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Résumé :

Rémunération provisoire - Répartition des tâches entre deux employés - l'employeur a refusé de verser au fonctionnaire s'estimant lésé une rémunération provisoire pendant le congé du superviseur de ce dernier au motif que la grande partie des fonctions du superviseur avaient été partagées entre le fonctionnaire, un informaticien, et un autre employé, un comptable - bien que les aspects les plus techniques des tâches du superviseur aient été assignés au fonctionnaire s'estimant lésé, la responsabilité de la gestion du personnel et des finances avait été confiée à son collègue - la convention collective prévoit le paiement d'une rémunération provisoire lorsqu'un employé est tenu «de remplir les fonctions d'un poste de classification ou de niveau supérieur» - l'arbitre a conclu que, dans les circonstances, le fonctionnaire n'avait pas exécuté la grande partie des tâches de son superviseur et que, par conséquent, il n'avait pas droit à la rémunération provisoire. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26336 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE MURRAY LINDEBLOM fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Pêches et Océans)

employeur

Devant: J. Barry Turner, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Georges Smith, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Roger Lafrenière, avocat

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba) le 27 février 1996

Decision Page 1 DÉCISION Monsieur Murray Lindeblom, informaticien du niveau de classification CS-3 à l’Institut Freshwater, ministère des Pêches et Océans, Winnipeg (Manitoba), allègue dans son grief que l’employeur a refusé de lui verser une rémunération provisoire violant ainsi la clause 44.05 de la convention particulière du groupe Gestion des systèmes d’ordinateurs (tous les employés) entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), code : 313/88, date d’expiration, le 30 avril 1990.

Le grief est ainsi libellé : [Traduction] Du 4 juillet au 12 août 1994, j’ai occupé, à titre intérimaire, les fonctions de chef régional des services informatiques de la région Centre et Arctique. J’ai demandé qu’on me verse la rémunération provisoire associée au poste. Ma demande a été refusée le 29 août 1994. J’estime que ce refus constitue une violation de l’article 44 de la convention collective des CS.

Il importe de signaler que les parties ont convenu que l’exacte période d’affectation provisoire en question avait eu lieu du lundi 4 juillet 1994 jusqu’au lundi 8 août 1994 inclusivement.

Voici ce que dit la clause 44.05 : 44.05 Lorsqu’un employé est tenu par l’employeur de remplir les fonctions d’un poste de classification ou de niveau supérieur à titre intérimaire, pour une période d’au moins dix (10) jours ouvrables consécutifs, il reçoit une rémunération provisoire, calculée à partir de la date à laquelle il a commencé son intérim et équivalente à celle qu’il aurait reçue s’il avait été nommé à ce même niveau de classification supérieur, pour la période au cours de laquelle il assure l’intérim. Lorsqu’un jour désigné comme jour férié payé survient durant la période de référence, le jour férié est considéré comme jour de travail aux fins de la période de référence.

Le fonctionnaire s’estimant lésé demande la mesure de redressement suivante :

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Decision Page 2 [Traduction] Qu’on m’accorde l’affectation provisoire et la rémunération qui en découle.

Je dois décider si l’employeur a correctement interprété la clause 44.05 de la convention particulière du groupe.

L’audience a duré une demi-journée; deux personnes ont témoigné, et douze pièces ont été déposées en preuve.

RÉSUMÉ DE LA PREUVE 1. M. Murray Lindeblom occupe un poste d’informaticien CS-3 depuis son embauche dans la fonction publique en 1980. M. Lindeblom a identifié un message transmis par courrier électronique (pièce G-1) qu’il a reçu de son gestionnaire immédiat, M. Tinney, et dans lequel ce dernier faisait état du réaménagement du groupe des informaticiens de Winnipeg et lui confiait un rôle élargi. Il a reconnu également une autre communication électronique, entre lui-même et M. Tinney, dans laquelle il était question de la disponibilité d’une somme qui devait être versée à titre de rémunération provisoire à la personne chargée de le remplacer au cours de la période du 27 mai au 10 juin 1994 (pièce G-2). Il a reconnu une troisième communication électronique (pièce G-3), transmise par M. Tinney, dans laquelle il était précisé que le fonctionnaire et son collègue, M. Bill Beggs, devaient se partager les responsabilités pendant le congé prolongé de M. Tinney du 4 juillet au 12 août 1994 (devrait être le 8 août). M. Lindeblom a expliqué qu’il n’avait pas discuté de cette décision avec M. Tinney bien qu’il ait souvent remplacé ce dernier dans le passé. Il a été étonné d’apprendre que les responsabilités étaient partagées.

