Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Suspension (période indéfinie) - Infractions criminelles de vol et de recel - Procédure de griefs - le fonctionnaire s'estimant lésé, agent de correction, avait été suspendu pour une période indéterminée lorsque que l'employeur avait pris connaissance de chefs d'accusation criminelles contre lui, portant sur le vol et le recel d'objets dont la valeur dépassait 1 000 $ - parmi ces objets se trouvaient des matières explosives - par la suite, le fonctionnaire a plaidé coupable aux deux accusations - les motifs d'inculpation du fonctionnaire ont paru dans la presse locale - le fonctionnaire a remis en question la sévérité des peines imposées par l'employeur en soutenant qu'il avait un dossier disciplinaire vierge et qu'il était un bon employé - le fonctionnaire a aussi fait valoir ses activités au sein de la milice locale - la preuve a établi que les objets qui ont fait l'objet du vol et du recel provenaient du ministère de la Défense nationale - le fonctionnaire a aussi prétendu que l'employeur ne lui avait pas laissé la chance d'expliquer ses gestes avant de le licencier - l'arbitre a conclu qu'en l'espèce, en l'absence d'une conclusion sur cette dernière allégation il importait peu que le fonctionnaire n'ait pas eu la chance de s'expliquer - l'arbitre a conclu que les infractions criminelles du fonctionnaire étaient tout à fait incompatibles avec ses fonctions même en l'absence de publicité et malgré son dossier disciplinaire vierge, surtout dans un milieu carcéral où l'employeur se doit d'assurer la sécurité du personnel et des détenus. Griefs rejetés. Décisions citées: Skibicki (166-2-20723); Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la Cour fédérale A-66-85.

Contenu de la décision

Dossiers: 166-2-25435 166-2-26200

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE ROGER BOISVERT fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur Général - Service correctionnel Canada)

employeur

Devant: Richard Labelle, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Jacques Dupont, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur: Roger Lafrenière, avocat Affaire entendue à Montréal (Québec), le 13 septembre 1995 et le 20 mars 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Cette décision fait suite à l’audition de deux griefs renvoyés à l’arbitrage par M. Roger Boisvert qui travaillait au ministère du Solliciteur général, Service correctionnel Canada, et qui exerçait les fonctions d’agent de sécurité (CX-COF-02) à l’établissement pénitentiaire Archambault, à Ste-Anne des Plaines (Québec). Les griefs portent sur sa suspension pour une période indéfinie et son licenciement.

Dans une lettre datée du 16 octobre 1992, le directeur de l’établissement Archambault, M. Jacques Dyotte, avise le fonctionnaire s’estimant lésé des raisons de la suspension (pièce E-1): Suite à l’information obtenue de la Sûreté municipale de Terrebonne et des responsables des Forces Armées Canadiennes, vous serez accusé de vol et de recel de matériel militaire par les Formes (sic) Armées Canadiennes.

Étant donné les circonstances et en attendant qu’une décision soit prise à ce sujet par les responsables des Forces Armées Canadiennes, vous êtes suspendu sans solde de vos fonctions pour une période indéfinie, à compter de maintenant.

M. Cloutier, sous-directeur, vous confirmait cette décision par téléphone aujourd’hui même vers 9:30 heures.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées. Dans une lettre datée du 13 mai 1994, M. Dyotte avise le fonctionnaire s’estimant lésé des motifs de son licenciement (pièce E-9): Le 3 mai 1994, vous avez été reconnu coupable d’avoir commis des infractions criminelles. Cette situation ne peut nullement être acceptée par l’employeur et est tout à fait incompatible avec votre rôle d’agent de la paix au Service correctionnel du Canada. Votre conduite nuit à la réputation générale du ministère et ne peut être tolérée par l’employeur.

En conséquence, en vertu de l’article 11 de la Loi sur la Gestion des Finances publiques et des pouvoirs qui me sont délégués, je n’ai pas d’autre choix que de vous licencier à partir du 13 mai 1994.

Si vous désirez contester cette décision, vous pouvez présenter un grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

Veuillez agréer, Monsieur, avec mes regrets, l’expression de mes sentiments distingués.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 2 L’avocat de l’employeur, M e Roger Lafrenière, a fait témoigner M. Jacques Dyotte et le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, M. Jacques Dupont, a cité le capitaine Michel Chabot, M. Michel Charbonneau et le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Roger Boisvert.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dépose la pièce P-1, la Convention cadre conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, et la pièce P-2, la convention collective du groupe Service correctionnel (surveillants et non-surveillants).

L’avocat de l’employeur demande que les deux griefs soient entendus en même temps. Il dépose la pièce E-1, la lettre de suspension, et la pièce E-2, un rapport sommaire préparé pour l’employeur. Ce document ne reflète pas la preuve mais démontre ce qui a été communiqué à l’employeur. Il dépose aussi les pièces E-3, E-4, E-5, E-6 et E-7. Les pièces E-4, E-6 et E-7 sont déposées avec le consentement des parties.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dépose aussi la pièce P-3, une modification à l’Ordonnance de probation (pièce E-7).

La preuve La preuve peut être résumée comme suit. Le témoin de l’employeur, M. Jacques Dyotte, était, au moment des événements en question, directeur du Centre régional de réception à l’établissement Ste-Anne des Plaines, Service correctionnel Canada. Auparavant, il avait été directeur de l’établissement Archambault pour la période allant de décembre 1991 à juillet 1995.

M. Dyotte témoigne que le fonctionnaire s’estimant lésé était un agent de correction. L’avocat de l’employeur dépose la pièce E-10, la description de poste, qui indique: «Le titulaire de ce poste détient le statut d’Agent de la Paix». Il dépose ensuite la pièce E-12, «Pouvoirs, Autorité, Protection et Privilèges des Agents de la Paix».

