Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Rémunération provisoire - Contrôleurs de la circulation aérienne stagiaires - avant d'être affectés à la tour de contrôle d'Ottawa, deux des fonctionnaires s'estimant lésés avaient passé les examens dans un cas, du niveau AI-1 et dans l'autre, du niveau AI-2 - la tour de contrôle d'Ottawa comporte quatre postes de travail, dont trois sont dotés par des contrôleurs de la circulation aérienne de niveau AI-4 - ces postes de travail sont désignés par les expressions aéroport, sol et transmission des autorisations - le quatrième poste est habituellement doté par des spécialistes du soutien à l'exploitation (SSE) - afin d'obtenir une licence complète de AI-4, un contrôleur de la circulation aérienne doit effectuer avec succès un stage aux quatre postes de travail - les fonctionnaires s'estimant lésés ont réussi la phase 1 du programme de formation à Ottawa et ont donc obtenu la classification AI-4 aux postes de SSE et de transmission des autorisations - on leur a ensuite donné des lettres d'autorisation leur permettant de travailler seul au poste de transmission des autorisations - le temps passé au poste de transmission des autorisations en vertu d'une lettre d'autorisation ne compte pas comme du temps de formation - les contrôleurs de la circulation aérienne stagiaires détenteurs d'une lettre d'autorisation peuvent travailler de manière autonome pendant une période allant jusqu'à un an - la durée réelle de cette période de travail dépend de la disponibilité des places pour la phase 2 du programme - au cours de cette période, les fonctionnaires s'estimant lésés ont été payés aux niveaux AI-1 et AI-2 respectivement, même s'ils accomplissaient toutes les fonctions qui sont normalement accomplies par un contrôleur de la circulation aérienne accrédité AI-4 à un poste de transmission des autorisations - un contrôleur de la circulation aérienne détenant toutes les accréditations de niveau AI-4 peut toutefois travailler indifféremment à l'un ou l'autre des postes de travail de la tour de contrôle d'Ottawa, ce que les fonctionnaires s'estimant lésés ne pouvaient pas faire - l'arbitre en est venu à la conclusion que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient droit à une rémunération provisoire au niveau AI-4 pour les périodes au cours desquelles ils travaillaient de manière autonome entre les phases 1 et 2 du programme de formation. Griefs admis.

Contenu de la décision

Dossiers: 166-2-26956, 26957 et 26958

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JEAN BEAUREGARD, SYLVIE CÉCILE DUPÉRÉ ET SÉBASTIEN BOURGON et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant: Yvon Tartre, vice-président Pour les fonctionnaires s'estimant lésés: Peter Barnacle, avocat, Association canadienne du contrôle du trafic aérien

Pour l'employeur: Mark Berlin

Affaire entendue à Ottawa (Ontario) le 8 mai 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Ces trois griefs portent sur l’interprétation de la clause 14.03 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne du contrôle du trafic aérien (ACCTA) (code 402/91). La clause en question traite de rémunération intérimaire. Comme les faits mentionnés dans ces griefs sont semblables, la question à trancher dans les trois cas est la même.

Les parties ont convenu de produire des éléments de preuve seulement à l’égard du grief de Sylvie Cécile Dupéré et de reconnaître que la décision que je rendrais à cet égard s’appliquerait également à Jean Beauregard et à Sébastien Bourgon. Enfin, on m’a demandé de me réserver compétence sur la question de la rémunération, advenant que je tranche en faveur des fonctionnaires s’estimant lésés.

LA CONVENTION COLLECTIVE La clause 14.03 est ainsi libellée : 14.03 a) Lorsque l’employé est tenu par l’employeur d’exercer les fonctions d’un niveau de classification supérieur pendant une période d’au moins quatre (4) jours ouvrables consécutifs, il est rémunéré au taux du niveau plus élevé et sa rémunération est calculée à partir de la date à laquelle il commence à exercer ces fonctions.

b) L’employé tenu par l’employeur d’exercer des fonctions de contrôle de la circulation aérienne qui exigent la possession d’une licence valide de contrôleur de la circulation aérienne ou d’une lettre d’autorisation et qui relèvent d’un poste d’un niveau de classification supérieur est rémunéré selon l’alinéa a) ci-dessus.

c) L’employé tenu d’exercer les fonctions d’un niveau de classification supérieur ne pourra pas, arbitrairement, être affecté au poste intérimaire et réaffecté à son poste normal seulement pour éviter de lui donner droit au traitement intérimaire dans le poste de niveau plus élevé.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 2 LES FAITS Les faits qui ont donné lieu au grief sont en grande partie incontestés. Trois personnes ont donné des témoignages : M. Fazal Bhimji, vice-président des Relations du travail, ACCTA, M me Dupéré et M me Robbie Johnson qui est spécialiste en formation pour le compte de l’employeur à l’administration centrale à Ottawa.

