Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Rémunération - Fonctionnaire exclue - Compétence - Procédure - Conflit d'intérêts - la fonctionnaire s'estimant lésée, avocate, a déposé un grief alléguant que le gel de son taux de rémunération en vertu de la Loi sur la rémunération du secteur public constituait un acte illégal - la fonctionnaire a fait valoir que les avocats syndiqués de la fonction publique n'étaient pas assujettis à ce gel et que cela constituait de la discrimination - elle demandait, en guise de redressement, les augmentations au rendement auxquelles elle aurait eu droit n'eut été de la Loi sur la rémunération du secteur public - avant l'audience, l'employeur s'était objecté à la compétence de la Commission de nommer un arbitre dans l'affaire au motif que la fonctionnaire n'était pas assujettie à une convention collective - au début de l'audience, la fonctionnaire a soulevé une question de conflit d'intérêts touchant la représentante de l'employeur du fait que cette dernière était impliquée dans une affaire semblable visant la rémunération des fonctionnaires de l'État - la représentante de l'employeur a soutenu que la question de conflit d'intérêts ne pouvait pas être soulevée dans l'affaire en espèce et devrait plutôt l'être dans l'autre affaire et que, de toute façon, si jamais l'affaire en espèce était entendue sur le fond, elle se retirerait du dossier - l'arbitre a statué que, puisque l'employeur proposait seulement de présenter son objection déclinatoire de compétence à l'audience et de ne pas engager un débat sur le fond, sa représentante ne saurait être en situation de conflit d'intérêts - l'arbitre a conclu que, puisque le grief ne concernait pas une mesure disciplinaire et que la fonctionnaire n'était pas assujettie à une convention collective et ne pouvait alors pas renvoyer le grief à l'arbitrage portant sur la rémunération, il ne possédait pas la compétence requise pour trancher le grief. Grief rejeté*. *La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une demande à la Cour fédérale du Canada en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, en vue de faire annuler la décision de la Commission. L'affaire est en instance. (Dossiers de la Cour no A-90-97 and A-99-97).

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27316 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE HÉLÈNE BEAULIEU fonctionnaire s’estimant lésée et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Justice Canada)

employeur

Devant: Yvon Tarte, président Pour la fonctionnaire s’estimant lésée: Ionnis Mavrikakis Pour l’employeur: Carole Bureau, avocate Affaire entendue à Montréal, Québec, le 7 octobre 1996

Decision Page 1 DÉCISION Le 5 juin 1996, Hélène Beaulieu demandait à la Commission que soit renvoyé à l’arbitrage le grief suivant, dont voici le texte reproduit exactement: Enoncé du grief 1. La soussignée est fonctionnaire au gouvernement fédéral depuis le 28 septembre 1992.

2. La soussignée travaille comme avocate au ministère de la Justice en tant que LA-01 depuis le 22 novembre 1992, date de son admission au Barreau du Québec;

3. Ma nomination comme avocate s’est faite au niveau LA-1 et mon traitement initial a été fixé à 45,050 $.

4. La soussignée n’est pas syndiquée parce qu’aux fins de l’assujettissement à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, (1985) L.R.C., ch. P-35, j’occupe un poste de conseiller juridique au sein du Bureau Fédéral de Développement Régional du Québec, et, antérieurement, j’occupais un poste de conseiller juridique au sein du ministère de Industrie Canada;

5. La soussignée a toujours exercé ses fonctions d’avocate avec efficacité et compétence et ce, à la très grande satisfaction de ses supérieurs et de ses clients.

6. En tant qu’avocate au ministère de la Justice, la soussignée est assujettie à un régime de rémunération édicté unilatéralement par le Conseil du Trésor aux termes des alinéas 7 (1) e) et 11(2) d) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

7. Ce régime de rémunération est énoncé au Manuel du Conseil du Trésor sous le Chapitre 3-1 et est intitulé Politique de l’administration des traitements - Groupe du droit du ministère de la Justice et autres conseillers juridiques exclus.

8. Ledit régime de rémunération prévoit que les avocats non syndiqués de la fonction publique fédérale doivent être rémunérés en fonction de leur apport à l’organisation et de l’atteinte de leur objectif de rendement et ce, contrairement aux avocats syndiqués du gouvernement fédéral qui progressent d’échelon en échelon à l’intérieur de leur échelle de traitement en fonction du simple écoulement du temps.

