Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Congé annuel - Nécessités du service - Refus d'accorder un congé demandé à bref délai de préavis - Preuve - le fonctionnaire est revenu au travail après une semaine de congé annuel consacrée à la chasse à l'orignal - au cours de son deuxième quart de travail suivant son retour de la chasse, le fonctionnaire a demandé un congé annuel pour le quart suivant dans le but de débiter l'animal - sa demande a été refusée sans motif - le fonctionnaire a témoigné qu'il n'avait pas présenté sa demande de congé pendant le premier quart de travail suivant son retour parce qu'il n'avait pas vu son superviseur ce jour-là - la preuve a établi que, même si normalement plus d'une personne devait effectuer le quart de travail pour lequel le congé avait été demandé, le fonctionnaire s'estimant lésé était le seul employé disponible pour effectuer ce quart particulier - selon la pratique de dotation, lorsqu'une seule personne est assignée à un quart de travail, il doit toujours y avoir un employé en disponibilité - la preuve a également révélé qu'un collègue du fonctionnaire aurait pu effectuer le poste de travail en question si on le lui avait demandé - de son côté, l'employeur n'a présenté aucune preuve pour établir que les nécessités du service l'avaient empêché d'accorder le congé demandé - par conséquent, l'arbitre a déclaré que l'employeur avait violé la convention collective. Grief admis.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26597 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE DOUGLAS B. OATES fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant: Louis M. Tenace, vice-président Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: James Shields, avocat, Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228

Pour l’employeur: Robert E. Smart

Affaire entendue à Edmonton (Alberta), le 12 décembre 1995.

Decision Page 1 DÉCISION Le présent grief découle du rejet d’une demande de congé annuel présentée par le fonctionnaire s’estimant lésé le 15 novembre 1994 en vue de se faire remplacer le 16 novembre 1994.

Comme mesure de redressement, M. Oates demande que l’employeur soit reconnu coupable d’avoir contrevenu à la clause 17.07 c) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et la section locale 2228 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, Code 404/89, au nom du groupe de l’Électronique.

Résumé de la preuve Les parties ont déposé l’exposé conjoint des faits suivant : [traduction] EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS 1. Le fonctionnaire s’estimant lésé travaille en qualité de technicien des systèmes électroniques, niveau EL-4, à Transports Canada, Edmonton (Alberta).

2. Le fonctionnaire s’estimant lésé est visé par la convention collective du groupe de l’Électronique conclue entre le Conseil du Trésor et la Fraternité internationale des travailleurs en électricité, section locale 2228, qui devait expirer le 31 août 1991, mais qui a été reconduite en vertu de la Loi sur les restrictions salariales du secteur public.

3. Au cours de la semaine du 14 novembre 1994, l’horaire de travail du fonctionnaire s’estimant lésé était de 15 h à 23 h; il était le seul technicien prévu à l’horaire pour ce quart durant la semaine en question.

4. Au début ou peu après le début de son quart du 15 novembre 1995, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé l’autorisation de prendre un congé annuel le 16 novembre 1994.

5. Le 16 novembre 1994, le fonctionnaire s’estimant lésé a été informé que sa demandé avait été refusée.

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Decision Page 2 6. Le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté ce rejet le 21 décembre 1994, alléguant qu'il contrevenait à sa convention collective.

7. Les parties se réservent le droit de convoquer des témoins et de présenter des preuves additionnelles au cours de l’audition du grief.

(Quatre pièces étaient jointes à cet exposé, soit les pièces G-2, G-3, G-4 et G-5).

M. Kent Gardner a témoigné au nom du fonctionnaire s’estimant lésé et ce dernier a témoigné en son nom. Le représentant de l’employeur n’a cité aucun témoin.

M. Oates a déclaré que la semaine précédant le 14 novembre 1994, il avait pris un congé annuel pour se rendre à la chasse et qu’il avait tué un orignal. À la suite d’une période de « pendaison » de trois à sept jours, il fallait dépecer l’animal, un travail qui exige d’une douzaine à une quinzaine d’heures.

