Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif non disciplinaire) - Incapacité - Maladie mentale - le fonctionnaire s'estimant lésé souffrait d'une maladie mentale chronique qui pouvait être enrayée grâce à des médicaments - à compter de 1990, il est devenu de plus en plus insubordonné parce qu'il avait, semble-t-il, cessé de prendre ses médicaments - au bout du compte, le 4 mai 1992, on a refusé l'accès des lieux de travail au fonctionnaire jusqu'à ce qu'il ait fait l'objet d'une évaluation par Santé et Bien-être social Canada (SBSC) et qu'il ait été jugé apte à retourner au travail - le fonctionnaire a refusé à maintes reprises d'autoriser son médecin à discuter de son état de santé avec SBSC ou d'être examiné par un médecin choisi par SBSC - en dernier ressort, il a remis une évaluation médicale effectuée par un médecin et il a autorisé son médecin à discuter de son état de santé avec SBSC - un psychiatre choisi par SBSC a évalué l'aptitude au travail du fonctionnaire en tenant compte de toutes les circonstances, y compris l'opinion du médecin du fonctionnaire et l'évaluation médicale fournie par le fonctionnaire - le psychiatre a établi que le fonctionnaire était apte au travail avec certaines réserves, c'est-à-dire qu'il devait accepter de suivre un programme de traitement d'une durée indéfinie - le fonctionnaire a constamment refusé de se soumettre à un programme de traitement - par conséquent, l'employeur l'a licencié pour incapacité d'ordre médical - le fonctionnaire a refusé de participer à l'audience ou au processus d'arbitrage - l'arbitre a conclu que, au moment du licenciement, on ne pouvait raisonnablement supposer que le fonctionnaire serait apte à remplir les fonctions de son poste dans un avenir rapproché. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-25616 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE IAN COLIN CAMPBELL fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes)

employeur Devant: Yvon Tarte, président suppléant Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Personne n’a comparu. Pour l’employeur: Roger Lafrenière, avocat Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 19 février 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Le 28 octobre 1993, l’employeur a licencié M. Ian Colin Campbell du poste d’analyste financier régional principal (CO-2) qu’il occupait au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC); le licenciement pour un motif déterminé était fondé sur l’alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

La lettre de licenciement, datée du 28 octobre 1993, était signée par M. Keith Spicer, président du CRTC (pièce E-20). En voici la teneur:

[Traduction] Depuis le mois de mai 1993, vous avez eu l’occasion de décider si vous alliez suivre, pour votre maladie chronique, un programme de traitement reconnu qui vous rendrait apte à retourner au travail. Dans les lettres du 12 et du 18 octobre que vous m’avez envoyées, vous dites que vous ne suivrez pas de programme de traitement et vous demandez plus de temps.

Les renseignements médicaux que Santé Canada m’a transmis sont clairs. Vous êtes « apte avec des limitations », ce qui veut dire que vous êtes capable d’exercer vos fonctions seulement si vous suivez un traitement médical reconnu adapté à votre maladie chronique particulière. Votre refus de suivre un programme de traitement vous rend inapte à remplir les fonctions de votre poste.

Cette situation se poursuit depuis le milieu de 1991. À la lumière de la position que vous avez adoptée dans la lettre la plus récente que vous m’avez envoyée, je ne perçois aucune volonté de votre part de régler la question. Par conséquent, en vertu du pouvoir que me confère la Loi sur la gestion des finances publiques, je suis obligé de vous licencier pour un motif déterminé. Votre dernière journée de travail dans la fonction publique fédérale sera le lundi 1 er novembre 1993. Il s’agit d’une décision que je prends à contrecoeur et uniquement à cause de votre refus de suivre un programme de traitement médical prescrit.

Vous avez le droit de contester cette décision en me présentant, dans les 30 jours, un grief au dernier palier. La procédure de recours vous permet de renvoyer l’affaire à l’arbitrage si vous êtes insatisfait de la réponse au dernier palier.

Le 2 décembre 1993, M. Campbell a contesté son licenciement en déposant le grief suivant:

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Decision Page 2 [Traduction] DÉTAILS DU GRIEF LORSQUE LE GRIEF A TRAIT À UNE CONVENTION COLLECTIVE, À UNE DÉCISION ARBITRALE OU À UN DOCUMENT ADOPTÉ PAR LE CNM; CITER LE (OU LES) ARTICLE(S), LA (OU LES) CLAUSE(S), L’ALINÉA (OU LES ALINÉA S VISÉ(S

Le grief est déposé dans le but de demander le retrait de la lettre datée du 28 octobre 1993 qui a été adressée à Ian Campbell, 10, rue Cornwall, Ottawa (Ontario) K1N 7P8 et qui est signée par Keith Spicer, et de demander que soit rétabli l’emploi dans la fonction publique fédérale de telle sorte qu’il n’y ait aucune interruption d’emploi, avec plein dédommagement pour les pertes de salaire et d’avantages subies.

Les pièces jointes aux présentes font partie intégrante du document et le tout doit donc être considéré comme étant le grief qui est déposé. Aussi, d’autres pièces seront présentées après le dépôt du présent document et celles-ci également doivent être considérées comme faisant parti du grief.

La date de dépôt de ce document est le vendredi 3 décembre 1993. La lettre datée du 28 octobre 1993 mentionnée plus haut prévoit un délai de « 30 jours ouvrables » pour le dépôt [du grief]; le délai expire donc le vendredi 10 décembre 1993, conformément à l’information verbale qui a été fournie à Ian Campbell par David Biggs du CRTC.

Les pièces mentionnées plus haut seront déposées dans la semaine prenant fin le vendredi 10 décembre 1993. Certaines des pièces seront des lettres adressées à des tiers, lesquelles lettres demanderont une réponse ou des réponses à ces tiers. Aucun des tiers n’aura vraisemblablement la chance de répondre avant le 10 décembre 1993. Par conséquent, il faudra plus de temps après le 10 décembre 1993 pour recevoir, examiner et clarifier les réponses des tiers, pour leur demander des informations additionnelles, etc. Ces questions seront discutées avec David Biggs du CRTC au cours de la semaine prenant fin le vendredi 10 décembre 1993.

Afin de préparer certaines des pièces mentionnées plus haut, Ian Campbell aura besoin d’avoir accès à tout le contenu de son bureau, y compris, mais sans se limiter à cela, tout le contenu des données et programmes se trouvant sur l’ordinateur dans son bureau et les informations pouvant être incluses dans les dossiers (ou autres) du Conseil ou dans les archives du Conseil, et d’avoir accès au personnel du Conseil et aux commissaires dans le but de les consulter. Ces besoins en information sont exprimés de façon très générale. Dans la lettre du 4 novembre 1993 (page 2) qu’il a envoyée à Nelligan Power,

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Decision Page 3 David Biggs du CRTC a indiqué que le Conseil n’acquiescerait pas à cette demande. Ce refus du Conseil placerait M. Campbell dans la situation de ne pouvoir préparer une défense appropriée face à l’une ou plusieurs des allégations qui peuvent déjà avoir été faites par rapport à sa situation d’emploi ou qui pourraient l’être à une audience ou des audiences visant à examiner ces questions. Par conséquent, soyez avisé que le refus d’autoriser l’accès requis à l’information sera un des motifs qui pourront être invoqués dans un appel si la réponse au dernier palier, ou la décision rendue à l’arbitrage ou par les tribunaux n’est pas satisfaisante.

Dans une lettre d’Ian Campbell à David Biggs du CRTC datée du 1 er novembre 1993, il est dit [traduction] « Pour le moment je n’ai pas l’intention de comparaître à l’audition du grief au dernier palier... ». Nous confirmons qu’Ian Campbell n’a pas l’intention de comparaître à cette audience.

MESURE CORRECTIVE DEMANDÉE Il est demandé que la lettre datée du 28 octobre 1993 mentionnée dans le premier paragraphe de « B » ci-dessus soit retirée et que l’emploi dans la fonction publique fédérale soit rétabli de telle façon à ce qu’il n’y ait pas eu d’interruption d’emploi, avec plein dédommagement de toutes les pertes de salaire et d’avantages subies.

