Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

166-2-26571 à 26573 et 26585 Dupuis et le Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada) Devant: Marguerite-Marie GalipeauComparants: A. LaBissonnière, pour la fonctionnaire s'estimant lésée; A. Garneau, pour l'employeurDate de la décision : le 21 avril 1997 Licenciement (motif non disciplinaire) - Incompétence - la fonctionnaire s'estimant lésée, commis, a déposé un grief à l'encontre d'un examen de son rendement négatif et un grief à l'encontre de son licenciement pour cause d'incompétence - deux autres griefs ont été retirés à l'audience - la preuve présentée par l'employeur a fait état du rendement de la fonctionnaire dans trois postes différents de commis à Verdun ainsi qu'à Pointe-Claire - quatre personnes qui ont été ses surveillants ont témoigné que la fonctionnaire ne pouvait pas s'acquitter de tâches simples requises des titulaires des postes qu'elle occupait - la fonctionnaire a aussi fait l'objet de programmes de formation sur mesure et d'un suivi de près, mais toutes ces tentatives se sont soldées par un échec - la fonctionnaire a soutenu que l'employeur l'a suivie de trop près, que ses collègues de travail la méprisaient et qu'elle aurait eu de meilleures chances de réussir si elle avait pu travailler dans sa langue maternelle, l'anglais - l'arbitre a conclu que l'employeur avait fait une preuve prépondérante que la fonctionnaire ne parvenait pas à accomplir le travail exigé dans les postes qu'elle a occupés - les raisons de cet état de choses tenaient à son manque de connaissances, son incapacité à traduire ses connaissances en gestes concrets, une résistance à l'apprentissage et à l'aide des autres, ainsi qu'à une conviction que la source de ses problèmes provenait de ses supérieurs et de ses collègues de travail - l'arbitre a conclu que l'employeur avait mis en oeuvre tous les moyens humainement possibles pour venir en aide à la fonctionnaire et en faire une employée compétente - aucune preuve n'a été présentée au sujet d'une contravention de la convention collective concernant son examen de rendement. Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Dossiers: 166-2-26571 à 26573, 166-2-26585

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE ANNA DUPUIS fonctionnaire s'estimant lésée et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Développement des ressources humaines Canada)

employeur

Devant: Marguerite-Marie Galipeau, président suppléant Pour la fonctionnaire s'estimant lésée: Alfred LaBissonnière, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur: André Garneau, avocat Affaire entendue à Montréal (Québec), les 27, 28, 29, 30 novembre 1995; les 18, 19, 20, 21, 22 mars 1996; les 16, 17, 18, 19 avril 1996 et les 10, 11 12, 13 février 1997

Decision Page 1 DÉCISION La présente décision fait suite au renvoi à l'arbitrage de quatre griefs déposés par Anna Dupuis, fonctionnaire au ministère de Développement des ressources humaines.

En cours d'audience, Anna Dupuis, par l'entremise de son procureur, a retiré deux griefs de l'arbitrage (dossiers de la Commission 166-2-26571, 166-2-26585). J'ai pris acte du retrait et ces dossiers sont clos.

La présente décision porte sur les deux griefs qui demeurent (dossiers de la Commission 166-2-26572 et 166-2-26573). Anna Dupuis conteste son licenciement survenu le 18 novembre 1994 (166-2-26573). Dans la lettre de licenciement (pièce E-1), l'employeur conclut à l'incompétence d'Anna Dupuis et lui reproche son comportement et son attitude au travail.

Dans un deuxième grief (166-2-26572), Anna Dupuis allègue que l'employeur a contrevenu à l'article M-16 ainsi qu'à l'article M-34 de la convention collective applicable [Convention cadre entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada, pièce E-1]. Lors de sa plaidoirie, le représentant d'Anna Dupuis a indiqué que sa cliente n'appuyait plus sa réclamation sur l'article M-16 mais plutôt se limitait à invoquer l'article M-34 qui porte sur l'examen du rendement et le dossier de l'employé.

L'audience a duré 17 jours. Les témoins ont été exclus. Ils ont témoigné en français sauf Anna Dupuis. Le procureur de l'employeur a plaidé en anglais et, celui d'Anna Dupuis, avec la permission de cette dernière, en français.

Les faits peuvent être résumés comme suit. PREUVE PREUVE DE L'EMPLOYEUR Anna Dupuis débute un emploi (CR-03) au Ministère du Développement des ressources humaines Canada le 5 octobre 1992. Le 10 août 1994, on l'avise que ses supérieurs recommandent (pièce E-2, dernière page) son licenciement. Elle est en absence prolongée jusqu'à son licenciement, le 18 novembre 1994.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 2 Entre le 5 octobre 1992, date de son entrée au ministère, et le 10 août 1994, date de son départ en congé de maladie, elle occupe trois postes: Commis: diverses fonctions (CR-03), Magasinier (CR-03), et Commis: accueil et renseignements (CR-03). Durant cette période, ses supérieurs constatent des lacunes importantes tant dans son rendement que dans son attitude et son comportement. Ces carences sont énoncées dans les rapports de progression du rendement (pièces E-6, E-14) ainsi que les rapports de progrès (pièces E-26, E-30, E-55, E-56, E-57). Un plan de formation est mis en oeuvre pour aider la fonctionnaire à surmonter ses difficultés. Des rencontres régulières tenant lieu de suivi à cette formation ont lieu entre ses supérieurs et Anna Dupuis aux dates suivantes: les 6, 13, 20 et 29 décembre 1993; les 10, 17 et 24 janvier 1994; les 1 er et 9 février 1994 (pièces E-32 à E-39) ainsi que les 15, 21, et 22 février 1994; et le 3 mars 1994 (pièces E-25, E-45, E-46, E-47, E-48). La formation et le suivi se soldent par un échec. Durant la même période, Anna Dupuis fait un séjour de trois semaines à Toronto pour suivre un cours donné en anglais et portant sur une de ses fonctions à titre de commis «accueil et renseignements». Elle obtient des résultats très faibles (pièce E-51) et les instructeurs attitrés concluent qu’elle aurait besoin d’un suivi intense et individuel pour parvenir à faire son travail (pièce E-2, p. 27-28).

À son retour de Toronto, Anna Dupuis dépose une plainte de harcèlement et durant l’enquête subséquente, elle travaille à Pointe-Claire (pièce E-60) durant sept semaines (pièce E-2, p. 30) soit du 13 juin au 29 juillet 1994. Un rapport (pièce E-60) sur cette affectation temporaire constate son manque d’autonomie et son manque de connaissances reliées à l’exercice de ses fonctions. Une fois l’enquête sur la plainte de harcèlement terminée et dont la conclusion est qu’il n’y a pas eu harcèlement, Anna Dupuis revient à Verdun elle reprend ses fonctions pour quelques jours. Le 10 août 1994, le directeur, Pierre Villeneuve, rencontre Anna Dupuis (pièces E-52, E-2 pages 30 et 31). Il fait le bilan de la situation et constate qu’Anna Dupuis n’est pas en mesure d’exercer ses fonctions. Il l’informe qu’une recommandation (pièce E-2, dernière page) sera faite au sous-ministre adjoint, André Gladu, et que ce dernier décidera peut-être de la renvoyer. Le jour même, Anna Dupuis débute un congé de maladie qui se terminera lors de son licenciement le 18 novembre 1994.

Au cours de son emploi, Anna Dupuis a déposé une plainte au Commissaire aux langues officielles (pièces E-21, E-22). En réponse à cette plainte, l’employeur a apporté des mesures correctives et le dossier a été fermé au mois de janvier 1994. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 Voici, en résumé, le détail de la preuve sur chaque poste occupé par Anna Dupuis. Commis: Diverses Fonctions (CR-03) aux Services Administratifs: 5 octobre 1992 au 29 novembre 1993

Première période: 5 octobre 1992 au 31 mars 1993 Anna Dupuis est réticente à débuter son nouvel emploi dans son poste d’attache (Commis aux services d’assurance: préposée à la clientèle (pièce E-4)) car il s’agit d’un poste il faut offrir un service direct à la clientèle et rencontrer les prestataires. De plus, l’employeur a un besoin plus pressant des services d’une personne à un poste de «Commis: diverses fonctions». Par conséquent, l’employeur confie à Anna Dupuis le poste «Commis: diverses fonctions» (pièce E-5). C’est un poste de soutien à l’ensemble du Centre d’emploi et à son personnel. Il s’agit d’être à la console téléphonique, de faire des photocopies, de dépouiller et de distribuer le courrier et en général, d’exécuter diverses tâches à caractère administratif (pièce E-5). Il exige d’être bilingue. Selon les résultats des tests, Anna Dupuis est bilingue.

Du 5 octobre au 23 novembre 1992, la directrice du Centre d’Emploi à Verdun, Rachel Tremblay, supervise le travail d’Anna Dupuis. Les collègues d’Anna Dupuis l’initient à son travail. Rachel Tremblay présume de la compétence d’Anna Dupuis car elle occupait un poste Commis: diverses fonctions avant son arrivée au Ministère.

Le 23 novembre 1992, le Chef des services administratifs, Johanne Jones revient d’un congé de maladie. Du 23 novembre 1992 au 31 mars 1993, Johanne Jones supervise le travail d’Anna Dupuis. Durant cette période, elle constate qu'Anna Dupuis a tendance à demander la solution à ses confrères avant de tenter de résoudre les problèmes par elle-même. Elle a de la difficulté à établir ses priorités. Elle manque d’organisation. Elle met de côté le travail qu’elle n’aime pas. En dépit de plusieurs demandes, elle ne met pas à jour un registre de clés et un dossier relatif au stationnement. Elle a des problèmes interpersonnels avec ses collègues. Ces derniers se plaignent à Johanne Jones. Des superviseurs se plaignent aussi d’elle car elle n’accepte pas de remarques et se dit débordée. Elle est réticente à aller à la console téléphonique, à faire des photocopies et à distribuer le courrier. Peu à peu, ses confrères ne veulent

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 plus l’aider dans son travail. Après six mois, et bien qu’elle travaille à la console téléphonique et à la distribution du courrier, elle ne connaît pas encore tous les employés du Centre. Elle ne fait pas certaines inscriptions de relevés d’emplois. Elle va même, selon Johanne Jones, jusqu'à les cacher. Interrogée à ce sujet, elle explique à Johanne Jones qu’elle craignait des remontrances. De plus, dans son traitement des relevés d’emploi, elle met en doute l’honnêteté de tous les employeurs. Avec le temps, ses confrères de travail s’en éloignent de plus en plus.

Le 31 mars 1993, Johanne Jones consigne les constatations que je viens d’énumérer dans un rapport de progression de rendement (pièce E-6) qui est remis à Anna Dupuis. Elle refuse d’accuser réception du rapport.

