Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (3 jours) - Altercation verbale et physique avec un collègue - le fonctionnaire s'estimant lésé et un collègue ont eu une altercation verbale et physique au travail - le fonctionnaire s'estimant lésé s'est initialement fait imposer une suspension de 15 jours qui a subséquemment été ramenée à trois jours, et son collègue a reçu une réprimande écrite - l'arbitre a conclu d'après la preuve présentée que la responsabilité de l'élément le plus sérieux de la dispute, à savoir l'altercation physique, revenait dans une large mesure au collègue - l'arbitre avait des réserves pour ce qui était d'accepter la version des faits du collègue - l'arbitre a conclu selon la prépondérance des probabilités que le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas plus responsable de la mauvaise conduite en question que le collègue - dans les circonstances, il était inapproprié pour l'employeur d'imposer une sanction disciplinaire plus grave au fonctionnaire s'estimant lésé qu'au collègue - l'arbitre a ordonné à l'employeur de révoquer la suspension imposée au fonctionnaire s'estimant lésé et d'y substituer une réprimande écrite. Grief admis en partie.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27262 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE KANWALBIR (KEN) DOSANJH fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant: P. Chodos, président suppléant Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Chris Dann, de l'Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Ross Hornby, avocat Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),, les 1er et 2 mai 1997.

Decision Page 1 DÉCISION M. Dosanjh occupe un poste d’agent de correction (CX-2) au Centre régional de santé, à Abbotsford (Colombie-Britannique). Son grief concerne une suspension disciplinaire de 15 jours, qui a subséquemment été ramenée par l’employeur à sept jours; au début de l’audience, l’avocat de l’employeur a fait savoir qu’après reconsidération l’employeur avait décidé de réduire la suspension davantage, laquelle est maintenant de trois jours. Les motifs de la sanction sont exposés dans une lettre en date du 14 mars 1996 qu’a fait parvenir au fonctionnaire s’estimant lésé M.Gweyn Mills, directeur exécutif du Centre : [Traduction] La présente modifie la lettre de suspension précédente datée du 23 août 1995. J’ai examiné le rapport sur votre rendement personnel du 9 avril 1995 concernant un collègue de travail. Le rapport indique que vous avez commis une faute de conduite à cette occasion lorsque vous avez eu avec un collègue de travail des rapports déplacés et belliqueux, c’est-à-dire que vous avez eu avec lui une dispute qui a dégénéré en altercation physique. Vous avez, en paroles et en actes, manifesté un comportement abusif envers un autre membre du Service en provoquant une dispute avec un agent collègue en la présence d’autres employés et dans un secteur des patients auraient pu vous voir.

Ce comportement va à l’encontre de l’énoncé de mission, valeur 3, objectif stratégique 3.2, qui dit que nous devons créer un milieu qui se caractérise par des relations entre les employés qui sont fondées sur l’ouverture, la confiance et le respect mutuel. Votre comportement va aussi à l’encontre de votre rôle à titre d’agent de correction. Il contrevient également à nos normes de conduite professionnelle, plus précisément à la norme 3 portant sur les rapports avec les autres membres du personnel. En ce qui concerne notre code de discipline, votre faute de conduite contrevient à deux articles de celui-ci. Le premier dit que c’est une infraction pour un employé de manifester un comportement abusif, en paroles ou en actes, à l’endroit d’autres employés dans l’exercice de ses fonctions ou dans des circonstances reliées à ses fonctions. Le second précise que c’est commettre une infraction que de se battre avec d’autres employés du Service pendant l’exercice de ses fonctions.

L’incident qui a donné lieu à cette affaire est survenu le 9 avril 1995 au Centre régional de santé; le Centre est un établissement pénitentiaire qui fonctionne Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 2 également comme un hôpital, fournissant des traitements aux détenus atteints de maladie mentale et aux délinquants sexuels, ainsi que des services d’évaluation aux détenus de la région. Le jour en question, le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait comme agent de relève responsable du rez-de-chaussée de l’unité résidentielle; en cette qualité, il passe beaucoup de son temps dans les rangées de cellules, ainsi qu’à d’autres endroits dans l’établissement. L’unité résidentielle compte également un autre agent de correction affecté à une enceinte entourée de verre qu’on appelle le poste de contrôle et, plus communément, « la bulle ». À l’intérieur de la bulle on trouve, entre autres, un bureau qui fait face à l’unité résidentielle, un panneau qui contrôle les diverses portes, et un escalier ouvert menant au premier étage.