Le 14 novembre 1995, M. Oates s’est présenté au quart de 15 h à 23 h selon l’horaire du lundi au vendredi de la semaine en question (pièce G-5). D’après les exigences de dotation, au moins un technicien devait se trouver sur les lieux durant ce quart bien que parfois il y en ait eu jusqu’à trois d’inscrits à l’horaire (voir la note n o 1 de la pièce G-4). Lorsqu’un seul technicien est prévu à l’horaire, un autre doit être en attente commandée. Au cours de la semaine du 14 novembre 1994, M. Oates était le seul technicien prévu pour le quart de 15 h à 23 h.

M. Oates a déclaré qu’il n’avait pu trouver son surveillant le 14 novembre 1995, mais qu’il lui avait finalement parlé un peu avant le début ou au début de son quart le 15. Il lui avait alors demandé l’autorisation de prendre un congé annuel le 16 novembre 1994. Plus tard dans la journée, on l’a informé que sa demande de congé avait été refusée.

Au cours du contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu qu’il devait y avoir au moins un technicien en service de 15 h à 23 h. Il a également reconnu qu’il savait qu’un autre technicien avait été désigné pour effectuer le même quart, mais que ce dernier avait entreprendre de travailler à une affectation

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Decision Page 3 spéciale attribuée par Ottawa. Il a déclaré qu’il était normal qu’au moins deux techniciens se trouvent sur les lieux durant le quart en question, et que l’absence d’un technicien sur place durant ce quart en particulier perturberait les opérations. Le fonctionnaire s’estimant lésé a également affirmé qu’il n’avait pas demandé à un collègue d’échanger de postes puisqu’il s’agissait d’une responsabilité de la direction. M. Oates a aussi reconnu qu’il avait épuisé tous ses autres crédits de congé annuel en 1994-1995. De plus, il avait par le passé demandé et obtenu des congés moyennant un court préavis.

Kent Gardner travaille également en qualité de technicien des systèmes électroniques à Transports Canada, Edmonton (Alberta). Il a déclaré que son horaire de travail la semaine du 14 novembre 1994 était de 8 h à 16 h. Il était disponible pour effectuer des heures supplémentaires et remplacer le fonctionnaire s’estimant lésé le 16 novembre 1994, mais la direction ne le lui a pas demandé.

Argument L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que l’employeur n’avait présenté aucune preuve établissant qu’il avait refusé la demande de congé du fonctionnaire s’estimant lésé à cause des exigences opérationnelles. M. Gardner a affirmé qu’il était disposé à remplacer le fonctionnaire s’estimant lésé. La seule raison pour laquelle l’employeur aurait refusé d’acquiescer à la requête de M. Oates, semble-t-il, est qu’il voulait éviter d’avoir à payer des heures supplémentaires.

À l’appui de sa plaidoirie, M e Shields a invoqué les affaires suivantes : Rooney (dossier de la Commission : 166-2-21306); Dillon (dossier de la Commission : 166-2-21922); McConaghy (dossier de la Commission : 166-2-22945).

Le représentant de l’employeur a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas demandé à un autre technicien d’échanger de postes. À ce moment-là, les besoins de dotation étaient réduits au minimum et les exigences opérationnelles n’ont pas permis à la direction d’acquiescer à la requête du fonctionnaire s’estimant lésé. Il a fait valoir qu’il ne s’agissait pas en l’occurrence d’une situation l’on était aux prises avec un problème chronique de dotation comme c’était le cas dans les affaires

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Decision Page 4 citées par l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé. Le refus de la direction était raisonnable vu les circonstances, et elle n’est pas obligée de recourir à des heures supplémentaires uniquement aux fins d’acquiescer à une requête spéciale du fonctionnaire s’estimant lésé. On ne peut s’attendre à ce que ce genre de demande de congé soit approuvé selon les mêmes critères que les demandes normales d’un bloc de congé annuel.

