Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Compétence - Expiration du contrat pour une période déterminée - Articles 91 et 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - Signification du terme «licenciement» à l'article 92 de la LRTFP - la fonctionnaire s'estimant lésée, ainsi que plusieurs autres employés, avaient été embauchés pour une période déterminée en vertu d'un contrat de cette nature - le contrat d'emploi d'un bon nombre de ces employés a été prorogé, tandis que celui de la fonctionnaire et d'autres employés ne l'a pas été - la fonctionnaire a contesté la procédure utilisée pour éliminer sa candidature en invoquant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, mais sans succès - elle a soutenu devant l'arbitre que la décision de l'employeur de ne pas renouveler son contrat était empreinte de discrimination et qu'elle contrevenait aux dispositions de la convention collective - l'employeur a contesté la compétence de l'arbitre à instruire le grief, principalement en s'appuyant sur l'article 91 de la LRTFP qui précise qu'un employé peut déposer un grief uniquement au regard des questions qui portent atteinte à ses conditions d'emploi «si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale» - l'arbitre a noté que, en ce qui a trait à l'allégation de violation de la convention collective, la fonctionnaire n'avait pas obtenu l'approbation de l'agent négociateur, conformément au paragraphe 92(2) de la LRTFP - il a également conclu que l'emploi de la fonctionnaire avait pris fin en raison de l'expiration de son contrat d'emploi et non à la suite d'une décision de l'employeur prise sans égards aux modalités du contrat - par conséquent, l'arbitre ne pouvait conclure qu'il s'agissait d'un «licenciement» au sens de l'article 92 - le processus de sélection sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ne peut faire l'objet d'un renvoi à l'arbitrage en vertu de la LRTFP. Grief rejeté. Décision citée: Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et Cooper, [1974] 2 C.S. 407 (C.A.).

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26983 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE CECILIA HANNA fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Citoyenneté et Immigration Canada)

employeur

Devant: Yvon Tarte, vice-président Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Elle-même Pour l'employeur: Robert Jaworski, avocat Affaire entendue à Toronto (Ontario), le 30 mai 1996.

Decision Page 1 DÉCISION M me Hanna a déposé un grief pour contester son « renvoi » à titre de commis au soutien des opérations pour une période déterminée au Centre d’Immigration Canada (CIC) du centre de Toronto.

Le 21 mai 1996, l’employeur s’est opposé au renvoi à l’arbitrage du grief de M m e Hanna dans les termes suivants : [traduction] Nous soutenons que l’arbitre n’a pas compétence pour entendre le présent grief en vertu des paragraphes 91.(1) et 92.(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Nous demandons respectueusement que le grief soit rejeté sans audience.

Les faits On m’a indiqué que M m e Cecilia Hanna avait été embauchée à titre de préposée au soutien pour une période déterminée au Centre d’Immigration Canada du centre de Toronto. Son dernier contrat a expiré le 31 mars 1994. Vous trouverez ci- joint, une copie de son contrat d’emploi pour une période déterminée (annexe « A »).

En mars 1994, l’employeur a évalué M vingt-six (26) autres fonctionnaires nommés pour une période déterminée afin d’en sélectionner douze (12) dont le contrat serait renouvelé d’avril à juin 1994. M choisie.

En vertu de l’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, M m e Hanna a interjeté appel, auprès de la Direction des appels de la Commission de la fonction publique du Canada, des sélections effectuées. Vous trouverez ci-joint, une copie de la décision de la Direction des appels rendue le 24 juin 1994 faisant droit à l’appel (annexe « B »).

Après réévaluation, la candidature de M m e Hanna a de nouveau été rejetée. Celle-ci a interjeté un deuxième appel conformément à l’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Vous trouverez ci-joint, une copie de la décision de la Direction des appels rendue le 3 janvier 1995 faisant droit à l’appel (annexe « C »).

L’employeur a donc réévalué les qualifications de M pour le poste de préposée au soutien général. Bien qu’elle ait obtenu une meilleure cote, encore une fois, elle n’a pas été jugée qualifiée pour occuper le poste.

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m e Hanna ainsi que m e Hanna n’a pas été

m e Hanna

Decision Page 2 Conformément à l’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, M m e Hanna a fait appel une troisième fois du choix des candidats pour le poste de préposée au soutien général. Vous trouverez ci-joint une copie de la décision de la Direction des appels rendue le 27 juin 1995 rejetant l’appel (annexe « D »).

La loi L’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique stipule ce qui suit :

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci : a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer; b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.

(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

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Decision Page 3 L.R. (1985), ch. P-33, art. 21; 1992, ch. 54, art. 16 L’article 25 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique stipule ce qui suit :

25. Le fonctionnaire nommé pour une période déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l'expiration de cette période. S.R., ch. P-32, art. 25.

Le paragraphe 91.(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique stipule ce qui suit :

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale [c’est moi qui souligne], le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé : a) par l'interprétation ou l'application à son égard : (i) soit d'une disposition législative, d'un règlement administratif ou autre —, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi, (ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale; b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous- alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

L’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique stipule ce qui suit :

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur : a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale; b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques; c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

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Decision Page 4 (2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique [c’est moi qui souligne].

Argumentation M m e Hanna conteste son « renvoi » du CIC du centre de Toronto. Elle demande sa réintégration sans perte de salaire et d’avantages sociaux.

Le Conseil du Trésor soutient que M m e Hanna n’a pas été renvoyée. Son contrat ayant expiré, elle a simplement cessé d’être une employée du CIC du centre de Toronto conformément à l’article 25 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Ces faits sont évidents d’après les décisions ci-annexées. Par conséquent, la présente affaire ne peut être renvoyée à l’arbitrage aux termes du paragraphe 92.(3) de la LRTFP.

