Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Compétence - Rémunération d'intérim - Classification - Respect des délais - Renonciation - le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé la rémunération d'intérim pour la période allant d'avril 1986 à juillet 1990 - dans une lettre datée du 26 novembre 1993, l'employeur a rejeté sa demande - au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a accepté de lui verser une rémunération d'intérim pour une partie de la période en question - une dizaine de mois après le renvoi du grief à l'arbitrage, l'employeur a soulevé pour la première fois une objection concernant le respect des délais - il a renouvelé cette objection lors de l'audience - il a également contesté la compétence de l'arbitre de se saisir du grief parce qu'il portait sur une question de classification - les parties ont convenu que l'arbitre devait se prononcer sur les deux objections préliminaires avant d'instruire le grief sur le fond - l'arbitre a conclu que le grief n'était pas hors délai, mais que, même s'il l'avait été, l'employeur avait renoncé à son droit de s'opposer au grief à l'arbitrage pour le motif qu'il était hors délai - en outre, le grief portait sur une question de rémunération et non pas sur une question de classification de telle sorte qu'il relevait de la compétence de l'arbitre. L'arbitre a assumé compétence. Décision citée : Stagg v. Canada (Conseil du Trésor) (1993), 71 F.T.R. 307.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-26974 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE ROBERT C. SAUVÉ fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Travaux publics et Services gouvernementaux)

employeur

Devant : Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Robert Morissette, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Michel LeFrançois, avocat

Affaire entendue à Sudbury (Ontario), le 25 août 1998.

DÉCISION M. Robert Sauvé, un employé du Centre de données fiscales à Sudbury, classifié au niveau EG-4, a déposé un grief au sujet d'une lettre de M. Leigh Campbell, chef, Gestion immobilière, qu'il a reçue le 26 novembre 1993.

La lettre (pièce E-1) est reproduite ci-dessous : [Traduction] La présente fait suite à votre demande de rémunération pour avoir assumé des tâches qui correspondaient à celles d’un poste de niveau supérieur à celui de votre poste d'attache au cours de la période allant d'avril 1986 à juillet 1990. Après avoir discuté de la question avec vous et après avoir examiné la correspondance fournie, nous avons effectué des recherches dans les dossiers en vue de trouver des preuves permettant d’étayer vos prétentions. Nous avons également interviewé les deux chefs de district qui occupaient le poste à titre intérimaire pendant la période en question.

Malheureusement, nous n'avons rien trouvé qui appuie vos prétentions. En raison de l'instabilité qui régnait au service de la gestion immobilière à Sudbury à cette époque, il est probable que vous-même et d'autres fonctionnaires avez assumé les tâches d’un poste de niveau supérieur pour assurer la satisfaction des locataires. Si c'est le cas, vous auriez soulever la question à ce moment-là.

D'après la preuve dont nous disposons, nous ne sommes pas disposés à entreprendre, après tout ce temps, les démarches nécessaires pour vous accorder un traitement rétroactif.

Le grief a été renvoyé à l'arbitrage le 24 janvier 1996. L'employeur a soulevé pour la première fois une objection concernant le respect des délais dans une lettre datée du 14 novembre 1996. L'avocat de l'employeur a réitéré cette objection dès le début de l'audience. M. Sauvé demande d’être rémunéré pour avoir assumé des tâches correspondant à celles d’un poste de niveau supérieur à celui de son poste d'attache au cours de la période allant d'avril 1986 à juillet 1990.

L'avocat de l'employeur a renvoyé à l’article M-38 de la convention cadre conclue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Les dispositions pertinentes sont reproduites ci-dessous : M-38.02 Sous réserve de l'article 90 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et conformément aux dispositions dudit article, l'employé-e qui

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Décision Page 2 estime avoir été traité de façon injuste ou qui se considère lésé par une action ou l'inaction de l'employeur au sujet de questions autres que celles qui découlent du processus de classification, a le droit de présenter un grief de la façon prescrite à la clause M-38.05, compte tenu des réserves suivantes:

a) s'il existe une autre procédure administrative prévue par une loi du Parlement ou établie aux termes d'une telle loi pour traiter sa plainte particulière, cette procédure doit être suivie,

et b) si le grief porte sur l'interprétation ou l'exécution de la présente convention collective, de la convention particulière du groupe ou d'une décision arbitrale, l'employé-e n'a pas le droit de présenter le grief, à moins d'avoir obtenu le consentement de l'Alliance et de se faire représenter par celle-ci.

M-38.10 Au premier palier de la procédure, l'employé-e peut présenter un grief de la manière prescrite à la clause M-38.05, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief.

À l'appui de sa thèse, l'avocat de l'employeur a présenté les pièces suivantes : E-1 : Lettre datée du 26 novembre 1993 de M. Leigh Campbell à M. R. Sauvé.

E-2 : Note de service datée du 17 octobre 1990 de M. Robert C. Sauvé à M. Denis Taillefer.

E-3 : Lettre datée du 15 août 1991 de M. Robert C. Sauvé à M. Gary Williamson.

E-4 : Lettre datée du 27 avril 1992 de M. L. Campbell à M. Robert Sauvé. E-5 : Note de service datée du 19 juin 1992 de M. Robert Sauvé à M. Bob Beland.