Selon Johanne Jones, Anna Dupuis parle très bien français. Durant la période elle est sa surveillante, en aucun moment Anna Dupuis ne lui demande-t-elle de s’adresser à elle en anglais ou de lui remettre des documents en anglais. Elle échange avec ses confrères en français. D’ailleurs, lors de tests linguistiques, elle a réussi l’examen oral français.

Johanne Jones s’est ouverte à la directrice, Rachel Tremblay, de ses difficultés avec Anna Dupuis. Elle lui dit qu’elle doit donner beaucoup d’encadrement à Anna Dupuis car celle-ci manque d’initiative.

Quant à Rachel Tremblay, elle observe que les collègues d’Anna Dupuis trouvent difficiles leurs rapports avec cette dernière. Rachel Tremblay constate que Johanne Jones doit faire une surveillance constante de cette fonctionnaire. Elle constate également l’accueil brusque, sévère que réserve Anna Dupuis aux gestionnaires et aux employés qui s’adressent à elle pour des renseignements. Elle constate aussi, que si elle refuse une demande à Anna Dupuis, celle-ci revient à la charge trois ou quatre fois et refait la même demande. Elle rencontre Anna Dupuis en présence de Johanne Jones pour discuter de ce qui ne va pas. À la fin de cette période, Rachel Tremblay entérine le rapport (pièce E-6) de Johanne Jones. Les constatations de Rachel Tremblay seront consignées dans son rapport (pièce E-2, pages 1 à 11).

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 Deuxième période: 1 er avril au 23 août 1993 Le 12 avril 1993, Ginette Tardif remplace Johanne Jones. En sa qualité de superviseure de la section des Services administratifs, elle donne un mandat (pièce E-7) à chaque employé. Elle en discute avec chacun. Le mandat s’inspire de la description de poste (pièce E-8) de l’employé. Anna Dupuis semble satisfaite du mandat qu'elle reçoit.

Du mois d’avril au mois d’août 1993, Anna Dupuis continue à occuper le poste de commis de soutien ou commis: diverses fonctions.

Ginette Tardif reçoit régulièrement des plaintes au sujet d’Anna Dupuis en provenance des autres sections. Ginette Tardif ne prend pas tout en note. «J’en prenais et j’en laissais», dit-elle. «Ça débordait».

Bien qu’elle travaille désormais sous la surveillance d’un nouveau superviseur, les difficultés d’Anna Dupuis s’accentuent.

Ginette Tardif fait part de ses difficultés à la directrice, Rachel Tremblay. Anna Dupuis requiert un encadrement serré et un suivi constant. Il faut lui répéter souvent les mêmes choses. Elle est réticente à travailler en équipe. Elle se plaint d’en faire plus que les autres. Elle se plaint que Ginette Tardif ne la comprend pas.

Les collègues de travail d’Anna Dupuis se plaignent d’avoir à compenser les refus de collaborer d’Anna Dupuis et de ce que cette dernière s’esquive de certaines tâches qu’elle aime moins et qui pourtant font partie de ses tâches prioritaires, telles, le remplacement à la console téléphonique, le courrier, les photocopies, les dossiers d’appel.

En résumé, Ginette Tardif fait les mêmes constatations que Johanne Jones au sujet du rendement d’Anna Dupuis et tout comme Johanne Jones, elle en fait part à Rachel Tremblay.

Troisième période: 23 août au 29 novembre 1993 Au mois d’août 1993, Ginette Tardif assigne Anna Dupuis au poste de Commis Soutien administratif (magasinier) (pièce E-8). À nouveau, elle lui remet un mandat

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 (pièce E-9) et en discute avec elle. Le magasinier qu’Anna Dupuis remplace lui donne une formation d’un mois (23 août au 30 septembre 1993) dans ses fonctions.

Le rôle d’Anna Dupuis est de tenir un petit magasin à jour (c’est-à-dire desservir une cinquantaine d’employés). Il s’agit d’acheter, de commander, de faire l’inventaire, et de distribuer des fournitures de bureau. Anna Dupuis ne se plaît pas dans ces nouvelles fonctions. Elle commet des erreurs (pièce E-10). Elle ne vérifie pas la marchandise reçue, elle n’indique pas ce qui est advenu de la marchandise non reçue, elle mélange les quantités de deux articles. Or, il s’agit de «l’abc du travail de magasinier». Pourtant, elle commet trois types d’erreur en rapport avec un bon de commande et sa facture.

Ginette Tardif lui souligne ses erreurs. Des factures sont payées en double pour des choses commandées en double. Anna Dupuis reconnaît ses erreurs. Mais elle continue de commettre les mêmes erreurs. C’est le commis aux finances qui en fait part à Ginette Tardif.

La directrice, Rachel Tremblay, et le Chef des services administratifs, Ginette Tardif, rencontrent Anna Dupuis à trois reprises, soit le 21 septembre et les 15 et 25 novembre 1993. Trois notes de service (pièces E-11, E-12, E-13) adressées à Anna Dupuis en font état.

Lors des rencontres, la directrice avise Anna Dupuis le 21 septembre 1993 (pièce E-11) qu’en raison de ses absences répétitives, elle doit se reconstituer une «banque» de journées de maladie et qu’entre-temps, le cas échéant, elle doit présenter un certificat médical pour toute absence et que cette absence sera sans solde. Elle lui souligne son manque d’intérêt au travail, l’obligation qu’elle a de donner une prestation de travail satisfaisante et de s’entendre avec ses collègues. Elle constate qu’Anna Dupuis a présenté un certificat médical limitant sa capacité de faire le travail de magasinier et elle lui souligne que, dans l’hypothèse elle serait replacée dans un autre poste, elle risque de se retrouver au bas de la liste des personnes excédentaires.

La note de service (pièce E-11) portant sur la rencontre du 21 septembre 1993 est remise à Anna Dupuis lors d’une seconde rencontre en date du 15 novembre 1993 (pièce E-12).

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 À cette seconde rencontre, la directrice Rachel Tremblay souligne à Anna Dupuis que les attentes de l’employeur lui ont été clairement expliquées le 21 septembre 1993 et qu’à défaut de s’y conformer, elle s’expose à des mesures disciplinaires. De plus, elle l’avise qu’en raison des limites physiques invoquées par Anna Dupuis, elle a le choix de continuer dans ses fonctions actuelles de magasinier ou d’accepter le poste de «commis: accueil et renseignements». Si elle choisit ce poste, elle bénéficiera d’un plan de formation adapté à l’ensemble de ses connaissances, capacités et limites.

Une troisième rencontre avec Anna Dupuis a lieu le 25 novembre 1993. Rachel Tremblay et Ginette Tardif soulignent à Anna Dupuis qu’elle continue de faire les mêmes erreurs dans ses fonctions de magasinier. Elles lui expliquent qu’elle doit considérer leurs remarques quant aux erreurs qu’elle continue de répéter en dépit de la formation et de l’aide qu’elle a reçues, comme une réprimande verbale et que toute récidive entraînerait une réprimande écrite.

Elles l’avisent aussi qu’en raison des treize mois d’essai infructueux dans les fonctions de Commis, services administratifs, il est devenu nécessaire de la placer dans le poste «commis: accueil et renseignements» à partir du 29 novembre 1993.

Selon Ginette Tardif, les absences répétitives d’Anna Dupuis pour une variété de raisons, faisaient qu’elle n’était pas fiable. Non seulement son rendement n’était-il pas bon (erreurs à répétition), mais de plus, elle prenait trop de temps pour accomplir ses tâches. Elle allait fumer, elle causait beaucoup et elle était en dispute avec ses collègues. Les mêmes problèmes se répétaient jour après jour et tous les jours, Ginette Tardif recevait des plaintes au sujet d’Anna Dupuis des cinq collègues de celle-ci (ils étaient sept personnes dans la section, soit, Ginette Tardif, Anna Dupuis et cinq autres). Voilà pourquoi le 26 novembre 1993, soit quelques jours avant qu’Anna Dupuis quitte le poste de magasinier, Ginette Tardif rédige un rapport de progression du rendement (pièce E-14). Ce rapport couvre toute la période durant laquelle Ginette Tardif a été la surveillante d’Anna Dupuis, c’est-à-dire, du 13 avril au 26 novembre 1993. Dans ce rapport elle constate le rendement insatisfaisant d’Anna Dupuis, son manque d’intérêt, ses relations difficiles avec ses collègues et l’impact négatif de ces facteurs sur l’ensemble de ses collègues.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 8 Le rapport de progression (pièce E-14) de Ginette Tardif en date du 22 décembre 1993 est rédigé en anglais, car au début de décembre 1993, Anna Dupuis a déposé une plainte devant le Commissaire aux langues officielles (pièces E-21, E-22). À partir de ce moment, les communications formelles et informelles de la gestion avec Anna Dupuis se font en anglais.

Selon Ginette Tardif et Rachel Tremblay, cette plainte a eu un effet surprise car en aucun moment depuis son arrivée au Ministère, Anna Dupuis ne s’était-elle plainte du fait qu’on lui parlait français. Ni l’une ni l’autre n’a pensé qu’il existait un problème car Anna Dupuis portait un nom français, elle était bilingue selon les résultats des tests, ses fonctions étaient dans un milieu bilingue avec une majorité francophone et dans son travail, elle transigeait dans la langue des clients.

Selon Ginette Tardif, Anna Dupuis ne lui a jamais parlé en anglais que ce soit avant ou après le dépôt de sa plainte devant le Commissaire aux langues officielles. Même, lorsque suite à la plainte, Ginette Tardif lui offre de lui parler anglais, Anna Dupuis répond «il n’y a pas de problème, on va parler français».

C’est en réponse au rapport de progression de rendement (pièce E-15) que, pour la première fois, Anna Dupuis informe ses supérieurs qu’elle est d’avis que le fait d’avoir reçu des mandats en français a nui à son rendement. Par ailleurs, quant au contenu du rapport de progression (pièce E-14) qui lui a été remis en anglais, elle dit qu’elle n’y voit que de la critique et que d’ailleurs, elle se fait critiquer quotidiennement.

Avant de clore la relation de cette période, deux événements méritent d’être soulignés. D’abord, durant cette période, Anna Dupuis déclare à Ginette Tardif qu’«elle a des problèmes personnels et elle s’en ouvre à elle fréquemment, à chaque matin» selon Ginette Tardif. D’ailleurs, à chaque matin, elle demande à Ginette Tardif si elle l’aime et celle-ci lui répond affirmativement. Avec l’encouragement de Ginette Tardif, elle a recours au Programme d’aide aux employés (pièce E-16).