9. Il prévoit également que l’administrateur général de chaque ministère, dont le sous-ministre de la Justice, doit veiller à ce que les traitements des avocats non syndiqués

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Decision Page 2 soient administrés conformément aux dispositions dudit régime de rémunération.

10. Plus particulièrement, ce régime de rémunération prévoit que l’attribution de la rémunération au rendement d’un avocat de niveau LA-01 est basée sur son rapport d’examen du rendement et d’appréciation.

11. De plus, ce régime prévoit, entre autres, qu’un avocat dont le rendement est coté “satisfaisant”, “entièrement satisfaisant”, “supérieur” ou “exceptionnel” pour une année donnée peut recevoir au début de l’année suivante une augmentation au rendement correspondant respectivement à 3 pour cent, 5 pour cent, 7 pour cent ou 10 pour cent du traitement de cet avocat.

12. L’année de référence pour la détermination des augmentations au rendement est du 1er avril d’une année au 31 mars de l’autre année, alors que l’année de référence pour l’évaluation du rendement va du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente.

13. Par ailleurs, l’échelle de traitement de chacun des niveaux visés par ce régime de rémunération était réajustée, à tout le moins, depuis l’année 1990, le 1er juin de chaque année.

14. Le 2 avril 1993 était sanctionnée la Loi no. 2 de 1993 sur la compression des dépenses publiques, L.C. 1993, ch. 13 qui prolongeait pour une période de deux autres années, l’ensemble des régimes de rémunération en vigueur dans la fonction publique fédérale qui avaient déjà été prolongé de deux ans aux termes de la Loi sur la rémunération du secteur public précitée.

15. En vertu de cette nouvelle loi, le régime de rémunération de la soussignée était maintenu en vigueur dans son intégralité et aucune disposition de cette loi n’accordait au Conseil du Trésor quelque pouvoir que ce soit pour suspendre l’application de ce régime de rémunération.

16. Depuis son entrée au ministère de la Justice, en septembre 1992, la soussignée initialement à Industrie Canada (direction des faillites) et depuis octobre 1994 successivement les lettres d’offre d’emploi pour les périodes suivantes:

a) du 28 septembre 1992 au 22 novembre 1992 - stagiaire b) du 23 novembre 1992 au 18 décembre 1992 (LA-1) ;

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a été détachée au BFDR (Q) et a signé

Decision Page 3 c) du 21 décembre 1992 au 31 mars 1993; d) du 1er avril 1993 au 30 septembre 1993; e) du 1er octobre 1993 au 31 mars 1994; f) du 1er avril 1994 au 31 mars 1995; g) du 1er avril 1995 au 31 mars 1996;

17. La soussignée n’a obtenu que tout dernièrement, une cote d’évaluation de rendement pour l’année 1993 alors que le Manuel du Conseil du Trésor prévoit que le conseiller juridique de niveau LA-1 peut être examiné semestriellement et une augmentation à l’intérieur de l’échelle peut être accordée en fonction du rendement.

18. La soussignée a obtenu, en raison de son très bon travail, une cote “très bien” pour les deux années (1993 et 1994) ou elle a obtenu une évaluation de rendement.

19. Cependant, contrairement à son régime de rémunération, la soussignée n’a recu aucune augmentation au rendement tel qu’elle était légitimement en droit de s’attendre;

20. La soussignée s’estime lésée par le fait que le ministère de la Justice n’a pas étudié la légalité de la suspension de son régime de rémunération comme il aurait le faire la laissant ainsi dans l’incertitude quant à ses droits.

21. La soussignée s’estime lésée par le fait que le ministère de la justice a manqué à son obligation d’administrer son régime de rémunération conformément aux principes qu’il édictait.

22. La soussignée s’estime lésée par le fait qu’elle n’a pas reçu les augmentations au rendement qu’elle s’est méritée par son travail et sa compétence et ce, d’autant plus que le traitement actuel de la soussignée n’est pas au niveau de ce qu’il devrait être et que ce manque à gagner se perpétue de jour en jour de telle sorte qu’il affectera le traitement de la soussignée pendant le reste de sa carrière à la fonction publique fédérale et possiblement les prestations de retraite que la soussignée pourra recevoir éventuellement.

