Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Sanction pécuniaire (2 jours de salaire) - Insubordination - Gardien de prison - affecté à l'établissement carcéral de Mountain, un établissement à sécurité moyenne, depuis 1981, le fonctionnaire s'estimant lésé avait un dossier disciplinaire sans tache - il a assisté à une séance d'information au cours de laquelle les agents de correction ont été informés que comme par les années passées, le 23 décembre 1994, des « sacs de friandises » seraient distribués aux détenus avant leur départ pour le repas du midi - le fonctionnaire s'estimant lésé a autorisé le départ de certains détenus avant qu'ils reçoivent leur « sac de friandises » - lorsque la gestionnaire d'unité lui a demandé de s'expliquer, le fonctionnaire s'estimant lésé l'a injuriée - lorsque la gestionnaire d'unité et un surveillant correctionnel lui ont demandé de quitter l'établissement, le fonctionnaire s'estimant lésé a consulté le sous-directeur des Opérations correctionnelles avant d'obéir à l'ordre qui lui avait été donné - le fonctionnaire s'estimant lésé s'est vu imposer une sanction pécuniaire équivalant à deux jours de rémunération pour avoir injurié la gestionnaire d'unité et pour avoir refusé d'obéir immédiatement à l'ordre qui lui était donné de quitter l'établissement - le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'il n'avait pas compris la procédure de libération des détenus le jour en question et que la gestionnaire d'unité l'avait harcelé - l'arbitre a estimé qu'il était difficile de croire que le fonctionnaire s'estimant lésé avait mal compris la procédure appropriée puisqu'il était présent à la séance d'information et qu'il n'avait posé aucune question - de plus, cette procédure était la même depuis un certain nombre d'années - quoi qu'il en soit, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été sanctionné pour ne pas avoir suivi la procédure appropriée, mais plutôt pour avoir injurié la gestionnaire d'unité et n'avoir pas obéi immédiatement à l'ordre qui lui avait été donné de quitter l'établissement - la preuve produite a établi que le fonctionnaire s'estimant lésé avait bien posé les gestes qui lui étaient reprochés - l'arbitre a fait remarquer que même si le fait de jurer dans un environnement comme celui d'une prison fédérale n'est pas inhabituel en soi, le fait de lancer des jurons à un supérieur hiérarchique alors qu'on est en service demeure inacceptable. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26970 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE RON FERGUSON fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)

employeur Devant: J. Barry Turner, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Georges Nadeau, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Ross Hornby, avocat Affaire entendue à ,Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 octobre 1996.

Decision Page 1 DÉCISION M. Ron Ferguson, agent de correction de niveau CX-2, Service correctionnel du Canada, Solliciteur général, établissement Mountain, Agassiz (Colombie-Britannique), a déposé un grief dans lequel il se plaint que l’employeur lui a imposé une sanction pécuniaire correspondant à deux jours de salaire en février 1995.

Son grief se lit comme suit : [traduction] Je me plains de la mesure disciplinaire injuste, incorrecte et non méritée que le chef de l’unité nord, Greg Robertson, m’a imposée le 2 février 1995.

La note de service avisant le fonctionnaire de la mesure disciplinaire, datée du 2 février 1995, est signée par M. Greg Robertson, chef de l’unité nord. Elle se lit comme suit :

[traduction] 1. Par la présente note de service, je désire vous faire part des résultats de mon enquête disciplinaire au sujet des incidents du 23 décembre 1994 qui ont commencé au déjeuner et se sont poursuivis par la suite.

2. J’ai conclu que vous avez été injurieux ou offensant envers une supérieure dans l’exercice de vos fonctions ou dans des circonstances reliées à votre travail. Plus précisément, vous avez déclaré à la chef de l’unité est : « Je n’ai pas de temps à perdre avec des putains de conneries » avant de raccrocher brutalement le téléphone. Elle venait de vous demander de lui expliquer par écrit pourquoi les détenus de l’unité est avaient été appelés avant d’avoir reçu leur sac de friandises.

3. J’ai aussi conclu que vous avez refusé d’obéir promptement à deux ordres ou directives légitimes d’une responsable ou d’une supérieure. Plus précisément, vous avez reçu l’ordre de quitter l’établissement, ce que vous n’avez pas fait.