C’est à ce moment que M e Lafrenière a demandé que M. Tinney soit exclu de l’audience en raison du problème de crédibilité soulevé entre M. Tinney et le fonctionnaire. J’ai accordé la requête.

Le troisième message transmis par courrier électronique (pièce G-3) est en partie libellé comme suit :

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Decision Page 3 [Traduction] Pendant mon absence du bureau, du 4 juillet 1994 au 12 août 1994 inclusivement, les responsabilités du poste de chef régional des services informatiques, région du Centre et de l’Arctique, seront partagées de la façon suivante :

M. Murray Lindeblom sera responsable de toutes les questions d’informatique, ainsi que de la représentation régionale à l’échelle nationale, de la coordination régionale de la sécurité de l’informatique, et de l’approbation de tous les achats de matériel informatique effectués pour la région. On pourra contacter M. Lindeblom, à Winnipeg, au numéro (204) 983-5093.

M. Bill Beggs sera responsable des tâches de supervision associées au poste et de toutes les questions d’ordre financier qui pourraient se soulever. On pourra contacter M. Beggs à Winnipeg, au (204) 983-5269.

M. Lindeblom a témoigné que, pendant sa période d’affectation provisoire, il a continué de jouer son rôle récemment élargi (voir la pièce G-1) et qu’il a exécuté environ 95 p. 100 des tâches de M. Tinney, dont un voyage à Ottawa. De fait, il a affirmé qu’il était le patron. Il a signalé qu’il n’a pas discuté de la pièce G-3 avec M. Tinney avant le départ en congé de ce dernier, mais qu’il n’avait jamais envisagé de refuser le partage des responsabilités. Il a expliqué que, étant donné qu’il avait déjà remplacé M. Tinney dans le passé et qu’il avait été rémunéré en conséquence, il s’attendait à la même chose cette fois- ci. Pendant la période d’affectation provisoire, lui-même et M. Beggs, un comptable méticuleux, selon M. Lindeblom, ont comparé des bons de commande avec les factures afin de clarifier certains détails. Il a ajouté que M. Beggs n’avait aucune habilité en matière d’ordinateur ou d’informatique et que, à son avis, les qualités de gestionnaire de M. Beggs laissaient à désirer. Selon M. Lindeblom, les autres employés pensaient que c’était lui le remplaçant et ils lui demandaient des conseils et des directives.

Le fonctionnaire a reconnu un message électronique en date du 29 août 1994 (pièce G-4) dans lequel M. Tinney manifestait son étonnement au fait que le fonctionnaire avait demandé une rémunération d’affectation provisoire pour la période en question. M. Lindeblom a fait valoir qu’il n’a pas soulevé plus tôt la question du paiement parce qu’il s’attendait à être rémunéré pour cette période. Il a expliqué que M. Tinney est revenu tôt le vendredi 5 août 1994 afin d’assister à une réunion. Le témoin était en désaccord avec l’allusion contenue dans la réponse de M m e Hynna au dernier palier (pièce G-5) selon Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 laquelle on ne lui a pas laissé croire qu’il effectuait des tâches de CS-4 ni qu’il toucherait une rémunération d’affectation provisoire du niveau CS-4. Il pensait qu’il serait rémunéré en conséquence. Le montant brut visé par son grief est d’environ 150 $.

