Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Procédure de règlement des griefs - Licenciement (motif non disciplinaire) - Objections préliminaires - Compétence - Identification d'un grief - Délai de présentation - Gardien de prison - à son retour de congé de maladie, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à l'employeur de l'affecter à un poste comportant moins de responsabilités que son poste d'attache, et de se voir offrir une protection salariale - l'employeur a accepté, à la condition que le fonctionnaire s'estimant lésé s'engage par écrit à prendre sa retraite dans un avenir rapproché - le fonctionnaire s'estimant lésé a offert de prendre sa retraite 15 mois plus tard, ce que l'employeur a accepté - 34 semaines avant la date prévue pour sa retraite, le fonctionnaire s'estimant lésé a eu un accident de travail, mais a continué à travailler - 14 semaines avant la date prévue pour sa retraite, le fonctionnaire s'estimant lésé a arrêté de travailler et est devenu en situation de congé de maladie - 2 semaines avant la date prévue pour sa retraite, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté une première demande de report de la date prévue pour sa retraite - 4 semaines après la date prévue pour la retraite du fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur a rejeté la demande de report - 6 jours plus tard, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté une deuxième demande, à une instance supérieure de l'employeur - 29 jours plus tard, l'employeur a rejeté cette demande - 8 jours plus tard, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté une troisième demande, à la personne en charge de son ministère, faisant allusion à la possibilité de licenciement injuste - 34 jours plus tard, l'employeur a rejeté cette demande - l'employeur s'est objecté à la compétence de l'arbitre pour entendre le grief, au motif qu'aucun grief n'avait été présenté, et que, subsidiairement, si un grief avait était présenté, il était hors délai - l'employeur a prétendu que ni la première ni la deuxième demande ne faisait référence à un licenciement injuste - l'employeur a ajouté que la troisième demande, en autant qu'elle serait un grief à l'encontre d'un licenciement, avait été présentée hors délai - le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que la première demande constituait le grief - subsidiairement, le fonctionnaire s'estimant lésé a prétendu que la troisième demande constituait le grief et que l'arbitre avait compétence pour proroger le délai de présentation - l'arbitre a conclu que la première demande ne constituait pas un grief parce qu'elle ne contenait aucun énoncé des faits et de l'action donnant lieu au grief, et qu'elle ne faisait aucune mention d'un licenciement - l'arbitre a de plus conclu que, si elle était un grief, cette première demande avait été présentée hors délai - l'arbitre a conclu que la troisième demande pourrait constituer un grief, parce qu'elle allègue des manquements à la politique de l'employeur - l'arbitre a conclu que, dans la mesure où la troisième demande est un grief, elle se rapporte à la décision de l'employeur de ne pas faire droit à la première demande, et a été présentée hors délai - l'arbitre a conclu que, en l'absence d'explications et d'éléments de preuve pouvant justifier la prorogation du délai de présentation, le fonctionnaire s'estimant lésé a été négligent dans la présentation d'un grief qui serait constitué par la troisième demande et a refusé de proroger ce délai - l'arbitre a conclu que la deuxième demande peut être considérée comme un grief, puisqu'elle contient de l'information identifiant le fonctionnaire s'estimant lésé, exposant le litige et identifiant la réparation recherchée - l'arbitre a aussi conclu que la deuxième demande respectait le délai de présentation d'un grief - l'arbitre a donc conclu que la deuxième demande constituait le grief devant elle. Objections préliminaires rejetées. Décisions citées : Rattew (149-2-107); Stubbe (149-2-114).

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27083 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE MAURICE ST-LAURENT fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général - Service correctionnel Canada)

employeur

Devant: Muriel Korngold Wexler, président suppléant Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Jocelyn Grenon, avocat Pour l’employeur: Agnès Lévesque, avocate Affaire entendue à Sherbrooke (Québec), les 25 et 26 juin 1997.

Decision Page 1 DÉCISION PRÉLIMINAIRE M. Maurice St-Laurent a été à l’emploi du Service correctionnel Canada jusqu’au 4 novembre 1995. Le 22 mars 1996, il a déposé une formule de renvoi à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) à laquelle était annexée une lettre datée du 20 février 1996 et signée par M. John Edwards, Commissaire du Service correctionnel Canada. La lettre qui accompagnait la formule de renvoi est datée du 19 mars 1996 et indique que M. St-Laurent « prétend avoir été congédié injustement et illégalement puisqu’il est mis à la retraite forcée ... ». L’employeur s’est opposé à ce renvoi pour la raison qu’aucun grief n’a été déposé par M. St-Laurent et que même si la correspondance à partir du 20 octobre 1995 pourrait être interprétée comme un grief, celui-ci aurait été déposé hors délai.

Cette décision traite de deux questions en litige préliminaires: (1) M. St-Laurent a-t-il déposé un grief au sens de la LRTFP? et (2) Subsidiairement, ce grief a-t-il été présenté dans les délais prescrits?

Cette cause a été mise au rôle une première fois du 24 au 26 juillet 1996 mais ces dates ne convenaient pas à M e Jocelyn Grenon, procureur de M. St-Laurent. Ainsi, cette affaire a été remise au rôle une deuxième fois du 20 au 23 août 1996. Le 16 août 1996, M e Grenon a demandé à ce que l’audience en question soit reportée à une date ultérieure pour cause de mortalité. La Commission a accordé cette remise et l’affaire a été remise une troisième fois au rôle du 10 au 13 décembre 1996. Cependant, le 28 octobre 1996, M e Grenon a demandé une quatrième remise laquelle a été refusée par la Commission.

Le 10 décembre 1996, les parties se sont présentées ainsi que convenu pour être entendues. Toutefois, M e Grenon a informé l’arbitre présent qu’il ne pouvait pas procéder parce que certains témoins refusaient de franchir un piquet de grève établi à l’hôtel la cause devait être entendue et que, de plus, son porte-documents qui contenait les documents relatifs à cette affaire avait disparu. L’arbitre a accordé cette remise en tenant compte de la non-disponibilité d’un certain nombre de témoins et de l’incapacité de M e Grenon de représenter son client convenablement à cause de la disparition du porte-documents.

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Decision Page 2 Ainsi, l’affaire a été remise au rôle du 25 au 27 juin 1997. Le 20 juin 1997, M e Grenon a informé la Commission que les parties s’étaient entendues pour débattre de façon préliminaire les deux questions dont traite cette décision préliminaire. Finalement, l’affaire sur les deux questions préliminaires a été entendue les 25 et 26 juin 1997.

Les faits Les parties ont fait témoigner M mes Lise Bouthillier et Françoise Nittolo ainsi que M. Gilles Lacasse et le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Maurice St-Laurent. De plus, elles ont présenté 25 pièces justificatives.

M. Maurice St-Laurent était à l’emploi du Service correctionnel Canada à l’établissement de Cowansville depuis le 3 novembre 1965. De 1965 à 1969, il travaillait comme agent de correction (CX-COF-1). Puis, de 1969 à 1974, il était cuisinier (GS-FOS-6). De 1974 à 1989, M. St-Laurent a travaillé comme assistant-chef des Services alimentaires (GS-FOS-7). En 1989, il a été promu chef des Services alimentaires (GS-FOS-9-C3-C2), poste qu’il a occupé jusqu’au 1 er août 1994 lorsqu’il a été affecté au poste de chauffeur-manutentionnaire (GS-STS-4-0, A1) en gardant le salaire et les avantages sociaux auxquels il avait droit comme chef des Services alimentaires (47 800 $). En 1994-1995, le salaire annuel de M. St-Laurent comme CS-FOS-9-C3-C2 était de 47 834,96 $, alors que le salaire annuel d’un GS-STS-4-0, A1 (chauffeur-manutentionnaire) était de 29 197,69 $ (pièce 25).

M. St-Laurent a été en congé de maladie de mai jusqu’au début de novembre 1993. Lorsqu’il est retourné au travail en novembre 1993, il a rencontré M. Gilles Lacasse, le Directeur adjoint des programmes et services à l’établissement de Cowansville. Selon la version de M. St-Laurent, l’employeur lui avait demandé de passer un examen médical qui serait effectué par Santé et Bien-être social Canada et M me Françoise Nittolo, gestionnaire régionale, Rémunération et avantages, lui avait envoyé une lettre lui expliquant qu’il pourrait recevoir une pension d’invalidité. De plus, M. St-Laurent avait aussi demandé s’il y avait possibilité de lui trouver un poste ailleurs dans l’établissement puisqu’il trouvait que ses tâches de chef des Services alimentaires lui occasionnaient de la tension nerveuse stress »). Donc, lors de cette rencontre avec M. Lacasse, ils ont discuté « de la situation dans la cuisine ».

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Decision Page 3 M. Lacasse lui a dit que « ça prenait du sang nouveau et qu’il y aurait un réaménagement des effectifs ». M. St-Laurent a ajouté qu’il a interprété les mots de M. Lacasse au sens qu’il voulait un nouveau chef de cuisine. M. St-Laurent a trouvé la rencontre avec M. Lacasse très désagréable pour les raisons suivantes. Un concours avait été tenu en mai 1993 pour combler trois postes de chef des Services alimentaires dans la région du Québec. Il s'adressait à tous les employés de Service correctionnel Canada et visait à combler un poste de chef aux établissements de Cowansville, de Drummondville et de Montée St-François (pièce 22). Par ailleurs, M. St-Laurent avait reçu une lettre lui demandant d’aller passer un examen médical à Santé et Bien-être social Canada et M m e Nittolo lui a communiqué par lettre la possibilité de recevoir une pension d’invalidité. Pendant son témoignage, M. St-Laurent a aussi mentionné une lettre datée du 2 mai 1994 dans laquelle M. Lacasse indique qu’il n’y avait pas lieu de produire une évaluation de rendement parce que M. St-Laurent allait prendre sa retraite dans quelques mois (pièce 13). M. St-Laurent a témoigné que ces quatre raisons ont mis une telle pression sur lui qu’il a décidé de prendre sa retraite en novembre 1995. En outre, en novembre 1993, M. St-Laurent a aussi consenti à divulguer à son employeur son dossier médical (pièce 23).

Quelques jours après la rencontre avec M. Lacasse, M. St-Laurent a rencontré M. Jean-Paul Lupien, le Directeur de l’établissement de Cowansville à l’époque. M. St-Laurent lui a demandé s’il y avait possibilité de lui trouver un autre poste. M. St-Laurent a déclaré qu’il avait demandé de rencontrer M. Lupien parce que M. Lacasse lui avait dit qu’il voulait « un nouveau chef à la cuisine ». Donc, il lui a demandé « de le déplacer à un autre département, lui donnant aussi le temps de récupérer de sa tension nerveuse ». Pendant son absence, M. St-Laurent a été remplacé par M. Marc Morin ou M. Lloyd Gauthier. (Les deux étaient classés GS-FOS-7 à la cuisine sous la surveillance immédiate de M. St-Laurent.) M. Lupien lui a répondu qu’il n’avait rien à lui offrir à ce moment-là et de réintégrer son poste de chef des Services alimentaires et M. St-Laurent est retourné à son poste de chef à la cuisine.