23. En ne respectant pas ses engagements, le gouvernement fédéral a profité du très bon rendement de la soussignée sans lui fournir la contrepartie qu’il s’était engagé à lui fournir.

24. Ce manquement par le gouvernement fédéral à ses engagements constitue en quelque sorte une forme d’enrichissement sans cause parce que la soussignée a

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Decision Page 4 fourni à son détriment une prestation de travail plus élevée sans être rétribuée en conséquence.

25. Le Conseil du Trésor est lié par ses propres politiques et il ne peut les suspendre arbitrairement.

26. Cette suspension est illégale, injuste et arbitraire parce que la Loi sur la rémunération du secteur public, L.C. 1991, ch. 30 et la Loi no. 2 de 1993 sur la compression des dépenses publiques, L.C. 1993, ch. 13 interdissaient toute modification à ce régime.

27. Cette suspension ne possède aucun fondement juridique et elle va à l’encontre des principes les plus élémentaires de l’équité et de la justice distributive.

28. Il apparaît maintenant clairement que le Conseil du Trésor était parfaitement au courant de l’illégalité de la suspension du régime de rémunération des avocats non syndiqués parce qu’il a bien pris soin de faire insérer dans la Loi d’exécution du budget 1994, L.C. ch. 18 sanctionnée le 15 juin 1994, une disposition pour suspendre, entre autres, à compter de l’entrée en vigueur de cette loi (soit le 15 juin 1994) et ce, pendant deux ans, le régime de rémunération des avocats du ministère de la Justice. Cette disposition est tout à fait nouvelle et elle n’existait pas dans les lois antérieures.

29. De plus, la soussignée s’attend légitimemment à ce que le Conseil du Trésor respecte le régime de rémunération qu’il a lui-même édicté en faveur de la soussignée.

30. En conséquence, le Conseil du Trésor n’avait aucune autorité pour suspendre le régime de rémunération de la soussignée avant le 15 juin 1994 et ne pas lui payer ses augmentations au rendement qu’elle aurait recevoir avant cette date.

31. Par ailleurs, cette suspension est discriminatoire et illégale parce que les autres régimes de rémunération au rendement édictés par le Conseil du Trésor n’ont pas été suspendus dans les autres ministères et autres organismes gouvernementaux, sauf apparemment celui des fonctionnaires du groupe de la direction.

32. Cette suspension est illégale parce qu’elle est basée sur des motifs non pertinents, savoir une distinction arbitraire entre avocats syndiqués et avocats non syndiqués et entre avocats du Ministère de la Justice et avocats des autres ministères et autres organismes gouvernementaux.

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Decision Page 5 33. De plus, cette suspension est discriminatoire et illégale parce qu’elle n’a pas été faite uniformément, si bien que les autres avocats et avocates de niveau LA-01 du ministère de la Justice ont continué d’obtenir des augmentations de traitement.

34. La soussignée demande que justice lui soit faite et que le Conseil du Trésor respecte à son égard ses engagements pour les années 1992, 1993 et 1994.

35. De plus, le BFDR(Q), nouveau client ou la soussignée est actuellement en détachement a préparé un budget pour l’année 1995 ou le salaire qui pourrait être payé pour elle correspond à ce qu’elle serait en droit de recevoir;

36. De surcroît, l’avocate ayant oeuvré au BFDR(Q) avant la soussignée était classée LA-02 alors que le premier poste occupé par la soussignée à titre de LA-01 en novembre 1992 est aussi occupé depuis le départ de la soussignée (octobre 1994) par un LA-02.

37. Ce qui revient à dire que dans les deux cas le client bénéficie des compétences de la soussignée qui est classée d’après son supérieur “très bien” d’après l’évaluation et profite de ses compétences sans en payer la juste contrepartie.

38. La soussignée afin de parfaire ses connaissances s’est inscrite en Maîtrise en droit de la Faillite ce qui a profité au client (Industrie Canada (Direction des Faillites)) et se propose dès le dépôt de son mémoire de préparer un doctorat dans les matières pertinentes à son travail.

39. La soussignée invoque à l’appui de sa demande les affaires Ménard et Ouellette v. Canada, 146 (1993) N.R. 92, Gingras v. Canada (1994) 165 N.R. 101 et Hughes v. D.H.S.S. (H.L. (E)), [1985) 1 A.C. 776.

