Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence - Mesure disciplinaire sous la forme d'une suspension ou d'une sanction pécuniaire - « Pas de travail, pas de salaire » - à son arrivée au travail un jour, on a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée, une agente de correction appartenant à la classification CO-I, d'occuper un poste de CO-II ce jour-là - elle a refusé, invoquant une politique interne qui exigeait de son superviseur qu'il affecte des employés qualifiés et volontaires aux postes intérimaires - la fonctionnaire avait indiqué dans le passé qu'elle n'était pas disposée à accepter des affectations intérimaires - à la suite de son refus, son superviseur l'a renvoyée à la maison et une journée de salaire a été soustraite de sa paie - l'employeur a fait valoir que l'arbitre n'avait pas compétence pour entendre le grief puisqu'il ne portait pas sur une question disciplinaire - il a aussi soutenu que la diminution de salaire était une mesure administrative justifiable en vertu du principe « pas de travail, pas de salaire » - l'arbitre a estimé, compte tenu de la preuve entendue, que la mesure prise constituait une mesure disciplinaire à la suite d'une insubordination perçue et s'est déclaré compétent pour entendre le grief - sur le fond, l'arbitre a estimé que la sanction disciplinaire imposée n'était pas justifiée compte tenu que la fonctionnaire s'estimant lésée avait déjà fait savoir précédemment qu'elle n'accepterait pas d'affectation intérimaire et puisque l'employeur ne respectait pas ses propres politiques. Grief admis. Décisions citées: Evans (166-2-17075, 17076); Castonguay (166-2-17531) et Beaudet (166-2-16491 à 16504 et 166-2-16505 à 16514).

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26814 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE CARRIE LAZETTE fonctionnaire s'estimant lésée et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général - Service correctionnel Canada)

employeur

Devant: Ian Deans, président Pour la fonctionnaire s'estimant lésée: Derek Dagger, avocat, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur: K. Willis

Affaire entendue à Kingston (Ontario), le 26 juin 1996

Decision Page 1 DÉCISION Le présent grief a été déposé par Carrie Lazette, une CX-COF-1 travaillant pour le Solliciteur général du Canada (Service correctionnel Canada) à l’Établissement de Joyceville, à Kingston (Ontario).

M me Carrie Lazette a déposé le grief suivant : [Traduction] J’ai été lésée du fait que le 13 avril 1995, le surveillant correctionnel R. King m’a retiré sans raison mon quart de travail de 15 h à 23 h.

La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé les mesures correctives suivantes :

[Traduction] 1) Que me soit remboursé tout l’argent qui a pu être déduit parce qu’on m’a empêchée de faire mon quart de travail;

2) Que l’on me donne l’option de faire retirer tout document traitant de cette affaire de tous mes dossiers d’employée;

3) Que le surveillant correctionnel King me présente des excuses en présence de A. Kelly, chef d’unité.

La preuve pertinente en l’espèce n’est pas contestée. La fonctionnaire s’estimant lésée s’est présentée au travail le 13 avril 1995, pour assumer ses fonctions habituelles. Elle avait antérieurement indiqué (le 16 janvier 1995, pièce G-2) qu’elle n’était pas intéressée à occuper, à titre intérimaire, un poste de niveau supérieur. Lorsqu’on l’a informée, le 13 avril 1995, qu’elle devait accepter un poste intérimaire au niveau d’agent de correction II, elle a refusé et a signalé à son superviseur que la politique de l’établissement, telle qu’énoncée dans la pièce G-1, était la suivante :

[Traduction] «Manifestement, la politique de l’Établissement a pour objet de garantir que tout employé occupant un poste intérimaire est qualifié pour exécuter les tâches du poste, peu importe la durée de l’intérim. Il incombe au surveillant correctionnel de service de s’assurer que seuls des agents qualifiés sont invités à assumer par intérim le rôle d’un agent de correction II. Dans tous les cas, il faut pressentir en premier lieu tous les employés qualifiés et intéressés avant

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Decision Page 2 d’ordonner à un autre employé qualifié d’occuper un poste par intérim. Le directeur adjoint, Services de gestion, veillera à ce qu’une liste soit distribuée aux surveillants correctionnels de sorte qu’ils puissent facilement déterminer si une personne est qualifiée pour occuper, par intérim, un poste d’agent de correction II, et si cette affectation l’intéresse.»