Puis, en avril ou mai 1994, M. Lupien est revenu voir M. St-Laurent et lui a demandé s’il était toujours intéressé à travailler dans un poste autre qu’à la cuisine. Il lui a alors offert le poste de chauffeur-manutentionnaire à condition que M. St-Laurent mette par écrit qu’il prendrait sa retraite dans un avenir prochain. M. St-Laurent a insisté pour que son salaire et les avantages attachés à son poste de Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 chef des Services alimentaires en vertu de la convention collective lui soient garantis et qu'il les touche alors qu’il exercerait les tâches du poste de chauffeur-manutentionnaire. M. Lupien a accepté et M. St-Laurent devait faire la demande par écrit. Ainsi, M. St-Laurent a rédigé la lettre demandant une affectation au poste de chauffeur-manutentionnaire et annonçant sa retraite à partir du 4 novembre 1995. L’épouse de M. St-Laurent a dactylographié cette lettre, laquelle a été remise à M. Lupien. La lettre en question est datée du 15 juin 1994 et se lit comme suit (pièce 1): Par la présente permettez-moi de vous aviser que je quitterai le service correctionnel de façon définitive le 4 novembre 1995.

Je demande la possibilité de terminer mon service au magasin de l’Institution en tant que manutentionnaire chauffeur.

Je demande aussi que mon salaire et mes conditions de travail soient respectés en entier et ceci jusqu’à la fin de ma carrière soit le 4 novembre 1995. Que le poste à la cuisine qui m’est assigné présentement demeure à mon nom, et qu’un poste de détachement me soit confié. Je serai disponible pour cette nouvelle fonction à compter du 1 août 1994. Je vous remercie de l’intérêt que vous avez témoigné à mon égard. Si ces conditions sont en accord avec vous je vous demande de bien vouloir signer ci-dessous.

(signé) (signé) Jean-Paul Lupien Maurice St-Laurent 1994-6-20 1994-6-21 approuvé C’est M. St-Laurent qui a décidé la date du 4 novembre 1995 parce que « ça lui donnait 30 ans de service ». De plus, M. St-Laurent a expliqué qu’aucune loi ou directive ne l’obligeait à écrire une telle lettre d’entente et « à sa connaissance, aucune autre personne à l’établissement de Cowansville n’avait signé une telle entente ».

Lorsque M. Lupien a reçu la lettre de M. St-Laurent, sa secrétaire a téléphoné à ce dernier pour lui dire que M. Lupien s’attendait à un déplacement de 12 mois et non de 15 mois. Toutefois, le 20 juin 1994, M. Lupien a accepté la période de protection salariale de 15 mois et la date de fin d’emploi du 4 novembre 1995. Le 1 er août 1994, Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 M. St-Laurent a pris le poste de chauffeur-manutentionnaire et M. Jean-Paul Maurice est devenu le chef des Services alimentaires.

Le 10 mars 1995, M. St-Laurent a eu un accident de travail. Il est tombé d’un camion sur le terrain de l’établissement de Cowansville. Toutefois, il n’a pas pris congé et a continué à travailler. Le 28 juillet 1995, il a consulté « un spécialiste » qui lui a conseillé un arrêt de travail. M. St-Laurent a suivi ce conseil et le 20 août 1995, la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST) lui a accordé des prestations, qu'il reçoit toujours à la date de cette audience puisque la CSST n’a pas encore consolidé les lésions de M. St-Laurent.

En novembre 1994, M me Lise Bouthillier est devenue la directrice de l’établissement de Cowansville. Le 20 octobre 1995, M. St-Laurent lui a adressé une lettre indiquant qu’il reportait sa date de fin d’emploi mais sans indiquer les raisons ou une date fixe. Cette lettre, datée du 20 octobre 1995, se lit comme suit (pièce 2): Par la présente je vous avise que ma date de départ, prévue pour le 4 novembre 1995 est reportée pour les raisons que vous connaissez.

M. St-Laurent n’a jamais rencontré M me Bouthillier ni discuté avec elle de son intention de reporter sa date de départ. Il ne lui a jamais communiqué personnellement « les raisons » de ce report de date de retraite. Lors de son témoignage, M. St-Laurent a déclaré que cette lettre constitue le grief faisant l’objet du renvoi à l’arbitrage dont je suis saisie. M. St-Laurent a ajouté que la raison en question était « l’accident de travail puisqu’il n’avait pas de date de consolidation et la CSST avait reconnu la chute du camion comme un accident de travail ». Selon M. St-Laurent, M me Bouthillier devait connaître sa situation puisque l’établissement de Cowansville avait son dossier personnel.

Le 3 novembre 1995, M me Bouthillier lui a répondu que, suite à sa demande de modifier l’entente de juin 1994 (pièce 1), l’employeur allait revoir cette entente et qu’à partir du 4 novembre 1995, l’employeur ne pouvait plus lui garantir le maintien de son affectation au poste de chauffeur-manutentionnaire. De plus, M. Lacasse devait entrer en contact avec lui pour discuter de cette situation (pièce 3).

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Decision Page 6 Le 5 décembre 1995, M me Bouthillier a envoyé à M. St-Laurent sa réponse à la demande de reporter la date de retraite (pièce 4): Comme suite à notre récent échange de correspondance, j’ai étudié en consultation avec le Directeur adjoint Programmes et services, les raisons qui motivent votre demande de report de votre date de retraite.

Il appert que, malgré l’ouverture de votre dossier de rechute d’accident de travail, l’entente qui a été conclue avec le Directeur de l’époque, Monsieur Jean-Paul Lupien, fut respectée et votre salaire de GS-FOS-9 fut maintenu. Cet engagement, du Directeur de l’établissement, était conditionnel à ce que vous établissiez à l’avance et par écrit votre date de retraite. Dans votre lettre du 15 juin 1994, vous fixez effectivement votre date de retraite au 4 novembre 1995.

Puisque votre demande de mise à la retraite est planifiée depuis plus d’un an et acceptée dans les faits par le Directeur, le 20 juin 1994, nous ne pouvons aujourd’hui considérer positivement, de reporter la date de votre retraite à une date autre que celle du 4 novembre.

En conséquence, Madame Françoise Nittolo, Chef régional, Rémunération et avantages entrera en contact avec vous, dans les meilleurs délais, afin d’actualiser les procédures usuelles, en prévision de votre retraite.

Pour plus d’information, n’hésitez pas à entrer en contact avec cette dernière.

M. St-Laurent a rencontré M. Lacasse tel que suggéré dans la lettre de M me Bouthillier du 3 novembre 1995 (pièce 3). M. Lacasse lui a demandé la raison de sa demande et M. St-Laurent lui a répondu « qu’il voulait être reconnu comme accidenté au travail et reporter sa date de retraite ». M. Lacasse lui a expliqué qu’il n’avait pas d’autre choix que de maintenir l’entente de juin 1994 (pièce 1) puisque « si M. St-Laurent était pour revenir pour une période de cinq ans, ça ne marcherait pas ».

Le 11 décembre 1995, M. St-Laurent a demandé l’aide de M. Jean-Claude Perron, Sous-commissaire, Service correctionnel Canada, pour reporter sa date de retraite (pièce 5): Par la présente je demande votre aide pour régler la situation difficile dans laquelle je me trouve. Voici les faits qui expliquent ce qui se passe dans mon cas:

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Decision Page 7 Je suis présentement en accident de travail depuis le 29 juillet 1995. (voir dossier de l’accident au régional). Suite à une entente avec M. Jean-Paul Lupien je devais prendre ma retraite le 4 novembre 1995, ce que j’aurais fait si les circonstances avaient été autres c’est-à-dire si il n’y avait pas cet accident de travail. J’ai fait tout ce qu’on m’a demandé c’est à dire rencontrer tous les médecins nécessaires, et je fais tout ce que les spécialistes me recommandent.

J’ai rencontré M. Gilles Lacasse DAFP, qui est mon supérieur immédiat. J’ai aussi écrit une lette (avec copie pour vous) à Mme Lise Bouthillier pour que ma retraite soit retardée jusqu’à ce que cet accident soit définitivement réglé. Suite à la réponse de Mme Bouthillier je constate qu’après trente ans de loyaux services on refuse de reporter ma mise à la retraite pour quelques temps. Je ne pensais pas que c’était trop demander. Je sollicite votre aide pour régler cette situation dans les plus brefs délais. Je suis prêt à aller vous rencontre (sic) si vous le jugez à propos. Merci à l’avance de votre réponse et de votre aide.

Le 9 janvier 1996, M. Perron a répondu à la lettre de M. St-Laurent du 11 décembre 1995 (pièce 6): La présente est en réponse à votre lettre du 11 décembre dernier dans laquelle vous me faites part de votre demande de faire retarder votre date de retraite.

Le 15 juin 1994, vous avez convenu de quitter le service en date du 4 novembre 1995 et demandé d’occuper un autre emploi ainsi que de conserver votre salaire et vos conditions de travail jusqu’à la fin de votre carrière soit le 4 novembre 1995. Cette entente a été acceptée par la gestion locale et toutes les conditions ont été respectées.

Dans la fonction publique fédérale, la démission n’est pas un acte de volonté unilatéral qui peut être modifié à volonté par l’employé mais un acte bilatéral qui ne peut être modifié que par l’accord de l’employé et de l’employeur. Vous avez déjà été avisé par la gestion locale du pénitencier de Cowansville que votre cessation d’emploi demeurait le 4 novembre 1995.

Veuillez donc prendre note que votre date de retraite reste donc inchangée. Tel que vous le mentionnait Mme Lise Bouthillier dans une correspondance qui vous fût adressée le 5 décembre 1995, la chef régionale, rémunération et avantages communiquera avec vous sous peu pour amorcer les actions requises pour concrétiser votre départ à la retraite.

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Decision Page 8 Je vous prie d’agréer, monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

N’étant pas satisfait de la réponse négative de M. Perron, M. St-Laurent s’est adressé à M. John Edwards, à l’époque commissaire du Service correctionnel Canada. Le 17 janvier 1996, il a écrit à M. Edwards dans les termes suivants (pièce 7): Sujet: Plainte d’harcèlement, d’abus de pouvoir, et de discrimination, faite à mon égard «congédiement».

J’ai communiqué avec tous les paliers de travail, Institution de Cowansville, Québec, Régional Montréal, sous-commissaire et personne n’a voulu entendre raison c’est pourquoi je formule cette plainte à votre niveau.

Les faits : Fonctionnaire depuis 1965 à Cowansville, mon poste est celui de chef des services alimentaires donc F0S9 je suis donc «un cadre».

En 1993 après un arrêt de travail prolongé, je demande à occuper un poste ailleurs qu’à la cuisine pour quelque temps pour des raisons de santé. On m’a dit qu’on n'avait rien à m’offrir, quelques mois passèrent et on vient me voir cette fois pour me demander si je désirais occuper un autre poste.

