Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Procédure de règlement des griefs - Licenciement (motif disciplinaire) - Retraite pour raisons médicales - Invalidité de longue durée - Statut de fonctionnaire - Compétence - le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé deux griefs concernant l'interprétation de la convention collective et un troisième contre le refus de l'assureur de continuer de lui verser des prestations d'invalidité de longue durée - le fonctionnaire était en congé d'invalidité depuis deux ans - à l'expiration de cette période, l'assureur a refusé de continuer de lui verser des prestations - quatre mois plus tard, Santé Canada a déclaré le fonctionnaire s'estimant lésé inapte à travailler de façon permanente - le fonctionnaire a ensuite demandé à prendre sa retraite pour raisons médicales - juste avant de renvoyer ce grief à l'arbitrage, le fonctionnaire a soutenu qu'il découlait en réalité d'un licenciement disciplinaire déguisé - l'employeur s'est opposé à la compétence de l'arbitre d'instruire les griefs - l'employeur a fait valoir que, puisque le fonctionnaire était un ancien employé lors du dépôt des griefs, il n'était plus un fonctionnaire au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - l'employeur a ajouté que les deux griefs ayant trait à l'interprétation de la convention collective avaient été renvoyés à l'arbitrage sans le consentement de l'agent négociateur - l'employeur a maintenu que l'arbitre n'avait pas compétence pour instruire le grief contre le refus de l'assureur de continuer de verser des prestations de longue durée - enfin, l'employeur a soutenu que le fonctionnaire ne pouvait pas changer l'objet de ses griefs une fois que l'employeur y avait répondu - le fonctionnaire a fait valoir que le refus de l'assureur de continuer de lui verser des prestations d'invalidité de longue durée allait à l'encontre des conclusions auxquelles était arrivé Santé Canada - le fonctionnaire a soutenu que, puisqu'il ne recevait aucun revenu ni de l'employeur ni de l'assureur, il n'avait d'autre choix que de demander une retraite pour des raisons médicales, ce qui équivalait à un licenciement disciplinaire déguisé - l'arbitre a conclu que la LRTFP permettait au fonctionnaire de déposer ses griefs, même s'il n'était plus fonctionnaire lorsqu'il l'a fait - en ce qui concerne les griefs ayant trait à l'interprétation de la convention collective, l'arbitre a conclu qu'il n'avait pas compétence, puisque ces griefs n'étaient pas soutenus par l'agent négociateur - l'arbitre a en outre conclu qu'il n'avait pas compétence pour instruire le grief concernant la décision de l'assureur - enfin, l'arbitre a déclaré qu'il n'était pas loisible au fonctionnaire de modifier la nature de ses griefs immédiatement avant de les renvoyer à l'arbitrage. Griefs rejetés. Décisions citées : La Reine c. Lavoie [1978] 1 C.F. 778; Gloin c. le Procureur général du Canada [1978] 2 C.F. 307; Burchill c. le Procureur général du Canada [1981] 1 C.F. 109.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27180 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE BERNARD HUNT fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant: Yvon Tarte, président Décision rendue sans audience

Decision Page 1 DÉCISION Le 14 février 1995, M. Bernard Hunt a présenté trois griefs à son employeur. Un de ces griefs a trait au refus de La Nationale du Canada, Compagnie d'Assurance-Vie, de continuer de lui verser des prestations d'invalidité après le mois de juillet 1994. Les deux autres griefs concernent l'interprétation ou l'application à son égard de la Directive sur les postes isolés et de la Politique sur les frais pour les logements de possession gouvernementale, qui ont toutes les deux été incorporées par renvoi à la convention cadre conclue entre l'Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor en vertu de l'article M-37 de la convention. Le 17 avril 1996, M. Hunt a renvoyé ces griefs à l'arbitrage. Juste avant de le faire et après avoir reçu la réponse de l'employeur à ses griefs, le fonctionnaire a soulevé pour la première fois auprès de l’employeur l'allégation selon laquelle ses griefs découlaient en réalité d'un licenciement disciplinaire déguisé.

Les faits essentiels entourant ces griefs ne semblent pas contestés. Le fonctionnaire s'estimant lésé, qui occupait un poste de pompier, est incapable de remplir les fonctions de son poste depuis octobre 1991. Exception faite d'une période de trois semaines en mars 1993 durant laquelle il a repris son travail, le fonctionnaire a pris diverses formes de congé, payé et non payé, jusqu'au 25 mars 1994. Du 15 juin 1992 au mois de juillet 1994, il a reçu des prestations d'invalidité de longue durée au titre du Régime d'assurance pour les cadres de gestion de la fonction publique par l'entremise de l'assureur, La Nationale du Canada, Compagnie d'Assurance-Vie. L'assureur a refusé de lui verser des prestations au-delà de cette date. Le 24 novembre 1994, Santé Canada a déclaré que le fonctionnaire était inapte à travailler de façon permanente. M. Hunt a donc demandé à prendre sa retraite pour des raisons médicales, ce qui lui a été accordé à compter du 17 janvier 1995. Au départ il y a eu une certaine confusion quant à savoir si M. Hunt était un fonctionnaire exclu ou non. Il semble, toutefois, que bien que l'employeur ait eu l'intention de proposer que M. Hunt soit exclu de l'unité de négociation il ne l'ait finalement jamais fait, principalement à cause de son absence prolongée du travail.

