser des difficultés.

2. La question de l’absence d’une obligation spécifique de financer le coût du traitement n'est pas, à mon humble avis, le problème en l'occurrence. Le problème est que l'employeur est obligé de composer avec la situation d'un employé aux prises avec une déficience.

La décision du président suppléant Chodos visait à annuler le congédiement de M. Gunderson et à y substituer un mécanisme de réadaptation à la suite duquel ce dernier pourrait retourner au travail à titre d'employé productif.

D'après moi, dans un cas d'accommodement, toutes les parties doivent faire ce qu'elles peuvent pour faciliter le retour au travail de l'employé. À cet égard, M. Gunderson assume l'entière responsabilité du respect de tout traitement prescrit. Il doit régler son problème de toxicomanie et s’abstenir de consommer de la drogue. La situation de M. Gunderson est telle qu'il ne peut se permettre d'assumer le coût du traitement. L'employeur, l'autre partie directement en cause dans cette affaire, peut faire sa part en assumant ce coût. Les exigences imposées aux deux parties constituent certes un fardeau, mais ces dernières poursuivent toutes deux l'objectif général d'accommodement.

3. L'employeur a déjà assumé tous les coûts comme l'a correctement mentionné M e Snyder. Par conséquent, il s'agit plutôt de déterminer la justesse du recouvrement du coût du traitement. M e Snyder écrit à la page 2 : Le fait que le Ministère, sans aucune obligation de sa part, se soit engagé à composer avec la situation du fonctionnaire en assumant le coût total du traitement à la condition que ce dernier continue de s'abstenir de consommer de la drogue, témoigne de la bonne foi de l’employeur;

Je conviens que l'engagement de l'employeur d'assumer les coûts du traitement témoigne de sa bonne foi. Dit autrement, la phrase de M e Snyder signifie que si l'employeur ne s’était pas engagé à assumer le coût du traitement, il aurait fait preuve de mauvaise foi. Bien qu'il l’ait initialement assumé et que le recouvrement subséquent puisse donner l'illusion qu'il fait preuve de meilleure foi, le résultat est le même. Il ne satisfait pas à l'obligation d'accommodement.

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Decision Page 20 4. L'employeur a changé d'avis plusieurs fois relativement aux circonstances qui donneraient lieu au recouvrement, et il continue de le faire. Comme je l'ai déjà indiqué, à l'onglet 2, l'employeur a indiqué qu'il pourrait tenter de recouvrer le coût en alléguant un quelconque motif. À l'onglet 4, il a défini les circonstances dans lesquelles le recouvrement pouvait survenir, mais, du même coup, a aggravé le problème en incluant tous les coûts et en ajoutant par ailleurs un motif de licenciement qu’il pourrait invoquer à l'avenir. Même dans l’exposé présenté par M e Snyder à la CRTFP en vue de faire la lumière sur la question, on ajoute un élément, soit «au cas le fonctionnaire n'est pas jugé apte à reprendre ses fonctions dans une période de temps raisonnable suivant son traitement».

En gardant à l'esprit que l’employeur est celui-là même qui n’a témoigné aucune compassion envers M. Gunderson après avoir été informé de sa maladie et qu'il révise continuellement ses conditions, il n'y a aucune raison de croire que l'employeur ne procédera pas au recouvrement du coût du traitement pour tel ou tel motif s'il est autorisé à le faire.

5. M e Snyder donne à entendre que cette question risque d’avoir des retombées importantes sur les modalités d’application de la politique. Je ne suis pas d'accord. La question dont vous êtes saisi traite de la mise en oeuvre d'une décision spécifique dans un contexte spécifique concernant un fonctionnaire spécifique.

Enfin, dans une lettre adressée à la Commission, en date du 13 mars 1996, M e Snyder s’est interrogé sur la raison de l'intervention de l'arbitre étant donné que la décision ne mentionne pas spécifiquement cette question. Au cas le président suppléant Chodos déterminerait qu'il n'a pas lieu pour lui d'intervenir, j'estime qu'il n'est que juste de ma part d'indiquer ici que le fonctionnaire s'estimant lésé soutiendrait que l'employeur ne jouit pas du droit inconditionnel de recouvrer les frais engagés aux termes de la décision. Le fonctionnaire conserverait, par conséquent, le droit de contester toute mesure de recouvrement qui serait prise. Cela rejoint la demande que j'ai faite à l'employeur et que j'ai indiquée à l'onglet 3, j'ai écrit :

[traduction] Au cas vous ne seriez pas en mesure de répondre favorablement à notre requête, je propose que nous nous entendions pour saisir le président suppléant Chodos de l'affaire si des frais sont effectivement engagés. (c'est moi qui souligne)

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Decision Page 21 Je vous remercie de l'attention que vous porterez à cette affaire.

