Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence - Rémunération - Recouvrement de sommes versées par erreur - Préclusion - vu l'effet rétroactif de leur reclassification à un échelon supérieur, les fonctionnaires s'estimant lésés n'étaient pas admissibles, à la suite d'une transposition de classification, à l'augmentation d'échelon accordée à tous les fonctionnaires qui avaient été rémunérés au taux maximum dans l'ancienne échelle de rémunération pendant un an - cela a eu pour effet d'annuler le gain pécuniaire découlant de la promotion précédemment accordée - le superviseur, jugeant cela injuste pour les fonctionnaires s'estimant lésés, a recommandé la révision à la date de prise d'effet de la reclassification pour qu'ils deviennent admissibles à l'augmentation d'échelon - bien que cette recommandation n'ait jamais été approuvée, le bureau de la paye l'a mise en oeuvre et a payé les fonctionnaires s'estimant lésés comme s'ils avaient eu droit à l'augmentation d'échelon - lorsque l'employeur s'est rendu compte de l'erreur, il a recouvré le trop-payé sur le salaire des fonctionnaires s'estimant lésés - l'employeur a prétendu que l'arbitre n'avait pas compétence pour instruire des griefs relatifs à une mesure de recouvrement instituée aux termes de l'article 155 de la Loi sur la gestion des finances publiques - de plus, l'employeur a prétendu que l'arbitre n'avait pas compétence vu que les griefs concernaient la classification de postes en violation de l'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - l'arbitre a conclu que les griefs concernaient la rémunération, une question dont elle était clairement habilitée à se saisir - elle a conclu que le principe de préclusion empêchait l'employeur de recouvrer le trop-payé étant donné que les fonctionnaires s'estimant lésés n'avaient pas déposé de griefs de classification croyant qu'ils allaient recevoir l'augmentation d'échelon - l'arbitre a ordonné à l'employeur de rembourser aux fonctionnaires l'argent recouvré à titre de trop-payé. Griefs admis. Décision citée: Adamson (166-2-16207).

Contenu de la décision

Dossiers: 166-2-25629 à 25631

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE WILLIAM CONLON, IVAN HOFFER ET MICHAEL PATRICK

fonctionnaires s'estimant lésés et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

employeur

Devant: Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour les fonctionnaires s'estimant lésés: Edith Bramwell, de l'Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Agnès Lévesque, avocate Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 27 juin 1995 ainsi que les 7 et 8 octobre 1996.

Decision Page 1 DÉCISION La présente décision fait suite à l’audition des griefs renvoyés à l’arbitrage par trois membres du groupe Soutien technologique et scientifique (EG) employés par le ministère des Travaux publics, à savoir MM. William Conlon, Ivan Hoffer et Michael Patrick.

Les fonctionnaires s’estimant lésés demandent le remboursement de sommes d’argent recouvrées par l’employeur en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Avant l’audience, l’employeur a envoyé à la Commission la lettre suivante, datée du 14 juin 1995, contestant la compétence d’un arbitre à instruire cette affaire : [Traduction] En ce qui concerne les affaires mentionnées en rubrique, lesquelles ont été de nouveau portées au rôle et seront entendues le 27 ou le 28 juin, les fonctionnaires contestent le recouvrement des trop-payés de divers montants qu’ils ont reçus. L’AFPC soutient que le principe de préclusion (estoppel) empêche l’employeur d’effectuer la mesure de recouvrement.

Par la présente lettre nous avisons l’arbitre que l’employeur soulèvera une exception préliminaire portant que celui-ci n’a pas compétence pour entendre l’affaire sur le fond. L’employeur maintient que l’arbitre n’a pas compétence pour statuer sur une mesure de recouvrement prise en application de l’article 155 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

L’employeur demandera à l’arbitre de se prononcer sur la question de la compétence avant d’examiner l’affaire au fond.