Son surveillant, M. King, lui a dit qu’il était très occupé en raison du changement de quart, et que si elle pouvait trouver une personne qualifiée pour la remplacer dans le poste intérimaire, il n’y aurait pas de problème. Elle a répondu que ce n’était pas son travail. Il était clairement indiqué dans la politique qu’il incombait au surveillant de s’assurer que seules des personnes qualifiées et intéressées étaient pressenties. Lorsqu’elle lui a demandé s’il n’y avait pas d’autres solutions, il a répondu que si elle ne voulait pas assurer l’intérim, elle devrait rentrer chez elle. C’est ce qu’elle a fait peu de temps après. L’employeur a alors déduit le salaire d’une journée pour la journée qu’elle n’a pas travaillée.

COMPÉTENCE L’employeur a contesté ma compétence dans cette affaire, et il a prétendu qu’il n’avait pas pris de mesure disciplinaire contre l’employée, mais qu’il avait plutôt appliqué le principe «pas de travail, pas de paye». Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir qu’une perte de salaire était nettement une mesure de nature disciplinaire, et qu’une employée qui se présente au travail et qui est disposée à exécuter les tâches rattachées à son emploi habituel a droit à son salaire. Il a soutenu qu’on avait ordonné à la fonctionnaire s’estimant lésée d’exécuter les tâches d’un poste classé à un niveau supérieur, en violation de la politique de l’établissement, que la perte de salaire découlait des agissements de l’employeur et qu’elle constituait nettement une mesure disciplinaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION Il ressort clairement de la preuve que si l’employeur avait suivi sa propre politique, ce conflit n’aurait jamais surgi. À la demande de l’employeur, la fonctionnaire s’estimant lésée avait déjà indiqué qu’elle ne voulait pas occuper à titre intérimaire un poste classé à un niveau supérieur. La politique de l’employeur est

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Decision Page 3 catégorique : «Il incombe au surveillant correctionnel de service de s’assurer que seuls des agents qualifiés sont invités à assumer, par intérim, le rôle d’un agent de correction II. Dans tous les cas, il faut pressentir en premier lieu tous les employés qualifiés et intéressés, avant d’ordonner à un autre employé qualifié d’occuper un poste par intérim.» [C’est moi qui souligne]. En l’espèce, la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas intéressée à occuper un poste par intérim, et elle estimait que la responsabilité de trouver une personne qualifiée et intéressée incombait uniquement au surveillant correctionnel.

Dans les circonstances de l’espèce, je conclus que la soustraction d’une journée de salaire de la paye de la fonctionnaire s’estimant lésée constitue une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire, tel que prévu à l’article 92 de la Loi. Mise à part sa décision de ne pas respecter sa propre politique, l’employeur a considéré les agissements de la fonctionnaire s’estimant lésée comme de l’insubordination, et il lui a donc imposé une mesure disciplinaire. L’employeur va jusqu’à reconnaître la nature disciplinaire de ses agissements au paragraphe 6 de son rapport d’enquête (pièce G-8). Ma décision concernant la question de la compétence est étayée par les décisions rendues dans Evans (dossiers de la Commission 166-2-17075, 17076), Castonguay (dossier de la Commission 166-2-17531) et Beaudet (dossiers de la Commission 166-2-16491 à 16504 et 166-2-16505 à 16514).

En me fondant sur la preuve, je conclus que le refus de la part de la fonctionnaire s’estimant lésée d’accepter un poste par intérim dans une situation l’employeur passait délibérément outre à sa propre politique et l’employée avait clairement indiqué qu’elle n’agirait pas comme CO-II ne peut justifier la mesure disciplinaire imposée. Il est fait droit au grief, et la fonctionnaire s’estimant lésée doit être remboursée immédiatement.

Ian Deans, Président

OTTAWA, le 26 août 1996 Traduction certifiée conforme

Serge Lareau Commission des relations de travail dans la fonction publique

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