La condition était que je devais signer une lettre d’entente avec une date officielle de départ, ou de mise à la retraite. N’ayant pas une autre solution et ayant besoin de travailler, je consens à signer en espérant que ma santé qui était à ce moment-là précaire, se rétablirait.

On m’offre un poste de chauffeur manutentionnaire, je débute à ce poste en août 1994 avec comme date de départ prévue pour le 4 novembre 1995 selon la lettre qu’on a exigée de moi. Un accident de travail survient entre temps soit le 10 mars 1995 et les spécialistes de la médecine m’arrêtent de travailler le 29 juillet 1995 et je suis présentement en traitement.

Définition : item 5 qui s’applique dans mon cas. Énoncé de politique item 6 : chaque employé du service doit être traité équitablement dans un milieu de travail exempt de «harcèlement» ou autre forme de «discrimination». Je

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Decision Page 9 considère que dans mon cas il y a eu discrimination et harcèlement.

Exemple : Je devais signer une lettre ou je restais sans ressource face à une situation difficile, alors que beaucoup de fonctionnaires circulent d’un poste à un autre pour diverses raisons sans devoir signer une lettre avec date de départ.

Le concours pour un FOS9 pour me remplacer était prévu pendant mon absence pour raison de maladie. Le candidat qui voulait me remplacer me harcelait continuellement, et communiquait souvent avec le D/A section pour savoir quant il entrerait en fonction à mon poste.

Item 7 : Je ne peux poursuivre mes objectifs personnels étant sous la contrainte des supérieurs, pour m’obliger à démissionner.

Item 13 : Je demande l’aide de personnes ressources pour m’aider à solutionner mon problème.

POINTS EN LITIGE a) Problème; nous somme 2 FOS9 sur le même poste dans l’organigramme institutionnel, un de 5 ans de service et moi de 30 ans de service.

b) Non respect de la décision de la CSST. c) Non respect du code canadien du travail. d) Harcèlement de l’employeur que j’étais trop payé; perte du document.

e) Pression faite sur confrère de travail. f) Médecin de l’employeur statue retour au travail alors que 3 spécialistes disent le contraire; harcèlement.

g) Atteinte à ma réputation disant que je suis pensionné à l’assurance et à la CSST.

....

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Decision Page 10 .... l’employé a droit, l’agent des affaires du travail peut émettre une ordonnance écrite contre l’employeur qui ne les a pas versés, ou dans certaines circonstances, contre les directeurs de l’entreprise;

- la saisie-arrêt : - l’employeur ne peut pas prendre des mesures disciplinaires contre un employé sous prétexte qu’une ordonnance de saisie-arrêt des salaires peut être émise contre lui: TUQOJAA020T Saisie de salaire ou saisie-arrêt. - les retenues sur le salaire : - l’employeur ne peut effectuer une retenue sur le salaire, ou sur tout autre montant à l’employé, sauf si une telle retenue est exigée en vertu d’une loi fédérale ou provinciale.

- le congé de maladie : - l’employeur ne peut ni congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé qui a travaillé sans interruption pour lui pendant au moins 3 mois, ni prendre des mesures disciplinaires contre lui, sous prétexte qu’il s’est absenté pour cause de maladie ou de blessure, pourvu que l’absence ne dure pas plus de 12 semaines et que l’employé, à sa demande écrite, lui fournisse un certificat médical attestant du fait qu’il était incapable de travailler durant cette période;

- les droits d’ancienneté continuent de s’accumuler et les régimes de prestations de retraite, de maladie et d’invalidité demeurent en vigueur pendant la période de congé, à la condition que l’employé verse, dans un délai raisonnable, les cotisations qu’il aurait normalement payées;

- l’employeur, pour sa part, n’est pas tenu de lui payer un salaire durant cette période, mais il doit continuer à verser des cotisations aux régimes au moins égales à celles qu’il paierait si l’employé n’était pas en congé.

- la protection des employés blessés : - l’employeur ne peut ni congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé, ni prendre des mesures disciplinaires contre lui, sous prétexte qu’il s’est absenté pour cause de maladie ou blessure d’origine professionnelle;

- durant une telle absence, l’employé a droit à une indemnité de salaire, qui sera fixée selon le taux établi dans la loi sur les accidents du travail de la province il réside en permanence;

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Decision Page 11 - le congé de décès : - l’employé qui perd un membre de sa famille immédiate a droit de prendre son congé de décès pendant chacun des jours ouvrables qui se situent à l’intérieur de la période de 3 jours suivant immédiatement la date du décès;

- s’il a travaillé sans interruption pour le même employeur pendant au moins 3 mois, il a droit de recevoir son salaire pendant ce congé.

- le congédiement injuste : - s’il estime avoir été congédié pour des motifs injustes, l’employé qui faisant pas partie du personnel de gestion et n’étant pas régi par une convention collective, a travaillé sans interruption pour le même employeur pendant au moins 12 mois peut, dans les 90 jours suivant son congédiement déposer une plainte écrite de congédiement injuste auprès du ministère ...

Je demande qu’il n’y ait aucun préjudice à mon égard et d’être représenté à tous les niveaux.

Que les items A B C D E de l’article 255 des directives du commissaire soient respectées.

Je demande une réponse dans les plus brefs délais. noter: Ce document a été reproduit tel que déposé.) J’ai reproduit cette lettre au complet, et tel que présenté en preuve, étant donné que c’est le seul document déposé en preuve intitulé « plainte » et M. St-Laurent mentionne les mots « congédiement injuste ».

Le 20 février 1996, M. Edwards a répondu ce qui suit (pièce 8): Je donne suite à votre lettre du 17 janvier 1996, dans laquelle vous estimez être victime de harcèlement et de discrimination de la part de votre employeur.

Vous considérez ainsi que la direction a exercé de façon discriminatoire son droit de gérance en regard de votre date de retraite tout en exerçant certaines pressions pour vous inciter à quitter le Service correctionnel du Canada. J’ai étudié attentivement le contenu de votre plainte ainsi que les documents soumis par les responsables de la Région du Québec et je constate que, dès novembre 1992, et à plusieurs reprises par la suite, vous avez exprimé le désir de prendre votre retraite à la condition de bénéficier d’un montant

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Decision Page 12 forfaitaire. En ce sens, les responsables du secteur Rémunération et avantages vous ont envoyé environ sept évaluations de pension suite à vos demandes. Comme il vous a déjà été expliqué, il n’a pas été question de vous accorder le statut d’employé excédentaire puisque le poste de chef des Services alimentaires de l’établissement de Cowansville est forcément essentiel à l’organisation.

Le 19 juin 1995, vous avez présenté une demande à la directrice de votre établissement en regard d’un processus d’échange pour un départ immédiat avec les indemnités prévues en vertu de la Prime de départ anticipé (PDA) et du Programme d’encouragement à la retraite anticipée (PERA). Le 20 juillet 1995, le directeur des Ressources humaines accusait réception de votre demande et vous expliquait les modalités d’application du programme de placement des remplacements. Après vérification avec les membres du Secrétariat à l’emploi (Comité interministériel), aucun fonctionnaire touché n’a été identifié pour vous remplacer.

Or, le 15 juin 1994, vous avec convenu une entente avec le directeur de l’époque, M. Jean-Paul Lupien, dont les termes se résument comme suit: «Effectuer les fonctions de manutentionnaire-chauffeur (GS STS 4) tout en conservant votre salaire de chef des Services alimentaires (GS FOS 9) jusqu’au moment de votre retraite, le 4 novembre 1995.» Vous avez ainsi débuté dans les fonctions de manutentionnaire-chauffeur, le 1 er août 1994. Cette entente à été approuvée et signée par les deux parties. Je considère que cette dernière était très favorable puisqu’elle faisait suite à votre demande d’occuper un autre poste dans l’organisation compte tenu de votre situation médicale. J’estime ainsi que la direction a été sensible et réceptive à vos attentes puisqu’une protection salariale de 18 637,27 $ par année vous a été accordée. Dans ce dossier, j’estime que l’employeur s’est engagé de bonne foi et a respecté intégralement l’entente conclue.

Considérant les besoins opérationnels de l’établissement, vos souhaits en regard de votre date de retraite et votre engagement à quitter la Fonction publique le 4 novembre 1995, le ministère a doté le poste de chef des Services alimentaires après la signature de l’entente de juin 1994. Il n’a aucunement profité de votre congé de maladie pour combler ce poste à votre insu. De plus, en raison de certains délais administratifs, il était tout à fait raisonnable de prendre les mesures appropriées pour doter ce poste.

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Decision Page 13 Le 20 octobre 1995, vous avez informé la directrice de votre établissement que vous désiriez reporter votre date de retraite en raison de votre rechute d’accident de travail survenue le 21 août 1995. Permettez-moi de vous assurer que nous n’avons aucunement l’intention de vous congédier en raison de votre accident de travail, mais de respecter l’entente initiale telle que vous l’avez acceptée et souhaitée. D’ailleurs, dans sa lettre du 5 décembre 1995, M m e Bouthillier vous a fourni les motifs de cette décision.

Il convient de vous informer que toutes les allégations que vous avez formulées au sujet de votre rémunération et de vos avantages sociaux ont déjà été traitées correctement par la division Rémunération et avantages, à l’Administration régionale. Ainsi, l’échange de correspondance de même que les entretiens avec le chef de la Rémunération et des avantages sociaux m’apparaissent très explicites et tout à fait satisfaisants.

À la lumière de ce qui précède, je constate qu’aucun changement à l’entente initiale n’a été effectué par l’employeur permettant de modifier, de façon significative, celle-ci. J’en viens donc à a conclusion que votre démission est entrée en vigueur à la date convenue, soit le 4 novembre 1995.

En espérant que mes commentaires auront permis d’élucider la situation, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

C’est à la suite de cette lettre du 20 février 1996 (pièce 8) de M. Edwards que M. St-Laurent a renvoyé, le 22 mars 1996, son « grief » du 20 octobre 1995 à l’arbitrage.

M. St-Laurent a déclaré qu’en 1989 il a gagné le concours pour le poste de chef des Services alimentaires. À ce titre, il était responsable de la cuisine au complet, dont le budget et les ressources humaines. Il avait sous sa surveillance cinq cuisiniers (GS-FOS-6), deux assistants (GS-FOS-7) et 40 à 50 détenus. M. St-Laurent travaillait 40 heures par semaine mais la cuisine fonctionnait 82 heures par semaine. Comme chef des Services alimentaires, M. St-Laurent était le premier palier de la procédure de règlement des griefs pour les fonctionnaires sous son autorité (pièce 9). Le 29 août 1989, M. St-Laurent a accusé réception de l’avis du 15 août 1989 à ce sujet (pièce 10). De plus, il semble que M. St-Laurent a suivi un cours « des griefs du personnel » de trois heures et demie le 26 septembre 1989 (pièce 11). Toutefois, lors

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Decision Page 14 de son témoignage, M. St-Laurent ne se rappelait pas si oui ou non il avait suivi ce cours « parce qu’il avait suivi beaucoup de cours ». Il a ajouté qu’aucun grief n’a été présenté entre 1989 et 1994 par les fonctionnaires sous sa surveillance.