4. Vu les répercussions possibles de votre décision d’appeler les détenus sans égard aux instructions reçues quant à l’ordre dans lequel ils devaient sortir, et ce juste avant le début du week-end de quatre jours de la période des Fêtes, vu votre refus d’obéir promptement à deux ordres légitimes qui se sont succédé de près et vu votre dossier

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Decision Page 2 vierge, je vous impose une sanction pécuniaire correspondant à deux jours de salaire.

5. Veuillez prendre note que vous avez le droit d’interjeter appel de cette décision au moyen de la procédure de règlement des griefs du personnel.

M. Ferguson demande le redressement suivant : [traduction] 1. Que l’on me rembourse toutes les sommes qui me sont dues.

2. Que toute mention de ces incidents soit rayée de mon dossier.

3. Qu’on m’alloue des dommages-intérêts exemplaires correspondant au montant de la sanction pécuniaire.

J’ai indiqué à M. Nadeau que je ne croyais pas avoir compétence pour allouer « des dommages-intérêts exemplaires ». À cet égard, je fais référence à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Lussier (C.A.F., n o du greffe : A-1235-91). M. Nadeau a donc retiré cet élément de sa demande de redressement.

On me demande de déterminer si la sanction imposée par l’employeur était justifiée dans les circonstances.

L’audience a duré une journée, cinq témoins ont comparu et quatorze pièces ont été déposées en preuve.

J’ai acquiescé à une demande d’exclusion des témoins. Résumé de la preuve Les pièces E-1 à E-5, soit la note disciplinaire, le Code de discipline, les Règles de conduite professionnelle, l’extrait de la convention cadre conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la fonction publique du Canada et la Directive du commissaire sur le harcèlement en milieu de travail, ont été admises en preuve par consentement des parties.

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Decision Page 3 1. M. Gordon Green, surveillant correctionnel depuis 1989 à l’établissement Mountain, une prison fédérale à sécurité moyenne, a déclaré qu’une partie de ses tâches consiste à « veiller à ce que les agents de correction respectent les procédures et politiques dans l’exercice de leurs fonctions». Il a décrit la hiérarchie administrative de l’établissement : directeur, sous-directeur, chef d’unité, surveillant, agent de correction. L’établissement est constitué de trois unités : est, nord et sud.

M. Green a affirmé que, le 23 décembre 1994, il avait rencontré le personnel comme à l’habitude au début du quart de jour et avait indiqué que tous les détenus recevraient le traditionnel « sac de friandises » contenant des fruits, des noix et des sucreries après le dénombrement du midi qui commence à 11 heures. Après le dénombrement, les détenus de chaque unité sont appelés par radio pour déjeuner par rotation parce que la cuisine n’est pas assez grande pour les accueillir tous en même temps. Le comité des détenus voit à ce que tous les détenus reçoivent un sac de friandises.

Le témoin a reconnu une note de service (pièce E-6) datée du 23 décembre 1994, décrivant la consigne de la journée soit la distribution des sacs de friandises d’abord puis le service du déjeuner. C’est la note qu’il a lue aux agents de correction (AC) ce jour-là. Pour la majorité des agents, il s’agissait de la même consigne que par les années passées et personne n’a posé de question. M. Green a remis une copie de la note de service aux trois AC responsables chacun d’une unité et en a gardé une pour le registre.

M. Green a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé était présent à la réunion et que c’était la cinquième année qu’il expliquait la consigne à suivre pour la distribution des sacs de friandises des Fêtes. Vers midi, le 23 décembre, il a reçu un coup de téléphone de la chef de l’unité est (CUE), M me Nancy Wrenshall, pendant qu’il se trouvait dans la cuisine. Elle lui a demandé qui avait laissé sortir les détenus des unités E-13 et E-14 avant la distribution des sacs de friandises. Il a répondu qu’il ne le savait pas, mais qu’il se renseignerait. Il a interrogé le fonctionnaire s'estimant lésé qui se trouvait également dans la cuisine, lequel a admis avoir appelé les unités mais ne pas avoir laissé sortir les détenus. M. Green a affirmé qu’il lui a rappelé la consigne qui avait été expliquée à la réunion du matin. Il a précisé que le fonctionnaire