40. Le présent grief est présenté conformément aux dispositions de l’article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 et des articles 71 et suivants du Règlement et règles de procédure la C.R.T.F.C.P. (1993), DORS\93-348.

41. La soussignée se réserve le droit de soumettre d’autres aurguments de fait et de droit.

42. Le présent grief est bien fondé en fait et en droit.

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Decision Page 6 Mesures correctives demandées 1. Je demande que les augmentations au rendement qui auraient m’être octroyées me soient versées.

2. Je demande que mon traitement soit réajusté au niveau qu’il doit être.

3. Je demande que l’on me paye rétroactivement toute somme qui m’est due.

4. Compte tenu du fait que ce grief concerne des décisions du Conseil du Trésor et des autorités de l’administration centrale du Ministère de la Justice, je demande que ce grief soit référé directement au quatrième et dernier palier de la procédure de grief.

5. Je demande qu’une audition de grief avec la soussignée soit tenue au quatrième et dernier palier de la procédure de grief.

6. Le tout respectueusement présenté. Fait à Montréal, ce 5e jour d’octobre 1995. Ce grief avait été transmis par M m e Beaulieu à son employeur, le 6 octobre 1995 dans les termes suivants: Monsieur le Sous-Ministre, Vous trouverez ci-joint un énoncé du grief concernant mon salaire pour le poste que j’occupe LA-01 auprès du Ministère de la Justice.

Conformément aux directives du Conseil du Trésor et de la Loi sur la Fonction Publique, vous trouverez dans mon énoncé les motifs et les revendications que j’entends vous soumettre.

J’ose espérer que ceci retiendra votre attention et vous en remerciant à l’avance.

Je vous prie de croire, monsieur le Sous-Ministre, à l’expression de ma très haute considération.

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Decision Page 7 Question de conflit d’intérêts Dès le début de l’audience M. Mavrikakis a soulevé une question de conflit d’intérêts touchant M e Carole Bureau du ministère de la Justice. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a signalé que M e Bureau était impliquée à titre de requérante dans une cause similaire à celle présentée dans le dossier 166-2-27316 touchant une question salariale et l’application de certaines lois visant la rémunération des fonctionnaires de l’État. Pour appuyer sa thèse, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a renvoyé aux textes et décisions suivants: Code de déontologie des avocats (R.R.Q. 1981, c. B-1, T. 1), Guide sur les conflits d’intérêts (Service de recherche et de législation, Barreau du Québec), Succession MacDonald c. Martin, [1990] R.C.S. 1235, 2527-7195 Québec Inc. v. 161442 Canada Inc. (C.S. district de Montréal n o : 500-05-000372-894), Donald D. Thomson et al. c. Smith Mechanical Inc. et al., [1985] C.S. 782, APV Pavailles Inc. c. Alain Bonischot et John A. Swift (Cour d’Appel, greffe de Montréal n o 500-09-000999-912) et Claude Pageau c. Dame Blanche Vanasse Aubry (C.S., district de Montréal, n o 500-14-002503-910). M. Mavrikakis demandait donc, entre autres choses, que M e Bureau soit déclarée inhabile à représenter le ministère de la Justice dans la présente affaire et que soit nommé un nouvel avocat dans des délais prescrits.

En réponse aux questions soulevées par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée, la représentante du Ministère a signalé que la possibilité d’un conflit d’intérêts ne pouvait être soulevée que dans le dossier 166-2-27316 touchant la question salariale et que de toute façon si jamais ce litige était entendu sur le fond, M e Piché et elle se retireraient du dossier. Décision sur la question de conflit d’intérêts Étant donné l’engagement des représentants de l’employeur de se retirer du dossier 166-2-27316, si jamais ce grief devait être entendu sur le fond, j’ai statué que M e Bureau et M e Piché pouvaient présenter leurs objections préliminaires déclinatoires de compétence dans les 6 renvois de M me Beaulieu soit les dossiers de la Commission 166-2-27313 à 27316, 27289 et 27335. En limitant leurs interventions à des questions de compétence, les procureurs du ministère de la Justice ne sauraient être en situation de conflit d’intérêts, réel ou apparents.

