Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Congé - Liquidation des crédits de congé annuel acquis mais non utilisés - à la suggestion de l'employeur, les fonctionnaires s'estimant lésés ont demandé la liquidation de leurs crédits de congé annuel acquis mais non utilisés - ils ont touché la compensation en question avant le 31 mars 1994, et celle-ci était calculée en fonction de leur taux de paie respectif au 31 mars 1993 - la disposition pertinente de la convention collective précise que de tels crédits «doivent être payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé, calculé selon la classification stipulée dans son certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars» - les fonctionnaires ont fait valoir que, même si la convention collective exige que l'employeur se reporte au 31 mars précédent pour établir leur niveau de classification, le taux de rémunération applicable devrait être celui auquel chaque fonctionnaire avait droit à la date de la demande de liquidation - l'arbitre a conclu que l'utilisation de deux dates distinctes pour le calcul de la rémunération ne pourrait que mener à une situation absurde - il a décidé que, aux fins de la liquidation, la compensation devrait être calculée au taux de rémunération du poste d'attache de l'employé au 31 mars précédant la demande de paiement. Griefs rejetés. Décisions citées: Canada (Attorney General) v. Dupuis (1992), 137 N.R. 349; Windley (166-2-22140).

Contenu de la décision

Dossiers: 166-2-26849 à 26855

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE P.S.E. FARRELL, W.D. FRASER, K. HENDY, T. MCLELLAN, I. MACK, R. PIGEAU, P. SHEK

fonctionnaires s'estimant lésés et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur

Devant: Yvon Tarte, président suppléant Pour les fonctionnaires s'estimant lésés: Dan Rafferty, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Gina M. Scarcella, avocate

Affaire entendue à Toronto (Ontario), le 29 février 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Les griefs Les six griefs en l’occurrence concernent tous l’interprétation de la clause 15.08 b) de la Convention cadre conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (pièce P-1), qui traite des crédits de congé annuel acquis mais non utilisés.

Exposé conjoint des faits Dès le début de l’audience, les parties ont présenté l’exposé conjoint des faits reproduit ci-dessous (pièce P-2) :

[traduction] 1. Les fonctionnaires s’estimant lésés, durant toute la période en cause, travaillaient en qualité de scientifiques de la Défense (DS) à l’Institut militaire et civil de médecine environnementale (IMCME), à la Base des Forces canadiennes, Downsview (Ontario).

2. En février et en mars 1994, la direction a invité les employés de l’IMCME à liquider leurs crédits de congé annuel inutilisés s’ils le désiraient. Tous les fonctionnaires s’estimant lésés ont demandé, avant le 31 mars 1994, le remboursement en espèces de leurs crédits de congé annuel; ils ont été payés le 25 mars 1994. La liquidation de leurs crédits de congé annuel est régie par la clause 15.08 b) de la Convention cadre de l’IPFPC ci-jointe.

3. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont remarqué, à la réception du chèque de remboursement de leurs crédits de congé annuel, que le calcul avait été effectué selon le traitement prévu pour leur poste d’attache respectif à la fin de l’exercice précédent, soit le 31 mars 1993.

4. La date d’augmentation de traitement des membres du groupe Sciences de la Défense, niveaux DS-2 à DS-7 inclusivement, est le 1 er avril. (Convention cadre de l’IPFPC, Notes sur la rémunération (5) b), page A-137, ci-jointe.)

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Decision Page 2 5. Les noms des fonctionnaires s’estimant lésés et leur numéro de dossier à la CRTFP, leur groupe et niveau en date de la liquidation des crédits de congé annuel, les données salariales individuelles ainsi que le nombre de jours liquidés se présentent comme suit :

Nom Dossier de la Groupe et CRTFP niveau (166-2-) Farrel, Philip 26849 DS-3 Fraser, 26850 DS-4 William Hendy, Keith 26851 DS-4 McLellan, 26852 DS-4 Tom Mack, Ian 26853 DS-3 Pigeau, Ross 26854 DS-4 Shek, Pang 26855 DS-6 6. Les parties se réservent le droit de présenter d’autres éléments de preuve orale et documentaire.

