Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement - Négligence - Tour de contrôle laissée sans surveillance par le contrôleur de la circulation aérienne - lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé, contrôleur de la circulation aérienne, s'est présenté au travail, il était seul dans la tour de contrôle, son collègue étant absent - plus tard pendant son poste de travail, le fonctionnaire a laissé la tour sans surveillance pendant 35 minutes pour vaquer à ses besoins personnels et pour déjeuner - l'absence du fonctionnaire a entraîné, entre autres irrégularités, le décollage de deux avions et l'atterrissage d'un autre sans autorisation de la tour - l'employeur a licencié le fonctionnaire pour cet acte d'inconduite - le fonctionnaire a soutenu qu'on lui avait laissé entendre qu'il pouvait s'absenter de cette façon, en dépit des politiques et pratiques de travail selon lesquelles de très courtes périodes seulement, généralement entre deux et cinq minutes, étaient tolérées pour les pauses «de soulagement» nécessaires - le fonctionnaire a également fait valoir que, le jour en question, il souffrait d'un mal de dos et de stress - l'arbitre a conclu que les politiques et pratiques de l'employeur étaient en vigueur depuis longtemps et que le fonctionnaire devait les connaître - l'arbitre a conclu que les actions du fonctionnaire justifiaient le licenciement - elle n'a pas trouvé convainquant le témoignage du fonctionnaire au sujet de son mal de dos et de son stress, et elle n'a pas estimé qu'il y avait une preuve suffisante de remords ou d'autres facteurs atténuants. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26720 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE BARRY JOHN GREEN fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant: Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Sean T. McGee et Catherine H. MacLean, avocats, Association canadienne du contrôle du trafic aérien

Pour l'employeur: Ronald M. Snyder, avocat Affaire entendue à Sudbury (Ontario), les 15, 16 et 17 novembre 1995 et les 7, 8, 9 et 10 mai 1996, et à Ottawa (Ontario) les 22 et 23 mai 1996.

Decision Page 1 DÉCISION À la suite d’un incident qui a eu lieu le 9 mai 1995, le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Barry J. Green, a été licencié du poste de contrôleur de la circulation aérienne qu'il occupait à l’aéroport de Sudbury. La présente décision fait suite au renvoi à l’arbitrage de son grief contestant son congédiement le 29 mai 1995. La lettre de congédiement adressée au fonctionnaire s’estimant lésé dit notamment :

[Traduction] Vous êtes par les présentes avisé de votre licenciement pour des motifs disciplinaires.

L’enquête sur votre conduite le 9 mai 1995 est maintenant terminée.

J’ai établi que, le 9 mai 1995, vous avez délibérément laissé la tour de contrôle de Sudbury sans contrôleur pendant environ 35 minutes. Ce faisant, vous avez risqué de compromettre la sécurité du public voyageur et vous avez négligé vos responsabilités de façon flagrante.

Ces actes constituent un abus de confiance irréparable. Par conséquent, je n’ai d’autre choix que de vous licencier de votre poste d’AI-OPR-02 à la fermeture des bureaux le lundi 29 mai 1995. Votre licenciement de la fonction publique se fonde sur des motifs disciplinaires et est conforme aux pouvoirs énoncés à l’alinéa 11(2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Il vous est loisible de déposer un grief pour contester cette décision.

M. Green était le seul contrôleur de service dans la tour de contrôle de Sudbury pendant le quart de jour le 9 mai 1995, le deuxième contrôleur prévu à l’horaire s’étant fait porter malade ce matin-là. M. Green ne savait pas qu’il travaillerait seul avant de se présenter au travail le matin de son quart. M. Green a laissé la tour sans contrôleur durant environ 35 minutes, pendant qu’il allait à la toilette, s’occupait d’autres questions d’hygiène personnelle et déjeunait au restaurant de l’aéroport.

Résumé de la preuve M. Mel Cooper, surintendant, Opérations de la tour de contrôle, région de l’Ontario, a témoigné que l’une des raisons d’être des contrôleurs de la circulation aérienne est d’assurer l’espacement entre les aéronefs (et les véhicules au sol) dans

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Decision Page 2 l’espace de contrôle intégral (sous le contrôle direct des contrôleurs de la circulation aérienne) d’une tour donnée. Lorsqu’un aéronef a déposé un plan de vol IFR (Règles de vol aux instruments) conformément au Règlement de l’air, l’espacement entre lui et les autres aéronefs IFR ou VFR (Règles de vol à vue) ainsi que les autres véhicules au sol est assuré.

Lorsqu’une tour est en service, cet espacement continue d’être assuré. Lorsqu’il n’est pas maintenu, le ministère des Transports a des responsabilités légales parallèles. Le contrôleur est responsable de la sécurité générale des aéronefs bien que dans chaque cas le pilote ait également une certaine responsabilité à cet égard.

Selon M. Cooper, le niveau de responsabilité du contrôleur de la circulation aérienne est «extraordinairement élevé». Pendant les heures de service, il faut qu’à tout moment donné un contrôleur soit présent dans la tour. C’est l’une des notions fondamentales de tout le système de contrôle de la circulation aérienne et sur laquelle la formation assurée au contrôleur met l’accent dès le début. Le contrôleur qui travaille seul peut prendre une pause, mais de quelques minutes seulement pour aller à la toilette. Il ne s’agit pas d’une pause déjeuner. Une pause déjeuner n’est pas envisagée en pareil cas.

Se reportant à la pièce E-6, le témoin a expliqué que cette politique s’applique à toutes les tours d’un bout à l’autre du pays et que le 9 mai 1995 elle était déjà en vigueur depuis des années. Elle est censée être conservée dans un relieur dans la cabine de la tour, mais elle n’y était pas le 9 mai 1995. Pour une raison qu’on ignore, elle avait été sortie, peut-être pour réexamen par la direction. Néanmoins, la politique demeurait en vigueur et elle l’était certainement le 9 mai, même si le document lui- même ne se trouvait pas dans la tour ce jour-là. La politique reste en vigueur à moins d’avoir été annulée.

Quoi qu’il en soit, les règles de base applicables aux pauses sont énoncées dans le MANOPS (Manuel d’exploitation). Une politique locale peut être plus détaillée mais elle ne peut aller à l’encontre du MANOPS. Le MANOPS l’emporte toujours.

Examinant les inscriptions faites aux registres par les autres contrôleurs dans la tour de Sudbury indiquant les pauses prises par eux au cours de la période de sept ans précédant le 9 mai 1995, M. Cooper a fait remarquer que ces pauses duraient en moyenne de trois à cinq minutes; dans un cas donné, la pause a duré jusqu’à 10 minutes. Les circonstances ne sont pas expliquées. La seule autre inscription

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Decision Page 3 sortant de l’ordinaire a été faite par Roger Larivière, un autre contrôleur de Sudbury, qui a pris une pause repas d’une demi-heure le 23 juillet 1994.

M. Cooper a expliqué que, pour répondre aux besoins des contrôleurs qui doivent manger alors qu’ils sont de service dans la tour, on a aménagé dans celle-ci une cuisine spacieuse dotée d’un grand réfrigérateur, d’une plaque chauffante, d’un grille-pain, de placards et de casiers d’entreposage des aliments. En outre, il y a un réfrigérateur et des appareils pour réchauffer et même cuire les aliments dans la cabine de la tour elle-même, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de sortir de la tour pour aller chercher à manger. Le 9 mai, tout particulièrement, il y avait de la nourriture dans la tour, y compris des céréales.

M. Cooper a déclaré que, si aucune pause n’est prévue, le contrôleur mange à son poste, s’il mange du tout, et seulement si le trafic le permet. Le contrôleur le sait et doit s’attendre à cette éventualité lorsqu’il se présente au travail. Le 9 mai 1995, on savait depuis un certain nombre d’années qu’un contrôleur pouvait s’attendre à travailler seul à certaines occasions.

M. Cooper a témoigné que M. Green s’était conformé à un certain nombre des procédures énoncées dans la politique locale mais non à toutes. Il n’avait pas le droit de sortir pour prendre une pause déjeuner. Toute pause prise doit être de courte durée, probablement d’au plus cinq minutes, à un moment «il n’y a aucun trafic connu ou prévu». En outre, M. Green a oublié d’apporter les modifications voulues aux informations enregistrées dans l’ATIS (Service automatique d’information de région terminale) qui fournit aux aéronefs des renseignements à jour sur un certain nombre de questions. Il faut modifier ces informations toutes les heures pour indiquer l’évolution des conditions. Un aéronef devrait pouvoir se fier aux informations fournies par le système ATIS.