M. Spicer a rejeté le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 22 février 1994. Il a écrit ce qui suit:

[Traduction] Je vous écris en réponse au grief que vous avez présenté au dernier palier concernant votre licenciement du CRTC pour un motif déterminé. Je suis au courant du matériel présenté à l’appui de votre grief et décrivant votre participation active dans des organismes communautaires. Bien qu’une telle activité soit louable, elle n’a pas de rapport avec la question en cause: votre capacité à travailler au CRTC.

Tel que je l’ai dit dans ma lettre du 28 octobre 1993, les renseignements médicaux que Santé Canada nous a transmis sont clairs. Vous êtes « apte avec des limitations », ce qui veut dire que vous êtes capable d’exercer vos fonctions quand vous suivez un traitement médical reconnu adapté à votre maladie chronique particulière. Avec beaucoup de sympathie et de patience, nous vous avons offert plusieurs occasions et plus de temps qu’il n’en faut pour que vous puissiez entreprendre et suivre un tel programme, qui vous aurait rendu capable de retourner au travail. Votre refus répété de suivre un tel programme de traitement prescrit sans équivoque vous rend

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Decision Page 4 -- compte tenu de la preuve médicale -- inapte à remplir les fonctions de votre poste.

Étant donné que vous continuez à refuser de suivre un programme de traitement reconnu, je dois, avec un profond regret, rejeter votre grief au dernier palier.

L’affaire a été renvoyée à l’arbitrage le 17 mars 1994. Chronologie des événements -- 17 mars 1994 / 19 février 1996 Étant donné que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas comparu à l’audition de son renvoi à l’arbitrage le 19 février 1996 et compte tenu du laps de temps exceptionnellement long qui s’est écoulé entre le renvoi de l’affaire en mars 1994 et l’audience effective en février 1996, il importe d’expliquer les divers rebondissements qui ont marqué ce dossier sur une période de près de deux ans.

Lors du renvoi de son grief à l’arbitrage, M. Campbell a fait savoir qu’il serait représenté par un avocat dont il a communiqué le nom.

L’affaire devait initialement être entendue du 11 au 13 juillet 1994. Lorsque la Commission inscrit une affaire au rôle, elle informe les parties du moment et du lieu de l’audience longtemps à l’avance. Le 13 mai 1994, l’avocat du fonctionnaire a écrit à la Commission pour demander que l’audience soit reportée au mois de septembre 1994, parce que ni lui ni M. Campbell n’étaient libres aux dates fixées en juillet. Dans sa lettre, l’avocat disait également que le fonctionnaire serait à l’étranger de la mi-septembre jusqu’au 28 septembre 1994. L’affaire a donc été reportée et devait être entendue du 5 au 7 septembre 1994.

Au milieu du mois de mai 1994, l’avocat du fonctionnaire a de nouveau demandé le report de l’audience à octobre 1994 puisqu’il semblait que son client, M. Campbell, serait également à l’étranger au début de septembre. Le 19 mai 1994, la Commission a proposé d’instruire l’affaire du 3 au 5 octobre 1994.

Le 26 septembre 1994, l’avocat du fonctionnaire a avisé la Commission qu’il ne représenterait plus ce dernier. Le 28 septembre 1994, M. Campbell a écrit à la Commission pour confirmer qu’il ne serait plus représenté par un avocat et pour demander que son grief ne soit pas instruit du 3 au 5 octobre 1994. Il a écrit ce qui suit

[Traduction] Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 Je vous écris pour vous informer que M e Dougald E. Brown, de Nelligan Power, n’est plus mon représentant en ce qui concerne le litige concernant mon emploi au CRTC. Vous trouverez ci-joint copie de la lettre datée du 26 septembre 1994 que j’ai envoyée à M e Brown pour l’informer de ma décision. Je suis au courant que l’affaire 1. 166-2-25616: I.C. Campbell sera entendue du 3 au 5 octobre 1994 à 9 h 30, à l’immeuble C.D. Howe, 240, rue Sparks, Tour ouest, 7 e étage, Ottawa (Ontario).

Pour de nombreuses raisons, je ne pense pas que la Commission puisse tenir une audition équitable de l’affaire en ce moment. J’ai rédigé cette lettre sans l’aide d’un avocat, alors il se peut qu’elle contienne des idées erronées, des omissions, etc. qui auraient pu être corrigées si j’avais consulté un avocat. Les raisons auxquelles je pense sont les suivantes: 1. le CRTC et divers professionnels de la santé (y compris ceux de Santé et Bien-être social Canada, entre autres) n’ont pas fourni des informations en leur possession (ou gardées ailleurs mais auxquelles ils ont eu accès) qui sont apparemment directement reliées à l’affaire dont la Commission se trouve saisie; 2. aucun fonds n’a été mis à la disposition de la partie « I.C. Campbell » pour lui permettre de rembourser l’avocat et les témoins de leurs frais; 3. des actions en justice, devant les cours fédérales et provinciales, n’ont pas été entreprises en vue d’obtenir de l’« information » (le succès de ces actions ne pouvait être assuré, leurs coûts auraient pu être élevés, et il était impossible d’estimer raisonnablement le temps qu’il aurait fallu prévoir pour obtenir des résultats); 4. la transcription électronique de l’audience (essentielle en raison de l’apparente complexité de l’affaire) n’est apparemment pas permise par la Commission (cette transcription est possible si les deux parties conviennent des modalités et partagent le compte rendu entre elles et avec la Commission, et si la partie qui demande le service accepte d’assumer tous les coûts); 5. la Commission ne jugerait probablement pas bon de tenir son audience d’une manière « non continue », comme la partie « I.C. Campbell » aurait probablement besoin que cela se fasse, parce qu’elle veut réduire les coûts au minimum (les experts consultés sur place sont beaucoup plus coûteux et moins efficaces que ceux que l’on consulte à leur bureau et auxquels on donne le temps de réfléchir, de faire des recherches, d’étudier le compte rendu électronique, de préparer des interrogatoires, de préparer des questions de suivi, de préparer des répliques, etc.); et 6. d’autres raisons qui deviendraient rapidement évidentes si on examinait en profondeur les besoins de la partie « I.C. Campbell » à l’égard de l’audience.

Parce que j’estime que la Commission ne peut tenir une audience équitable en ce moment, je demande le report de l’audience.

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Decision Page 6 Par une autre lettre datée du 28 septembre 1994, M. Campbell a demandé que l’affaire soit renvoyée à la médiation. Une fois de plus l’audition du grief du fonctionnaire a été retardée et l’affaire a été renvoyée aux services de médiation de la Commission.

Les tentatives de médiation ont échoué et l’affaire a donc de nouveau été portée au rôle, cette fois en vue de son audition les 25 et 26 mai 1995. Le 7 avril 1995, l’employeur a demandé que l’affaire soit reportée, car il était déjà prévu que son avocat dans cette affaire devait le représenter dans d’autres affaires à Edmonton au cours du mois de mai.

En juin 1995, la date de l’audition du grief de M. Campbell a été fixée au 28 et 29 septembre 1995. Une fois de plus, l’employeur a fait savoir que son avocat n’était pas libre. Les dates du 12 et du 13 octobre 1995 ont ensuite été retenues pour l’audience.

Le 6 octobre 1995, M. Campbell a de nouveau demandé le report de l’audience: [Traduction] Je demande que cette affaire soit reportée. Les raisons de la demande sont les suivantes: (1) le manque d’argent en ce moment; (2) le manque d’information pour le moment; (3) la complexité apparente de l’affaire; (4) le fait que l’affaire pourrait se régler par la médiation (toujours en cours); (5) d’autres raisons qui deviendraient évidentes une fois la procédure en marche.

Je serai à l’extérieur de la ville les 10 et 11 octobre 1995. Je suggère, toutefois, qu’une nouvelle date d’audience ne soit pas fixée immédiatement.

Le secrétaire de la Commission a refusé la demande de M. Campbell. Il a donné instruction au fonctionnaire d’adresser sa demande directement à l’arbitre au début de l’audience le 10 octobre 1995.