Pendant le quart de jour, qui va de 7 h à 15 h 30, M. Steve Mulville était posté dans la bulle. M. Lackey Powar, un autre agent de correction, était affecté au quart de jour dans un secteur portant le nom de Nova/Concorde, une unité de détention qui est dans une autre partie du Centre. M. Powar a expliqué qu’il surveillait la file d’attente à l’heure du repas à l’unité Nova/Concorde lorsqu’un des détenus l’a interpellé à propos d’une analyse d’urine; M. Powar a plus tard rencontré ce détenu dans une allée entre l’unité Nova/Concorde et l’unité résidentielle afin de lui parler de l’analyse. Il a ensuite accompagné le détenu jusqu’à l’unité résidentielle au rez-de-chaussée. M. Powar s’est ensuite dirigé vers la bulle du rez-de-chaussée, il a emprunté une cigarette à M. Mulville et jasé avec lui pendant une dizaine de minutes. Pendant qu’il était dans la bulle avec M. Mulville, M. Dosanjh est entré et, selon M. Powar, a dit : « Tu pourrais pas laisser ces travailleuses occasionnelles tranquilles, tu les suis partout. » M. Powar a qualifié le ton de M. Dosanjh de sarcastique; il a été offensé par le commentaire. M. Powar a témoigné avoir répondu qu’il n’avait pas de problèmes concernant les occasionnelles. Ils se sont ensuite mis à parler de syndicats. Selon M. Powar, M. Dosanjh c’est surtout lui qui alimentait la conversation insistait pour faire valoir tout ce que les syndicats avaient fait pour eux et pour dire que s’il avait un chèque de paye, c’était grâce à eux; M. Powar a répondu qu’il n’avait pas besoin du syndicat et qu’il travaillait pour son chèque de paye. La conversation s’est animée davantage à ce moment-là; M. Dosanjh est devenu très agité, et criait et tremblait. Selon M. Powar, M. Dosanjh a dit : « Sors de mon poste, s’ti ». M. Powar a répliqué : « C’est pas ton poste, c’est Steve Mulville qui contrôle ce poste, pas toi ». M. Powar a témoigné que M. Dosanjh était ensuite allé au téléphone et lui a dit que s’il ne sortait

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Decision Page 3 pas, il (M. Dosanjh) téléphonerait au gardien (c’est-à-dire le superviseur correctionnel responsable du quart de travail). M. Powar s’est levé et se dirigeait vers la sortie du poste de contrôle lorsque M. Dosanjh lui a dit : « Maintenant que t’es de la petite merde, tu peux bien rester. » M. Powar s’est dirigé vers la sortie, près de laquelle M. Dosanjh était assis. Il s’est approché de ce dernier et lui a dit : « J’m’en vais, mais t’es pas assez homme pour me faire partir. » M. Powar a précisé qu’à ce moment-là il se trouvait à environ un pied de M. Dosanjh; il voulait éviter un affrontement, a-t-il ajouté. Toutefois, M. Dosanjh a alors avancé les lèvres et lui a délibérément craché au visage. Selon M. Powar, personne ne l’a vu faire parce qu’à ce moment-là il se trouvait entre M. Mulville, qui était assis à son bureau, et M. Dosanjh. M. Powar a témoigné s’être ensuite levé les mains et avoir dit : « Ne me crache pas dessus »; au même moment, M. Dosanjh a levé les poings et M. Powar l’a saisi par les poignets. M. Mulville est ensuite intervenu et leur a dit de partir. M. Powar est ensuite parti et il pense que M. Dosanjh est parti à ce moment-là. M. Powar a insisté pour dire qu’il avait seulement saisi M. Dosanjh aux poignets, et qu’il ne l’avait pas frappé, bien que M. Dosanjh ait pu se frapper lui-même au visage en se dégageant les poignets.

M. Powar est ensuite retourné à son poste et a téléphoné à M. Ben Arseneault, le vice-président de la section locale du syndicat, et lui a expliqué ce qui était arrivé. Environ une heure plus tard, M. Arseneault a rappelé et lui a dit que M. Dosanjh voulait des excuses écrites pour ce qui était arrivé; M. Powar a répondu à M. Arseneault qu’ils devraient tous les deux s’excuser l’un envers l’autre. Selon M. Powar, M. Arseneault lui a dit que M. Dosanjh avait prétendu que M. Powar lui avait donné un coup de poing; M. Powar a nié l’accusation et a aussi répondu à M. Arseneault que s’il l’avait effectivement frappé, M. Dosanjh n’aurait pu se relever.

M. Powar avait l’impression que M. Dosanjh irait déclarer l’affaire au directeur s’il ne recevait pas d’excuses de sa part. M. Powar a en outre fait remarquer que M. Arseneault lui a dit ce soir-là qu’il l’accompagnerait, ainsi que M. Dosanjh, pour aller rencontrer la direction. Le lendemain, M. Powar s’attendait à rencontrer d’abord M. Arseneault et M. Dosanjh; voyant qu’ils ne se présentaient pas, il a de son propre chef décidé d’aller voir M. Shaun Mulrooney, le superviseur correctionnel. Il a relaté brièvement l’incident à ce dernier, ajoutant qu’il avait parlé à M. Arseneault et que celui-ci lui avait conseillé de ne rien dire, car il s’agissait d’une affaire interne et le syndicat s’en occuperait. M. Mulrooney a affirmé qu’il ne s’en mêlerait pas. Il a Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 témoigné qu’à l’époque M. Powar lui avait simplement dit qu’une altercation était survenue, mais sans lui donner de détails. Par la suite, on a demandé à M. Mulrooney de mener une enquête et de préparer un rapport sur l’incident (voir ci-dessous).