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Decision Page 8 Objection préliminaire Le 26 juillet 1996, M e Bureau faisait valoir, au nom de l’employeur, une objection déclinatoire de compétence dont voici le texte reproduit exactement: Je voudrais vous informer que l’employeur s’objecte à ce que la Commission des relations de travail dans la fonction publique nomme un arbitre selon le paragraphe 95(2)c) de la Loi sur les relations de travail (la Loi) pour entendre le grief rappelé en référence pour les motifs suivants:

Me Hélène Beaulieu occupait un « poste de direction ou de confiance » selon la définition contenue à l’article 2 de la Loi puisqu’elle occupait un poste de conseiller juridique au ministère de la Justice et partant n’était assujettie à aucune convention collective.

Or, selon l’alinéa 92(1)a) de la Loi, Me Hélène Beaulieu ne peut renvoyer à l’arbitrage ce grief puisqu’il ne porte pas sur l’interprétation ou l’application à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

Deuxièmement, le grief de Me Beaulieu intitulé «plainte ou grief salarial» porte sur le refus de l’employeur de lui payer un salaire supérieur à celui prévu à son contrat de travail tel qu’il appert de la lettre de plainte du 6 octobre 1995 déposée par la plaignante à l’appui de son grief et du présent renvoi à l’arbitrage.

Ce grief ne portant pas sur une suspension, ni sur une sanction pécuniaire, ni même sur une mesure disciplinaire entraînant son licenciement ou sa suspension ou une sanction pécuniaire Me Beaulieu ne peut s’autoriser de l’alinéa b) de l’article 92 de la Loi pour renvoyer son grief à l’arbitrage.

Cette requête en irrecevabilité est faite dans le but de favoriser la bonne administration de la justice, parce qu’il est inutile d’encombrer le rôle de la Commission avec des affaires au sujet desquelles un arbitre n’a manifestement pas compétence.

Nous serions disposés, au nom de l’employeur, à faire des représentations oralement si la Commission juge approprié de tenir une audition sur cette question.

Considérant ce qui précède, nous croyons qu’il serait inapproprié pour la Commission de fixer immédiatement l’audition de l’affaire mentionnée en rubrique pour la période du 7 au 11 octobre 1996.

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Decision Page 9 Dans l’attente de votre décision, je vous prie d’agréer, monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Espérant le tout conforme, veuillez agréer, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Lors de l’audience du grief tenue le 7 octobre 1996, M objection préliminaire.

En réponse aux objections formulées par M e Bureau le 26 juillet 1996, M. Mavrikakis faisait valoir les arguments qui suivent dans une lettre datée du 16 août 1996 traitant des différents griefs renvoyés à l’arbitrage par Mme Beaulieu, dont voici le texte reproduit exactement: OBJET: Renvois à l’arbitrage (166-2-27289, 27313 à 316, 127335, Hélène Beaulieu - Justice Canada

Monsieur le Secrétaire-adjoint, J’accuse réception des lettres de Madame Carole Bureau, représentant du Ministère dans cette affaire et je comprends très mal les trois premiers paragraphes de la première page lesquels sont repris en intégralité dans les six lettres.

En effet, le 11 juin 1996, plainte a été portée par Madame Hélène Beaulieu à votre Commission. Le 28 juin, vous avisiez les parties que l’audition des affaires citées se déroulerait du 9 au 13 septembre 1996. Par la suite une autre date a été demandée par nous pour le mois d’octobre, ce que le représentant de l’employeur, à ce moment-là M. Roger Lafrenière, avait accepté. Par la suite un autre procureur est assigné pour des raisons que vous connaissez et ce n’est que le 26 juillet que l’employeur décide de s’objecter à ce que Madame Hélène Beaulieu fasse entendre ses griefs et plaintes par la Commission.

Je voudrais ici souligner qu’en aucun cas le premier représentant n’a présenté cet argument et ce n’est que 45 jours après le dépôt de la plainte que l’employeur, pour des raisons obscures et invoquant des lois qu’il a lui même edictées s’oppose à ce que la Commission se penche sur le cas de Madame Beaulieu.