Le témoin déclare qu’il a reçu un rapport sommaire qui donnait un état des faits relatif à l’incident mettant en cause le fonctionnaire s’estimant lésé. Ce rapport sommaire (pièce E-2) fut préparé par M. Yvon Laporte, agent de sécurité préventive à Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 l’établissement Archambault. Durant la semaine du 13 octobre 1992, l’agent Michel Racine, enquêteur à la Sûreté municipale de Terrebonne, a communiqué avec M. Laporte afin de l’informer que le fonctionnaire s’estimant lésé faisait l’objet d’une enquête concernant une possession illégale de biens volés du ministère de la Défense nationale. Selon l’enquêteur Racine, la police militaire de St-Hubert, aidée de la Sûreté municipale de Terrebonne et de Mascouche, se préparait à effectuer une saisie à la résidence du fonctionnaire s’estimant lésé. Il semblerait que le fonctionnaire s’estimant lésé et une autre personne auraient été en possession de matériel militaire volé appartenant au manège militaire de St-Jérôme. M. Laporte indique dans son rapport que le sous-directeur fut informé et que le 15 octobre 1992, le directeur fut informé par le corps de police de Terrebonne qu’une saisie avait été effectuée au domicile du fonctionnaire et au domicile de l’autre personne, et que la valeur des biens saisis dépassait 100 000 $. La même journée, l’administration régionale est informée de ces faits et le lendemain le fonctionnaire s’estimant lésé est suspendu sans solde (voir la pièce E-1, la lettre de suspension).

Le témoin affirme que ces gestes eurent des conséquences pour le fonctionnaire s’estimant lésé et pour le Service correctionnel au niveau des autres employés. En outre, la fierté des agents de correction fut mise en jeu et les agents de correction se sentaient mal à l’aise à cause de ce qui s’est passé. De plus, du côté des détenus, ils pourront se servir de cela contre les autres agents de correction.

L’avocat de l’employeur renvoie la pièce E-13, le Code de discipline pour le Service correctionnel Canada, et réfère à la page 5, sous-alinéas 19 (i) et (j), qui indiquent: 19. Commet une infraction grave, justifiant normalement une suspension sans rémunération ou le congédiement, l’employé qui:

... i. se conduit en aucun temps d’une manière susceptible de tenir (sic) l’image du Service;

j. commet un acte criminel ou une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité en vertu d’une loi du Canada ou d’un territoire ou d’une province et risque ainsi de ternir l’image du Service ou de nuire à son rendement au sein du Service;

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Decision Page 4 M. Dyotte témoigne qu’il a demandé à l’agent Laporte de contacter le fonctionnaire s’estimant lésé. Il a rencontré le fonctionnaire vers le mois de janvier 1993 et celui-ci a indiqué à ce moment-là qu’il ne voulait pas démissionner. Le témoin l’a averti qu’il y avait possibilité de licenciement mais qu’il attendrait que la cause instruite au criminel soit entendue. Le délai entre la suspension et le licenciement s’explique par le fait qu’il n’y avait pas de date précise fixée pour le procès du fonctionnaire s’estimant lésé. L’avocat de l’employeur renvoie à la pièce E-6, la transcription du procès tenu à St-Jérôme le 3 mai 1994, et à la pièce E-9, la lettre de licenciement.

Le témoin affirme qu’en ce qui concerne le licenciement, l’employeur a tenu compte des faits atténuants: le fonctionnaire avait 15 ans de service; il était un bon employé; et il était membre de l’équipe d’urgence à l’établissement. Toutefois, d’autres facteurs militaient contre lui: le vol de matériel d’une valeur de plus de 1 000 $; de recel de matériel d’une valeur de plus de 1 000 $; la gravité des offenses; et la publicité dans les journaux (pièce E-3). L’employeur a perdu confiance dans le fonctionnaire s’estimant lésé. Il mentionne aussi les risques à la sécurité de l’établissement; que ça peut nuire à la gestion des opérations. De plus, compte tenu de l’Ordonnance de probation (pièce E-7), le fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait plus avoir en sa possession des armes à feu. Le témoin était aussi préoccupé des risques causés par le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé fréquentait d’autres individus comme celui qui fut arrêté avec lui. L’avocat de l’employeur renvoie à la page 5, alinéa 19 (e), du Code de discipline (pièce E-13): 19. Commet une infraction grave, justifiant normalement une suspension sans rémunération ou le congédiement, l’employé qui:

... (e) établit avec un délinquant, un ancien délinquant ou avec les amis ou parents d’un délinquant ou ancien délinquant, en dehors de ses fonctions, des relations qui ne sont pas approuvées par son supérieur immédiat;

Le témoin indique qu’une cote de fiabilité est nécessaire pour le poste qu’occupait le fonctionnaire s’estimant lésé.

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Decision Page 5 En contre-interrogatoire, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie le témoin à la pièce E-10, la description de poste. Le témoin a admis qu’il connaît le fonctionnaire s’estimant lésé depuis septembre 1991 et qu’il l’avait décrit comme un employé sans problème et que, de mémoire, le fonctionnaire n’avait pas de dossier disciplinaire.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie le témoin à la pièce E-7, l’Ordonnance de probation, et à la pièce P-3, l’Ordonnance de probation modifiée. La modification, datée du 9 février 1995, est la suivante: RAYER la condition: Interdit d’avoir en sa possession des armes à feu, munitions et substances explosives.

Cette modification fut apportée après le procès du fonctionnaire s’estimant lésé qui a eu lieu le 3 mai 1994 (pièce E-6).

Au représentant du fonctionnaire s’estimant lésé qui lui demandait si M. Boisvert pourrait maintenant remplir les tâches définies dans sa description de poste (pièce E-10), le témoin a répondu par la négative, qu’il ne pouvait pas travailler, qu’il manque un lien de confiance, et que de plus, il y a une menace à la sécurité de l’établissement.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie le témoin à la pièce E-3, un article publié dans le Journal de Montréal, et lui demande si cela avait terni l’image du Service correctionnel. Le témoin a dit que c’était un des éléments. Le témoin mentionne qu’il n’a pas vérifié à ce moment-là ce qui avait été publié dans les journaux et n’avait pas, non plus, vérifié si les commentaires étaient véridiques. Le représentant de M. Boisvert demande au témoin s’il s’était assuré que les armes avaient été volées. Le témoin répond que la police militaire avait mentionné que le fonctionnaire s’estimant lésé faisait l’objet d’une enquête. En fin de compte, il n’y avait pas d’armes volées chez le fonctionnaire s’estimant lésé; les armes retrouvées chez lui n’étaient pas volées. Le témoin a admis que l’en-tête de l’article dans le journal était peut-être trompeur. Il mentionne aussi qu’il ne savait pas au moment de l’incident que le fonctionnaire s’estimant lésé était un milicien; il l’a appris seulement après coup. Le témoin a admis qu’il est possible que d’autres agents de correction possèdent des casiers judiciaires.