En contre-interrogatoire, M. Powar a signalé qu’il travaillait de 15 h à 23 h le 9 avril, et que l’incident s’était produit entre 18 h et 19 h. L’avocat a demandé à M. Powar s’il avait déjeuné avec M. Dosanjh ce jour-là; M. Powar a répondu par la négative. M. Powar a par ailleurs déclaré qu’il ignorait pourquoi M. Dosanjh avait mentionné les travailleuses occasionnelles; il ne pense pas que celui-ci plaisantait. M. Powar a insisté pour dire qu’il était « secoué » plutôt qu’excité ou fâché durant l’altercation. Il a convenu que les seules personnes qui avaient pu entendre ce qui s’était passé étaient celles se trouvant dans la bulle au rez-de-chaussée ou dans la bulle à l’étage. M. Powar ne pense pas avoir sacré durant l’incident. Il se souvient que M. Dosanjh s'est levé et a composé le numéro du gardien; puis il a raccroché. Il a déclaré catégoriquement que M. Dosanjh lui avait craché dessus; si la quantité de crachats n’avait pas été énorme, il reste qu’il a s’essuyer le visage, et c’est à ce moment-là qu’il a levé les mains et a saisi M. Dosanjh par les poignets. Il maintient qu’il n’a pas frappé M. Dosanjh, pas plus qu’il ne l’a touché au visage. M. Powar a reconnu qu’en sortant il a fait une remarque à M. Dosanjh en punjabi, laquelle serait l’équivalent d’un sacre en anglais.

Si M. Powar a téléphoné à M. Arseneault, c’était dans l’espoir de désamorcer la situation; il a communiqué avec M. Arseneault pour le bien de M. Dosanjh, a-t-il ajouté, car il ne voulait pas que ce dernier perde son emploi à cause de cet incident. Il a expliqué à M. Arseneault que pour mettre cette dispute de côté il était prêt à faire des excuses à M. Dosanjh si ce dernier en faisait autant. M. Powar a par ailleurs déclaré que certaines parties du rapport de M. Mulrooney (pièce E-1) concernant ses déclarations étaient erronées; lui et M. Dosanjh étaient debout à ce moment-là, et ce n’est pas M. Dosanjh qui a saisi les bras de M. Powar, mais l’inverse.

Le 5 mai, dans le contexte de la présentation d’une plainte de harcèlement par une employée occasionnelle, laquelle n’avait aucun lien avec cet incident, on a fait état de façon assez détaillée de cette altercation. C’est ainsi que M. Mulrooney a reçu instruction de la direction de faire enquête à ce propos et de présenter un rapport. Sur une période de quelques semaines, il a interrogé M. Dosanjh, M. Powar, M. Mulville, et

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Decision Page 5 M. Trevor Colley, qui était affecté au poste de contrôle du premier étage relié au poste de contrôle du rez-de-chaussée par l’escalier, ainsi que M. Sangha, qui servait de « relève » à l’étage. À la suite de ces entrevues, M. Mulrooney a rédigé son rapport, dans lequel il a conclu que M. Powar et M. Dosanjh avaient commis des actes d’inconduite. Il a en outre conclu ce qui suit : [traduction] « [...] en me basant sur des incidents passés mettant en cause M. Dosanjh, je considère que M. Powar est un témoin plus crédible et je crois que M. Dosanjh a provoqué l’incident. D’autres agents ont témoigné que M. Dosanjh avait poursuivi la dispute sur un ton agressif. Je considère que le principal fautif dans cette inconduite est M. Dosanjh. » M. Mulrooney a remis une copie de son rapport à M. Dosanjh et à M. Powar. M. Dosanjh a répondu en remettant à M. Mulrooney une copie du rapport d’enquête rédigé par M. Arseneault (pièce E-4). Il a également remis à M. Mulrooney une note de service concernant cette affaire (E-2) et une lettre datée du 10 avril 1995 qu’il avait adressée à M. Mills, directeur exécutif. Subséquemment, M. Mulrooney a organisé une réunion entre M. Powar et M. Arseneault concernant le rapport de ce dernier, dans lequel M. Arseneault écrit que M. Powar lui a avoué avoir frappé M. Dosanjh. Selon M. Mulrooney, M. Powar a contesté la véracité des observations de M. Arseneault, et cette question est demeurée non résolue à la fin de la réunion. M. Mulrooney a présenté son rapport à M. Mills le 7 août 1995. Bien que M. Mulrooney n’ait pas directement pris part à la détermination de la sanction imposée aux deux protagonistes, il croit savoir que M. Powar a reçu une réprimande écrite. M. Mulrooney a expliqué le temps qu’il avait fallu pour préparer et soumettre son rapport par divers facteurs, dont le fait que les agents en cause étaient affectés à des quarts différents tout au long de l’enquête, que les intéressés étaient à l’occasion difficiles à joindre, sans compter qu’il avait lui-même pris une semaine de vacances durant cette période.

M. Trevor Colley a également témoigné pour l’employeur. M. Colley est lui aussi un agent de correction (CX-2) au Centre. Le 9 avril il était affecté à l’unité du premier étage au poste de contrôle. M. Colley a précisé qu’il était possible d’entendre ce qui se passait dans la bulle inférieure depuis le poste de contrôle du premier étage. Vers 14 h, il a entendu M. Dosanjh amorcer une discussion à propos du syndicat; selon lui, les échanges ont commencé à « s’animer davantage », et M. Dosanjh avait l’air de plus en plus agité. À son avis, M. Dosanjh dominait aussi la conversation, bien qu’il ne pût se rappeler ses paroles exactes; il ne croit pas que celui-ci ait tenu des propos

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Decision Page 6 offensants. Il se souvient d’avoir entendu l’autre personne dire : « Le syndicat n’a rien fait pour moi », et que M. Dosanjh était devenu plus agité à la suite de ce commentaire. M. Colley ignorait qui l’autre interlocuteur était, peut-être parce que celui-ci n’élevait pas la voix; selon le témoin, le timbre de voix de M. Dosanjh fait qu’on l’entend plus que les autres. M. Colley a fait remarquer que M. Dosanjh parlait « quatre-vingt-dix pour cent du temps et engueulait » l’autre personne. À un moment donné, M. Colley a craint que la discussion dégénère en altercation physique. Par conséquent, lorsque M. Sangha est entré dans le poste de contrôle de M. Colley et qu’il s’apprêtait à descendre, le témoin lui a conseillé de ne pas s’en mêler.