En contre-interrogatoire, M. Lindeblom a identifié trois autres occasions il a remplacé M. Tinney (pièces E-1, E-2, E-3) ajoutant que cette fois-ci différait (pièce G-3) en raison du partage de quelques-unes des responsabilités avec M. Beggs. Il a reconnu sa propre formule d’analyse de poste (FAP) datée du 1 e r juin 1980 (pièce E-4). Il a affirmé que, au cours de la période d’affectation provisoire du 4 juillet au 8 août, il a exécuté un bon nombre de ses propres tâches, dont plusieurs sont identiques à celles de M. Tinney. Il a trouvé difficile d’établir une distinction entre les tâches de M. Tinney qu’il exécutait et les siennes, surtout en raison du fait qu’il était la seule personne qui devait rendre compte à M. Tinney. Il a reconnu la FAP de M. Tinney (pièce E-5) comme étant un poste pour lequel il avait déjà posé sa candidature. M. Tinney avait remporté le concours. M. Lindeblom ne s’est pas servi de cette FAP pour évaluer le travail qu’il a effectué pendant la période d’affectation provisoire étant donné qu’il compte seize années d’ancienneté au ministère, qu’il a beaucoup d’expérience et qu’il n’avait pas besoin de la FAP pour l’aider à évaluer son travail. Il a répété que, avant le départ en congé de M. Tinney, il n’a pas été question des tâches qu’il aurait à exécuter pendant l’absence de ce dernier, et il ne savait pas que les responsabilités devaient être partagées.

M. Lindeblom a reconnu que la tâche de supervision qu’il exerçait sur un CS-2 lui a été enlevée à la suite du réaménagement régional. Il a affirmé qu’il a exécuté les tâches que M. Tinney avait établies pour lui dans la pièce G-3 et que, en raison d’un important manque d’effectifs, personne ne l’avait remplacé pendant que lui-même remplaçait M. Tinney.

M. Lindeblom a préparé le formulaire d’affectation provisoire (pièce E-6) qui est normalement rempli par le superviseur d’un employé et il l’a remis à M. Tinney sans discuter.

Au cours du réinterrogatoire, M. Lindeblom a précisé que lorsqu’il avait remplacé M. Tinney dans le passé, compte tenu du chevauchement entre son poste et celui de

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Decision Page 5 M. Tinney, il avait exécuté les tâches des deux postes, y compris ses propres responsabilités de supervision.

2. M. Brad Tinney a accédé au poste de chef régional des services informatiques en 1990. Avant son départ en congé, il a assigné à M. Lindeblom trois tâches particulières (pièce G-3) et il a identifié sur sa FAP (pièce E-5) d’autres tâches que le fonctionnaire devait exécuter, soit les points 1 à 6. Il a ajouté qu’il consacre environ un tiers de son temps à gérer le personnel et les finances et que ce sont les tâches qu’il a confiées à M. Beggs (pièce G-3).

Selon M. Tinney, parmi les trois principales tâches qu’il a assignées au fonctionnaire, la coordination des affaires de sécurité ne prenait qu’une «infime» partie de son temps; l’approbation des achats demandait environ une demi-journée; la représentation au palier national exigeait environ de quatre à cinq jours de travail selon les réunions convoquées. Il a conclu que, pendant cette période de remplacement «la plus grande partie du temps du fonctionnaire devait avoir été consacrée aux tâches de son propre poste d’attache».

M. Tinney a témoigné qu’il a rencontré M. Lindeblom le 23 juin 1994, à Winnipeg, au moment de l’évaluation du rendement et qu’il a discuté avec ce dernier du congé qu’il devait prendre et du partage des responsabilités qui en découlerait (pièce G-3). Il a ajouté qu’il avait été question du fait qu’il n’y avait aucun montant disponible pour des rémunérations provisoires et que le fonctionnaire avait manifesté son désaccord à ce sujet.

M. Tinney a dit que la demande d’affectation provisoire (pièce E-6) l’a étonné. Ce document est normalement rempli par le superviseur de l’employé concerné. Selon lui, au cours de la période d’affectation provisoire du 4 juillet au 8 août, M. Lindeblom a peut-être exécuté cinq jours de travail du niveau CS-4, en plus d’un voyage à Ottawa.