Les parties ont aussi convenu que la promotion de M. Shek, du niveau DS-5 au niveau DS-6, est survenue avant qu’il présente sa demande de remboursement en espèces de ses crédits de congé annuel non utilisés.

Au cours de l’audience, les parties ont également convenu que l’interprétation de l’employeur avait déterminé les modalités d’application de la clause en question dans le passé.

Bien que la clause 15.08 b) renferme le libellé à l’origine du litige relatif à l’interprétation, les parties ont invoqué les dispositions suivantes de la Convention cadre :

9.04 Sur demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur, l'indemnité acquise en vertu du présent article peut être transformée en congé compensatoire au taux

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Salaire Salaire Nombre de 31 mars 31 mars jours liquidés 1993 1994 45 290 $ 47 031 $ 10 63 900 65 437 20 70 058 71 598 10 59 282 62 360 15,67 48 774 50 516 6,06 57 774 59 282 24,5 75 955(DS- 5) 78 239 (DS-6) 20

Decision Page 3 majoré applicable prévu au présent article. Les congés compensatoires acquis au cours d'un exercice financier et qui n'ont pas été pris au 30 septembre de l'exercice financier suivant seront rémunérés au taux de rémunération quotidien de l'employé au 30 septembre.

10.03 Sur demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur, l'indemnité acquise en vertu du présent article peut être transformée en congé compensatoire au taux majoré applicable prévu au présent article. Les congés compensatoires acquis au cours d'un exercice financier et qui n'ont pas été pris au 30 septembre de l'exercice financier suivant seront rémunérés au taux de rémunération quotidien de l'employé au 30 septembre.

13.04 Sur demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur, l'indemnité acquise en vertu du présent article peut être transformée en congé compensatoire au taux majoré applicable prévu au présent article. Les congés compensatoires acquis au cours d'un exercice financier et qui n'ont pas été pris au 30 septembre de l'exercice financier suivant seront rémunérés au taux de rémunération quotidien de l'employé au 30 septembre.

15.01 La période de référence pour congé annuel s'étend du 1 er avril au 31 mars inclusivement. 15.08 Report des congés annuels Cette clause ne s'applique pas aux groupes CO et MT. a) Lorsque, dans une année de référence pour congé, tous les congés n'ont pas été attribués, la portion non utilisée de ces congés annuels est reportée à l'année suivante.

b) Liquidation des congés annuels Pendant une année de référence pour congé, les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés doivent, sur demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur, être payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé, calculé selon la classification stipulée dans son certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars.

15.09 Report des congés Cette clause s'applique seulement au groupe MT.

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Decision Page 4 a) Lorsqu'au cours d'une année de congé annuel l'employeur n'a pas fixé à l'employé un congé annuel jusqu'à l'épuisement de tous les crédits de congé annuels portés au crédit de l'employé, l'employé peut reporter ces crédits à l'année de congé annuel suivante jusqu'à concurrence de trente-cinq (35) jours de crédit. Tous les crédits de congé annuel en sus de trente-cinq (35) jours seront payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à son poste d'attache le dernier jour de l'année de congé annuel.

b) A la demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur, les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés excédant quinze (15) jours peuvent être payés en espèces, pendant une année de congé annuel quelconque, au taux de rémunération journalier de l'employé, calculé selon la classification établie dans son certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars de l'année de congé annuel précédente.

15.10 Report des congés annuels Cette clause s'applique seulement au groupe CO. a) Lorsqu'au cours d'une année de congé annuel, tous les crédits de congé annuel auxquels a droit l'employé n'ont pas été épuisés, l'employé peut reporter ces crédits à l'année de congé annuel suivante jusqu'à concurrence de trente-cinq (35) jours de crédit. Tous les crédits de congé annuel en sus de trente-cinq (35) jours seront payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé calculé selon la classification indiquée dans le certificat de nomination à son poste d'attache le dernier jour de l'année de congé annuel.

b) Pendant une année de congé annuel, les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés qui dépassent quinze (15) jours peuvent, sur demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur, être payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé calculé selon la classification indiquée dans le certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars de l'année de congé annuel précédente.