M. Mulville a aussi témoigné au nom de l’employeur. Il a relaté que M. Powar était arrêté le voir et qu’ils jasaient lorsque M. Dosanjh est entré dans la salle de contrôle. Il ne se souvient pas de ce que M. Dosanjh a dit en entrant dans la bulle. À un moment donné, ils se sont mis à parler des occasionnels, et c’est alors que M. Dosanjh et M. Powar ont commencé « à se disputer un peu ». Il se rappelle avoir entendu M. Powar dire que la présence des occasionnels ne le dérangeait pas, et que le syndicat ne lui disait rien. Selon M. Mulville, c’était surtout M. Dosanjh qui parlait, la discussion avait commencé sur un ton normal et, bien que le ton ait fini par monter, personne ne criait. M. Powar s’est levé et s’est dirigé derrière lui à sa droite jusqu’à ce qu’il soit à proximité de M. Dosanjh. Puis il a entendu M. Powar dire : « Ne me crache pas dessus »; M. Dosanjh a répondu : « Je t’ai pas craché dessus. » M. Mulville a ensuite levé le regard et a vu M. Powar lever le bras et le diriger vers M. Dosanjh; ce dernier a ensuite levé le bras pour bloquer le poing de M. Powar. M. Dosanjh n’a pas fermé le poing, il a plutôt fait un « geste de blocage ». M. Mulville s’est ensuite levé brusquement de son siège et leur a dit de se calmer; ils se sont ensuite séparés, et M. Dosanjh s’est assis dans la chaise que M. Powar avait quittée. M. Dosanjh a ensuite dit à ce dernier qu’il devrait partir, ce à quoi M. Powar a répondu : « C’est la salle de contrôle de Steve, c’est pas toi qui va me dire quoi faire. »

En contre-interrogatoire, M. Mulville a déclaré que M. Powar s’était levé de sa chaise et s’était dirigé vers l’endroit M. Dosanjh était debout. M. Powar avait levé le bras le poing fermé, et il croit que celui-ci a pu affleuré le menton de M. Dosanjh. M. Mulville a reconnu la pièce G-1, une déclaration manuscrite qu’il a rédigée et signée le 6 février 1996 à la demande du syndicat. M. Mulville a fait remarquer qu’il s’agissait d’une relation fidèle des faits tels qu’il s’en souvient, y compris l’observation Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 suivante : [traduction] « M. Powar a levé le bras et M. Dosanjh a à son tour levé le bras pour bloquer le geste de M. Powar. Il a semblé alors que M. Dosanjh avait été effleuré au menton. »

M. Dosanjh est agent de correction au Service correctionnel depuis 1975 et il travaille au Centre de santé depuis avril 1988. Il a reconnu la pièce G-2 comme étant le tableau de service pour le 9 avril 1995; ce jour-là, a-t-il précisé, il a effectué deux quarts de travail, le poste de 7 h à 15 h en temps supplémentaire, et son poste régulier, de 15 h à 23 h. Il a fait remarquer que la pièce G-2 indique que M. Powar était affecté à l’unité Nova/Concorde au poste de jour, c’est-à-dire de 7 h à 15 h.

