Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Sanction pécuniaire (1 000 $) - Négligence - Introduction d'un virus dans le système informatique des lieux de travail - Preuve admissible - le fonctionnaire s'estimant lésé, infirmier psychiatrique dans un établissement correctionnel, s'est vu infliger une peine pécuniaire de 1 000 $ pour avoir introduit le virus du singe «monkey virus» dans le système informatique de l'employeur par l'intermédiaire de l'ordinateur du poste de soins infirmiers - il en a coûté environ 600 $ pour éliminer le virus du système - la disquette contenant le virus avait été remise au fonctionnaire par un détenu - l'employeur a fait état de sa politique selon laquelle les disquettes de l'extérieur ne peuvent être introduites qu'après avoir reçu l'autorisation nécessaire, politique dont le fonctionnaire n'avait pas tenu compte - l'employeur a tenté de faire admettre en preuve un rapport d'enquête de l'incident - l'arbitre a accueilli l'objection du fonctionnaire selon laquelle le rapport était inadmissible parce qu'il constituait une preuve par ouï-dire et que cette preuve était préjudiciable - le témoignage a révélé que le virus avait également été trouvé sur une disquette appartenant à un autre employé - la preuve a aussi établi que le virus pouvait avoir été introduit dans l'ordinateur du poste de soins infirmiers par le biais d'un autre ordinateur sur les lieux plutôt que par la disquette du fonctionnaire - néanmoins, l'arbitre a conclu que le fonctionnaire, même s'il n'avait pas agi délibérément, avait violé la politique de l'employeur en ce qui a trait à l'introduction de disquettes de l'extérieur - l'arbitre a réduit la peine pécuniaire à 100 $. Grief admis en partie.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-26848 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE CLARENCE VANDERMEER fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)

employeur Devant: Ian Deans, président Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Evan Heidinger, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur: Janet Ozembloski, stagiaire en droit Affaire entendue à Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 février 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Le fonctionnaire s'estimant lésé, Clarence Vandermeer, infirmier psychiatrique (NU-HOS-02), travaille au Centre psychiatrique régional (CPR) du Service correctionnel Canada situé à Abbotsford (Colombie-Britannique). Son grief se lit comme suit :

[traduction] Je conteste la sanction pécuniaire de 1 000 $ qui m’a été imposée par lettre datée du 94.09.09 et signée par D. Mater. Cette mesure disciplinaire est inéquitable, injuste et déraisonnable.

Il a demandé le redressement suivant : [traduction] Que la sanction pécuniaire de 1 000 $ soit révoquée; que toute somme que l’employeur a prélevée me soit remboursée y compris les intérêts calculés au taux bancaire courant; que tous les documents concernant cette affaire soient retirés de mon dossier et que ces derniers me soient remis pour que je puisse personnellement les détruire.

La réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure est reproduite ci-dessous :

[traduction] J’ai discuté des circonstances de votre grief avec un représentant de l’Institut.

J’ai examiné les faits entourant la décision de la direction de vous imposer une sanction pécuniaire de 1 000 $.

Le 11 avril 1994, le sous-commissaire régional a avisé tous les employés que seulement les logiciels appartenant au CSC et dûment approuvés par le gestionnaire de la technologie de l’information pouvaient être utilisés dans les ordinateurs du SCC. On vous a clairement expliqué que les logiciels n’appartenant pas au CSC risquaient d’être infectés de virus susceptibles d’avoir de graves conséquences sur toutes les applications informatiques de l’organisation. Il a été clairement établi que vous avez infecté l’ordinateur en installant un logiciel contenant le virus du singe Monkey Virus ») de telle sorte que la mesure disciplinaire est justifiée.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 2 À la suite de vos actions, le SCC a dépenser au-delà de 600 $ pour réparer les ordinateurs endommagés; le coût aurait pu être considérablement plus élevé. Vous n’avez témoigné aucun remords ni avez fait valoir de circonstances atténuantes à la direction pour la convaincre d’atténuer la mesure disciplinaire.