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Decision Page 5 ARGUMENTATION Pour les fonctionnaires s’estimant lésés M. Rafferty a lu le texte suivant : [traduction] Les griefs dont vous êtes saisi aujourd’hui concernent l’interprétation et l’application de la clause 15.08 b) de la Convention cadre de l’IPFPC. Nous vous demandons spécifiquement de déterminer si le taux de rémunération auquel les crédits de congé annuel des fonctionnaires s’estimant lésés ont été liquidés en mars 1994 aurait être fondé sur le taux de rémunération de leur poste d’attache respectif en date du 31 mars dernier (1993) ou en date de leur demande de liquidation.

Les fonctionnaires s'estimant lésés prétendent que le calcul aurait être fait selon le taux en vigueur en date de leur demande de liquidation, ce qui serait une interprétation juste de la clause 15.08 b). À titre de renseignement, l’argumentation que je m’apprête à présenter n’avantagera pas un des fonctionnaires s'estimant lésés, soit M. Pang Shek. Ce dernier a quand même indiqué qu’il maintenait son grief. Son cas sera abordé séparément plus tard.

Je passe maintenant à la clause 15.08 qui s’applique à l’égard des scientifiques de la Défense et de la plupart des groupes professionnels assujettis à la Convention cadre sauf les groupes MT et CO.

La clause 15.08 a) a pour effet de reporter tous les crédits de congé annuel non utilisés dans l’année de référence pour congé; cette année de référence, selon la clause 15.01, est la période qui s'étend du 1 er avril au 31 mars inclusivement.

La clause 15.08 b) prévoit la liquidation, moyennant certaines conditions, des crédits de congé annuel acquis mais non utilisés. Ces conditions sont que l’employé doit en faire la demande après quoi l’employeur doit exercer son pouvoir discrétionnaire de l’approuver ou non. En l’occurrence, les deux conditions ont été respectées.

Il y a lieu de noter que la clause 15.08 b) ne limite pas la liquidation des crédits de congé annuels aux crédits acquis pendant une année de référence précédente. Par exemple, un

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Decision Page 6 employé qui n’a pas pris de congé annuel durant une année donnée pourrait demander l’autorisation de liquider tous les crédits de congé annuel acquis en date de l’année de référence pour congé.

Comme je l’ai déjà mentionné, le litige entre les parties porte principalement sur l’interprétation et l’application de la clause 15.08 b) concernant le taux de rémunération auquel les crédits de congé annuel doivent être liquidés. La position de l’employeur est que ce taux est celui qui était en vigueur à l’égard du poste d’attache des fonctionnaires s'estimant lésés en date du 31 mars de l’année de référence précédente.

Selon nous, une lecture attentive de la clause ne justifie pas une telle interprétation. En vertu du libellé limpide de la disposition en question : « les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés doivent...être payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé, calculé selon la classification stipulée dans son certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars ». (C’est moi qui souligne.) Même si le 31 mars en question fait effectivement référence au 31 mars de l’année précédente, il est quand même clair à la lecture de cette disposition que c’est la classification de l’employé en date du 31 mars qui constitue le point de référence pour calculer le taux de rémunération aux fins de la liquidation. Il n’y est pas dit, comme cela aurait pu être le cas, que les « crédits de congé annuel doivent être payés au taux de rémunération de l’employé en date du 31 mars ». Comparons le libellé de la clause 15.08 b) avec, par exemple, celui de la clause 9.04 il est question de la liquidation des congés compensatoires acquis à l’issue d’heures supplémentaires.