M. Dosanjh a relaté que, vers 14 h 30, il est entré dans le poste de contrôle au rez-de-chaussée et a remarqué M. Powar en train de parler avec M. Mulville. En arrivant, M. Dosanjh a « plaisanté » au sujet d’un épisode qui avait eu lieu plus tôt au déjeuner ce jour-là. À la pause repas, lui et M. Powar étaient assis à la même table avec un autre membre du personnel; une employée occasionnelle, M me Audrey Madsen, est entrée dans la salle à manger à ce moment-là. Selon M. Dosanjh, M. Powar lui a fait un clin d’oeil, a pris son cabaret et est allé joindre M me Madsen à sa table. M. Dosanjh lui a alors dit : « C’est ça, laisse-nous. » Lorsqu’il est entré dans la bulle, M. Dosanjh a dit : « Qu’est-ce qui se passe entre toi et Audrey? » Selon M. Dosanjh, M. Powar a répondu en haussant les épaules et en souriant. M. Dosanjh s’est ensuite assis, s’est mis à parler de tout et de rien, notamment de la situation courante concernant les heures supplémentaires. M. Dosanjh se rappelle que M. Powar lui a dit : « Tu fais de l’argent encore », faisant allusion au fait qu’il effectuait des heures supplémentaires. M. Dosanjh lui a répondu « Mieux vaut en profiter pendant que ça passe », ce à quoi M. Powar a rétorqué : « À qui le dis-tu, ça durera pas. » M. Dosanjh a répondu qu’il y aurait moins d’heures supplémentaires à court terme à cause de l’utilisation des occasionnels, mais que cela n’allait pas marcher à long terme. M. Dosanjh croit qu’à ce moment-là M. Mulville a dit : « Il n’y a aucun problème à ce que des occasionnels travaillent ici. » M. Dosanjh a répondu : « Personnellement, je n’ai rien contre les occasionnels; un jour ils deviendront membres du syndicat. » M. Dosanjh a fait remarquer que le syndicat avait donné instruction aux syndiqués de ne pas maltraiter les occasionnels. Selon M. Dosanjh, la conversation a ensuite porté sur le syndicat. M. Powar lui a dit : « Peux-tu m’dire ce que le syndicat a fait pour nous, s’ti? » M. Dosanjh, qui avait été président de la section locale du syndicat pendant trois ans Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 8 et qui était alors délégué syndical chargé des activités sociales, a expliqué ses vues sur la nécessité des syndicats. M. Dosanjh a reconnu qu’il avait monté la voix, mais il n’était pas fâché et ne criait pas non plus. Il a reconnu qu’il dominait la conversation. M. Dosanjh a en outre témoigné que l’emploi du mot « fuck » faisait partie des conversations courantes [en anglais] à l’établissement, même parmi le personnel féminin, et que ce terme n’était pas considéré comme offensant. M. Dosanjh avait l’impression que M. Powar s’obstinait simplement pour s’obstiner. Afin d’éviter de s’engager dans une dispute plus véhémente, il a dit à M. Powar : « Sors d’ici, s’ti. » Selon M. Dosanjh, M. Powar s’est ensuite levé de l’autre côté du panneau, est venu se placer entre M. Dosanjh et M. Mulville, s’est tourné vers M. Dosanjh qui était assis et a dit : « Fais-moi donc sortir. » M. Dosanjh s’est ensuite levé, car il se sentait plutôt vulnérable physiquement, il était à dix ou douze pouces du visage de M. Powar. M. Dosanjh a dit : « Je n’ai plus d’argent pour payer des amendes », ce qui était une allusion à ses antécédents disciplinaires. M. Dosanjh a témoigné que bien que M. Mulville fût responsable du poste, en tant que CX-2 M. Dosanjh était responsable du rez-de-chaussée qui inclut le poste de contrôle. Selon M. Dosanjh, M. Powar a répondu : « T’es rien que d’la petite merde. » Ce dont M. Dosanjh se souvient ensuite, c’est qu’il a été frappé au menton, qu’il a levé les mains et que M. Powar l’a saisi par les poignets. M. Dosanjh s’est ensuite calmé, a retiré ses mains et M. Mulville leur a dit de se calmer. M. Dosanjh nie avoir craché au visage de M. Powar. Il se souvient que ce dernier a dit : « Tu m’as craché au visage » et qu’il a répondu que ce n’était pas vrai. M. Dosanjh a ensuite dit qu’il était prêt à tout laisser tomber si M. Powar partait maintenant. M. Powar lui a alors répondu : « T’es de la petite merde. » M. Dosanjh a pris le téléphone, s’est mis à composer et a raccroché lorsque M. Powar s’est dirigé vers la sortie. M. Powar s’est ensuite tourné et a dit : « Je partirai quand je serai prêt à partir, pas avant. » M. Dosanjh a de nouveau pris le téléphone et composé, et M. Powar lui a dit : « T’es rien qu’un maudit rat. » Pendant que le téléphone sonnait, M. Powar est parti en lui disant en punjabi : « J’te verrai dehors, espèce de con ». M. Dosanjh s’est ensuite excusé auprès de M. Mulville en lui disant que l’incident avait été déplacé. M. Dosanjh a affirmé qu’il se sentait « un peu responsable » que M. Mulville ait eu à intervenir. Il ne s’est pas excusé auprès de M. Powar parce que, selon lui, il n’avait rien fait de mal et ce n’était pas de sa faute si l’incident avait dégénéré. M. Dosanjh a signalé que lui et M. Powar avaient une relation de travail cordiale avant cet incident.

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Decision Page 9 En contre-interrogatoire, M. Dosanjh a déclaré qu’il ne faisait que plaisanter lorsqu’il a fait allusion à la relation entre M. Powar et M me Madsen, bien qu’on ait pu mal interpréter son commentaire et penser qu’il laissait entendre que M. Powar avait une liaison. Il nie avoir jamais dit à M. Powar qu’il suivait les travailleuses occasionnelles. Il a insisté pour rappeler que la question des occasionnels n’avait été soulevée que dans le contexte des heures supplémentaires. M. Dosanjh a reconnu qu’à mesure que la discussion est devenue sérieuse, il s’est senti contrarié par le fait que M. Powar n’écoutait pas. Lorsqu’il a fait allusion à sa lettre à M. Mills (pièce E-3) dans une déclaration selon laquelle « nous étions tous les deux pas mal échauffés », il a convenu qu’il avait adopté un ton plus affirmatif dans la conversation lorsque M. Powar s’était mis à s’obstiner. C’est surtout lui (M. Dosanjh) qui parlait parce qu’il répondait aux questions. Il a reconnu que la discussion avait fait monter sa tension et provoquer une « poussée d’adrénaline », mais il n’était pas fâché. Il a insisté pour dire que M. Powar l’avait accusé d’avoir craché sur lui seulement pour justifier le fait qu’il avait donné un coup de poing à M. Dosanjh. Il est possible qu’il ait laissé échapper un peu de « vapeur » en parlant, mais il est impossible que M. Powar ait pu penser qu’il avait craché sur lui. M. Dosanjh a expliqué avoir rédigé la pièce E-3 le 9 avril au soir parce qu’il craignait que M. Powar l’attende dans le terrain de stationnement. Il estimait que la direction allait saisir toutes les occasions de faire enquête à son sujet en raison de ses activités syndicales. M. Dosanjh a reconnu que, dans ses rapports d’évaluation (pièce G-3), on dit qu’il a parfois tendance à se disputer; cependant, il nie avoir tenu des propos offensants envers M. Powar.