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Decision Page 6 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie à l’article 334 du Code criminel (pièce E-5): 334. Sauf disposition contraire des lois, quiconque commet un vol:

a) est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, si le bien volé est un titre testamentaire ou si la valeur de ce qui est volé dépasse mille dollars;

b) est coupable: (i) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans, (ii) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, si la valeur de ce qui est volé ne dépasse pas mille dollars.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé mentionne aussi la page 2, paragraphe 6, de la pièce E-2, le rapport sommaire préparé par l’agent Laporte le 16 décembre 1992: L’enquêteur Godin ajoute qu’au nombre des articles saisis se trouvent 2999 balles de calibre .223 en état d’être tirées et 1354 douilles du même calibre. De plus, il m’informe que l’employé Roger Boisvert leur aurait confié que ces munitions proviendraient du S.C.C. et qu’elles lui auraient été données par les responsables de l’équipe d’urgence de l’époque, soit MM. J.R. Roussel, Gilles Plouffe et Daniel Charbonneau respectivement le chef et les deux sous-chefs de cette équipe.

Le témoin, M. Dyotte, témoigne que ni le ministère de la Défense nationale, ni le Service correctionnel Canada ne voulaient les balles en question; elles ont été retournées au fonctionnaire s’estimant lésé après le rapport de l’agent Laporte (pièce E-2).

M. Dyotte témoigne qu’il a suspendu le fonctionnaire s’estimant lésé le 16 octobre 1992. Il a rencontré des agents militaires une semaine et demie après la saisie en question et appris que les accusations seraient de nature criminelle. Il témoigne qu’il a rencontré un sergent-détective de la Sûreté de Terrebonne le 16 ou 17 octobre 1992 et a aussi rencontré l’enquêteur en question, le caporal Godin, deux fois. Il n’y a pas eu de rencontre concernant le fonctionnaire s’estimant lésé après le mois de décembre 1992. Le témoin a donné le dossier à l’agent Laporte à poursuivre.

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Decision Page 7 Le rapport sommaire de l’agent Laporte (pièce E-2) fait partie du dossier sur la suspension et le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé.

Le témoin a réitéré qu’à la mi-janvier 1993, il a offert au fonctionnaire s’estimant lésé de démissionner mais que celui-ci avait, à ce moment-là, refusé. Il est renvoyé à la pièce E-4, une «Dénonciation/Sommation» datée du 23 décembre 1992. La mémoire du témoin est remise en question par le représentant du fonctionnaire. Le témoin réitère que quelques jours après le 6 janvier 1993 il a rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé. Il l’a rencontré les 25 et 26 janvier 1993 et ils ont discuté du dossier, de sa suspension, de sa démission (refusée par M. Boisvert), d’indemnité de départ s’il démissionnait et du fait que s’il refusait, il n’y aurait pas d’indemnité de départ. Le témoin déclare que l’employeur a retardé la date de licenciement et a offert au fonctionnaire s’estimant lésé de démissionner volontairement; le choix lui appartenait. Le témoin dit que la décision de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas ferme aux 25 et 26 janvier. Il témoigne aussi que c’est à sa demande que la pièce E-4 a été préparée («Paiements à la cessation d’emploi - Démission volontaire/Congédiement»). La cessation d’emploi était prévue pour le l er février 1993. Cette pièce (E-4) est un document de travail qui compare les sommes d’argent que le fonctionnaire recevrait s’il démissionnait volontairement et ce qu’il recevrait s’il était licencié. Ce document était pour le bénéfice de discussions seulement; le témoin n’avait pas encore décidé de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé.

Le témoin dit qu’il n’a pas attendu le jugement de la Cour à l’issue du procès de M. Boisvert. Il lui a fait une offre et il a attendu jusqu’au 13 mai 1994 avant de le licencier (pièce E-9). Le témoin mentionne qu’il n’avait pas lu le sommaire du procès (pièce E-6) avant de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé. De plus, il n’a pas tenu compte du fait que le fonctionnaire s’estimant lésé était membre des Forces armées et portait des armes dans les Forces. Il a seulement considéré son emploi au Service correctionnel Canada et non son statut de réserviste au niveau du ministère de la Défense nationale.

M. Dyotte témoigne qu’il a lu la pièce E-3, l’article publié dans le journal, deux ou trois semaines avant l’audition, soit au début de septembre 1995. Il mentionne aussi que M. Boisvert avait un casier judiciaire même si l’on tient compte de la modification apportée à l’Ordonnance de probation (pièce P-3).

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Decision Page 8 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé fait mention des pièces E-11, («Désignation des agents de la paix») et E-12.

Le témoin indique que le fonctionnaire s’estimant lésé n’est plus un agent de la paix. Il admis qu’il y a probablement d’autres employés au Service correctionnel Canada qui ont des casiers judiciaires, mais que tout dépend de l’infraction commise par l’individu.

En réinterrogatoire, l’avocat de l’employeur dépose la pièce E-14, une description de biens saisis à la résidence du fonctionnaire s’estimant lésé. J’ai accepté ce document sous réserve et j’ai pris note de l’objection soulevée par le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé.

(L’audience fut ajournée à ce point et repris le 20 mars 1996. Une demande pour l’exclusion des témoins a été faite et accordée.)

Le premier témoin cité au nom du fonctionnaire s’estimant lésé, le capitaine Michel Chabot, déclare qu’il est membre de l’armée depuis 1974 mais qu’il fut inactif de 1984 à 1990. Il fait partie de l’unité de réserve du 4 e bataillon, Royal 22 e Régiment. Depuis 1982, le témoin est professeur de techniques policières à un collège. Il dit que les membres de l’unité de réserve sont appelés à être armés; ils peuvent se servir de leurs armes en suivant certaines critères. Il connaît le fonctionnaire s’estimant lésé comme membre du 4 e bataillon, Royal 22 e Régiment depuis 1990. Le fonctionnaire a le grade de sergent (réserve). Il témoigne que le fonctionnaire s’estimant lésé est encore un militaire actif; il est commandant de section et instructeur des membres de son unité. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dépose la pièce P-6, une lettre-type envoyée à tous les membres de l’unité de réserve qui s’absentent pendant trois mois; ils deviennent alors inactifs. L’avocat de l’employeur soulève une objection sur l’admissibilité de cette pièce du fait qu’elle traite d’événements postérieurs au licenciement et dépose la pièce E-8, la décision de la Commission dans l’affaire Funnell (dossier de la Commission 166-2-25762). Le témoin déclare avoir pris connaissance de la pièce P-6 dans son rôle d’officier désigné pour le fonctionnaire s’estimant lésé. Il fut mandaté par le commandant à l’époque à titre d’officier désigné. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dépose la pièce P-7,

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Decision Page 9 une lettre confirmant la réintégration du fonctionnaire dans le poste de commandant de section. L’avocat de l’employeur renouvelle la même objection.