Le fonctionnaire n’a pas comparu le 10 octobre 1995. M e Lafrenière a présenté une motion pour que l’affaire soit entendue en l’absence de M. Campbell. Un peu à contrecoeur, j’ai ajourné l’audience et fait savoir qu’une nouvelle date serait fixée, auquel moment j’entendrais l’affaire quelles que soient les circonstances. Le 10 octobre 1995, l’affaire a donc une fois de plus été reportée, aux 19-21 février 1996 cette fois.

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Decision Page 7 Le 12 janvier 1996, le fonctionnaire a présenté à la Commission une courte note et le brouillon d’une lettre datée du 14 décembre 1995 dans laquelle il réitère son point de vue selon lequel la Commission ne peut tenir une audience équitable si un des côtés n’a pas les fonds nécessaires pour présenter sa preuve. La dernière lettre de M. Campbell a donné lieu à la réponse suivante de l’avocat de l’employeur:

[Traduction] Nous avons bien reçu votre lettre en date du 17 janvier 1996. J’ai eu l’occasion d’examiner avec mon client la lettre que vous avez reçue du fonctionnaire s’estimant lésé et je tiens à faire les observations suivantes.

À la dernière date à laquelle l’audience avait été fixée, le 10 octobre 1995, j’ai revu avec le président suppléant Y. Tarte la chronologie de ce grief. Selon notre dossier, l’affaire a été renvoyée à l’arbitrage le 17 mars 1994 et l’audience devait initialement avoir lieu du 3 au 5 octobre 1994. Dans une lettre datée du 28 septembre 1994 adressée à la Commission, le fonctionnaire a soulevé la question du “financement” comme un des motifs justifiant le report de l’audience. L’affaire a été reportée sur consentement et les parties ont convenu de renvoyer l’affaire à la médiation.

Subséquemment, ces tentatives de médiation se sont révélées infructueuses et la Commission a fixé de nouvelles dates pour l’audience, d’abord en avril 1995 et ensuite les 28 et 29 septembre 1995. Parce que l’avocat de l’employeur n’était pas libre, l’audience a été reportée aux 10 et 11 octobre 1995. J’ai personnellement parlé au fonctionnaire avant l’audience pour lui demander s’il allait demander un report de l’audience, car j’avais pris des dispositions pour faire comparaître un médecin expert. Il m’a assuré qu’il ne demanderait aucun report. En dépit de cela, quelques jours avant l’audience, le fonctionnaire a de nouveau demandé que l’audience soit reportée. La Commission, par une lettre en date du 6 octobre 1995, a refusé cette demande.

Le 10 octobre 1995, le fonctionnaire ne s’est pas présenté à l’audience. Le président suppléant Tarte m’a remis copie d’une lettre en date du 6 octobre 1995 adressée à la Commission dans laquelle le fonctionnaire demandait une fois de plus que l’audience soit reportée. Encore une fois, le fonctionnaire a mentionné le manque d’argent comme l’une des raisons de sa demande.

À contrecoeur, M. Tarte a ajourné l’audience et ordonné qu’une nouvelle date d’instruction soit fixée immédiatement et impérieusement. Le jour même, la Commission a envoyé aux deux parties une lettre confirmant que l’affaire serait

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Decision Page 8 instruite du 19 au 21 février 1996. Trois mois plus tard, le 17 janvier 1996, la Commission a reçu la dernière demande de report. Une fois de plus, le fonctionnaire invoque le manque d’argent pour demander un autre report. Il fait également allusion à la médiation.

Il y a lieu de signaler que le fonctionnaire soulève la question du manque d’argent depuis qu’il a renvoyé son avocat en septembre 1994. Rien n’a changé depuis, pas plus que le fonctionnaire n’a expliqué en quoi un report lui serait profitable. La Commission et l’employeur n’ont ni le pouvoir ni l’obligation de fournir une assistance financière au fonctionnaire.

Mon client m’informe que les tentatives de médiation ont échoué il y a quinze mois et qu’il n’est pas intéressé à retourner à la table de médiation. Un report ne donnera rien d’utile à cet égard.

Par conséquent, l’employeur demande respectueusement que le report soit refusé. Nous demandons également que la Commission réitère au fonctionnaire les conséquences de son défaut de comparaître le 19 février 1996. Si le fonctionnaire présente de nouvelles observations, j’aimerais avoir la possibilité d’y répondre.

Une copie de la lettre de l’employeur a été envoyée à M. Campbell le 26 janvier 1996. Un des agents du greffe de la Commission a avisé le fonctionnaire, en des termes non équivoques, que l’affaire serait entendue en son absence s’il décidait de ne pas comparaître le 19 février 1996:

[Traduction] La présente fait suite à notre réunion du 23 janvier 1996 et à votre lettre datée du 14 décembre 1996 concernant l’affaire citée en rubrique.

En ce qui a trait au manque de fonds que vous invoquez, tel que je vous l’ai expliqué précédemment, vous pouvez vous représenter vous-même ou vous pouvez retenir l’aide d’un représentant, y compris un avocat. La responsabilité de retenir un représentant, le coût que cela représente ainsi que les autres coûts afférents incombent à chaque partie. La Commission n’a pas le pouvoir d’assumer les coûts d’une partie.

Si vous avez besoin de conseils juridiques, les résidants de l’Ontario peuvent maintenant bénéficier d’une consultation gratuite d’une demi-heure avec un avocat. Ce service est offert sous l’égide du Barreau du Haut-Canada. Le numéro

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Decision Page 9 sans frais à composer, depuis l’indicatif régional 613, est 1-800-268-8326. Le service est offert du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h.

Pour ce qui est de votre désir de reprendre le processus de médiation, M e Lafrenière, dans sa lettre du 18 janvier 1996, a clairement indiqué que l’employeur n’était nullement intéressé à retourner à la table de médiation.

Quant à la possibilité que la Commission [...] révise ses procédures d’audience afin de déterminer s’il y a lieu d’apporter des changements procéduraux dans le but d’assurer l’équité du processus; et dans d’autres domaines que la Commission devrait normalement connaître [...] la Commission, dans l’application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et des Règlement et règles de procédure adoptés en vertu de celle-ci, est tenue de le faire d’une manière juste, ouverte et impartiale.

Comme je l’ai déjà expliqué dans la lettre du 22 janvier 1996, je vous rappelle que toute observation concernant cette affaire doit être adressée à l’arbitre désigné pour instruire ce grief, dont l’audition aura lieu tel que prévu du 19 au 21 février 1996 à Ottawa.

Tel qu’il vous a été expliqué à notre dernière réunion du 23 janvier 1996, l’arbitre a fait savoir que vous deviez être prêt à comparaître à la reprise de l’audience, car l’affaire sera instruite avec ou sans vous. Si vous ne comparaissez pas, l’arbitre tranchera l’affaire en se fondant sur la preuve et les observations qui lui auront été présentées sans vous signifier d’autres avis.

Le 19 février 1996, M. Campbell ne s’est pas présenté à l’heure et au lieu fixés pour l’audition de son grief. J’ai permis à l’employeur de présenter sa preuve en son absence. M. Campbell a eu toutes les possibilités raisonnables de comparaître, de répondre à la preuve de l’employeur et, si nécessaire, de faire valoir ses propres arguments. Son refus de comparaître ne peut servir à bloquer le système de manière à garder l’affaire indéfiniment en suspens selon son caprice et comme bon lui semble.

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Decision Page 10 LA PREUVE Lors de son licenciement, M. Campbell était analyste financier régional principal (CO-2). La description de son travail, qui consiste essentiellement à analyser les documents présentés au CRTC par les requérants et les détenteurs actuels de licences, a été produite en preuve sous la cote E-1.

M. Doug Wilson, présentement analyste principal des politiques financières au CRTC, connaît le fonctionnaire depuis 1980. M. Wilson était le superviseur de M. Campbell de 1990 à 1993.