E-6 : Lettre datée du 15 janvier 1993 de M. L. Campbell à M. R. Sauvé. E-7 : Note de service datée du 15 mars 1993 de M. Robert Sauvé à M. Bob Beland.

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Décision Le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté les pièces suivantes : G-1 : Formule de planification du travail et d'évaluation de l'employé, Soutien administratif M. Robert C. Sauvé pour décembre 1988.

G-2 : Lettre datée du 6 décembre 1994 de M. Rick Huband à M. Robert Sauvé.

G-3 : Lettre datée du 27 janvier 1995 de M. Robert Sauvé à M. Rick Huband.

G-4 : Note de service datée du 29 mars 1993 de M. Leigh Campbell à M. R. Sauvé.

G-5 : Lettre datée du 13 juillet 1993 de M. Donald Delorme à M. L. Campbell.

G-6 : Lettre datée du 15 décembre 1995 de M. Paul Wong à M. Robert Sauvé.

Aucun témoin n'a été appelé à comparaître. Argumentation Les parties s’entendent pour que je règle d'abord la question des objections préliminaires de l'employeur concernant le respect des délais et ma compétence. Le grief ne sera entendu sur le fond que si je conclus que les objections ne sont pas fondées.

L'avocat de l'employeur soutient que l'employeur n'a pas renoncé à son droit de soulever la question du respect des délais. M. Sauvé a, pendant des années, considéré qu’il s’agissait d’un problème de description de travail et de classification. Cela lui a permis d’obtenir partiellement gain de cause auprès de l'employeur, mais, jugeant que ce n’était pas assez, il a alors déposé le présent grief aux termes de la convention collective.

L'employeur soutient que la lettre de M. Campbell (pièce E-1) se rapporte au fait que l'employeur a été incapable de trouver, « après tout ce temps », des preuves permettant d’étayer les prétentions de M. Sauvé. Ce délai a causé un préjudice grave aux droits de l'employeur. Les supérieurs et collègues de M. Sauvé à l'époque ne travaillent plus au Centre de données fiscales de Sudbury. Deux d'entre eux ont quitté

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Page 3 et opérations, établie pour la période allant de janvier à

Décision Page 4 la fonction publique. Tout ce dont les gens se souviennent, c'est qu'il y avait peut-être un problème de classification.

L'employeur soulève une exception déclinatoire de compétence pour le motif également qu'il s'agit d'un grief de classification qui n'est pas visé par la convention collective.

Le représentant du fonctionnaire soutient que la situation ayant donné lieu au grief est une situation continue et que, par conséquent, le grief n'est pas hors délai. En outre, la question du respect des délais n'a pas été soulevée par l'employeur auparavant.

Décision M. Sauvé demande d’être rémunéré pour avoir assumé des tâches correspondant à celles d’un poste d’un niveau supérieur à celui de son poste d'attache au cours de la période allant d'avril 1986 à juillet 1990.

Depuis, M. Sauvé a communiqué à diverses reprises avec le Ministère pour être rémunéré à un taux supérieur à celui auquel il a été rémunéré durant la période visée. Ce n’est que le 16 décembre 1993 qu’il a déposé son grief, après avoir reçu une lettre du chef de la Gestion immobilière (pièce E-1).

Bien qu’il se soit écoulé environ trois ans entre les événements ayant donné lieu au grief et le dépôt du grief, M. Sauvé a assidûment poursuivi ses démarches au fil des années en vue d'obtenir plus d'argent. En outre, au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a accepté de lui verser un traitement intérimaire pour une partie de la période en question.

Bien que l'employeur puisse, avec raison, douter de la possibilité d'établir les faits après tant d'années, comme il l'a indiqué dans une lettre à M. Campbell (pièce E-1), il était assurément au courant de la situation pendant ces années. La recherche des faits s'est poursuivie pendant une longue période, comme l'indique l'échange de correspondance au fil des années. Par conséquent, je ne crois pas que le grief soit hors délai et, même s'il l'était, je ne suis pas disposée à entendre l'objection de l'employeur au sujet du respect des délais, une objection qu'il soulève pour la première fois à l'arbitrage. N'ayant pas soulevé cette question durant la procédure de Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 5 règlement des griefs, l'employeur a renoncé à son droit de s'opposer au grief à l'arbitrage pour le motif qu’il est hors délai.

L'employeur a soulevé une exclusion déclinatoire de compétence pour le motif également qu'il s'agit d'un grief de classification qui n'est pas visé par la convention collective. Appelée à se prononcer dans une affaire semblable à celle de M. Sauvé, la Section de première instance de la Cour fédérale, dans Stagg and Canada (Treasury Board) (1993), 71 F.T.R. 307, a conclu qu'il s'agissait d'une question de rémunération. Je souscris à cette conclusion. Il importe également de préciser que l'employeur a traité ce grief comme une question de rémunération durant la procédure de règlement des griefs.

Pour tous ces motifs, j'ai compétence pour instruire le grief de M. Sauvé sur le fond. Les parties seront informées en temps et lieu de la date à laquelle le grief sera instruit sur le fond.

Rosemary Vondette Simpson, commissaire

OTTAWA, le 30 novembre 1998. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

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