« Les congés compensatoires acquis au cours d'un exercice financier et qui n'ont pas été pris au 30 septembre de l'exercice financier suivant seront rémunérés au taux de rémunération quotidien de l'employé au 30 septembre. »

On retrouve le même libellé à la clause 10.03 (le paiement à la discrétion de l’employeur des congés compensatoires accumulés à la suite de rappels au travail) et à la clause 13.04 (le paiement à la discrétion de l’employeur des congés compensatoires accumulés relativement à du temps de déplacement).

Dans ces trois clauses, les parties ont clairement lié le taux de rémunération à une date spécifique, tout comme elles auraient pu le faire à l’article 15.08 b), si elles l’avaient voulu.

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Decision Page 7 Voici une autre disposition de l’article 15, soit la clause 15.15 :

« Lorsque l'employé décède ou cesse d'occuper son emploi pour une autre raison, lui-même ou sa succession touche un montant égal au produit de la multiplication du nombre de jours de congé annuel et de congé d'ancienneté acquis mais non utilisés portés à son crédit par le taux de rémunération quotidien calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à la date de sa cessation d'emploi. »

Cette clause ressemble énormément à la clause 15.08 b) puisque le taux de rémunération quotidien doit être calculé selon la classification de l’employé à une date spécifique, la date, en l’occurrence, étant la date de cessation d’emploi. La différence principale qui existe entre la date du « 31 mars » que l’on retrouve à la clause 15.08 b) et la « date de sa cessation d’emploi » que l’on retrouve à la clause 15.15, est l’utilisation du terme « d’attache » après le terme « poste » dans le premier cas.

En vue de nous situer dans le présent contexte, je me reporte à la décision rendue en 1993 par le président suppléant Chodos dans l’affaire Windley, [dossier de la Commission : 166-2-22140].

En l’espèce, M. Windley a contesté la manière dont l’employeur avait calculé l’indemnité de départ qu’il lui a versée à sa retraite. Le poste d’attache occupé par M. Windley au moment de son départ à la retraite était un poste de niveau AU-2; lorsqu’il a pris sa retraite, cependant, soit en date de sa cessation d’emploi, il occupait à titre intérimaire un poste de niveau AU-3 depuis environ 1 1/2 an. Or, son indemnité de départ a été calculée au taux applicable à son poste de niveau AU-2.

La clause pertinente dans la convention collective des AU concernant le calcul de l’indemnité de départ au moment de la retraite se lit comme suit :

« 24.03 Le taux de rémunération hebdomadaire dont il est question dans les clauses ci-dessus est le taux de rémunération hebdomadaire auquel l’employé a droit à la date de cessation de son emploi, conformément à la classification qu’indique son certificat de nomination. »

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Decision Page 8 L’argumentation présentée dans l’affaire Windley a essentiellement porté sur la question de savoir si la classification de M. Windley indiquée dans le certificat de nomination était celle du poste d’attache AU-2 ou celle du poste intérimaire AU-3. Le fonctionnaire s’estimant lésé a obtenu gain de cause grâce principalement à un argument procédural relatif à ce qui constituait un « certificat de nomination », et grâce au fait que « l’expression "certificat de nomination" n’est pas qualifiée par l’expression "d’attache" ou par quelque autre expression semblable » (page 9, dernier paragraphe). Le représentant de l’employeur a soutenu dans l’espèce que la clause 24.03 « repose implicitement sur la notion de poste d’attache ». L’arbitre a rejeté cet argument.

L’affaire Windley est importante par rapport aux présents griefs pour deux raisons. D’abord, elle renforce notre point de vue voulant que, dans une clause analogue à la clause 15.08 b), les termes « à la date de cessation de son emploi » se rapportent aux termes « la classification stipulée dans son certificat de nomination » et non pas aux termes « taux de rémunération hebdomadaire ». Cela devient évident si l’on remplace les termes « à la date de cessation de son emploi », que l’on retrouve à la clause 24.03 de la convention collective du groupe AU dans l’affaire Windley, par les termes « le 31 mars ». Est-ce possible que la question principale dans l’affaire Windley aurait toujours été « quelle était la classification de M. Windley indiquée dans le certificat de nomination » en date du 31 mars?