Les parties ont présenté l’exposé conjoint des faits suivant : [Traduction] Pour les besoins du présent renvoi à l’arbitrage, LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

a) Les faits exposés dans les présentes sont admis comme s’ils avaient été établis en preuve, sous réserve de leur pertinence par rapport aux questions en litige et du poids que leur accordera l’arbitre;

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 2 b) Les documents joints aux présentes à titre d’annexes sont admis comme ayant été prouvés, sous réserve de leur pertinence par rapport aux questions en litige et au poids que leur accordera l’arbitre;

c) Chaque annexe aux présentes est une copie conforme d’un document dont l’original a été imprimé, écrit, signé ou exécuté tel qu’il est présumé l’avoir été, et qui a été envoyé ou reçu, selon le cas, par les personnes dont les noms y figurent aux dates indiquées ou aux environs de celles-ci;

d) Le parties aux présentes se réservent le droit de produire à l’audience d’autres éléments de preuve qui ne contredisent pas les affirmations contenues dans l’Exposé conjoint des faits;

e) La décision rendue par l’arbitre dans le dossier de la Commission 166-2-25629 s’appliquera à tous les égards, sans restriction, à tous les autres griefs énumérés à l’annexe 1, renvoyés à l’arbitrage.

Introduction Ce qui est en litige dans le présent grief, c’est le trop-payé qu’a reçu chacun des trois fonctionnaires s’estimant lésés et dont le montant varie d’un fonctionnaire à l’autre.

Contexte 1. Avant le 21 décembre 1987, tous les fonctionnaires s’estimant lésés occupaient des postes classifiés au niveau EG-ESS-7. À ce moment-là, ils étaient tous rémunérés à l’échelon de rémunération supérieur du niveau EG-ESS-7 depuis plus d’un an.

2. Conformément à des lettres datées du 14 juillet 1988 (voir l’annexe 2), les postes des fonctionnaires ont été reclassifiés rétroactivement, avec effet au 21 décembre 1987, au niveau EG-ESS-8. Ils ont été placés au deuxième échelon du niveau EG-ESS-8.

3. En 1990, les postes et traitements des fonctionnaires ont été touchés par une transposition entreprise par le Conseil du Trésor en ce qui concerne la classification. À la suite de la transposition, le groupe EG-ESS, qui comprenait 11 niveaux, est devenu le groupe EG, comportant 8 niveaux, mesure qui avait un effet rétroactif au 22 décembre 1987 (voir l’annexe 4, et voir l’annexe 6, page 2).

4. Le 23 mai 1990, le directeur des Relations de travail et des systèmes, M. G. Curran, a envoyé une lettre aux directeurs régionaux (voir l’annexe 3). La lettre, intitulée

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 « Transposition des EG », portait que les employés qui avaient été rémunérés au taux maximum dans l’ancienne échelle de rémunération pendant un an ou plus, et qui n’avaient pas été rémunérés au taux maximum dans la nouvelle échelle de rémunération, allaient recevoir une augmentation de salaire rétroactivement au 28 décembre 1987. À cause de la reclassification rétroactive des fonctionnaires s’estimant lésés avec effet au 21 décembre 1987 (voir le point 2), ceux-ci n’étaient pas admissibles à cette augmentation d’échelon (voir l’annexe 6, page 2).

5. Le 18 septembre 1990, les employés ont reçu l’avis les informant de la transposition de leurs postes au groupe EG (voir l’annexe 4). Les employés classifiés au niveau EG-ESS-8, tels que les fonctionnaires s’estimant lésés, ont vu leur poste transposé au niveau EG-6. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont reçu le troisième échelon du niveau EG-6. La date de la transposition était le 22 décembre 1987, un jour après la reclassification des fonctionnaires au niveau EG-ESS-8.

Le trop-payé 6. Le 15 novembre 1990, M. T. Heinmaa, chef de l’Ingénierie des systèmes et gestionnaire des fonctionnaires s’estimant lésés, a envoyé une lettre (voir l’annexe 5) à M m e Carrière des Ressources humaines, Unité de rémunération. Il a précisé que si la promotion/reclassification de EG-ESS-7 à EG-ESS-8 avait pris effet le 29 décembre 1987, au lieu du 21 décembre 1987, les fonctionnaires auraient été admissibles à l’augmentation tel qu’il est décrit par le sous-ministre dans la note de service du 23 mai 1990 (voir l’annexe 3).