Ensuite, Anna Dupuis invoque un problème physique (relié au tunnel carpien) qui l’empêche de s’acquitter pleinement de ses tâches de magasinier. L’employeur confie une partie de ses tâches à une autre personne, tente sans succès d’obtenir des précisions du médecin d’Anna Dupuis (pièce E-18) et la fait examiner par le

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 9 Dr. Germain Vignault du ministère de Santé Canada (pièces E-19, E-20). Ce médecin conclut qu’il n’y a aucune relation entre l’état de santé et les fonctions exercées par Anna Dupuis car il n’y a pas de mouvements répétitifs avec efforts. Il conclut au caractère temporaire de la condition médicale d’Anna Dupuis, à une convalescence de plus ou moins quatre semaines à deux mois suite à une chirurgie mineure et recommande d’éviter de lever des poids ainsi que de faire des mouvements répétitifs. Une plainte déposée par Anna Dupuis devant la CSST est refusée. Cette décision est en appel.

En résumé, le rendement d’Anna Dupuis durant ses treize premiers mois au Ministère est insatisfaisant. La directrice, Rachel Tremblay, consignera dans son rapport (pièce E-2, pages 11 à 14) (éventuellement, elle mettra trois semaines à la rédaction de ce rapport) ses conclusions quant à cette période. Lors de son témoignage, Rachel Tremblay corrobore le témoignage de Ginette Tardif quant aux plaintes que toutes deux recevaient au sujet d’Anna Dupuis de la part des collègues de cette dernière.

Commis: Accueil et Renseignements: 29 novembre 1993 au 10 août 1994 Comme on vient de le voir, durant ses treize premiers mois au Ministère, Anna Dupuis a occupé deux postes de commis: diverses fonctions, services administratifs sous la surveillance de trois personnes: Rachel Tremblay (5 octobre au 23 novembre 1992); Johanne Jones (23 novembre 1992 au 31 mars 1993); et Ginette Tardif (1 er avril au 29 novembre 1993). Commence maintenant une nouvelle période durant laquelle Anna Dupuis occupe un troisième poste, celui de Commis: Accueil et Renseignements (pièce E-23), sous la surveillance de trois autres personnes, soit, Pierre Villeneuve (29 novembre 1993 au 12 mai 1994), Mireille Villemaire (29 novembre 1993 au 4 février 1994) et Monique Reeves-Vanier (7 février au 13 mai 1994).

Son rendement pour cette période d’un peu plus de huit mois sera insatisfaisant et en fin de ligne, en dépit d’une formation intensive, l’employeur conclura à l’incompétence d’Anna Dupuis.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 10 Voici le tableau confectionné par Rachel Tremblay (pièce E-2, page 17) des résultats obtenus par Anna Dupuis pour cette période:

Plan de formation "Poste d'accueil et renseignements" Étapes Contenu Instructeur 1 Gestion des docu- Mireille ments Villemaire 2 Gestion des docu- Monique ments R. Vanier 3 Accueil et rensei- Toronto gnements 4 Pratique avec suivi Monique R. quotidien Vanier 5 Pratique avec suivi Monique R. sporadique Vanier Durée totale (en semaines) Lorsqu'elle fait ses débuts au poste Commis: Accueil et renseignements et vu le rendement insatisfaisant d'Anna Dupuis durant les treize premiers mois qu’elle a passés au Ministère, l'employeur décide d'adopter une nouvelle approche. Le directeur intérimaire des opérations du bureau de Verdun, Pierre Villeneuve, rencontre Anna Dupuis (pièce E-24) dès le 29 novembre 1993 et lui explique qu'elle recevra une formation donnée selon un plan de formation (pièce E-27) établi d'avance. La formation sera donnée par un expert technique, Mireille Villemaire, Conseiller principal des services assurances: services techniques. Pierre Villeneuve explique à Anna Dupuis que sa formation s'accompagnera d'un suivi et qu'il la rencontrera toutes les semaines afin de discuter de l'évolution de sa formation.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Périodes Durée en Cote semaines obtenue du 29-11-93 9 Échec au 04-02-94 du 07-02-94 4 Échec au 03-03-94 du 07-03-94 3 Échec au 25-03-94 du 28-03-94 3 Échec au 25-04-94 du 27-04-94 3 Échec au 13-05-94 23 Cote globale et finale Échec

Decision Page 11 Période du 29 novembre 1993 au 4 février 1994: Gestion des documents Selon les documents (pièces E-23, E-24, E-26, E-27, E-28, E-29, E-30, E-31 et E-32 à E-39) mis en preuve, Anna Dupuis a échoué les diverses étapes de la formation reçue durant cette période. Le plan de formation (pièce E-24) énumère l'apprentissage à faire, la durée prévue et le rendement attendu.

L'analyse du taux de succès pour les tâches qui lui sont assignées est consignée au rapport (pièce E-26 et modifié partiellement pièce E-25) sur la formation signé par Mireille Villemaire et Pierre Villeneuve. Après une analyse détaillée des résultats obtenus, on y constate un échec (pièce E-26, p. 3). L'analyse des constatations se retrouve également dans un deuxième rapport (pièce E-31).

Durant cette période, Pierre Villeneuve et Mireille Villemaire rencontrent Anna Dupuis une fois le 29 novembre 1993 (pièce E-24), quatre fois au mois de décembre 1993 (pièces E-32, E-33, E-34, E-35), trois fois au mois de janvier 1994 (pièces E-36, E-37, E-38). Une autre rencontre aura lieu le 9 février 1994 (pièce E-25). À chaque rencontre, ils font le point sur l'évolution d'Anna Dupuis aux diverses étapes de la formation qu'elle a débutée le 29 novembre 1993 et qui s'est terminée, en un premier temps, le 1 er février 1994. Au cours des rencontres, les explications sont données en anglais à Anna Dupuis (pièces E-31 et ss.). Les résultats de la formation (pièce E-26) sont également en anglais.

Mireille Villemaire, la conseillère technique, participe à l'élaboration du plan de formation. De plus, Pierre Villeneuve lui confie l'application de ce plan. Elle est responsable d'observer Anna Dupuis, de l'aider et d'évaluer son évolution.

Lors de son témoignage, Mireille Villemaire reconnaît que ses propres constatations et conclusions se retrouvent aux pièces E-27 et E-29. De plus, elle reconnaît avoir signé le rapport (pièce E-26) constatant l'échec d'Anna Dupuis pour cette période. Elle ne remet pas en cause les diverses constatations qui y sont faites ni l'exactitude des pourcentages qui s'y retrouvent bien que ce soit Pierre Villeneuve et non elle, qui en ait fait la compilation. Par ailleurs, elle exprime une certaine frustration du fait qu'étant donné ses autres tâches, elle n'a pu exercer un contrôle à 100 % de la qualité du travail d'Anna Dupuis. Elle est d'avis (pièce E-27) qu'un suivi visuel constant s'imposait afin d'assurer un meilleur contrôle. Elle déplore ne pas avoir

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 12 été aux côtés d'Anna Dupuis à plein temps. Elle se réjouit que c'est cette méthode qui, à sa suggestion, fut adoptée lorsque Monique Reeves-Vanier lui succéda. Par ailleurs, elle aurait aimé qu'on lui explique mieux pourquoi elle devait offrir une formation aussi détaillée à Anna Dupuis car d'habitude, en matière de gestion des documents (c'était la première étape de la formation), on forme l'employé «sur le tas».

Pour sa part, le directeur, Pierre Villeneuve, témoigne sur les diverses rencontres qu'il a eues avec Anna Dupuis en présence de Mireille Villemaire à partir du 29 novembre 1993 jusqu'au 9 février 1994 (pièces E-24, E-32, E-33, E-34, E-35, E-36, E-37, E-38, E-25). Durant cette période, il s'assure de la coordination des étapes du plan de formation, tandis que Mireille Villemaire voit à la formation. Il rencontre Anna Dupuis à toutes les semaines pour faire le bilan de son évolution. Il lui fait part de ses attentes.

Lors de son témoignage, Pierre Villeneuve passe en revue les résultats (pièce E-26). Il explique qu'en dépit de moyennes telles 86 %, les résultats attendus, c'est-à-dire, la note de passage, sont contenues à la rubrique «performance indicators», c'est-à-dire, «résultats attendus», tels 95 % ou 90 %. Le rapport (pièce E-26) énumère les erreurs commises. En conclusion, il conclut que l’ensemble du rendement d’Anna Dupuis est un échec. Il souligne que normalement, après un mois, un employé est en mesure d’exécuter le travail pour lequel Anna Dupuis a reçu sans succès une formation de neuf semaines.

Pour sa part lors de son témoignage, la directrice Rachel Tremblay, explique les raisons qui l’ont emmenée à affecter le 29 novembre 1993 Anna Dupuis, à son poste d’attache, soit Commis: accueil et renseignements. Ces raisons ainsi que le jugement de Rachel Tremblay sur les erreurs commises par Anna Dupuis et sur son comportement, sont énumérées dans son rapport (pièce E-2, pages 15 à 21).

Rachel Tremblay est responsable du bureau de Verdun qui compte entre soixante et soixante-dix employés. Elle a mis trois semaines à rédiger son rapport (pièce E-2).

Rachel Tremblay décide d’affecter Anna Dupuis à son poste d’attache «Commis: accueil et renseignements». Jusqu'à ce moment, Anna Dupuis n’avait jamais occupé ce poste car, à ses débuts, elle préférait ne pas avoir à transiger avec la clientèle du

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 13 Ministère et de plus, l’employeur avait un besoin plus pressant des services d’une personne au poste Commis: diverses fonctions: Services administratifs.

Rachel Tremblay affecte Anna Dupuis à son poste d’attache car les employés des Services administratifs se plaignent d’elle et demandent qu’on les mute dans d’autres sections. De plus, le rendement d’Anna Dupuis est un échec. Rachel Tremblay décide d’évaluer de plus près la compétence de la fonctionnaire et elle l’affecte à son poste d’attache le 29 novembre 1993.

Les deux grandes fonctions du poste de Commis: accueil et renseignements sont la gestion de documents, et l’accueil et les renseignements.

La première étape de la formation porte sur la gestion de documents. Comme en ont témoigné Pierre Villeneuve et Mireille Villemaire, cette étape se solde par un échec.

Les résultats consignés au rapport (pièce E-26) confirment l’échec. Rachel Tremblay corrobore le témoignage de Pierre Villeneuve et explique que les «performance indicators» ou «résultats attendus» semblent élevés mais reflètent les attentes normales pour toute personne occupant le poste occupé par Anna Dupuis. Ainsi, 86 % comme résultat en ce qui a trait au courrier, signifie un échec car cela veut dire que dans quatorze cas, des documents ont été mal dirigés et en bout de ligne que quatorze clients du Ministère risquent d’en subir les conséquences. C’est pourquoi le ministère fixe le taux de réussite acceptable à 95 %. Autre exemple: le Ministère fixe à 90 % le taux de réussite acceptable en matière de détermination du statut d’une demande de client. Ainsi, 73.6 % n’est pas satisfaisant (pièce E-26) car cela veut dire que le statut de demandes de 26 clients sur 100 a été mal déterminé. Ainsi, 26 clients sont mal desservis.