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Decision Page 4 s'estimant lésé avait ensuite répondu au téléphone et qu’il n’avait pas entendu la conversation. M me Wrenshall lui a retéléphoné et lui a demandé de la rencontrer ainsi que M. Ferguson dans le bureau du surveillant. Il s’est rendu au bureau M m e Wrenshall lui a dit que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait lancé au téléphone qu’il n’était pas obligé d’écouter ses putains de conneries, puis avait raccroché. M m e Wrenshall a ordonné à M. Ferguson de quitter l’établissement. Celui-ci a rétorqué qu’elle le harcelait, que ses propos étaient irrationnels, qu’elle n’avait pas le droit de lui ordonner de partir et qu’il s’en allait chez le directeur. M. Green a déclaré que la rencontre « n’avait pas été plaisante » et qu’il avait lui aussi dit au fonctionnaire de partir. Il l’a suivi, l’a vu s’entretenir avec le sous-directeur Boileau, puis l’a escorté jusqu’au terrain de stationnement. Le fonctionnaire s'estimant lésé a alors quitté les lieux. M. Green a ajouté que M m e Wrenshall détient l’autorité nécessaire pour ordonner à M. Ferguson de quitter les lieux. Il a reconnu ses propres notes manuscrites rédigées environ une demi-heure après l’incident (pièce E-7).

Au cours du contre-interrogatoire, M. Green a déclaré que, techniquement parlant, n’importe lequel des trois chefs d’unité pourrait assumer la direction de l’établissement et qu’il pourrait relever de n’importe lequel d’entre eux même si lui-même était affecté à l’unité sud. Il a affirmé qu’il doit s’assurer qu’il y a suffisamment de surveillants durant les repas, qu’il n’y a pas de problème avec les détenus et que leur arrivée est échelonnée, la prison étant surpeuplée. Il a ajouté que les unités des détenus sont appelées dans un ordre déterminé selon une rotation de trente jours établie à l’avance; il a reconnu à cet égard une note de service sur le changement d’horaire pour l’accès à la cuisine (pièce G-1).

M. Green a aussi reconnu une copie de la liste du 23 décembre 1994 (pièce G-2) indiquant l’ordre d’appel des détenus et a affirmé qu’il était responsable de la cuisine ce jour-là. Tout en convenant qu’il n’était pas dans les tâches du fonctionnaire s'estimant lésé de consulter le registre le 23 décembre, M. Green a précisé que tous ont la responsabilité de consulter ce registre ou d’y faire des inscriptions au besoin. Il a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait pas été suspendu ce jour-là, mais qu’il avait reçu l’ordre de quitter les lieux immédiatement.

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Decision Page 5 Le témoin a convenu que le personnel blasphème, mais qu’il n’avait jamais entendu M me Wrenshall blasphémer. Il a répété que M. Ferguson devait être au courant de la consigne du 23 décembre concernant la remise des sacs de friandises puisqu’il avait assisté à la réunion du matin et qu’il n’avait pas demandé d’éclaircissements. M. Green a déclaré qu’il avait mentionné à ce moment-là que le déjeuner serait servi en retard à cause de la distribution des sacs après le dénombrement.

M. Green a affirmé que, lorsque M me Wrenshall est arrivée dans le bureau du surveillant pour le rencontrer lui et le fonctionnaire s'estimant lésé, elle « n’était pas vraiment hors d’haleine » et qu’elle était « sans doute mécontente de la situation ». Il croyait qu’elle en avait déjà discuté avec le sous-directeur Boileau. Il a ajouté que M me Wrenshall a dit au fonctionnaire s'estimant lésé qu’il pourrait communiquer avec son délégué syndical de chez lui.

Au cours du réinterrogatoire, M. Green a affirmé que, même si les agents de correction sont affectés à des unités spécifiques, « tout le monde travaille en équipe, y compris les chefs d’unité ». Il a conclu en disant que M me Wrenshall était inquiète parce que M. Ferguson n’avait pas respecté la consigne et qu’il lui avait manqué de respect au téléphone.

