Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence - Employé nommé pour une période déterminée - Le défaut de l'employeur de renouveler la période précisée de nomination du fonctionnaire s'estimant lésé constituait-il un licenciement de nature disciplinaire déguisée - Activité syndicale - Article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait depuis un certain nombre d'années à l'atelier de construction en vertu d'une série de nominations consécutives pour une période déterminée, la dernière étant venue à échéance le 17 décembre 1993 sans être renouvelée, censément à cause de restrictions financières - pendant sa période d'emploi, le fonctionnaire avait déposé un certain nombre de griefs à l'encontre de gestes de ses supérieurs et avait occupé la fonction de délégué syndical - le fonctionnaire s'estimant lésé s'était également plaint des politiques de dotation de l'employeur, d'où une enquête de la Commission de la fonction publique qui avait publié un rapport critiquant certaines des pratiques de dotation de l'employeur concernant les employés nommés pour une période déterminée - le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas parvenu à se faire réembaucher par l'employeur malgré qu'il ait postulé plusieurs postes affichés - le fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé que le refus de l'employeur de renouveler sa nomination pour une période déterminée ou de le réembaucher à tout autre poste constituait dans les faits une sanction disciplinaire déguisée de la part de l'employeur afin de le punir de ses activités syndicales et de son recours à la procédure de règlement des griefs - l'employeur a soutenu que l'arbitre n'avait pas compétence pour entendre le grief dont l'objet relevait plutôt de la compétence de la Commission de la fonction publique - de plus, l'employeur a avancé qu'il avait toujours agi de bonne foi - l'arbitre a estimé que le grief aurait relevé de sa compétence si la mauvaise foi de l'employeur avait été établie, mais en est venu à la conclusion que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas démontré la mauvaise foi de l'employeur - l'arbitre ne se reconnaît pas compétence. Grief rejeté. Décisions citées: Perreault (166-2-26094); Rinaldi (166-2-26927); Kerr (166-2-23131); Chamberland (166-2-21290).

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26900 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE DONALD VOGAN fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur Devant: P. Chodos, président suppléant Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Linda Roth, avocate Pour l’employeur: Maureen Crocker, avocate Affaire entendue à à Kingston (Ontario) les 26 au 28 mars et les 8 au 10 octobre 1996,

Decision Page 1 DÉCISION M. Vogan a été employé à la Base des Forces canadiennes, à Kingston, à titre de maçon (GL-PCF-07) jusqu’à la cessation de son emploi le 17 décembre 1993. À cette date M. Vogan avait été employé continuellement pour des périodes déterminées pendant trois ans et demi et terminait la dernière d’une telle période. M. Vogan prétend que la cessation de son emploi était liée à des considérations disciplinaires nées de conflits qu’il avait avec ses supérieurs à la BFC Kingston. L’employeur soutient que l’affaire ne relève pas de la compétence d’un arbitre aux termes de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, puisque la cessation d’emploi de M. Vogan résultait de l’expiration de sa période contractuelle. Les parties ont convenu que l’audience et la présente décision porteraient exclusivement sur la question de compétence.

Durant la présente audience, M. Vogan a présenté beaucoup d’éléments de preuve concernant ses antécédents professionnels. Le fonctionnaire s’estimant lésé a commencé à travailler à la BFC Kingston en 1981 à titre de manoeuvre occasionnel, travaillant pour six mois et cessant pour six mois. À partir d’avril 1990, M. Vogan est devenu employé pour une période déterminée à titre d’aide (GL-ELE-3). En mai de cette année-là, il a conclu un contrat d’apprentissage parrainé par le ministère de la Formation professionnelle de l’Ontario, qui devait mener à un certificat de qualification à titre de maçon. M. Vogan avait tenté de faire parrainer son apprentissage par le ministère de la Défense nationale; mais, à l’époque, il n’y avait pas de parrainage d’apprentissage dans son métier. Toutefois, le Ministère a accepté de lui accorder un congé non payé pour qu’il puisse suivre le programme de formation théorique et de lui offrir ensuite un stage dans le domaine de la maçonnerie comme l’exigeait le programme d’apprentissage. Au cours de sa période d’emploi au Ministère, M. Vogan a travaillé à l’Atelier du génie construction qui était sous la direction du major Alan Raymond. Le superviseur de M. Vogan était alors M. Robert Boomhour.

M. Vogan a témoigné qu’il avait eu beaucoup de difficultés avec la supervision de M. Boomhour; il se plaignait en particulier de ce que M. Boomhour n’était pas prêt à lui permettre de faire des travaux de maçonnerie, ou même d’utiliser des outils de maçon, contrairement à l’entente relative à son programme d’apprentissage. M. Vogan a finalement fait part de ses soucis au major Raymond; une rencontre de M. Vogan et de la déléguée syndicale d’alors, M me Herrington, avec le major Raymond a suivi en septembre 1992; par suite de cette rencontre, le major Raymond a émis une note de service exposant la responsabilité de la direction de voir à ce que M. Vogan acquiert l’expérience exigée par son programme d’apprentissage. M. Vogan a témoigné qu’un

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Decision Page 2 autre de ses problèmes pendant qu’il était sous la supervision de M. Boomhour à l’Atelier de peinture était qu’on confiait à un aide relativement nouveau, M. Farrell, qui n’était pas un maçon qualifié, des tâches de maçonnerie de plus en plus grandes, pendant que les siennes étaient réduites. En outre, selon M. Vogan, pendant qu’il fréquentait l’école de métiers en janvier et février 1992, un nouveau maçon s’est ajouté à la Section du génie construction, un M. Ron Kellman; par suite de restrictions financières, on a informé l’employé s’estimant lésé qu’on le remercierait de ses services; toutefois, M. Kellman, qui était un maçon qualifié, serait retenu. M. Vogan a par la suite appris que M. Kellman n’était pas un maçon qualifié et, en outre, il y avait une autre personne qui n’était pas qualifiée, qui était néanmoins employée comme maçon pour une période déterminée, un M. Armindo Silva. Lorsque M. Vogan s’est plaint de cela, l’adjudant Bugner lui a dit que son emploi à titre d’aide serait prolongé de six mois et que celui de M. Kellman à titre de maçon le serait également.