À la fin de 1984, selon M. Wilson, le fonctionnaire a fait une dépression nerveuse à la suite de laquelle il est disparu du bureau pendant une semaine. La détérioration de la conduite et du rendement de M. Campbell a incité M. Wilson à mettre ses préoccupations en évidence dans une note de service qu’il a adressée à M. Horan, directeur général du Personnel au CRTC (pièce E-2), ainsi que dans une note versée au dossier (pièce E-3), toutes deux datées du 11 avril 1985. M. Wilson a souligné le fait que, jusqu’au milieu des années 1980, le fonctionnaire avait été traité au Royal Ottawa Hospital pendant une période d’environ trois mois. On lui a prescrit des médicaments en lui disant qu’il lui faudrait les prendre indéfiniment. Après son retour au travail à la fin de novembre 1985, M. Campbell a repris son travail d’une manière satisfaisante jusqu’au début de 1990, lorsque les problèmes qui s’étaient produits en 1984-1985 ont refait surface.

Dans le but de comprendre ce qui se passait, M. Wilson s’est entretenu avec M. Wooles, un ami du fonctionnaire, qui lui a dit que M. Campbell avait cessé de prendre ses médicaments.

En mai 1991, M. Wilson a écrit à M. Robert Tyre, alors directeur général, Analyse de l’industrie, au CRTC, une longue note de service lui expliquant les problèmes rencontrés. M. Campbell était devenu de plus en plus insubordonné.

Entre mai et octobre 1991, diverses sanctions disciplinaires, allant d’une lettre de réprimande à une suspension de cinq jours, ont été infligées à M. Campbell. L’imposition de ces mesures disciplinaires n’a pas semblé avoir d’effet salutaire sur le rendement du fonctionnaire au travail.

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Decision Page 11 En octobre 1991, des conditions d’emploi spéciales ont été imposées à M. Campbell (pièce E-8). M. Wilson a témoigné que, bien qu’une telle mesure fût exceptionnelle, la gravité de la situation exigeait des mesures draconiennes.

Le 19 décembre 1991, l’employeur a suspendu M. Campbell pour dix jours à la suite d’incidents équivalant à un grave manquement à ses nouvelles conditions d’emploi. En mars, avril et mai 1992, les problèmes de comportement et de rendement persistants de M. Campbell (pièce E-11) ont incité M. Wilson à discuter avec M. Tyre de la possibilité de renvoyer le fonctionnaire en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, dans sa forme de l’époque.

À peu près à ce moment-là, l’employeur a appris que M. Campbell avait retenu les services d’un avocat pour le représenter dans ses rapports avec lui.

Le 4 mai 1992, M. Tyre a avisé M. Campbell (pièce E-12) qu’il était placé en congé non payé et qu’il lui était interdit de se présenter au lieu de travail jusqu’à ce qu’il ait rempli les conditions suivantes:

[Traduction] 1. Vous communiquerez avec la clinique de la fonction publique administrée par Santé et Bien-être social Canada (954-6583) et prendrez rendez-vous pour y subir un examen médical et psychologique;

ou 2. Vous communiquerez directement avec le D r Lloyd-Jones (954-6579) pour y prendre les arrangements et subir les examens qu’elle et le D r Carrier jugeront indiqués, et ce, afin qu’ils puissent évaluer votre aptitude à retourner au travail.

D’ici à ce que SBSC ait fait son évaluation et jugé que vous êtes apte à retourner au travail, vous ne devez pénétrer dans aucun local du CRTC. Vous serez réputé être en congé non payé pendant cette période. Toutefois, si vous désirez demander un congé de maladie payé et si votre demande est accompagnée d’un certificat médical, celle-ci sera accueillie favorablement.

Si SBSC vous juge apte à retourner au travail, soit maintenant soit plus tard, nous examinerons la question de votre absence en congé non payé et d’autres mesures administratives appropriées.

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Decision Page 12 Pour communiquer avec le Conseil d’ici à ce que cette affaire soit réglée à notre satisfaction, vous devrez passer par votre avocat, M e D. Brown. Il peut communiquer avec M. D. Biggs, chef, Relations de travail et sécurité, au 997-4294.

À la mi-juin 1992, à la demande de l’avocat du fonctionnaire et avec l’approbation des médecins de Santé et Bien-être social Canada (SBSC), M. Campbell a été placé en congé de maladie avec attestation du médecin à compter du 4 mai 1992. Le D r Carrière (SBSC) a exprimé l’avis que le fonctionnaire souffrait d’épisodes psychiatriques. L’avocat de M. Campbell a avisé l’employeur que son client était malade. Au début d’octobre 1992, M. Biggs, chef des Relations de travail et de la sécurité au CRTC, a écrit à M e Brown, l’avocat du fonctionnaire, pour lui signaler que ce dernier n’avait pas encore fourni l’évaluation médicale de son aptitude à travailler (pièce E-22). Le fonctionnaire a en outre été avisé que ses crédits de congé de maladie seraient épuisés à la mi-novembre s’il continuait de les utiliser. Enfin, il a été signalé que M. Campbell était dans une situation lui permettant de présenter une demande d’assurance-invalidité et peut-être aussi une demande de pension au titre du RPC.

Le 15 décembre 1992, M. Biggs a écrit ce qui suit à M e Brown (pièce E-23): [Traduction] Dans la lettre précédente que je vous ai envoyée au sujet de M. Ian Campbell, la date du 23 octobre a été fixée pour l’observation de certaines conditions. Comme je n’ai pas reçu de réponse de M. Campbell à cette lettre, je dois supposer qu’il n’y répondra pas.

Par conséquent, d’ici le 31 décembre 1992, M. Campbell doit produire une lettre d’un médecin qui le traite déclarant qu’il est apte travailler]. S’il est ainsi déclaré apte, il remettra aux médecins de la clinique de la fonction publique (SBSC) une autorisation leur permettant de communiquer avec ses médecins. Ce sont les médecins de SBSC qui détermineront si M. Campbell est capable de remplir ses fonctions.

S’il refuse de signer l’autorisation ou de fournir une lettre déclarant qu’il est apte au travail, les médecins de SBSC lui feront subir un examen psychologique complet. Un rendez-vous a été pris pour M. Campbell le 24 janvier 1992 à 15 h, avec le D r Carre, Suite 1602, 40, Driveway. Si M. Campbell ne répond pas avant le 31 décembre 1992, le Ministère estime qu’il n’aura d’autre choix que de prendre des mesures appropriées.

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Decision Page 13 En janvier 1993, M. Campbell avait présenté plusieurs griefs à son employeur. Il ne semblait cependant aucunement pressé à résoudre ces questions, non plus qu’il n’acceptait que les médecins de SBSC lui fassent subir un examen médical. Le 11 janvier 1993, le fonctionnaire et son avocat ont tous deux été avisés (pièces E-24 et E-25) que M. Campbell serait réputé avoir abandonné son poste s’il ne se présentait pas à un rendez-vous avec le D r Carre de SBSC dans l’après-midi du 14 janvier 1993. M. Biggs a expliqué que l’employeur tentait maintenant cette approche en vue de forcer le fonctionnaire à subir un examen médical puisque rien d’autre ne semblait fonctionner.

Le jour qui avait été fixé pour le rendez-vous, M e Brown a écrit à l’employeur (pièce E-26) pour l’informer que M. Campbell avait remis au D r Carre une évaluation psychologique qu’avait préparée un certain D r Taylor à la demande du fonctionnaire. M e Brown a en outre fait savoir que son client était seulement prêt à se faire examiner par le D r Carre en présence du D r Sendbuehler, le médecin traitant de M. Campbell. Le 21 janvier 1993, le D r Mohanna, directeur médical des Services de la santé au travail et de l'hygiène du milieu, Santé et Bien-être social Canada (SBSC), a avisé l’employeur que la condition de M. Campbell, à savoir que son médecin traitant soit présent à l’examen, était inacceptable.

Au début de février 1993, M. Biggs a informé M e Brown (pièce E-30) et M. Campbell (pièce E-31) que l’employeur était prêt à essayer une autre fois à faire subir un examen médical à M. Campbell. Le rendez-vous a été fixé au 17 février 1993. Si le fonctionnaire ne s’y présentait pas, de souligner M. Biggs, l’employeur serait obligé de prendre des mesures administratives appropriées.