Rachel Tremblay souligne que les employés travaillent dans une ligne de production et qu’à tous les niveaux, des délais et des normes existent. Les ressources sont allouées en fonction d’environ 13,000 demandes par année.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 14 Période allant du 7 février au 25 mars 1994: Gestion des documents (7 février au 3 mars 1994) et Formation à Toronto en Accueil et Renseignements (7 au 25 mars 1994)

Le 1 er février 1994, Monique Reeves-Vanier revient au travail suite à un congé de maladie. On l’informe qu’elle doit prendre la relève et continuer la formation d’Anna Dupuis, entreprise par Mireille Villemaire, en gestion des documents.

Au moment des événements, Monique Reeves-Vanier est superviseure depuis une quinzaine d’années à la section des Services assistés. Elle est responsable de vingt-sept employés travaillant en gestion de documents.

Dès son retour le 1 er février 1994, elle poursuit la formation d’Anna Dupuis entreprise par Mireille Villemaire. Anna Dupuis en est encore à la première étape du plan de formation (pièces E-24, E-27) qui comprend les éléments 1 à 10 (Connaissance de la C.E.I.C., système de classement des dossiers, création du dossier, cheminement d’un dossier, explication du rôle des intervenants, courrier, apprentissage, détermination du statut de la demande, affichage des renseignements, annulation et enregistrement).

Dès le 1 er février 1994 (pièce E-39), Monique Reeves-Vanier et Pierre Villeneuve rencontrent Anna Dupuis et lui expliquent que tout son travail sera vérifié par la première. On lui explique la méthode de contrôle. Afin de vérifier la compréhension que l’employée a du travail, Monique Reeves-Vanier lui demande de ne pas questionner les autres employés en cas de doute mais plutôt de noter sa question et d’en discuter avec elle lors de la vérification.

Monique Reeves-Vanier est aux côtés d’Anna Dupuis 7 1/2 heures par jour. Contrairement à Mireille Villemaire qui avait d’autres tâches en plus de la formation d’Anna Dupuis, à la demande de ses supérieurs, Monique Reeves-Vanier se consacre entièrement à la formation d’Anna Dupuis. Toute la formation se fait en anglais.

Monique Reeves-Vanier consigne par écrit (pièce E-30) les résultats d’un premier suivi entre le 1 er et le 4 février 1994. Dans le cadre de 97 recherches, Anna Dupuis commet des erreurs dans 49 cas. Le détail de ces erreurs se retrouve à la pièce E-30.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 15 Monique Reeves-Vanier note qu’il manque à Anna Dupuis, le discernement, la connaissance du cheminement d’un dossier et du rôle des agents 1 et 2.

Monique Reeves-Vanier témoigne qu’il n’était pas normal que l’employeur ait à donner à une employée un entraînement aussi serré que celui entrepris par l’employeur depuis le 29 novembre 1993. Elle témoigne avoir mis toute sa fierté dans la réussite d’Anna Dupuis. Anna Dupuis semblait satisfaite de travailler avec elle (d’ailleurs, Pierre Villeneuve a témoigné à cet effet. Voir aussi pièce E-25, page 3).

Les erreurs constatées par Monique Reeves-Vanier entre le 1 sont énumérées au rapport sur la formation d’Anna Dupuis du 29 novembre 1993 au 4 février 1994.

Du 5 février au 3 mars 1994, Anna Dupuis continue d’accumuler les erreurs. Toute la période se solde par un échec. Les erreurs et les conséquences de ces erreurs sont énumérées au rapport sur la formation d’Anna Dupuis (pièce E-40) pour la période du 5 février au 3 mars 1994. Ce rapport reflète les constatations de Monique Reeves-Vanier pour cette période (pièces E-42, E-43, E-44) ainsi que celles de Mireille Villemaire qui a poursuivi la formation d’Anna sur certains éléments précis et qui, elle aussi, constate les échecs de cette dernière (pièce E-40, stades 2, 3 et 4).

Du 1 er février au 3 mars 1994, Pierre Villeneuve et Monique Reeves-Vanier rencontrent Anna Dupuis à cinq reprises, soit les 1, 15, 21, 22 février et le 3 mars 1994 (pièces E-39, E-45, E-46, E-47, E-48) afin de faire le point sur le déroulement de la formation et du suivi ainsi que sur les détails d’un stage de formation qui aura lieu à Toronto. Le rapport (pièce E-40) pour cette période constate, une fois de plus, l’échec d’Anna Dupuis.

Du 7 au 25 mars 1994, Anna Dupuis est en formation à Toronto. Il s’agit d’approfondir ses connaissances de la fonction «Accueil et Renseignements» qui est une des deux grandes tâches qu’elle doit accomplir, l’autre étant la «gestion des documents».

Pierre Villeneuve et Rachel Tremblay ainsi que Monique Reeves-Vanier ont témoigné sur l’attitude d’Anna Dupuis face au stage de formation, sur les résultats qu’elle a obtenus et sur l’effet de ce stage sur la qualité de son travail.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

er et le 4 février 1994

Decision Page 16 En résumé, il ressort de cette preuve qu’Anna Dupuis a résisté à l’idée de suivre la formation donnée en anglais à Toronto et qu’elle aurait préféré recevoir la formation en français à Montréal et qu’une fois rendue à Toronto, elle était malheureuse à l’hôtel elle demeurait. Elle a éprouvé des difficultés à assimiler le contenu de la formation. Selon ses instructeurs, ses résultats étaient «fair» (pièce E-50) et ils recommandaient qu’à son retour au travail, Anna Dupuis reçoive un entraînement sur une base individuelle. De fait, à son retour au travail, la qualité de son travail ne s’en est nullement trouvée améliorée.

Dans son rapport (pièce E-2, pages 25 à 28), Rachel Tremblay relate en détail ce séjour d’Anna Dupuis à Toronto. Certains rapports (pièces E-47, E-48 et E-51) de Pierre Villeneuve en font aussi mention. Période allant du 25 mars au 13 mai 1994: Retour à la section Accueil et Renseignements À son retour de Toronto, Anna Dupuis travaille au comptoir et répond aux demandes de la clientèle. Monique Reeves-Vanier est à ses côtés. Elle prend note des questions des clients et des réponses d’Anna Dupuis.

Monique Reeves-Vanier signe un rapport (pièce E-56) dans lequel elle constate que durant la période comprise entre le 28 mars et le 25 avril 1994, Anna Dupuis a répondu correctement à 63 personnes sur un total de 272 personnes et que sur 152 lectures d’écran, elle a complété correctement le travail dans 39 cas seulement. Ses taux de succès sont de 23,16 % et 25,66 % et selon les facteurs considérés, le taux de succès de 23,16 % doit être rajusté à la baisse pour un taux de 15,92 %.

Comme Anna Dupuis n’a pas fait de progrès entre le 28 mars et le 25 avril 1994, Monique Reeves-Vanier, qui a toujours été à ses côtés, décide de la laisser travailler seule au comptoir du 27 avril au 13 mai 1994 au cas sa présence aurait pu avoir une influence négative sur la capacité de la fonctionnaire d’accomplir correctement son travail. Peine perdue. Monique Reeves-Vanier constate que, même en son absence, Anna Dupuis n’accomplit pas mieux son travail.

Elle signe un autre rapport (pièce E-57) pour la période qui s’étend du 27 avril au 13 mai 1994. Dans ce rapport (pièce E-57), elle note qu’il n’y a eu aucune amélioration

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 17 du rendement d’Anna Dupuis et elle conclut que celle-ci est incapable de faire le travail de Commis: accueil et renseignements.

Elle note qu’en dépit des demandes qui lui ont été faites, Anna Dupuis n’a pas rempli toutes les feuilles de travail requises et qu’elle continue de consulter les agents malgré les directives à ce sujet. Les erreurs sont colligées aux pièces E-53 et E-54. (Le procureur d’Anna Dupuis admet la véracité des inscriptions qui y sont contenues.)

Le rapport (pièce E-55) pour la période du 27 avril au 13 mai 1994 conclut qu’Anna Dupuis a échoué à l’entraînement. Monique Reeves-Vanier témoigne que c’est la première fois de sa carrière qu’elle a connaissance d’une employée qui ne réussit pas après avoir reçu autant de formation et de suivi.

Monique Reeves-Vanier souligne qu’Anna Dupuis se plaignait des autres employés et avait de la difficulté à se concentrer. Par ailleurs, quatre employés (d’un groupe de sept) se plaignaient des agissements d’Anna Dupuis et celle-ci se plaignait de ses collègues. Selon Monique Reeves-Vanier, c’est avec l’arrivée d’Anna Dupuis que s’est détériorée l’atmosphère du bureau.

Lors de son témoignage, Pierre Villeneuve a également déclaré qu’il avait reçu plusieurs plaintes au sujet d’Anna Dupuis de la téléphoniste et des employés de la section gestion des documents.

Période allant du 13 mai au 10 août 1994 À partir du 13 mai 1994, Anna Dupuis est absente en congé de maladie. Elle revient au travail le 13 juin 1994 et l’employeur l’affecte provisoirement au bureau CEC à Pointe-Claire en attendant le déroulement et les conclusions d’une enquête menée suite à une plainte de harcèlement qu’elle avait déposée au mois de mars 1994. L’enquête mène à la conclusion que la plainte de harcèlement n’est pas fondée. Le 29 juillet 1994, Anna Dupuis revient au bureau de Verdun. Dans son rapport (pièce E-60) sur la période passée par Anna Dupuis à Pointe-Claire, le directeur du bureau CEC Pointe-Claire constate chez Anna Dupuis un manque de connaissances reliées à l’exercice de ses fonctions. Par ailleurs, il souligne que, durant son séjour à Pointe-Claire, elle avait le souci d’offrir des renseignements précis, qu’elle n’hésitait pas

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 18 à s’informer auprès de ses collègues lorsqu’elle était dans le doute et qu’elle semblait désireuse de collaborer dans la mesure de ses capacités.

Suite à la conclusion de l’enquête, Anna Dupuis quitte Pointe-Claire pour retourner au bureau de Verdun. Le 10 août 1994, accompagnée de son représentant syndical, elle assiste à une rencontre en présence de Monique Reeves-Vanier au cours de laquelle Pierre Villeneuve fait le bilan (pièce E-52) de la formation qu’elle a reçue depuis le 7 mars 1994. Il informe Anna Dupuis que ses supérieurs en sont venus à la conclusion qu’elle n’est pas en mesure d’exercer ses fonctions et qu’une recommandation (pièce E-2) de licenciement sera faite au sous-ministre adjoint. Le même jour, Anna Dupuis part en absence prolongée. Son licenciement a lieu le 18 novembre 1994. Dans l’intervalle, c’est-à-dire entre le 10 août et le 18 novembre 1994, un psychologue recommande (pièce A-4) le 1 er septembre 1994 la prolongation pour une période de deux mois du congé de maladie qui a débuté le 10 août 1994.