À ce sujet, nonobstant les articles référés par Madame Bureau dans sa lettre et plus particulièrement à la page 1 aux

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e Bureau a répété son

Decision Page 10 trois premiers paragraphes, il serait important pour l’employeur de se remémorer les outils de travail et les études qu’il a lui-même déposés concernant la politique sur le harcèlement au travail. Je me réfère ici au dossier du Conseil du Trésor du 3 janvier 1995 signé par M. R. J. Giroux qui dit en page 2

“Veuillez appliquer immédiatement la politique revisée”.

et à la page 13 au paragraphe du “Grief” “Si un employé décide de déposer un grief.... et à la page suivante la clause “En vertu d’une entente entre le le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la Fonction Publique, cette dernière enquêtera sur les plaintes de harcèlement.”

Et dans un autre document du Ministère de la Justice sur le harcèlement en milieu de travail, on y retrouve en page 3 la définition du harcèlement au paragraphe 2 et à la page 4

“le harcèlement comprend aussi l’abus de pouvoir qui signifie l’exercise malséant de l’autorité ou du pouvoir inhérent à un poste dans le dessein de compromettre l’emploi....”

Et, dans les lignes directrices, page 15 et suivantes, le Ministère de la Justice énonce le rôle de la Commission de la Fonction Publique notamment il est dit:

qu’une plainte auprès de la Direction des enquêtes de la Fonction Publique (harcèlement non lié à un motif inscrit dans la Loi Canadienne sur les Droits de la Personne).

ce qui est le cas puisqu’il s’agit d’un abus d’autorité entre autres.

Le Conseil du Trésor dans son étude sur le harcèlement en milieu de travail de septembre 1994 a consacré de longs articles sur le harcèlement en milieu de travail et particulièrement en ce qui a trait à l’abus.

Je me réfère aussi au document de griefs et plus particulièrement au paragraphe 9.2.1 Généralités du Volume 1 Chapitre 13, Volume 7, chapitre 5, chapitre 6 et chapitre 13, et de la Loi sur les Relations de Travail dans la Fonction Publique (L.R.T.F.P, art. 91 -101, Règlements et

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Decision Page 11 Règles de procédure de la Commission des Relations de Travail dans la Fonction Publique, art. 69-90 il est dit au paragraphe a:

“Un grief est une plainte écrite qu’un employé peut faire relativement à ses conditions d’emploi”.

Le sous-ministre adjoint Jean-Claude Demers, considérant, comme il le dit lui-même, que le harcèlement en milieu de travail était très important a édicté une politique dans une note de service du 27 janvier 1995 laquelle, aux pages 13 et 14, mention “grief”:

“En vertu d’une entente entre le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la Fonction Publique, cette dernière enquêtera sur les plaintes de harcèlement...”

ce qui entre autre permet de constater que Monsieur le sous- ministre-adjoint a repris à son compte les mêmes énoncés que le Conseil du Trésor.

Et dans la Directive du sous-ministre de la Justice, M. George Thomson, numéro 189SM du 16 février 1996, on peut y lire:

“C’est avec grand plaisir que j’annonce la nouvelle politique du Ministère de la Justice en matière de règlement des conflits. Cette politique représente une autre étape dans l’engagement du Ministère de fournir des services juridiques de qualité élevée.”

Et au paragraphe “Buts”, le sous-ministre ajoute: “En conformité avec gouvernementale le l’utilisation de différents règlement des conflits circonstances appropriées.

et plus loin: “Le recours aux mécanismes des règlements des conflits affirme deux des principes de l’énoncé de mission du Ministère: “Seconder le Ministre dans la tâche d’assurer, au Canada, l’existence d’une société juste respectueuse des Lois”.

Le Ministère énonce des lois, publie plusieurs fascicules sur le harcèlement mais lorsqu’il s’agit de son application, il

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la politique Ministère encourage mécanismes de dans toutes les

Decision Page 12 cherche les échappatoires pour tout, en ne tenant pas compte d’une part de la tardivité de son objection, et, deuxièmement de tous les beaux énoncés ainsi que des conférences qu’il a faites à ce sujet.

CRTFP : 166-2-27289 a) Madame Bureau indique que Madame Beaulieu occupait un poste de direction ou de confiance “. Comme il existe aucune définition à ma connaissance de “poste de confiance” car tous les employés, je suppose à tous les échelons des Ministères occupent un poste de confiance, que ce soit du balayeur au Ministre.

Quoiqu’il en soit, nous devons nous référer ici à la définition du LA-1 du Conseil du Trésor, Chap. 3-1 l’on y traite du LA-1 dans la description des niveaux de traitement, page C-1:

LA-1 “Les conseillers juridiques à cette échelle de traitement effectuent un travail juridique sous surveillance générale”.