Le 12 février 1993, M e Brown a écrit la lettre suivante à M. Biggs (pièce E-32): [Traduction] Je vous écris en réponse à la lettre que vous m’avez adressée le 3 février 1993 et concernant la lettre datée du 8 février 1993 que vous avez envoyée à M. Campbell.

En ce qui concerne, premièrement, votre lettre du 8 février 1992 à M. Campbell, je n’accepte pas que ce dernier ait imposé des conditions qui ont été jugées inacceptables au médecin de SBSC chargé de l’examen.

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Decision Page 14 Dans la lettre en date du 15 décembre 1992 que vous m’avez adressée, vous demandez que M. Campbell fournisse une lettre le déclarant apte à travailler et une autorisation permettant aux médecins de la clinique de la fonction publique de SBSC de communiquer avec les médecins de M. Campbell.

Le 12 janvier 1993, M. Campbell a remis au D r Carre, le psychiatre de Santé et Bien-être social Canada, un rapport préparé par le D r Neville A. Taylor. Ce rapport est complet et détaillé. Le D r Taylor conclut que M. Campbell ne montre aucun signe d’incapacité de s’acquitter des exigences de son emploi. Je considère que le rapport détaillé et l’expertise présentés par le D r Taylor répondent à votre demande pour que M. Campbell produise un certificat le déclarant apte au travail.

Je vous envoie avec cette lettre une autorisation signée par M. Campbell dans la forme que vous avez demandée. Je considère que cela satisfait à la deuxième condition établie par le Ministère.

Dans votre lettre du 15 décembre 1992, vous affirmez que M. Campbell serait obligé de subir un examen psychologique complet mené par les médecins de SBSC uniquement s’il refusait de signer une autorisation ou de produire une lettre le déclarant apte au travail. Comme il vous a maintenant fourni une autorisation signée ainsi qu’une lettre le déclarant apte à travailler, rien n’oblige M. Campbell à se présenter à un rendez-vous avec le D r Carre le 17 février 1993, et M. Campbell ne se présentera donc pas à ce rendez-vous.

Pour ce qui est des griefs en suspens, je suis prêt à renoncer à une audience au dernier palier; je demanderais toutefois au Ministère de présenter immédiatement une réponse finale à tous les griefs, que nous renverrons à l’arbitrage s’il y a lieu.

Je suis très préoccupé par la menace, énoncée dans votre lettre datée du 3 février 1993, selon laquelle vous déclareriez que M. Campbell a abandonné son poste. Afin de protéger la position juridique de M. Campbell et d’être en mesure de démontrer de façon concluante dans toute instance future que M. Campbell n’a pas abandonné son poste, je lui ai donné instruction de se présenter au travail le mardi 16 février 1993, à 10 h. Si le Ministère compte maintenir sa position actuelle de refuser l’accès du lieu de travail à M. Campbell, je vous demanderais de faire en sorte qu’un fonctionnaire supérieur du Ministère soit présent au bureau de la sécurité pour lui communiquer cette position à ce moment-là. Je prendrai les dispositions voulues pour que M. Campbell soit accompagné par un de nos stagiaires à titre de témoin.

M. Biggs a ensuite communiqué avec le D r Mohanna le 16 février 1993 (pièce E-49) pour lui demander si le D r Carre pouvait évaluer M. Campbell à partir de l’évaluation du Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 15 D r Taylor et en parlant au D r Sendbuehler, mais sans examiner comme tel M. Campbell. Le 15 mars 1993, M e Brown s’est enquis de la position de l’employeur dans sa dernière lettre et a répété que son client était prêt à retourner au travail et désireux de le faire (pièce E-33).

Le 24 mars 1993, le D r Carre a avisé le D r Mohanna (pièce E-40) que, à son avis, il serait [traduction] « contraire à l’éthique [...] de donner une opinion sans rencontrer personnellement la personne visée ».

Compte tenu de la position du D r Carre et du refus du fonctionnaire de se présenter seul à un examen médical, le D r Mohanna a décidé de renvoyer l’affaire à un autre psychiatre, le D r Browne, qui a accepté de fournir une évaluation à partir du contenu du dossier de M. Campbell. Ce dossier contenait entre autres les documents suivants: 1) une lettre du D r Sendbuehler au D r Carrière en date du 15 juin 1992 (pièce E-41) dans laquelle il est dit que le fonctionnaire souffre de paranoïa; 2) l’expertise du D r Taylor (supra) datée du 5 janvier 1993 (pièce E-42); 3) une note de service datée de juin 1991 adressée par le D r Carrière au D r Mohanna (pièce E-43); et 4) une note de service concernant M. Campbell écrite en 1985 par le D r Bennett, un psychiatre-conseil de SBSC (pièce E-44).

Le D r Taylor, dans son expertise concernant M. Campbell (pièce E-42), conclut ce qui suit:

[Traduction] [...] Le profil MMPI est dans les limites normales. Les mesures des symptômes indiquent que, présentement, il n’éprouve pas d’anxiété ni de dépression à des degrés importants. Le profil général indique que ce manque de détresse subjective est réalisé par la répression et un manque d’introspection. Sous stress, il aurait tendance à développer des symptômes physiques ou à blâmer les autres.

Les résultats de l’inventaire de préférences personnelles d'Edwards montrent un degré marqué de conflit intérieur. En revanche, M. Campbell désire ardemment pouvoir prendre ses propres décisions et agir de son propre chef sans ingérence. Il aimerait aussi être dans une position de leadership lui permettant de prendre des décisions de groupe et d’influencer les activités des autres. Par contre, le profil indique un grand besoin de reconnaissance et d’acceptation par les autres, en

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Decision Page 16 particulier les personnes en autorité. Associé à ce besoin est un désir profond qu’on prenne soin de lui et qu’on le traite avec gentillesse. Ce test concorde avec ce que révèlent les autres tests, à savoir [que M. Campbell] comprend au fond très peu ce conflit ou ses causes sous-jacentes. Son comportement oscillerait normalement entre la soumission et l’opposition, sans compréhension réelle des raisons de l’un ou l’autre.

La socialisation de M. Campbell est adéquate; il est en général poli, bienveillant et disposé à prendre de son temps pour aider les autres (p. ex., son rôle de secrétaire dans la National Clan Campbell Society). Cependant, les résultats des tests révèlent qu’il est prudent dans ses rapports avec autrui et qu’il a de la difficulté à se rapprocher des gens et à établir des relations intimes.

Sous stress, il peut devenir déconcerté et désorienté par l’intensité des émotions. En ces moments, son comportement peu devenir impulsif et désordonné. En général, cependant, il maîtrise bien ses émotions et réagit à son environnement d’une manière essentiellement intellectuelle. Lorsqu’il se fâche, il a tendance à recourir à des mesures légalistes. Ni les résultats des tests ni ses antécédents personnels ne révèlent une propension à la violence.

OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS 1. Schizophrénie: Les résultats des tests et les entrevues cliniques ne montrent aucun signe de contenu représentatif bizarre, de trouble du cours de la pensée ou de quelque forme d’hallucinations que ce soit. M. Campbell affiche un sentiment d’identité personnelle solide et une détermination certaine à poursuivre ce qu’il considère comme juste. L’affect est normalement varié et convient aux sujets discutés. Pris ensemble, ces résultats vont clairement à l’encontre d’un diagnostic de schizophrénie.

2. Psychose: M. Campbell a des antécédents qui montrent des périodes de fonctionnement tout à fait adéquat, ponctuées de brèves périodes de dysfonctionnement. Il a connu de telles périodes de dysfonctionnement en 1963-1964 (peut-être en 1974), ainsi qu’en 1977-1978, 1980, 1985 et 1991-1992. Les causes et la gravité de chacun de ces épisodes ne sont pas entièrement claires. Toutefois, les personnes qui le connaissaient en 1985 s’accordent pour dire qu’il souffrait d’une forme quelconque de psychose à ce moment-là.