Cela nous amène ensuite à la deuxième raison pour laquelle la décision Windley est importante en l’occurrence. Une différence évidente entre le libellé de la clause 24.03 de la convention collective du groupe AU dans l’affaire Windley et celui de la clause 15.08 b) en l’occurrence est l’utilisation des termes « à son poste d’attache » dans ce dernier cas. Eut- on utilisé ces termes à la clause 24.03 pour qualifier les termes « certificat de nomination », M. Windley n'aurait sûrement pas eu droit à son indemnité de départ au taux de rémunération du poste qu’il occupait à titre intérimaire.

En d’autres termes, l’utilisation, à la clause 15.08 b), des termes « à son poste d’attache » revêt une importance considérable pour l’interprétation de la clause et la facilite. Selon nous, ces termes visent avant tout à limiter la responsabilité de l’employeur au moment de la liquidation des crédits de congé annuel accumulés. Les termes « poste d’attache » garantissent que la liquidation des crédits ne sera pas calculée au taux de rémunération du poste occupé à titre intérimaire le 31 mars, mais bien au taux prévu pour le poste d’attache en date du 31 mars.

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Decision Page 9 Sauf erreur, l’interprétation préconisée par l’employeur relativement à la clause 15.08 b) aurait naturellement pour effet de limiter sa responsabilité encore davantage. Ce dernier voudrait non seulement que la liquidation des crédits de congé annuel de l’employé se fasse selon la classification du poste d’attache de l’employé, mais également en date de la fin de l’année de référence précédente, soit avant que lui soit accordé l’augmentation d’échelon qui devrait normalement survenir le 1 er avril. Malheureusement pour la position de l’employeur, la manière dont la clause est rédigée n’étaye pas cette interprétation. Les termes « taux de rémunération journalier de l’employé » ne sont pas suivis de termes à cet effet (par exemple, « le taux en vigueur pour le poste d’attache le 31 mars »), mais bien « calculé selon » la classification de son poste d’attache le 31 mars. Bref, on a spécifié le 31 mars non pas pour fixer le taux de rémunération, mais plutôt la classification du poste d’attache ce jour-là.

Un des principes fondamentaux de l’interprétation des contrats est que les parties sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit sous réserve d’une absurdité. Nous soutenons que notre interprétation de la clause 15.08 b) respecte ce principe et a pour effet de donner un sens à tous les termes de cette disposition, tant des points de vue de la grammaire que de la logique.

Je passe maintenant brièvement à la clause 15.08 b) (page 41) de la version française de la convention collective :

« Pendant une année de référence pour congé, les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés doivent, sur demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur, être payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé, calculé selon la classification stipulée dans son certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars. »

J’attire votre attention sur la virgule à la suite des termes « au taux de rémunération journalier de l’employé ». Nous soutenons que cette virgule a pour effet d’étayer encore davantage notre point de vue que c’est la classification du poste en date du 31 mars qui régit les modalités de liquidation des crédits de congé et non pas le taux de rémunération journalier de l’employé ce jour-là.

En bout de ligne, nous croyons que l’interprétation de la clause 15.08 b) que nous proposons respecte les règles de

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Decision Page 10 grammaire et la logique outre que d’avoir pour effet de donner un sens à tous les termes employés par les parties. Cette interprétation n’allège pas les préoccupations d’employés tels que M. Shek, lequel a été promu en date du 1 er avril 1994 et dont la liquidation des congés annuels doit, par conséquent, être calculée selon sa classification antérieure en date du 31 mars 1994. Toutefois, si vous souscrivez à l’interprétation que nous proposons aujourd’hui, les employés qui se trouvent dans la même situation que M. Shek sauront au moins à quoi s’en tenir s’ils demandent de liquider les crédits acquis au cours de l’année de référence qui suit immédiatement une promotion.

