Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Compétence - Qualité d'employé - Le fonctionnaire s'estimant lésé est-il un fonctionnaire au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - en mars 1979, le fonctionnaire a signé un contrat à titre de membre civil de la Gendarmerie royale du Canada et il a prêté le serment d'office par lequel il s'engageait à exécuter les tâches requises de lui à titre de membre de la Gendarmerie - le fonctionnaire a déposé un grief selon la procédure de règlement des griefs de la GRC relativement à l'évaluation de son niveau d'études - à la suite de cette procédure, il a tenté de faire renvoyer son grief à l'arbitrage, en application de l'article 92 de la LRTFP - l'arbitre a reconnu que la GRC figure dans l'Annexe I de la Partie I de la LRTFP et que, à ce titre, le fonctionnaire était un employé d'un secteur de la fonction publique dont le Conseil du Trésor est l'employeur - l'arbitre a également reconnu que seule une personne qui est «fonctionnaire» au sens de la Loi peut renvoyer un grief à l'arbitrage sous l'article 92 - l'alinéa e) de la définition de «fonctionnaire» exclut spécifiquement les personnes «... qui sont membres, ou gendarmes auxiliaires, de la Gendarmerie royale du Canada, ou y sont employées sensiblement aux mêmes conditions que les membres de la Gendarmerie» - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire était visé par l'exclusion de l'alinéa e) et que, par conséquent, il n'était pas un fonctionnaire aux fins de la LRTFP - absence de compétence. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26780 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JACK RONALD COWALCHUK fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Gendarmerie royale du Canada)

employeur

Devant: Y. Tarte, vice-président Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Michael Segal, avocat Pour l'employeur: Keith Willis Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 3 mai 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Depuis 1979, M. Cowalchuk travaille à temps plein en qualité de conseiller en sécurité d’architecture (GTEC-6) à la Sous-section des systèmes de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada. (GRC). Lors de son embauche à temps plein, en mars 1979, le fonctionnaire s'estimant lésé a signé un contrat de travail (pièce G-2) à titre de membre civil, et a reconnu le pouvoir du commissaire de la GRC de le congédier. Dans le serment professionnel qu’il a prêté à ce moment-là, il a juré de bien et fidèlement s’acquitter des devoirs qui lui incomberaient en sa qualité de membre de la GRC. Il n’a jamais prêté serment en qualité d’agent de la paix.

M e Jacques Courteau, un avocat des services du personnel de la GRC, a déclaré que l’acte d’engagement signé par le fonctionnaire s'estimant lésé et le serment professionnel qu’il a prêté sont réservés aux membres de la Gendarmerie nommés en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. D’après M e Courteau, la GRC embauche à la fois des membres réguliers et des membres civils. De plus, ce ne sont pas tous les membres de la Gendarmerie qui prêtent le serment d’agent de la paix. Seuls les membres de la Gendarmerie peuvent se prévaloir de la procédure de règlement des griefs décrite à l’article 31 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Le 10 décembre 1993, M. Cowalchuk, en qualité de membre de la Gendarmerie, a présenté un grief conformément à cette disposition pour contester l’évaluation de ses années de scolarité. Après avoir épuisé tous les recours prévus par la procédure de règlement des griefs de la GRC, il a demandé le renvoi de son grief à l’arbitrage conformément à l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le document de référence (Formule 14) cite la GRC comme employeur.

Le 26 septembre 1995, M. Willis a écrit à la Commission pour l’informer que [traduction] « M. Cowalchuk n’est pas un fonctionnaire visé par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ». La question de la compétence de la Commission à connaître le grief de M. Cowalchuk a ensuite fait l’objet d’une correspondance relativement soutenue entre les parties. La présente audience a eu lieu pour donner aux parties la possibilité d’approfondir cette question.

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Decision Page 2 ARGUMENTATION CONCERNANT LA COMPÉTENCE Pour le fonctionnaire s'estimant lésé Les arguments présentés par l’avocat de M. Cowalchuk sont essentiellement fondés sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Sa Majesté la Reine du chef du Canada c. Yvon R. H. Gingras, [1994], 2 C.F. 734, le juge Décary a déclaré ce qui suit aux pages 753 et 754 :

4. C’est par législation plutôt que par réglementation que le gouvernement a précisé de qui le Conseil du Trésor, au nom de Sa Majesté, serait l’employeur et de qui il ne le serait pas. Tout changement de statut, à cet égard, ne peut donc être fait que par une loi.