PREUVE DE LA FONCTIONNAIRE En plus de son propre témoignage, Anna Dupuis a produit cinq témoins. Sauf le témoignage de Pierrette Villemaire dont la teneur a déjà été relatée, voici, en résumé, ce qu’il ressort de la preuve offerte par Anna Dupuis.

Malcolm Johnson, membre de l’Ordre des Psychologues depuis 1978, donne des consultations à Anna Dupuis. Depuis le 16 août 1993, il l’a rencontrée quarante-sept fois. Au cours de ces rencontres, il a constaté qu’Anna Dupuis était stressée en raison de ce qu’elle vivait au travail. Elle se sentait persécutée. Elle a décrit à Malcolm Johnson ce qui, selon elle, se passait au travail. Malcolm Johnson pense, en se fondant sur ce qu’Anna Dupuis lui a raconté, qu’il était compréhensible qu’elle se sente persécutée. Il pense qu’en la changeant de poste, l’employeur l’a bousculée. Il ignore la raison pour laquelle on l’a changée de poste et pour des raisons d’éthique, il n’a pas téléphoné à l’employeur pour connaître le fond de l’histoire.

Malcolm Johnson a quitté un poste de directeur intérimaire des services de santé pour les fonctionnaires fédéraux en 1991. Son expérience comme fonctionnaire lui a appris que les cadres intermédiaires et supérieurs n’ont aucune formation en

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 19 relations interpersonnelles. Il soupçonne que c’est ce manque de formation qui est à l’origine des difficultés éprouvées par sa cliente.

Peter Hall travaille à Pointe-Claire, au ministère du Développement des ressources humaines, Canada. Il a travaillé au bureau du CEC Verdun de 1992 à 1994. Il avait d’excellentes relations avec Anna Dupuis. Il travaillait comme agent à la section des Services d’assurance. Anna Dupuis travaillait à la section Accueil et Renseignements. Ils travaillaient au même étage. Selon Peter Hall, l’atmosphère du bureau du CEC était militaire. Monique Reeves-Vanier a été sa surveillante pendant 1 1/2 an. Sous sa surveillance, il avait l’impression d’être dans un camp militaire. Un jour, Anna Dupuis a demandé un renseignement au sujet d’un dossier à Peter Hall. Il a entendu Monique Reeves-Vanier dire à Anna Dupuis que si elle avait des questions, elle devait les lui poser à elle et à personne d’autre. Il ignorait qu’antérieurement, Monique Reeves-Vanier avait demandé à Anna Dupuis de s’adresser à elle lorsqu’elle avait des questions.

Anita Miner est fonctionnaire au ministère du Développement des ressources humaines. Elle est intervenue à titre de représentante syndicale à quelques reprises dans le dossier d’Anna Dupuis. Elle a réussi à convaincre la gestion de retirer du dossier d’Anna Dupuis une lettre rédigée au mois de décembre 1993 et portant sur un avis verbal. Elle a assisté aux rencontres tenant lieu de suivi de la formation donnée à Anna Dupuis. Elle a même fait modifier un rapport (pièce E-40). Elle a suggéré à l’employeur de garder Anna Dupuis au bureau de Pointe-Claire. Le rôle tenu par le syndicat dans le dossier d’Anna Dupuis est décrit dans le rapport (pièce E-2) de Rachel Tremblay.

Avant sa retraite, après 29 1/2 ans de services, Raymonde Pelletier était agent au Centre Emploi Canada à Verdun. Elle a vu Monique Reeves-Vanier dire à Anna Dupuis que si elle avait un problème, de s’adresser à elle. Anna Dupuis venait de s’adresser à Raymonde Pelletier pour résoudre un problème qu’elle avait avec le dossier d’un prestataire.

J’en viens maintenant au témoignage d’Anna Dupuis.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 20 Même si je n’ai pas autorisé Anna Dupuis à lire une version écrite de son témoignage, je lui ai permis de consulter ses notes personnelles pour se rafraîchir la mémoire.

Anna Dupuis a longuement témoigné sur les motifs pour lesquels, selon elle, elle n’a pas su satisfaire aux exigences des postes qu’elle a occupés pendant qu’elle travaillait au Ministère. Son témoignage est résumé ci-dessous.

Anna Dupuis estime que sa première superviseure, M me Jones, avait une attitude négative à son endroit, et que son premier rapport de rendement (pièce E-6) n’est pas un compte rendu fidèle de son rendement. Elle reconnaît avoir eu de la difficulté à s’acquitter de certains aspects (p. ex., les clés) de ses tâches, mais elle estime que d’autres facteurs entrent en ligne de compte. D’après elle, par exemple, on lui a trop souvent demandé de remplacer la réceptionniste à la console et que «c’était devenu un problème». [Elle souligne le fait qu’elle n’a jamais reçu de copie de son rapport de rendement (pièce E-16) en anglais.] Lors de la réunion tenue pour discuter de son rendement, elle s’est fait dire par M me Jones qu’elle agissait comme un agent de la GRC. Elle attribue à la décision de la direction de la déplacer d’une tâche à une autre le fait qu’elle ait éprouvé de la difficulté à déterminer l’ordre de priorité de ses tâches. Quant à ses difficultés avec ses collègues, elle les attribue au fait que les employés ne savaient pas exactement ce qu’ils devaient faire. Elle reconnaît avoir confondu les noms durant la période (du 5-10-1992 au 31-03-1993) visée par le premier rapport de rendement (pièce E-6). Elle est convaincue que le contenu de son dossier, pendant qu’elle travaillait pour la GRC, a été divulgué aux employés et que cela avait contribué à façonner leur attitude à son égard. Seulement deux des neuf employés du groupe lui parlaient.

Anna Dupuis se faisait constamment dire par Johanne Jones, Rachel Tremblay et, par la suite, Ginette Tardif, qu’elle ne voulait pas travailler en équipe. L’atmosphère s’est détériorée. Anna Dupuis se sentait «persécutée».

Lorsque Ginette Tardif est devenu sa nouvelle superviseure, Anna Dupuis s’est vue donner un mandat décrivant ses tâches, chose dont elle s’est dite satisfaite. Ses collègues ont également reçu un mandat. Ce mandat était un pas dans la bonne direction à son avis, car il précisait les responsabilités de chaque employé.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 21 Toutefois, Anna Dupuis estime qu’on continuait de lui demander trop souvent de remplacer la réceptionniste à la console. Ses rapports avec ses collègues ont continué de se détériorer. L’une d’elles, Jocelyne Ménard, lui a suggéré de changer d’attitude. Ginette Tardif lui a crié après comme l’avait fait Johanne Jones. L’atmosphère s’est détériorée au point Anna Dupuis a prendre un congé de maladie en mai 1993. À ce moment-là, elle ne comprenait pas l’attitude de ses collègues à son égard.

Elle était déçue d’avoir été affectée à un poste de magasinier et d’avoir à s’occuper du courrier. Elle estime que le fait d’avoir été déplacée d’un poste à un autre explique en grande partie son incapacité à atteindre ses objectifs de rendement.

Elle a fait remarquer que lorsqu’elle avait commencé à travailler au magasin le 30 août 1993, elle avait reçu une copie du mandat de Donald Bertin (son prédécesseur dans le poste) au lieu d’un mandat personnel.

Ginette Tardif, la superviseure, a fait allusion devant les collègues d’Anna Dupuis au fait que celle-ci consultait une certaine M me Turcotte du Programme d’aide aux employés (PAE). Anna Dupuis a nié avoir elle-même dit à ses collègues qu’elle consultait M me Turcotte et par la suite le psychologue Malcolm Johnson. M me Dupuis a cessé de faire confiance à M me Turcotte et à Ginette Tardif lorsqu’elle est arrivée à la conclusion que ces deux personnes échangeaient des renseignements à son sujet à son insu.

À plusieurs reprises, Ginette Tardif a été grossière envers Anna Dupuis devant ses collègues allant jusqu’à lui lancer: «Tu comprends jamais rien, estie.»

Son sentiment d’humiliation s’est accentué. Lors d’une réunion tenue en octobre 1993, plusieurs collègues d’Anna Dupuis ont affirmé ne pas vouloir travailler avec elle.

Anna Dupuis a nié avoir reçu un trop grand nombre d’appels personnels au travail. Elle ne comprend pas pourquoi les superviseurs suivants lui reprochaient de recevoir trop d’appels: Rachel Tremblay, Monique Reeves-Vanier, Ginette Tardif, Pierre Villeneuve, Johanne Jones.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 22 En novembre 1993, Anna Dupuis a été estomaquée de recevoir un coup de téléphone de Claire Turcotte (PAE) qui lui a demandé si elle songeait au suicide.

Ainsi, les treize premiers mois d’emploi au Ministère ont été difficiles. Toujours en novembre 1993, Rachel Tremblay a indiqué à Anna Dupuis qu’on avait décidé de lui donner une autre chance, qu’elle avait peut-être été affectée dans des postes qui ne lui convenaient pas et qu’elle occuperait dorénavant le poste de commis aux renseignements en précisant toutefois qu’elle risquait d’être licenciée si elle échouait à la formation.

Le 29 novembre 1993, Anna Dupuis a reçu le plan de formation. Elle était nerveuse car elle était consciente que son emploi était en jeu.

Plusieurs incidents se sont produits, ce qui, de l’avis d’Anna Dupuis, a nui à son rendement.

Le 21 décembre 1993, Anna Dupuis a reçu un rapport d’évaluation qui ne lui était pas favorable. Elle s’est sentie humiliée. Le 24 décembre 1993, Johanne Quesnel lui a dit que Rachel Tremblay avait demandé aux employés de ne pas lui transmettre ses messages téléphoniques. Le 29 décembre 1993, après avoir discuté de son plan de formation avec elle, Pierre Villeneuve lui a dit qu’elle avait ruiné sa propre réputation et qu’elle était la cause de ses problèmes personnels au bureau. Le lendemain, Pierre Villeneuve lui a demandé si elle remplissait ses feuilles de travail; elle a répondu par la négative. Il lui a rappelé, lors d’une réunion tenue en présence du représentant syndical, que remplir les feuilles de travail faisait partie de sa formation. Il a ajouté que si elle persistait à ne pas le faire, il se verrait dans l’obligation de prendre des mesures disciplinaires. Anna Dupuis s’est sentie humiliée. Le 31 décembre 1993, Pierre Villeneuve lui a remis une lettre confirmant ses intentions. Anna Dupuis s’est sentie harcelée et isolée surtout que les autres employés n’étaient pas tenus de remplir les feuilles de travail.