Or à la lecture de ceci, il ne semble pas que ce soit un poste de Direction. Et, dans la description de tâches qui a été faite pour Me Beaulieu, on y lit:

Sous la supervision d’un avocat plus expérimenté d’effectuer des travaux juridiques de nature a permettre d’acquérir la formation et l’expérience nécessaires pour obtenir un emploi à un niveau plus élevé.”

Comme on peut le voir, rien dans ses tâches ne peut permettre à Madame Bureau de relier l’emploi de Madame Beaulieu à l’article 2 de la Loi.

b) Lorsque l’on parle de M. Marcel Gauvreau, et les notes sont pour l’expliquer, Madame Bureau note elle- même dans son paragraphe 2 de sa lettre:

“La réponse au dernier palier aurait été faite sans tenir compte des questions qu’elle aurait posées à l’enquêteur.”

Le dossier parle par lui-même: on lui a fait une fin de non recevoir malgré de nombreux appels de sa part, tel qu’en fait foi le dossier remis au sous-ministre.

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Decision Page 13 L’enquêteur, M. Baron, aux demandes répétées, a indiqué qu’il ne se rappelait plus, qu’il n’avait pas ses notes et qu’il n’était pas en mesure de répondre aux questions de Madame Beaulieu...

Quant au 4e paragraphe de la lettre de Madame Bureau qui dit que le grief ne porte pas sur une suspension ni sanction pécunière ni même mesure disciplinaire, il y a lieu de se rapporter à la plainte 166-2-27313 qui est la conséquence de ce premier grief logé par Madame Beaulieu à l’encontre de M. Marcel Gauvreau.

CRTFP : 166-2-27335 Madame Bureau mentionne au paragraphe 2 “Cette procédure n’est d’ailleurs pas terminée, le rapport émanant du représentant ministériel attitré n’est pas terminé”.

La représentante du ministère oublie que M. Grosleau de la Direction des Relations de travail essaye vainement depuis le mois de décembre d’avoir un rendez-vous avec M. Mayrand et celui-ci semble fort occupé et, par lettre du 4 juin 1996, nous avions indiqué à M. Grosleau que les délais avaient été plus que suffisants et que nous renvoyions le tout devant la Commission.

Les autres motifs invoqués sont les mêmes que ceux mentionnés au début de cette lettre et par voie de conséquence, nous n’avons pas à les commenter d’avantage.

CRTFP : 166-2-27314 La représentante du Ministère oublie que n’eut été les plaintes d’abus d’autorité et d’éthique à l’encontre de M. Pépin, il n’y aurait pas eu de lettre de congédiement tel que mentionné dans la plainte no. 166-2-27313.

Pour ce qui est du reste, nous vous référons à nouveau aux commentaires déjà énoncés ci-dessus.

CRTFP : 166-2-27315 Je pense que la représentante de l’employeur reprend les écrits de Madame Beaulieu dans un autre contexte quand elle dit que c’est une “opinion divergente qui aurait été rendue par son superviseur.

Il ne s’agit pas de celà, la lettre de Madame Beaulieu parle par elle-même et dit en substance que c’est plutôt une opinion juridique

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Decision Page 14 que madame Beaulieu a faite, laquelle a été approuvée par “son supérieur”, en consultation avec lui et, que pour des raisons obscures, il a changé quelques jours plus tard en en donnant une autre à l’insu de Madame Beaulieu, sans la consulter ni lui en donner la teneur.

Pour ce qui est du reste, nous vous référons à nouveau aux commentaires déjà énoncés ci-dessus.

CRTFP : 166-2-27313 La représentante du Ministère fait mention que Madame Beaulieu perdait sa qualité de fonctionnaire à l’expiration de la période pour laquelle elle a été nommée.

Trois points essentiels sont manquants ici ou passés sous silence:

1) “Le superviseur” n’avait pas l’autorité voulu pour lui signifier son congédiement;

2) Le contrat entre le B.F.D.R.(Q) et le Ministère de la Justice prévoyait au paragraphe 1 de l’Entente que six mois avant l’expiration dudit contrat, le B.F.D.R.(Q) devait aviser le Ministère de la Justice de toute modification. Or rien n’apparait dans le dossier démontrant que des modifications avaient été demandées par le B.F.D.R.(Q).