M. Cooper a passé brièvement en revue un certain nombre de préoccupations sur le plan de la sécurité liées à l’absence de M. Green de la tour de contrôle.

Au moment M. Green a quitté la tour, un hélicoptère-école (EEN) s’exerçait à faire des «posés-décollés». Le fait d’avoir un élève-pilote aux commandes devrait en soi susciter de plus graves inquiétudes sur le plan de la sécurité. Un hélicoptère ne devrait jamais être laissé sans surveillance étant donné les restrictions de vol qui s’appliquent aux hélicoptères par rapport aux avions. Deux aéronefs aux indicatifs GILM et VAL attendaient de décoller. Le GILM était un aéronef Beach 100 pouvant

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Decision Page 4 transporter jusqu’à 12 ou 15 passagers. Le VAL 101 était une ambulance aérienne au service du ministère de la Santé de l’Ontario. On attendait aussi l’arrivée d’un aéronef portant l’indicatif OEL, un avion à turbopropulseur d’un partenaire des Lignes aériennes Canadien International pouvant transporter de 50 à 60 passagers.

Les aéronefs GILM et VAL 101 ont tous deux décollé en l’absence du fonctionnaire s’estimant lésé et sans aucune aide de la tour de contrôle. Ils ont décollé en retard et, selon les registres, il y avait des «problèmes de turbulence de sillage» dont ces aéronefs n’auraient pas eu connaissance. D’ailleurs, ils ont décollé sur la piste 22 qui va en sens contraire à la piste 4 annoncée comme ouverte sur l’ATIS inchangé. Il y aurait eu un risque d’accident si un aéronef avait choisi de décoller ou d’atterrir sur cette piste en l’absence d’un contrôleur et au moment le GILM ou le VAL décollait. M. Cooper a déclaré qu’entre la moitié et les deux tiers du trafic à Sudbury se compose de vols VFR non inscrits au tableau. D’ailleurs, le vol OEL du partenaire des Lignes aériennes Canadien International a atterri sur la piste 4 à peine 11 minutes après que les deux autres aéronefs eurent décollé de la piste 22.

Il y a une «équipe urgence écrasement» à l’aéroport en tout temps et la tour de contrôle est munie d’un «bouton urgence écrasement» qui sert à alerter cette équipe. S’il y avait eu une collision, il n’y aurait eu personne dans la tour pour alerter l’«équipe urgence écrasement».

Toutes les activités dans la tour de contrôle sont enregistrées. La tour est munie d’un téléphone «MACS» dont on peut se servir pour signaler un écrasement, un incendie de forêt et d’autres problèmes. Il sonne jusqu’à ce qu’on réponde. Ce téléphone a sonné sans arrêt pendant 11 minutes en l’absence de M. Green. Personne n’a jamais appris qui appelait ni pourquoi. Or, même quelques secondes peuvent revêtir une très grande importance dans une situation de vie ou de mort.

Une grande confusion a régné pendant l’absence de M. Green. Le témoin a déclaré que la confusion est inacceptable lorsqu’il s’agit de mouvements d’aéronefs. Il a donné un certain nombre d’exemples. L’hélicoptère-école a fait savoir qu’il était au point d’impact de la piste 22. En réalité, il était au point d’impact de la piste 12. Les bandes enregistrées révèlent que les aéronefs dans la zone de Sudbury, en communiquant entre eux, utilisaient les prénoms des pilotes plutôt que les indicatifs des aéronefs. La présence d’un contrôleur est obligatoire pendant les heures de service de la tour. Les aéronefs comptent sur le service qui sera assuré pendant ces heures.

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Decision Page 5 Lorsque l’aéroport est fermé pour la nuit, les aéronefs sont avisés qu’ils doivent utiliser leurs propres ressources et se fier aux systèmes mis en place pour l’espace aérien de classe E. Ils ne s’attendaient pas à se trouver dans cette situation durant les heures de service.

Les aéronefs GILM et VAL 101, décollant en l’absence de M. Green, n’ont pas obtenu l’espacement garanti auquel ils avaient droit. Le Centre de contrôle régional de Toronto n’a pu leur assurer cet espacement tant qu’ils n’ont pas décollé. L’OEL a aussi renoncer à l’espacement garanti afin de pouvoir atterrir.

Il y avait aussi un véhicule au sol, un camion ESSO, qui a appelé la tour à plusieurs reprises durant l’absence de M. Green. Finalement, il a vaqué à ses affaires, après avoir fait part de ses intentions sur la fréquence sol et non la fréquence tour. M. Green aurait veiller à ce que tous se servent de la même fréquence. Un autre hélicoptère, le GIGS, essayait d’atterrir en communiquant sur la fréquence tour. Or, un hélicoptère et un camion ESSO circulant dans la même zone et communiquant sur différentes fréquences présentent un danger.

Lorsque M. Larivière, un autre contrôleur de Sudbury, a pris une pause déjeuner de 30 minutes en juillet 1994, c’était avec la permission expresse de son gestionnaire, M. Eastaugh, qui a pris en compte certaines considérations spéciales. M. Larivière a quitté la tour à un moment les conditions de vol étaient très différentes de celles qui existaient au moment M. Green s’est absenté et, en outre, il a suivi toute les procédures à la lettre.

Au moment M. Cooper a interrogé M. Green au sujet des événements survenus le 9 mai, il a aussi interviewé les homologues de M. Green pour savoir comment ils avaient interprété la politique en ce qui concerne les pauses. M. Cooper a dit qu’il avait remis à M. Larivière en sa qualité de représentant syndical une copie des questions qu’il entendait poser. M. Larivière avait convenu d’en respecter le caractère confidentiel. Le témoin s’est dit absolument outré de ce qu’avant son entrevue avec M. Green il a vu à la cafétéria de l’aéroport M. Green et M. Larivière assis ensemble, les questions étalées sur la table devant eux. Il lui semblait évident que, contrairement aux instructions reçues, M. Larivière préparait M. Green à répondre aux questions.

En contre-interrogatoire, M. Cooper a nié avec colère avoir jamais dit à un autre contrôleur, Andrew Turner, en 1987 ou 1988, qu’il «aurait la peau» de M. Green. Il a

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Decision Page 6 déclaré en outre qu’en 1987 et 1988, il travaillait sur l’Île de Toronto et non à North Bay.

En recommandant le congédiement de M. Green, M. Cooper a tenu compte du fait que M. Green connaissait les règles régissant les pauses, qu’il avait quitté son poste délibérément et que la sécurité du public avait été compromise. Il a déclaré que la direction ne pouvait plus faire confiance à M. Green. Même si M. Green avait présenté ses excuses pour avoir oublié de modifier les informations enregistrées sur ATIS, il ne s’était excusé de rien d’autre. D’ailleurs, M. Green avait soutenu qu’il n’avait nullement compromis la sécurité des opérations par son absence et affirmé que, si les mêmes conditions se reproduisaient, il sortirait déjeuner de nouveau. M. Cooper a déclaré qu’il a pris en considération les 23 années de service de M. Green en recommandant le congédiement de ce dernier.