7. La note de service de M. Heinmaa en date du 15 novembre 1990 a été exécutée sans l’autorisation préalable requise de la Direction de la classification à l’administration centrale du Ministère, du sous-ministre adjoint aux Ressources humaines et du Conseil du Trésor. La mesure a été traitée aux Ressources humaines, Unité de la rémunération, sans le document d’appui approprié, à savoir un rapport d’évaluation de la classification. Cela a donné lieu au trop-payé qui fait l’objet du présent grief.

8. Le 18 mars 1991, les fonctionnaires s’estimant lésés, à l’exception de M. Hoffer qui était malade à ce moment-là mais qui a été informé par la suite, ont été informés à une réunion avec des représentants de la direction que la mesure mentionnée au point 7 n’avait pas été autorisée, et qu’ils se trouvaient en « situation de trop-payé » à la suite de la mesure non autorisée.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 9. Des représentants de la direction ont rencontré les fonctionnaires le 30 octobre 1992 pour discuter davantage du trop-payé ainsi que de la séquence des événements qui y avait donné lieu (voir l’annexe 6, page 2).

10. Par une lettre datée du 1 er décembre 1992 (voir l’annexe 6), résumant la réunion du 30 octobre 1992, les fonctionnaires ont été informés que l’augmentation de salaire qu’ils avaient reçue constituait un trop-payé qui serait recouvré de leur traitement à partir du 11 janvier 1993.

11. Les fonctionnaires ont déposé des griefs le 23 décembre 1992 et la direction du Ministère a décidé de suspendre le recouvrement du trop-payé en attendant le règlement des griefs. Ainsi, le recouvrement du trop-payé n’a pas commencé avant le mois d’août 1992 au taux de recouvrement de 5 %, la moitié du taux de 10 % qui est prescrit pour le recouvrement de paiements en trop. Les fonctionnaires ont été informés de cette décision par une lettre, à laquelle était jointe une pièce, datée du 16 juillet 1993 et signée par M m e Lyse Danis, agente de liaison, Relations de travail et rémunération (voir l’annexe 7).

12. À la suite de la réponse qu’il a faite au grief au quatrième et dernier palier, le Ministère a recommandé au Conseil du Trésor qu’une partie du trop-payé soit radiée, soit les sommes versées pendant la période du 19 mars 1991 au 29 novembre 1992. Les fonctionnaires ont reçu une lettre datée du 6 octobre 1994 de M. G. Curran, sous-ministre adjoint par intérim aux Ressources humaines (voir l’annexe 8), les informant que le Conseil du Trésor avait rejeté cette recommandation. Par conséquent, dans une lettre datée du 2 novembre 1994, M m e Lyse Danis, agente de liaison, Relations de travail et rémunération (voir l’annexe 9), a informé les fonctionnaires que le recouvrement du trop-payé reprendrait à compter du 17 novembre 1994.

13. Le trop-payé, qui a maintenant été entièrement recouvrer des fonctionnaires 1 et 2, et que l’employeur n’a pas encore fini de recouvrer du fonctionnaire 3, totalise les sommes suivantes pour chacun des fonctionnaires s’estimant lésés :

1. Conlon 4 301,62 $ (brut) 2. Patrick 2 987,35 $ (brut) 3. Hoffer 6 932,92 $ (brut) (voir l’annexe 7) Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 Résumé de la preuve Après avoir décidé, le 14 juillet 1988, d’accorder une promotion aux trois fonctionnaires s’estimant lésés les faisant passer du niveau EG-7 au niveau EG-8 avec effet rétroactif au 21 décembre 1987 –, l’employeur a pris deux autres décisions avec effet rétroactif.