Le témoin, le capitaine Chabot, témoigne que, pendant la durée des événements, il a conseillé au fonctionnaire s’estimant lésé de ne pas se présenter à l’unité du 21 octobre 1992 au 16 mai 1995, la période de l’enquête sur les accusations portées contre lui. Le témoin a pris connaissance de la pièce P-6 lorsqu’il a envoyé la pièce P-7. Il a fait suspendre les procédures le 16 mai 1995. Il témoigne qu’il a avisé le fonctionnaire s’estimant lésé de ne pas se présenter à l’unité le 27 octobre 1992.

Il témoigne qu’à ce jour, le fonctionnaire s’estimant lésé peut être appelé à servir en uniforme en autant qu’il se porte volontaire pour des missions en dehors du pays et il peut être armé à ce moment-là.

Le capitaine Chabot témoigne qu’il était au courant que le fonctionnaire s’estimant lésé faisait l’objet d’une enquête pour vols d’armes et de munitions militaires. Il dit que le 20 octobre 1992, cinq jours après l’arrestation du fonctionnaire s’estimant lésé, il reçut de son commandant le mandat d’officier désigné et on lui demanda de suivre le dossier du fonctionnaire. Son enquête a révélé une affaire complexe; c’était une grosse opération policière. À cette date, les proportions du vol étaient tellement importantes qu’il a parlé à un enquêteur pour savoir s’il n’y aurait pas de problèmes pour la sécurité nationale. On parlait à ce moment-là d’une saisie de 100 000 $ chez le fonctionnaire s’estimant lésé. Le témoin déclare qu’une décision finale a été prise le 22 décembre 1992 qu’il n’y aurait aucune procédure par la justice militaire et que les dossiers seraient transmis au procureur de la Couronne; il y avait un procès en droit criminel public et non un procès militaire.

Le témoin déclare que plusieurs des articles saisies à la résidence du fonctionnaire s’estimant lésé étaient des articles dont celui-ci avait besoin comme membre d’une unité de la milice. C’étaient des articles dont les soldats ont besoin pour accomplir leur devoir Il est au courant de la conclusion de la poursuite au criminel; le fonctionnaire s’estimant lésé a plaidé coupable à deux chefs d’accusation: possession de biens obtenus de façon criminelle et vol. Le témoin n’était pas présent lors des saisies.

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Decision Page 10 Le témoin dit qu’au mois de mars 1994, il a eu une rencontre avec le fonctionnaire s’estimant lésé et son avocat, M e Pierre Dubé. L’avocat du fonctionnaire voulait négocier une entente mais le fonctionnaire ne le voulait pas. Le témoin dit que le but de la réunion était de négocier («plea bargaining»). L’avocat de l’employeur soulève une objection; le fonctionnaire s’estimant lésé a plaidé coupable et on ne doit pas minimiser sa culpabilité. J’ai indiqué que je prendrais l’objection en note.

Le témoin affirme qu’il a été suggéré au fonctionnaire s’estimant lésé d’aller jusqu’au bout («no plea bargaining»). Il ne devrait pas y avoir d’autres procédures contre lui puisque le fonctionnaire s’estimant lésé est encore militaire. Le témoin déclare qu’il n’y a actuellement aucune tache dans le dossier du fonctionnaire s’estimant lésé, même avec l’audience qui se poursuit aujourd’hui.

En contre-interrogatoire, l’avocat de l’employeur confirme auprès du témoin que le fonctionnaire s’estimant lésé avait plaidé coupable à des vols du ministère de la Défense nationale et que le témoin avait indiqué que son dossier personnel militaire ne reflète pas ces événements. L’avocat de l’employeur demande au témoin si ces événements ne devraient pas paraître dans son dossier personnel militaire et le témoin répond que oui. L’avocat de l’employeur renvoie au paragraphe 6 de la page 3 de la pièce E-2: M. Boisvert occupait les fonctions de Quartier Maître dans la réserve au détachement de St-Jérôme et était responsable de l’approvisionnement de l’équipement de même que de sa distribution.

Le témoin mentionne que le statut de milicien au niveau du droit militaire n’est pas pareil comme en droit civil. C’était un processus civil dans le cas du fonctionnaire s’estimant lésé. À la question de l’avocat de l’employeur qu’il n’y a pas actuellement de procédures militaires et il n’y a aucune autre mesure contre le fonctionnaire s’estimant lésé, le témoin répond qu’il n’y avait aucune assurance formelle que d’autres procédures ne seraient pas prises contre le fonctionnaire. En premier, les militaires attendaient la décision du tribunal civil. Par la suite, il n’y a pas eu de procédures par la justice militaire.

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Decision Page 11 En réinterrogatoire, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie le témoin au paragraphe 6 de la pièce E-2, cité ci-haut. Le témoin déclare que le fonctionnaire s’estimant lésé occupait ces fonctions suite à une réorganisation.

Le deuxième témoin du M. Michel Charbonneau. Le représentant du fonctionnaire dépose la pièce P-8: «Norme sur la sécurité du personnel».

Le témoin déclare qu’il a été agent de correction (CX) de 1967 à 1985. Il fut agent syndical, président de la section locale, de 1978 à 1985, au Centre régional de réception de l’établissement Archambault, à Ste-Anne des Plaines.

Le témoin affirme qu’il a connu et qu’il connaît des agents de correction qui furent, durant leur période d’emploi, envoyés aux assises criminelles et condamnés (disciplinés par l’employeur) mais qui ont conservé leur emploi comme agents de correction après le jugement de la Cour.