Avant de terminer, j’aimerais faire remarquer que l’interprétation de la clause 15.08 b) proposée par l’employeur débouche, selon moi, sur au moins une injustice, voire, au pire, une absurdité. Étant donné que cette disposition prévoit la liquidation des crédits de congé annuel acquis mais non utilisés, si un employé demande de liquider des crédits de congé annuel acquis au cours de l’année de référence pour congé, à un taux de rémunération plus élevé au sein du même niveau de classification, le calcul s’effectuera selon le taux inférieur de la fin de l’exercice précédent. Cela constituerait, de fait, une réduction du taux de rémunération de l’employé. Assurément, ce n’est pas ce que les parties avaient l’intention de faire. L’interprétation que nous avons proposée évite un tel résultat sauf naturellement dans le cas des employés promus après le 31 mars.

Enfin, en ce qui concerne le libellé en tant que tel des griefs, vous constaterez que le redressement demandé est [traduction] « un ajustement du paiement en espèces à un taux équivalent à notre salaire en date du 31 mars 1994, soit à la fin de l’exercice de 1993-1994 ». L’interprétation proposée aujourd’hui au nom des fonctionnaires s’estimant lésés n’est pas en désaccord avec cette requête en ce sens que le salaire des fonctionnaires s'estimant lésés à titre de scientifiques de la Défense ne change pas au cours d’une année de référence pour congé de telle sorte que leur salaire à la fin de l’exercice est le même que celui qu’ils touchaient en date de la demande de liquidation.

Or, le libellé de la demande de redressement fait également référence à un argument subsidiaire présenté au nom des fonctionnaires s'estimant lésés, soit que la date du 31 mars mentionnée à la clause 15.08 b) signifie le 31 mars de l’année de référence précédente. À l’appui de cet argument, les fonctionnaires s'estimant lésés citent le libellé de dispositions analogues, soit la clause 15.09 b) qui

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Decision Page 11 s’applique seulement au groupe MT et la clause 15.10 b) qui, elle, s’applique seulement au groupe CO.

Dans chacune des ces dispositions, les termes « 31 mars » sont suivis des termes « de l'année de congé annuel précédente ». Les fonctionnaires s'estimant lésés soutiennent qu’en l’absence d’une allusion, à la clause 15.08 b), à l’année de congé annuel précédente, il faut supposer que les parties ont voulu cette omission et que, par conséquent, le 31 mars doit s’appliquer à l’égard de l’année de référence en cours. Cette interprétation aurait pour effet d’éliminer l’anomalie concernant le cas de M. Shek, lequel est effectivement financièrement pénalisé à cause de sa promotion. Il faut reconnaître que cette approche n’est pas sans poser certaines difficultés d’ordre pratique. Néanmoins, je laisse au représentant de l’employeur le soin de vous les signaler, car il n’en demeure pas moins que cette interprétation, croyons-nous, est fidèle au libellé de la disposition en question. Nous la soumettons à votre examen.

Pour l’employeur L’avocate de l’employeur a présenté l’argumentation suivante. Les règles d’interprétation que l’on devrait appliquer en l’occurrence se trouvent dans l’ouvrage de MM. Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, (3 e édition). Les extraits suivants sont particulièrement pertinents :

[traduction] 4.2100 L’objet de l’interprétation : l’intention des parties

On a souvent dit que, au moment d’interpréter les termes d’une convention collective, l’essentiel consiste à découvrir l’intention des parties à la convention. Comme l’a déclaré un arbitre, cité dans Halsbury’s Laws of England, dans une décision antérieure :

« L’objet de toute interprétation d’un document écrit consiste à découvrir l’intention de l’auteur, dont la déclaration écrite est toujours considérée comme l’expression de sa pensée. Par conséquent, l’interprétation doit être aussi proche que possible de l’esprit et de l’intention apparente des parties, en autant que le permet la loi.