M. Sheldon Scholtz, gestionnaire de quart au Centre de contrôle de la circulation aérienne de Toronto le 9 mai 1995, a témoigné pour le compte de l’employeur. M. Scholtz a 27 années d’expérience dans le poste de contrôleur opérationnel. Le contrôleur au Centre de contrôle régional de Toronto qui était chargé du secteur de North Bay (qui comprend Sudbury) le 9 mai 1995 était Scott Taylor. M. Taylor a communiqué avec M. Scholtz ce jour-là. Il lui a dit qu’il ne parvenait pas à rejoindre le contrôleur de Sudbury après que celui-ci eut indiqué qu’il sortait déjeuner. Il était extrêmement étonné d’apprendre qu’un contrôleur travaillant seul était sorti déjeuner. Il a appelé son propre gestionnaire de quart, John Goulden, qui se trouvait à environ 50 pieds de lui, et lui a dit ce qui se passait. Il lui a demandé d’aller aux renseignements. M. Scholtz a ensuite dit à M. Taylor qu’il ne voulait pas qu’aucun aéronef soit autorisé à entrer dans la zone de Sudbury tant qu’ils n’auraient pas éclairci la situation. Ils n’avaient aucune idée des aéronefs qui se trouvaient dans la zone de Sudbury; il pouvait y avoir plein d’aéronefs inconnus. Ils craignaient d’ajouter à la congestion et à la confusion qui pouvait régner. Jusqu’à ce qu’il apprenne ce qui se passait, le contrôleur de Sudbury, M. Green, était responsable de son propre espace aérien. M. Scholtz est alors allé se tenir derrière le contrôleur de secteur, Scott Taylor, pour l’aider au cas une situation anormale se produirait. Ils étaient au courant des mouvements des aéronefs dans la zone à ce moment-là : le VAL 101 et le GILM, qui tous deux attendaient le message d’autorisation, et l’OEL, le vol du partenaire des Lignes aériennes Canadien International, à destination de l’aéroport de Sudbury. Comme le Centre de contrôle aérien de Toronto ne pouvait se charger de maintenir l’espacement des aéronefs dans la zone de Sudbury, ils ne pouvaient pas autoriser les Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 aéronefs GILM et VAL 101 à décoller. Ces aéronefs ont été avisés qu’ils ne recevraient pas l’autorisation de vol tant qu’ils ne seraient pas sortis de la zone de Sudbury. Ils devraient prendre les arrangements voulus pour leur propre décollage. Le témoin a déclaré qu’il n’avait jamais, en 27 ans d’expérience, eu connaissance d’une situation un contrôleur «seul en poste» aurait quitté la tour pour 30 à 35 minutes. Tout cela a imposé une charge de travail supplémentaire à M. Taylor, qui était en communication avec les aéronefs au sol à Sudbury qui lui demandaient des instructions qu’il n’était pas prêt à leur donner à partir du Centre de contrôle aérien de Toronto. En outre, il devait expliquer à l’aéronef OEL qui arrivait ce qui se passait. Il était tout à fait anormal pour le contrôleur de la circulation aérienne à Toronto de parler à un aéronef IFR au sol à Sudbury. Le Centre de contrôle régional de Toronto ne peut donner des autorisations de départ parce qu’il ne sait pas quel est le trafic dans la région de Sudbury ni quels aéronefs se trouvent sur les pistes. Pour M. Scholtz, il s’agissait d’un espace aérien de classe D (contrôlé par la tour); il n’y avait aucune indication contraire. Ils s’attendaient à ce que le contrôleur revienne incessamment. S’il s’était absenté un peu plus longtemps, ils auraient supposé qu’il était devenu incapable de travailler et ils auraient pris d’autres arrangements.

Quant au vol OEL du partenaire des Lignes aériennes Canadien International est arrivé, le contrôleur au Centre de contrôle régional de Toronto, Scott Taylor, a donner au pilote deux options. Soit le pilote annulerait son plan de vol IFR parce qu’on ne pouvait lui assurer l’espacement garanti entre lui et un autre vol IFR ou vol VFR connu et procéderait par lui-même, soit le Centre de contrôle régional de Toronto pourrait le garder en attente à l’extérieur de la zone jusqu’à ce que Toronto puisse rétablir la communication avec le contrôleur absent. Le vol OEL a décidé d’annuler son plan IFR afin de pouvoir atterrir. Ce faisant, il a renoncé à l’espacement garanti entre lui et les autres aéronefs.

Si M. Green avait fermé la tour, il y aurait eu certaines procédures à suivre pour retourner à la situation classe E. En contre-interrogatoire, M. Scholtz a refusé de reconnaître que, du point de vue de la sécurité et de la communication, il n’y aurait eu aucune différence véritable entre la situation qui s’est produite en l’absence de M. Green et celle qui aurait découlé de la fermeture de la tour créant un espace aérien de classe E, c.-à-d. un espace aérien non contrôlé.

M. Scholtz a témoigné que l’absence de M. Green a créé de la confusion au Centre de contrôle régional de Toronto parce que personne ne savait ce qu’était

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Decision Page 8 devenu M. Green. Ce dernier avait indiqué qu’il sortait déjeuner, situation sans précédent dans le cas d’un contrôleur «seul en poste». Ils ne savaient pas pendant combien de temps durerait son absence et ils s’attendaient à ce qu’il revienne d’un moment à l’autre. Comme ils devaient s’occuper de la situation à Sudbury en même temps de que leurs propres régions, il y a un eu un encombrement des fréquences de Toronto, situation peu souhaitable. À la suite de cet incident, un rapport CADORS (Rapport du Système de compte rendu quotidien des événements de l’Aviation civile) a été rédigé; ce rapport est transmis d’échelon en échelon suivant la chaîne de commandement jusqu’au ministre (pièce E-25).

M me Lillian Shelsted, commis administrative à la tour de Sudbury, a témoigné ensuite. Elle travaillait dans son bureau dans l’aire de réception de la tour le matin du 9 mai. Vers 11 heures, elle a reçu un appel téléphonique de M. Green lui demandant si M. Wayne Guembel, un membre de la direction, était là. Elle lui a dit que M. Guembel ne serait au bureau qu’après le déjeuner. Peu après, elle a entendu le téléphone de la tour commencer à sonner. Il y a eu entre six et huit différents appels à la tour auxquels elle n’a pas répondu parce qu’elle n’était pas compétente pour répondre aux appels à la tour. Elle a déclaré qu’elle occupait un poste de CR-03 à la tour de contrôle de Sudbury depuis janvier 1981 et a fait remarquer que le téléphone de la tour n’avait jamais auparavant sonné suffisamment longtemps pour que l’appel soit acheminé à son téléphone à elle en bas. Elle est devenue très inquiète. Vers 11 h 35, M. Green est arrivé et lui a dit qu’il était sorti déjeuner et que des avions volaient dans tous les sens, faisant un geste pour indiquer des avions volant au-dessus de sa tête. Elle a été stupéfaite, mais M. Green lui a semblé nonchalant. Il a continué de lui parler pendant quelques minutes au lieu de se rendre immédiatement dans la tour pour y reprendre ses fonctions. Il l’a quittée après qu’elle eut baissé la tête et commencé à écrire pour lui faire comprendre qu’il devrait partir. Il ne lui a pas dit qu’il avait eu besoin d’une pause. M m e Shelsted a déclaré qu’elle gardait toujours de la nourriture dans la salle à manger, c'est-à-dire du pain et de la margarine dans le réfrigérateur, des boissons gazeuses ou des jus de fruit et d’autres mets prêts à manger. Même si elle avait trouvé que M. Green agissait d’une manière nonchalante et avec désinvolture, en contre- interrogatoire elle a admis qu’il était peut-être fâché et contrarié.

Scott Taylor, le contrôleur responsable du secteur de North Bay au Centre de contrôle régional de Toronto le 9 mai 1995, a témoigné au nom du fonctionnaire s’estimant lésé. Il a déclaré qu’il était aussi pilote professionnel et qu’il avait une certaine expérience, ayant obtenu sa licence en 1990. À la date en question, il était Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 9 pleinement qualifié comme contrôleur depuis environ un an. Selon son témoignage, il était chargé ce jour-là à Toronto d’un stagiaire qui a en fait exécuté la plupart des tâches opérationnelles de son poste sous sa surveillance.

Interrogé au sujet du Manuel de gestion et d’administration des services de la circulation aérienne (pièce G-1, onglet 15) en vigueur depuis 1990, le témoin a déclaré qu’il n’avait jamais vu l’article en question avant le 9 mai 1995. Cet article dit ceci : 203.2 Le gestionnaire d’unité doit développer des lignes directrices à suivre par les contrôleurs et les spécialistes, lorsqu’ils doivent quitter leur poste d’exploitation respectif pour prendre une courte pause, et qu’aucune autre personne qualifiée n’est disponible pour assumer la responsabilité de ce poste.