M. St-Laurent avait demandé de prendre sa retraite à plusieurs reprises avant le 15 juin 1994. Le 26 janvier 1993, il a demandé de suivre un cours de préparation à la retraite (pièce 12). Il s’est intéressé à prendre sa retraite lorsque M. Paul Martin, ministre des Finances, a annoncé l’intention du gouvernement fédéral de couper 45 000 postes de la fonction publique.

Il est aussi intéressant de noter qu’en 1989 M. St-Laurent s’était déjà adressé à la CSST pour se plaindre de tension nerveuse due au milieu de travail dans la cuisine et que sa demande fut accueillie.

Le 13 novembre 1992, M. St-Laurent a informé M. Lupien qu’il avait l’intention de prendre sa retraite en avril 1993. Toutefois, il voulait se prévaloir d’une « indemnité de départ supplémentaire » (pièce 16). Puis, en mai 1994, M. St-Laurent a refait cette demande et il a reçu de l’information à ce sujet (pièce 17). Le 19 juin 1995, M. St-Laurent a signé une lettre-type préparée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada informant l’employeur qu’il était disposé à quitter la fonction publique sous réserve des modalités d’application du processus d'échange et à la condition d’être admissible aux incitatifs, soit de la Prime de départ anticipé (PDA) soit du Programme d’encouragement à la retraite anticipée (PERA). De plus, il demandait à être considéré pour un échange avec un employé touché par la réduction des effectifs (pièce 14).

En outre, le 22 juin 1995, M. St-Laurent adressait une autre lettre à M me Bouthillier (pièce 15): M. Martin Ministre des finances a annoncé des coupures dans la fonction publique de l’ordre de 45, 000 emplois.

Je suis membre de la fonction publique au ministère de la justice, département du solliciteur général. Je travaille présentement au pénitencier fédéral de Cowansville. Je suis considéré comme GSF0S9. Mon poste ayant été comblé par un concours de GSF0S9 en août 1994 par une autre personne, je me considère comme excédentaire vu que nous sommes deux sur le même poste au même salaire.

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Decision Page 15 Je désire apporter ma contribution par ma démission volontaire en vertu de la politique de réaménagement des effectifs. Pour ce faire je demande que les conditions de prime de séparation me soient octroyés (sic) comme mentionné dans l’offre de prime de départ. J’ai 29 ans de service et 53 ans d’âge. La raison de cette offre est de donner à un autre fonctionnaire qui a moins d’ancienneté et qui est plus jeune de conserver son emploi à la fonction publique.

Le 30 juin 1995, M me Bouthillier a répondu à M. St-Laurent que sa demande avait été transmise au Chef, personnel et administration (pièce 20). Le 25 juillet 1995, M me Bouthillier a rappelé à M. St-Laurent qu’il y avait une entente écrite et signée par l’entremise de laquelle il quitterait la fonction publique le 4 novembre 1995 (pièce 18). Toutefois, le 24 octobre 1995, M. St-Laurent a réitéré sa demande d’une prime de départ. Cette fois, M. St-Laurent a écrit à M. Philippe Vignès, Directeur des relations humaines (pièce 19): Je tiens à réitérer ma demande concernant une prime de départ.

J’occupe un poste de GSSTS4 soit chauffeur manutentionnaire à l’Institution de Cowansville, ce à titre d’intérim depuis 15 mois. J’ai 30 ans de service et 54 ans d’âge. Deux postes sont présentement vacants et se doivent d’être remplacés par des fonctionnaires provenant d’autres ministères il y a des coupures. N’ayant reçu aucune offre de la direction de l’Institution de Cowansville et vu qu’ils semblent ignorer ma demande, je me dois de référer mon cas à un niveau supérieur.

Sachant fort bien que d’autres personnes ont obtenu des primes suite à un échange interministère. Je demande que ma situation soit étudiée de façon plus approfondie et qu’une réponse adéquate me soit fournie.

Merci de l’attention que vous porterez à cette demande, je demeure à votre disposition pour tous renseignements supplémentaires qui pourraient être nécessaires.

Ainsi, à partir de novembre 1992, M. St-Laurent a toujours insisté pour quitter la fonction publique sauf qu’à certains moments, et surtout en 1995, il voulait en échange une prime de départ. Toutefois, en juin 1994, il conclut une entente (pièce 1) avec M. Lupien par l’entremise de laquelle il acceptait une affectation à un poste de chauffeur-manutentionnaire, avec le salaire et les avantages qu’il avait comme chef

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Decision Page 16 des Services alimentaires, en échange de son départ de la fonction publique le 4 novembre 1995.

M. St-Laurent s’était enquis depuis 1992 au sujet de son droit à une pension et le montant auquel il aurait droit à sa retraite. En 1992, il a reçu le calcul des prestations de sa pension s’il prenait sa retraite le 1 er janvier 1993. Le 11 septembre 1992, le calcul a été fait pour un départ le 1 er janvier 1993. En 1993, un calcul a été demandé pour une fin d’emploi le 15 février 1993. Puis, le 16 novembre 1993, un troisième calcul a été fait et des informations données au cas il prendrait une retraite volontaire ou une retraite pour invalidité. Le 19 avril 1994, un quatrième calcul lui a été remis avec le 30 juin 1994 comme date de départ. Finalement, le 18 mai 1995, M. St-Laurent a reçu le résultat du calcul approximatif des prestations de pension et des indemnités auxquelles il aurait droit s’il quittait son emploi le 4 novembre 1995. (Tous ces calculs ont été produits en liasse à la pièce 21.)

M. St-Laurent a reconnu que les tâches de chauffeur-manutentionnaire étaient moins onéreuses que celles de chef des Services alimentaires. Comme chauffeur-manutentionnaire, il livrait des colis, le courrier, recevait la marchandise, etc. Lorsqu’il a accepté ce poste, il n’a reçu aucune formation, il n’avait personne sous son autorité et il travaillait seul. M. St-Laurent a expliqué qu’il a accepté cette affectation afin de se rétablir. De plus, il ne voyait aucun autre choix que d’accepter.

M. St-Laurent a aussi expliqué que la compagnie d’assurance SunLife lui a refusé certains avantages à partir du 16 décembre 1996 parce qu’il n’était plus à l’emploi de la fonction publique. Il a ajouté que s’il n’avait pas eu l’accident de travail en mars 1995 et l’opinion du spécialiste en juillet 1995, il n’aurait pas demandé de reporter sa date de retraite.

M. St-Laurent n’a pas contesté la nomination de M. Jean-Paul Maurice au poste de chef des Services alimentaires parce que ce n’était pas à lui de le faire étant donné qu’ils n’avaient pas participé au même concours. M. St-Laurent ne pensait pas avoir le droit d’appel en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. M. St-Laurent n’a rien fait au sujet de l’entente avec M. Lupien entre le 15 juin 1994 et le mois d’octobre 1995 (pièces 1 et 2).

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Decision Page 17 M me Lise Bouthillier est à l’emploi de la fonction publique depuis 1977 et Directrice depuis 1993. Elle a été la Directrice de l’établissement de Cowansville de novembre 1994 jusqu’au 9 mai 1997. Lorsqu’elle a accepté ce poste, elle a pris connaissance de ses effectifs et c’est dans ce cadre-là qu’elle a été informée du dossier de M. St-Laurent. Il venait à tous les jours dans la bâtisse elle travaillait. Elle le voyait régulièrement et ils se saluaient en se croisant. Lorsqu’elle a reçu la lettre de M. St-Laurent du 20 octobre 1995 (pièce 2), elle a compris qu’il voulait reporter la date de sa retraite. Cependant, elle ne savait pas ce à quoi il faisait référence. M. St-Laurent ne lui a jamais fait part « des raisons que vous connaissez ».

M. Jean-Marc Beauregard était le premier palier de la procédure des griefs pour M. St-Laurent dans son poste de chauffeur-manutentionnaire; M. Lacasse l’aurait été pour le poste de chef des Services alimentaires et M me Bouthillier pour le deuxième palier. M me Bouthillier n’a pas considéré la lettre de M. St-Laurent du 20 octobre 1995 (pièce 2) comme un grief.

M m e Bouthillier aurait peut-être reconsidéré la date de la cessation d’emploi de M. St-Laurent s’il lui avait fait part de raisons financières ou personnelles. Mais il n’a jamais donné de raisons claires et précises. Il a simplement dit à M. Lacasse qu’il voulait reporter la date de sa retraite parce qu’il se sentait pénalisé à cause de son accident en 1995. M me Bouthillier a vérifié cette affirmation et elle a été informée que cet accident n’avait aucun impact sur les prestations et la pension de M. St-Laurent. Comme M. St-Laurent n’était pas pénalisé, l’employeur a décidé de ne pas reporter la date de sa retraite.

M me Bouthillier a déclaré qu’il n’était pas question de congédiement dans les lettres que M. St-Laurent lui avait adressées; il parlait de l’indemnité de départ. Toutefois, Service correctionnel Canada n’était pas un ministère ciblé à l'égard des coupures annoncées par le gouvernement sauf qu’il y avait possibilité de faire une permutation avec un ministère ciblé permettant un échange entre fonctionnaires. Seul le Sous-commissaire régional avait l’autorité d’accorder le PDA ou PERA. Ces programmes prévoient deux formes de retraite anticipée dans le cadre de la politique de réduction des effectifs. De plus, lorsqu’un agent de correction cesse de travailler dans un poste d’agent de correction (CX) après un ou deux ans, il doit se reclassifier comme CX et se doit de refaire la formation. M. St-Laurent avait cessé d’exercer les

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Decision fonctions de CX en 1969. Il n’a jamais demandé à M le poste de chef des Services alimentaires. De plus, il semblait heureux dans son poste de chauffeur-manutentionnaire.

M me Bouthillier a ajouté que dans le cadre des programmes PDA et PERA, les fonctionnaires avaient reçu une trousse d’information. Les fonctionnaires ont alors indiqué leur intérêt à participer aux programmes. M trentaine ont demandé à être considérés. M voulait retarder la date de sa retraite mais elle ne savait pas les raisons de cette demande. Selon M. Lacasse, M. St-Laurent avait donné comme motif qu’il serait pénalisé. Mais en fait, ce n’était pas le cas.

M me Bouthillier a déclaré que l’entente de juin 1994 (pièce 1) était la première qu’elle voyait de ce genre-là. Elle n’avait aucune raison de questionner cette entente et elle n’avait pas de motifs pour demander la raison pour laquelle M. St-Laurent l’avait rédigée et signée. De plus, elle savait que des fonctionnaires allaient dans des affectations appelées « SAPP », un programme pour les fonctionnaires dont le poste est aboli. Ils sont inscrits au « SAPP » en attendant de prendre leur retraite ou à la fin de leur emploi alors qu'ils savent la date définitive de leur départ de la fonction publique.