MOTIFS DE DÉCISION Les parties sont d'accord sur le fait qu’il s’agit en l'occurrence de déterminer dans quelle mesure l'employeur est tenu, par suite de la décision d'arbitrage susmentionnée, d'assumer le coût du traitement de M. Gunderson et de renoncer au recouvrement de ce coût. Je fais remarquer au départ qu'il semble que l'employeur n'ait pas, pour le moment, pris de mesures de recouvrement à cet effet; par conséquent, une décision permettant de savoir si l'employeur a le droit de procéder à un tel recouvrement est au mieux prématurée, voire théorique. Je tiens toutefois à souligner qu'à mon avis la question des coûts associés à la réadaptation du fonctionnaire est, en l'absence d'une obligation contractuelle contraire, de la responsabilité de l'employé individuel et non de celle de l'employeur. Sinon, les diverses dispositions des conventions collectives concernant les congés de maladie, les indemnisations pour accident de travail, les congés d'accident de travail et les prestations d'invalidité seraient alors entièrement superflues. Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou la Loi canadienne sur les droits de la personne qui stipule qu'un employé jouit du droit inhérent, encore ici en l’absence d'obligation contractuelle, d'exiger que l'employeur assume le coût médical d'une déficience non reliée au travail. Je fais remarquer que M. Ahrens n'a pas cité de jurisprudence à l'appui d'une telle position et j'ai été incapable d'en trouver. En effet, l'unique cas que j'ai pu rencontrer qui pourrait avoir une certaine pertinence en l'espèce semble appuyer le point de vue de l'employeur. Dans Canadian Airlines International Ltd. v. Canadian Air Line Pilots Association [1996] 3 W.W.R. 683, la Cour suprême de la Colombie-Britannique s'est penchée, entre autres, sur la question de savoir si un arbitre était habilité à ordonner à l'employeur d’inscrire le plaignant qui avait été congédié à un programme de réadaptation. En annulant la décision de l'arbitre, la Cour a conclu ce qui suit :

(pages 697-698) [traduction] Si un arbitre substitue une suspension et la réintégration à un congédiement dans un cas l'employé s'est, disons, cassé une jambe et qu'il ne peut reprendre son travail, le droit de l'employé aux prestations d'invalidité à la

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Decision Page 22 date de sa réintégration serait sûrement régi par le libellé de la convention collective. Je n'interprète pas l'alinéa 60(2) du Code comme habilitant l'arbitre, dans un tel cas, à ordonner que l'employé réintégré reçoive des prestations d'invalidité auxquelles il n'avait pas autrement droit aux termes de la convention collective, étant donné que cela ne serait pas une «autre sanction» en vertu du paragraphe 60(2), mais un avantage. Si la convention collective ne prévoyait pas de prestations d'invalidité, l'employé aurait tout simplement à attendre que sa jambe guérisse avant de pouvoir réintégrer ses fonctions.

Bien que l'on se soit longuement penché sur la question de savoir si le programme faisait partie de la convention collective, ce n'est pas là, à mon avis, une question qu’il est nécessaire de trancher. À moins que la convention collective ou que le document relatif au programme contienne une disposition qui autorise le plaignant à participer au programme, celui-ci n'y a pas droit, tout comme il n'a pas droit aux prestations d'invalidité après sa réintégration, à moins qu'il y soit admissible aux termes de la convention collective. Il ne revient pas à l'arbitre, en application du paragraphe 60(2) du Code, de créer un droit aux prestations ni d'ordonner que le plaignant soit inscrit au programme s'il n'y a pas autrement droit en vertu des dispositions de la convention collective ou du document relatif au programme.

M. Ahrens a invoqué le Programme d'aide aux employés offert par l'employeur, selon le manuel du Conseil du Trésor (chapitre 1-2), à l'appui de son argument que l'employeur, dans le cadre de son obligation de composer avec la situation d'un employé atteint d'une déficience, doit assumer le coût de sa réadaptation. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec lui lorsqu’il dit que la politique stipule qu'il s'agit d'une responsabilité de l'employeur; quoi qu'il en soit, j’estime, s'il y a engagement de la part de l'employeur, qu'il ne s'agit pas d'une question dont je puis me saisir aux termes de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Par conséquent, la demande du fonctionnaire s'estimant lésé d'une décision portant que les coûts associés aux conditions de sa réintégration soient assumés par l'employeur est rejetée.

Comme je l'ai indiqué ci-dessus, il est évident, à mon avis, que la question du recouvrement des coûts est prématurée, voire théorique. Je m'abstiens spécifiquement de commenter la question de savoir si l'employeur, ayant décidé d'assumer au moins

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Decision Page 23 une partie des coûts associés au traitement et à l'examen, est tenu d’une façon ou d’une autre, de continuer de le faire. Toutefois, je ne crois pas qu'il soit nécessaire ni approprié à ce moment-ci de rendre une ordonnance concernant l'éventuel recouvrement par l’employeur des coûts de l'examen ou du traitement.

P. Chodos, président suppléant.

OTTAWA, le 25 juillet l996 Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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