Le 14 janvier 1994, une de ses collègues a offert du chocolat à tout le monde dans le bureau sauf à elle. Le 17 janvier 1994, lors d’une réunion avec Pierre Villeneuve, Pierre Villemaire et Monique Reeves-Vanier, M. Villeneuve l’a informée que son rendement était insatisfaisant. Elle s’est sentie incompétente et

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 23 «absolument bonne à rien». Le 21 janvier 1994, une collègue, Francine Brûlé, lui a répété plusieurs fois qu’elle avait été chanceuse d’obtenir un plan de formation car le reste de ses collègues avaient été obligés «d’apprendre sur le tas», commentaire qui lui a donné l’impression d’être différente des autres. De plus, elle a fait remarquer qu’on lui avait demandé de faire sa journée de travail (8 h 30 à 4 h 30) et, après sa formation quotidienne, de rester au bureau et d’étudier de 15 h 30 à 16 h 30. Pourtant, d’après elle, d’autres n’avaient pas été obligés de terminer leur journée de travail une fois la formation terminée. Cela a aussi contribué à créer chez elle l’impression d’être différente des autres.

Le 26 janvier 1994, elle s’est fait refuser un congé pour obligations familiales et s’est fait dire de prendre un congé annuel à la place. Elle avait demandé le congé pour pouvoir s’occuper des enfants de sa soeur pendant l’hospitalisation de cette dernière. Le 27 janvier 1994, Monique Reeves-Vanier lui a dit qu’elle gaspillait son temps de formation parce qu’elle l’avait surprise en train de jaser avec Johanne Quesnel. Elle s'est sentie intimidé et isolée.

Le 28 janvier 1994, elle n’a pas été invitée à assister à une réunion il était question de ponctualité. Monique Reeves-Vanier lui a dit que la question ne la concernait pas parce qu’elle arrivait toujours à l’heure. Le même jour, Anna Dupuis a déclaré à son représentant syndical qu’elle se sentait constamment épiée et qu’elle en avait assez.

Durant la période Mireille Villemaire et Monique Reeves-Vanier supervisaient sa formation, la nervosité d’Anna Dupuis ne faisait que s’accentuer du fait qu’elle était constamment surveillée par ces deux personnes. Toutes les erreurs trouvées dans les dossiers lui étaient attribuées, croyait-elle.

Le 16 février 1994, lors d’une réunion (CEC en transition) du personnel, les employés ont été invités à exprimer au moyen d’un dessin comment ils se sentaient au bureau. Une personne a dessiné une pendue. Quelqu’un a demandé à Anna Dupuis si elle était la pendue. Cette dernière a trouvé étrange que deux personnes aient pensé qu’elle puisse songer au suicide.

Lorsque les superviseurs d’Anna Dupuis ont décidé de l’envoyer suivre un cours à Toronto, ils lui ont rendu la vie difficile. Elle a insister pour prendre le train (au

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 24 lieu de l’autobus). Une fois rendue à Toronto, elle a été hébergée pendant une semaine dans un hôtel sans confort, situé loin de l’endroit elle suivait ses cours. Elle a constaté que d’autres étudiants (ne travaillant pas dans le même bureau qu’elle) étaient mieux hébergés qu’elle. D’après elle, la décision de l’héberger dans l’hôtel en question avait été prise délibérément. Elle s’est sentie humilié et traitée différemment. Elle croit que ces sentiments ont influé sur ses résultats. Elle pense qu’on l’a envoyé suivre le cours en anglais à Toronto parce qu’elle avait déposé une plainte devant le Commissaire aux langues officielles.

Certains employés ont éclaté de rire en apprenant le 22 février 1994 qu’Anna Dupuis allait suivre un cours à Toronto. Ils lui ont demandé si elle apprendrait l’anglais.

Le 23 février 1994, lors d’une réunion tenue avec Pierre Villeneuve et Monique Reeves-Vanier, Pierre Villeneuve a réitéré que le rendement d’Anna Dupuis n’était pas satisfaisant. Cette dernière a refusé de discuter de ses difficultés avec une collègue, Jacinthe Lafontaine, qui était également une voisine.

Anna Dupuis ne comprend pas pourquoi elle était obligée de puiser dans sa banque de congé lorsqu’elle voyait le psychologue, Malcolm Johnson, mais qu’elle n’avait pas à le faire lorsqu’elle rencontrait Claire Turcotte, la représentante du Programme d’aide aux employés.

Le 24 février 1994, une collègue, Josée Péloquin, l’a injuriée. Au déjeuner, une autre collègue, Jocelyne Charron, lui a dit de travailler plus vite.

Le 1 er mars 1994, une collègue d’Anna Dupuis, Josée Péloquin, lui a dit qu’elle ne savait rien faire de bien, remarque qu’elle a réitéré le 3 mars 1994. La superviseure, Monique Reeves-Vanier, lui a dit ne pas s’occuper de Josée Péloquin.

Le 5 avril 1994, lors d’une réunion convoquée par Pierre Villeneuve à laquelle ont assisté Monique Reeves-Vanier et le représentant syndical d’Anna Dupuis, Pierre Villeneuve a discuté des piètre résultats que cette dernière avait obtenus à Toronto. Il lui a reproché plusieurs choses, notamment les appels téléphoniques de sa fille au bureau et le fait que ses collègues refusaient de travailler avec elle. Il lui a aussi reproché d’apporter ses problèmes personnels au bureau.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 25 Elle a déposé une plainte de harcèlement personnel devant la Commission de la fonction publique. Elle a prendre un congé annuel en vue de rencontrer l’enquêteur.

Le 12 avril 1994, elle a déposé un grief au sujet du plan de formation qu’on lui avait remis.

Le 13 avril 1994, sa collègue, Josée Péloquin, l’a injuriée et l’a accusée d’avoir perdu un dossier.

Le 14 avril 1994, lors d’une réunion du personnel, les employés ont imité les prestataires. Ils utilisaient un téléphone carré pour les prestataires anglophones et un téléphone rond pour les francophones.

Ce jour-là, Monique Reeves-Vanier, la superviseure d’Anna Dupuis, a demandé à cette dernière de servir les prestataires au comptoir. Anna Dupuis a répondu qu’elle n’était pas prête. Monique Reeves-Vanier lui a dit qu’elle pouvait se renseigner auprès de ses collègues, ce à quoi Anna Dupuis a répondu: «Comment voulez-vous que je le fasse quand les employés refusent de me parler?»

Le 15 avril 1994, Monique Reeves-Vanier a demandé à Anna Dupuis, en présence d’un prestataire, de s’adresser à ce dernier en français. Le prestataire en question a répondu qu’il connaissait les deux langues officielles. Anna Dupuis s’est sentie humiliée parce que Monique Reeves-Vanier avait haussé la voix.

Le 18 avril 1994, Monique Reeves-Vanier a dit à Anna Dupuis qu’elle ne devait pas interrompre les prestataires pendant qu’ils parlaient et qu’elle devait faire preuve de plus d’assurance.

Le 19 avril 1994, Monique Reeves-Vanier a dit à Anna Dupuis de laisser tomber son cours à Toronto. Le même jour, en sortant de l’ascenseur, Anna Dupuis a croisé deux collègues et l’une d’elles l’a injuriée.

Le 20 avril 1994, Anna Dupuis a appris que son poste et celui d’une collègue, Jocelyne Charron, ne seraient pas Monique Reeves-Vanier lui a dit que c’était à cause de son piètre rendement.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

reclassifiés à un niveau supérieur.

Decision Le même jour, Anna Dupuis a appris que ses collègues (Jacinthe Lafontaine, Maria DiBasio, Nathalie Lafricaine, Danielle Marie-France Boulerice) s’étaient entendues sur les dates de leurs vacances sans l’inviter à prendre part à la discussion.

Le 21 avril 1994, en arrivant à une réunion, Anna Dupuis a eu l’impression de ne pas être la bienvenue. Ce même jour, on lui a dit qu’elle allait devoir prendre sa pause-café à 9 heures plutôt qu’à 10 heures parce que Monique Reeves-Vanier devait partir à 9 heures.

Le 27 avril 1994, Monique Reeves-Vanier a indiqué à Anna Dupuis qu’elle travaillerait seule désormais au comptoir et qu’elle allait devoir servir les prestataires. Anna Dupuis lui a demandé de faire quelque chose au sujet de la façon dont ses collègues la traitaient. Monique Reeves-Vanier n’a pas répondu.

Le 10 mai 1994, lors d’une réunion convoquée par le directeur régional, Gilles Parent, Anna Dupuis a vainement essayé d’obtenir des éclaircissements au sujet de la reclassification éventuelle de son poste. Gilles Parent a répondu qu’elle devait attendre d’avoir terminé sa formation et de connaître les résultats de l’enquête interne au sujet de sa plainte de harcèlement.

Le 11 mai 1994, la collègue d’Anna Dupuis, Josée Péloquin, lui a lancé en criant que des prestataires attendaient au comptoir. Anna Dupuis lui a dit qu’il n’était pas nécessaire de crier.

Le 12 mai 1994, Anna Dupuis a entendu Josée Péloquin dire à une autre collègue que «ça marcherait pas» si son compagnon était un anglophone.

Le même jour, Anna Dupuis a rencontré Pierre Villeneuve, Rachel Tremblay et Monique Reeves-Vanier. On lui a de nouveau reproché de ne pas bien remplir les feuilles de travail. Elle a rétorqué qu’elle en avait assez de se faire persécuter et qu’elle était impatiente de connaître les résultats de sa plainte de harcèlement. Elle a ajouté que c’était le pire plan de formation qu’elle ait jamais vu. Monique Reeves-Vanier a répondu qu’elle s’en prenait à tout le monde dans le bureau sauf à elle-même. Lorsqu’elle est retournée à son poste, une collègue l’a croisée en souriant. Elle a éclaté en larmes et a décidé de prendre congé. Elle s’est absentée du 13 mai au 13 juin 1994.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 26 Doucet, Ginette Du Perron,

Decision Page 27 Le 2 juin 1994, pendant qu’elle était en congé de maladie, Anna Dupuis a reçu un coup de téléphone de Gilles Parent qui lui a demandé elle aimerait travailler en attendant de connaître les résultats de l’enquête interne. Elle a répondu qu’elle aimerait travailler au bureau de Pointe-Claire.

À la fin de son congé, Anna Dupuis s’est rendue directement au bureau de Pointe-Claire. Ni le travail ni ses collègues ne lui ont posé des difficultés.

Le 26 juillet 1994, elle a appris que sa plainte de harcèlement avait été jugée sans fondement.

Le 10 août 1994, lors d’une réunion convoquée par Pierre Villeneuve et à laquelle ont assisté Monique Reeves-Vanier et Jean Boyer, le représentant syndical d’Anna Dupuis, cette dernière a été informée par Pierre Villeneuve qu’il allait recommander son licenciement et qu’il n’était pas possible de la muter. Elle a quitté le bureau et a pris un congé de maladie puis a touché des prestations d’assurance-chômage.