La transposition qu’a effectuée en 1990 le Conseil du Trésor en ce qui concerne la classification a donné lieu à une décision qui a ramené de 11 à 8 le nombre de niveaux de la classification EG-ESS. Ainsi, les fonctionnaires, qui étaient au niveau 8 de l’échelle de rémunération EG-ESS, ont été assignés au niveau 6 dans la nouvelle échelle de traitement. Cette transposition a été effectuée rétroactivement au 22 décembre 1987, une journée seulement après que la promotion des fonctionnaires s’estimant lésés a pris effet rétroactivement.

Selon le témoignage des fonctionnaires, en 1986 ils ont été, à titre de EG-ESS-7, « mélangés » avec les EG-ESS-8 et à partir de ce moment-là ils ont accompli le même travail que les titulaires de niveau 8 mais en étant rémunérés selon l’échelle inférieure. Leur promotion constituait la réponse de l’employeur à leurs plaintes concernant cette iniquité.

Comme les fonctionnaires, à titre de EG-ESS-7, étaient rémunérés au maximum de leur échelle depuis plus d’un an, ils auraient eu droit à cette hausse rétroactive dans leurs anciens postes. Selon eux, s’ils avaient touché cette augmentation ils auraient eu le droit de recevoir exactement le même traitement dans la nouvelle échelle de rémunération. (Voir l’échelle de rémunération soumise dans l’argumentation écrite des fonctionnaires.)

Le calcul I montre ce qui est arrivé aux taux de rémunération des fonctionnaires à la suite de la promotion. Le calcul II montre comment leur rémunération aurait été touchée par les mesures de l’employeur s’ils n'avaient jamais reçu une promotion par voie de reclassification. Cela est fondé sur le fait que l’employeur les a traités comme des EG-6 après la transposition.

Lorsque les fonctionnaires ont conclu que, à cause de la séquence des événements rétroactifs qui avaient eu lieu, ils n’étaient pas plus avancés avec leur promotion, ils se sont plaints à l’employeur. L’employeur a apparemment reconnu Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 leur situation et a tenté de la rectifier. Il a essayé de restructurer rétroactivement leur promotion et la transposition de façon à ce qu’ils puissent conserver l’avantage de leur promotion.

Le superviseur a reporté de huit jours la date d’effet de leur promotion, la déplaçant pour qu’elle soit postérieure à la date de transposition au nouveau système de classification, accordant ainsi aux fonctionnaires une augmentation salariale à la suite de leur promotion. Les étapes que le superviseur a suivies sont exposées dans le calcul III. En dépit du fait que le superviseur n’a pas fait autoriser par qui de droit cette tentative de rectification, la section Rémunération et avantages sociaux a modifié le traitement des fonctionnaires, qui ont temporairement reçu une hausse salariale.

Le 18 mars 1993, à une réunion convoquée par la direction, les fonctionnaires ont été informés qu’il y avait un problème concernant l’autorisation de l’intervention de paye. Les fonctionnaires n’étaient pas d’accord et ont offert de présenter des cas que l’employeur a accepté d’examiner. Il y a eu d’autres délais.

Un des fonctionnaires s’estimant lésés, M. William Conlon, a témoigné. Il a été engagé comme électricien en 1976 et, en 1981, il a été classifié au niveau EG-7. En 1986, il est passé à Place-du-Portage à Hull et a été intégré au groupe Conservation de l’énergie, dont les employés étaient classifiés au niveau EG-8. MM. Patrick et Hoffer travaillaient aussi dans ce secteur. Les fonctionnaires ont fait part à leur superviseur du fait qu’ils exécutaient les mêmes tâches que les EG-8. L’employeur a reconnu la situation et a répondu à leurs préoccupations par les lettres qu’il leur a adressées à l’été de 1992. De 1986 à 1990, les fonctionnaires ont continué de remplir les mêmes fonctions, sauf qu’ils travaillaient de plus en plus à des projets de plus grande envergure et plus complexes. Ils ont accepté la réponse de l’employeur, convaincus que tous seraient rémunérés au même niveau. Lorsqu’ils ont pris connaissance de la situation créée par les décisions rétroactives qui avaient été prises et qui avaient pour effet d’annuler le gain monétaire de la promotion précédemment accordée, M. Colon a approché son gestionnaire, M. Tom Heinmaa. Ce dernier a compris et a écrit à la section Rémunération et avantages sociaux pour qu’on leur verse l’augmentation ainsi que le rappel de salaire. Les fonctionnaires étaient convaincus que la situation avait été redressée à partir du moment leurs chèques de paye a reflété l’application de la promesse qu’on leur avait faite. À la réunion du 18 mars 1993, on les a informés que