La fiche d’analyse de poste (FAS) se rapportant au poste de maçon (c.-à-d. GL-PCF-07), qui est datée de mars 1987, prévoit que le titulaire doit être [Traduction] «un maçon et plâtrier qualifié... ou doit avoir un minimum de dix ans d’expérience dans le métier». Selon l’employeur, au moment du premier embauchage de M. Silva en 1988, il y avait une pénurie de maçons pour travailler dans la fonction publique parce que les taux de rémunération n’étaient pas concurrentiels. En conséquence, l’exigence normale de la qualification professionnelle a été assouplie; le curriculum vitae de M. Silva (pièce E-20) révèle qu’il a l’expérience professionnelle requise. En fait, en 1992, le Ministère a resserré sa norme de sélection et exigé que les ouvriers du bâtiment, dont les maçons, aient le certificat voulu (pièce E-1).

M. Vogan a obtenu un certificat de plâtrier en 1992; il avait terminé un programme d’études au Sir Sandford Fleming College en février 1992 à titre d’apprenti maçon en briques et pierres (pièce G-2) et il a également obtenu son certificat de qualification dans ce métier le 12 février 1993 (pièce G-3). Les éléments de preuve sont contradictoires quant au moment les certificats de M. Vogan ont été portés à la connaissance de la direction et versés à son dossier personnel. Les certificats ont été paraphés par M. Lemieux, agent du personnel civil de la Base, et par le major Raymond; M. Vogan a témoigné qu’il a demandé en février ou mars 1992 qu’ils soient versés à son dossier personnel. En contre-interrogatoire, il a affirmé qu’ils ont été paraphés séparément par M. Lemieux et le major Raymond dès qu’il les a reçus, soit à un moment donné au début de 1993. M me Herrington, qui était alors déléguée syndicale, a témoigné que vers la fin de 1992, le major Raymond l’a informée qu’il ignorait la qualification de M. Vogan; elle a ensuite vu M. Lemieux et appris qu’il n’y avait pas de copies des certificats au dossier. Ils Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 ont ensuite fait parapher les documents par M. Lemieux et le major Raymond. L’employé s’estimant lésé lui avait dit qu’il avait initialement remis les certificats à l’adjudant chef Storms, un subalterne du major Raymond. En contre-interrogatoire, M me Herrington a admis qu’elle ne savait pas avant ses discussions avec M. Lemieux que les certificats avaient été remis à lui ou au major Raymond. M. Lemieux a témoigné qu’il a vu les certificats pour la première fois au printemps de 1993 et qu’il ne savait pas qu’ils n’étaient pas au dossier.

En 1992, M. Vogan a commencé à exprimer des soucis au sujet du fait qu’on ne lui donnait pas la possibilité de poser sa candidature au poste de maçon, tandis que d’autres, en particulier M. Silva, obtenaient des prolongations de leur emploi pour une période déterminée, sans concours, même s’ils n’étaient pas qualifiés dans ce métier. En septembre 1992, M. Vogan a présenté un grief qui soulevait, entre autres, la question des pratiques d’embauchage des ouvriers du bâtiment de la Section du génie construction. Il a reçu la réponse qui suit; elle est datée du 13 novembre 1992 et signée par le major Raymond en sa qualité de premier palier de la procédure de règlement des griefs (pièce G-10) :

[Traduction] ... 3. Dans votre grief, au point B se rapportant aux pratiques d’embauchage déloyales, vous signalez certaines irrégularités possibles dans nos pratiques d’embauchage. Même si vous avons suivi l’avis de la Dotation et tenu compte de l’ancienneté et de l’expérience lorsque nous avons prolongé l’emploi de trois aides après le 20 septembre 1992, on ne nous a pas informés de la troisième option qui était de tenir compte également de l’aptitude des candidats possibles.

4. J’accueille votre grief mais il n’y a pas de besoin d’aide à ce moment-ci. Veuillez vous présenter au travail le lundi 16 novembre 1992 au Centre de service LF vous serez employé comme aide-menuisier. Si jamais un poste d’aide-maçon ou de plâtrier devient disponible, nous vous encourageons à envisager de le solliciter.

5. Comme votre grief est accueilli vous recevrez un rappel de salaire complet depuis la date de votre renvoi. Votre ancienneté ne sera pas touchée par cette absence du travail ni ne serez-vous pénalisé de quelque façon pour avoir eu recours à cette procédure de règlement des plaintes.

...

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Decision Page 4 En mars 1993, M. Vogan occupait un poste de maçon à titre intérimaire, bien que son poste d’attache et sa classification fussent ceux d’un aide (GL-ELE-3); durant ce mois, on l’a informé qu’il serait mis en disponibilité alors qu’apparemment M. Silva ne le serait pas. M. Vogan a présenté un autre grief portant que [Traduction] «les personnes les plus qualifiées sont laissées de côté» en violation de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique; à titre de redressement, M. Vogan demandait [Traduction] «soit une nomination au poste de maçon, soit la mise en disponibilité des deux parties touchées pour qu’elles reviennent et fassent juste concurrence sur le plan des qualifications». Le 6 avril 1993, le major Raymond a répondu au grief de M. Vogan dans les termes suivants (pièce G-12) :

[Traduction] ... 2. Vous avez informé la direction le 23 mars 1993 que vous avez terminé avec succès votre programme d’apprentissage et obtenu votre certificat à titre de maçon le 12 février 1993. Compte tenu de cette nouvelle information, votre grief est accueilli.

3. Dans l’intérêt de l’impartialité, vous et l’autre personne touchée êtes mis en congé non payé et une décision quant à la prolongation de l’emploi de l’un d’entre vous est reportée au 3 mai 1993. Si vous n’acceptez pas ma décision, vous pouvez vous adresser au deuxième palier.