2. M me Nancy Wrenshall était la chef de l’unité est à l’établissement Mountain lors de l’incident du 23 décembre 1994. Elle rendait compte au sous-directeur, et deux surveillants ainsi que deux agents de gestion de cas relevaient d’elle. En réponse à la question visant à déterminer si elle s’attendait à ce qu’un AC obéisse à ses ordres, elle a affirmé : « Oui, dans tout l’établissement. Si le directeur me donnait un ordre, j’y obéirais. »

M m e Wrenshall a déclaré que l’établissement avait essentiellement suivi la même consigne que par les années passées en ce qui concerne la distribution des sacs de friandises dont il est question dans la pièce E-6, et que les détenus tiennent à recevoir ces sacs. En apprenant de l’AC Warren qu’on avait laissé sortir certains détenus avant de leur remettre les sacs, et craignant un problème, elle a téléphoné au surveillant Green pour lui demander des explications et un rapport. Elle a rencontré l’AC Warren de nouveau, lequel lui a dit qu’il avait communiqué par radio avec l’AC Ferguson pour

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Decision Page 6 lui lire la consigne du 23 décembre (pièce E-6), mais que ce dernier avait laissé sortir les détenus avant l’heure prévue. M me Wrenshall a alors convoqué M. Ferguson dans la cuisine pour lui demander de s’expliquer; il lui a répondu ne pas avoir été au courant de la consigne de la journée. Elle a reconnu sa propre note (pièce E-8) datée du 23 décembre 1994, qu’elle a versée au dossier. Il s’agit d’un rapport sur l’incident dans lequel elle mentionne également avoir informé le sous-directeur Boileau.

M m e Wrenshall a déclaré qu’elle était fâchée contre le fonctionnaire s'estimant lésé lorsqu’elle lui a parlé dans le bureau du surveillant, mais qu’elle avait gardé son sang-froid et qu’elle n’avait pas eu l’intention de le harceler. Elle a ajouté qu’il avait déposé une plainte de harcèlement contre elle au sujet de l’incident du 23 décembre, mais que la plainte avait été jugée sans fondement.

Au cours du contre-interrogatoire, M première fois qu’elle suspendait quelqu’un, et qu’elle connaissait ses obligations aux termes de la convention collective. Elle a précisé que M. Ferguson avait été simplement relevé de son quart le 23 décembre et qu’il n’avait pas perdu de salaire. Elle n’avait pas assisté à la réunion d’information que M. Green avait tenue avant le quart.

M m e Wrenshall a déclaré que les unités E-13 et E-14 (voir la pièce G-1, page 2) avaient été appelées pour le déjeuner, mais qu’on n’avait pas laissé sortir les détenus de l’unité résidentielle 1 (UR1) parce que l’AC Warren était en train de leur distribuer les sacs de friandises. Elle a convenu que le personnel des unités E-13 et E-14 avait laissé sortir les détenus, mais que c’était à la demande de M. Ferguson. Même si elle avait déjà demandé à M. Green de déterminer ce qui était arrivé, elle a personnellement interrogé le fonctionnaire parce qu’elle voulait savoir immédiatement à quoi s’en tenir étant donné qu’il aurait pu se produire un incident si un détenu avait exigé que le fonctionnaire s'estimant lésé lui explique pourquoi il n’avait pas reçu son sac de friandises. M me Wrenshall a admis qu’il lui arrivait de blasphémer, et elle a ajouté : « Je travaille dans une prison. »

3. M. Greg Robertson travaille pour le Service correctionnel du Canada depuis 19 ans. En décembre 1994, il était chef d’unité à l’établissement Mountain. Il était en congé le 23 décembre 1994, mais le 6 janvier 1995 le directeur lui a demandé

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m e Wrenshall a affirmé que c’était la

