Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Refus d'accorder un congé annuel - Exigences du service - Dommages-intérêts punitifs - l'employeur a refusé une demande de congé d'une journée au fonctionnaire s'estimant lésé au motif que celui-ci n'avait pas donné un préavis de 30 jours et que le fait de lui accorder un congé entraînerait le paiement d'heures supplémentaires - l'employeur a également maintenu qu'il aurait pu accorder le congé si le fait de le refuser avait causé des difficultés à l'employé, mais que tel n'était pas le cas en l'occurrence - l'arbitre a fait droit au grief et a ordonné à l'employeur d'accorder au fonctionnaire un jour de congé sur demande au cours des six mois suivants sans le soustraire de ses congés [(1996) 29 Recueil de décisions de la CRTFP 30 ] - la décision de l'arbitre est fondée sur un certain nombre de motifs notamment le fait que dans de nombreux cas, l'employeur avait rejeté la demande de congés annuels des fonctionnaires pour des raisons qu'il a attribuées à une mauvaise évaluation des nécessités du service - l'employeur a demandé l'examen judiciaire de la décision et celle-ci a été annulée par la Section de première instance de la Cour fédérale (Dossier de la Cour T-1532-96) au motif que l'arbitre avait commis une erreur en accordant un redressement qui s'apparentait à des dommages-intérêts punitifs - l'affaire a été renvoyée à l'arbitre qui a alors déclaré que l'employeur avait contrevenu à la convention collective en refusant au fonctionnaire le congé demandé. Grief admis en partie.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26833 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE KENNETH JOHN HESTER fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur Devant: Albert S. Burke, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: James L. Shields, avocat, Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228

Pour l’employeur: Jock Climie, stagiaire en droit

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba), le 2 mai 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Le présent grief, dossier de la Commission : 166-2-26833, a été renvoyé à l’arbitrage par M. Kenneth John Hester, un employé de Transports Canada qui travaille à l’aéroport de Winnipeg et qui fait partie du groupe de l’Électronique (EL-06). Son grief se lit comme suit :

[traduction] Demande de prendre un congé annuel le 8 avril 1995. Congé annuel refusé par le superviseur contrairement aux dispositions de la convention collective du groupe EL.

Motif du refus communiqué verbalement : « Le budget ne permet pas le paiement d’heures supplémentaires. »

Ni le refus ni le motif du refus ne m’ont été communiqués par écrit comme je l’ai demandé.

Redressement demandé 1) Qu’à l’avenir, l’employeur ne me refuse pas un congé annuel à moins que les nécessités du service ne l’exigent réellement.

2) Qu’à l’avenir, l’employeur m’indique les motifs du refus par écrit.

3) Que l’employeur m’accorde le congé demandé. L’avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré à l’audience que le refus d’accorder le congé à cause des nécessités du service était le seul point litigieux à trancher.

M e Shields a ensuite cité le fonctionnaire comme premier témoin. Ce dernier a indiqué qu’il travaillait à Transports Canada depuis 1975 et qu’il était gestionnaire délégué des services techniques (EL-06) depuis 1983.

Le témoin a déclaré que, le 21 mars 1995, il avait demandé, au moyen du formulaire prévu à cette fin, l’autorisation de prendre une journée de congé annuel le 8 avril 1995. Son avocat a présenté en preuve deux horaires de travail couvrant les mois de mars et d’avril 1995 (pièce G-2 a) et b)). Le témoin a confirmé que ces deux

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Decision Page 2 horaires indiquant ses heures de travail étaient ceux qui avaient été affichés. Il a affirmé que le 8 avril tombait un samedi et que les EL effectuent des quarts de huit heures répartis sur 24 heures, sept jours par semaine.

M. Hester a déclaré que, le 22 mars 1995, son superviseur, M. Don Sauvé, l’a informé que sa demande de congé annuel avait été refusée parce que le budget ne prévoyait pas le paiement d’heures supplémentaires ce jour-là. Il a demandé à M. Sauvé de lui indiquer le motif par écrit, mais ce dernier a refusé.

Le lendemain, il a été convoqué dans le bureau de M. Sauvé il a appris que toutes les demandes de congé relatives à un jour il n’y avait qu’une seule personne de service devaient être présentées 30 jours à l’avance. Le témoin a affirmé qu’il n’y avait aucune disposition à cet effet dans la convention collective, qu’aucune politique ministérielle ne prévoyait cette exigence et que c’était la première fois que cette dernière était appliquée.