Le groupe du contrôle de la circulation aérienne est divisé en sous-groupes, soit opérationnel et non opérationnel. L’employeur a préparé une norme de classification (pièce G-5) qui s’applique aux deux sous-groupes. Les fonctionnaires s’estimant lésés sont tous des contrôleurs de la circulation aérienne dans le sous-groupe opérationnel. Les contrôleurs doivent suivre un programme de formation en vue d’une qualification à un niveau qui est approprié dans l’aéroport ou l’unité ils seront appelés à travailler.

Les aéroports sont cotés selon plusieurs facteurs, notamment le volume de circulation et le type d’avions qui les utilisent. La ciculation aérienne est contrôlée à partir d’une tour qui applique les règles de vol à vue (VFR) ou à partir d’un centre de contrôle régional qui applique les règles de vol aux instruments (IFR). La norme de classification établie par l’employeur prévoit cinq niveaux différents de postes de contrôle (VFR) d’aéroport (AI-1 à AI-5).

Au moment ils ont formulé leurs griefs, les trois fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient à la tour de contrôle d’Ottawa. Avant de venir à Ottawa, M me Dupéré avait obtenu sa qualification au niveau AI-2 à la tour de contrôle de Mirabel. MM. Beauregard et Bourgon, par contre, s’étaient qualifiés au niveau AI-1. La tour de contrôle d’Ottawa exige une qualification de niveau AI-4.

Les fonctionnaires s’estimant lésés étaient venus à Ottawa à la condition de recevoir une formation et obtenir une qualification de niveau AI-4.

La tour de contrôle d’Ottawa est aménagée en quatre postes de travail dont trois sont occupés par des contrôleurs de la circulation aérienne de niveau AI-4. Ces trois postes de travail sont désignés contrôle d’aéroport, contrôle-sol et délivrance d’autorisations. Le quatrième poste est normalement occupé par des spécialistes du soutien des opérations (OSS) qui sont membres d’une autre unité de négociation représentée par un agent négociateur différent.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 Avant d’obtenir sa licence au niveau AI-4, le contrôleur de la circulation aérienne doit d’abord obtenir une qualification qui l’habilite à travailler dans les quatre postes de travail. La formation des contrôleurs à la tour de contrôle d’Ottawa est assujettie à un programme de formation en vue d’une qualification dans une unité (PFQU) (pièce E-2) qui énonce en détail les diverses étapes théoriques et pratiques à suivre. La page 24 (du texte anglais) du manuel du PFQU dit ce qui suit :

(traduction) La formation en vue d’une qualification à la tour de contrôle d’Ottawa ne doit pas prendre plus de 105 jours dans le cas d’un contrôleur habilité à travailler selon les VRF, et 140 jours dans le cas d’un contrôleur non habilité à travailler selon ces mêmes règles.

La formation en cours d’emploi à la tour d’Ottawa se donne en 2 phases. La phase 1, qui comprend la première période d’évaluation, consiste à atteindre les normes de qualification dans une unité à l’égard des postes de travail OSS et «délivrance d’autorisations». La phase 2, qui s'étend aux autres périodes d'évaluation, consiste à atteindre les normes de qualification à l'égard des postes de travail «contrôle - sol», «contrôle - tour» et «contrôle - périmètre».

Formation de la phase 1 À la fin de la phase 1, le stagiaire doit atteindre la norme de qualification dans l’unité à l’égard du poste de travail «délivrance d’autorisations». À ce stade, une lettre est remise au stagiaire l’autorisant à travailler de façon autonome à la discrétion du gestionnaire de l’unité.