3. Idées délirantes: Depuis une dizaine d’années, la pensée et les actions de M. Campbell sont fondées sur la prémisse fixe qu’il est une personne raisonnable et coopérative dont les problèmes courants sont dus

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Decision Page 17 entièrement aux actions déraisonnables et persécutrices de ses employeurs. La prémisse est « fixe » en ce sens qu’il n’a pu ou n’a pas voulu envisager l’autre possibilité qu’au moins une partie de ses problèmes ait pu avoir été causée par des perceptions erronées ou des comportements non appropriés de sa part. Ainsi, il interprète tous les événements courants qui ont un lien quelconque avec sa relation avec ses employeurs d’une manière qui concorde avec l’idée fixe qu’il a de sa propre rectitude. Il est très méticuleux lorsqu’il présente des arguments à l’appui de sa position. Confronté à des idées auxquelles il ne souscrit pas, il devient vague ou inattentif aux détails, ou il ferme les yeux entièrement sur les preuves contraires.

Jusqu’ici, les croyances de M. Campbell concernant la manière dont il est « persécuté » sont extrêmes au point de dépasser les limites de ce qu’on pourrait raisonnablement croire. Elles sont également imperméables à toute preuve du contraire. Comme telles, elles constituent un système fixe d’idées délirantes (paranoïdes).

4. Trouble neurologique: L’expertise du D r Stoddart a soulevé la possibilité d’épilepsie temporale. Un tel diagnostic pourrait expliquer tant le mode de pensée persécutoire constaté dans l’évaluation clinique que les épisodes de décompensation évidents dans ses antécédents. D’autres examens neurologiques sont en cours pour résoudre cette question.

DIAGNOSTIC À partir des données disponibles, et en l’absence de preuves claires d’un trouble organique, il est possible de faire provisoirement le diagnostic de:

Trouble délirant (paranoïde), Forme persécutoire (DSM-III-R, N o 297.10 Si l’on peut établir clairement la présence d’épilepsie, ce diagnostic peut être révisé à Trouble délirant organique.

APTITUDE AU TRAVAIL M. Campbell est un homme intelligent et instruit ne montrant aucun signe d’incapacité à s’acquitter des exigences techniques de son emploi. Cependant, ses idées délirantes concernant les motifs et les actions de ses employeurs ont clairement affecté son jugement pour ce qui est de la manière dont il exerce ses fonctions. S’il est capable d’adopter une attitude plus conciliante et d’éviter les actions arbitraires et non autorisées, il n’y a aucune raison pour laquelle il ne pourrait

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Decision Page 18 pas devenir l’employé estimé qu’il a été par le passé. Je crois comprendre que M. Campbell tient effectivement à retourner au travail en ce moment.

RECOMMANDATIONS 1. Médicaments: Un psychiatre devrait évaluer les avantages possibles des médicaments. Dans le contexte de la présente expertise, il y a lieu de signaler que M. Campbell ne manifeste actuellement aucun signe d’anxiété, de trouble de l’humeur ou de schizophrénie.

2. Psychothérapie: Je crois que M. Campbell bénéficierait d’une psychothérapie de soutien qui l’aiderait: 1) à réexaminer ses interprétations des actions d’autrui; 2) à réévaluer les coûts et bénéfices que ses actions représentent pour lui. Il est essentiel que le thérapeute soit quelqu’un qu’il respecte et en qui il a confiance, même s’il n’est pas d’accord avec lui.

Travailler avec M. Campbell a été un réel plaisir. Si je puis fournir des précisions ou des éclaircissements sur des points de ce rapport, n’hésitez pas à communiquer avec moi.

Le 13 avril 1993, les onze griefs de M. Campbell ont été renvoyés à l’arbitrage. M. Campbell a fini par retirer tous les renvois la veille de la date prévue pour leur instruction en septembre 1993.

Après avoir examiné le dossier du fonctionnaire, le D r Browne a informé le D r Mohanna, le 15 avril 1993, qu’à son avis M. Campbell souffrait d’un [traduction] « trouble psychiatrique grave » qui nécessitait un traitement suivi (pièce E-45).

Le D r Mohanna a ensuite avisé l’employeur, le 22 avril 1993 (pièce E-21), que le fonctionnaire [traduction] « devrait être considéré comme apte au travail avec des limitations pourvu qu’il suive un traitement indéfiniment » et que M. Campbell « devrait être considéré comme inapte au travail s’il ne suit pas de traitement ».

Le 3 mai 1993, M. Biggs a écrit à M e Brown (pièce E-35) pour l’informer que l’employeur était disposé à accepter le retour de M. Campbell au travail [traduction] « sur réception d’une déclaration écrite claire indiquant qu’il suit un traitement pour sa maladie chronique ». L’employeur a accordé sept jours ouvrables au fonctionnaire pour produire la déclaration, à défaut de quoi il entamerait les démarches pour le faire renvoyer de la fonction publique.

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Decision Page 19 M e Brown a répondu ce qui suit le 7 mai 1993 (pièce E-36): [Traduction] J’accuse réception de votre lettre du 3 mai 1993. Notre position est que M. Campbell est apte à travailler. Nous nous sommes donné beaucoup de peine et M. Campbell a lui-même se donner énormément de peine pour tenter de convaincre le CRTC de son aptitude. Je n’arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi le CRTC ne veut même pas lui accorder une période d’essai pour qu’il puisse démontrer son aptitude à travailler. Je pense depuis longtemps que M. Campbell est déprécié aux yeux du Ministère à cause de son hospitalisation il y a de nombreuses années.

Il est déraisonnable d’exiger que M. Campbell suive un traitement non spécifié pendant une période indéfinie. Ni le D r Mohanna ni votre psychiatre-conseil n’ont précisé le traitement qu’à leurs yeux M. Campbell devrait suivre de façon indéfinie. Comme vous le savez, pour savoir sur quoi le psychiatre-conseil qui a examiné le dossier de M. Campbell s’est fondé pour faire sa recommandation, il faut présenter une demande officielle en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Au minimum, il faut prévoir 30 jours avant d’obtenir copie du rapport présenté par le psychiatre-conseil. En dépit de cette contrainte, vous avez jugé bon de n’accorder à M. Campbell que 7 sept jours ouvrables pour confirmer qu’il suivra un traitement pendant une période indéfinie.

J’estime qu’un examen froid et objectif de toute cette affaire montrerait que le Ministère a réagi de manière excessive à de nombreux incidents relativement sans importance, et qu’il a par la suite sauté simplement à la conclusion que M. Campbell souffrait d’une maladie mentale débilitante. Je suis persuadé que si M. Campbell avait souffert d’une incapacité quelconque qu’il se serait infligée à lui-même -- l’alcoolisme ou la toxicomanie, par exemple -- il n’aurait pas été traité de la façon dont il a été traité par le Ministère. J’estime que si les gestionnaires de M. Campbell étaient disposés à faire même des efforts minimes pour s’accommoder à sa situation, celui-ci serait un employé productif et estimé.

En dépit de nos efforts pour régler la situation de M. Campbell d’une manière coopérative, nous avons été placés dans la position l’aptitude de M. Campbell sera établie dans une procédure accusatoire. De plus, nous devrons prendre des mesures énergiques pour que M. Campbell obtienne le versement des salaires perdus depuis le 4 mai 1992, date à laquelle l’employeur lui a interdit de se présenter au lieu de travail.

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Decision Page 20 Entre temps, auriez-vous l’obligeance de me confirmer d’une façon ou d’aune autre en est la couverture de M. Campbell quant à ses avantages sociaux. Je veux m’assurer qu’il continue de bénéficier de ses avantages, même si cela veut dire que nous devrons payer les primes d’ici à ce que sa situation d’emploi soit réglée.

Le 11 mai 1993, M. Biggs a répondu à M e Brown (pièce E-37) que l’employeur était prêt à considérer une demande raisonnable de report. En ce qui concerne le traitement que devait suivre M. Campbell, l’employeur a affirmé qu’il accepterait tout traitement qui satisfaisait SBSC.