M. Benoit Arseneault a témoigné au nom du fonctionnaire s’estimant lésé. Il a déclaré que M. Powar lui avait parlé au téléphone le 9 avril et qu’il l’avait rencontré avant de quitter le travail à 15 h. M. Powar lui a raconté qu’il y avait eu un incident entre lui et M. Dosanjh et qu’il voulait que le syndicat soit au courant de ce qui s’était passé. M. Arseneault a pris des notes sur la conversation qu’il a eue avec M. Powar et a noté à ce moment-là que ce dernier lui avait dit avoir réellement frappé M. Dosanjh. M. Arseneault a communiqué avec le vice-président régional, M. Gerry Gauthier, qui lui a dit de mener une enquête pour « les besoins du syndicat ». Il a amorcé l’enquête (pièce E-4) le soir de l’incident et l’a terminée le lendemain. Le rapport a été conservé au dossier et remis plus tard à M. Mulrooney. Selon M. Arseneault, M. Powar était conscient qu’il prenait des notes pendant leur entretien, bien qu’il ne lui ait pas dit

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Decision Page 10 qu’il menait une enquête. Subséquemment, en la présence de M. Mulrooney, M. Powar a dit à M. Arseneault qu’il (M. Arsenault) avait menti à propos de ce qu’il lui avait déclaré. M. Arseneault avait également interrogé M. Dosanjh, M. Colley et M. Mulville.

M. Gweyn Mills, en tant que directeur exécutif, était chargé de déterminer la mesure disciplinaire à imposer aux deux protagonistes, dont le fonctionnaire s’estimant lésé. M. Mills a d’abord été informé de cet incident par M. Jeff Johnson, le sous-directeur exécutif, qui lui a dit qu’il y avait eu une plainte de harcèlement dans laquelle il était fait allusion à l’altercation entre M. Powar et M. Dosanjh. Ils avaient l’impression que la dispute avait porté sur les occasionnels, qui était une question délicate dans les établissements pénitentiaires à l’époque, car il y avait beaucoup de ressentiment à propos du recours aux occasionnels; ils avaient reçu instruction de veiller à ce que l’on traite et protège bien les occasionnels. Lorsqu’il a reçu le rapport d’enquête de M. Mulrooney, M. Mills a discuté de l’affaire avec d’autres fonctionnaires du Ministère afin de déterminer la sanction; à la lumière des antécédents de M. Dosanjh, il a été décidé de lui imposer une suspension de 15 jours, laquelle a plus tard été ramenée à 7 jours quand on s’est rendu compte que la mesure disciplinaire précédente avait été retirée du dossier de M. Dosanjh, conformément aux exigences de la convention collective.

Selon M. Mills, il avait manifestement été question des occasionnels, et la région avait adopté comme ligne de conduite qu’elle ne tolérerait pas que l’on adresse des remarques négatives aux occasionnels ou qu’on fasse de telles remarques à leur sujet; ce facteur était donc entré en ligne de compte dans la détermination de la peine. M. Mills a en outre pris en considération le fait que M. Dosanjh était un agent expérimenté, tandis que M. Powar était nouveau et inexpérimenté, ce qui plaçait une plus grande responsabilité sur les épaules de M. Dosanjh. À la suite de ses conclusions, il a envoyé deux lettres disciplinaires, dont la pièce E-6 dans laquelle il a signalé que M. Dosanjh avait violé l’énoncé de mission du Ministère, ainsi que les normes de conduite professionnelle et le code de discipline du Service.

En contre-interrogatoire, M. Mills a convenu que dans son esprit cette affaire soulevait deux questions : 1) faire des remarques désobligeantes à propos des occasionnels; 2) une conduite déplacée à l’endroit d’un collègue agent. M. Mills a reconnu que sa seule source d’information au sujet de cette affaire avait été le rapport

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Decision Page 11 de M. Mulrooney; il a convenu que les seules mentions des occasionnels dans le rapport se trouvent aux pages 3 et 5, il est précisé que la conversation avait notamment porté sur ce sujet.

Arguments Au nom de l’employeur, M e Hornby fait remarquer que, dans la lettre de discipline, il est mentionné que le fonctionnaire s’estimant lésé a été offensant, tant en paroles qu’en actes, en ce sens qu’il a provoqué une dispute avec un autre membre du personnel dans un secteur des détenus pouvaient les voir et en la présence d’un autre employé. Selon la teneur de la lettre, une telle conduite va à l’encontre de l’énoncé de mission, des normes de conduite professionnelle et du code de discipline.

Selon M e Hornby, ni l’une ni l’autre des parties ne contestent le fait qu’il s’est produit un incident justifiant des mesures disciplinaires; la question à trancher ici est de déterminer la proportionnalité de la sanction entre M. Dosanjh et M. Powar, ce qui nécessite une décision quant à l’attribution du blâme. L’avocat signale que M. Powar a affirmé avoir été offensé par la remarque de M. Dosanjh comme quoi il « suivait les travailleuses occasionnelles ». Cette remarque comportait des insinuations sexuelles; bien que M. Dosanjh ait nié avoir fait ce commentaire, il a néanmoins reconnu avoir fait une plaisanterie à ce moment-là. La preuve montre, selon l’avocat, que M. Dosanjh est devenu de plus en plus agité pendant la discussion et qu’il a admis avoir dit à M. Powar : « Sors d’ici, s’ti. » L’avocat de l’employeur fait par ailleurs valoir que tant le témoignage de M. Mulville que celui de M. Colley montrent clairement que c’était surtout M. Dosanjh qui parlait, ce dernier ayant d’ailleurs lui-même admis qu’il se sentait de plus en plus contrarié. La preuve dans son ensemble montre que M. Dosanjh s’est mis en colère, ce qui a précipité l’incident.