Decision Page 7 d’enquêter sur l'incident (voir le mandat, pièce E-9). M. Robertson a interviewé M. Ferguson le 12 janvier 1995 (pièce E-10). Il a reconnu une transcription de la communication radio du 23 décembre 1994 (pièce E-11) qui indique que M. Warren a lu, à la radio, à l’intention du fonctionnaire s’estimant lésé, une partie de la note de service concernant la consigne de la journée. À la page 2 de la pièce E-11, on peut lire notamment ce qui suit : [traduction] « distribuer d’abord les sacs aux unités UR1 E-13 E-14, puis laisser les détenus sortir pour le déjeuner. » M. Robertson a discuté de la pièce E-11 avec M. Ferguson après avoir écouté l’enregistrement plusieurs fois. Il a ajouté que ce dernier semblait croire que M me Wrenshall cherchait un bouc émissaire; il s’était senti attaqué et harcelé. Le témoin a affirmé qu’il ne se souvenait pas avoir entendu M. Ferguson exprimer quelque regret au sujet de cet incident.

Après avoir terminé son enquête, M. Robertson a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé « avait mal agi » et qu’il « n’avait pas obéi à un ordre de quitter l’établissement sur-le-champ ». Selon lui, M. Ferguson a enfreint une partie des règles un et trois du Code de discipline (pièce E-2), que j’ai reproduites ci-dessous :

RÈGLE UN RESPONSABILITÉ DANS L’EXÉCUTION DES TÂCHES Infractions Commet une infraction l’employé qui : [...] refuse ou néglige d’obéir promptement aux ordres ou aux directives légitimes d’un responsable ou d’un supérieur;

RÈGLE TROIS RELATIONS AVEC LES AUTRES EMPLOYÉS Infractions Commet une infraction l’employé qui : [...] est injurieux ou offensant envers d’autres employés dans l’exercice de ses fonctions ou dans des circonstances reliées à son travail;

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Decision Page 8 Il a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait à deux reprises reçu l’ordre de quitter les lieux, la première fois de M me Wrenshall et la seconde de M. Green, mais qu’il n’avait obéi qu’après s’être entretenu avec le sous-directeur Boileau. Le témoin lui a imposé une sanction pécuniaire de deux jours même si son dossier était vierge parce qu’il avait tenu des propos injurieux et n’avait pas obéi promptement à l’ordre de quitter l’établissement.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Robertson a clairement affirmé que M. Ferguson n’avait pas été suspendu pour avoir laissé sortir les détenus plus tôt que prévu. Il a ajouté que, même si M me Wrenshall avait déjà demandé à M. Green de déterminer ce qui était arrivé, il n’était pas trop sûr de la raison pour laquelle elle avait alors décidé de convoquer le fonctionnaire s'estimant lésé pour exiger des explications. Le témoin a reconnu le rapport d’enquête disciplinaire (pièce E-12). Il a déclaré que M. Ferguson avait prétendu que M me Wrenshall était déjà en colère lorsqu’elle lui a parlé au téléphone dans la cuisine et qu’il l’avait déjà entendu blasphémer. « Tout le monde blasphème », a ajouté M. Robertson.

Lors du réinterrogatoire, M. Robertson a affirmé qu’il ne croyait pas qu’un appel téléphonique d’un supérieur serait de nature à nuire au travail de quelqu’un et que « les gens blasphèment en plaisantant mais pas lorsque quelqu’un demande un renseignement ».

4. M. Ron Ferguson travaille à l’établissement Mountain depuis 1981 et avait maintenu un dossier vierge jusqu’au 23 décembre 1994, date de l’incident. Il a assisté à la réunion d’information tenue le matin même et s’est souvenu que M. Green a lu des extraits d’une note de service indiquant que le personnel de la cuisine avait préparé un sac de friandises qui serait distribué par le comité des détenus comme par les années passées. Le 23 décembre 1994, il était affecté à l’aire de travail collectif de l’unité sud en compagnie de M me Wood et de M. Beaton selon la liste d’appel (pièce G-2, page 2, numéro 17).