À compter de la remise de la lettre d’autorisation, les jours de formation ne sont plus comptabilisés jusqu’à ce que le stagiaire recommence la période de formation de la phase 2. La période de travail autonome, prévue dans la lettre d’autorisation, ne doit pas excéder un an ou doit se poursuivre jusqu’à ce qu’une ouverture se fasse dans le programme de formation de la phase 2, selon la première de ces éventualités.

Formation de la phase 2 Après le début de la phase 2 de la formation, la lettre d’autorisation est retirée et le stagiaire ne travaille plus de façon autonome au poste de travail «délivrance d’autorisations». Il reprend sa formation à partir du début de la première période d’évaluation de la phase 2 et la poursuit

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 au cours des périodes d’évaluation subséquentes jusqu’à ce qu’il obtienne sa qualification.

Remarque : Le stagiaire doit obligatoirement obtenir sa qualification à la fin du programme, faute de quoi sa formation prend fin.

Les trois fonctionnaires s’estimant lésés ont terminé avec succès la phase I du programme de formation à Ottawa et obtenu leur qualification au niveau AI-4 dans les postes de travail OSS et «délivrance d’autorisations». Ils ont ensuite obtenu des lettres les autorisant à travailler de façon autonome dans le poste de travail «délivrance d’autorisations».

Le temps passé dans ce poste de travail en vertu d’une lettre d’autorisation ne compte pas comme temps de formation. Le contrôleur stagiaire du trafic aérien peut travailler de façon autonome en vertu d’une lettre d’autorisation pour une période allant jusqu’à un an. La durée réelle de cette période de travail dépendra de la disponibilité d’une ouverture dans la phase 2 du programme. Par exemple, M me Dupéré a travaillé de façon autonome dans un poste de travail «délivrance d’autorisations» en vertu d’une lettre d’autorisation pour une période d’environ sept mois. Au cours de cette période, qui ne comptait pas comme temps de formation, M m e Dupéré a reçu un salaire de niveau AI-2 et rempli toutes les fonctions qui sont normalement celles d’un contrôleur de la circulation aérienne dûment licencié de niveau AI-4 affecté à un poste de travail appelé «délivrance d’autorisations».

Un titulaire de permis de contrôleur de la circulation aérienne de niveau A1-4 peut cependant travailler à l’un ou l’autre des postes de travail de la tour de contrôle d’Ottawa, ce que M me Dupéré n’a pu faire pendant les sept mois passés au poste de travail «délivrance d’autorisations» en vertu de sa lettre d’autorisation.

M. Bhimji, au nom de l’agent négociateur, a affirmé que le travail autonome ne fait pas partie du programme de formation et que les contrôleurs de la circulation aérienne comme M m e Dupéré sont utilisés pour exercer à peu de frais des fonctions de niveau AI-4. M m e Johnson, pour sa part, croit que le travail autonome accompli par les fonctionnaires s’estimant lésés faisait partie de leur formation.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 PLAIDOYERS Pour la fonctionnaire s’estimant lésée Les éléments de preuve indiquent clairement que M me Dupéré et ses collègues ont travaillé plus de quatre jours consécutifs dans un poste classé au niveau A1-4. Au cours de la période de leur nomination intérimaire, les fonctionnaires s’estimant lésés ont reçu le salaire de leur niveau d’attache (AI 1 ou 2) contrairement aux dispositions sur la rémunération intérimaire prévues dans la convention collective.

L’employeur a soutenu que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient des stagiaires à l’époque, mais cet argument n’a aucune pertinence en ce qui concerne les droits prévus à la clause 14.03 de la convention. Le manuel du PFQU dit clairement que le travail autonome accompli en vertu d’une lettre d’autorisation ne compte pas comme temps de formation. Pendant qu’ils travaillaient au poste de travail «délivrance d’autorisations» en vertu de leurs lettres d’autorisation, les fonctionnaires s’estimant lésés remplissaient toutes les fonctions qu’un contrôleur de la circulation aérienne de niveau AI-4 dûment autorisé accomplit dans des circonstances semblables.

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont effectivement été affectés par l’employeur à des postes de niveau AI-4 alors que leur formation était suspendue en attendant qu’il y ait une ouverture dans le programme de formation.

Il est intéressant de noter que la norme de classification établie par l’employeur (pièce G-5) prévoit spécifiquement le sous-classement comme élément d’un programme de formation, mais seulement à l’égard de certains postes dans des centres de contrôle régionaux qui appliquent les IFR.