Pendant le contre-interrogatoire, M. Tinney a signalé que M. Lindeblom a la compétence requise pour le remplacer, qu’il l’avait déjà fait dans le passé et qu’il avait été payé en conséquence. Il pensait que les montants alloués aux affectations provisoires étaient épuisés, mais il a convenu que si une personne est admissible à une rémunération

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Decision Page 6 provisoire, elle devrait être payée. Il a reconnu qu’il a partagé les tâches entre M. Beggs et le fonctionnaire principalement dans le but d’économiser de l’argent. Il a également ajouté que, au cours de la discussion qu’il a eue avec M. Lindeblom le 23 juin, il n’a pas décrit en détail de quelle façon les responsabilités seraient partagées; il a seulement laissé entendre que le travail technique relèverait de M. Lindeblom et que l’aspect supervision serait confié à M. Beggs. Il a ajouté qu’il y a chevauchement des tâches de CS-2, CS-3 et CS-4. En ce qui a trait au point 5 figurant à la page 4 de la pièce E-5, M. Tinney a reconnu que M. Beggs ne possédait aucune compétence spéciale lui permettant de superviser un personnel technique ultra spécialisé. Il a ajouté que «personne n’effectue toutes ses tâches chaque jour». Il a reconnu que, pendant la période en question, le fonctionnaire s'estimant lésé avait exécuté l’essentiel de ses propres tâches, ainsi qu’une partie des siennes, compte tenu de l’importance du chevauchement des deux postes.

En ce qui a trait au partage des responsabilités, M. Tinney était d’avis que les tâches assignées à M. Lindeblom étaient insuffisantes pour justifier un changement de niveau de responsabilité de CS-3 à CS-4. M. Tinney a reconnu une note au dossier, en date du 29 juin 1994, rédigée par M m e B. Couture, sur laquelle figure une cotation des emplois pour le poste de chef régional des services informatiques (pièce G-6).

ARGUMENTS POUR LE FONCTIONNAIRE S’ESTIMANT LÉSÉ M. Smith a remis des notes dactylographiées renfermant ses arguments lesquels sont résumés ci-dessous. Il a fait valoir que, aux termes de la clause 44.05 de la convention collective particulière du groupe, M. Lindeblom a exécuté non seulement du travail d’une classification plus élevée pendant une période de cinq semaines, mais qu’il a également exécuté une affectation spéciale aux termes d’un rôle élargi tel que décrit dans la pièce G-1. Il a conclu que la preuve révèle que le fonctionnaire a exécuté les tâches qu’on lui avait demandé d’exécuter pour le compte de M. Tinney, y compris l’approbation de tous les achats régionaux en matière d’informatique. Il s’attendait à être rémunéré en conséquence comme il l’avait été dans le passé et comme le révèlent les pièces E-1, E-2, E-3. Il a soutenu que le mot «tenu» tel qu’il figure dans la clause 44.05 se prête à une double interprétation : une première qui laisse entendre une «exigence» et une deuxième qui renvoie à un «besoin». L’employeur avait besoin que M. Lindeblom exécute les tâches de M. Tinney et il a exigé qu’il le fasse (pièce G-3). L’employeur a soutenu que

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Decision Page 7 M. Lindeblom ne pouvait pas avoir exécuté la «grande partie des fonctions» de M. Tinney, au sens de la convention cadre, parce que les tâches de supervision et de nature financière avaient été confiées à M. Beggs. M. Smith a conclu que cela était injuste parce que le fonctionnaire avait exécuté de façon satisfaisante tout ce qu’on lui avait demandé, c’est-à- dire, ses nouvelles tâches élargies (pièce G-1) ainsi que les tâches de M. Tinney (pièce G-3). Il a soutenu que la grande partie des tâches exécutées par le fonctionnaire pour M. Tinney étaient de nature technique et qu’elles suffisaient à justifier une rémunération provisoire correspondant à une classification plus élevée.