Ce jour-là, on a procédé au dénombrement des détenus à 11 heures, puis l’exactitude en a été confirmée par radio à 11 h 20. M. Ferguson a déclaré qu’il avait ensuite respecté la consigne de la note de service du 9 décembre 1993 (pièce G-1)

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Decision Page 9 relative au changement d’horaire pour l’accès à la cuisine. Il a aussi confirmé que la transcription des communications radio (pièce E-11) entre lui-même et l’AC Warren était exacte. M. Ferguson a déclaré que l’AC Guilderson a laissé sortir les détenus des unités E-13 et E-14, mais que l’AC Warren, à l’UR1, les a retenus pour une raison quelconque. M m e Wrenshall l’a alors appelé au téléphone. Elle était en colère et exigeait de savoir pourquoi ses ordres avaient été contremandés. Il lui a expliqué qu’il n’avait pas reçu d’ordre et qu’il avait appelé les unités E-13 et E-14 conformément à la consigne de la pièce G-1. M m e Wrenshall ayant insinué qu’il avait fait quelque chose de mal, il était sur la défensive lorsqu’elle a exigé un rapport écrit, surtout qu’il était occupé à surveiller plus d’une centaine de détenus en train de déjeuner. M. Ferguson a admis avoir déclaré : « Je n’ai pas de temps à perdre avec des putains de conneries », puis avoir raccroché. Il s’est souvenu d’avoir dit au surveillant Green que M m e Wrenshall avait une idée fixe. En se rendant au bureau du surveillant pour la rencontrer, M. Green lui a dit qu’il avait lu la note de service au sujet des sacs de friandises à la réunion du matin, laquelle indiquait que le repas devait être retardé jusqu’à ce que l’on ait terminé de distribuer les sacs de friandises. M m e Wrenshall est arrivée en colère et lui a reproché la manière dont il venait de lui parler au téléphone. Ils se sont mis à crier après l’un contre l’autre. L’AC Ferguson a alors demandé au surveillant Green de la faire sortir du bureau et de lui dire de cesser de le harceler. Lorsque M me Wrenshall lui a dit qu’elle le relevait de ses fonctions, M. Ferguson a rétorqué que c’était de l’abus de pouvoir. Il a déclaré qu’on avait refusé de convoquer son délégué syndical et qu’on lui avait dit qu’il pourrait lui parler à l’extérieur de la prison. Le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi affirmé que M. Green lui a ordonné de quitter l’établissement, mais qu’il n’avait pas compris pourquoi à ce moment-là. En se rendant chez le directeur, a-t-il ajouté, il a rencontré le sous-directeur Boileau qui semblait déjà être au courant de l’incident et qui lui a aussi demandé de quitter l’établissement. Il est parti sans connaître les conditions de ce qu’il croyait alors être une suspension.

Au cours du contre-interrogatoire, même s’il a admis que M. Green avait lu des extraits de la note de service concernant la distribution des sacs de friandises, M. Ferguson a déclaré : « À la réunion du matin, M. Green ne m’a jamais dit de façon claire de retarder le déjeuner. » Environ deux semaines après l’incident, l’AC Warren s’est excusé de tout ce gâchis vu que lui-même avait été informé de la consigne.

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Decision Page 10 M. Ferguson a déclaré que la CUE Wrenshall a porté des accusations contre lui et lui a téléphoné pour l’admonester. Il a ajouté : « Je crois que le problème aurait été plus grave si le déjeuner avait été retardé. » Tout en admettant avoir été injurieux envers M me Wrenshall, le fonctionnaire a nié avoir été grossier à son endroit. Il a confirmé avoir déposé une plainte de harcèlement contre elle, mais que cette plainte avait été rejetée. Interrogé pour savoir s’il avait jamais songé à lui faire des excuses, il a déclaré : « C’est elle qui a cherché la querelle, pas moi. »

Quand je lui ai demandé pourquoi il semblait si pressé de servir le déjeuner le jour de la remise des sacs de friandises, M. Ferguson a répondu : « Les prisonniers deviennent très contrariés lorsqu’ils ne mangent pas à l’heure. » Il a ajouté que les unités E-13 et E-14 avaient probablement reçu leurs friandises après le déjeuner.

5. M. Larry Beaton, un agent de correction de niveau CX-1, a assisté à la réunion d’information du 23 décembre au matin. Il s’est souvenu que le surveillant Green avait lu un document tiré du registre qui indiquait que le comité des détenus allait distribuer des sacs de friandises à l’heure du déjeuner, aux portes des unités résidentielles. Il n'avait jamais été témoin de cette procédure auparavant.