Malgré la réponse précitée au grief, M. Silva n’a apparemment pas été mis en congé non payé. Le major Raymond, qui s’est depuis retiré de la vie militaire, a témoigné qu’il avait bien l’intention de donner suite à sa décision de mettre et M. Vogan et M. Silva en congé non payé. Toutefois, il croyait comprendre qu’il lui fallait obtenir l’autorisation du Quartier général du Service de l’instruction à Trenton (Ontario) pour mettre M. Silva en congé non payé parce qu’il comptait quatre années de travail continu à titre d’employé nommé pour une période déterminée. Lorsqu’il a demandé cette permission, le Quartier général du Service de l’instruction, en la personne de M. J.R. Stewart, agent du personnel civil à Trenton, a apparemment pensé qu’il voulait licencier M. Silva, ce qui était contraire à la règle du Ministère de protéger certains employés nommés pour une période indéterminée comptant quatre années de travail continu. Le major Raymond a reçu de M. Stewart un message (pièce E-17) précisant que [Traduction] «l’on ne peut pas encore mettre fin à l’emploi de M. A. Silva pour les raisons énumérées... La nomination pour une période déterminée de M. Silva devrait être prolongée d’une durée suffisante pour lui permettre de tenter d’obtenir le certificat de compagnon pertinent. Si M. Silva réussit et si l’on dispose de fonds suffisants, sa nomination pour une période déterminée devrait être

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Decision Page 5 prolongée pour aussi longtemps que la direction estime qu’il a les qualités requises ou qu’il est qualifié pour faire des travaux de maçonnerie. Si les tentatives de M. Silva pour obtenir son certificat échouent... son maintien en emploi sera examiné à ce moment-là.»

Le major Raymond a témoigné qu’il a pris ce message pour une directive de ne pas mettre M. Silva en congé non payé; bref, il a confondu congé non payé avec licenciement. M. Silva a obtenu un certificat de qualification provisoire à titre de maçon en briques et pierres pour la période du 14 avril au 14 juillet 1993. Le certificat provisoire prévoyait qu’à l’expiration, son titulaire serait tenu de se présenter à un examen pour obtenir le certificat de qualification officiel. M. Silva a obtenu un certificat de qualification à titre de plâtrier qui prenait effet le 10 juin 1993.

Lorsque M. Vogan a appris que, contrairement à la réponse du major Raymond à son grief, M. Silva n’avait pas été mis en congé non payé, il a présenté un autre grief; dans sa réponse à ce grief, le major Raymond a écrit ce qui suit :

(Pièce G-14) [Traduction] ... 4. La direction avait décidé qu’un seul maçon serait retenu en raison de profondes réductions budgétaires faites en avril 1993. M. Silva a bien obtenu un certificat temporaire dans le délai fixé de deux semaines et, vu son ancienneté, son emploi a été prolongé jusqu’au 16 juillet 1993. Une explication écrite aurait pu vous être envoyée pour expliquer que la décision relative au grief précédent ne serait pas exécutée et que M. Silva serait maintenu en emploi. Une explication verbale vous a été donnée quand vous avez demandé une explication.

... Par suite de ces événements, M. Vogan a adressé une plainte à la Commission de la fonction publique dont la Direction des enquêtes a présenté un rapport (pièce G-15) en septembre 1993. Ce rapport renfermait, entre autres, les observations suivantes :

(Pièce G-15) [Traduction]

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Decision Page 6 13. M. Lemieux a confirmé que M. Silva a été renommé constamment en raison de sa réussite à ces deux concours publics. Le Ministère ne considère pas que ces renominations ont été faites «sans concours», même si les listes d’admissibilité ont depuis longtemps expiré. Il s’ensuit que le Ministère n’a pas affiché d’avis de nomination sans concours ou d’avis de droit d’appel dans le cas d’aucune de ses renominations. M. Lemieux a affirmé que c’est la politique du Ministère de renommer ainsi les employés nommés pour une période déterminée.

18. M. Lemieux et M me Wolff ont tous deux affirmé que M. Silva a été renommé pour cette période suivant les conseils reçus de M. Jim Stewart, agent supérieur du personnel, Soutien du personnel civil des opérations, Trenton. M. Stewart a expliqué qu’à son avis, le Ministère a commis une erreur en n’incitant pas M. Silva à obtenir son certificat durant les nombreuses années il a été employé à la Base et que ce serait injuste envers un employé ayant plus de quatre années de service continu de mettre fin à son emploi sans lui donner la chance d’obtenir son certificat. M. Stewart a affirmé qu’il ne savait pas que l’emploi de M. Silva était prolongé de deux semaines avec rémunération, contrairement à ce qu’indiquait la réponse au grief.

CONCLUSION Lorsque la direction du Génie construction à la BFC Kingston s’est rendue compte qu’en raison des restrictions budgétaires, on ne pouvait prolonger tous les contrats pour une période déterminée, il a fallu décider quelles unités de travail subiraient une réduction de personnel.

Malgré la réponse au grief de M. Vogan, la direction conservait certainement le pouvoir de décider qu’il serait nécessaire de maintenir un maçon en emploi pour la période de deux semaines en question en avril 1993. En outre, il est raisonnable que le Ministère ait choisi de garder M. Silva, dont le poste d’attache en était un de maçon. Même si M. Vogan travaillait comme maçon à titre intérimaire durant cette période, son poste d’attache en était un d’aide.

À la lumière de l’information recueillie au cours de l’enquête et présentée ci-dessus, l’allégation du plaignant, telle qu’elle est énoncée, est sans fondement.

Un certain nombre d’anomalies ont été constatées dans les pratiques de dotation se rapportant aux renominations de M. Silva, qui révèlent un manque d’impartialité, d’équité et de transparence. Ces anomalies font l’objet d’une communication distincte au Ministère.