En réponse aux questions de M e Grenon, M me Bouthillier a mentionné le cas de M. Fernand Beaulieu qui avait demandé de prendre sa retraite mais en même temps s’était réservé le droit de changer d’idée. Il y avait une note manuscrite à ce sujet dans son dossier. Dans ces circonstances, l’employeur lui a donné le bénéfice du doute et sa retraite a été annulée ou retardée à sa demande. On a aussi mentionné les cas de M. Régis Charles qui a accepté un « SAPP » et est encore à l’emploi de l’établissement de Cowansville vu que sa date de retraite n’est pas encore arrivée, et de M. St-Pierre, un agent de correction à qui on a donné un montant forfaitaire parce qu’il avait une lettre lui garantissant la protection salariale.

M m e Bouthillier a expliqué que ces cas-là étaient différents de celui de M. St-Laurent. M. St-Laurent ne s’est pas réservé par écrit (ou oralement) le droit de ne pas prendre la retraite tel qu’indiqué dans l’entente de juin 1994 (pièce 1). M. St-Laurent avait signé un contrat. Cependant, M me Bouthillier a ajouté que cette Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 18 me Bouthillier de le retourner dans

m e Bouthillier a mentionné qu’une me Bouthillier a compris que M. St-Laurent

Decision Page 19 entente aurait pu être reconsidérée si M. St-Laurent avait souffert un préjudice ou avait été pénalisé par l’entente. L’accident de 1995 ne changeait rien aux prestations auxquelles M. St-Laurent avait droit lors de sa retraite. S'il avait voulu, il aurait pu rencontrer M me Bouthillier pour discuter de ce sujet, mais il ne l’a pas fait. M me Bouthillier a déclaré que si le poste de chef des Services alimentaires qu’occupait M. St-Laurent avant le 1 er août 1994 figure encore à l’organigramme de l’établissement de Cowansville (pièce 24), c’est qu’il n’a pas été aboli.

M. Gilles Lacasse est au service de l’employeur depuis 1974 et à l’établissement de Cowansville depuis 1980. À l’été 1993, il est devenu le Directeur adjoint, Programmes et services, et le surveillant immédiat de M. St-Laurent. M. Lacasse a déclaré que depuis 1992 M. St-Laurent manifestait son intérêt à prendre sa retraite. Le poste qu’occupait M. St-Laurent à la cuisine est un poste clef, indispensable. En avril 1993, M. St-Laurent avait une confirmation de son employeur qu’il devait prendre sa retraite cette année-là. Donc, l’employeur s’est vu dans la situation il devait combler le poste de chef des Services alimentaires et c’est la raison pour laquelle le concours a été tenu en mai 1993 (pièce 22). MM. Marc Morin et Lloyd Gauthier remplaçaient M. St-Laurent pendant ses congés. Le concours a permis d'établir une liste d’admissibilité pour le poste de chef des Services alimentaires mais M. Morin ne s’est pas qualifié et M. Jean-Paul Maurice est arrivé premier pour ce poste à l’établissement de Cowansville. Cela a causé un problème à l’employeur parce que M. Morin, qui était la personne clef à la cuisine pendant les absences de M. St-Laurent, ne s’était pas qualifié pour ce poste et que M. St-Laurent, sous tension nerveuse stress »), disait qu’il ne pouvait pas travailler à la cuisine.

Puis, M. St-Laurent est allé voir M. Lacasse à son retour au travail en novembre 1993 et il lui a dit qu’il se considérait malade mais qu’il n’avait plus de crédits de congé de maladie. M. St-Laurent lui a indiqué qu’il partirait immédiatement s’il recevait une prime de départ ou d’incapacité pour invalidité. Ainsi, M. Lacasse s’est demandé s’il pouvait le réintégrer à la cuisine dans les circonstances. M. Lacasse lui a répondu qu’il ferait des démarches à ce sujet et a suggéré que M. St-Laurent fasse de même. De plus, M. St-Laurent était ouvert à l'idée de travailler ailleurs que dans la cuisine. Donc, M. Lacasse a appelé M. Lupien pour proposer un poste au magasin à M. St-Laurent pour raison médicale et M. Lupien a accepté cela (pièce 23) à condition

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Decision Page 20 que l’affectation soit à court terme et que M. St-Laurent prenne sa retraite vu que ce dernier voulait une protection salariale. Comme administrateur, M. Lacasse avait deux problèmes: M. St-Laurent qui se disait malade et qui ne voulait pas rester à la cuisine, et M. Morin qui avait échoué au concours alors que les opérations devaient continuer pour nourrir les 500 détenus. M. Lacasse en est arrivé à la conclusion, et cela de bonne foi, que M. St-Laurent voulait prendre sa retraite dans un avenir prochain. Donc, M. Lacasse a planifié la relève de ce poste clef. M. St-Laurent lui avait mentionné qu’il utiliserait ses congés de maladie, après quoi, il prendrait sa retraite. Il faisait continuellement des calculs de prestations de pension. Dans son secteur, très peu de fonctionnaires (quatre ou cinq) demandaient des calculs et de l’information au sujet de la retraite. Donc, les demandes de calcul de M. St-Laurent étaient sérieuses.

Lorsque M. St-Laurent a conclu l’entente de juin 1994 (pièce 1), M. Lacasse a comblé le poste de chef des Services alimentaires. Comme l’employeur ne pouvait avoir deux personnes dans le même poste, M. Lupien a insisté pour que M. St-Laurent mentionne une date de retraite. Selon M. Lacasse, M. Lupien était très hésitant lorsque M. St-Laurent a fait, par écrit, sa demande de retraite pour le 4 novembre 1995 (15 mois). M. Lacasse a expliqué que la protection salariale de 15 mois était le problème. Lorsque M. St-Laurent occupait le poste de chauffeur-manutentionnaire, il avait l’air satisfait et il a dit à M. Lacasse qu’il était très heureux dans ses nouvelles fonctions. De plus, M. Lacasse n’a eu aucune réaction de M. St-Laurent lorsque M. Maurice a été nommé au poste de chef des Services alimentaires.

Suite à la demande du 20 octobre 1995 (pièce 2) de reporter la date de retraite, M. Lacasse a rencontré M. St-Laurent dans les deux semaines qui ont suivi le 3 novembre 1995. Le but de la rencontre était d’obtenir les motifs de sa demande. M. St-Laurent l'a informé que c’était à cause de son accident de travail, lequel mettait en question l’entente. Toutefois, M. St-Laurent n’a pas élaboré à ce sujet; il n’a pas expliqué comment cela le pénalisait. M. Lacasse l’a questionné à ce sujet mais il n’a pas obtenu de réponse. Donc, il est allé consulter « les Relations de travail » qui lui ont répondu que cet accident n’avait aucun impact sur la retraite de M. St-Laurent. M. Lacasse en a conclu que M. St-Laurent avait une entente avec l’employeur et il avait pris le meilleur de cette entente. Il avait la protection salariale pendant 15 mois et puis à la fin de cette entente, il voulait la modifier. M. Lacasse a déclaré que d’autres Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 21 fonctionnaires dans des situations semblables avaient accepté de changer de poste pour cause de tension nerveuse ou autre condition sans protection salariale. M. St-Laurent voulait prendre sa retraite. Il a produit de nombreuses lettres demandant des calculs et de l’information au sujet de sa retraite en vertu de différents programmes. Le cas de M. St-Laurent n’a rien à voir avec un réaménagement des effectifs. Il a été affecté à un autre poste parce qu’il avait dit qu’il était sous tension nerveuse. Donc, il n’était pas question d’un SAPP. Un SAPP est offert lorsqu’un fonctionnaire est proche de sa retraite et que son poste est devenu excédentaire ou en danger, ce qui n’était pas le cas de M. St-Laurent puisque son poste était un poste clef et que l’employeur ne pouvait pas le supprimer. Donc, M. St-Laurent n’avait aucun droit à une indemnité cash-out »). M. Lacasse a déclaré que M. St-Laurent, qu'il connaît depuis 1980, avait déjà été, entre 1980 et 1989, représentant syndical pour les fonctionnaires de la cuisine.

M. Lacasse a ajouté qu’il est nécessaire de passer un examen médical pour avoir des prestations d’invalidité et c’est pour cette raison que l’employeur a demandé à M. St-Laurent de divulguer son dossier médical (pièce 23). C’est M. St-Laurent qui a parlé de prendre une retraite pour incapacité et c’est aussi la raison pour laquelle l’employeur a cherché à le placer dans un autre poste en attendant la retraite. Une entente ou protocole de détachement est chose courante et c’est le fonctionnaire qui rédige cette entente. Il y en a avec ou sans protection salariale. M. Lupien a été surpris et choqué lorsqu’il a vu la demande (entente) de M. St-Laurent laquelle portait sur 15 mois de protection salariale. Selon M. Lacasse, la plupart des cas de protection salariale sont accordés parce qu'il y a eu un réaménagement des effectifs et que le fonctionnaire est touché. M. Lacasse a mentionné les cas de MM. Denis Paradis et Robert Boulet.

M m e Françoise Nittolo a témoigné qu’elle est à l’emploi de Service correctionnel Canada depuis 1984 et elle a 28 ans de service dans la fonction publique. Elle est la Gestionnaire régionale, Rémunération et avantages, et elle s’occupe d’environ 3 600 fonctionnaires permanents dans la région du Québec. Elle a identifié les calculs des prestations de pension de M. St-Laurent produits en preuve (pièce 21). Ces documents ont été préparés à la demande de M. St-Laurent comme ils le sont lorsqu'un fonctionnaire en fait la demande et qu'il/elle va prendre sa retraite dans les 12 prochains mois. En général, une telle demande n’est faite qu’une ou deux fois et vers Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 22 la fin de la carrière du fonctionnaire. Depuis la retraite de M. St-Laurent, M me Nittolo a discuté avec lui au sujet de sa pension de retraite et d’assurance-invalidité. De plus, un fonctionnaire du Service correctionnel Canada qui a atteint l’âge de 45 ans peut demander d’assister à un cours de préretraite et un calcul de ses prestations est fait automatiquement à ce moment-là.

Plaidoiries M e Agnès Lévesque, procureure de l’employeur, a plaidé ce qui suit. Elle a commencé par passer en revue la preuve. Une entente a été conclue en juin 1994 (pièce 1) en vertu de laquelle M. St-Laurent prendrait sa retraite le 4 novembre 1995 et son salaire serait protégé pendant cette période de 15 mois. Cette protection salariale équivalait à 18 000 $. C’est M. St-Laurent qui a préparé la lettre du 15 juin 1994 et M. Lupien a été surpris par la période de 15 mois. Il s’attendait à une période de 12 mois. Si M. St-Laurent se sentait obligé de signer cette entente, il aurait présenter un grief à ce moment-là. De toute façon, c’est M. St-Laurent qui a choisi la date du 4 novembre 1995. M. St-Laurent a déclaré que la lettre du 20 octobre 1995 (pièce 2) constitue son grief. M. St-Laurent n’a pas demandé à rencontrer M me Bouthillier pour discuter de sa demande de reporter la date de sa retraite et il n’a jamais fourni de raisons précises à l’appui de cette demande.