Le témoin est membre du Syndicat des employés du Solliciteur général depuis 1985. En outre, il fut chargé de piloter les dossiers des griefs du fonctionnaire s’estimant lésé au dernier palier de la procédure de griefs. Il dit que d’après sa connaissance des dossiers, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas perdu sa cote de sécurité; la cote octroyée aux agents de correction du Service correctionnel Canada. Il réfère à la pièce P-8.

Il n’y a pas de contre-interrogatoire par l’avocat de l’employeur. Le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Roger Boisvert, témoigne qu’à part de cette affaire, il n’a eu aucun autre démêlé avec la justice. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dépose la pièce P-9: «Modification d’une condition à l’Ordonnance de probation». L’avocat de l’employeur soulève de nouveau l’objection qu’il a formulée lorsque les pièces P-6 et P-7 furent déposées. J’ai noté l’objection.

M. Boisvert témoigne qu’il a été suspendu le 16 octobre 1992 et licencié le 13 mai 1994. Il a travaillé à Service correctionnel Canada de 1981 à 1992 comme agent de correction (CX-01; CX-02), gardien de détenus. Il n’y a pas eu de mesures disciplinaires prises contre lui avant cet incident. Il était membre de l’équipe d’urgence et dans le temps qu’il y en avait une, de l’équipe des maîtres-chiens. Il fait partie de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

fonctionnaire s’estimant lésé est

Decision Page 12 milice de la réserve. Il pratiquait le tir (revolver; carabine; fusil) et est collectionneur d’armes à feu. Il témoigne avoir de bonnes relations avec ses collègues de travail et ses supérieurs. Il est militaire depuis le 9 février 1977. Il a commencé comme simple soldat, devint caporal, caporal-chef, et enfin sergent. Il était responsable pour son peloton. Il avait accès à tout le matériel de base pour les soldats dans le champ. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie à la pièce E-3.

Le fonctionnaire s’estimant lésé dit connaître M. Carol Desrosiers depuis une douzaine d’années. M. Desrosiers fut impliqué dans les accusations de vol et de recel contre le fonctionnaire s’estimant lésé. Il dit ne pas connaître les «Warriors» et les «Hell’s Angels». Il témoigne avoir donné du matériel militaire à M. Desrosiers en 1991 et 1992. Il lui a donné des batteries, trois boîtes de rations, une boîte de «lites», une boîte de «overhead cover», et des jerricans à eau et essence.

M. Boisvert témoigne qu’il y a eu perquisition chez lui et saisie de matériel. La police militaire l’a arrêté et l’a amené au poste de police de Terrebonne. Il fut interrogé et passa la journée en cellule. La police lui a remis beaucoup du matériel saisi chez lui, mais la police militaire n’avait pas, à ce moment-là, remis le matériel militaire personnel qui avait été saisi chez lui. Tout le matériel militaire qui était dans les boîtes fut amené chez lui.

Il témoigne avoir plaidé coupable parce que les rumeurs ne faisaient pas de sens. Il n’avait pas le droit de donner du matériel à M. Desrosiers et c’est pour cette raison qu’il a plaidé coupable, même s’il y avait de la pression de «plea bargaining». Il ne voulait pas perdre son temps et perdre de l’argent qu’il n’avait même pas pour se défendre. Il témoigne n’avoir pas raconté de mensonges.

M. Boisvert témoigne que le lendemain de son arrestation, l’employeur l’a avisé qu’il était suspendu sans solde. La lettre de suspension (pièce E-1) fut reçue une semaine après le 16 octobre 1992. Il mentionne que la secrétaire du directeur l’a appelé au mois de janvier 1993 pour fixer une rencontre. Il témoigne n’avoir eu aucun contact avec son employeur entre le 16 octobre 1992 et janvier 1993. M. Boisvert dit que l’agent de sécurité préventive, M. Laporte, l’a appelé pour fixer une rencontre en dehors de l’établissement Archambault, à un «Dunkin Donuts» à Bois-des-Filions. M. Boisvert était d’accord pour le rencontrer mais il voulait que son représentant syndical

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Decision Page 13 soit présent. M. Laporte ne voulait pas; il voulait rencontrer M. Boisvert seul. Ce point n’est pas indiqué dans le rapport de l’agent Laporte (pièce E-2).

Le fonctionnaire s’estimant lésé témoigne que les seuls contacts qu’il a eus avec la direction furent avec le sous-directeur, M. Cloutier, pour sa suspension; l’agent Laporte lors de la rencontre susmentionnée; et le directeur, M. Dyotte, à l’égard du licenciement. Il n’a pas eu de rencontre avec l’employeur entre janvier 1993 et mai 1994.

En ce qui concerne la pièce E-9, la lettre de licenciement en date du 13 mai 1994, il témoigne que c’est seulement aujourd’hui qu’il peut expliquer son cas. Il a réitéré que l’employeur ne lui a jamais demandé d’explications. Il affirme être capable de reprendre ses fonctions. Il regrette l’embêtement causé à l’employeur par cette affaire. C’est la première fois que cela se produisait et il désire retourner dans son poste. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dépose les pièces P-10 et P-11.

À une question sur les armes à feu retrouvées lors de la perquisition, il renvoie le soussigné à la pièce E-7, l’Ordonnance de probation. En 1992, il y avait eu une amnistie et M. Boisvert avait donné certaines armes à ce moment-là. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dépose «Dénonciation/Sommation» qui fut intégrée à la pièce E-4 et indique au deuxième paragraphe «acquitté».

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie à la dernière page de la pièce E-14, la description des biens saisis. Cette pièce a été acceptée sous réserve au moment elle a été déposée par l’avocat de l’employeur.

M. Boisvert témoigne que son sous-chef lui a demandé de ramasser les grenades mentionnées dans la pièce E-14. Il les a apportées chez lui pour les détruire plus tard. Il admet que ce fut une mauvaise décision et que les grenades ne furent pas détruites.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé dépose la pièce P-13 et la pièce P-14, une liste du matériel remis au fonctionnaire le 18 novembre 1992 par la police militaire. L’employeur n’a apparemment jamais su cela et ne lui a jamais demandé. Le représentant dépose aussi la pièce P-15, et la pièce P-16 en liasse.