De façon analogue, dans Chopra c. Conseil du Trésor (T-813-94, décision datée du 31 août 1995), la Cour fédérale a confirmé que, lorsqu’un requérant obtient réparation aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, un arbitre, conformément au paragraphe 91(1) de la LRTFP, n’a pas compétence pour entendre un grief fondé sur la convention cadre conclue entre le Conseil du Trésor et l’association professionnelle du requérant. En fait, la Cour a reconnu que l’ancien paragraphe 91(1) visait à prévenir le chevauchement des procédures prévues par la LRTFP et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

Il est évident que M m e Hanna avait le droit de se prévaloir du recours prévu à l’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. En fait, elle a exercé ce droit à trois occasions. Par conséquent, sauf le respect que nous lui devons, l’arbitre n’a pas compétence pour entendre le présent grief du fait du paragraphe 91.(1) de la LRTFP.

Pour ces motifs et tout autre motif que pourrait invoquer l’avocat, et que l’arbitre pourrait retenir, nous soutenons que l’affaire doit être rejetée sans audience.

Lors de l’audience, l’employeur a déposé en preuve un Contrat d’emploi pour une période déterminée (pièce E-1), signé par la fonctionnaire s’estimant lésée le Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision 30 novembre 1993. Le contrat indique clairement que l’emploi de M pour une période déterminée qui devait prendre fin le 31 mars 1994.

La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas contesté les modalités de son contrat de travail. Elle a cependant contesté l’équité et l’impartialité dont a fait preuve l’employeur pour déterminer qui parmi plusieurs employés, obtiendrait une reconduction de son contrat après mars 1994. Ces questions ont été longuement débattues au cours des trois audiences tenues par le Comité d’appel de la Commission de la fonction publique (voir les décisions du Comité d’appel : 94-EIC-04, 94-EIC-09 et 95-IMC-0413).

ARGUMENTATION SUR LA QUESTION DE LA COMPÉTENCE Pour l’employeur Le paragraphe 92(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) stipule que rien dans les dispositions sur le renvoi de griefs à l’arbitrage « n'a [...] pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ».

Une cessation d’emploi à la fin d’une période déterminée se produit en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Compte tenu du libellé du paragraphe 92(3), la présente affaire ne peut être renvoyée à l’arbitrage.

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée M m e Hanna a indiqué qu’elle ne contestait pas sa cessation d’emploi en tant que telle, mais plutôt les méthodes employées pour l’empêcher ainsi que ses collègues de demeurer au service de l’employeur. La décision de l’employeur de ne pas renouveler son contrat était fondée sur un processus tendancieux et partial, qui faisait suite à plusieurs années d’abus et de harcèlement.

La fonctionnaire a fait valoir que son grief relevait carrément des paramètres du paragraphe 91(1) de la LRTFP étant donné qu’il concernait ses conditions de travail

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Page 5 me Hanna était

Decision Page 6 et qu’elle n’avait pas réussi à obtenir un redressement approprié aux termes d’autres lois du Parlement.

MOTIFS DE DÉCISION Même en supposant, aux fins de la présente décision, que la fonctionnaire s’estimant lésée réponde aux exigences du paragraphe 91(1) relativement au dépôt d’un grief, je ne vois pas comment un tel grief pourrait être renvoyé à l’arbitrage aux termes de l’article 92 de la Loi.

La compétence conférée à un arbitre aux termes de l’article 92 est assez restreinte et ne peut être élargie, même par consentement des parties. Cette compétence est, d’une part, limitée à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective et, d’autre part, à la cessation d’emploi et à une mesure disciplinaire.

Selon le libellé de son grief, M m e Hanna conteste sa cessation d’emploi et la violation de l’article M-16 de la convention cadre conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la fonction publique du Canada. Cet article traite de la discrimination sur les lieux du travail. En vertu du paragraphe 92(2) de la Loi, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage un grief concernant l’interprétation et l’application d’une convention collective uniquement sous réserve de l’approbation de son agent négociateur. Or, en l’occurrence, l’Alliance de la fonction publique du Canada n’a pas approuvé le renvoi de quelque question que ce soit concernant la convention cadre. La partie du grief traitant de l’article M-16 ne peut donc pas être renvoyée à l’arbitrage.

Le « renvoi » de la fonctionnaire s’estimant lésée ne constitue pas un « licenciement » au sens de l’article 92 de la Loi. Son emploi a pris fin à la suite de l’exécution des conditions de son contrat de travail et non pas d’une décision de l’employeur prise sans égard aux conditions dudit contrat. Par conséquent, on ne peut parler de « licenciement » selon l’emploi que l’on fait de ce terme à l’article 92.

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Decision Page 7 Lors de l’audience, M me Hanna a essayé de contourner l’obstacle présenté par l’article 92 de la LRTFP en affirmant qu’elle ne contestait pas son licenciement en tant que tel, mais bien le processus de sélection utilisé pour l’empêcher de continuer de travailler. Les appels interjetés relativement aux processus de sélection relèvent du Comité des appels de la Commission de la fonction publique aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Ils ne peuvent faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage. S’il existe un mécanisme de réparation, ce n’est certes pas aux termes de la LRTFP : voir In re la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique et in re Philip L. Cooper, [1974] 2 C.F. 407 (C.A.).

Je dois conclure que je n’ai pas compétence pour entendre l’affaire.

Yvon Tarte, vice-président.

OTTAWA, le 24 juin 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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