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Decision Page 7 Les «anomalies» auxquelles le rapport fait allusion sont exposées dans une lettre datée du 7 septembre 1993 à M. J.G. Lemieux, agent du personnel civil de la Base à Kingston. La lettre critique diverses pratiques de dotation de la BFC Kingston. L’agent d’enquête y signale que, bien que les renominations de M. Silva aient été faites sur la base de sa réussite à un concours public en 1988, il ne convenait pas de se fonder sur la liste d’admissibilité établie à ce concours, comme elle avait expiré il y avait au moins trois ans. La lettre critiquait également le Ministère pour ne pas avoir affiché d’avis d’appel relativement aux diverses nominations de M. Silva. L’agent d’enquête soulignait également ce qui suit : [Traduction] «En ne tenant pas de concours interne plus d’un mois avant le cinquième anniversaire de M. Silva à titre d’employé nommé pour une période déterminée, le Ministère a négligé d’examiner si d’autres employés pouvaient être aussi ou plus qualifiés que lui. En outre, en raison de son «passage» imminent à l’état d’employé nommé pour une période indéterminée, M. Silva n’a pas eu à démontrer ses qualifications au Ministère depuis sa réussite à un concours public tenu en 1988. Il est fort vraisemblable que, même s’il échouait au concours interne actuel, une nomination pour une période indéterminée lui est garantie par le processus d’intégration» (pièce G-40). M. Lemieux a témoigné que c’était la politique du Ministère de ne pas afficher d’avis d’appel dans le cas de la prolongation de nominations pour une période déterminée. Il a aussi affirmé que le Service de l’instruction lui avait demandé de nommer M. Silva à un poste de durée indéterminée. Il a aussi reconnu que le Ministère n’avait rien fait pour donner suite à la lettre de la Commission de la fonction publique.

M. Vogan a été nommé à un poste de maçon en mai 1993, de nouveau pour une période déterminée. Vers à peu près ce temps-là, il est aussi devenu délégué syndical et s’est occupé activement de représenter d’autres syndiqués devant le major Raymond; M. Vogan a témoigné qu’un certain nombre de ces affaires se rapportaient à des allégations d’abus de pouvoir. Il se rappelait d’une rencontre particulière en juillet 1993 à laquelle il représentait M. Michael Ferguson relativement à une plainte d’abus de pouvoir par M. Boomhour. M. Vogan a témoigné que la première observation que le major Raymond lui a faite à cette réunion était [Traduction] «Êtes-vous encore ici dans la section? Peut-être qu’on vous aura la prochaine fois.» À la fin de la rencontre, qui a duré environ vingt minutes, le major Raymond a alors dit à M. Ferguson, selon M. Vogan, qu’il était de son meilleur intérêt de ne pas s’associer du tout à lui. M. Vogan a produit une déclaration écrite signée par M. Ferguson au sujet de ces observations du major Raymond (pièce G-16); toutefois, M. Ferguson n’a pas témoigné à l’audience. M. Vogan a affirmé qu’il considérait les observations du major Raymond comme étant menaçantes. M. McAuliffe, qui était président de la section locale à l’époque, a témoigné que lorsqu’il a

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Decision Page 8 parlé de cela au major Raymond quelques semaines plus tard, ce dernier a répondu que ce n’était qu’une plaisanterie.

Le major Raymond avait un vague souvenir de l’audition de ce grief. Il se rappelait qu’il se rapportait à une critique qu’avait faite M. Boomhour du travail de M. Ferguson; il ne se souvenait pas de ce qui avait vraiment été dit à la rencontre, même s’il ne croyait pas avoir fait les remarques que lui attribuait M. Vogan; il a accordé que ces mots pouvaient être jugés intimidants; toutefois, il a affirmé qu’il n’aurait pas eu de raison «d’avoir» M. Vogan; il a précisé qu’il était à six échelons au-dessus de M. Vogan dans la chaîne de commandement.

M me Lorraine Wolff, qui était agente d’administration à la Section du génie construction de septembre 1985 à mai 1994, était présente à cette rencontre du 13 juillet. Elle se rappelait en détail le but de la rencontre. Elle a témoigné que M. Raymond n’a pas fait les affirmations en question à cette rencontre.

En juillet 1993, un avis de concours prévoyant une nomination pour une période indéterminée à un poste de maçon a été affiché. Il exigeait que les candidats aient un certificat de qualification à titre de maçon en briques ou en pierres ou de plâtrier. M. Vogan s’est présenté à ce concours, comme l’ont fait M. Silva, M. Kellman et un M. Norgaard. Au terme du concours, seul M. Vogan a été inscrit sur la liste d’admissibilité qui est datée du 3 septembre 1993; M. Norgaard a interjeté appel et a eu gain de cause.

Jusqu’au printemps de 1993, il semblerait que les soucis de M. Vogan au sujet de son traitement au lieu de travail ne s’étendaient pas au major Raymond, mais plutôt à M. Boomhour. Toutefois, après son grief d’avril 1993, M. Vogan a commencé à avoir des soucis à l’égard du major Raymond. Selon M me Herrington qui, en sa qualité de déléguée syndicale, avait représenté M. Vogan de 1991 à 1993, ce dernier et elle avaient également des soucis au sujet de M me Lorraine Wolff, agente d’administration de la Section du génie construction. M me Herrington estimait que M me Wolff ne voulait pas reconnaître que M. Boomhour était le problème; M me Herrington attribuait cela au fait que le mari de M me Wolff avait été le candidat reçu à un poste d’aide dans la Section du génie construction; M me Herrington a signalé que M me Wolff avait servi d’interprète dans le cadre du concours auquel son mari avait participé et que cela remettait en question l’intégrité du concours. Selon M me Wolff, l’agent du personnel civil de la Base lui avait demandé de faire fonction de traductrice, au besoin, pour un candidat qui ne parlait pas couramment l’anglais. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas les réponses aux questions du concours et qu’elle n’avait communiqué d’aucune façon avec son mari durant la tenue du concours. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 9 M. McAuliffe a témoigné qu’il avait participé à ce concours et avait initialement interjeté appel en raison de la participation de M me Wolff. Il a retiré son appel lorsqu’on l’a informé que onze postes seraient dotés au lieu des trois ou quatre postes qui étaient initialement visés par le concours. Un des candidats heureux était un M. Farrell qui, selon M. McAuliffe, même s’il a été nommé à titre d’aide, a été affecté plutôt que M. Vogan à des travaux de maçonnerie par M. Boomhour.