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 l’intervention de paye n’avait pas été autorisée et qu’ils se trouvaient en situation de trop-payé. Il n’était certes pas clair à cette réunion ce qu’il adviendrait exactement par la suite.

M. Stan Collis a témoigné pour l’employeur. Il est avec le Groupe Communication Canada depuis mai 1993. En 1990 et 1991, il était directeur régional des Ressources humaines pour la région de la capitale nationale des Travaux publics. Il a eu connaissance de la difficulté concernant l’autorisation de la demande de M. Heinmaa, qui voulait reporter au 29 décembre la date d’effet de la reclassification des fonctionnaires du niveau EG-7 au niveau EG-8. C’est le Conseil du Trésor qui détenait le pouvoir voulu concernant la transposition. « Lorsque nous (le Ministère) avons demandé à notre comité de classification d’autoriser le changement, nous assumions le pouvoir du Conseil du Trésor, qui s’était occupé de la transposition à l’échelle nationale. » Néanmoins, l’agent de classification, lorsqu’on l’a consulté, a dit : « Allez de l’avant et payez-les en conséquence. Je vais vous donner quelque chose. » Le témoin a déclaré que, lorsqu’il a découvert cela, il était inquiet et il a parlé au sous-ministre adjoint des ressources humaines, que la situation préoccupait également. Par la suite, il y a eu la réunion de mars 1991 avec tous les employés touchés, à l’exception de M. Hoffer. « À la réunion, nous ne connaissions pas les montants en cause. » Après la réunion, il a demandé qu’on effectue des calculs. Il y a eu, le 30 octobre 1992, une autre réunion suivie d’une lettre datée du 1 er décembre informant les fonctionnaires que la hausse salariale qu’ils avaient reçue était un trop-payé que l’employeur allait commencer à recouvrer. Le témoin n’a pas pu se rappeler avec certitude si, à la réunion d’octobre, les employés avaient reçu les calculs. Il ne se souvenait pas de cette réunion assez bien non plus pour dire si on avait ou non donné aux employés l’impression que la mesure de recouvrement n’était pas définitive.

Argumentation des fonctionnaires M me Bramwell soutient, en premier lieu, qu’il n’y a pas eu de véritable trop-payé. Les fonctionnaires avaient légalement droit à l’argent qui a été recouvré. À son avis, cependant, « il s’agit manifestement d’un cas de préclusion ». L’employeur, après avoir dit qu’il était d’accord avec les fonctionnaires, après leur avoir fait des promesses et leur avoir donné des garanties, et après les avoir rémunérés conformément à ces

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 8 promesses, n’a pas le droit maintenant de leur dire : « Nous ne sommes plus d’accord et nous voulons ravoir l'argent. » Les fonctionnaires se sont fiés à ces promesses et ils n’ont pris aucune mesure dans le but de présenter des griefs de classification.

M m e Bramwell fait par ailleurs valoir que la Loi sur la gestion des finances publiques accorde un pouvoir discrétionnaire qui permet de radier une dette. Elle cite la jurisprudence suivante : Foglia (dossier de la Commission 166-2-23755; Guillemette (dossier de la Commission 166-2-23827); MacCabée (dossier de la Commission 166-2-19793); Adamson (dossier de la Commission 166-2-16207); Lajoie (dossiers de la Commission 166-2-20731 et 20732 et (1992), 149 N.R. 223); de Bruijn et autres (dossiers de la Commission 166-2-22275 à 22279; 166-2-22290); 166-2-22306 et 22307; 166-2-22336); Barbe (dossier de la Commission 166-2-18078); Constain et autres (dossiers de la Commission 166-2-18508 à 18511); et Arnold et autres (dossiers de la Commission 166-2-17505 et 17506; 166-2-17508 à 17511; 166-2-17513 et 17514).