203.2 Note 1 : Un contrôleur ou un spécialiste «seul en poste» ne devrait quitter son poste que par nécessité absolue. De plus, il devrait utiliser son jugement de façon à ne prendre que de courtes périodes de repos, et ce, au cours de périodes de la journée il n’y a aucun trafic connu ou prévu. Le contrôleur ou le spécialiste devra informer les unités appropriées (ex. : FSS locale, tour de contrôle, unité IFR, etc.) et diffuser sur la (les) fréquence(s) appropriées, qu’aucune personne ne sera en service à cette unité pour (nombre) minutes.

203.2 Note 2 Dès qu’un contrôleur de tour diffuse une absence de personnel à cette unité, la zone de contrôle redevient en espace aérien de classe D [maintenant classe E]; :la zone de contrôle redevient automatiquement un espace aérien de classe C, dès que le contrôleur diffuse la nouvelle de son retour.

203.2 Note 3 : La FSS fournira les mêmes services qu’elle fournit habituellement lorsque la tour de contrôle est fermée.

Il savait que lorsqu’une tour est fermée la nuit, la zone de contrôle redevient un espace aérien de classe E qui n’est pas contrôlé activement par la tour. Il ne savait pas qu’il en était de même lorsqu’une tour était laissée sans contrôleur, de sorte qu’il a continué de traiter cette zone comme un espace aérien de classe D.

Il n’est pas inhabituel pour un contrôleur travaillant seul de demander à prendre une pause. Le témoin a déclaré recevoir peut-être une demande de ce genre par mois, mais il s’agit généralement d’une pause de deux à cinq minutes. Selon lui,

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Decision Page 10 une pause de 35 minutes n’est pas normale. En pareil cas, l’espace aérien est toujours considéré comme un espace de classe D.

En outre, il n’est pas inusité pour un aéronef de passer du vol aux instruments au vol à vue sous le contrôle du pilote afin d’expédier les atterrissages. Il a soutenu que cette façon de procéder ne compromet pas la sécurité, sinon ils n’y auraient pas recours. Il a affirmé que les départs des aéronefs GILM et VAL sans l’aide de la tour le 9 mai s’étaient fait tout autant en sécurité que s’ils avaient décollé dans un espace aérien de classe E, c'est-à-dire lorsque la tour ne contrôle pas les mouvements. Toutefois, a-t-il ajouté, «je dois croire que les contrôleurs de la circulation aérienne servent à quelque chose; plus on a de renseignements, mieux ça vaut».

Les activités résultant de l’absence de M. Green avaient entraîné un accroissement de sa charge de travail.

Roger Larivière, qui occupe depuis octobre 1993 un poste de contrôleur à Sudbury et qui a plus de 19 ans d’expérience de ces fonctions, a ensuite témoigné. Il a occupé dans le passé le poste de secrétaire-trésorier de l’ACCTA et aussi le poste de président de section. Il a fait le récit des événements survenus le 23 juillet 1994 lorsqu’on lui a ordonné de travailler seul mais que son gestionnaire, M. Eastaugh, l’a autorisé à quitter son poste pour aller déjeuner. On lui a dit de confier le contrôle des activités à la FSS (Station d’information de vol) qui, à l’époque, était encore située à Sudbury; ce n’est qu’à la fin d’avril 1995 qu’elles ont déménagé à Sault Sainte-Marie. Il a informé le Centre de contrôle régional de Toronto qu’il sortait et changé les informations diffusées sur ATIS. Il faisait trop mauvais pour que les vols VFR reprennent avant midi. Quelque temps après l’événement, il en a informé M. Green.

M. Larivière a déclaré qu’il avait rencontré M. Green avant que celui-ci ne soit interviewé par M. Cooper. Il l’a rencontré en sa qualité de représentant syndical de M. Green. Il a déclaré qu’il a placé les questions sur la table mais qu’il ne s’en est servi qu’à titre de document de référence. Il a affirmé qu’il n’a pas divulgué les questions à M. Green. Alors qu’ils étaient ensemble à la cafétéria, M. Cooper les a vus et s’est mis en colère. Il était très fâché et a accusé M. Larivière d’abus de confiance, déclarant qu’il n’aurait pas sortir les questions du bureau.

Le témoin a déclaré qu’en juillet 1994, la FSS de Sudbury (Station d’information de vol) à laquelle il avait confié le contrôle des opérations avait bon nombre des capacités d’un contrôleur alors que la FSS de Sault Sainte-Marie en avait peu.

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Decision Page 11 M. Barry Green, le fonctionnaire s’estimant lésé, occupait un poste de contrôleur de la circulation aérienne à Sudbury depuis juin 1982. Il est âgé de 47 ans, marié et a deux enfants.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné de ses habitudes pour ce qui est des repas. Il ne peut prendre le petit déjeuner avant d’aller au travail. Comme il travaille généralement avec un autre contrôleur, il prend une pause et mange son petit déjeuner au restaurant de l’aéroport lorsque le trafic le permet. Il a déclaré qu’il ne garde jamais de nourriture dans la tour et n’en a jamais gardé, sauf peut-être un reste de pizza de temps à autre.

Avant d’avoir appris que M. Larivière avait été autorisé à prendre une pause déjeuner en juillet 1994, il avait toujours cru qu’une pause devait être aussi courte que possible compte tenu du besoin en question. Avant cela, il était sans précédent pour un contrôleur travaillant seul de quitter son poste pour aller prendre un repas. À son avis, il s’agissait d’une percée auprès de la direction qui maintenant «voyait que nous avons besoin de manger à des intervalles raisonnables». Il a reconnu en contre- interrogatoire, toutefois, que cette percée n’avait pas abouti à un changement dans les directives données aux contrôleurs.

Quant à faire venir quelqu’un en heures supplémentaires pour le remplacer le 9 mai, il ne croyait pas être autorisé à le faire et, de toute façon, cela aurait pris assez longtemps.

Il a parlé de son interprétation des politiques régissant les pauses, selon lesquelles celles-ci ne devaient être prises que lorsqu’il n’y avait pas de trafic connu ou prévu. D’après une conversation qu’il avait eue avec un gestionnaire précédent, Barry Cubitt, il croyait comprendre que ces pauses pouvaient être prises au cours de périodes de trafic minimal. Ce même gestionnaire l’avait convoqué dans son bureau à une autre occasion et lui avait dit qu’il n’était absolument pas autorisé à fermer la tour. Il était seulement autorisé à la laisser «sans contrôleur» lorsqu’il prenait une pause. Il a affirmé que c’est ce qu’il a fait à partir de ce moment-là. Pour lui, en sortant déjeuner, il avait laissé la tour «sans contrôleur», et c’est l’expression qu’il emploie dans sa conversation avec le préposé au Centre de contrôle régional de Toronto le 9 mai, qui est enregistrée. Ailleurs dans son témoignage, il a employé à plusieurs reprises le mot «fermée».

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Decision Page 12 Le 9 mai, il avait de fortes douleurs dans le dos après s’être blessé quelques jours plutôt. Il a pu travailler ses heures normales le 9 mai et ses postes les jours précédant le 9 mai. Il n’a pas pris de médicaments et n’est pas allé voir son médecin parce qu’il était persuadé que celui-ci ne pourrait rien faire pour lui.

En outre, il était stressé parce qu’une semaine auparavant, sa femme avait menacé de le quitter en emmenant les enfants. Il a relégué cette menace à l’arrière de sa pensée jusqu’au moment sa femme lui a téléphoné à la tour pour lui demander de l’argent, le 9 mai. Cette conversation, qui a été enregistrée, a ravivé une partie du stress qu’il avait subi auparavant. On a fait passer l’enregistrement de cette conversation sur magnétophone à l’audience. En fin de compte, sa femme a constaté qu’elle n’avait pas les moyens de le quitter de sorte qu’elle vit encore avec lui.

Il a appris à 7 heures du matin qu’il travaillerait seul ce jour-là, son partenaire, Jim Thompson, s’étant fait porter malade. Durant la matinée, il a ressenti le besoin d’aller à la selle mais il n’a pas pris de pause parce que (1) il attendait que Wayne Guembel, un membre de la direction, arrive et le relève et il a continué de regarder pour voir si son camion arrivait mais en vain et (2) il y avait trop de trafic.

En contre-interrogatoire, toutefois, le fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu qu’à au moins huit reprises ce matin-là il y avait eu des pauses dans la circulation qui lui auraient donné le temps d’aller à la toilette et de retourner à son poste dans la tour.