Quatre mois plus tard, le 14 septembre 1993, M. Tyre a écrit à M enjoignant de confirmer les intentions du fonctionnaire avant le 28 septembre 1993 (pièce E-13). Dans cette lettre, il disait notamment ce qui suit:

[Traduction] En outre, j’exige une réponse au plus tard le 28 septembre 1993 quant à savoir si M. Campbell décide de retourner au travail en suivant un traitement approprié pour sa maladie chronique. Si la réponse est oui, veuillez informer M. Campbell qu’il doit soumettre au D r S. Mohanna, directeur, Clinique de santé de la fonction publique, 301, rue Elgin, Ottawa (Ontario) K1L 0L3 le programme de traitement qu’il suivra, et SBSC l’examinera et déterminera s’il est acceptable. Si M. Campbell n’a pas l’intention de revenir au travail, alors nous sommes en mesure de l’aider à faire une demande de retraite pour motif médical.

M. Campbell a écrit à M. Spicer le 28 septembre 1993 pour lui demander [traduction] « tout le temps nécessaire pour régler les questions médicales soulevées par ce conflit de relations de travail » (pièce E-15).

Le même jour, l’employeur a avisé le fonctionnaire, par son avocat, que d’autres retards seraient préjudiciables à l’instruction de l’affaire (pièce E-16).

Le 4 octobre 1993, M. Spicer a écrit à M. Campbell (pièce E-17) pour lui accorder une autre chance de satisfaire aux exigences de l’employeur:

[Traduction] La présente fait suite à votre lettre du 28 septembre 1993, dans laquelle vous demandez « tout le temps nécessaire pour régler

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e Brown lui

Decision Page 21 les questions médicales soulevées par ce conflit de relations de travail ».

J’ai lu les documents que vous avez fournis et j’ai pris connaissance de tout votre dossier. Je suis troublé par le fait que cette affaire n’est pas réglée depuis mai 1991, et j’aimerais la voir résolue. Les renseignements que SBSC a transmis au Conseil sont clairs: vous êtes apte au travail, avec des limitations, et vous pourriez accomplir votre travail de façon satisfaisante si vous suiviez un programme de traitement prescrit et approuvé.

Je me permets de confirmer une fois de plus le désir sincère du Conseil de vous retrouver en pleine santé. Par conséquent, je vous demande de nous dire avant 16 h le mardi 12 octobre 1993 si vous avez l’intention de suivre un programme de traitement qui serait acceptable pour SBSC.

Je ne vois pas l’utilité de reporter de nouveau l’affaire et j’espère que nous pourrons régler le tout rapidement et à l’amiable. Je vous demande donc d’étudier la situation sérieusement et de répondre par l’affirmative. Notre but, que vous partagez j’en suis sûr, est de vous retrouver au travail le plus rapidement possible en tant que collègue en santé et productif.

Le 12 octobre 1993, M e Brown a transmis la réponse de son client adressée à M. Spicer et datée du 8 octobre 1993 (pièce E-18). En voici le texte:

[Traduction] La semaine dernière je vous ai écrit une très courte lettre (avec pièces jointes) dans l’espoir que vous interviendriez dans un conflit très complexe de relations de travail entre moi-même et le Conseil. Je vous remercie de la réponse rapide, très gentille et chaleureuse que vous y avez faites dans la lettre que j’ai reçue avant-hier.

J’ai éliminé, pour le moment, toute possibilité de suivre un programme de traitement qui serait acceptable pour SBSC. À mon avis, SBSC a fourni au Conseil des renseignements qui, je crois, se révéleront faux. Par conséquent, si le Conseil décide d’agir sur la foi de cette information, il s’ensuivra des conséquences juridiques.

Je pense que vous devriez également savoir que les conséquences juridiques de mon licenciement pourraient être importantes tant pour le CRTC que pour l’employeur (Conseil du Trésor) et pour certains de vos et de mes collègues. Le CRTC, avec son très faible volume de travail du côté radiodiffusion, ne subit pas un inconvénient important du fait que je ne suis pas

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Decision Page 22 en mesure de remplir les fonctions de mon poste d’analyste financier principal. Si j’étais licencié pour un motif déterminé, comme on l’a laissé entendre dans la correspondance antérieure du Conseil, je ne pense pas que je pourrais trouver un poste comparable ou meilleur dans la fonction publique fédérale. Le secteur privé aussi voudrait connaître mes antécédents professionnels si je devais postuler un emploi dans l’industrie ou dans l’enseignement. Une action en justice contre le CRTC et d’autres parties serait l’option la plus attrayante qui s’offrirait à moi, je pense. Le CRTC, à mon avis, serait bien mal avisé de m’acculer à un mur que je qualifierais de juridique. Je pense que le CRTC peut très bien se permettre d’attendre que les questions médicales soient réglées.

La plupart des gens considèrent que leur résidence est l’actif le plus important que la personne moyenne possédera durant sa vie. Je dirais que le droit de recevoir un revenu mensuel régulier dans un emploi sûr est de très loin plus important que la valeur de sa résidence, surtout par les temps économiques difficiles que nous connaissons. D’après mes calculs (en ne tenant pas compte des effets de l’inflation ni des augmentations de salaire normales), je toucherais normalement un peu plus de 1,1 million de dollars en salaire d’ici la date actuellement prévue de ma retraite. Si j’ajoute à ce chiffre les frais de litige éventuels ainsi que les montants que je réclamerais en dommages et intérêts, pour les parties que je poursuivrais cela représenterait une responsabilité énorme. Je pense que le CRTC peut très bien se permettre d’attendre que les questions médicales soient résolues.

L’utilité de reporter l’affaire, c’est que les questions pourront -- je l’espère -- être résolues à l’amiable, et ce, de façon beaucoup plus rapide que par la voie d’une action en justice. Mon but à moi aussi est de retourner à mon poste le plus rapidement possible en tant que collègue en santé et productif, sans action en justice, et sans rancoeur envers aucun de mes collègues, ni de ma part ni de la leur.

Comme le fonctionnaire refusait de suivre un traitement acceptable pour SBSC, M. Tyre a décidé de recommander le licenciement de M. Campbell pour un motif déterminé le 28 octobre 1993 (pièce E-19). Cette recommandation a été faite non sans quelque regret puisque M. Campbell, par le passé, avait été un employé productif et utile. M. Tyre a réitéré le point de vue du D r Mohanna, à savoir que le refus du fonctionnaire de suivre un programme de traitement acceptable pour SBSC le rendait inapte à accomplir son travail. Selon M. Tyre, [traduction] « l’état pathologique [de M. Campbell] le rendait intraitable ».

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Decision Page 23 M. Spicer a licencié M. Campbell pour un motif déterminé le 28 octobre 1993 (pièce E-20) (supra). Le D r Mohanna a témoigné que, à son avis, M. Campbell avait besoin d’un médicament antipsychotique pour bien fonctionner au travail. La nature et la force de ce médicament ne peuvent être déterminées qu’en faisant subir des tests au fonctionnaire et en s’entretenant avec lui. Selon le D r Mohanna, M. Campbell n’était pas apte à travailler lors de son licenciement.

ARGUMENTS En raison de l’absence du fonctionnaire à l’audience, j’ai suggéré à M e Lafrenière que des arguments écrits seraient peut-être indiqués en l’espèce puisqu’on pourrait les L’employeur a présenté les arguments écrits suivants, qui ont été transmis au fonctionnaire pour qu’il y réponde.

[Traduction] Pour faire suite à la demande que M. Tarte a exprimée à l’audience du 19 février 1996, voici les arguments écrits de l’employeur.