Par conséquent, votre grief est rejeté. En résumé, la preuve de l’employeur est que deux ordinateurs sont tombés en panne le 10 mai 1994. Un des ordinateurs en question se trouve dans la bulle d’observation; il a été impossible de déterminer la cause des dommages dans ce cas particulier parce qu'ils sont trop considérables. Pour ce qui est de l’autre ordinateur, situé au poste de soins infirmiers, une enquête a révélé que la « panne » a été causée par le virus du singe. Le fonctionnaire s'estimant lésé était affecté au poste en question il travaillait en qualité d’infirmier psychiatrique. Interrogé, ainsi que d’autres employés, il a indiqué qu’il avait inséré dans l’ordinateur, à la demande d’un patient (un détenu), une disquette appartenant à ce dernier. Cette action a été jugée comme étant en violation d’une directive du Commissaire (E-5) envoyée à tout le personnel le mois précédent. La directive mettait les employés en garde contre l’utilisation de logiciels non autorisés dans les ordinateurs au travail, et indiquait la procédure à suivre.

L’enquête a aussi déterminé que la disquette susmentionnée était contaminée par le virus du singe et que le fonctionnaire s'estimant lésé avait essayé de la désinfecter à l’aide d’un antidote fourni par l’employeur en utilisant sa propre disquette sur son ordinateur personnel à la maison. Une vérification de la disquette en question a révélé qu’elle était également infectée du virus du singe. La vérification d’autres disquettes appartenant aux employés a aussi révélé qu’au moins l’une d’elles était infectée du même virus. L’employeur a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait introduit le virus dans l’ordinateur du poste de travail des soins infirmiers. Il lui a imposé une peine pécuniaire de 1 000 $. Dans une lettre datée du 9 septembre 1994 (E-4), l’employeur expose les motifs de la mesure disciplinaire :

[traduction] J’ai lu le rapport concernant le rôle que vous avez joué dans l’incident entourant l’introduction d’un virus informatique

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 dans l’ordinateur du poste de travail des soins infirmiers situé au rez-de-chaussée. Le virus s’est manifesté le 10 mai 1994. Le rapport indique que vous avez commis une faute de conduite à cette occasion en empruntant une disquette à un patient pour en examiner le contenu sur l’ordinateur du poste des soins infirmiers situé au rez-de-chaussée. La disquette était infectée d’un virus. Ce virus a provoqué une panne et ni vous ni les autres membres du personnel n’ont pu utiliser l’ordinateur en question pendant trois jours et demi tandis que le technicien en informatique travaillait à le réparer.

Votre comportement a contrevenu à l’objectif stratégique 5.9 de la valeur fondamentale 5 de l’Énoncé de mission, selon lequel il faut faire un usage adéquat de la technologie disponible. Il est également contraire aux principes régissant les lignes directrices sur les conflits d’intérêts qui spécifient qu’il est interdit au personnel d'utiliser directement ou indirectement les biens du gouvernement, y compris les biens loués, ou d'en permettre l'usage à des fins autres que les activités officiellement approuvées.

Par vos actions, vous avez également violé la Code de discipline dont la première règle spécifie qu’un employé commet une infraction grave s’il ne respecte pas ou n’applique pas les textes législatifs, les Directives du Commissaire, les Ordres permanents ou toute autre directive concernant ses tâches. En l’occurrence, le sous-commissaire a écrit à tout le personnel du SCC le 11 avril 1994 pour aviser les employés que seuls les logiciels approuvés par l’organisme pouvaient être installés dans les ordinateurs du SCC. Il a également décrit les problèmes graves qui pourraient résulter de l’installation dans les ordinateurs de logiciels corrompus n’appartenant pas au SCC. Ces problèmes comportent des dimensions financières, logistiques et juridiques importantes lorsque des systèmes nationaux tels que le Système de gestion des détenus, le FINCON ou les systèmes de paie en direct sont endommagés ou tombent en panne à la suite de l’introduction d’un virus informatique.