M. Vogan a présenté un autre grief daté du 3 août 1993, dans lequel il alléguait [Traduction] «le harcèlement et l’abus de pouvoir en me refusant systématiquement ma chance de profiter de possibilités d’emploi à temps plein - OAPC 7.18(8) et article M-16 et tout autre article de la convention collective qui pourrait s’appliquer. Je demande que le premier palier soit supprimé» (pièce E-4). M me Herrington a témoigné que M. Vogan et elle ont rencontré le major Raymond à la demande de ce dernier le 12 août aux fins de l’informer qu’ils voulaient que le premier palier de la procédure de règlement des griefs soit supprimé conformément à la clause M-16.02 de la Convention cadre entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada. M me Herrington a expliqué qu’à leurs yeux, le major Raymond faisait l’objet du grief et que, par conséquent, il ne conviendrait pas qu’il y réponde. Selon le souvenir de M me Herrington, la rencontre du 12 août n’a porté que sur leur demande de la suppression du premier palier de la procédure de règlement des griefs. M. Raymond a un souvenir quelque peu différent des événements, selon ce qui ressort de sa note de service datée du 23 août 1993 à M. Vogan, dans laquelle il écrivait [Traduction] «... Après une longue discussion sur vos droits à la suppression du premier palier, vous avez accepté de fournir des preuves à l’appui de ce grief et de recevoir une réponse au premier palier. À la date limite fixée à cette fin, l’agente d’administration a communiqué avec vous et vous a de nouveau demandé vos preuves, mais elle a été informée que vous ne pourriez les présenter à ce moment-là.» Le major Raymond a témoigné qu’à son avis, les parties avaient l’intention de poursuivre l’audition officielle du grief une fois que l’information concernant les allégations qui y étaient faites aurait été rassemblée et lui aurait été fournie. Selon son expérience, même si une plainte de harcèlement pouvait viser une personne en particulier, les faits indiquaient souvent le contraire; il voulait être en mesure de bien connaître les faits et, s’il était réellement vu comme la source de harcèlement, il rassemblerait simplement l’information et l’acheminerait à son supérieur, le colonel O’Keefe, qui ferait fonction de premier palier. Il ne se rappelait pas que M me Herrington lui ait dit qu’il n’était pas en mesure de rendre une décision impartiale. Il a témoigné que si elle lui avait bien dit cela, il n’aurait pas entendu l’affaire et l’aurait plutôt renvoyée au colonel O’Keefe qui aurait constitué le premier palier. Il a également affirmé qu’il croyait comprendre que la

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Decision Page 10 suppression du premier palier exige dans certaines circonstances l’accord des parties, lorsque le véritable objet du litige n’est pas une présumée discrimination.

Peu de temps après cela, M. Vogan a présenté un autre grief daté du 12 août 1993, par lequel il alléguait que le major Raymond l’avait empêché d’exercer le droit que lui confère la clause M-16.02 : il demandait de nouveau que le premier palier de la procédure de règlement des griefs soit supprimé conformément à cette disposition. Le major Raymond a de nouveau refusé la demande de suppression du premier palier au motif que [Traduction] «l’article M-16 se rapporte à la discrimination et la clause M-16.02 permet la suppression de n’importe quel palier seulement dans les cas de discrimination» (pièce G-18).

M. Vogan s’est vu offrir une autre nomination pour une période déterminée de septembre au 1 er décembre 1993; le 30 novembre 1993, M. Vogan a reçu une dernière offre d’une nomination pour une période déterminée qui a pris fin le 17 décembre 1993. Le 14 décembre il a reçu la note de service suivante du major Raymond :

(Pièce G-23) [Traduction] 1. La lettre d’offre mentionnée en objet vous proposait une prolongation de votre contrat jusqu’au 17 décembre 1993. Le but de la présente note de service est de vous informer qu’il ne vous sera pas offert une autre prolongation. La priorité des travaux a été examinée et les postes d’une durée déterminée en maçonnerie n’ont pas été jugés essentiels à ce moment-ci. Je profite de cette occasion pour vous remercier de votre bon travail et de votre dévouement à la Section du GC au cours des quelques dernières années.

2. L’APCB m’a fait savoir que, dans le cas du concours tenu pour doter un poste de maçon pour une période indéterminée, l’appel entendu le 26 novembre 1993 a été tranché en faveur de l’appelant. Il s’ensuit que la liste d’admissibilité existante pour le poste de maçon se trouve annulée. Une nouvelle liste d’admissibilité sera établie une fois le concours classé.

... M. Vogan a compris qu’il obtenait une prolongation de deux semaines de sa nomination pour une période déterminée jusqu’au 17 décembre en attendant le résultat du concours relatif au poste de maçon. Le major Raymond a témoigné que M. Vogan a été embauché à

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Decision Page 11 titre de journalier occasionnel et payé sur un budget d’entretien établi à cette fin; il y avait alors de fortes réductions budgétaires et il risquait de faire des dépenses excédentaires, mais la nomination de M. Vogan a été prolongée en raison d’un concours dont le résultat faisait l’objet d’un appel par M. Norgaard. Le major Raymond a aussi affirmé que c’était son personnel qui déterminait quels emplois étaient nécessaires et on demandait son approbation pour les doter; toutefois, il n’intervenait pas directement dans le processus d’embauchage. Il a également signalé que son secteur avait connu cinq séries de réductions sur une période de trois ans, ce qui exigeait un examen continu des activités de l’atelier de peinture travaillait le fonctionnaire s’estimant lésé pour trouver d’autres économies. La décision de ne pas renouveler la nomination pour une période déterminée de M. Vogan suivait la conclusion qu’ils avaient assez de maçons nommés pour une période indéterminée pour faire les travaux essentiels. Il a aussi affirmé que le concours relatif au poste de maçon avait la vedette; on lui a ordonné de tenir le concours même s’il estimait que le poste n’était plus nécessaire. Il semblerait, toutefois, que la direction a décidé de retenir les services de M. Silva plutôt que ceux de M. Vogan, pour les raisons énoncées dans la note de service datée de novembre 1993 :

(Pièce E-21) [Traduction] ... . Il n’est pas logique de remercier un employé nommé pour une période indéterminée dont le rendement est satisfaisant depuis cinq ans pour permettre l’embauchage d’un candidat heureux, qui est un employé nommé pour une période déterminée.

. L’OEM INFRA QGSI a indiqué qu’il ne fournirait pas de fonds pour accroître à cinq l’effectif de maçons de la Section du GC d’une façon permanente.