FAITS Les faits ne sont pas contestés. En dépit du fait que le fonctionnaire n’a pas comparu à sa propre audience, l’employeur a cité quatre témoins et produit par leur entremise quarante-neuf (49) pièces. L’employeur a cité MM. Doug Wilson, Robert Tyre et David Biggs, ainsi que le D r Samy Mohanna. Le 28 octobre 1993, en vertu de l’alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques, il a été mis fin, pour un motif déterminé, à l’emploi que le fonctionnaire s’estimant lésé occupait à titre d’analyste financier au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Le licenciement a pris effet le 1 er novembre 1993 (pièce E-20). La lettre de licenciement mentionne le refus du fonctionnaire de suivre un programme de traitement médical, ce qui le rendait inapte à exercer les fonctions de son poste. Il est également fait mention que cette affaire traîne depuis le milieu de 1991.

L’employeur a cité M. Wilson comme témoin pour lui demander de relater la chronologie des événements en remontant jusqu’en 1985. En février 1991, M. Wilson a remarqué des problèmes, principalement à propos du refus du fonctionnaire de se conformer à des directives (pièces E-4). Ces problèmes ont continué (pièces E-5 à E-12) et le fonctionnaire s’est vu infliger des suspensions de plus en plus longues, jusqu’à dix (10) jours

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Decision Page 24 le 19 décembre 1991. M. Wilson a témoigné que le comportement du fonctionnaire n’avait pas changé, mais qu’il s’était en fait détérioré par la suite. Il soupçonnait que les problèmes étaient de nature médicale à cause des antécédents médicaux du fonctionnaire. Les problèmes ont continué jusqu’au 4 mai 1992, lorsque le fonctionnaire s’est vu refuser l’accès du lieu de travail en attendant qu’il produise un certificat d’aptitude au travail de Santé Canada.

La preuve révèle que l’employeur a tenté par divers moyens et à maintes reprises d’amener le fonctionnaire à s’occuper de ses troubles de santé. À un moment donné, l’employeur a reçu de Santé Canada une lettre déclarant le fonctionnaire apte avec des limitations. Les limitations, d’expliquer le D r Mohanna dans son témoignage, se résumaient au fait que le fonctionnaire devait suivre un traitement reconnu adapté à sa maladie chronique (pièce E-21). Les propres médecins experts du fonctionnaire recommandent un traitement (pièces E-41 et E-42). Il y a lieu de signaler que sur une période de presque cinq ans, soit du 4 mai 1991 (date à laquelle l’employeur a interdit au fonctionnaire l’accès du lieu de travail) au 19 février 1996 (date de l’audience d’arbitrage), il n’y a aucune preuve montrant que le fonctionnaire ait jamais accepté de se conformer à cette exigence. La preuve montre plutôt le contraire (pièces E-41 et E-43).

La lettre dans laquelle M. Tyre recommande le licenciement du fonctionnaire expose succinctement les faits dont l’employeur a tenu compte dans sa décision (pièce E-19).

ARGUMENTATION M. Campbell a manifestement été licencié pour un motif valable. La preuve montre qu’il était incapable de travailler en mai 1991. Il n’y avait au moment la décision de licencier le fonctionnaire a été prise, et il continue de n’y avoir, aucune possibilité raisonnable que celui-ci puisse retourner au travail.

L’employeur s’est trouvé face à un dilemme semblable dans l’affaire William c. Funnell et le Conseil du Trésor (ministère de la Justice), dossier de la CRTFP n o 166-2-25762, le 18 août 1995, Y. Tarte. D’une part, l’employeur veut que le fonctionnaire s’estimant lésé suive un traitement avant de lui permettre de retourner au travail. D’autre part, il n’a aucun moyen d’obliger le fonctionnaire à se faire traiter, si ce n’est de menacer de le licencier.

Les problèmes du fonctionnaire remontent à 1985. Son diagnostic médical est qu’il souffre d’un trouble délirant qui nécessite un traitement. Malheureusement, le trouble même qui doit être traité l’empêche de reconnaître sa maladie.

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Decision Page 25 Le fonctionnaire a été averti à maintes occasions que son comportement bizarre au travail, bien qu’il fût causé par sa maladie, ne serait pas toléré. L’employeur lui a infligé des sanctions de plus en plus sévères pour le prévenir de ce qui pourrait lui arriver s’il négligeait de s’occuper de son problème de santé. L’employeur a toujours cherché à aider le fonctionnaire. Il l’a renvoyé à Santé Canada en essayant en vain de l’inciter à se faire soigner. L’employeur a aussi manifesté beaucoup de patience en permettant au fonctionnaire, sur une période de deux ans, de prendre des mesures concrètes.

Contrairement à ce qui était le cas dans Funnell, supra, M. Campbell n’a jamais accepté de recommencer à prendre ses médicaments. Cela est évidemment malheureux, mais l’employeur ne peut porter le blâme des malheurs du fonctionnaire. Veuillez vous reporter également à la décision rendue dans Michael J. McCormick c. le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP n o 166-2-26274, le 18 septembre 1995, Y. Tarte.

Nous demandons respectueusement que le grief soit rejeté. Une copie des arguments écrits de l’employeur a été envoyée à M. Campbell le 18 mars 1996. Ce dernier a reçu instruction de déposer sa réponse au plus tard le 2 avril 1996.

Le 2 avril 1996, M. Campbell a informé la Commission que des difficultés personnelles l’empêchaient de présenter ses arguments à temps. Il a demandé jusqu’au 23 avril pour présenter ses arguments en réponse à la preuve produite par l’employeur.

Le 3 avril 1996, M. Campbell a été avisé par écrit qu’il avait jusqu’à la fermeture des bureaux (16 h) le 23 avril 1996 pour produire sa réponse écrite dans cette affaire. On lui a aussi dit que l’affaire serait vraisemblablement tranchée sans le bénéfice de ses observations s’il devait ne pas respecter le délai du 23 avril.

Le 22 avril 1996, M. Campbell a remis à la Commission une note manuscrite indiquant qu’il avait décidé de ne pas présenter de réponse écrite. Il a aussi exprimé le désir de discuter de la procédure d’appel si jamais la Commission rendait une décision finale en l’espèce.

MOTIFS DE LA DÉCISIONS

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 26 La preuve montre que M. Campbell était inapte au travail le 28 octobre 1993. Selon le D r Taylor, le propre psychologue du fonctionnaire, il est connu que ce dernier a vécu des épisodes de comportement dysfonctionnel en 1963-1964, peut-être en 1974, ainsi qu’en 1977, 1978, 1980, 1985 et 1991-1992.

Il est également clair que, depuis 1991, M. Campbell refuse de coopérer avec son employeur en vue de trouver une solution acceptable qui permettrait son retour au travail. Il est malheureux que le trouble psychiatrique qui l’afflige semble l’empêcher d’accepter un traitement et l’amène à adopter un comportement antagoniste et inapproprié envers l’employeur. En l’occurrence, l’employeur a été extrêmement patient et humain dans ses rapports avec M. Campbell, qui n’y a vu que persécution et mauvais traitement.

L’employeur qui a de sérieuses raisons de croire que l’état physique ou mental d’un employé est tel que celui-ci ne peut s’acquitter convenablement des fonctions de son poste ou qui a des raisons de croire que son état risque d’affecter la santé et la sécurité des autres peut obliger l’employé à subir un examen médical physique ou psychiatrique mené par un spécialiste de son choix déterminé par Santé et Bien-être social Canada. En de telles circonstances, l’employé qui refuse de se conformer à la demande de l’employeur le fait à ses risques et périls. Les exigences de la loi en pareil cas sont claires. Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social est tenu par la Loi sur le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social d’assurer la promotion et le maintien de la santé des fonctionnaires et autres employés de l’État.

Jusqu’à ce jour, M. Campbell a semblé incapable de faire face comme il faut à sa maladie chronique. Deux ans après son licenciement, il continue de refuser la demande raisonnable de son employeur de suivre un programme de traitement qui serait acceptable pour Santé et Bien-être social Canada.

Au moment de son licenciement, il ne pouvait raisonnablement être supposé que M. Campbell serait capable de remplir les fonctions de son poste dans un avenir rapproché. Le 28 octobre 1993, l’employeur était entièrement fondé à licencier le fonctionnaire.

Par conséquent, pour ces motifs, le grief de M. Campbell est rejeté.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Yvon Tarte,

Decision OTTAWA, le 13 mai 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 27 président suppléant

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