M e Hornby soutient en outre que M. Dosanjh est en grande partie responsable de l’altercation physique. M. Powar a clairement affirmé que M. Dosanjh lui avait délibérément craché dessus; M. Dosanjh le nie, mais reconnaît que peut-être il a laissé échapper de la « vapeur » par la bouche. M. Powar a d’autre part déclaré qu’il n’avait pas fait le geste de frapper M. Dosanjh, encore qu’il ait admis la possibilité de l’avoir frappé par inadvertance lorsqu’il a saisi M. Dosanjh par le poignet.

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Decision Page 12 L’employeur, de faire valoir l’avocat, a tenu compte à bon droit de nombreux facteurs lorsqu’il a décidé d’imposer une peine plus sévère à M. Dosanjh, notamment les suivants : son ancienneté, le fait qu’il ait provoqué et dominé la dispute, le fait qu’il se soit mis en colère et qu’il ait ordonné à M. Powar de sortir de l’unité. Dans ces circonstances, une suspension de trois jours constitue une sanction disciplinaire raisonnable. Conformément à la décision rendue dans Wilson (dossier de la Commission 166-2-25841), l’arbitre ne devrait pas modifier la peine.

Le représentant du fonctionnaire réplique qu’il incombe à l’employeur de démontrer que la peine était juste et raisonnable dans toutes les circonstances. Selon M. Dann, l’employeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau. M. Dann fait remarquer que, lors de l’incident, il n’y avait que trois personnes présentes, dont une seule, M. Mulville, peut être considérée comme un tiers neutre, et il n’y a aucune raison de mettre en doute sa crédibilité. Dans son témoignage, M. Mulville a déclaré que personne n’avait crié, que les deux protagonistes avaient sacré et que M. Powar avait brandi son poing contre M. Dosanjh. Le témoignage de M. Powar, par contre, manque de crédibilité selon M. Dann et contient de nombreuses inexactitudes; par exemple, celui-ci a dit que l’incident s’était produit entre 18 h et 19 h; or les autres témoins ont tous dit qu’il avait eu lieu entre 14 h et 15 h. De plus, M. Powar a affirmé qu’il n’avait nul besoin du syndicat, seulement pour s’y tourner immédiatement « afin de venir en aide à M. Dosanjh ». Cette explication manque manifestement de crédibilité. De plus, ni M. Mulville ni M. Colley n’ont signalé que M. Dosanjh avait provoqué la dispute. M. Dann fait par ailleurs valoir que, d’après M. Mills, la sanction était fondée au moins en partie sur la conclusion que M. Dosanjh avait fait des remarques désobligeantes à propos des occasionnels; or il n’y a aucune preuve à l’appui de cette affirmation. Il est également évident que M. Mills a tenu compte d’incidents passés, nonobstant le fait qu’il lui était interdit de le faire puisque ceux-ci avaient été rayés du dossier de M. Dosanjh.

Le représentant du fonctionnaire soutient que lorsque deux employés ont eu un comportement semblable ni l’un ni l’autre ne devrait subir une peine plus sévère; l’équité exige que les deux reçoivent la même sanction. Par conséquent, M. Dann maintient que M. Dosanjh qui, il faut le reconnaître, partage une certaine responsabilité concernant l’altercation, ne devrait pas recevoir plus qu’une

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Decision Page 13 réprimande écrite. À l’appui de ses arguments, il se réfère à Canadian Labour Arbitration, 3 e édition, de Brown et Beatty, chapitre 7:4414. En guise de réfutation, M e Hornby soutient que le témoignage de M. Powar, dans l’ensemble, était détaillé et crédible; il fait remarquer que le témoignage de M. Dosanjh concernant l’épisode du déjeuner n’avait jamais été mentionné avant l’audience, que ce soit dans sa déposition à M. Mulrooney ou dans sa lettre à M. Mills. Il souligne en outre que la lettre disciplinaire de M. Mills ne dit rien de la question des occasionnels. M e Hornby est d’accord que la peine devrait être la même si toutes les autres choses étaient égales; à son avis, toutefois, M. Dosanjh est plus à blâmer pour ce qui est arrivé.

Motifs de la décision Les parties ne contestent pas le fait qu’une altercation a eu lieu qui mettait en cause le fonctionnaire s’estimant lésé comme un des protagonistes, et que cette conduite méritait l’imposition d’une sanction disciplinaire par l’employeur. Ce qui est en litige, c’est la sévérité de la sanction infligée à M. Dosanjh (c’est-à-dire une suspension de sept jours, ramenée à trois jours selon ce qu’a fait savoir l’avocat de l’employeur au début de l’audience), particulièrement à la lumière de la peine plus indulgente (soit une réprimande écrite) imposée à l’autre protagoniste, M. Powar. Les deux parties s’entendent essentiellement pour dire qu’il incombe à l’employeur de traiter tous les employés équitablement et sans discrimination lorsqu’il impose des sanctions disciplinaires; la jurisprudence en matière d’arbitrage de griefs appuie d’ailleurs presque sans exception ce principe (voir Brown et Beatty, (supra)). Il est également clair que, pour les besoins de la présente procédure, ni M. Powar ni M. Dosanjh n’ont un dossier disciplinaire. Par conséquent, la question critique à trancher en l’espèce est la responsabilité relative des deux hommes face à ce qui est arrivé le jour en question.