Il semble donc logique de permettre à M. Silva de continuer comme employé nommé pour une période indéterminée et de garder la liste d’admissibilité établie par suite du concours relatif au poste de maçon pour répondre à un besoin futur tel un remplacement en cas de retraite. M. Vogan serait donc remercié à la fin de son contrat, c’est-à-dire le 1 er décembre 1993. Le major Raymond a dit que depuis sa première rencontre avec M. Vogan en 1992 jusqu’à la cessation de son emploi, il avait à tout moment tenté de régler ses griefs de façon complète et honnête; il a ajouté qu’il n’avait jamais pris de mesure disciplinaire

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Decision Page 12 contre M. Vogan, que le fait que M. Vogan eut fréquemment exercé ses droits en vertu de la convention collective ne l’embêtait pas et qu’il n’avait aucune animosité contre lui.

M me Wolff a témoigné que le poste de M. Silva, à la différence de celui de M. Vogan, avait toujours fait partie de l’effectif au lieu d’être rémunéré sur le budget de la main-d’oeuvre occasionnelle; il s’ensuit que la direction du Génie construction avait considérablement moins de latitude pour abolir ce poste. En outre, le Service de l’instruction avait indiqué qu’il n’était pas prêt à financer un autre poste de durée indéterminée de maçon.

Après la cessation de son emploi, M. Vogan a présenté le grief dont il s’agit ainsi que d’autres de même nature. De nouveau, M. Vogan a cherché à ne pas passer par le major Raymond au premier palier; toutefois, le major Raymond a continué de demander des renseignements à M. Vogan concernant ses griefs et de répondre au premier palier. Selon M. Vogan, il avait présenté en tout cinq griefs d’abus de pouvoir et demandé la suppression du premier palier; il a affirmé que ce droit lui avait été refusé chaque fois. En ce qui concerne le présent grief (93-D-KGN-090), le major Raymond a répondu ce qui suit :

(Pièce E-7) [Traduction] 1. Dans l’exposé de votre grief 93-D-KGN-090, vous alléguez que vous avez irrégulièrement été renvoyé de la fonction publique. À titre de redressement, vous demandez d’être réintégré dans votre ancien poste avec votre rémunération et vos avantages à partir du 17 décembre 1993.

2. Vous demandez également dans votre grief d’être entendu au dernier palier seulement, suivant la clause M-38.19 de la Convention cadre. Cette clause de la convention concerne le congédiement. Pour pouvoir déterminer à quel palier votre grief doit être entendu, vous devez expliquer par écrit comment vous concevez que la cessation de votre contrat peut être considérée comme un congédiement.

3. Il vous est demandé d’accepter une prolongation de deux semaines afin de vous donner le temps de préparer votre exposé des faits. Si vous acceptez cette prolongation, une rencontre peut être prévue pour le 7 janvier 1994, à 8 h 30, au bureau de l’OGCB pour discuter de l’affaire.

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Decision Page 13 Il semble que le grief de M. Vogan concernant la cessation de son emploi n’ait pas fait l’objet d’une réponse au dernier palier avant août 1995 (pièce E-13). M. Guy Beasley, représentant régional de l’Alliance, a affirmé qu’on a porté à sa connaissance en mars 1995 le fait qu’il n’avait pas été donné de réponse au grief de M. Vogan au-delà du premier palier. En conséquence, il en a parlé à M. Gil Lemieux. M. Lemieux a témoigné qu’on a supposé que M. Vogan avait renoncé à son grief en l’absence d’une demande d’acheminement au deuxième palier, comme il n’y avait pas eu accord sur la suppression d’aucun palier de la procédure du règlement des griefs. M. Beasley a produit une copie d’une formule de transmission datée du 17 décembre 1993 et apparemment signée par un représentant de la direction, qui renvoyait le grief dont il s’agit au troisième palier. Aucune explication n’est venue quant au sort de cette formule de transmission après le 17 décembre 1993.

Après la cessation de son emploi, M. Vogan a postulé, en juillet 1995, un poste d’aide-maçon qui avait été annoncé au Centre de main-d’oeuvre local. En août 1995, M me Julie Faubert, alors agente du personnel civil, l’a informé que [Traduction] «par suite d’un changement dans les besoins opérationnels, ce concours était annulé». En avril 1995, il avait de nouveau postulé par l’entremise du Centre de main-d’oeuvre un poste d’aide-menuisier à la BFC Kingston, mais on l’avait informé qu’il n’était pas qualifié. Plus récemment, en février 1996, il a fait deux demandes d’emploi à titre de manoeuvre à la BFC Kingston; toutefois, il n’a été nommé à aucun poste. M me Faubert a témoigné qu’en ce qui concerne le concours affiché en juillet 1995, la direction avait examiné son budget et conclu qu’elle n’avait pas de fonds pour terminer le projet pertinent. En conséquence, l’avis d’annulation a été envoyé à tous les candidats. En ce qui concerne les postes de manoeuvre, elle a signalé que l’avis initial affiché au Centre de main-d’oeuvre a été retiré parce qu’il y avait eu confusion en l’absence de la gestionnaire; ce processus a été annulé parce que la gestionnaire a décidé qu’elle pouvait réaffecter les tâches sans doter le poste; M me Faubert a affirmé qu’aucune présélection n’avait été entreprise relativement à ce poste.

Plaidoirie L’avocate du fonctionnaire s’estimant lésé soutient que l’examen de l’ensemble des antécédents professionnels de M. Vogan depuis le début de 1991 jusqu’à la cessation de son emploi en décembre 1993 révèle qu’il a été l’objet de sanctions disciplinaires déguisées, dont son licenciement, et que les personnes agissant pour le compte de l’employeur étaient motivées par des considérations injustes lorsqu’elles ont décidé de

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Decision Page 14 ne pas renouveler la nomination de M. Vogan. M e Roth rappelle en détail la preuve des tentatives de M. Vogan de contester les mesures de dotation de l’employeur et, en particulier, ses efforts pour être nommé à un poste de maçon, pour lequel il avait fait valoir ses qualifications depuis 1992. En particulier, l’avocate attire l’attention sur les actes du Ministère qui a favorisé et protégé l’emploi de M. Silva qui n’avait pas les qualités requises à titre de maçon, tandis que M. Vogan les possédait.