Argument de l’employeur M e Hornby a soutenu que, le 23 décembre 1994, le fonctionnaire s’estimant lésé a décidé de son propre chef de la façon de procéder après le dénombrement du midi le « jour de la distribution des sacs de friandises » en appelant les détenus pour le déjeuner; il a ensuite contesté l’autorité d’une supérieure de manière peu subtile. Il a ajouté que M. Ferguson s’était ensuite adressé à une autorité supérieure pour faire annuler l’ordre de la CUE Wrenshall et du surveillant Green de quitter l’établissement. M e Hornby a fait valoir que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait pu « changer » d’attitude à n’importe quel moment et qu’encore aujourd’hui, il ne reconnaissait pas avoir fait quoi que ce soit de répréhensible.

M e Hornby m’a rappelé que M. Green avait informé tout le personnel à la réunion du matin, y compris le fonctionnaire s’estimant lésé, qu’on distribuerait des

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Decision Page 11 sacs de friandises. Personne n’a posé de question. M. Robertson a conclu dans son rapport (pièce E-12) que tout le monde savait à quoi s’en tenir le 23 décembre.

L’avocat a déclaré que, même si la consigne de la journée n’était pas claire, il n’en demeure pas moins que l’autorité de M me Wrenshall a été contestée par M. Ferguson qui a refusé de quitter l’établissement, qui lui a dit qu’elle n’avait pas le droit de lui ordonner de partir, puis qui a décidé de s’adresser à une autorité supérieure, soit le directeur Warden, bien qu’il ait seulement rencontré le sous-directeur.

Il a soutenu que M. Robertson avait examiné deux motifs pour justifier la sanction pécuniaire de deux jours : le premier étant les injures proférées par le fonctionnaire s’estimant lésé et, le second, le refus de ce dernier d’obéir à M me Wrenshall et à M. Green. Il a convenu que M me Wrenshall était très en colère et que cette colère était intentionnelle, mais a fait valoir qu’elle n’avait pas perdu son sang- froid et qu’elle avait consulté le sous-directeur.

M e Hornby a également convenu que les blasphèmes sont chose courante dans une prison, mais pas à l’endroit d’un supérieur. Il a conclu que la sanction était proportionnelle à l’incident, surtout que M. Ferguson continue de maintenir qu’il n’a rien à se reprocher.

Argument du fonctionnaire s’estimant lésé M. Nadeau a soutenu qu’avant d’exiger du respect, une personne doit commencer par en témoigner aux autres. Il a conclu que l’incident s’était produit parce que M me Wrenshall n’avait pas témoigné de respect à M. Ferguson. Il a aussi fait valoir que le surveillant Green n’avait pas clairement et précisément indiqué à la réunion d’information du matin que le déjeuner allait devoir être retardé. D’après lui, le fonctionnaire s’est donc acquitté de ses tâches comme d’habitude en appelant les détenus pour le déjeuner, après le dénombrement, pour ensuite se faire « engueuler par une chef d’unité parce qu’il n’avait pas respecté la consigne ». M. Nadeau a déclaré que la direction imputait maintenant le gâchis à M. Ferguson. Il m’a rappelé que c’est

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Decision Page 12 l’AC Guilderson et non M. Ferguson qui a laissé sortir les détenus des unités E-13 et E-14. M. Ferguson a simplement appelé les unités.

M. Nadeau a soutenu que M me Wrenshall ne s’est pas contentée de demander à M. Green d’établir un rapport sur l’incident. Elle a parlé au fonctionnaire sur un ton agressif au téléphone et ce dernier lui a répondu sur le même ton, surtout qu’il était en train de s’acquitter des tâches importantes dans la cuisine à ce moment-là. M. Nadeau a fait valoir que M m e Wrenshall l’a de nouveau admonesté dans le bureau du surveillant et lui a refusé le droit d’exiger la présence de son délégué syndical.

Pour conclure, M. Nadeau m’a rappelé que les blasphèmes sont chose courante dans le Service correctionnel et que M. Ferguson a obéi lorsque le sous-directeur lui a dit de partir. Il m’a donc demandé de faire droit au grief.