Le témoin a affirmé qu’il lui était souvent arrivé, avant et après la demande de congé en question, de faire des heures supplémentaires pour remplacer d’autres employés en congé.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Hester a confirmé qu’il comprenait les horaires de travail, qu’il savait que le service fonctionnait 24 heures sur 24 et qu’il y avait six agents des services techniques, et qu’à sa connaissance les quarts étaient tous dotés à l’époque en question. Normalement, a-t-il déclaré, lorsqu’un agent demande un congé, l’employeur offre à un autre agent de le remplacer et rémunère ce dernier en temps supplémentaire. Il a ajouté qu’il connaissait la disposition de la convention collective autorisant l’échange de quarts entre membres du personnel.

Le représentant de l’employeur a également renvoyé le témoin à une Lettre d’entente conclue entre Transports Canada et la section locale 2228 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (pièce E-1). Il a attiré l’attention du fonctionnaire sur le dernier paragraphe de la deuxième page, l’on peut lire ce qui suit : La section locale 2228 de la FIOE reconnaît que les demandes de congé discrétionnaire comme les congés annuels ou les congés de remplacement (congé compensateur) de jours

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Decision Page 3 fériés peuvent être refusées si elles nécessitent des changements aux jours de repos protégés d’autres employés.

Le témoin a déclaré qu’il était au courant de cette disposition. Toutefois, le congé qu’il avait demandé n’aurait pas perturbé le jour de repos d’un autre employé.

Le représentant de l’employeur a également attiré l’attention du témoin sur les dernier et premier paragraphes des première et deuxième pages respectivement de la pièce E-1, l’on peut lire ce qui suit :

Nonobstant les dispositions de la convention collective actuelle, la direction convient que les jours de repos apparaissant à l’horaire de travail, une fois affiché, seront protégés pendant une période de 28 jours. Ces jours de repos ne pourront pas être changés pour des jours de travail régulier.

Afin de respecter cet engagement, la Direction convient d’afficher les horaires de travail au moins 28 jours à l’avance.

Le témoin a déclaré que ces dispositions font référence au nombre de jours pendant lesquels l’horaire de travail doit être affiché avant son entrée en vigueur.

Au cours du réinterrogatoire du fonctionnaire, son avocat lui a demandé s’il connaissait l’article 17 de la convention collective (pièce G-1) et les différentes façons de prendre un congé annuel. Le témoin a répondu par l’affirmative, en précisant qu’il lui était arrivé de prendre des blocs de congé annuel. Il a cependant ajouté qu’il avait toujours pu prendre les congés annuels inutilisés une journée à la fois, sans avoir à donner de préavis de 30 jours ou à fournir de motif. Il a indiqué que, lorsque cela se produisait, quelqu’un d’autre effectuait un double quart sans que l’on ait à changer le jour de repos de qui que ce soit. Il a reconnu deux formulaires de demande de congé qui avaient été approuvés (pièces G-3 et G-4). L’un deux, une demande de congé pour le 3 décembre 1994, a été présenté le 14 novembre 1994; l’autre, une demande de temps compensatoire pour le 13 mars 1995, a été présenté le 16 février 1995.

L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite cité, comme deuxième témoin, M. Andrew E.G. Webb. Ce dernier a affirmé qu’il travaillait à Transports

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Decision Page 4 Canada depuis le 2 juillet 1969 et qu’il était devenu agent des services techniques le 2 décembre 1993.

Le témoin a reconnu l’horaire de travail du mois d’avril 1995 (pièce G-2b)) et a précisé qu’il devait travailler de jour le 8 avril 1995, soit le jour le fonctionnaire a demandé de prendre un congé annuel. Il a également indiqué qu’il savait que ce dernier avait demandé l’autorisation de s’absenter ce jour-là.

M. Webb a déclaré qu’il avait confirmé par écrit et verbalement au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il était prêt à effectuer un double quart le 8 avril 1995 si on le lui demandait. Il a ajouté l’avoir déjà fait à d’autres occasions. Il a aussi indiqué qu’il connaissait la disposition de la convention collective concernant les échanges de quarts, mais qu’il avait cessé de s’en prévaloir parce qu’il était difficile d’obtenir l’autorisation de prendre du temps compensatoire le jour l’on en aurait eu besoin. Il lui est aussi arrivé de demander un congé à bref préavis et d’avoir pu le prendre. Cependant, la direction ne lui a pas demandé de travailler le 8 avril 1995 à la place du fonctionnaire s’estimant lésé.

Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a indiqué que la direction n’avait pas fait obstacle à l’application de la disposition de la convention collective concernant les échanges de quarts. Il a aussi affirmé qu’il n’avait pas offert à la direction de travailler un double quart le 8 avril 1995, estimant qu’il incombait à cette dernière de le lui demander.

Le représentant de l’employeur a cité M. Donald M. Sauvé à comparaître. Le témoin a déclaré qu’il était actuellement gestionnaire du Centre d’intervention de l’entretien à Edmonton (Alberta) depuis septembre 1995. Auparavant, soit d’avril 1994 à août 1995, il avait été gestionnaire de ce service à Winnipeg. Le témoin a affirmé qu’il supervisait le travail de six agents des services techniques à l’époque le grief a été présenté, et que c’est lui qui avait refusé le congé du 8 avril 1995 demandé par le fonctionnaire.

Le témoin a dit que les agents des services techniques travaillent par quart de huit heures et que le service fonctionne 24 heures par jour. Les jours de semaine, il arrive que deux agents soient sur place durant le quart de jour. On veut ainsi s’assurer qu’ils travaillent le nombre d’heures requis par semaine. Cependant, il n’y a qu’un

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Decision Page 5 agent par quart sur les lieux durant les week-ends, et ce, pour permettre aux agents de profiter, à tour de rôle, d’un week-end de congé.

Le témoin a affirmé qu’il ne manquait pas de personnel à l’époque en question. Lorsque quelqu’un demandait de prendre congé durant la semaine et qu’il y avait deux agents sur place, il autorisait le congé. Il l’autoriserait également si son refus devait causer des difficultés à l’employé; c’est lui qui décide s’il y a risque de difficulté.

M. Sauvé a déclaré qu’il avait refusé le congé demandé par M. Hester essentiellement parce qu’il aurait fallu payer des heures supplémentaires. Il a ajouté qu’il ne se souvenait pas d’avoir approuvé un congé à bref préavis lorsque des heures supplémentaires étaient en cause. D’après lui, son refus était justifié si l’acceptation de la demande devait entraîner le paiement d’heures supplémentaires.

Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a affirmé qu’il connaissait la convention collective du groupe EL. Il a cependant précisé, qu’à son avis, le préavis de 30 jours exigé pour une demande de congé sans certificat s’« appliquait » à l’égard de la convention collective. Il a ajouté qu’il avait refusé la demande de M. Hester à cause du préavis de 30 jours et du coût des heures supplémentaires.

Le témoin a précisé qu’il n’avait pas demandé à un autre agent de travailler à la place du fonctionnaire avant de refuser la demande de congé. Il ne faut pas, selon lui, déranger les employés en congé parce qu’un autre employé veut prendre congé; quelqu’un d’autre peut effectuer un double quart.

Interrogé au sujet de l’approbation du congé à cause des difficultés qu’éprouverait l’employé, le témoin a déclaré que la convention collective n’oblige pas les employés à fournir de motifs lorsqu’ils demandent un congé. Lui-même l’exige cependant, et décide si son refus entraînerait des difficultés; il a le droit de le faire.

L’avocat du fonctionnaire a demandé au témoin s’il savait que M. Hester devait assister à un tournoi de curling le 8 avril, le jour indiqué sur la demande de congé. Le témoin a répondu par l’affirmative, en précisant que lui-même devait s’y rendre. En réponse à la question de savoir s’il savait qu’on allait remettre un trophée au fonctionnaire le soir en question et que ce dernier ne pourrait pas le recevoir si sa

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Decision Page 6 demande de congé était refusée, le témoin a déclaré qu’il ne considérait pas cela comme causant des difficultés à l’employé de telle sorte qu’il avait le droit de refuser sa demande de congé.