L'employeur conteste le pouvoir d'un arbitre nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) d'instruire ces griefs. La Commission a informé les parties qu'elle statuerait sur les exceptions déclinatoires à partir des arguments écrits des parties et sans audience.

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Decision Page 2 Arguments des parties L'employeur soutient que M. Hunt, puisqu'il était un ancien fonctionnaire lorsqu'il lui a présenté ses griefs, ne satisfait pas à la définition de « fonctionnaire » figurant dans la LRTFP; par conséquent, les dispositions de cette loi ne s'appliquent pas à lui. De plus, l'employeur fait remarquer que deux des griefs ont trait à l'interprétation ou à l'application de la convention collective à l'endroit de M. Hunt. En vertu du paragraphe 92(2) de la LRTFP, ces griefs ne peuvent être renvoyés à l'arbitrage sans l'appui de l'agent négociateur, appui que M. Hunt n'a pas obtenu. D'autre part, l'article 92 de la LRTFP ne confère à un arbitre aucun pouvoir de se prononcer sur la décision de l'assureur qui fait l'objet de l'autre grief. Enfin, M. Hunt n'a soulevé l'allégation d'un licenciement disciplinaire déguisé qu'après avoir reçu la réponse de l'employeur à ses griefs; immédiatement après, il les a renvoyés à l'arbitrage. L'employeur s'appuie sur la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Burchill c. le procureur général du Canada [1981] 1 C.F. 109 pour faire valoir qu'un arbitre n'a pas le pouvoir de statuer sur cette allégation dans les circonstances.

Le fonctionnaire invoque essentiellement le fait que le refus de l'assureur de lui verser des prestations d'invalidité après juillet 1994 contredit l'expertise effectuée par Santé Canada le 24 novembre 1994 et selon laquelle il est inapte de façon permanente à travailler. Comme il n'a reçu aucun revenu de l'employeur ni de l'assureur après juillet 1994, il a été contraint de prendre sa retraite pour des raisons médicales. Selon le fonctionnaire, cela constitue un licenciement disciplinaire déguisé. Par conséquent, un arbitre nommé sous le régime de la LRTFP a compétence pour instruire tout grief découlant de cette situation, comme il est prévu au paragraphe 92(1) de la LRTFP.

Décision L'argument de l'employeur selon lequel M. Hunt, parce qu'il est un ancien fonctionnaire, ne peut invoquer les dispositions de la LRTFP est sans fondement. La Cour d'appel fédérale a déclaré que les dispositions de la LRTFP s'appliquent à quiconque s'estime lésé en tant que fonctionnaire : La Reine c. Lajoie [1978] 1 C.F. 778; Gloin c. le procureur général du Canada [1978] 2 C.F. 307. De toute évidence, les griefs du fonctionnaire découlent de sa relation employeur-employé.

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Decision Page 3 Cependant, en vertu du paragraphe 92(2) de la LRTFP le fonctionnaire, à titre de membre de l'unité de négociation, ne peut renvoyer à l'arbitrage un grief qui met en cause l'interprétation ou l'application, à son égard, de la convention collective sans le consentement de l'agent négociateur. Deux des griefs ont trait à l'interprétation de la convention collective et le fonctionnaire n'a pas obtenu l'appui de l'agent négociateur pour les renvoyer à l'arbitrage. Par conséquent, un arbitre nommé sous le régime de la LRTFP n'a aucun pouvoir de les instruire. Je tiens à signaler que le fonctionnaire ne serait guère plus avancé s'il avait été exclu de l'unité de négociation puisque les fonctionnaires exclus ne sont pas assujettis à la convention collective.

La compétence d'un arbitre d'instruire les griefs est prévue au paragraphe 92(1) de la LRTFP. Le grief du fonctionnaire contestant le refus de l'assureur de continuer de lui verser des prestations d'invalidité ne relève pas de ce paragraphe. Par conséquent, l'arbitre ne peut en connaître. D'autre part, il n'est pas loisible au fonctionnaire, immédiatement après avoir renvoyé son grief à l'arbitrage, de tenter d'en modifier la nature en prétendant qu'en réalité il conteste un licenciement disciplinaire déguisé : Burchill c. le procureur général du Canada [1981] 1 C.F. 109.

En conséquence, pour tous ces motifs, les trois griefs sont rejetés faute de compétence.

Le président, Yvon Tarte

OTTAWA, le 13 août 1997.

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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