En réfutation, M e Hornby m’a rappelé que M. Ferguson est le seul à ne pas avoir compris la consigne du 23 décembre et que le lieu de travail n’est pas l’endroit pour tenir un débat contradictoire entre un supérieur et un subordonné.

Décision Les deux questions que je dois trancher sont, primo, le fonctionnaire s’estimant lésé a-t-il été injurieux envers une supérieure et, secundo, a-t-il refusé d’obéir promptement à deux ordres légitimes, soit un ordre donné par la CUE Wrenshall et un autre par le surveillant Green?

M. Ferguson a admis avoir dit à M me Wrenshall au téléphone : « Je n’ai pas de temps à perdre avec des putains de conneries. » L’aveu d’avoir tenu des propos injurieux envers une supérieure qui exerçait ses fonctions constitue donc une infraction à la règle trois du Code de discipline (pièce E-2). Il a ensuite refusé d’obéir promptement à deux supérieurs en ne quittant pas l’établissement immédiatement après en avoir reçu l’ordre de la CUE Wrenshall et du surveillant Green. En retardant son départ dans le but d’avoir un entretien avec le directeur puis en rencontrant plutôt le sous-directeur, M. Ferguson voulait obtenir l’avis d’une autorité supérieure

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Decision Page 13 avant d’obéir à deux ordres de quitter l’établissement. Il a ainsi également commis une infraction à la règle un du Code de discipline (pièce E-2).

M. Ferguson prétend qu’on ne lui jamais clairement expliqué que le déjeuner allait être retardé le 23 décembre 1994 à cause de la distribution des sacs de friandises après le dénombrement effectué avant le déjeuner. Par conséquent, il prétend aussi qu’il a été injustement confronté et harcelé par la CUE Wrenshall. J’ai de la difficulté à comprendre qu’il semble être le seul AC à ne pas avoir été au courant de la consigne ce jour-là. Je crois que le surveillant Green a été clair lors de la réunion d’information du matin à laquelle le fonctionnaire a assisté et personne n’a posé de question. Qui plus est, l’AC Warren a confirmé, par radio, qu’on allait distribuer les sacs de friandises aux détenus avant de les laisser sortir pour le déjeuner (pièce E-11). Si M. Ferguson n’était pas sûr de la consigne donnée dans la note de service du 23 décembre, il aurait pu demander des éclaircissements à quelqu’un, M. Green par exemple, par radio. Il y a lieu de faire remarquer que l’AC Warren n’a pas laissé sortir les détenus de l’UR1 parce qu’il avait clairement compris, lui, que ces derniers devaient recevoir leurs sacs de friandises avant le déjeuner. Il y a également lieu de noter que le fonctionnaire s'estimant lésé n’a pas été suspendu parce qu’il avait ordonné qu’on laisse sortir les détenus avant l’heure prévue, mais parce qu’il avait été injurieux et qu’il n’avait pas obéi promptement à un ordre. S’il voulait savoir si la CUE Wrenshall avait le droit de lui donner un ordre, il aurait appliquer le principe « obéir d’abord, se plaindre ensuite » au lieu de se comporter comme il l’a fait.

Je suis conscient qu’il n’est pas rare d’entendre des blasphèmes dans un milieu carcéral, mais de les diriger contre un ou une supérieure dans l’exercice de ses fonctions est inacceptable. L’incapacité de M. Ferguson à admettre ce fait, particulièrement après tout le temps qui s’est écoulé depuis l’incident, est une lacune chez lui. C’est malheureux, étant donné que son dossier était demeuré sans tache jusqu’en décembre 1994 et qu’il travaillait à l’établissement Mountain depuis 1981. Je n’ai également pu m’empêcher de remarquer que M. Ferguson a affiché un changement d’attitude marqué durant le contre-interrogatoire en se mettant à argumenter et à poser des questions, confirmant ainsi son refus de reconnaître le caractère inacceptable de son comportement initial et son refus d’obéir promptement.

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Decision Page 14 Pour tous ces motifs, le grief est rejeté.

J. Barry Turner, commissaire.

OTTAWA, le 28 octobre 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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