M e Roth rappelle également en détail la relation de M. Vogan avec le major Raymond. Elle souligne que M. Vogan s’est souvent plaint du comportement du major Raymond qui a refusé systématiquement de lui donner une chance d’être nommé pour une période indéterminée. M e Roth trouve que la réponse du major Raymond était défensive et est devenue par la suite agressive et abusive. À ce sujet, elle attire l’attention sur la rencontre du 13 juillet concernant M. Ferguson ainsi que sur le refus répété du major Raymond de supprimer le premier palier de la procédure de règlement des griefs, à l’encontre de la convention collective.

L’avocate conclut que les principaux représentants de la direction n’étaient pas des juges impartiaux des compétences et de l’aptitude de M. Vogan et se trouvaient de façon régulière en conflit d’intérêts relativement au fonctionnaire s’estimant lésé. En conséquence, ils ont refusé de reconnaître que M. Vogan était plus qualifié que d’autres, par exemple, M. Silva. L’avocate soutient que conformément à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Procureur général du Canada c. Judith Penner [1989] 3 C.F. 429, un arbitre peut assumer compétence en cas de présumé licenciement aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, si la mauvaise foi a été établie. L’avocate renvoie également à la décision Laird (dossier de la Commission 166-2-19981) l’arbitre a conclu que les compressions budgétaires ne pouvaient cacher un licenciement fait de mauvaise foi. M e Roth recommande une conclusion semblable en l’espèce. L’avocate de l’employeur soutient qu’il a été mis fin à l’emploi de M. Vogan conformément aux dispositions de sa lettre d’emploi; bref, sa nomination pour une période déterminée a cessé à la fin de son dernier emploi pour une période déterminée. Selon l’article 25 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, il n’était plus dès lors un employé. À l’appui de cet argument, l’avocate renvoie à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire The Queen v. Marion Zinck (dossier de la Cour 8-384-79), ainsi qu’aux décisions rendues dans les affaires Dionne (dossiers de la Commission 166-2-24975, 24976) et Ouellet (dossier de la Commission 166-2-1950) et à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Dansereau c. l’Office national du film et autres [1979] 1 C.F. 100. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 15 L’avocate soutient également que le paragraphe 92(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est un empêchement à l’audition de ce grief. M e Crocker souligne que cette disposition a acquis force de loi en 1993 par suite de la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Penner, précitée. L’avocate renvoie en outre à la décision de l’arbitre dans l’affaire Perreault (dossier de la Commission 166-2-26094).

À titre subsidiaire, l’avocate de l’employeur plaide que M. Vogan se plaint essentiellement de discrimination fondée sur son activité syndicale, à l’encontre de l’article M-16 de la convention collective. Par conséquent, aux termes du paragraphe 92(2), M. Vogan ne peut renvoyer le présent grief à l’arbitrage sans l’accord et l’appui de son agent de négociation. Si le grief de M. Vogan se rapporte aux pratiques d’embauchage de l’employeur, l’affaire relève alors de la compétence de la Commission de la fonction publique aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et, de nouveau, n’est pas arbitrable selon la décision rendue dans l’affaire Chopra v. Canada (Treasury Board) 100 F.T.F. 226. À l’appui de son argument, l’avocate renvoie aux décisions arbitrales dans les affaires Rodney (dossier de la Commission 166-2-25911) et Lawson (dossier de la Commission 166-2-25530).

Relativement à la question de mauvaise foi, M s’estimant lésé doit prouver que le représentant de l’employeur a agi avec l’intention de nuire en mettant fin à son emploi comme moyen de le punir. M preuve ne révèle aucune conspiration de la part du major Raymond et de M se débarrasser de M. Vogan. La direction n’a à aucun moment envisagé ou pris de mesure disciplinaire à l’égard d’aucune démarche de M. Vogan. M Laird, précitée, est antérieure aux modifications de 1993; quoi qu’il en soit, les faits examinés dans cette décision diffèrent de ceux de l’espèce. M également que la décision Penner, précitée, n’a aucun rapport avec l’espèce, la question d’intention relativement à une période contractuelle déterminée n’étant pas pertinente; le contrat se termine par effet de la loi seulement.

En réfutation, M e Roth soutient que le paragraphe 92(3) de la Loi ne doit pas être interprété d’une façon si restrictive qu’un employé qui a subi un préjudice par suite de mauvaise foi se trouve alors sans aucun recours. Elle soutient également que la réunion de tous les incidents témoigne de l’intention de nuire, soit que la direction a décidé qu’elle ne voulait plus de M. Vogan dans son entourage.

Motifs de décision Commission des relations de travail dans la fonction publique

e Crocker soutient que l’employé e Crocker soutient que la me Wolff pour e Crocker signale que la décision e Crocker soutient

Decision Page 16 Le principal argument de l’employeur est, essentiellement, que l’emploi de M. Vogan a pris fin par suite de l’expiration de sa dernière nomination pour une période déterminée et, en conséquence, par effet de la loi, il ne peut plus être considéré comme un employé. L’employeur soutient également que la question de bonne ou de mauvaise foi n’est pas pertinente compte tenu de ce fait. La question de savoir si, la mauvaise foi étant établie, un arbitre nommé en vertu de Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (et ses modifications de 1993) a compétence pour se pencher sur un présumé licenciement aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique a été soulevée carrément dans deux décisions arbitrales récentes et contradictoires : Perreault, précitée, et Rinaldi (dossiers de la Commission 166-2-26927, 26928). La décision rendue dans l’affaire Rinaldi est actuellement devant la Cour fédérale (dossier de la Cour T-761-96) : il est donc probable que cette question sera réglée par les cours dans le proche avenir. Compte tenu des conclusions que j’expose ci-après, je ne crois pas qu’il soit ni nécessaire, ni souhaitable d’entamer un débat sur cette question, et je m’abstiendrai donc de le faire.

À mon avis, le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir la mauvaise foi. En examinant la cause du fonctionnaire s’estimant lésé à cet égard, il faut se rappeler que de telles allégations sont de nature très graves parce qu’elles supposent un manque de rectitude morale et un acte illicite conscient (voir, par exemple, la définition dans le Black’s Law Dictionary, citée dans les décisions Kerr (dossier de la Commission 166-2-23131) et Dusseault, Administrative Law, 2nd ed., mentionné dans la décision Chamberland (dossier de la Commission 166-2-21290).