À l’appui de son argument, le représentant de l’employeur a invoqué les affaires suivantes : Barry (dossier de la Commission : 166-2-26144); Bouffard (dossier de la Commission: 166-2-21327); Earle (dossier de la Commission : 166-2-21407); Nicholson (dossier de la Commission : 166-2-16080); Milette et Landry (dossiers de la Commission : 166-2-15368, 15369).

Dans sa réplique, l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué que les affaires invoquées par le représentant de l’employeur étaient différentes par rapport à la situation en l’espèce. L’employeur n’a déployé aucun effort pour satisfaire à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé. Si l’employeur a l’intention d’invoquer les exigences opérationnelles, alors il doit présenter des preuves à cet effet. Il n’a fourni aucun motif pour justifier son refus d’approuver la demande du fonctionnaire s’estimant lésé.

Motifs de la décision Il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que la direction a contrevenu à la clause 17.07 c) de la convention collective en ne lui accordant pas un congé annuel le 16 novembre 1994.

Les dispositions de la clause 17.07 et, pour des motifs qui deviendront apparents plus tard, de la clause 23.10, sont reproduites ci-dessous.

17.07 L’employé-e prend normalement son congé annuel pendant l’année financière il y devient admissible. L’employeur doit, sous réserve des nécessités du service, faire tout effort raisonnable pour

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Decision Page 5 a) prévoir un congé annuel d’au moins deux (2) semaines consécutives pour l’employé-e, si celui-ci en fait la

demande au plus tard le 1 er mai; b) donner ensuite la priorité aux demandes de congé annuel faites par les employé-e-s avant le 1er juin;

c) prévoir, sous réserve de a) et b) ci-dessus, le congé annuel de l’employé-e à une période acceptable pour ce dernier;

d) assigner les périodes de congé disponibles après le 1er octobre et après avoir consulté l’employé-e, si l’employeur n’a pas pu porter à l’horaire le congé pendant les périodes choisies par l’employé-e ou si, au 1er octobre, l’employé n’a pas informé l’employeur de la période de congé annuel qu’il a choisi;

e) permettre à l’employé-e de prendre à un moment convenu de l’année de congé suivante, tous les crédits de congé annuel acquis mais inutilisés pendant l’année de congé courante, à condition que l’employé-e en ait fait la demande par écrit avant le 1er octobre indiquant la ou les raisons d’une telle demande. L’approbation des demandes de ce genre se limite aux circonstances exceptionnelles qui nécessiteraient une période de congé annuel d’une durée ininterrompue plus longue que celle à laquelle l’employé-e aurait droit dans l’année de congé suivante et qui peut être accordée en tenant compte des droits à congé prévus des autres employé-e-s pour la période demandée. Toutefois, si les circonstances le justifient, il est pris en considération les demandes qui, si elles n’entraînent pas l’octroi d’une durée ininterrompue plus longue, entraînent néanmoins l’octroi d’une période de congé annuel plus longue que celle à laquelle l’employé-e aurait droit autrement pendant cette année;

f) accéder à la demande de l’employé-e visant à obtenir la permission de prendre un congé annuel de cinq (5) jours ou plus conformément à l’horaire des postes de travail de façon à tenir compte des jours de repos normaux de l’employé-e juste avant ou après la période de congé annuel.

23.10 Échange de postes - Employé-e-s d’exploitation À la condition qu’un préavis suffisant soit donné et que l’employeur donne son approbation, les employé-e-s

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Decision Page 6 peuvent échanger leurs postes si cela n’entraîne pas de frais supplémentaires pour l’employeur.

Cette approbation ne doit pas être refusée sans raison. Le fonctionnaire s’estimant lésé voulait prendre un congé annuel le lundi 16 novembre 1994 en vue de dépecer un orignal, une tâche qui exige environ une journée de travail. Il a déclaré avoir en vain essayer de trouver son surveillant le 14 novembre 1994; il n’a toutefois présenté sa demandé que le 15 novembre 1994; il venait de terminer un congé annuel d’une semaine.