À l’appui de son argument, l’avocat des fonctionnaires s’estimant lésés m’a renvoyé à Brown and Beatty, Canadian Labour Arbiration, troisième édition, pages 5- 31 à 5-42, Re International Nickel Co. of Canada Ltd. and United Steel Workers, Local 6500, 5 L.A.C. (2d) 87, Deley (dossier de la Commission 166-2-289), Shanley (dossier de la Commission 166-2-3044), Lalancette (dossier de la Commission 166-2-3372) et Craven et les autres (dossier de la Commission 166-2-11958).

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 Pour l’employeur Les trois fonctionnaires s’estimant lésés savaient lorsqu’ils sont venus à Ottawa qu’ils ne seraient pas classés au niveau AI-4 avant d’avoir terminé avec succès leur formation.

L’employeur a reconnu que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient rempli au cours de leurs périodes respectives de travail autonome toutes les fonctions normalement exercées par un employé de niveau AI-4 travaillant au poste de travail «délivrance d’autorisations». Il n’en reste pas moins que ces employés n’avaient pas à l’époque qui nous intéresse terminé leur formation et n’auraient pu accomplir les fonctions de niveau AI-4 dans d’autres postes de travail.

Les faits indiquent que des stagiaires accomplissent des parties du travail d’un contrôleur autorisé de niveau AI-4 pendant des périodes prolongées à des fins de formation. Il revient à l’employeur de déterminer la durée de cette période de formation pratique.

La clause 14.03 exige qu’un employé exerce les fonctions d’un poste de niveau supérieur. Un libellé semblable a fait l’objet du différend dans Lindeblom (dossier de la Commission 166-2-26336). Puisque les fonctionnaires s’estimant lésés pouvaient accomplir seulement une partie des fonctions d’un contrôleur autorisé de niveau AI-4, leurs griefs doivent être rejetés.

MOTIFS DE LA DÉCISION Il est clair d’après les éléments de preuve dont je suis saisi que le travail autonome accompli par les fonctionnaires s’estimant lésés au poste de travail «délivrance d’autorisations» entre les phases 1 et 2 du PFQU ne servaient à aucune fin véritable de formation.

La durée du travail autonome n’est pas déterminée par des critères de formation évaluables. Bien au contraire, elle peut aller d’une journée à un an, dépendant uniquement de la disponibilité d’une ouverture dans la phase 2 du programme. En d’autres termes, un stagiaire peut être contraint de travailler au poste «délivrance d’autorisations» pendant un an, quels que soient ses besoins de formation

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 pratique, simplement parce que l’employeur est incapable de lui offrir la formation nécessaire ou refuse d’accélérer le programme.

Le manuel de formation de l’employeur dit clairement que le travail autonome accompli par un stagiaire en vertu d’une lettre d’autorisation ne compte pas comme temps de formation. Puisque les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas travaillé de façon autonome dans le cadre de leur programme de formation, je dois donc déterminer s’ils ont droit ou non à la rémunération intérimaire en vertu de la clause 14.03 de la convention collective.

La question à trancher dans cette affaire n’est pas de savoir si les fonctionnaires s’estimant lésés ont effectivement accompli toutes les fonctions possibles d’un contrôleur de la circulation aérienne de niveau AI-4 ni s’ils possédaient les qualifications nécessaires pour être nommés à une poste de niveau supérieur, mais plutôt de déterminer s’ils ont rempli les fonctions normalement remplies par un contrôleur de la circulation aérienne autorisé de niveau AI-4 dans des circonstances semblables.

L’employeur a reconnu que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient exercé toutes les fonctions normalement exercées par un contrôleur de niveau AI-4 affecté au poste de travail «délivrance d’autorisations». Cela étant dit, je conclus que les fonctionnaires s’estimant lésés ont droit à la rémunération intérimaire au niveau AI-4 à l’égard de leurs périodes respectives de travail autonome entre les phases 1 et 2 du programme de formation.

Je fais donc droit aux griefs. Les parties ont deux mois à compter de la publication de la présente décision pour s’entendre au sujet des montants qui sont dus aux fonctionnaires s’estimant lésés, faute de quoi l’une ou l’autre des parties peut, dans un délai d’une semaine par la suite, me renvoyer la question.

Yvon Tarte, vice-président OTTAWA, le 16 juillet 1996.

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.