Le 11 décembre 1995 (pièce 5), M. St-Laurent a semblé dire que c’est l’accident de travail et la rechute du 28 juillet 1995 qui seraient être la raison de sa demande. Selon M e Lévesque, même si on considère cette lettre du 11 décembre 1995 comme le grief en question, ce grief a été présenté hors délai. De plus, ni la lettre du 20 octobre 1995 (pièce 2) ni celle du 11 décembre 1995 (pièce 5) ne parlent de congédiement.

En outre, le 24 octobre 1995 (pièce 19), M. St-Laurent a demandé une prime de départ et non plus on ne parle pas de congédiement. Cette lettre du 24 octobre 1995 suit celle du 20 octobre 1995 de quatre jours. Ainsi, M. St-Laurent se battait sur tous les fronts. En juin 1994, il voulait la protection salariale et sa retraite. En juillet 1995, il n’est pas préoccupé par sa retraite et c’est le 28 juillet 1995 qu’il a eu sa « rechute ». Ce n’est que le 20 octobre 1995 qu’il a décidé de reporter la date de sa retraite mais il ne donne aucun indice quant à la nature du « préjudice » ou des

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Decision Page 23 « pertes » qu’il allègue. De toute façon, ce « préjudice » ou ces « pertes » n’ont pas été causés par l’employeur. M. St-Laurent a essayé de frapper à toutes les portes. Les 19 et 22 juin 1995 (pièces 14 et 15), il a demandé la prime de départ. Cette demande a été réitérée à maintes reprises depuis 1992. La première fois que le mot « congédiement » apparaît, c’est le 17 janvier 1996 (pièce 7) et encore, de façon très vague. M. St-Laurent a déjà été représentant syndical; il connaît la procédure des griefs. Il aurait présenter un grief en bonne et due forme et dans les délais et, s’il trouvait la situation confuse, il aurait pu s’informer. Il a plutôt écrit à M. Perron le 11 décembre 1995 (pièce 5) et à M. Edwards le 17 janvier 1996 (pièce 7). Dans ce dernier document, il se plaint de harcèlement, de discrimination, de saisie-arrêt, etc. De plus, lors de son témoignage, il n’a pas parlé de congédiement.

M e Lévesque en a conclu que M. St-Laurent n’a pas produit de grief; il a simplement essayé de faire changer d’idée à l’employeur. Soudainement, le 20 octobre 1995, il a demandé de reporter la date de sa retraite alors qu’il semblait heureux de l’entente de juin 1994 (pièce 1). À l’appui de son plaidoyer, M e Lévesque a cité les décisions Béliveau (dossier de la Commission 166-2-11937); O’Neill (dossier de la Commission 166-2-3109); et Blackman (dossiers de la Commission 166-2-27134 et 27139).

M e Lévesque a ajouté que je ne suis pas saisie d’un grief parce que M. St-Laurent n’en a pas présenté un et qu'il n’a pas suivi la procédure des griefs. Même la lettre (plainte) du 17 janvier 1996 (pièce 7) ne pourrait être considérée comme un grief parce que M. St-Laurent ne l’a pas mentionnée lors de son renvoi à l’arbitrage et durant son témoignage à cette audience. De plus, cette lettre est datée d’un an après l’annonce de son départ de la fonction publique. Donc, ce « grief » a été présenté hors délai. En conclusion, je n’aurai pas la compétence de statuer sur ce « grief de congédiement ».

M e Jocelyn Grenon a fait valoir ce qui suit. Le formulaire de grief ne comporte aucune obligation au niveau de la forme. C’est le contenu du document qui est important et qui va donner la nature du grief. Ainsi, la forme n’a pas d’importance. M e Grenon a souligné que M me Bouthillier ne s’est pas souciée de la correspondance de M. St-Laurent. L’entente de juin 1994 (pièce 1) était modifiable. Mais, M m e Bouthillier a fait une enquête peu approfondie concernant la demande du 20 octobre 1995 (pièce 2) de M. St-Laurent. M. St-Laurent a déclaré que sa lettre du 20 octobre 1995 constituait

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Decision Page 24 un grief. L’employeur savait et comprenait ce dont il s’agissait. M me Bouthillier et M. Lacasse savaient que M. St-Laurent prenait sa retraite le 4 novembre 1995. Toutefois, la lettre du 20 octobre 1995 demandait de reporter la date de retraite. M e Grenon a reconnu que « cette démarche du 20 octobre 1995 au premier palier de la procédure des griefs » est vague et manque de substance.

Puis, M. St-Laurent a poursuivi dans ses démarches. Il a écrit à M. Jean-Claude Perron le 11 décembre 1995 (pièce 5) et cela constitue le deuxième palier de la procédure des griefs. Ensuite, M. St-Laurent est allé au troisième palier le 17 janvier 1996 lorsqu’il a allégué, pour la première fois, le congédiement. M e Grenon a fait valoir que, même si les lettres du 20 octobre et 11 décembre 1995 (pièces 2 et 5) ne sont pas des griefs, la plainte du 17 janvier 1996 (pièce 7) l’est sûrement.

Quant au niveau des délais, M e Grenon a expliqué que les délais prescrits aux Règlement et règles de procédure de la CRTFP ne sont pas de rigueur. Un simple délai en soi n’est pas une opposition à la compétence de l’arbitre de trancher cette fin d’emploi. L'important est de voir le préjudice causé au fonctionnaire si sa doléance n’est pas entendue par un arbitre en vertu de la LRTFP. De plus, il faut se demander si, dans ce cas, l’employeur a subi ou subira un préjudice si l’arbitre se reconnaît la compétence pour trancher cette dispute. M e Grenon a expliqué que, dans cette affaire, il n’y a aucune preuve de préjudice souffert par l’employeur et les mémoires sont encore vives. Aucun problème n’existe pour obtenir ou recueillir les documents pertinents. Donc, l’arbitre doit pondérer le préjudice causé à l’employeur et celui causé à M. St-Laurent si le grief n’est pas entendu. De plus, il faut juger si le délai est raisonnable. Les Règlement et règles de procédure de la CRTFP prévoient des délais pour la présentation et la transmission de griefs aux différents paliers de la procédure des griefs. Toutefois, ces délais ne sont pas obligatoires parce que les parties et la Commission peuvent les proroger. Donc, le but de ces délais n’est pas de refuser l’accès à l’arbitrage à un fonctionnaire sur une considération d'ordre technique et sur la forme.

M e Grenon a passé la preuve en revue. Il a souligné que l’entente a été conclue en juin 1994 et que M me Bouthillier a déclaré que ce genre d’entente n’est pas immuable. Puis, en juillet 1995, M. St-Laurent souffre une rechute d’un accident, lequel vient modifier sa situation. M. St-Laurent a déclaré qu’il subit une perte

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Decision Page 25 pécuniaire. Il y a une différence du point de vue financier et M m e Bouthillier n’a pas tenu compte de cela. Selon M e Grenon, M m e Bouthillier a été fortement négligente à ce sujet. M. St-Laurent ne devrait pas subir les conséquences de l’insouciance de M m e Bouthillier. M e Grenon a plaidé que le point de départ du grief est la lettre du 20 octobre 1995 (pièce 2). Le 5 décembre 1995 (pièce 4), M me Bouthillier a refusé la demande de reporter la date de la retraite et M. St-Laurent a franchi tous les paliers (MM. Perron et Edwards (pièces 5 et 7)). M e Grenon a ajouté que M. St-Laurent n’avait pas besoin de présenter son grief à une personne en particulier. Il a reconnu que si la lettre du 17 janvier 1996 (pièce 7) constitue un grief, ce dernier est hors délai vu qu’il a été présenté plus de 25 jours après le 5 décembre 1995 (pièce 4), date de la réponse refusant la demande de M. St-Laurent. Mais, encore une fois, l’employeur n’a subi aucun préjudice par ce délai et il n’a pas été pris par surprise. L’employeur a pu faire son enquête et présenter sa preuve. De plus, le délai a été causé par la rechute du 28 juillet 1995. Selon M e Grenon, M. St-Laurent n’est pas le seul responsable de ce délai, compte tenu de sa maladie.

En conséquence, il faut absolument considérer le préjudice causé à M. St-Laurent par le refus de l’employeur et ce dernier n’a subi aucun préjudice. De plus, même si M. St-Laurent a été délégué syndical, il connaissait la procédure des griefs comme un fonctionnaire et il était peut-être d’avis que ce n’était pas la même procédure qui s’appliquait dans son cas. Le fait que le « grief » manque de substance et que la correspondance est vague ne sont pas des raisons pour refuser d’entendre l’affaire. La décision Blackman (supra) n’est pas pertinente parce que dans le cas de M. St-Laurent, l’employeur n’a pas été pris par surprise.

M e Lévesque a répondu que M me Bouthillier a fait des demandes pertinentes et raisonnables dans les circonstances de la demande de M. St-Laurent de reporter la date de sa retraite. Elle a demandé à M. St-Laurent de rencontrer M. Lacasse. M. St-Laurent a été vague dans les raisons qu'il a données pour sa demande et dans les pertes qu’il pourrait subir. Il n’a jamais expliqué la différence entre la retraite du 4 novembre 1995 et une pension d’invalidité. De plus, dans le cas de M. Beaulieu, celui-ci s’est réservé le droit de changer d’idée au sujet de sa retraite.

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Decision Page 26 Les Règlement et règles de procédure de la CRTFP prévoient des délais et ceux-ci doivent être respectés. De plus, on ne doit pas s’attendre à ce que l’employeur garde des documents indéfiniment. Les délais ne peuvent être modifiés que si les parties concluent une entente à ce sujet, ou si une demande est faite à la Commission et que cette dernière en autorise la prorogation.

M e Lévesque a souligné que M. St-Laurent parlait souvent de prendre sa retraite et l’employeur s’est vu dans l’obligation de prévoir sa relève. L’employeur subit un préjudice puisqu’on ne connaît toujours pas les mesures que demande M. St-Laurent. Veut-il revenir à la cuisine ou à la fonction de chauffeur? De plus, M m e Nittolo a témoigné que M. St-Laurent n’a subi aucune sanction en prenant sa retraite le 4 novembre 1995. En plus, il reçoit les prestations de la CSST. M. St-Laurent avait accès à toute l’information qu’il voulait. De toute façon, le « grief » de M. St-Laurent n’est pas plus précis et cela même après deux jours d’audience.

Motifs Le mot « grief » est ainsi défini à l’article 2.(1) de la LRTFP: « grief » Plainte écrite déposée conformément à la présente loi par un fonctionnaire, soit pour son propre compte, soit pour son compte et celui de un ou plusieurs autres fonctionnaires. Les dispositions de la présente loi relatives aux griefs s’appliquent par ailleurs:

a) aux personnes visées aux alinéas f) ou j) de la définition de « fonctionnaire «;

b) en ce qui concerne les licenciements visés aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques ou les mesures disciplinaires portant suspension, aux anciens fonctionnaires, ainsi qu’aux personnes qui auraient eu le statut de fonctionnaires si, au moment de leur licenciement ou suspension, elles n’avaient pas fait partie des personnes visées aux alinéas f) ou j) de la définition de « fonctionnaire ».