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la pièce P-12. Il dépose la

Decision Page 14 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’estimant lésé déclare qu’il connaît le montant à l’égard duquel il a plaidé coupable et il faisait allusion aux biens qu’il avait volés et donnés à M. Desrosiers. La valeur des biens était de l 100 $. En premier, on parlait de 100 000 $ mais après, 1 100 $. Il a plaidé coupable pour les biens volés qu’il a donnés à M. Desrosiers. Il déclare qu’il avait demandé de faire sortir le matériel en question mais n’avait pas signé les autorisations nécessaires pour sortir le matériel. C’est pour cela qu’il a décidé de plaider coupable.

Il fut demandé au fonctionnaire s’estimant lésé pourquoi il n’avait pas donné d’explications au moment de son licenciement, le 13 mai 1994, au lieu d’attendre jusqu’à la présente audience pour s’expliquer.

M. Boisvert a admis qu’il est probable qu’il soit resté muet lors de sa rencontre avec le directeur, M. Dyotte; il voulait attendre que sa cause au criminel soit terminée. Il a dit que le capitaine Chabot lui avait conseillé de ne pas parler à l’employeur. M. Boisvert témoigne qu’il savait que l’employeur attendait les résultats de son procès au criminel avant de prendre une décision. Il a réitéré que oui, il connaissait les conséquences qui résultaient d’un plaidoyer de culpabilité. Toutefois, l’employeur n’avait pas raison, selon lui, de le suspendre avant l’enquête au criminel. Il admet que son geste est sérieux et grave.

En réinterrogatoire, M. Boisvert soutient que l’employeur n’aurait pas le suspendre; il n’y avait pas d’accusations contre lui à ce moment-là. En réponse à la question concernant l’offre de démissionner ou se faire licencier, le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu qu’il avait l’impression «de se faire acheter» et que le directeur ne lui avait pas demandé d’explications.

Plaidoiries Pour l’employeur Au début de sa plaidoirie, l’avocat de l’employeur, M e Roger Lafrenière, a cité la décision Skibicki (dossier de la Commission 166-2-20723). Il s’est engagé à me fournir et à fournir au représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, par voie de lettre, la citation dans cette décision. Sa lettre, en date du 23 mars 1996, se lit textuellement comme suit:

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Decision Page 15 ... Les extraits pertinents de la décision que je voudrais signaler à M. Labelle se retrouvent aux pages 13 à 15 inclusivement. Dans l’affaire Skibicki, tout comme dans le cas de M. Boisvert, l’employé s’estimant lésé a reconnu que lors de son enquête disciplinaire et tout au cours de la procédure de grief, il disposait de tous les faits atténuants qu’il a relatés devant l’arbitre. Cependant, il a choisi de ne pas les communiquer à l’employeur. M. Boisvert, dans son témoignage, a déclaré que l’employeur ne lui a jamais demandé sa version. Ce prétexte ne devrait aucunement être accepté.

Il est de jurisprudence constante devant cette Commission que le fardeau de preuve pour démontrer qu’il existe des facteurs atténuants repose sur l’employé, et non pas sur l’employeur. Il ne revient pas à l’employeur de deviner l’existence de facteurs atténuants. Le directeur, Jacques Dyotte, dans son témoignage a clairement énuméré et expliqué tous les facteurs qu’il a considérés en imposant le congédiement. C’étaient les seuls facteurs qui avaient été portés à son attention.

Je demande respectueusement que M. Labelle rejette les explications donnés par l’employé lors de son témoignage, et ce, pour raisons qui suivent. Premièrement, l’employeur n’a jamais eu l’occasion de les considérer dans sa décision d’imposer le congédiement (voir Skibicki et Funnell (dossier de la CRTFP 166-2-25762)). Deuxièmement, les explications donnés par M. Boisvert étaient invraisemblables. L’employeur n’est pas en position lors de l’audience d’un grief de réfuter des faits dont il n’a jamais pris connaissance.

Rappelons finalement que cette affaire remonte au mois d’octobre 1992. L’employé aurait pu facilement offrir ces explications à l’employeur dans les trois ans et demi entre sa suspension et son témoignage à l’arbitrage. Cette omission n’a jamais été expliquée adéquatement.

L’avocat de l’employeur mentionne que c’est durant les étapes de la procédure de griefs qu’il faut soulever les points et il ne faut pas attendre à la dernière minute, comme à cette audience. Je ne devrais pas accepter les facteurs atténuants que j’ai entendus aujourd’hui. Il y eu deux chefs d’accusation pour crimes sérieux et de plus, la publicité dans les journaux (pièce E-3). M. Boisvert a plaidé coupable et devient alors un risque à la sécurité. M. Dyotte a témoigné ne plus avoir confiance dans le fonctionnaire s’estimant lésé et de ne pas pouvoir le réintégrer dans son poste. Le

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Decision Page 16 témoignage a démontré que l’employeur n’a pas agi de façon déraisonnable mais plutôt raisonnable.

Le juge a imposé une amende de 1 500 $. Ce n’est pas considéré comme une amende minimale. M. Boisvert a témoigné qu’il a commis une erreur en donnant du matériel à M. Desrosiers. L’avocat de l’employeur dit que ce n’est pas une erreur et que M. Boisvert n’a pas fait preuve de regret. Il demande donc de rejeter le grief.

M e Lafrenière a aussi cité les décisions suivantes: Flewwelling (dossier de la Commission 166-2-14236); Wilson (dossier de la Commission 166-2-25841); Fleming (dossiers de la Commission 166-2-13488 et 89); Dell, Philipchuk et Sweeny (dossiers de la Commission 166-2-25124 à 26 et 166-2-25189 à 91) et Town of Shediac and Canadian Union of Public Employees, Local 2585 (1991), 22 L.A.C. (4th) 379.