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Decision Page 12 Et plus loin, il ajoute : « Mais l’intention doit toujours émaner du document écrit. Le Rôle de la Cour consiste à établir ce que les parties ont voulu dire par les mots qu’elles ont utilisés; à déclarer le sens de ce qui est écrit dans le document et non ce que les parties avaient l’intention d’écrire; à donner effet à l’intention telle qu’elle est exprimée, l’intention exprimée étant, aux fins de l’interprétation équivalente à l’intention. »

Par conséquent, au moment de déterminer l’intention des parties, la présomption cardinale est que les parties sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit et que le sens de la convention collective doit être recherchée dans ses dispositions formelles. Par exemple, dans la convention collective les parties ont décrit en détail des éléments spécifiques relatifs aux droits de la gestion, sans imposer de limite quant à leur application, on a jugé que l’arbitre commettait une erreur en sous-entendant que ces droits devaient être exercés équitablement et sans discrimination. Cependant, face à un choix à faire entre deux interprétations possibles, linguistiquement parlant, les arbitres ont tenu compte du caractère raisonnable de chaque interprétation possible, de la faisabilité administrative et des anomalies qu’entraînerait une interprétation particulière.

(...) En cherchant à déterminer l’intention des parties concernant une disposition particulière de la convention collective, les arbitres ont généralement supposé que le libellé sur lequel ils étaient appelés à se prononcer devait être interprété dans son sens normal et ordinaire à moins qu’il ne débouche sur une absurdité ou une contradiction par rapport au reste de la convention collective, ou à moins que le contexte révèle que les termes employés ont été utilisés dans un autre sens. De plus, en présence de versions française et anglaise, l’interprétation valable est celle qui est cohérente dans les deux versions. On a toutefois indiqué que faute d’ambiguïté ou d’un sens clair, il faut appliquer le libellé de la convention même si cela risque de donner un résultat injuste ou oppressif, ou même si les parties ont délibérément été vagues en vue de pouvoir continuer de modifier le libellé par voie consensuelle.

Le contexte dans lequel les termes ont été utilisés constitue une autre source importante quant au sens qu’il

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Decision Page 13 faut leur donner. Par conséquent, le libellé soumis à l’examen doit être lu dans le contexte de la phrase, de l’article et de la convention collective dans l’ensemble.

Le point litigieux en l’occurrence ne porte pas sur le taux de rémunération auquel les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés seront payés, mais plutôt sur quel 31 mars il est question à la clause 15.08 b), car en bout de ligne cette date critique sera utilisée pour définir à la fois le niveau de classification et le taux de rémunération réel auxquels on fera référence pour effectuer les calculs nécessaires.

Grammaticalement parlant, l’interprétation proposée par les fonctionnaires s'estimant lésés est sans fondement. La date du 31 mars mentionnée à la clause 15.08 b) doit faire référence au 31 mars qui précède la demande de paiement en espèces. Cette interprétation est la seule qui permette de trouver une solution raisonnable au conflit opposant les parties. C’est la seule interprétation qui soit « administrativement faisable » et qui ne donne pas lieu à des « anomalies » comme l’ont indiqué MM. Brown et Beatty (ouvrage précité).

L’interprétation des fonctionnaires s'estimant lésés entraînerait une anomalie importante pour M. Shek dont le poste d’attache a changé entre le 31 mars de l’année précédente et la date de la demande. Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés était conscient du problème. Pour que la position défendue par les fonctionnaires s'estimant lésés soit valable, il aurait fallu que la clause 15.08 b) stipule que, dans un cas de paiement en espèces, l’employé sera payé en argent selon la classification de son poste d’attache en date du 31 mars, mais au taux de rémunération qu’il touchait au moment il a présenté sa demande de paiement en espèces. La clause 15.08 b) est muette quant à la date de la demande de paiement en espèces présentée en vertu de cette disposition.

Le 31 mars qui suit la demande présentée par un employé ne peut être utilisé pour effectuer le calcul puisque cette date ne peut servir de point de référence pour déterminer la rémunération au moment de la présentation de la demande. Cette interprétation créerait des anomalies et de graves problèmes administratifs si l’employé était rétrogradé ou promu entre la date de sa demande de paiement en espèces et le 31 mars suivant.