Dans l’ensemble, la perception qu’a Anna Dupuis de sa situation est la suivante. Elle n’a pas reçu de «formation convenable» comme on le prétend dans la lettre de licenciement, mais «trop de formation», d’où son stress. Elle a été suivie de trop près, a reçu trop de formation et a vécu énormément de stress parce qu’elle devait réussir à 100 p. 100. Ce n’était pas son comportement qui était répréhensible mais bien celui de ses collègues, et ça la dérangeait. D’où ses difficultés à se rappeler ses tâches. Elle ne sait pas pourquoi elle a eu tant de difficultés avec ses collègues. Elle a le sentiment d’avoir été constamment critiquée et humiliée. Elle croit que Johanne Jones et Ginette Tardif ne l’aimaient pas. Elle pense que M me Jones ne l’aimait pas puisqu’elle ne cessait de lui dire qu’elle travaillait mal. Ginette Tardif, pour sa part, ne parlait pas anglais, ce qui a créé un froid entre elles. Elle éprouve de la sympathie pour Pierre Villemaire et Monique Reeves-Vanier qui ont lui donner une formation aussi intensive. Elle estime qu’elle n’était pas prête à travailler à la réception vers la fin de sa période de formation en dépit de toute la formation qu’elle avait reçue.

Anna Dupuis est de langue maternelle anglaise. Elle est bilingue et lorsqu’elle travaillait au Ministère, elle touchait la prime au bilinguisme. Elle s’est plainte de ne pas avoir reçu d’offre d’emploi (pièce E-4) en anglais. Elle a affirmé avoir précisément

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 28 demandé de recevoir les communications écrites en anglais. La directrice, Rachel Tremblay, l’a contredite à ce sujet. Anna Dupuis a déposé une plainte devant le Commissaire aux langues officielles (pièces E-21, E-22). Le Ministère l’a informée en décembre 1993 qu’à compter de cette date toutes les communications officielles avec elle seraient en anglais. C’est ce qui s’est produit. Ses rapports de rendement étaient rédigés en anglais et les réunions elle était présente se déroulaient en anglais. Un plan d’action détaillé (pièce A-19) a reçu l’assentiment du Commissaire aux langues officielles.

Anna Dupuis a également déposé une plainte de harcèlement. L’enquête a conclu que la plainte n’était pas fondée.

CONTRE-PREUVE DE L'EMPLOYEUR En contre-preuve, l'employeur a fait entendre Josée Deslauriers. Au moment des événements, Josée Deslauriers est secrétaire auprès de Rachel Tremblay, la directrice du bureau de Verdun.

Josée Deslauriers déclare que son bureau était situé non loin de celui de Ginette Tardif. En aucun temps, elle n'a entendu Ginette Tardif faire allusion au fait qu'Anna Dupuis consultait Claire Turcotte du programme d'aide aux employés. Plutôt, elle a entendu Anna Dupuis aviser Ginette Tardif de ses rendez-vous.

Par ailleurs, c'est elle qui a reçu le dossier d'Anna Dupuis du temps qu'elle était employée à la G.R.C. Elle l'a remis à Rachel Tremblay. Éventuellement, le dossier a été retourné à la section de la rémunération.

Finalement, elle a déjà entendu Ginette Tardif prononcer des jurons mais jamais à l'égard d'un employé.

Rachel Tremblay est revenue en contre-preuve pour déclarer ce qui suit. Pour tenir compte des sentiments d'Anna Dupuis qui ne se sentait pas aimée de Johanne Jones et de Ginette Tardif, Rachel Tremblay a sensibilisé Johanne Jones et Ginette Tardif aux perceptions d'Anna Dupuis.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 29 Comme Anna Dupuis avait occupé deux postes en treize mois auprès de trois superviseurs (Rachel Tremblay, Johanne Jones, Ginette Tardif) et qu'elle avait éprouvé des difficultés de rendement, Rachel Tremblay a décidé de suivre le conseil de Claire Turcotte et de placer Anna Dupuis dans un autre poste (commis: accueil et renseignements).

Selon Rachel Tremblay, en matière d'appels téléphoniques, Anna Dupuis a été traitée comme les autres employés. Quant à l'apprentissage qui lui fut donné dans le poste «commis: accueil et renseignements», il fallait qu'il soit plus serré puisque Anna Dupuis avait essuyé des échecs durant les treize premiers mois de son emploi au Ministère.

En matière de congés, vu les nombreuses absences d'Anna Dupuis, Rachel Tremblay a décidé d'être un peu plus stricte dans leur octroi tout comme elle l'était dans le cas d'autres employés dans des circonstances similaires.

En décidant de ne pas classer le poste d'Anna Dupuis à la hausse, Rachel Tremblay ne faisait que tenir compte d'une directive selon laquelle un employé en difficulté lors de son entraînement dans un poste, ne pouvait bénéficier d'un nouveau classement de son poste. Anna Dupuis n'a pas fait appel de cette décision.

Quant au dossier d'Anna Dupuis à la G.R.C., il est possible que Ginette Tardif et Pierre Villeneuve en aient pris connaissance car ils étaient les supérieurs d'Anna Dupuis.

PLAIDOIRIE La plaidoirie de l’avocat de l’employeur peut être résumée comme suit. Anna Dupuis a été licenciée pour un motif « autre que l’inconduite ou la discipline » (article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique). Le motif, énoncé dans la lettre de licenciement (pièce E-1), est l’incapacité de l’employée de s’acquitter de ses tâches ainsi que son comportement et son attitude inacceptables.

Les problèmes de rendement d’Anna Dupuis ont été constatés peu après son arrivée. Ils ont fait l’objet de discussions avec l’intéressée à plusieurs reprises. Le premier rapport de rendement (pièce E-6) en fait état. Anna Dupuis était réticente à

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 30 effectuer le travail courant ainsi que des tâches particulières, et elle avait de la difficulté à établir ses priorités. Elle ne pouvait pas se concentrer. Son rendement a nui à ses relations avec ses collègues. Elle ne comprenait pas ses difficultés.

Après le départ de la superviseure, M me Jones, Anna Dupuis a continué d’éprouver des problèmes de rendement pendant qu’elle relevait de M me Tardif bien qu’elle ait reçu un mandat lui expliquant clairement ses tâches. Ses rapports avec M me Tardif se sont également détériorés. En août 1993, elle a reçu un nouveau mandat et a remplacé un certain M. Bertin comme magasinier. Ce dernier lui a donné de la formation pendant quelque temps avant de quitter. Elle a continué d’éprouver des difficultés à satisfaire aux exigences du poste (pièce E-14). Ses difficultés concernaient autant les tâches qui lui étaient assignées que ses rapports avec ses collègues. Elle a été convoquée à trois occasions (pièces E-11, E-12 et E-13) et a reçu des objectifs écrits. Elle a été informée de ses lacunes et on lui a fixé des buts à atteindre pour améliorer son rendement.

De nouveau, Anna Dupuis a refusé de reconnaître ses difficultés. Elle les a plutôt attribuées au fait que M me Tardif ne l’aimait pas. Rachel Tremblay a suggéré à Anna Dupuis de rencontrer une représentante du Programme d’aide aux employés. Même si Anna Dupuis a rencontré Claire Turcotte à neuf occasions, cela n’a rien fait pour améliorer son rendement ou son attitude.

Il a été décidé qu’une formation structurée pourrait aider Anna Dupuis à apprendre les tâches de commis à la réception et aux renseignements. Anna Dupuis s’est fait dire qu’à la suite de la formation structurée, si elle ne parvenait pas à s’acquitter de ses tâches, elle pourrait être licenciée (pièce E-13).

Bien que d’autres employés aient reçu de la formation « sur le tas » pendant une période d’un à trois mois et bien qu’Anna Dupuis ait reçu une formation de six mois pour lui donner le temps d’apprendre les tâches, elle n’a pas réussi au cours de ces six mois à atteindre les objectifs du plan de formation.

On a fait appel à une spécialiste de l’assurance-chômage, Mireille Villemaire, ainsi qu’à Monique Reeves-Vanier, laquelle avait une longue expérience de la formation. On a aussi fait appel à Pierre Villeneuve. On a demandé à ces personnes de n’épargner Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 31 aucun effort pour aider Anna Dupuis. De plus, cette dernière a été envoyée à Toronto pour suivre le cours de formation du Ministère en vue d’occuper un poste de réceptionniste et de commis aux renseignements. Les résultats d’Anna Dupuis ont été inférieurs à ceux des autres participants de telle sorte qu’on a fini par conclure qu’elle ne possédait pas les compétences requises pour occuper le poste.

En août 1994, un comité a conclu que la plainte de harcèlement d’Anna Dupuis n’était pas fondée. Cette dernière a pris un congé de maladie, après quoi elle a été licenciée.

En résumé, la preuve démontre que pendant toute la période d’emploi d’Anna Dupuis, la direction a agi de bonne foi envers elle. Pendant tout ce temps, Anna Dupuis a été tenue au courant de ce que l’on attendait d’elle. Elle a été informée lorsqu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du poste. Elle a été informée de ses lacunes et des conséquences si elle continuait de ne pas satisfaire aux exigences du poste. Elle a eu l’occasion de s’améliorer et de satisfaire aux exigences. Elle a bénéficié de beaucoup d’aide à cet égard. La direction a examiné toutes les possibilités d’emplois comme commis et a finalement conclu qu’il n’y avait pas de poste elle pourrait être affectée. Par conséquent, l’employeur a eu raison de la licencier. Les affaires suivantes ont été invoquées : Michael Duncan Still et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission : 166-2-25981), Michael Hogan et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission : 166-2-26360), Marc Laforest et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission : 166-2-25245).

La plaidoirie du représentant d'Anna Dupuis peut être résumée comme suit. Les conditions imposées à Anna Dupuis étaient trop élevées. Le climat de travail créé par l'employeur était beaucoup plus une source de stress que d’aide. Le plan de formation avait été créé de toutes pièces pour Anna Dupuis et il était inacceptable. Dès le mois de décembre 1993, son sort était décidé. Les objectifs fixés dans le plan de formation étaient inatteignables pour quelque personne raisonnable placée dans la même situation. Les conditions de la formation n'étaient pas favorables à l'apprentissage. Ainsi plus de 85 % des objectifs exigeaient un taux de succès de 100 %.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 32 En lui faisant valoir la conséquence possible si elle ne réussissait pas son apprentissage, on plaçait Anna Dupuis dans une situation d'insécurité et d'intimidation.

Elle n'a pas reçu une surveillance raisonnable. Au contraire, elle a reçu une surveillance de tout instant avec le résultat qu'elle se sentait épiée.

Anna Dupuis a clairement expliqué ses perceptions lors de son témoignage. De plus, elle a su faire la part des choses en ne mettant pas le tort sur Mireille Villemaire et Monique Reeves-Vanier.

Même s'il est vrai que l'employeur a placé Anna Dupuis dans plusieurs postes, ce n'était pas pour l'aider mais plutôt pour voir aux nécessités du service.