Il y a lieu de noter que vous avez également contrevenu aux deuxième et quatrième règles du Code de discipline. Selon la deuxième règle, un employé commet une infraction s’il ne peut justifier l’utilisation des fonds ou de la propriété publics, détourne ou fait mauvais usage de ces fonds ou de cette propriété...dans l’exécution de ses tâches ou en tant que membre du Service. La quatrième règle précise qu’un employé commet une infraction s’il entretient des relations personnelles ou d’affaires non autorisées par son supérieur avec un délinquant...ou s’il donne ou reçoit un cadeau, des gratifications, des avantages ou des faveurs ou conclut des

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 transactions commerciales à des fins personnelles avec un délinquant.

Par conséquent, conformément au Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique et à l’autorité qui m’est dévolue par le Commissaire, je vous impose une peine pécuniaire de 1 000 $. Cette sanction est jugée appropriée et il n’existe aucun facteur atténuant qui justifierait l’imposition d’une peine moins sévère.

Je tiens à souligner que si vous ne respectez pas les exigences ministérielles concernant le matériel et les logiciels informatiques, d’autres mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à votre congédiement pourraient vous être imposées. Une copie de la présente lettre sera consignée dans votre dossier personnel pendant deux ans.

Vous pouvez présenter un grief si vous jugez que cette sanction et la peine pécuniaire ne sont pas justifiées.

L’employeur a indiqué qu’il désirait déposer comme élément de preuve le rapport d’enquête relatif à la mesure disciplinaire. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé s’y est opposé au motif que le contenu du rapport était du ouï-dire et ne pouvait faire l’objet d’un contre-interrogatoire. Il a soutenu qu’il n’était pas admissible en preuve. À l’appui de son objection il a cité une décision non publiée, datée du 22 février 1995, rendue par l’arbitre R.B. Blasina en Colombie-Britannique dans l’affaire British Columbia Institute of Technology (Pacific Marine Training Campus) and British Columbia Government and Services employees Union - (Re: T. Noack and R. Witherspoon).

Après avoir entendu les arguments des deux parties et examiné la jurisprudence susmentionnée, j’ai conclu que le contenu du rapport d’enquête pouvait constituer un élément de preuve si l’on citait les témoins pertinents de telle sorte que la position de l’employeur ne subirait aucun préjudice si je décidais qu’il n’était pas admissible. J’ai donc exercé le pouvoir discrétionnaire que me confère l’alinéa 25 c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en concluant que le rapport d’enquête sur la mesure disciplinaire n’était pas admissible.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté les éléments de preuve suivants. Il compte de nombreuses années de service et a un dossier vierge. Il a admis avoir inséré

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 la disquette en question dans l’ordinateur et convenu qu’en « rétrospective » il n’aurait pas le faire. Il a expliqué qu’à titre d’infirmier psychiatrique il doit former des liens avec les patients en vue de les aider. D’après lui, il s’acquittait de ses responsabilités à cet égard à l’époque en question. De plus, ses 13 années d’expérience lui avaient également appris à tenir compte des tentatives de manipulation des patients. Il a déclaré avoir exercé son jugement professionnel pour mettre le patient en confiance. Il ne savait pas que la disquette contenait un virus et il s’était lui-même porté volontaire pour expliquer ses actions en vue d’aider l’employeur dans son enquête. Il a précisé qu’il arrivait souvent au personnel d’apporter du travail à la maison et d’utiliser des ordinateurs personnels.

Bien qu’il ne se soit pas souvenu de la date exacte à laquelle il lui était déjà arrivé d’apporter du travail à la maison avant l’incident, il a reconnu qu’il était prudent de passer les disquettes au détecteur de virus avant de s’en servir à la maison. C’est ce qu’il a fait dans le cas qui nous intéresse, d’où la découverte du virus et l’utilisation de l’antidote pour le détruire. Il a affirmé qu’il n’avait jamais auparavant violé les codes d’emploi (E-1 à E-3). Il a déclaré que le personnel de sécurité dans la bulle a utilisé l’ordinateur du poste de travail des soins infirmiers pour imprimer un document parce qu’il n’y a pas d’imprimante dans la bulle; on a utilisé une disquette pour transférer l’information de la bulle au poste des soins infirmiers.