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé En réplique à la lettre de M e Lafrenière concernant la décision Skibicki (supra), le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, M. Jacques Dupont, dans une lettre en date du 11 avril 1996, répond textuellement ce qui suit: ... Nous voulons, par la présente, porter à l’attention de l’arbitre les quelques observations suivantes en réponse à la position du procureur de l’employeur.

a) Nous ne voulons pas (il en serait injuste pour les parties, et surtout pour M. Labelle) reprendre les plaidoiries dans ces dossiers. Cela a déjà été accompli.

b) M. Lafrenière allègue que M. Roger Boisvert «a reconnu que, lors de son enquête disciplinaire et tout au cours de la procédure de grief, il disposait de tous les faits atténuants qu’il a relatés devant l’arbitre. Cependant, il a choisi de ne pas les communiquer à l’employeur. M. Boisvert, dans son témoignage, a déclaré que l’employeur ne lui a jamais demandé sa version». Nous vous soumettons très respectueusement que cette position de M. Lafrenière ne reflète pas les éléments qui sont en preuve dans ces causes, et vous renvoyons, entre autres, au témoignage de M. Boisvert, soit «je tenais à informer mon employeur des événements ... et après que l’on m’ait avisé que la

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Decision Page 17 personne responsable du dossier de grief était Mme Sylvie Dion, je l’ai appelé pour lui donner des informations récentes concernant l’état de mon dossier, elle a dit froidement ‘c’est OK’, sans plus ...».

c) Nous avons démontré le déroulement des événements survenus dans cette affaire, depuis la perquisition, l’arrestation, l’incarcération d’un jour, la coopération avec les corps policiers et son employeur l’encontre des avis des procureurs militaires et/ou civils). Nous avons démontré que l’employeur avait, lors de la rencontre disciplinaire, déjà en main un choix de deux options pour M. Boisvert (exhibit P4, en liasse), premièrement de démissionner, ou deuxièmement de se faire congédier, et ce avant même que M. Boisvert puisse s’exprimer. Nous avons démontré que le seul moment M. Boisvert pourrait ne pas avoir coopéré fût le moment il a refusé de rencontrer l’agent à la sécurité préventive de l’IPSO (pour discuter de l’évolution du dossier criminel) dans un “Dunkin Donuts”, alors que M. Boisvert était représenté par un membre du barreau du Québec devant les assises criminelles.

d) Nous avons identifié et démontré M. Boisvert sous plusieurs facettes: homme collectionneur, époux, père, agent de correction de longue date avec un dossier impeccable, estimé de ses collègues de travail, comme un milicien gradé et responsable. Nous avons présenté M. Boisvert comme un témoin: stable, crédible, fier de l’uniforme du service correctionnel et militaire, spontané et respectueux de l’autorité quelqu’elle soit. Il témoigne que c’est la première fois qu’on lui demande de raconter son histoire à quelqu’un en autorité l’arbitrage). Nous avons fait le portrait de M. Boisvert avec ses bons et ses mauvais cotés, mais jamais comme le portrait que vous projette M. Lafrenière en vous présentant la décision de Larry Skibicki (166-2-20723).

e) La page 13 de la décision de M. Kwavnick dans Skibicki (supra) étale la preuve qui a été faite dans le dossier en question. L’arbitre David Kwavnick rappelle que «M. Skibicki, dans son témoignage, a admis qu’à l’audition ... il disposait de tous les faits qu’il a relaté devant moi. Cependant, il a choisi de ne pas les communiquer parce qu’il était fâché contre son superviseur». Ce n’est pas le cas dans les dossiers de M. Boisvert. M. Boisvert ne disposait pas de tous les faits; il n’y a aucune preuve qu’il était fâché contre son superviseur.

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Decision Page 18 f) La page 13 de cette même décision dévoile que «[L]e fonctionnaire, à mon avis, a agi vindictivement en cachant des faits à l’employeur. Il a cherché par la ruse à amener MM. Boals et Klippenstein à lui imposer une sanction disciplinaire injustifiée en vue de leur faire perdre la face plus tard ... Ainsi il aurait réussi à se venger contre deux hommes ... ». À votre avis, M. Boisvert a-t-il agit ainsi, et était-il ou démontrait-il les mêmes idées de vengeance? À votre avis, M. Boisvert est-il du même moule dépeint dans cette décision? Nous vous soumettons, et la preuve révèle, que non.

g) La page 13 de la décision de M. Kwavnick relate «[V]oilà ce que M. Skibicki a voulu faire lorsque, le 6 décembre 1989, il a délibérément choisi de taire à l’employeur des renseignements importants. À mon avis, sa conduite équivaut à un abus de procédure inacceptable». À votre avis, M. Boisvert a-t-il délibérément choisi de taire? La preuve déposé aux dossiers de M. Boisvert démontre que non. M. Boisvert a collaboré, dans la mesure il lui était possible de le faire, et lorsque on lui permettait. À votre avis, M. Boisvert a-t-il abusé de la procédure? Nous vous soumettons qu’il y a une absence totale de preuve à cet effet.

h) La page 15 de cette décision nous apprends que «[I]ci, le fonctionnaire a caché des renseignements dans l‘intention de nuire». À votre avis, M. Boisvert a-t-il caché des renseignements? Nous vous soumettons que non. L’employeur connaissait les ingrédients de l’état dans lequel se trouvait M. Boisvert, puisque l’IPSO avait informé le directeur par rapport. Nous vous soumettons que les ingrédients requis pour appliquer le “courant Kwavnick” énoncé dans la décision Skibicki ne sont pas présents dans les dossiers de M. Boisvert.

Nonobstant ce qui précède, nous attirons votre attention sur une règle de doit, ou de procédures, qui exige que «c’est la partie qui allègue une chose à qui revient le fardeau de preuve». Dans l’affaire qui nous concerne, nous comprenons que l’employeur allègue que M. Boisvert n’aurait pas communiqué tous les faits à son employeur avant la suspension (la preuve révèle que l’employeur a suspendu M. Boisvert sur le champ), avant le congédiement, durant la procédure de grief, et même avant l’arbitrage. L’employeur n’offre aucune preuve à cet effet. Nous avons invité un témoin important à l’audition de ces griefs, soit M. Michel Charbonneau, qui s’est identifié à titre d’agent des services pour l’Alliance et pour le Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général. Il a témoigné qu’à ce titre il avait

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Decision Page 19 représenté M. Boisvert devant le Commissaire au dernier palier de la procédure de griefs (pour la suspension indéfinie et le congédiement). M. Lafrenière a eu l’opportunité de contre-interroger M. Charbonneau sur son témoignage.

Nous vous soumettons que M. Lafrenière avait un avant-goût de sa plaidoirie et s’il voulait invoquer l’aspect qu’il soulève maintenant, avait le droit et/ou l’occasion idéale pour le faire, et avait la responsabilité et le fardeau de clarifier si oui ou non M. Boisvert a fait valoir sa version des faits telle que celle déposée à l’arbitrage. Il ne l’a pas fait, il ne s’est pas déchargé de son fardeau, et il est maintenant trop tard pour le faire. Si vous acceptiez la position de l’employeur à ce stade, nous vous soumettons qu’un grave préjudice serait causé envers M. Boisvert, car il n’aurait pas eu l’occasion de répliquer à la position que prend maintenant l’employeur.