On a interrogé le témoin au sujet du budget. Ce dernier a indiqué qu’il devait le préparer pour sa section et le soumettre à ses supérieurs. Une somme était prévue pour les heures supplémentaires effectuées pendant que quelqu’un prenait un bloc de congé annuel, mais non pour les demandes de congé sans certificat. Le témoin a affirmé que, lorsqu’il avait discuté de la demande de congé annuel avec le fonctionnaire, il estimait ne pas avoir d’argent dans son budget pour payer des heures supplémentaires. Il a cependant convenu qu’il disposait d’un nouveau budget à compter du 1 er avril 1995. Le représentant de l’employeur a demandé au témoin d’expliquer comment il s’y était pris pour établir le budget des heures supplémentaires. Ce dernier a répondu qu’il s’était inspiré des années antérieures et qu’il avait tenu compte des blocs de congé annuel qui sont normalement pris deux semaines à la fois durant l’été. Il n’avait cependant pas prévu d’argent pour les congés annuels sans certificat pris de temps à autre, une journée à la fois.

Arguments L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a présenté ses arguments, que j’ai résumés ci-après.

Les faits sont très clairs. Le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Hester, a présenté une demande de congé le 21 mars 1995 conformément à l’article 17 de la convention collective. Le 22 mars, on l’a informé que sa demande avait été refusée faute de budget pour les heures supplémentaires. Le 23 mars, son superviseur lui a dit que cette sorte de demande devait être présentée au moins 30 jours à l’avance. Les dispositions applicables de l’article 17 de la convention collective (pièce G-1) se lisent comme suit :

17.07 L'employé-e prend normalement son congé annuel pendant l'année financière il y devient admissible. L'employeur doit, sous réserve des nécessités du service, faire tout effort raisonnable pour

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Decision Page 7 a) prévoir un congé annuel d'au moins deux (2) semaines consécutives pour l'employé-e, si celui-ci en fait la demande au plus tard le 1 er mai; b) donner ensuite la priorité aux demandes de congé annuel faites par les employé-e-s avant le 1 er juin; c) prévoir, sous réserve de a) et b) ci-dessus, le congé annuel de l'employé-e à une période acceptable pour ce dernier;

L’avocat a affirmé que la clause 17.07 est la « disposition la plus pertinente en ce qui concerne le présent grief ». M. Hester a demandé un congé annuel conformément à l’article 17. L’employeur était tenu de faire tout effort raisonnable pour accéder à cette demande. M. Sauvé, cependant, a décidé d’invoquer les nécessités du service parce que l’employeur aurait eu à payer des heures supplémentaires s’il avait approuvé la demande de congé de M. Hester. Il n’a déployé aucun effort en vue d’accéder à la demande, ni offert à personne la possibilité de remplacer le fonctionnaire le 8 avril 1995 même si cela était l’usage avant et après la demande de congé du fonctionnaire. Tant M. Hester que M. Webb l’ont affirmé lors de leur témoignage.

Le libellé de l’article 17, et de la clause 17.07 en particulier, parle clairement des « nécessités du service »; c’est-à-dire que la disposition est liée à la capacité de l’employeur de fournir un service. Le service aurait pu être fourni si l’on avait demandé à M. Webb de travailler un double quart. Le fait que l’employeur aurait eu à payer des heures supplémentaires n’a rien à voir avec les nécessités du service.

M. Sauvé a sa propre interprétation de la convention collective; lui seul peut décider si une demande de congé sera approuvée. L’employé doit lui expliquer pourquoi il a besoin d’un congé annuel et, si M. Sauvé juge qu’en refusant il causera des difficultés à l’employé, il accorde le congé et paye les heures supplémentaires. Ce n’est pas ce que dit la convention collective.

L’employeur peut invoquer les nécessités du service uniquement s’il se retrouve dans une situation il est incapable de fournir les services au public, par exemple s’il ne peut trouver de remplaçant le jour du congé ou si les employés ne sont pas intéressés parce qu’ils ont déjà travaillé un grand nombre d’heures. Nulle part dans la

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Decision Page 8 convention collective n’est-il fait mention de l’obligation de fournir de bonnes raisons pour prendre congé ni de ce que les nécessités du service englobent le coût des heures supplémentaires.

L’avocat a fait référence aux décisions arbitrales suivantes : Rooney (dossier de la Commission : 166-2-21306), Dillon (dossier de la Commission : 166-2-21922), McConaghy (dossier de la Commission : 166-2-22945) et Oates (dossier de la Commission : 166-2-26597).

Dans ces décisions, selon l’avocat, le coût des heures supplémentaires n’a pas été accepté comme unique raison valable pour invoquer les nécessités du service, ni le court préavis comme raison valable de refus. En l’occurrence, comme dans les décisions ci-dessus, on n’a pas fait d’effort raisonnable de telle sorte qu’on devrait faire droit au grief.