Les articles 91.(1) et 92.(1) et (3) de la LRTFP prévoient que: 91.(1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé:

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Decision Page 27 a) par l'interprétation ou l'application à son égard:

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement administratif ou autre —, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

92.(1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur:

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

92.(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Les articles 2.(2), 70.(1), 71.(1), (3) et (5) et 76.(1) des Règlement et règles de procédure de la CRTFP (1993) stipulent ceci:

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Decision Page 28 2.(2) Il n'est pas tenu compte des samedis et des jours fériés dans le calcul des délais spécifiés dans le présent règlement.

70.(1) L'employeur rédige une formule de grief qui indique les renseignements à fournir par le fonctionnaire qui s'estime lésé, à savoir:

a) ses nom et adresse et tout autre renseignement nécessaire à son identification, sauf son numéro d'assurance sociale;

b) un exposé concis de la nature de chaque action ou omission y compris, le cas échéant, le renvoi à la disposition d'une loi ou d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur et concernant les conditions d'emploi, ou à la disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale qui aurait été violée ou mal interprétée, qui permettra de définir la nature de la prétendue violation ou fausse interprétation;

c) la date de chaque action, omission ou situation ayant donné lieu au grief;

d) les mesures de redressement qu'il demande. 71.(1) Le fonctionnaire visé à l'alinéa 92(1)b) de la Loi peut présenter un grief à son supérieur hiérarchique immédiat ou à son chef de service local, sur la formule visée à l'article 70:

a) au premier palier de la procédure applicable aux griefs, si le grief n'a pas trait à la classification, à une rétrogradation ou à un licenciement visés aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) au dernier palier de la procédure applicable aux griefs, si le grief a trait à la classification, à une rétrogradation ou à un licenciement visés aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

71.(3) Le fonctionnaire présente son grief au plus tard 25 jours après le premier en date des jours suivants : le jour il a eu connaissance pour la première fois de l'action, de l'omission ou de la situation à l'origine du grief ou le jour il en a été avisé.

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Decision Page 29 71.(5) Le grief d'un fonctionnaire n'est pas invalide au seul motif qu'il n'a pas été présenté sur la formule approuvée par la Commission selon l'article 70.

76.(1) Le fonctionnaire peut renvoyer un grief à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi en déposant auprès du secrétaire un avis en double exemplaire établi selon la formule 14 de l'annexe, ainsi qu'une copie du grief qu'il a présenté à son supérieur hiérarchique immédiat ou à son chef de service local conformément aux alinéas 71(1)a) ou b) ou aux alinéas 71(2)a) ou b), au plus tard 30 jours après le premier en date des jours suivants:

a) le jour le fonctionnaire reçoit une réponse au dernier palier de la procédure applicable aux griefs;

b) le dernier jour du délai dans lequel le représentant autorisé de l'employeur est tenu selon l'article 74 de répondre au grief au dernier palier de la procédure applicable aux griefs.

M e Grenon a fait valoir que M. St-Laurent a présenté un grief le 20 octobre 1995 (pièce 2) ou le 17 janvier 1996 (pièce 7) contestant un congédiement. Je dois donc examiner en détail la correspondance entre M. St-Laurent et son employeur afin de décider si M. St-Laurent a réellement déposé un grief et, si tel est le cas, s’il l’a déposé dans les délais prescrits? De plus, si ce grief a été présenté hors délai, dois-je proroger le délai de 25 jours prescrit aux Règlement et règles de procédure de la CRTFP afin de lui permettre de le renvoyer à l’arbitrage et de se faire entendre?

Il est clair que les Règlement et règles de procédure de la CRTFP prévoient qu’un grief doit être déposé dans les 25 jours (ouvrables) « après le premier en date des jours suivants: le jour il a eu connaissance pour la première fois de l’action, de l’omission ou de la situation à l’origine du grief ou le jour il a été avisé » (l’article 71.(3)).

Le 21 juin 1994, M. St-Laurent a conclu une entente avec son employeur (M. Lupien) par l’entremise de laquelle il prendrait sa retraite le 4 novembre 1995 (pièce 1). Donc, en 1994, M. St-Laurent sait qu’il va prendre sa retraite le 4 novembre 1995. Puis, le 28 juillet 1995, il tombe « malade ». M. St-Laurent a déclaré qu’à cette date il a consulté un spécialiste qui lui a conseillé de s’absenter pour

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Decision Page 30 cause d’accident de travail. Cet accident lui a donné droit à des prestations de la CSST. Ainsi, le 28 juillet 1995, il apprend qu’il est en situation d'accident de travail et il s’absente pour cette raison. Le 20 octobre 1995 (pièce 2), M. St-Laurent a simplement avisé M me Bouthillier qu’il reportait la date de sa retraite et dans son témoignage, il a ajouté qu’il a voulu reporter la date de sa retraite à cause de sa « maladie » du 28 juillet 1995 et que l’employeur devait connaître les raisons de sa demande « parce qu’ils (l’employeur) avaient son dossier personnel ». M e Grenon a insisté pour que je considère la lettre du 20 octobre 1995 comme le grief déclenchant la procédure de griefs et le renvoi à l’arbitrage. J’ai examiné cette lettre et je conclus que ce n’est pas un grief. Cette lettre n’est qu’un avis de report de date de retraite et aucune mention n’est faite d’un congédiement. Elle ne contient aucun énoncé des faits et de l’action donnant lieu au grief. De plus, même si je considérais cette lettre du 20 octobre 1995 comme un grief, celui-ci aurait été présenté terriblement hors délai. L’entente a été conclue le 20 ou 21 juin 1994 et la « rechute » s'est produite le 28 juillet 1995.

Puis, nous trouvons la réponse de M me Bouthillier à la lettre du 20 octobre 1995. La réponse refusant la demande est datée du 5 décembre 1995 (pièce 4). Cette réponse négative pourrait être le déclencheur d’un grief. Dans un tel cas, un grief pourrait être présenté dans les 25 jours, soit le ou avant le 12 janvier 1996. Le 11 décembre 1995, M. St-Laurent demande l’aide de M. Perron (pièce 5). Cette lettre commence: « ... je demande votre aide pour régler la situation difficile dans laquelle je me trouve ... ». On ne parle pas de congédiement et M. St-Laurent mentionne le refus de reporter la date de sa retraite. De plus, il réfère à l’accident du 28 juillet 1995. Je vais traiter de ce document plus tard dans cette décision.

Le document intitulé « plainte » (pièce 7), lequel est daté du 17 janvier 1996, ressemble à un « grief » sauf qu’il est ambigu et imprécis. Cette « plainte » fait suite à la réponse négative de M. Perron du 9 janvier 1996 (pièce 6). J’ai étudié attentivement cette « plainte » du 17 janvier 1996 et je trouve qu’elle est ambigüe et il semble que M. St-Laurent ne demande pas sa réintégration au travail, ni à tel poste, mais il renvoie quand même à l’article 255 des directives du Commissaire dont l’employeur a sûrement connaissance. Ces directives sont émises par l’employeur et M. St-Laurent allègue qu’il y a eu manquement aux paragraphes A, B, C, D et E de l’article 255. Donc, cette plainte pourrait être considérée comme un grief.

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Decision Page 31 Quant à la question du délai de présentation du grief, je note les faits suivants. Sa « maladie » a eu lieu le 28 juillet 1995 et sa retraite le 4 novembre 1995. Le 20 octobre 1995 (pièce 2), il a annoncé à M me Bouthillier qu’il reportait la date de sa retraite. Ainsi, cet « avis » n’est pas une demande mais « l’annonce d’un fait accompli ». Le 5 décembre 1995, M me Bouthillier lui a rappelé qu’il avait conclu une entente et elle a maintenu la date de la retraite. Le 11 décembre 1995, M. St-Laurent a fait, pour la première fois, une « demande d’aide à l’employeur » (M. Perron) (pièce 5). Le 9 janvier 1996, M. Perron a refusé de changer la date de sa retraite et le 17 janvier 1996, M. St-Laurent a présenté la plainte (pièce 7). Le 5 décembre 1995, M. St-Laurent a pris connaissance du fait que l’employeur refusait de reporter la date de sa retraite. De plus, le 28 juillet 1995, il a eu la « rechute ». M. St-Laurent a témoigné que cette rechute est à l'origine de son désir de reporter la date de sa retraite. Selon lui, l’accident ou la rechute du 28 juillet 1995 changeait la « situation » et donnait lieu à reconsidérer l’entente de juin 1994 (pièce 1). Toutefois, M. St-Laurent n’a pas élaboré à ce sujet. Mais, ce n’est que le 20 octobre 1995 qu’il a annoncé à son employeur qu’il voulait reporter la date de sa retraite et il a écrit cette lettre de façon floue et ambigüe. Le 5 décembre 1995, M me Bouthillier a répondu à cet « avis » en refusant de reporter la date de sa retraite. M. St-Laurent aurait présenter son grief dans les 25 jours ouvrables de cette date, soit vers le 12 janvier 1996. Sa « plainte » du 17 janvier 1996 (pièce 7) est hors délai.

M. St-Laurent n’a donné aucune explication de ce retard. Il a témoigné que la lettre du 20 octobre 1995 (pièce 2) est le grief. M e Grenon est celui qui a proposé de considérer la plainte du 17 janvier 1996 comme le grief. Toutefois, je ne peux ignorer le témoignage de M. St-Laurent qui a clairement déclaré que la lettre à M m e Bouthillier du 20 octobre 1995 forme le grief en question. M. St-Laurent n’a jamais mentionné que la « plainte » du 17 janvier 1996 constituait le grief et il n’a donné aucune raison pour expliquer le délai entre le 5 décembre 1995 et la plainte du 17 janvier 1996. M e Grenon a plaidé en premier que le 20 octobre 1995 M. St-Laurent a déposé son grief au premier ou au deuxième palier. Le 11 janvier 1996, il l’a renvoyé au troisième palier (M. Perron) et le 17 janvier 1996, il l’a transmis au dernier palier (M. Edwards). M. St-Laurent a noté ceci dans le premier paragraphe de sa « plainte » lorsqu’il a écrit: « J’ai communiqué avec tous les paliers de travail ». En août 1989, M. St-Laurent a été désigné premier palier de la procédure des griefs pour les fonctionnaires employés

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Decision Page 32 aux Services alimentaires (cuisine) (pièces 9 et 10). De plus, il appert que M. St-Laurent a assisté au cours intitulé « Griefs du Personnel » de trois heures et demie le 26 septembre 1989 et il a été délégué ou représentant syndical entre 1980 et 1989. Il s’ensuit que M. St-Laurent devait être familier avec le mot « palier » et la procédure des griefs.