Outre les deux protagonistes, le seul témoin oculaire est M. Steve Mulville. Bien que M. Colley ait pu entendre une partie de la conversation entre M. Dosanjh et M. Powar, il n’a pas pu se rappeler une bonne part de ce qui a été dit, si ce n’est de signaler que M. Dosanjh parlait beaucoup plus fort et semblait être celui qui parlait la plupart du temps. M. Colley n’était pas en mesure de faire des observations

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Decision Page 14 concernant l’altercation physique qui a eu lieu. Par conséquent, le témoignage de M. Colley est d’une aide relativement mineure pour déterminer ce qui s’est réellement passé. Ce qui nous amène au témoignage de M. Mulville. Bien que M. Mulville n’ait pas tout vu ce qui s’est produit, il a pu entendre clairement ce qui se disait et a vu au moins une partie de l’altercation physique. Plus particulièrement, il a relaté que M. Powar s’était amené devant M. Dosanjh, qui était assis, et avait subséquemment dirigé son poing en direction de M. Dosanjh, l’affleurant peut-être au menton. Ces faits concordent essentiellement avec la version relatée par M. Dosanjh, ainsi qu’avec le témoignage de M. Arseneault concernant l’affirmation faite par M. Powar comme quoi il avait frappé M. Dosanjh. Selon son témoignage, M. Mulville n’a rien vu de l’incident M. Dosanjh aurait craché sur M. Powar, si ce n’est qu’il a entendu le second accuser le premier d’avoir craché sur lui, puis M. Dosanjh rétorquer qu’il n’avait rien fait de la sorte.

À la lumière de ces faits, je dois conclure qu’en ce qui concerne l’élément le plus sérieux de la dispute, à savoir l’altercation physique, c’est M. Powar qui doit dans une large mesure porter le blâme. Ce dernier s’était placé devant M. Dosanjh dans une posture qu’on pourrait raisonnablement qualifier de menaçante, compte tenu des circonstances. Manifestement, à tout le moins, il a riposté au fait que M. Dosanjh avait craché sur lui, si ce dernier a effectivement craché sur lui. De plus, à l’audience il est arrivé à M. Powar de perdre son calme et d’avoir un comportement plutôt indiscipliné, ce qui est compatible avec un tempérament qui pourrait facilement passer à l’affrontement physique. Par ailleurs, il y a des contradictions dans le témoignage de M. Powar; comme l’a signalé M. Dann, il s’est trompé quant à l’heure à laquelle l’incident s’est produit; de plus, son explication selon laquelle il a demandé l’aide du syndicat après l’incident afin de « protéger » les intérêts de M. Dosanjh n’est absolument pas crédible. En outre, le fait qu’il nie avoir dirigé son poing vers M. Dosanjh, ce qui va à l’encontre des témoignages de M. Mulville et de M. Arseneault, mine également sa crédibilité. À la lumière de ces considérations, j’ai de fortes réserves à accepter la version des faits de M. Powar.

À mon avis, ces considérations n’enlèvent rien au fait que M. Dosanjh était l’employé qui avait le plus d’ancienneté, encore qu’il ne fût pas un gestionnaire ni n’exerçât de fonctions de supervision. De plus, je ne crois pas que M. Dosanjh soit plus à blâmer pour cet incident parce qu’il a abordé la question des occasionnels et Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 15 des syndicats. Ce genre de conversation entre employés, en particulier dans l’intimité relative du poste de contrôle, qui est hors de l’écoute des détenus et des membres du public, n’est pas « interdit »; l’employeur se trouve à empiéter de façon injustifié sur les droits des employés et des syndiqués lorsqu’il insiste pour dire que de telles conversations n’ont jamais lieu au travail. Incontestablement, l’employeur a le droit de s’attendre à ce que ses employés se conduisent de façon correcte et civile dans leurs rapports les uns avec les autres, et bien sûr la direction ne devrait pas fermer les yeux sur les incitations au harcèlement à l’endroit d’autres employés; cependant, cela ne veut pas dire que les employés ne peuvent pas discuter de questions qui sont importantes pour eux et qui les préoccupent. En l’occurrence, il n’y a pas la moindre indication comme quoi le fonctionnaire s’estimant lésé cherchait à inciter quelqu’un à harceler les occasionnels. Il y a lieu de signaler que M. Mulville, qui a témoigné au nom de la direction, n’a en aucune façon donné à croire que M. Dosanjh avait délibérément provoqué M. Powar. D'après la pondération des probabilités, j’estime que M. Dosanjh n’est pas plus à blâmer que M. Powar face à l’inconduite en question. Par conséquent, l’employeur a eu tort de lui imposer une peine plus sévère.

Il est donc fait droit au grief en partie; j’ordonne à l’employeur d’annuler la suspension de M. Dosanjh et de lui substituer une réprimande écrite.

P. Chodos, président suppléant

OTTAWA, le 4 juin 1997.

Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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