Le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé a également révélé qu’il était normal qu’il y ait au moins deux techniciens par quart. Le fonctionnaire s’estimant lésé croyait que les échanges de postes étaient la responsabilité de la direction. Il a également reconnu avoir déjà par le passé obtenu l’autorisation de prendre congé sur court préavis.

Les parties ne contestent pas le fait qu’on aurait pu accéder à la requête du fonctionnaire s’estimant lésé de l’une de deux façons :

a) au moyen d’un échange de postes sans frais supplémentaires pour l’employeur;

b) en demandant à un autre supplémentaires.

Selon moi, les dispositions à prendre en vue d’échanger des postes sont la responsabilité du ou des employés qui désirent échanger leurs postes. Il suffit de relire le libellé de la clause 23.10 pour constater que le rôle de l’employeur est de veiller à ce que l’échange de postes n’entraîne pas de frais supplémentaires et qu’un préavis suffisant soit donné. Par conséquent, le rôle de l’employeur consiste à examiner ce genre de demandes, puis à les approuver ou non à la condition que cette « approbation ne [soit] pas refusée sans raison ». Naturellement, il faut au préalable que les employés qui désirent échanger de postes soient compatibles ou, en d’autres termes, qu’ils soient qualifiés pour effectuer le travail en question.

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technicien de faire des heures

Decision Page 7 L’argument du fonctionnaire s’estimant lésé est fondé sur la proposition qu’au moins un employé, M. Kent Gardner, était disponible pour le remplacer le 16 novembre 1994 et que l’employeur était obligé d’accepter ce remplacement même si cela devait entraîner le paiement d’heures supplémentaires. J’ai déjà expliqué pourquoi, selon moi, il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé de faire lui-même les démarches nécessaires pour effectuer un échange de postes. De même, je ne souscris pas à sa proposition concernant le paiement des heures supplémentaires.

La jurisprudence de la Commission invoquée par le fonctionnaire s’estimant lésé ne défend pas le point de vue selon lequel l’employeur ne peut jamais refuser de congé si le motif du refus est le paiement d’heures supplémentaires. Le paiement d’heures supplémentaires est en effet un des facteurs dont il doit tenir compte dans son évaluation des exigences opérationnelles.

Sauf erreur, cette jurisprudence suggère qu’en cas de manque chronique de personnel, l’employeur contrevient aux dispositions de la convention collective s’il refuse d’accorder un congé en vue d’éviter de payer des heures supplémentaires dans une situation il est lui-même responsable de ce manque chronique de personnel. En l’occurrence, on n’a pas fait la preuve qu’il y avait manque chronique. Par conséquent, dans un cas comme celui-ci, le paiement d’heures supplémentaires n’est qu’un des facteurs à évaluer pour déterminer si l’employeur a déployé tous les efforts raisonnables pour accorder un congé compte tenu des exigences opérationnelles. Les autres facteurs comprennent les démarches faites par l’employé, notamment le délai de préavis donné.

En l’occurrence, bien qu’il soit concevable que le fonctionnaire s’estimant lésé ait discuté de la possibilité de demander un congé même avant son départ à la chasse, la preuve n’a pas démontré que sa demande de congé avait été refusée à cause de l’absence d’un préavis suffisant. On n’a pas établi non plus que la demande avait été refusée parce que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas demandé à un collègue d’échanger de postes. Bien que l’on puisse supposer d’après les réponses fournies par l’employeur dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs que son motif ait été sa réticence à payer des heures supplémentaires, je n’ai reçu aucune preuve à cet effet. En fait, on n’a pas établi les motifs du refus de l’employeur. Même

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Decision Page 8 si le fonctionnaire s’estimant lésé a le fardeau de la preuve en l’occurrence, il n’a pas celui de démontrer les motifs du refus de l’employeur. Par conséquent, le redressement demandé, soit une déclaration que l’employeur a contrevenu à la clause 17.07 c) de la convention collective, est par les présentes approuvé.

Il est donc fait droit au grief. Louis M. Tenace, président suppléant

OTTAWA, le 16 janvier 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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