La représentante de l’employeur a soutenu que l’action du fonctionnaire s'estimant lésé constituait une violation évidente des Règles de conduite professionnelle déposées en preuve. Elle a en outre fait valoir que cette action avait obligé l’employeur à faire réparer l’ordinateur et à mener une enquête onéreuse. L’action du fonctionnaire s’estimant lésé, a-t-elle précisé, aurait pu avoir des conséquences désastreuses sur tout le système. De plus, ce dernier avait contrevenu à la Directive du Commissaire (E-5). Elle a invoqué la jurisprudence suivante : (Kikilidis, dossier de la Commission : 166-2-3180 à 3182; Cudmore, dossier de la Commission : 166-2-22426; Hunt, dossier de la Commission : 166-2-19540; Grenier et Boisvert, dossiers de la Commission : 166-2-16443 et 16444) et demandé qu’il ne soit pas fait droit au grief.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu que ce dernier n’avait pas violé de code ou de directive et qu’il n’avait jamais dévié de ses obligations professionnelles. Il a cité des extraits de l’ouvrage Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty, 3 e édition, et diverses décisions arbitrales (Adrain, dossier de la Commission : 166-2-4749, McKee, dossier de la Commission : 166-2-21002). Il m’a demandé de faire droit au grief.

MOTIFS J’accepte qu’il ne soit pas déraisonnable, sur la foi de la preuve, de conclure que l’insertion de la disquette par le fonctionnaire s'estimant lésé a pu être à l’origine de l’introduction du virus du singe dans l’ordinateur du poste de travail des soins infirmiers. Toutefois, qu’advient-il alors de la preuve de l’employeur selon laquelle au moins une autre disquette, n’appartenant pas au fonctionnaire s'estimant lésé, contenait ce virus? Cette disquette, appartenant à un autre employé non identifié, pourrait-elle être à l’origine du virus? Qu’en est-il de l’ordinateur installé dans la bulle? À part le fait que l’on a mentionné qu’il est « tombé en panne », on n’a présenté aucune preuve quant à la cause de cette panne ni établi de lien entre la panne et le fonctionnaire s'estimant lésé. L’ordinateur en question était-il contaminé lui aussi? Les « pannes » sont-elles une coïncidence ou sont-elles reliées? Le virus a-t-il pu avoir été transmis à l’ordinateur du poste des soins infirmiers par la disquette provenant de la « bulle » que l’on a utilisée au poste des soins infirmiers pour imprimer un document? Les réponses ne sont pas évidentes. Selon la prépondérance des probabilités, l’employeur n’a pas établi que le fonctionnaire s'estimant lésé était responsable de la « panne » de l’ordinateur du poste de travail des soins infirmiers. Je suis toutefois convaincu d’une chose. Le fonctionnaire s'estimant lésé a violé la Directive du Commissaire en ne demandant pas la permission d’introduire dans l’ordinateur une disquette n’appartenant pas à l’employeur.

Le fonctionnaire s'estimant lésé compte de longs états de service et a un dossier vierge. Il a collaboré avec l’employeur durant l’enquête et, bien que l’on puisse remettre en question son jugement en l’occurrence, j’accepte l’explication qu’il a donnée de son rôle auprès des patients. Je n’ai aucune preuve qu’il a délibérément

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 voulu causer des ravages. En fait, l’origine du virus est suffisamment douteuse au point je ne puis l’en tenir responsable.

Je fais droit au grief en partie, car la peine est excessive. Celle-ci est donc révoquée et j’y substitue une peine de 100 $.

Ian Deans, président.

OTTAWA, le 10 avril 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.