Il est intéressant de noter que son séjour à Pointe-Claire s'est bien déroulé. Elle y occupait des fonctions similaires à celles qu'elle occupait à Verdun. Elle n'a eu aucune difficulté dans ses relations avec ses nouveaux collègues. On aurait considérer l'envoyer dans un autre centre d'emploi.

Les résultats obtenus dans l'exécution de ses tâches paraissent désastreux mais ils ne sont pas surprenants lorsque considérés dans leur contexte.

Par ailleurs, le fait que ses collègues savaient qu'elle consultait une représentante du programme d'aide aux employés était une situation blessante pour Anna Dupuis.

En résumé, l'employeur a placé Anna Dupuis dans des conditions tellement onéreuses que personne n'aurait réussir à rencontrer les exigences de l'employeur.

Il y a lieu d'ordonner la réintégration d'Anna Dupuis dans son emploi et d'ordonner à l'employeur de créer un contexte favorable afin de lui permettre de travailler normalement dans un milieu sain.

Par ailleurs, le représentant d'Anna Dupuis a amendé le grief 166-2-26572 et a indiqué qu'Anna Dupuis n'alléguait plus une contravention à l'article M-16 de la convention collective.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 33 Ont été citées les affaires: Re Edith Cavell Private Hospital and Hospital Employees Union, Local 180, 6 L.A.C. (3d) 229 et Blaine McFarlane and Yukon Public Service Commission (Board files 267-YG-47 and 55).

En réplique, le procureur de l'employeur ajoute que vu les piètres résultats obtenus par Anna Dupuis, il ne semblait pas judicieux à l'employeur de déplacer une employée d’un autre centre d'emploi. De plus, il est clair qu'un autre cycle de détérioration aurait été enclenché à la moindre remarque sur son rendement.

MOTIFS Dans cette affaire, le fardeau de la preuve incombait à l'employeur et j'estime qu'il s'en est déchargé. L'employeur a mis fin à l'emploi d'Anna Dupuis en raison de son incompétence ou de son incapacité à exécuter son travail en plus de lui reprocher son comportement et son attitude au travail. Le dictionnaire Larousse (1997) définit l'incompétence comme suit: «manque de connaissances pour faire quelque chose; incapacité». Le Larousse définit «incapacité» comme suit: «état de quelqu'un qui est incapable de faire quelque chose; inaptitude, incompétence ...» Comme on le voit, l'incapacité et l'incompétence, selon les circonstances, peuvent être considérées interchangeables. Dans la présente affaire, l'employeur invoque «l'incompétence ou l'incapacité» d'Anna Dupuis. En l'occurrence, les deux termes sont employés indifféremment.

L'employeur a fait une preuve prépondérante qu'Anna Dupuis ne parvenait pas à exécuter son travail et que, tout au long de la période au cours de laquelle elle a travaillé à ce ministère, l'employeur n'a pas reçu de cette employée la prestation de travail à laquelle il était en droit de s'attendre.

Les causes de cette situation paraissent multiples. Je ne crois pas qu'elles puissent être arrêtées avec certitude ou que l’importance qu'il faille accorder à chacune puisse être déterminée avec précision.

En définitive, ce qu'il faut retenir c'est qu'Anna Dupuis n'accomplissait pas à la satisfaction de l'employeur le travail pour lequel il la rémunérait.

Quant aux causes de cette situation, elle tiennent à plusieurs facteurs dont un manque de connaissances, une incapacité à traduire ses connaissances en gestes Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 34 concrets, une résistance soit intellectuelle soit émotionnelle à l'apprentissage, une attitude rigide et fermée à toute tentative de l'aider et une conviction inébranlable chez Anna Dupuis que la source de ses problèmes provient de l'extérieur, soit de ses supérieurs, soit de ses collègues de travail.

En aucun temps au cours de son long et pénible témoignage, Anna Dupuis n'a-t-elle manifesté le moindre signe d'une capacité de prendre du recul face à elle-même pour tenter d'identifier ses propres lacunes.

J'ai des doutes qu'elle puisse être secourue du retranchement émotif et intellectuel elle se cantonne et qui l'empêche de s'étudier elle-même avec la moindre objectivité.

Quelles que soient les causes de cette attitude (je n'ai pas l'expertise pour me prononcer là-dessus), je suis tout de même en mesure (après avoir présidé cette audience qui a duré 17 jours) de dire que ces causes sont propres à Anna Dupuis et non à ses supérieurs ou à ses collègues.

En effet, le jugement porté sur le travail d'Anna Dupuis n'émane pas d'une seule personne mais de plusieurs personnes qui l'ont observée à l'oeuvre dans le cadre de trois postes qu'elle a occupés successivement. Non seulement ces personnes ont-elles jugée qu'elle était incompétente, mais de plus les données sur son travail ont été consignées par écrit, l'employeur les a computées et, soulignons-le, Anna Dupuis elle-même ne met pas en doute l'exactitude des résultats qu'elle a obtenus.

Les personnes suivantes ont été les supérieurs d'Anna Dupuis: Rachel Tremblay, Johanne Jones, Mireille Villemaire, Monique Reeves-Vanier, Ginette Tardif. Elles arrivent à la même conclusion: Anna Dupuis ne parvenait pas à accomplir son travail de manière satisfaisante.

Les postes suivants ont été confiés à Anna Dupuis: commis: soutien adminis-tratif, magasinier, commis: accueil et renseignements. Dans les trois cas, Anna Dupuis ne s'est pas acquittée de ses fonctions de manière satisfaisante.

Les rapports de progression de son rendement (pièces E-6, E-14) et les rapports de progrès et d'évolution ainsi que les compte-rendus de rencontres avec Anna Dupuis (pièces E-25, E-26, E-31, E-32, E-33, E-34, E-35, E-36, E-37, E-38, E-39, E-40, E-41, E-45, Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 35 E-46, E-47, E-48, E-52, E-55, E-56, E-57) reflètent le détail des attentes de l'employeur ainsi que les constatations faites par les superviseurs d'Anna Dupuis et communiquées à cette dernière à intervalles réguliers. Le bilan final se solde par un échec.

La formation suivie à Toronto en mars 1994 en anglais (pièce E-50) se solde par une recommandation des instructeurs qu'Anna Dupuis soit suivie sur une base très intensive et individuelle, et ce, alors que justement, à Montréal, elle recevait déjà une formation intensive et individuelle depuis le mois de novembre 1993. En d'autres mots, la recommandation des instructeurs du cours suivi en anglais à Toronto par Anna Dupuis, venait confirmer après le fait, la méthode que l'employeur avait choisie pour aider Anna Dupuis.

L'employeur, par l'entremise des supérieurs nommés ci-haut, a multiplié les rencontres avec Anna Dupuis. Les explications sur la nature du travail et la manière d'exécuter ses tâches lui ont été données tantôt sous la forme de rencontres individuelles, tantôt sous la forme d'une formation sur mesure et adaptée à ses besoins, tantôt par le biais d'un stage de formation à Toronto.

Je pense que l'employeur a mis en oeuvre tous les moyens humainement possibles pour venir en aide à Anna Dupuis et en faire une employée compétente.

J'ai été frappée par l'investissement d'énergie humaine qu'Anna Dupuis a coûté à son employeur. Le temps et l'attention mobilisés par Anna Dupuis constituent un indice persuasif d'un malaise profond et qui, à mon avis, tenait à l'incompétence d'Anna Dupuis.

Compte tenu de l'ampleur des moyens déployés, je ne peux reprocher à l'employeur ni d'avoir manqué de clarté sur ses attentes, ni d'avoir lésiné sur les mesures à mettre en oeuvre pour aider Anna Dupuis ni d'en être arrivé à une conclusion hâtive sur son incompétence.

Vu toutes les opportunités données à Anna Dupuis de faire ses preuves, je ne crois pas que l'employeur avait l'obligation de la placer dans un quatrième poste et dans un autre bureau que celui de Verdun. Le bref séjour qu'elle a fait au bureau de Pointe-Claire ne m'apparaît pas un argument convaincant en ce sens puisque bien

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 36 qu'elle semble ne pas avoir éprouvé de difficultés avec ses collègues, on a constaté une fois de plus son manque de connaissances et son manque d'autonomie (pièce E-60).

Dans la lettre de licenciement, l'employeur conclut à l'incompétence d'Anna Dupuis. À ce motif, il ajoute le comportement et l'attitude de celle-ci. À cet égard, les remarques suivantes s'imposent. D'abord, je suis d'avis qu'à elle seule, la preuve sur l'incompétence d'Anna Dupuis justifie son licenciement et que sur cette seule base, l'employeur était en droit de mettre fin à son emploi.

La preuve sur le comportement et l'attitude d'Anna Dupuis telle que reflétée dans les divers rapports et telle que décrite par ses supérieurs ne fait que s'ajouter à la preuve sur l'incompétence et complète si l'on veut, le portrait d'une situation devenue intenable. En résumé, il s'en dégage qu'Anna Dupuis a éprouvé des difficultés dans ses relations avec ses collègues et que ses supérieurs ont reçu beaucoup de plaintes à son sujet de la part de ses collègues. Il semble qu'Anna Dupuis de par son incompétence et son attitude ait eu un effet démoralisateur sur son entourage. Il m'apparaît clair que la somme d'énergie et d'attention siphonnées par Anna Dupuis ne pouvait pas passer inaperçue de ses collègues qui, par ailleurs, devaient subir les conséquences de son incompétence. Ceci dit, je ne mets pas en doute (n'ayant pas de preuve du contraire) certaines affirmations d'Anna Dupuis selon lesquelles certains de ses collègues l'ont prise en grippe et l'ont, à l'occasion, tenue à l'écart. Je ne doute pas qu'elle en ait éprouvé des sentiments douloureux. Toutefois, je ne suis pas en mesure de déterminer la part de responsabilité de chacun dans ces relations difficiles et je ne crois pas que j'aie à le faire sauf pour dire que je ne suis pas convaincue que les conflits personnels soient la cause de l'incompétence d'Anna Dupuis ainsi qu'elle le pense.

Finalement et tel que déjà mentionné, il n’y a pas de preuve que la cause de l’incompétence d’Anna Dupuis puisse être reliée à des actions ou des omissions de l’employeur.

En conclusion, le grief (166-2-26573) portant sur le licenciement d'Anna Dupuis est rejeté. Est également rejeté le grief (166-2-26572) portant sur l'article M-34 de la convention collective puisqu'aucune précision n'a été donnée par Anna Dupuis sur les faits qui constitueraient une contravention par l'employeur de cet article, qu'aucune

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 37 preuve n'a été versée en ce sens et que du reste, lors de sa plaidoirie, le représentant d'Anna Dupuis n'a exposé aucun argument relatif à l'article M-34.

Marguerite-Marie Galipeau, président suppléant

OTTAWA, le 21 avril 1997.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.