Il a témoigné que, même s’il n’a jamais vraiment ressenti le besoin de manger ce matin-là, il a commencé à avoir mal à la tête et savait qu’il avait besoin de se sustenter. À 11 h, son besoin d’aller à la toilette était urgent et son mal de tête empirait.

Il a commencé à feuilleter les livres dans la tour pour voir s’il pouvait trouver la politique locale sur les pauses. Il a constaté que le document manquait. Il n’a pas pensé à regarder dans le MANOPS qui, il en a convenu, était la bible des contrôleurs. L’article 113.5 de ce manuel et la note qui suit (pièce E-5) disent ce qui suit : 113.5 Les surveillants peuvent accorder des pauses au personnel en combinant les postes d’exploitation, à condition : (N)

A. que le volume de travail en cours et prévu le permette; et

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Decision Page 13 B. que l’employé puisse être rappelé rapidement. 113.5 Note : Dans la mesure la dotation en personnel et le volume de travail le permettent, les employés pourront quitter leur poste de travail pour : --- de courtes pauses; et --- une période raisonnable de repas.

Il a regardé dans la tour pour voir s’il y avait de la nourriture mais n’a rien trouvé. Il n’a pas pensé à se faire livrer de la nourriture ou à demander à M me Shelsted en bas de lui apporter quelque chose à manger. Il a témoigné qu’il croyait être autorisé à prendre une pause déjeuner. Il a décidé d’aller déjeuner et il en a avisé le Centre de contrôle régional de Toronto et envoyé un message par télécopieur à la FSS de Sault Sainte-Marie l’informant qu’il laissait la tour sans contrôleur mais ne précisant pas pendant combien de temps il serait absent. Il a oublié de changer le message sur ATIS, de sorte que le système a continué de diffuser certaines informations incorrectes pendant son absence.

Avant de partir, il a téléphoné en bas et demandé à M me Shelsted si Wayne Guembel était dans son bureau. Il a témoigné qu’il est resté encore pendant environ une minute ou une minute et demie dans la cabine de la tour à regarder autour de lui en se demandant ce qu’il pouvait faire d’autre. Il était très fâché contre la direction pour l’avoir laissé dans la tour sans lui donner de directives. Il avait un besoin urgent d’aller à la toilette. En fait, il ne s’y est pas rendu à temps et s’est sali. Il a lavé ses sous-vêtements à la toilette et est allé les porter dans son camion. De là, il est allé directement au restaurant il a commandé un spaghetti, le «spécial du jour», c'est-à-dire ce qui lui serait servi le plus rapidement, il s’est assis, il a mangé et il est retourné à la tour. Pendant qu’il était au restaurant, il a vu le vol GILM décoller et, en revenant, il a vu le vol Voyageur décoller également. Il n’a pas remarqué l’heure parce que, comme il l’a dit lui-même, il «ne porte pas de montre». Plus tard, il a inscrit ces départs au registre.

Il s’est arrêté pendant deux minutes à la réception pour dire à M était allé déjeuner et que «des avions volaient dans tous les sens ». Il a expliqué qu’il est resté pendant deux minutes pour reposer son dos en s’appuyant les mains sur le comptoir.

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m e Shelsted qu’il

Decision Page 14 Il a déclaré qu’il n’avait pas été informé des services qui seraient fournis par la FSS de Sault Sainte-Marie après le récent déménagement de celle-ci de Sudbury. Il croyait que ces services seraient semblables à ceux assurés par la FSS de Sudbury. En contre-interrogatoire, il a reconnu avoir signé un document intitulé «Mandatory Briefing» (séance d’information obligatoire) (pièce E-27) indiquant qu’on lui avait effectivement fourni cette information. Il n’a pu se rappeler avoir signé le document ni s’être fait communiquer les informations en question.

Il n’avait aucune inquiétude sur le plan de la sécurité durant sa pause. Il était convaincu que les aéronefs circuleraient comme ils le feraient si la tour était fermée, ce qui est le cas entre 23 h et 7 h.

Environ 17 minutes après son retour à son poste dans la tour, M. Cooper l’a appelé pour lui demander s’il s’était absenté pour aller déjeuner. (Au cours de cet appel téléphonique, M. Green n’a pas parlé à M. Cooper de ses problèmes de dos, de son besoin d’aller à la toilette ou des autres stress qu’il subissait.) M. Cooper était fâché et a élevé la voix au point le stress de M. Green, selon celui-ci, a pratiquement doublé. Plus tard, M. Cooper l’a interviewé. Même si M. Cooper a accusé M. Larivière d’avoir montré les questions à M. Green et d’avoir préparé celui-ci à y répondre, le fonctionnaire s’estimant lésé a nié que cela avait été le cas.

M. Green fut interrogé au sujet de l’échange suivant (pièce E-22) qui s'est déroulé au cours de l’entrevue: Q: Quand peux-tu quitter la tour pour prendre une pause repas?

R : Lorsqu’il le faut pour des raisons de santé, pour continuer d’exécuter le travail.

Q : Laisserais-tu la tour sans contrôleur pour aller prendre un repas?

R : Oui. M. Green a nié que cela voulait dire qu’il agirait de la même façon une autre fois. Il a témoigné que maintenant il garderait probablement des aliments non périssables à portée de la main au cas il serait à nouveau appelé à travailler «seul en poste». Il a ajouté, toutefois, qu’il ne pouvait pas conserver suffisamment d’aliments non périssables dans le petit casier fourni pour en faire un repas.

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Decision Page 15 Il a témoigné que, lors de l’entrevue que lui a fait passer M. Cooper le 15 mai 1995, il s’était excusé d’avoir oublié de modifier les informations diffusées sur ATIS. Il croyait aussi présenter ses excuses pour tout, «pour toutes les erreurs que j’avais apparemment commises». Lorsque son avocat lui a demandé quelle avait été sa réaction à la déclaration de M. Cooper à l’effet qu’à son avis on ne pouvait plus lui faire confiance, le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu que jamais, au cours de ses 24 ans de service, n’avait-il pensé qu’un pilote ou un contrôleur aurait quelque chose de négatif à dire à son propos. Il a ajouté : «Je ne crois pas qu’on devrait parler de moi comme l’a fait M. Cooper simplement parce que j’ai oublié une chose». À son avis, M. Cooper avait «réagi de façon excessive».

En contre-interrogatoire, M. Green a déclaré que, lorsqu’il est sorti déjeuner, il y a avait 50 % de chances que ni l’aéronef GILM ni l’aéronef VAL ne décolleraient avant la fin de sa pause repas. Il a reconnu que, pendant sa pause, le vol OEL du partenaire des Lignes aériennes Canadien International avait tâché de communiquer avec la tour à trois reprises sans y parvenir.

M. Green a reconnu qu’aucune disposition de la convention collective ne précisait qu’il avait droit à une pause repas quelle que soit la situation; il pouvait cependant prendre une pause repas sous réserve des exigences du service. En outre, il a convenu que le MANOPS ne précise pas non plus que les contrôleurs ont un droit absolu à une pause repas. Toutefois, il a indiqué qu’il était peu probable qu’il ait consulté le MANOPS avant le 9 mai. «Je ne lis pas le MANOPS», a-t-il déclaré. Lorsqu’on lui a dit que le MANOPS était la bible des contrôleurs de la circulation aérienne, il a déclaré : «Pas pour moi». Il a affirmé savoir depuis 1990 qu’il pourrait être appelé à travailler «seul en poste» mais a affirmé qu’il «n’avais jamais de toute sa vie apporté son déjeuner, sauf de la pizza une ou deux fois».

Lorsqu’il a parlé à M. Cooper à son retour de la tour, ils n’ont parlé que du fait qu’il sortait déjeuner. Il n’a pas dit à M. Cooper qu’il avait cherché la politique régissant les pauses (pièces E-6) et qu’il ne l’avait pas trouvée, et il ne lui a pas parlé non plus de son besoin urgent d’aller à la toilette, de son problème de dos ou du stress que lui avait causé l’appel téléphonique de sa femme. Selon M. Green, ce n’étaient pas des choses à expliquer au téléphone.