3) Dans le cas qui nous préoccupe, le B.F.D.R.(Q) avait le devoir, dans un premier temps, d’aviser le Ministère de la Justice six mois avant toute modification à l’Entente entre les Ministères. Dans un deuxième temps, le Ministère de la Justice devait regarder parmi ses effectifs, suivant l’ordre d’ancienneté d’emploi des avocats pour les années 1993, 1994 et 1995, et ensuite reclasser Madame Beaulieu.

Madame Bureau dans sa lettre du 25 juillet à la Commission Canadienne des Droits de la Personnes aux questions posées par M. Jean-Guy Boissonneault, répond à la page 2, par. 4:

“En ce qui a trait au non renouvellement des autres employés du Ministère pour les années 1993, 1994 et 1995, le Ministère est actuellement en train de colliger cette information et je vous la ferai parvenir avec les commentaires appropriées dès qu’elle sera disponible.”

ce qui est en contradiction à la lettre du 26 juillet qu’elle vous a adressée, puisqu’elle n’a pas encore l’information.

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Decision Page 15 CRTFP : 166-2-27316 Sans être irrevérentieux, nous nous inscrivons en faux aux prétentions de l’employeur et au contenu de sa lettre du 26 juillet et insistons pour dire que la Commission a le droit lorsqu’il s’agit d’une interprétation ou l’application à l’endroit de Madame Beaulieu d’une directive du Conseil du Trésor, de traiter de ce sujet car Madame Beaulieu a subit un préjudice au niveau économique et il n’est pas question ici d’un salaire supérieur à celui prévu à son contrat de travail, mais plutôt de la suspension du régime de rémunération au rendement de la requérante, chose que la requérant a le droit de recevoir des augmentations au rendement suivant les cotes au rendement qu’elle s’était méritée par son travail.

N’oublions pas que la même représentante d’un autre côté plaide en Cour Fédérale contre le Ministère pour les mêmes raisons et qu’aujourd’hui elle invoque d’autres motifs malgré qu’ils soient aussi louables que les siens et de même nature. Ceci nous amène beaucoup a réfléchir sur la bonne foi de l’employeur...

Pour toutes ces raisons, nous croyons que les objections contenues dans les lettres envoyées par la représentante de l’employeur sont mal fondées et devraient être rejetées, les dates du 7 au 11 octobre maintenues pour que les parties puissent être devant l’arbitre de la Commission et faire les représentations qui s’imposent.

Je vous remercie à l’avance de l’attention que vous porterez à la présente et nous nous tenons à votre disposition, afin de faire valoir oralement, si vous le jugez opportun, les réponses que vous soulignons ci-dessus.

Dans cette attente, nous vous prions de croire, Monsieur le Secrétaire-adjoint, à l’expression de nos salutations distinguées.

Motifs de décision sur l’objection préliminaire La compétence d’un arbitre dans le cadre du régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique trouve sa source dans l’article 92 du texte législatif: Arbitrage des griefs Renvoi à l’arbitrage 92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

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Decision Page 16 a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

(2) Pour pouvoir renvoyer à l’arbitrage un grief du type visé à l’alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l’approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

(3) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l’application de l’alinéa (1)b), tout secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie II de l’annexe I.

Le grief de M me Beaulieu concerne le salaire qui se rattachait au poste qu’elle occupait au ministère de la Justice. Il ne s’agit donc pas d’une plainte à l’encontre d’une mesure disciplinaire qui pourrait faire l’objet d’un renvoi en vertu des dispositions des alinéas 92(1)b) et c) de la Loi. De plus, le fait que M me Beaulieu ne soit pas syndiquée lui enlève toute possibilité de renvoyer à l’arbitrage un grief concernant l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale en vertu de l’alinéa 92(1)a). En effet le paragraphe 92(2) a pour effet d’exiger qu’un fonctionnaire soit assujetti à une convention collective et ait l’appui de son agent négociateur pour renvoyer à l’arbitrage un grief touchant l’interprétation d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

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Decision Page 17 Je dois donc conclure que je n’ai pas la compétence nécessaire pour entendre le grief de M m e Beaulieu. Yvon Tarte, président.

OTTAWA, le 10 janvier 1997.

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