Le représentant de l’employeur a ensuite présenté ses arguments, que j’ai résumés ci-dessous.

Selon M. Climie, le grief dont je suis saisi concerne l’interprétation de la convention collective, et il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de prouver que l’employeur l’a enfreinte. Il a invoqué la décision Milette et Landry (dossiers de la Commission : 166-2-15368 et 15369) en faisant valoir qu’en l’occurrence, comme dans l’espèce, approuver la demande de congé signifiait payer quelqu’un pour faire des heures supplémentaires.

M. Climie a également fait référence aux décisions Bouffard (dossier de la Commission : 166-2-21327) et Oates (précitée). Dans ce dernier cas, l’arbitre n’avait pas eu accès à toute la preuve, alors qu’en l’occurrence je dispose de toute la preuve dont j’ai besoin.

Le représentant de l’employeur a fait valoir que, selon la preuve du fonctionnaire s’estimant lésé en l’occurrence, un autre employé, M. Webb, était prêt à effectuer le quart du 8 avril 1995. Cependant, l’employeur, lui, devait se préoccuper du fait que quelqu’un allait effectuer un quart de 16 heures et qu’il allait devoir lui verser une prime d’heures supplémentaires.

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Decision Page 9 En ce qui concerne la preuve relative aux formulaires de demande de congé présentés à bref préavis, à la suite desquels le fonctionnaire avait pu prendre congé, nous ne devrions pas en tenir compte parce que nous ne connaissons pas les circonstances dans lesquelles ils ont été approuvés.

Le représentant de l’employeur a indiqué que M. Sauvé est autorisé à approuver ou à refuser les demandes de congé. Il faut lui être reconnaissant de tenir compte des difficultés qu’un refus peut causer à l’employé, car il n’est pas obligé de le faire.

Si l’on ne tenait pas compte des heures supplémentaires au moment de l’approbation d’une demande de congé, rien n’empêcherait un nombre quelconque d’employés de prendre congé en même temps. La convention collective ne dit pas qu’il faut indiquer à l’employé que sa demande est refusée à cause des nécessités du service.

M. Climie a également fait référence aux décisions rendues dans les affaires Langlois (dossier de la Commission : 166-2-21415), Barry (dossier de la Commission : 166-2-26144) et Earle (dossier de la Commission : 166-2-21407). Il a déclaré que ces décisions illustrent clairement que la jurisprudence penche en faveur de l’employeur en l’occurrence. L’employeur disposait d’un effectif complet et a eu raison de refuser le congé parce que cela aurait obligé un autre employé à effectuer des heures additionnelles et l’employeur à lui payer du temps supplémentaire. Par conséquent, le grief devrait être rejeté.

Motifs de la décision Après avoir examiné l’ensemble de la preuve qui m’a été présentée, j’ai décidé de faire droit au grief pour les motifs suivants.

L’article 17 de la convention collective est l’article pertinent en l’occurrence. Les clauses 17.07 a), b) et c) sont les dispositions dont il me faut tenir compte. Elles se lisent comme suit :

17.07 L'employé-e prend normalement son congé annuel pendant l'année financière il y devient admissible. L'employeur doit, sous réserve des nécessités du service, faire tout effort raisonnable pour

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Decision Page 10 a) prévoir un congé annuel d'au moins deux (2) semaines consécutives pour l'employé-e, si celui-ci en fait la demande au plus tard le 1 er mai; b) donner ensuite la priorité aux demandes de congé annuel faites par les employé-e-s avant le 1 er juin; c) prévoir, sous réserve de a) et b) ci-dessus, le congé annuel de l'employé-e à une période acceptable pour ce dernier;

Il est évident que l’intention ici est d’amener l’employé à prendre normalement son congé annuel pendant l’année d’acquisition. L’employeur est obligé de faire tout effort raisonnable pour accéder à la demande de congé d’un employé, et les nécessités du service sont l’unique motif qu’il peut invoquer pour rejeter la demande. Il faut donc se poser la question suivante : l’employeur a-t-il enfreint la convention collective lorsqu’il a refusé le congé en liant les nécessités du service au coût des heures supplémentaires et à l’obligation de donner un préavis de 30 jours? La réponse est oui.