Il a signalé que le temps consacré à l’exécution des responsabilités d’ordre technique par M. Lindeblom était plus important que celui qui avait été consacré par M. Beggs aux tâches de supervision et que le fonctionnaire avait exécuté la majorité des tâches de base d’un CS-4, plus particulièrement si on tient compte des tâches additionnelles du rôle élargi qu’il exécutait déjà.

M. Smith a conclu que l’ancienne description de tâches du fonctionnaire qui remontait à seize ans (pièce E-4) ne s’appliquait plus.

Selon M. Smith, la remarque formulée par M. Tinney dans la pièce G-2 selon laquelle, «lorsque les fonds disponibles sont épuisés, on ne verse plus de rémunération provisoire» est non seulement contraire à la convention particulière du groupe, mais elle est «inconvenante, faite avec une intention manifeste et de mauvaise foi».

Il a conclu que la discussion en l’occurrence ne porte que sur un montant d’environ 150 $ brut et que «le plus haut niveau de difficulté du poste de M. Tinney ne découle pas de la supervision mais de l’ensemble des autres tâches qui ont été effectuées par le fonctionnaire». Il devrait être rémunéré en conséquence.

M. Smith a également décrit la pièce G-6, la note au dossier rédigée par M m e Couture le 29 juin 1994, comme une tentative intéressée de la part de la direction de refuser de verser une rémunération provisoire à M. Lindeblom. Selon M. Smith, ce document révèle que les connaissances et la prise de décision constituent 70 p. 100 des exigences cotées du poste. La supervision représente 8 p. 100 des exigences cotées du poste de M. Tinney, ce qui laisse 92 p. 100 du travail à M. Lindeblom.

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Decision Page 8 Il a soutenu que, pour exécuter les tâches de supervision de ce poste, il est manifeste qu’une personne doit posséder les connaissances de base d’un informaticien ainsi que la capacité de prendre des décisions qui est requise d’un CS-4. Il est beaucoup trop simpliste de simplement éliminer les points de supervision, comme l’a fait M m e Couture dans la pièce G-6, et de dire que l’emploi n’appartient plus à la classification CS-4.

M. Smith s’est également interrogé au sujet de la date du 29 juin 1994 figurant au haut de ce document, puisque la preuve a révélé que M. Tinney est revenu de son congé le 5 août 1994, soit une semaine plus tôt que prévu. Il aurait fallu que M m e Couture ait des dons de clairvoyance pour avoir pu rédiger ce document le 29 juin. Selon M. Smith, il existe une autre possibilité selon laquelle le document aurait été rédigé quelque temps après le retour de congé de M. Tinney afin d’appuyer le refus d’accorder la rémunération provisoire.

Il a conclu toutefois que la question dont je suis saisi n’en est pas une de classification, mais qu’elle concerne plutôt la rémunération à verser pour du travail exécuté à un niveau supérieur.

M. Smith m’a cité les affaires suivantes : Osmond (dossier de la Commission 166-2-1603); Ontario Hydro and Canadian Union of Public Employees, Local 1000 (1983), 11 L.A.C. (3d) 404; Fairview Nursing Home Inc. and London and District Service Workers Union, Local 220 (1983), 9 L.A.C. (3d) 342; Macri (dossier de la Commission 166-2-15319); Begin et autres (dossiers de la Commission 166-2-18911 à 18917); City of Winnipeg and Canadian Union of Public Employees, Local 500 (1991), 20 L.A.C. (4th), 394.

ARGUMENTS POUR L’EMPLOYEUR M e Lafrenière a soutenu que, même si la clause 44.05 ne renferme pas l’expression «une grande partie des fonctions» que l’on retrouve dans la convention cadre, on devrait tout de même considérer cette expression comme étant sous-entendue dans la clause 44.05. Toutefois, a-t-il dit, les mots clés sont «tenu», «remplir» et «période d’au moins 10 jours ouvrables».