On a interrogé M. Green au sujet de sa déclaration à l’effet qu’il savait que M. Larivière avait reçu l’autorisation de sortir déjeuner. On lui a posé des questions

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Decision Page 16 également au sujet de l’enregistrement d’une conversation (pièce E-29), qu’on a fait passer sur magnétophone à l’audience, qu’il avait eue avec M. Larivière le 15 mai 1995. Voici la transcription intégrale de cette conversation : [Traduction] TRANSCRIPTION - TOUR DE CONTRÔLE DE SUDBURY APPEL TÉLÉPHONIQUE - 15 MAI 1995

HEURE TOUR/SOL COMMUNICATION M. Roger Larivière - (RL) M. Barry Green - (BG)

22:20:08 RL Allo 22:20:08 BG Allo 22:20:09 RL Comment ça va? 22:20:09 BG Bien 22:20:10 RL Passé un bon week-end? 22:20:10 BG Et bien non, pas vraiment. 22:20:11 RL Pas vraiment? Ha, ha, ha, ces questions sont stupides, n’est- pas? 22:20:17 BG Ha, ha, ha. 22:20:17 RL Euh, oui, allons. Euh, j’ai euh, toutes ces autres personnes à voir, tu es toujours à deux heures, je vais prévoir d’être ici vers, bon, je serai ici tôt, je parlerai à Cooper avant 22:20:34 BG Oui 22:20:36 RL et euh, je suppose qu’ils auront des questions, apparemment, --- prêtes, qu’ils vont te poser 22:20:39 BG Oui 22:20:40 RL OK, alors, une fois que je l’ai fait, ce qu’ils vont faire, ils voudront parler à d’autres personnes, je ne sais pas de quoi il s’agit 22:20:47 BG Oui 22:20:47 RL alors, j’aurai toutes ces questions aussi, apparemment, de sorte que j’aurai une idée. Mais certainement avant que nous y allions. C’est essentiellement ce dont nous avons parlé l’autre jour, toi et moi, nous aurons juste une petite chose

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Decision Page 17 22:21:00 BG Oui 22:21:01 RL Euh, un autre facteur c’est, comme je l’ai dit, et c’est la façon dont je vois les choses -- - cette histoire de l’ATIS au sujet de laquelle nous ne pouvons rien faire 22:21:05 BG Non 22:21:06 RL Non, tu as, euh, soit, tu as oublié ou quoi que ce soit 22:21:07 BG Oui, c’est bien ça 22:21:09 RL Euh, la seule chose c’est que probablement, ce sur quoi ils se concentreront, c’est la justification ou la raison pour laquelle tu as cru être en droit d’aller 22:21:15 BG Hem, hem 22:21:16 RL et essentiellement, d’après ce que je peux voir, tout ce que tu peux invoquer comme raison, c’est que j’ai fait la même chose 22:21:19 BG Oui, non, non, je ne veux pas dire ça 22:21:22 RL Mais non, c’est ce que j’ai fait! 22:21:22 BG Bon, et après! 22:21:24 RL Eastaugh m’a dit de le faire 22:21:26 BG Quoi? 22:21:26 RL Eastaugh, je veux dire qu’Eastaugh m’a dit d’aller 22:21:27 BG Ah, vraiment? 22:21:28 RL Et, oui! 22:21:29 BG Ah, je suis désolé, je ne le savais pas 22:21:29 RL Et, oui! 22:21:30 BG Bon, tu vois, je ne dirais rien, non 22:21:35 RL Ah, non! 22:21:35 BG (inintelligible), Roger. 22:21:36 RL Je l’ai inscrit et tout. Non, non, c’est inscrit et tout. 22:21:36 BG Ah ----- OK, je suis désolé, je ne le savais pas, OK. 22:21:39 RL Oui, oui 22:21:40 BG OK, moi, je n’allais pas en souffler un mot, je croyais que ça restait entre toi et moi et que ça n’irait pas plus loin 22:21:43 RL Ah, non, non, non. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 18 22:2144 BG Ah, je suis content de te l’entendre dire parce que je ne l’aurais jamais 22:21:47 RL Et bien, c’est ce que je veux dire 22:21:49 BG mentionné, jamais 22:21:50 RL C’est bien ce que je dis, on se rencontre avant, OK? 22:21:50 BG OK, OK 22:21:51 RL Quelques petites choses 22:21:52 BG OK 22:21:54 RL De sorte que tu arriveras, je ne sais pas, vers une heure? 22:21:59 BG Certainement, ça marche pour moi 22:22:01 RL J’ai un examen médical vers 11 h 22:22:01 BG Oui 22:22:02 RL Ensuite, je reviens ici 22:22:03 BG D’accord 22:22:04 RL Oui, merci d’avoir appelé 22:22:07 BG À demain 22:22:08 RL À demain 22:22:10 BG Aurevoir Malgré l’enregistrement, le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’il était au courant de l’autorisation donnée et il a expliqué le dialogue en déclarant qu’il ne savait pas qu’une autorisation avait été consignée au registre. Il a ajouté : «Je croyais qu’il voulait parler d’une autorisation écrite».

Il a déclaré que M. Cooper avait réagi de façon excessive aux événements survenus le 9 mai. M. Cooper n’aurait pas parler de lui comme il l’avait fait simplement parce qu’il avait omis de faire une chose.

M. Andrew Turner, contrôleur occupant un poste d’AI-5 à l’aéroport d’Ottawa depuis 1990, a témoigné au nom du fonctionnaire s’estimant lésé. Il connaissait MM. Mel Cooper et Barry Green sur le plan professionnel depuis de nombreuses années. Il s’est rappelé d’une conversation qu’il avait eue avec Mel Cooper en 1987 ou 1988. Il croyait que M. Cooper était le gestionnaire des opérations en région terminale à North Bay à l’époque. Il ne se souvenait pas comment la question était arrivée sur le tapis et il n‘a pu se rappeler si d’autres personnes avaient pu entendre la conversation. Il a déclaré que M. Cooper lui avait dit qu’il se vengerait de M. Green d’une façon ou

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Decision Page 19 d’une autre. M. Tunner a ajouté qu’il ne savait rien de ce qui avait pu se passer entre M. Green et M. Cooper. Ils n’ont plus jamais reparlé de M. Green.

M. Roger Larivière a été rappelé pour témoigner au sujet de l’enregistrement (pièce E-29) de sa conversation avec M. Green le 15 mai. Il a produit ses notes personnelles dans lesquelles il avait consigné que M. Green lui avait dit, le 12 mai, qu’il savait que M. Larivière avait été autorisé à quitter la tour (pièce G-21). Le passage pertinent de ces notes dit ceci : «Me suis rappelé que Eastaugh a dit à R.L. de prendre une pause raisonnable dans la même situation».

Argumentation de l’employeur L’avocat de l’employeur fait valoir que M. Green, en sortant déjeuner et laissant la tour sans contrôleur pendant 35 minutes, a commis un méfait grave qui a créé de nombreux risques d’accident et pourrait créer d’autres situations dangereuses à l’avenir. Le vol OEL a renoncé à l’espacement garanti entre lui et les autres aéronefs, auquel il avait droit lorsque le pilote a déposé ses plans de vol aux instruments, pour être autorisé à atterrir. Selon le témoin Scholtz, c’était la première fois au cours de ses 28 années de service qu’il avait vu un vol IFR qui arrivait obligé de renoncer à l’espacement garanti afin de pouvoir atterrir.

L’avocat de l’employeur signale l’absence de franchise du fonctionnaire s’estimant lésé à plusieurs reprises pendant son témoignage. Il fait valoir que, même si M. Green a soutenu que l’un des facteurs qu’il a pris en compte dans sa décision de quitter la tour le 9 mai était le fait qu’il savait que M. Eastaugh, le gestionnaire, avait permis à M. Larivière de quitter son poste pour prendre une pause déjeuner en 1994, la transcription de l’enregistrement du 15 mai révèle qu’il n’était pas au courant de ce fait avant le jour même (pièce E-29). La transcription est parfaitement claire et sans ambiguïté. En outre, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il n’avait pas été informé du déménagement de la Station d’information de vol de Sudbury (FSS) à Sault Sainte-Marie. Cependant, lorsqu’on lui a montré le document intitulé «Mandatory Briefing» (pièce E-27), il a reconnu sa signature, qu’il avait apposée pour attester du fait qu’il avait pris connaissance de la teneur du document.