Nulle part à l’article 17 de la convention collective n’est-il question de l’obligation de donner un préavis de 30 jours pour pouvoir prendre une journée isolée de congé annuel. La demande d’une journée de congé le 8 avril 1995 a été présentée le 21 mars 1995. Rien dans la preuve ne laisse croire que l’employeur n’a pas eu suffisamment de temps pour faire tout effort raisonnable en vue d’accéder à la demande. M. Sauvé a déclaré qu’il n’avait même pas demandé à un autre employé d’essayer de prendre des dispositions afin que le fonctionnaire puisse prendre congé. Il a aussi affirmé qu’il avait préparé le budget pour sa section, mais qu’il n’avait pas prévu de fonds pour les congés annuels autres que ceux pris par bloc de deux semaines durant l’été.

L’employeur est tenu de s’assurer d’être en mesure de respecter les engagements pris dans la convention collective. Dans un bureau comme celui de Winnipeg, qui fonctionne 24 heures par jour et qui comprend un effectif de six personnes seulement, l’employeur doit savoir qu’il devra parfois payer des heures supplémentaires pour que les employés puissent prendre leur congé annuel conformément aux dispositions de la convention collective, que ce soit un bloc de congé ou un congé d’une journée. L’employeur n’a pas prévu de budget ni pris de

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Decision Page 11 disposition pour pouvoir respecter ses engagements relatifs aux congés annuels conformément à la convention collective.

L’employeur croit, semble-t-il, que les employés qui demandent un congé annuel sans certificat sont obligés de lui dire pourquoi, et qu’il lui revient de décider si son refus leur causera des difficultés. Rien dans l’article 17 ne laisse croire à l’existence d’une telle condition. Un employé a le droit d’utiliser ses crédits de congé annuel, et seules les nécessités du service peuvent être invoquées pour refuser une demande de congé. Les employés n’ont pas à fournir d’explication quant au motif pour lequel ils veulent prendre congé.

J’ai donc conclu que l’employeur n’a pas déployé tous les efforts raisonnables pour accéder à la requête du fonctionnaire. Dans ces circonstances, le coût des heures supplémentaires, sous le couvert des nécessités du service, n’était pas une raison valable pour refuser le congé. Le préavis de 30 jours ne fait pas partie de la convention collective, de telle sorte que cette raison ne justifie pas non plus le refus. Par conséquent, l’employeur a violé la convention collective lorsqu’il a refusé au fonctionnaire de prendre congé le 8 avril 1995. Il est évidemment trop tard pour lui ordonner d’accorder ce congé. Par conséquent, je lui ordonne d’accorder au fonctionnaire s’estimant lésé, d’ici six mois, un jour de congé annuel sur demande moyennant un préavis raisonnable à l’employeur. Ce jour de congé ne doit pas être déduit des crédits de congé annuel accumulés par le fonctionnaire.

Je suis conscient que cette ordonnance donne maintenant au fonctionnaire droit à un jour de congé annuel de plus que ce que prévoit la convention collective. Je suis également conscient du fait qu’on ne m’a présenté aucune preuve démontrant qu’il avait subi une perte financière ou de graves difficultés à la suite du refus du congé du 8 avril 1995. Néanmoins, on l’a empêché d’assister à une activité sociale au cours de laquelle il devait recevoir un prix. Outre la déception que cela a lui causer, il ne faut pas oublier qu’il travaille par quart et qu’en règle générale il lui est plus difficile de participer régulièrement à des activités sociales, de telle sorte qu’elles sont plus susceptibles d’avoir une grande valeur pour lui. Le fonctionnaire a subi une perte.

Je suis également préoccupé par le nombre de cas tranchés par les commissaires de la Commission les souhaits des employés sont écartées pour des Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 12 motifs qui sont constamment considérés comme ne relevant pas des nécessités du service. On en a cité certains au cours de l’audience. L’employeur a conclu une entente et il doit la respecter. Dans ces circonstances, j’estime qu’une décision moins sévère que celle que j’ai rendue ne tiendrait pas suffisamment compte de la préoccupation qui vient d’être exprimée, et je signale que mon pouvoir d’ordonner un redressement est très vaste : Heustis c. La Commission d’énergie électrique du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768.

L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé m’a indiqué que je ne suis pas saisi de l’autre question soulevée dans le grief, soit que l’employeur motive son refus par écrit. Par conséquent, je ne l’examinerai pas.

Albert S. Burke, commissaire

OTTAWA, le 31 mai 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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