5. La GRC est une division ou section de la fonction publique du Canada au sens de la Loi sur l’administration financière et constitue un ministère ou département au sens de cette Loi. Ses membres sont donc, aux fins de cette Loi, des « personnes employées dans la fonction publique du Canada ». De plus, la définition d’« employé » [fonctionnaire], à l’article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, en excluant de la définition « personne employée dans la Fonction publique » aux fins de cette Loi les membres de la GRC, confirme que ces derniers sont, par ailleurs, des « personnes employées dans la Fonction publique ».

6. La GRC (et non seulement son personnel civil) est désignée dans la Partie I de l’annexe I parmi ces ministères, départements et autres éléments de la fonction publique du Canada pour lesquels Sa Majesté, représentée par le Conseil du Trésor, est l’employeur.

La GRC est désignée dans la Partie I de l’annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, sont énumérés les éléments de la fonction publique du Canada pour lesquels Sa Majesté, représentée par le Conseil du Trésor, est l’employeur.

Les seules personnes travaillant à la GRC qui échappent à l’application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sont celles qui sont embauchées en qualité de membres ou de gendarmes spéciaux ou qui sont embauchées par la Gendarmerie aux termes de conditions substantiellement les mêmes que celles d’un

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Decision Page 3 membre. L’exclusion indiquée dans la définition de « fonctionnaire », à l’article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, doit, par conséquent, s’appliquer uniquement à l’égard des membres de la GRC qui sont des agents de la paix. Puisque M. Cowalchuk n’est pas un agent de la paix, il ne peut être exclu de l’application de cette loi.

Si le législateur avait réellement eu l’intention de soustraire la GRC à l’application de la LRTFP, il aurait mentionné la Gendarmerie à la Partie II de l’annexe I.

Pour le Conseil du Trésor Pour avoir gain de cause, le fonctionnaire s'estimant lésé devait démontrer qu’il n’est pas membre de la GRC. Il ne l’a pas fait. M. Cowalchuk a été embauché en vertu de l’article 7 de la Loi sur la GRC, qui confère au commissaire de la GRC le pouvoir de nommer des membres qui ne sont pas des agents. Il échappe donc à l’application de la LRTFP en raison de la définition de « fonctionnaire » qu’elle renferme.

L’arrêt Gingras portait sur une question différente et n’est d’aucune utilité en l’occurrence. Le fait que M. Cowalchuk puisse être embauché dans la fonction publique ne change rien à sa situation de membre de la GRC. En vertu de la définition de « fonctionnaire » contenue dans la LRTFP, seuls les membres civils de la Gendarmerie peuvent se prévaloir des dispositions de cette loi.

M. Cowalchuk, un membre de la GRC, n’est pas autorisé à déposer un grief aux termes de l’article 92 de la LRTFP.

MOTIFS DE DÉCISION L’Acte d’engagement signé par M. Cowalchuk en 1979 (pièce G-2) stipule clairement qu’il s’est « engag[é] à servir dans la Gendarmerie royale du Canada ... ». Ce document précise également, comme condition d’emploi, que M. Cowalchuk doit subir un examen médical pour déterminer s’il possède les aptitudes physiques exigées par la GRC. Enfin, lorsqu’il a prêté son serment professionnel en mars 1973 (pièce G-2 également), il a juré qu’il « accomplirai[t] et remplirai[t], diligemment et impartialement

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Decision Page 4 les devoirs exigés de [lui] comme membre de la Gendarmerie royale du Canada ... ». M. Cowalchuk a signé le grief qu’il veut aujourd’hui renvoyer à l’arbitrage en qualité de membre de la Gendarmerie. L’arrêt Gingras (précité), sur lequel se fonde en grande partie M. Cowalchuk, a reconnu que les membres de la GRC étaient des employés (fonctionnaires) pour lesquels le Conseil du Trésor était l’employeur uniquement aux fins du Régime de prime au bilinguisme instauré par le gouvernement du Canada le 15 octobre 1977. Le juge Décary, dans ses motifs de jugement, a reconnu implicitement que les membres de la Gendarmerie sont en fait exclus du champ d’application de la LRTFP.

En vertu de l’article 92 de la LRTFP, seul un fonctionnaire peut renvoyer un grief à l’arbitrage. Le législateur a cru bon d’exclure de la définition de « fonctionnaire », dans cette loi, les personnes qui, comme M. Cowalchuk, sont normalement appelées des membres civils de la GRC.

Par conséquent, je dois conclure que je n’ai pas compétence à connaître le présent renvoi à l’arbitrage.

Yvon Tarte, vice-président.

OTTAWA, le 21 juin 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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