M me Bramwell soutient que j’ai compétence en vertu des dispositions de la convention collective relatives à la rémunération.

Argumentation de l’employeur L’avocate de l’employeur conteste ma compétence en s’appuyant sur les questions soulevées dans la lettre de l’employeur datée du 14 juin 1995. Elle soutient par ailleurs, en invoquant l’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, que je n’ai pas compétence pour statuer sur ces questions parce qu’elles ont trait à la classification des postes.

L’avocate fait valoir que toutes les décisions prises par l’employeur étaient des faits indépendants et n’avaient pas pour objet de retirer aux fonctionnaires la promotion qui leur avait été accordée. La section de la rémunération du Ministère n’avait pas le pouvoir voulu et les fonctionnaires n’avaient donc aucun droit légal à l’argent que l’employeur a recouvré à titre de trop-payé. Aucune lettre n’a été envoyée aux fonctionnaires, et il ne leur a pas été dit clairement non plus qu’ils recevraient l’augmentation en question.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 9 L’avocate de l’employeur me renvoie à la jurisprudence suivante : Ménard et Ouellette (dossiers de la Commission 166-2-19465 et 19466 et [1992] 3 C.F. 521; Burnett (dossier de la Commission 166-2-21562); Levert, Lipson et Williams (dossiers de la Commission 166-2-22780 et 22781); 166-2-23130; Bethell (dossier de la Commission 166-2-22225); Gunderson (dossiers de la Commission 166-2-26327 et 26328); Gordon (dossier de la Commission 166-10-14302); Gibson (dossier de la Commission 166-2-14480); Tsang (dossier de la Commission 166-2-14768 et dossier de la Cour fédérale A-1514-84 (non rapportée)); Légaré et le Conseil du Trésor ((1987, 76 N.R. 353); Andrews c. Brent ([1981] 1 C.F. 181).

Motifs de la décision J’assume compétence car je n’estime pas que les objections soulevées par l’employeur sont fondées. Le litige ne met pas en cause le droit de l’employeur de recouvrer des sommes d’argent qui sont dues à la Couronne en vertu des dispositions pertinentes de la Loi sur la gestion des finances publiques ni la classification des fonctionnaires, mais les effets de cette classification sur la rémunération de ceux-ci. Les dispositions de la convention collective relatives à la rémunération m’habilitent à statuer sur cette affaire.

L’employeur, lorsqu’il a promu les fonctionnaires de EG-7 à EG-8, a manifestement voulu corriger une iniquité quant à leur rémunération en les plaçant au même niveau que les EG-8 remplissant les mêmes fonctions. Les fonctionnaires ont accepté la promotion et la hausse salariale, et n’ont pris aucune autre mesure.

Le problème qui se pose en l’espèce découle d’une décision que l’employeur a prise, également en 1990, d’accorder une augmentation de salaire, avec effet au 28 décembre 1987, à certains employés qui avaient été rémunérés au maximum de l’ancienne échelle de rémunération pendant un an ou plus. Les fonctionnaires estimaient que cette décision avait pour résultat d’annuler l’effet de leur promotion.