La plupart des allégations de mauvaise foi se rapportent au major Raymond, dans le cas, en particulier, de la plainte de M. Ferguson et des décisions du major Raymond touchant les demandes du fonctionnaire s’estimant lésé de supprimer le premier palier de la procédure de règlement des griefs. La preuve relative à l’incident Ferguson est au mieux contradictoire. Quatre personnes étaient apparemment présentes à la rencontre en question - M. Vogan, M. Ferguson, le major Raymond et M me Wolff. Selon le souvenir de M. Vogan, le major Raymond a fait une menace indirecte concernant la permanence de l’emploi de M. Vogan et l’association de M. Ferguson avec lui. Le major Raymond ne se souvenait à peu près pas de ces événements, mais il a soutenu que cela ne correspondait pas à son appréciation ou traitement de M. Vogan; M me Wolff, par contre, se rappelait la rencontre en détail et a témoigné que le major Raymond n’a pas fait les affirmations alléguées par M. Vogan. Il y a ensuite la déclaration écrite de M. Ferguson qui appuie la version des événements de M. Vogan; M. Ferguson n’a pas témoigné en l’espèce et, en Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 17 conséquence, il ne peut être accordé beaucoup de poids à cette déclaration. Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le major Raymond n’a pas fait cette remarque, au moins pas de la façon et avec l’intention alléguées par le fonctionnaire s’estimant lésé. À ce sujet, j’ai examiné l’ensemble de la conduite du major Raymond à l’égard du fonctionnaire s’estimant lésé, comme m’y a invité l’avocate de ce dernier. Cet examen fait ressortir un certain nombre de tentatives de la part du major Raymond de répondre aux plaintes du fonctionnaire s’estimant lésé au long de leur relation. Je note, par exemple, les occasions le major Raymond a accueilli les griefs de M. Vogan, dont celle il lui a accordé un rappel de rémunération en septembre 1992. Ni le major Raymond ni un autre représentant de la direction n’a à aucun moment puni, critiqué ou réprimandé M. Vogan. Le major Raymond a catégoriquement nié qu’il avait de l’animosité contre M. Vogan; j’ai pu observer le major Raymond qui a témoigné assez longuement à la présente procédure; il m’a paru être un témoin crédible qui ne cherchait pas à embrouiller ou à cacher les faits de quelque façon. Bien que je n’accepte pas nécessairement son refus de répondre immédiatement à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé de supprimer le premier palier de la procédure de règlement des griefs, je ne suis pas prêt à conclure que ces actes étaient motivés par autre chose que ce que le major Raymond croyait être la bonne interprétation et la procédure à suivre dans le cas de griefs de harcèlement et d’abus de pouvoir.

L’autre principale allégation de mauvaise foi est la perception que M. Silva a été favorisé plutôt que M. Vogan en ce qui concerne les possibilités d’emploi dans le poste de maçon. Il ne relève pas d’un arbitre d’enquêter et de tirer des conclusions concernant la procédure et les mesures de dotation, qui sont régies par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. La seule question sur laquelle je me penche dans ce contexte est celle de savoir si ces mesures constituent de la mauvaise foi de la part de l’employeur en ce qui concerne la cessation de l’emploi de M. Vogan. À mon avis, il n’en est pas ainsi. Il ressort clairement à la fois des dépositions des témoins de l’employeur et de la documentation que l’employeur a voulu à tout moment suivre sa politique d’assurer quelque forme de sécurité d’emploi aux employés de longue date nommés pour une période déterminée, comme M. Silva, qui avait été employé continuellement depuis 1988. Pour sa part, M. Vogan avait été employé continuellement depuis environ trois ans et demi lorsque son emploi a cessé, à l’expiration de sa dernière nomination pour une période déterminée en décembre 1993. Même s’il a pu y avoir des anomalies dans les mesures de dotation prises par la BFC Kingston dans le cas de l’emploi de M. Silva, comme le signale le rapport d’enquête de la Commission de la fonction publique, elles ne témoignent pas à mon avis de mauvaise foi à l’égard de M. Vogan.

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Decision Page 18 Le fonctionnaire s’estimant lésé a également présenté des éléments de preuve concernant ses efforts pour obtenir du travail à la Base après la cessation de son emploi en décembre 1993. À la lumière du témoignage de M me Faubert, je suis convaincu que les efforts de M. Vogan pour trouver de l’emploi à la Base n’ont été contrecarrés par aucune considération qui puisse être prise pour de la mauvaise foi de la part de l’employeur. En réalité, il est clair que les divers intervenants que M. Vogan allègue être responsables de la cessation de son emploi en 1993 n’ont absolument rien eu à voir aux décisions concernant son réemploi après 1993.

Finalement, il y a la question des griefs de M. Vogan qui se sont égarés après que le major Raymond y eut répondu au premier palier. Je suis loin de comprendre ce qui est arrivé exactement à la transmission du grief de M. Vogan aux paliers supérieurs de la procédure de règlement des griefs. Selon le témoignage de l’employeur, on a supposé que M. Vogan avait renoncé à son grief après avoir reçu une réponse au premier palier. Je ne suis pas entièrement convaincu par cela; toutefois, je ne suis pas prêt à conclure qu’il y a eu une tentative concertée de saboter le droit de M. Vogan à poursuivre son grief. Je noterais que lorsque M. Beasley a attiré l’attention des représentants de l’employeur sur le grief égaré, des efforts ont été faits pour y répondre, quoique tardivement. La preuve n’établit pas qu’il s’agissait d’autre chose qu’un problème ordinaire de communication ou d’un impair administratif qui ne tenait pas d’un mauvais motif quelconque.

En résumé, sans faire d’observations sur les divers autres motifs de s’opposer à ma compétence en l’espèce, je conclus que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas fourni la preuve nécessaire pour établir que l’employeur était de mauvaise foi lorsqu’il n’a pas renouvelé son emploi pour une période déterminée à sa cessation en décembre 1993.

En conséquence, le présent grief est rejeté pour défaut de compétence. OTTAWA, le 11 décembre 1996.

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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P. Chodos, président suppléant

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