Il est aussi intéressant de noter que, selon la preuve, en aucun moment avant le 17 janvier 1996 M. St-Laurent n'a allégué un « congédiement ». Le 19 juin 1995, M. St-Laurent a signé une demande exprimant sa disposition à quitter la fonction publique sous réserve des modalités prévues au PDA ou PERA. M. St-Laurent a déclaré que cette lettre a été préparée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada; c’était une lettre-type (pièce 14). De même, le 22 juin 1995, et même le 24 octobre 1995, M. St-Laurent a réitéré sa demande d’une prime en vertu du PDA ou PERA (pièces 15 et 19). La demande du 24 octobre 1995 (pièce 19) adressée à M. Vignès suit de quatre jours la lettre du 20 octobre 1995 (pièce 2) qu’on me demande de considérer comme le grief. Dans la lettre du 24 octobre 1995, M. St-Laurent a écrit clairement qu’il tient à réitérer sa demande concernant une prime de départ et que n’ayant reçu aucune réponse à ses demandes antérieures à ce sujet, il a « référer son cas à un niveau supérieur ».

Donc, sa « plainte » du 17 janvier 1996 est hors délai. M. St-Laurent a pris sa retraite le 4 novembre 1995, date qu’il a lui-même choisie, et le 5 décembre 1995 il a été clairement informé que l’employeur refusait de reporter la date. Ce n’est que le 17 janvier 1996 qu’il a présenté une « plainte » il mentionne le mot « congédiement ». M. St-Laurent n’a offert aucune explication pour ce délai et aucune preuve n’a été présentée pour justifier une demande de prorogation du délai pour la présentation du grief en vertu de l’article 63 des Règlement et règles de procédure de la CRTFP. Cet article indique que: 63. Par dérogation à toute autre disposition de la présente partie, les délais prévus aux termes de la présente partie, d'une procédure applicable aux griefs énoncée dans une convention collective ou d'une décision arbitrale, pour l'accomplissement d'un acte, la présentation d'un grief à un palier ou la remise ou le dépôt d'un avis, d'une réponse ou d'un document peuvent être prorogés avant ou après leur expiration:

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Decision Page 33 a) soit par une entente entre les parties; b) soit par la Commission, à la demande de l'employeur, du fonctionnaire ou de l'agent négociateur, selon les modalités que la Commission juge indiquées.

La Commission et les arbitres ont eu à se prononcer au sujet des demandes de prorogation en vertu de cet article 63. Dans Rattew (dossier de la Commission 149-2-107), le président suppléant P. Chodos a décidé ce qui suit, aux pages 14 à 16: Le libellé de l’article 83 [63] accorde en fait à la Commission - en présence de motifs valables et suffisants - le pouvoir de libérer une partie des conséquences du non-respect des délais prescrits. On trouve des dispositions semblables dans d’autres lois sur les relations de travail, notamment en ce qui concerne l’arbitrage des droits (paragraphe 45(6) de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario SRO 1990, chap. L. 2 228; alinéas 98e) et f) de la British Columbia Industrial Relations Act, RSBC 1979, chap. 212). Il y a donc une jurisprudence abondante concernant l’application de ces dispositions dans le contexte des relations de travail. En règle générale, l’objet de l’article 83 [63] et des dispositions semblables n’est pas de rendre inopérants les délais sur lesquels les parties se sont mises d’accord dans une convention collective, ou qui figurent dans le Règlement. Ces dispositions visent plutôt à permettre le recours à un redressement prévu par la loi ou une convention collective, nonobstant l’expiration de délais, lorsque l’action contraire entraînerait une injustice. La durée et les motifs du retard doivent peser lourd dans la décision de l’arbitre, tout comme le préjudice qui serait causé à chacune des parties. À cet égard, la Commission signale la décision d’arbitrage rendue récemment dans Corporation of City of Thunder Bay and Canadian Union of Public Employees, Local 87 (1992), 20 L.A.C. (4th) 361 (Charney). Dans cette affaire, la commission d’arbitrage a été appelée à exercer le pouvoir discrétionnaire que lui conférait la Loi sur les relations de travail en Ontario de libérer l’agent négociateur des conséquences du non-respect du délai prévu dans la convention collective pour la présentation d’un grief. L’employé demandait à être réintégré pour le motif qu’il aurait fait l’objet de discrimination à cause de ses handicaps physiques. Bien que la commission ait jugé que la compagnie n’avait pas subi de préjudice quant à sa capacité de défendre ses actions, elle a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire à cause de la durée du retard, soit environ onze mois. Il y a lieu de signaler que la commission est arrivée à cette

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Decision Page 34 conclusion en dépit du fait que le retard était dans une large mesure au syndicat qui représentait l’employé.

Dans l’affaire Stubbe (dossier de la Commission 149-2-114), le vice-président L.M. Tenace avait à trancher un cas semblable. M. Stubbe a été congédié le 11 décembre 1991 et n’a présenté son grief que le 16 mars 1992 (trois mois plus tard). M. Tenace a souligné, à la page 13, que: Il incombait au requérant de convaincre la Commission qu’elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur, notamment en prolongeant le délai prescrit afin qu’il puisse présenter un grief. À mon avis, le requérant ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve. Je ne suis pas convaincu qu’il avait eu quelque intention que ce soit de contester son congédiement avant de saisir la Commission de la présente demande. Toutes ses actions, à mon avis, tendent à le confirmer. J’estime par ailleurs que le témoignage du requérant concernant ses démarches en vue d’obtenir un avis juridique manque de crédibilité.

De plus, M. Stubbe avait été délégué syndical tout comme M. St-Laurent. M. Tenace a ajouté, aux pages 14 et 15: Le préjudice causé aux parties n’est qu’un des facteurs que la Commission doit soupeser lorsqu’elle décide si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire en permettant au requérant de présenter un grief en dépit du fait que le délai prescrit est expiré. Il incombait au requérant d’exercer une diligence raisonnable. À mon avis, la preuve montre qu’il ne l’a pas fait. En réalité, il n’a pas fait valoir ses droits. Aucune preuve convaincante n’a été avancée pour montrer qu’il avait eu l’intention de contester son congédiement. Au contraire, il s’est conduit comme quelqu’un qui comptait simplement accepter d’être congédié. ... Le fait que trois mois plus tard il ait pu changer d’avis n’est pas, à mon avis, un motif suffisant pour que la Commission accède à sa demande. ...

En conclusion, le seul document s’apparentant à un grief auquel se réfèrent M e Grenon et M. St-Laurent est la « plainte » du 17 janvier 1996 (pièce 7), et il est ambigu et imprécis. De plus, cette plainte a été présentée hors délai et M. St-Laurent n’a donné aucune explication de ce retard. Je dois pondérer le préjudice causé à l’employeur et celui que M. St-Laurent pourrait subir si sa « plainte » n’est pas entendue en vertu de la LRTFP.

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Decision Page 35 En juin 1994 (pièce 1), M. St-Laurent a conclu une entente. C’est lui qui a rédigé la lettre du 15 juin 1994 (pièce 1) et qui a décidé de prendre sa retraite le 4 novembre 1995. L’employeur a accepté cette offre le 20 juin 1994 (pièce 1) et en retour M. St-Laurent a été affecté au poste de chauffeur-manutentionnaire avec une protection salariale (18 000 $). Le poste de chauffeur-manutentionnaire était à un niveau salarial bien inférieur à celui de chef des Services alimentaires. Cela en soi témoigne en faveur de l’employeur. Si je considère la plainte du 17 janvier 1996 comme le grief faisant l’objet du renvoi à l’arbitrage en question, M. St-Laurent ne s’est pas « plaint » avant le 17 janvier 1996 et il n’a pas annoncé de problème au sujet de la date de la retraite avant le 20 octobre 1995. C’est M. St-Laurent qui a été négligent et je ne considère pas que son cas mériterait une prorogation du délai en vertu de l’article 63 des Règlement et règles de procédure de la CRTFP.

Je reviens maintenant à la lettre adressée à M. Perron le 11 décembre 1995 (pièce 5). Pour commencer, je note que cette lettre ne parle pas de congédiement mais plutôt d’une demande de reporter la date de sa retraite en raison d’un accident de travail. Le 9 janvier 1996, M. Perron a répondu que « ... la démission n’est pas un acte de volonté unilatéral qui peut être modifié à volonté par l’employé ... » et la date de la retraite est restée inchangée (pièce 6).

Je remarque que, lors de sa plaidoirie, M e Grenon a insisté pour dire que c’est la lettre du 20 octobre 1995 (pièce 2) qui constitue le grief et si cela n’est pas ainsi, c’est la plainte du 17 janvier 1996 (pièce 7) que je dois considérer comme un grief en bonne et due forme. M e Grenon a référé à la lettre du 11 décembre 1995 comme la transmission au deuxième palier de la procédure des griefs. Toutefois, je ne peux pas ignorer la preuve et le fait que la lettre du 11 décembre 1995 a été présentée à l’employeur et à un palier assez élevé. M. Perron était le Sous-commissaire du Service correctionnel Canada. De plus, M e Lévesque a fait valoir que même si on considère cette lettre du 11 décembre 1995 comme le grief en question, ce grief a été présenté hors délai.

La lettre du 11 décembre 1995 peut être considérée comme un grief en vertu des articles 91 de la LRTFP et 70(1) des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993). Par l’entremise de cette lettre, M. St-Laurent a donné son nom et tout renseignement nécessaire à son identification. L’employeur sait de qui il s’agit. De

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Decision Page 36 plus, il a exposé sa situation et le fait qu’il demande que la date de sa retraite soit reportée. En conclusion, la lettre du 11 décembre 1995 est un grief. En outre, ce grief a été présenté dans les délais. Le 20 octobre 1995, M. St-Laurent a demandé que la date de sa retraite soit reportée et ce n’est que le 5 décembre 1995 que M m e Bouthillier a répondu à cette demande en la refusant (pièce 4). Ainsi, la présentation du grief daté du 11 décembre 1995 a été dûment faite dans les délais prescrits en vertu de l’article 71(3) des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993)., c’est-à-dire, dans les 25 jours ouvrables du refus daté du 5 décembre 1995.

Pour ces raisons, la lettre du 11 décembre 1995 est un grief. M. St-Laurent prétend qu’il a été congédié et qu’il a présenté un grief contestant ce « congédiement ». Les parties se sont entendues pour que je décide en premier deux questions préliminaires: (1) M. St-Laurent a-t-il déposé un grief au sens de la LRTFP? et (2) Subsidiairement, ce grief a-t-il été présenté dans les délais prescrits? Je conclus que la réponse aux deux questions est oui.

Vu ma décision affirmative sur ces deux questions en litige préliminaires, il faut maintenant décider si ce grief est arbitrable en vertu de l’article 92 de la LRTFP. Les parties ont choisi de ne pas traiter de cette importante question lors de l’audience des 25 et 26 juin 1997. En conséquence, cette affaire est remise au rôle. Les parties seront dûment informées de la date de la continuation de cette cause.

Muriel Korngold Wexler, président suppléant

OTTAWA, le 5 septembre 1997

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