Il est fait droit aux griefs pour les motifs qui suivent. Lorsque le superviseur des fonctionnaires a reconnu et tenté de corriger la situation en recommandant de modifier la date de leur promotion, sa décision a été exécutée par la section Rémunération et avantages sociaux. Dans l’esprit des

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 10 fonctionnaires, la direction avait répondu à leurs doléances et ceux-ci ont commencé à recevoir leurs chèques de paye au montant supérieur. Leurs préoccupations étaient apaisées; l’affaire était close. Se fiant à la réponse de l’employeur, ils ont dépensé l’argent et n’ont présenté aucun grief de classification. Il y a lieu de signaler qu’à l’audience l’avocate de l’employeur n’a pas contesté l’affirmation de M m e Bramwell à cet effet. Cette situation a continué pendant une période considérable avant que la direction découvre que la mesure de rémunération n’avait pas été autorisée par qui de droit et qu’elle informe les fonctionnaires de ce fait à une réunion qui a eu lieu le 18 mars 1993. Même après cette réunion, les fonctionnaires ont continué d’être rémunérés au taux supérieur.

L’employeur a clairement donné à croire aux fonctionnaires que des mesures seraient prises pour corriger les iniquités créées par ses décisions rétroactives. Le gestionnaire de ceux-ci, M. Heinmaa, a pris des mesures pour protéger l’effet de leur promotion, reconnaissant ainsi qu’elle devait être protégée, et les fonctionnaires ont été rémunérés suivant cette décision. Les fonctionnaires ont tenu pour acquis que la décision de l’employeur de les rémunérer conformément à leur demande avait été appliquée en bonne et due forme, et ils ont accepté et utilisé la rémunération qu’ils ont reçue en conséquence.

Dans Adamson (supra), l’arbitre fait l’observation suivante la page 18) : Dans l’affaire qui nous occupe, il ne s’agit pas d’ignorance innocente. Au contraire, il s’agit d’une décision délibérée de la part d’un gestionnaire d’agir d’une certaine façon afin d’atteindre un objectif précis. [...]

Il poursuit en concluant que, compte tenu de l’ensemble des circonstances et spécialement, mais pas uniquement, du délai –,

[...] même si l’employeur avait légalement le droit d’effectuer un recouvrement (et je ne me prononce pas sur cette question), il serait déraisonnable de lui permettre de s’en prévaloir.

À mon avis, le principe de préclusion empêche maintenant l’employeur de recouvrer tout trop-payé. Lorsque l’employeur s’est rendu compte qu’il avait commis une erreur dans ses politiques initiales, il s’était déjà écoulé plusieurs mois. Même si une réunion eut lieu, aucune décision claire n'a été arrêtée comme quoi

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 11 l’employeur prendrait des mesures de recouvrement. Il ne s’agit pas ici d’un simple cas l’employeur a versé par erreur de l’argent qu’il désire par la suite recouvrer. C’était de l’argent auquel les fonctionnaires estimaient avoir droit du fait qu’ils l’avaient reçu à la suite des observations qu’ils avaient fait valoir à la direction à propos de la rémunération qui leur était due par suite de la promotion que l’employeur avait décidé de leur accorder.

La direction a reconnu qu’ils avaient droit à cet argent et a pris des dispositions pour qu’ils le reçoivent, dispositions qui se sont révélées viciées à cause d’une erreur interne. Se fiant aux affirmations de la direction, les fonctionnaires n’ont ni déposé de griefs de classification ni recouru à d’autres formes de redressement qui auraient pu s’offrir à eux. La direction ministérielle, semble-t-il, avait beaucoup de difficulté à décider s’il y avait lieu de recouvrer cet argent. Il y a eu de nombreux délais avant qu’elle décide finalement de prendre des mesures de recouvrement.

Même après le dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le Ministère a recommandé au Conseil du Trésor de remettre une partie du trop-payé, à savoir la partie couvrant la période du 19 mars 1991 au 29 novembre 1992. Bien que sa demande fût rejetée par le Conseil du Trésor, le Ministère a reconnu le problème que ses décisions avaient créé pour les fonctionnaires s’estimant lésés.

Par conséquent, pour tous ces motifs, il est fait droit aux griefs. L’argent recouvré à titre de trop-payé doit être remboursé aux fonctionnaires. Je demeure saisie de l’affaire au cas les parties éprouveraient des difficultés à appliquer ma décision.

Rosemary Vondette Simpson, commissaire

OTTAWA, le 4 juin 1997.

Traduction certifiée conforme

Serge Lareau Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.