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Decision Page 9 Il a fait valoir que la pièce G-3 fait état d’une situation d’affectation provisoire différente des précédentes à cause du partage des responsabilités entre le fonctionnaire et M. Beggs. Il a soutenu que je devrai déterminer ce qui s’est passé pendant la rencontre d’évaluation du rendement tenue le 23 juin 1994 entre M. Tinney et M. Lindeblom. Il m’a rappelé que M. Tinney avait été très explicite en ce qui a trait à sa conversation avec M. Lindeblom et il a conclu qu’il serait peu vraisemblable qu’un gestionnaire parte en congé sans s’entretenir au préalable avec son remplaçant. À son avis, je devrais croire que M. Tinney a dit à M. Lindeblom au cours de la réunion du 23 juin que ce dernier ne toucherait aucune rémunération provisoire.

Selon M e Lafrenière, pour que M. Lindeblom ait droit à l’affectation provisoire demandée, il aurait fallu qu’il établisse qu’il a rempli en grande partie les tâches de M. Tinney telles qu’elles sont décrites dans la FAP (pièce E-5). Or, cela n’a pas été fait. Quelques tâches ont été confiées à M. Beggs, certaines ont été tenues en suspens, d’autres ont été assignées au fonctionnaire s’estimant lésé et un grand nombre de responsabilités se chevauchaient. M e Lafrenière m’a rappelé la réticence du fonctionnaire au cours du contre-interrogatoire lorsque ce dernier a affirmé qu’il avait exécuté ses propres tâches ainsi que celles de M. Tinney. L’avocat a également fait valoir que M. Tinney avait dit que le fonctionnaire n’aurait besoin que de cinq jours au cours de la période de cinq semaines pour exécuter les tâches de remplacement et il a ajouté que le fonctionnaire n’a rien dit au sujet de son voyage à Ottawa. À son avis, l’allusion au réaménagement des responsabilités dont fait état la pièce G-1 n’est pas pertinente.

M e Lafrenière a signalé que, dans l’affaire Osmond (supra), le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas tenu de remplir ses propres fonctions; que l’affaire Ontario Hydro and CUPE (supra) portait sur une question de classification qu’il ne m’appartient pas de décider; que dans l’affaire City of Winnipeg and CUPE (supra), le litige portait sur le fait que les tâches ne tenaient pas compte des changements technologiques; que dans l’affaire Macri (supra), la convention collective n’exigeait pas qu’un employé soit tenu de remplir une grande partie des fonctions d’un poste de niveau supérieur. Il a ajouté que l’affaire Fairview Nursing Home Inc. Ltd. and London and District Service Workers Union, Local 220 (supra) renferme également une question de classification qui dépasse ma compétence. Il a fait valoir que la version française de la clause 44.05 ajoute «d’un poste»

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Decision Page 10 c’est-à-dire, «a position» en anglais, et que, même si la version anglaise ne renferme pas ces mots, je devrais les considérer comme sous-entendus.

M e Lafrenière a expliqué que, dans l’affaire Begin (supra), on n’a pas soutenu que la version anglaise ne devrait pas être applicable, mais qu’il fallait tenir compte de l’expression «une grande partie» puisque le litige, en réalité, porte sur la détermination du pourcentage de temps consacré à exécuter les tâches d’une autre personne.

L’avocat m’a cité l’affaire Few (dossiers de la Commission 166-2-17441 à 17443) comme étant un exemple typique, puisque M. Tinney a témoigné qu’il a informé le fonctionnaire à l’avance, soit le 23 juin 1994, de ce qui se produirait pendant son absence. Il m’a rappelé que même si le fonctionnaire pensait que c’était lui le patron, les responsabilités financières avaient été confiées à M. Beggs et non à M. Lindeblom. Tout comme cela s’est produit dans l’affaire Afzal (dossier de la Commission 166-2-19422), M. Lindeblom n’a pas établi qu’il avait rempli une grande partie des tâches du poste CS-4, pas plus qu’il n’a expliqué de façon satisfaisante quelles étaient les tâches qui se chevauchaient. Il a toutefois ajouté qu’il est possible que le fonctionnaire ait exécuté les tâches de M. Tinney pendant son voyage de cinq jours à Ottawa.