Nous avons présenté en preuve la cause de M. Boisvert et supporté nos positions vis-à-vis nos circonstances atténuantes, contrairement à l’employeur qui n’a pas fait preuve de ses circonstances aggravantes qu’il avance maintenant.

M. Dupont mentionne qu’il faut découvrir les faits, écouter les parties et évaluer la preuve. Je dois rendre une décision mais il ne faut pas reconsidérer ce qui s’est passé au criminel. Je ne dois pas prendre une décision en fonction du fait que le fonctionnaire s’estimant lésé pourra perdre sa cote de sécurité. Je ne dois pas baser ma décision sur l’aspect de la cote de fiabilité du Service correctionnel Canada.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie à la pièce E-5, les articles 334 et 335 du Code criminel.

Le représentant mentionne que le juge a imposé 750 $ d’amende à l’égard de deux chefs d’accusation, pour un total de 1 500 $ (pièce P-9). Le juge n’a pas appliqué la peine maximale mais l’employeur a décidé d’appliquer la peine capitale (pièce E-9).

Cette affaire ne devrait pas être un licenciement; il n’y a eu aucune version du fonctionnaire s’estimant lésé. M. Boisvert s’est vu conseillé par le capitaine Chabot de ne pas faire de déclaration. Il y a d’autres agents de correction qui ont été condamnés au criminel et ont été réintégrés. La publicité dans les journaux était du ouï-dire; ce n’était pas réel (pièce E-3).

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Decision Page 20 Le représentant mentionne aussi l’aide que le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu de ses collègues, qui lui ont envoyé une certaine somme d’argent, et des lettres de félicitations qui lui ont été adressées. Je dois faire abstraction des articles publiés dans les journaux (pièce E-3) et le représentant mentionne la pièce E-5. Quels sont les facteurs atténuants et aggravants dans cette affaire? Le représentant mentionne aussi que l’employeur n’a nullement exercé son pouvoir discrétionnaire. Au moment de la remise de la lettre de suspension, le procès n’était pas commencé; il n’y avait pas eu de procès à ce moment-là. Après janvier 1993, il n’y avait aucune autre preuve. C’est le directeur, M. Dyotte, qui a pris la décision de licencier M. Boisvert. Le représentant du fonctionnaire me renvoie à la pièce P-4, ainsi qu’à la décision Wilson (supra), à la page 6. Le représentant du fonctionnaire mentionne que, selon la preuve, je dois annuler le licenciement. Le fonctionnaire s’estimant lésé représente le Canada en étant membre des Forces armées et pourra même servir en dehors du Canada. Ceci dit, il peut ainsi porter l’uniforme de CX aussi.

M. Dupont mentionne qu’il y a des circonstances atténuantes à considérer. M. Dyotte a témoigné que M. Boisvert ne peut pas porter d’armes dans son poste d’agent de correction. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait aucun antécédent disciplinaire. Il y a eu des réintégrations dans d’autres décisions. Je dois considérer la preuve et la carrière de M. Boisvert. La preuve de l’employeur est faible. Je ne dois pas approuver ou accepter le licenciement. Il n’y a aucune preuve pour démontrer que le fonctionnaire s’estimant lésé n’est pas le bienvenue à l’établissement Archambault. Il peut reprendre son poste; il veut reprendre son poste. Il a droit à une chance d’être réintégré dans son poste. L’employeur sera bien servi par le fonctionnaire s’estimant lésé. Le Code de discipline est permissif. Je dois réintégrer M. Boisvert, après une période de suspension. Il doit avoir une sentence pour ses actions, mais je dois faire droit aux griefs dans cette mesure.

M. Dupont a cité les décisions suivantes: Butcher (dossier de la Commission 166-2-13507) et Armstrong (dossier de la Commission 166-2-9402).

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Decision Page 21 Réplique L’avocat de l’employeur admet que certains employés du Service correctionnel Canada ont des casiers judiciaires et travaillent dans des pénitenciers. Mais, cela ne vaut que pour des conduites en état d’ébriété.

Il soutient que les crimes ici sont sérieux. Pour ce qui est de la question de démissionner ou de se faire licencier, une chance fut donnée au fonctionnaire s’estimant lésé. Le fonctionnaire s’estimant lésé a plaidé coupable. Le fardeau de la preuve continue d’incomber au fonctionnaire s’estimant lésé.

M e Lafrenière me renvoie à la pièce E-8, la décision Funnell, (supra) et me demande en plus de tenir compte de la gravité du crime.

Motifs Le fonctionnaire s’estimant lésé prétend que l’employeur ne lui a pas accordé la chance de s’expliquer et tente de faire une distinction avec l’affaire Skibicki (supra) sur cette base entre autres. À mon avis, il faut aussi noter le fait que dans Skibicki, le fonctionnaire aurait pu se disculper complètement s’il avait fourni à son surveillant les renseignements qu’il détenait. Dans la présente affaire, la discussion n’aurait portée que sur des facteurs atténuants.

Toutefois, dans le contexte précis de la présente affaire, il importe peu que le fonctionnaire n’ait pas eu la chance de s’expliquer. Je ne dis pas que j’accepte la version du fonctionnaire. Plutôt, je ne tire aucune conclusion là-dessus puisqu’à mon avis c’est sans importance dans le contexte présent. De toute façon, tout vice de procédure serait corrigé par l’audience de novo devant moi: Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la Cour fédérale A-66-85.

Le fonctionnaire a plaidé et fut reconnu coupable de vol et de recel d’objets provenant du ministère de la Défense nationale, y compris des substances explosives. Cela est tout à fait incompatible avec ses fonctions d’agent de correction même en l’absence de publicité et malgré son dossier disciplinaire vierge. Il est inconcevable de réintégrer le fonctionnaire dans un milieu carcéral l’employeur se doit d’assurer la sécurité du personnel et des détenus. En outre, il fut tout à fait raisonnable et

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Decision Page 22 responsable de la part de l’employeur de suspendre le fonctionnaire en attendant son procès.

Pour ces motifs, les deux griefs de M. Boisvert sont rejetés.

Richard Labelle, commissaire

OTTAWA, le 10 avril 1997.

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