Les fortes douleurs au dos dont s’est plaint M. Green sont très suspectes étant donné que celui-ci n’a pas consulté un médecin, n’a pas pris de médicaments, et n’en a parlé à personne. Aucun des contrôleurs avec lesquels il avait travaillé pendant les jours précédant le 9 mai n’est venu témoigner au sujet de problèmes de dos que

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Decision Page 20 M. Green aurait pu avoir au travail. L’avocat de l’employeur affirme en outre que M. Green n’a pas vraiment dit la vérité au sujet de son besoin urgent d’aller à la toilette. Il y a eu à huit reprises environ des périodes de jusqu’à 20 minutes sans trafic pendant lesquelles M. Green aurait pu descendre pour aller à la toilette. Il aurait pu aussi téléphoner au bureau en bas pour demander à M. Guembel de le remplacer pendant qu’il allait à la toilette au cours de la matinée. M. Guembel aurait pu arriver au travail par un autre chemin. M. Green n’a rien pas fait de cela, déclarant qu’il regardait pour voir si le camion de M. Guembel arrivait. Selon l’avocat de l’employeur, M. Green a tâché de nous induire en erreur en déclarant qu’il était stressé par un appel téléphonique de la part de sa femme et que c’était l’un des facteurs dans sa décision de sortir de la tour. Il me prie de me reporter à la bande enregistrée qu’on a fait passer sur le magnétophone à l’audience et sur laquelle on n’entend personne élever la voix, aucune remarque injurieuse, seulement un mari et une femme qui se parlent d’une manière cordiale et civile.

Il ne faut pas se fier à l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle il a été influencé par le fait que la politique visant les pauses ne se trouvait pas dans la cabine de la tour le 9 mai 1995. Il s’agit de déterminer s’il en connaissait néanmoins la teneur. Cette politique, qui stipule que le contrôleur peut prendre des pauses de quelques minutes seulement et ce, seulement lorsqu’il n’y a aucun trafic connu ou prévu, était en vigueur depuis 1990. Après 23 ans de service, il serait difficile pour le fonctionnaire s’estimant lésé de prétendre qu’il ne savait pas à quoi on s’attendait de lui le 9 mai 1995.

Le fonctionnaire s’estimant lésé était président d’une section de l’ACCTA pendant neuf ans et un représentant de l’ACCTA. Il aurait savoir que la convention collective ne prévoyait pas de pause repas garantie. Le paragraphe 13.01(3) stipule que les pauses repas doivent être prises sous réserve des exigences du service. Il me renvoie à l’article 113.2 du MANOPS et à la note qui l’accompagne (pièce E-5).

En sa qualité de contrôleur expérimenté, il aurait être prêt à travailler seul au besoin. Il aurait pu apporter son déjeuner ou prendre d’autres arrangements pour se procurer quelque chose à manger ce jour-là. L’avocat de l’employeur se fonde sur l’affaire Whittley (dossier de la Commission 166-2-16199).

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Decision Page 21 Argumentation du fonctionnaire s’estimant lésé L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé fait valoir que, lorsque celui-ci a laissé la tour «sans contrôleur» le 9 mai, la zone de contrôle est redevenue un espace aérien de classe E, c'est-à-dire un espace aérien non contrôlé par la tour (pièce G-1, onglet 15). De 23 h jusqu’à ce que la tour rouvre le matin, l’espace aérien de la tour de Sudbury est un espace aérien de classe E, c'est-à-dire non contrôlé. Certaines procédures sont en place permettant aux aéronefs d’utiliser l’aéroport pendant les heures non contrôlées. Selon l’avocat, les aéronefs ont fait ce qu’ils étaient censés faire pendant l’absence de M. Green : ils ont procédé comme s’il s’agissait d’un espace aérien non contrôlé de classe E. Il m’incite à conclure à des démêlés antérieurs entre M. Green et M. Cooper qui auraient, à tort, amené M. Cooper à décider de congédier le fonctionnaire s’estimant lésé.

À cause d’une conversation qu’il avait eue quelques années auparavant avec un ancien gestionnaire, M. Cubitt, M. Green a pensé qu’il pouvait prendre une pause pendant une période d’alcamie dans la circulation. En outre, M. Green savait le 9 mai qu’on avait permis à un autre contrôleur, M. Larivière de prendre une pause repas en juillet 1994.

Le jour en question, M. Green souffrait de problèmes de dos et la douleur peut être une source de stress. M. Green était également en proie à d’autres stress ce jour-là. À son arrivée au travail, il avait appris qu’il serait obligé de travailler seul parce qu’un autre contrôleur s’était fait porter malade. L’appel qu’il a reçu de sa femme lui demandant de l’argent était stressant puisqu’une semaine auparavant à peine elle lui avait parlé de le quitter en emmenant les enfants. Son besoin urgent d’aller à la toilette et son besoin de manger pour apaiser son mal de tête sont aussi des circonstances atténuantes. Tous ces facteurs vont à l’encontre de l’imposition d’une sanction grave à M. Green. Si M. Green a commis une erreur de jugement, il faut considérer que ces facteurs stressants pour lui ont contribué à cette erreur de jugement.

En décidant quoi faire, M. Green s’est rappelé que, dans une autre situation difficile survenue un an auparavant, M. Larivière avait fermé la tour et était allé déjeuner. C’est ce que confirment les notes de M. Larivière de son entretien avec M. Green, le 12 mai 1995. Sauf qu’il a omis de modifier les informations diffusées sur

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Decision Page 22 ATIS, M. Green s’est montré consciencieux dans les précautions qu’il a prises en quittant la tour.

L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé fait valoir que, même si la plupart des pauses durent de trois à cinq minutes, d’autres contrôleurs dans le passé ont déjà pris des pauses plus longues. Il me renvoie aux affaires suivantes : Whittley (supra); Lumber & Sawmill Workers’ Union, local 2537 and KVP Co. Ltd. (1965), 16 LAC 73; Caruana (dossier de la Commission 166-2-25276); Douglas (dossier de la Commission 166-2-18237); MacDonald (dossier de la Commission 166-2-15227 et 15228); Powell River General Hospital and British Columbia Nurses’ Union (1995), 46 LAC (4th) 177; Deering (dossier de la Commission 166-2-26518).

Me renvoyant à un certain nombre de circonstances atténuantes, l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé me prie de ne pas oublier qu’une mesure disciplinaire est censée être une mesure corrective et de réadaptation. À son avis, M. Green peut s’amender et il est peu probable qu’il lui vienne jamais à l’esprit de nouveau de laisser la tour sans contrôleur.

Motifs de décision Le fait que M. Green a quitté son poste pendant environ 35 minutes pour déjeuner au restaurant de l’aéroport n’est pas contesté.

Une grande partie de la défense de M. Green se fondait sur l'argument que sa conduite n’était pas extrêmement grave puisque la tour de l’aéroport de Sudbury est fermée chaque soir de 23 h à 7 h et que, par conséquent, pendant l’absence de M. Green le 9 mai, les aéronefs s’étaient comportés comme ils l’auraient fait pendant les heures de nuit et avec le même degré de sécurité. Je ne puis accepter cet argument. Les contrôleurs à Toronto s’attendaient à ce que M. Green revienne d’une minute à l’autre. En l’absence d’autres renseignements, ils ont procédé en se fondant sur cette hypothèse et ils ont continué de traiter la zone de Sudbury comme espace aérien contrôlé. M. Green continuait d’exercer le contrôle sur son propre espace aérien. La possibilité de confusion tient au fait que personne ne savait exactement ce qui se passait, était le contrôleur et combien de temps durerait son absence. Les aéronefs et les véhicules de l’aéroport s’attendent à un contrôle intégral sauf durant certaines heures. Ils ont le droit de compter là-dessus et d’établir leurs plans en conséquence.

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Decision Page 23 L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a maintenu qu’en l’absence de celui- ci, l’espace aérien redevenait un espace de classe E. Que ce soit le cas ou non, le Manuel de gestion et d’administration des services de la circulation aérienne précise clairement qu’un contrôleur «seul en poste» ne doit quitter son poste que par nécessité absolue, pour quelques minutes seulement et ce, seulement lorsqu’il n’y a aucun trafic connu ou prévu.