M e Lafrenière a fait valoir que, en période de restriction budgétaire, la répartition des tâches d’une personne en congé entre plusieurs employés constitue une décision de saine gestion. Il a conclu que le fait d’attendre la fin de la présumée affectation temporaire avant de présenter une demande est répréhensible et qu’on ne doit pas permettre à un employé de tirer avantage de son silence puisque tout doute relatif à cette affaire aurait pu être éclairci avant le départ de M. Tinney, soit le 23 ou le 29 juin.

En réfutation, M. Smith a souligné que M. Tinney avait donné suite à son intention de ne pas verser de rémunération provisoire et que M. Lindeblom était en droit d’attendre avant de se plaindre de cette situation. Il a également soutenu que je ne peux ajouter à la clause 44.05 des mots comme «une grande partie» et que la demande d’affectation temporaire (pièce E-6) a été reçue le 29 août 1994, soit seulement trois semaines après la fin de la période d’affectation en question.

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Decision Page 11 DÉCISION M e Lafrenière a soutenu que les termes «exercer... une grande partie des fonctions» qui figurent dans les dispositions de la clause 46.09, rémunération provisoire, de la convention cadre conclue entre l’IPFPC et le Conseil du Trésor, date d’expiration : 30 septembre 1993, devraient être sous-entendus dans la clause 44.05 de la convention particulière du groupe qui précise seulement «remplir les fonctions». Je ne suis pas d’accord. À mon avis, la convention particulière du groupe a préséance sur la convention cadre lorsque les dispositions traitant de la même question sont incompatibles.

Quoi qu’il en soit, après avoir examiné la convention cadre de l’IPFPC, je ne trouve aucune mention du fait que cette convention s’applique au groupe Gestion des systèmes d’ordinateur (CS). Je conclus par conséquent que les arguments de l’employeur au sujet des implications et de l’applicabilité de l’expression «une grande partie des fonctions» contenue dans la convention cadre - clause sur la rémunération provisoire - ne constitue pas une norme de mesure qui peut être utilisée en l’occurrence.

Il me reste par conséquent le libellé de la clause 44.05 de la convention particulière du groupe CS qui dit en partie :

Lorsqu’un employé est tenu par l’employeur de remplir les fonctions d’un poste de classification ou de niveau supérieur[...]

La question à laquelle je dois répondre est la suivante : M. Lindeblom a-t-il «rempli les fonctions» de M. Tinney pendant la période du 4 juillet au 8 août 1994 inclusivement, c’est-à-dire une période de plus de dix jours ouvrables? L’expression «remplir les fonctions» signifie-t-elle toutes les fonctions ou quelques-unes seulement? Si elle signifie toutes les fonctions, ni M. Lindeblom ni M. Beggs ne pouvaient toucher une rémunération provisoire puisque les fonctions ont été partagées par M. Tinney (pièce G-3). De même, si elle signifie quelques-unes des fonctions, alors M. Beggs et M. Lindeblom ont droit à une rémunération provisoire. Il est improbable que les parties, au moment de la négociation de la convention collective, aient prévu que deux personnes pourraient toucher une rémunération provisoire pour avoir effectué essentiellement les tâches du même poste.

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Decision Page 12 J’ai donc conclu que «remplir les fonctions» doit signifier toutes les fonctions, tout en convenant, comme l’a dit M. Tinney, que personne n’exécute toutes ses tâches chaque jour. Le fonctionnaire ne pouvait donc pas avoir exécuté, comme le soutient M. Smith, «la grande partie des fonctions» d’un poste de classification supérieure puisque ces tâches ont été partagées entre deux personnes.

S’agit-il d’une façon ingénieuse pour l’employeur d’économiser de l’argent? Avait-il raison de le faire? Je peux seulement répondre que, à mon avis, il n’y a pas eu violation de la convention particulière du groupe des CS, et ce, pour les motifs susmentionnés. Quant à l’allusion de M. Smith au sujet de la mauvaise foi, je n’ai aucune preuve à cet égard bien que l’aspect clairvoyance de la note au dossier de M m e Couture (pièce G-6) me préoccupe un peu.

Pour toutes ces raisons, je rejette le grief.

J. Barry Turner, commissaire OTTAWA, le 3 avril 1996

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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