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Decision Page 14 Le plus longtemps un employé tarde à demander le paiement en espèces, le plus élevé sera son taux de rémunération. L’employeur est d’accord là-dessus. Il faut toutefois préciser la date à laquelle le taux de rémunération est établi. La seule date possible qui permettra d’appliquer cette clause correctement est le 31 mars qui précède la demande de paiement en espèces.

Les autres dispositions auxquelles M. Rafferty s’est référé dans son argumentation ne sont pas pertinentes étant donné qu’elles ne concernent pas un cas il faut choisir entre une date dans deux années différentes. De même, l’affaire Windley n’est d’aucune utilité puisqu’on y traite d’une question qui n’a absolument rien à voir avec le cas ici.

Réplique des fonctionnaires s'estimant lésés L’employeur a résolument évité de mentionné le terme « classification » que l’on peut lire dans la clause 15.08 b). Ce terme a sûrement un sens! Les termes « pendant une année de référence pour congé » fixent le délai d’application de la clause.

L’employeur a mentionné l’anomalie créée par le cas de M. Shek. Le fait demeure que si l’on retient l’interprétation de l’employeur, tous les employés se retrouveront dans la même situation difficile que M. Shek.

La Convention cadre prévoit le report automatique des crédits de congé annuel non utilisés. Or, le congé annuel est toujours accordé au taux de rémunération courant de l’employé même s’il a été acquis au cours d’années précédentes.

MOTIFS DE LA DÉCISION L’affaire soulève un problème d’interprétation de la convention collective assez simple, que les parties auraient pu facilement éviter en utilisant un libellé clair, concis et complet.

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Decision Page 15 La clause 15.08 b) prévoit la liquidation des crédits de congé annuel acquis mais non utilisés au cours d’une année de référence pour congé. L’année de référence pour congé s’étend du 1 er avril au 31 mars inclusivement. Les modalités de liquidation de tout congé annuel sont laissées à la discrétion de l’employeur.

Il est intéressant de noter que l’arrêt rendu dans Le procureur général du Canada c. Dupuis (1992) 137 N.R. 349, cité dans la décision Windley (précitée), concernait une disposition analogue sauf que les termes « l’année précédente » suivent la mention de la date du 31 mars alors que ce n’est pas le cas dans la clause à l’étude en l’occurrence.

Les termes « payés en argent » font référence au salaire à l’employé à l’égard duquel l’employeur a convenu de liquider les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés. La liquidation des crédits de congé annuel est un privilège et non pas un droit puisqu’elle est subordonnée à l’assentiment de l’employeur.

En outre, la clause 15.08 b) stipule que le taux de rémunération auquel les crédits de congé annuel seront liquidés doit être « calculé selon la classification stipulée dans son [l’employé] certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars ».

Examinées isolément, les interprétations proposées par les fonctionnaires s'estimant lésés peuvent, pour la majorité des situations, constituer une solution possible pour calculer la rémunération dans des cas de paiement en espèces. Il n’en demeure pas moins, toutefois, que demander que l’on utilise deux dates différentes pour calculer la rémunération en l’occurrence ne peut que déboucher sur des absurdités et des problèmes administratifs graves.

Le cas de M. Shek offre un bon exemple des raisons pour lesquelles l’interprétation de la clause 15.08 b) proposée par l’employeur est préférable. Cette interprétation permet une application uniforme et juste de la clause de liquidation telle qu’elle est libellée.

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Decision Page 16 Je trouve appui pour cette interprétation de la clause en question dans le fait que les employés peuvent contrôler le taux de rémunération en décidant eux-mêmes de la date à laquelle ils demanderont le paiement en espèces. Je dois donc conclure qu’aux fins de la liquidation des crédits de congé annuel acquis mais non utilisés, conformément à la clause 15.08 b) de la Convention cadre, le taux de rémunération sera celui du poste d’attache de l’employé le 31 mars précédant la demande de paiement en espèces.

Pour tous ces motifs, les présents griefs sont rejetés. Yvon Tarte, président suppléant

OTTAWA, le 29 mars 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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