J’accepte le témoignage de M. Cooper à l’effet que dans leur formation et par leur expérience, tous les contrôleurs apprennent qu’à tout moment un contrôleur doit être présent dans la tour pendant les heures de service, et que même si la directive sur les pauses ne se trouvait pas dans la tour, M. Green n’était nullement excusé de remplir cette obligation. En sa qualité de contrôleur chevronné, M. Green savait ce qu’il était censé faire. Il a tout simplement décidé le 9 mai de sortir déjeuner, faisant abstraction de ces principes fondamentaux de contrôle de la circulation aérienne.

En outre, il ne s’agit pas ici d’un contrôleur qui s’est trouvé dans une situation d’urgence extrême, qui avait absolument besoin de prendre une pause pour aller à la toilette et qui est revenu le plus vite possible à son poste après avoir d’abord pris toutes les précautions possibles pour éviter les problèmes en son absence. M. Green, tout simplement, est sorti déjeuner.

De plus, il y avait plusieurs moments au cours de la matinée le trafic lui aurait permis de prendre une pause s’il en avait absolument besoin. Or, malgré son besoin urgent d’aller à la toilette, avant de quitter la tour il a annoncé aux préposés au contrôle de la circulation aérienne à Toronto qu’il allait déjeuner. De même, au cours de sa conversation téléphonique avec M. Cooper 17 minutes seulement après son retour à son poste dans la tour le 9 mai, la seule raison qu’il a donnée à M. Cooper pour expliquer son absence était qu’il était allé déjeuner. Il reconnaît qu’il n’est pas revenu à son poste après être allé à la toilette et avant d’aller déjeuner.

Le fonctionnaire s’estimant lésé aurait savoir pertinemment qu’en sa qualité de contrôleur «seul en poste» responsable de la tour, il ne devait pas quitter son poste sauf s’il n’y avait pas de trafic et alors seulement pour prendre une courte pause par nécessité absolue, ce qu’on a interprété dans le passé comme voulant dire pour aller à la toilette. Même si le document exposant la politique concernant les pauses ne se trouvait pas dans la cabine de la tour le jour en question, le fonctionnaire a montré qu’il était bien au courant de la politique elle-même.

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Decision Page 24 Le fonctionnaire s’estimant lésé a décrit en détail comment il s’était sali en allant à la toilette, avait laver ses sous-vêtements et les avait déposés dans son camion avant d’aller déjeuner. Lorsqu’il a parlé à M m e Shelsted à son retour à son poste dans la tour, il lui a dit qu’il était sorti déjeuner mais il n’a mentionné aucune autre urgence personnelle ou autre indisposition. Visiblement, la principale raison pour laquelle il s’était absenté de la tour était pour lui à ce moment-là, comme avant, le désir d’aller déjeuner.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a justifié le fait qu’il était sorti déjeuner alors qu’il y avait du trafic dans sa zone en affirmant qu’un ancien gestionnaire sous les ordres duquel il avait travaillé, M. Cubitt, lui avait dit que la politique écrite qui était en vigueur à l’époque il travaillait pouvait être interprétée comme signifiant qu’il était loisible de prendre des pauses au cours de périodes de trafic «minimal» et non seulement au cours de périodes sans trafic. M. Cubitt n’a pas été cité comme témoin. Toutefois, M. Green a par la suite travaillé sous les ordres de gestionnaires qui ont fait circuler leurs propres notes de service sur les pauses, selon lesquelles celles-ci ne devaient être prises que pendant les périodes il n’y avait pas de trafic. M. Green a admis que ni l’un ni l’autre de ces deux gestionnaires plus récents ne lui avaient dit qu’il pouvait faire abstraction de leurs directives explicites et écrites.

Quoi qu’il en soit, M. Green a pris une pause déjeuner et non seulement une pause comme telle. Il a déclaré qu’il commençait à avoir mal à la tête et qu’il avait besoin de manger. Il y a un certain nombre d’années que les contrôleurs savent qu’ils peuvent s’attendre à travailler «seuls en poste» à l’occasion. M. Green ne s’est pas préparé à cette éventualité en apportant son déjeuner ou en gardant de la nourriture au travail en cas d’urgence. Il n’a pas essayé d’envoyer chercher ou de commander un repas à l’extérieur et n’a même pas ramené son déjeuner à la tour pour le réchauffer dans le four à micro-ondes qui s’y trouve. Au contraire, il a commandé le spécial du jour au restaurant, s’est assis pour le manger, puis est retourné à son poste dans la tour. À son retour, il est passé par l’aire de réception et a dit à la commis, M me Shelsted, qu’il était sorti déjeuner; il a fait un geste au-dessus de la tête pour indiquer des aéronefs en train de circuler et a dit que : «des avions volaient dans tous les sens». Quels qu’aient été les sentiments de M. Green à ce moment-là, la sécurité du public voyageur n’était pas au premier plan de ses pensées.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu'il croyait qu’il lui était permis de sortir de la tour pour déjeuner parce que M. Larivière avait été autorisé à ce faire en

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Decision Page 25 juillet 1994. À l’appui de la position de M. Green, M. Larivière a témoigné que M. Green le lui avait effectivement dit et il a présenté pour étayer son témoignage ses notes personnelles du 12 mai (pièce G-21). Cependant, l’enregistrement d’une conversation téléphonique entre M. Green et M. Larivière le 15 mai qu’on a fait passer sur magnétophone à l’audience va clairement à l’encontre de cet élément de preuve. Rien ne saurait être plus clair que les mots employés par M. Green pour exprimer sa stupéfaction devant le fait que M. Larivière avait reçu la permission de quitter son poste pour aller déjeuner. En outre, un certain nombre d’autres facteurs font que les deux cas, celui de M. Green et celui de M. Larivière, sont très différents l’un de l’autre.

Laisser la tour sans contrôleur pendant les heures de service alors que des aéronefs utilisent l’espace aérien en question est un délit grave qui justifie le congédiement. Après avoir pris en compte toutes les circonstances atténuantes qu’a fait valoir l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé, je dois conclure qu’elles ne suffisent pas pour réduire la peine de congédiement.

L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé voudrait que je conclue qu’il s’agit ici d’un incident isolé dans la longue carrière (entre 23 et 24 ans) de M. Green en tant que contrôleur et qu’il est peu probable qu’il se produise de nouveau. J’aimerais bien croire que c’est effectivement le cas.

Étant donné les longs états de service et le bon dossier d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé, j’ai examiné la preuve pour voir s’il avait manifesté des remords ou compris les conséquences possibles de sa conduite. Cependant, même après l’incident, il a continué de justifier et de minimiser sa conduite, tant lors de son entrevue avec M. Cooper le 16 mai qu’à l’audience. Même si, pendant son entrevue avec M. Cooper, il a dit qu’il «regrettait tout ce qui se passait», selon d’autres éléments de preuve il semble que, même au moment de l’audience, il n’avait pas compris la gravité de sa conduite du 9 mai (pièce E-22). Il en voulait à M. Cooper d’avoir parlé de lui comme il l’avait fait «simplement parce qu’il avait omis de faire une chose». À son avis, M. Cooper avait «réagi de façon excessive».

On a laissé entendre qu’il y avait déjà eu des démêlés entre M. Green et M. Cooper et que ces démêlés avaient influé sur la décision de celui-ci de congédier le fonctionnaire s’estimant lésé. Le seul élément de preuve déposé à cet égard est une remarque à l’effet qu’il se vengerait «d’une façon ou d’une autre» que M. Cooper aurait faite en 1987 ou 1988 à North Bay, sans véritable contexte. Étant donné que M. Cooper

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Decision Page 26 nie avoir fait cette remarque et vu son témoignage non contesté selon lequel il travaillait sur l’Île de Toronto à l’époque, j’accorde peu de poids à cet élément de preuve. Quoi qu’il en soit, la décision de M. Cooper de congédier le fonctionnaire s’estimant lésé est amplement justifiée par les faits.

Dans ces circonstances, la position de l’employeur selon laquelle le lien de confiance qui doit exister entre lui et M. Green a été irrémédiablement détruit n’est pas déraisonnable. La preuve ne peut appuyer une conclusion de ma part à l’effet que la décision de l’employeur de congédier M. Green est déraisonnable, de manière à me permettre d’infirmer sa décision.

Le grief est rejeté.

Rosemary Vondette Simpson commissaire

Ottawa, le 14 juin 1996 Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

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