Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Redressement - Indemnisation à la place de la réintégration - Montant - paragraphe 97(4) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - dans une décision antérieure, l'arbitre avait déterminé que la mise en disponibilité du fonctionnaire le 1er avril 1996 constituait un congédiement disciplinaire déguisé qui n'était pas justifié vue l'ensemble des circonstances [(1997) 31 Décisions de la CRTFP 33] - toutefois, l'arbitre avait accordé des dommages-intérêts de 70 000 $ à la place de la réintégration - le fonctionnaire a présenté une demande de révision judiciaire, et la décision de l'arbitre a été annulée par la Section de première instance de la Cour fédérale pour ce qui est du montant des dommages-intérêts : dossier de la cour T-623-97 - la cour a ordonné à l'arbitre de déterminer de nouveau le montant des dommages-intérêts après avoir accordé aux parties la possibilité de présenter des arguments et des preuves sur ce point particulier - par conséquent, l'arbitre a convoqué une audience et reçu les preuves et les arguments additionnels des parties - entre autres choses, le fonctionnaire demandait une indemnisation pour avoir été privé de la possibilité de bénéficier du Programme d'encouragement à la retraite anticipée (PERA) - il demandait également que lui soient versés des intérêts sur le montant qui lui était dû ainsi que le dédommagement des frais judiciaires qu'il avait engagés à titre de fonctionnaire non représenté - le fonctionnaire a soutenu que le paragraphe 97(4) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) investit l'arbitre du pouvoir d'accorder de tels dommages-intérêts - il a voulu s'appuyer également sur l'article 98(1) de la LRTFP - de l'avis de l'arbitre, la possibilité que le fonctionnaire aurait pu se prévaloir du PERA s'il n'avait pas été licencié de façon injustifié est beaucoup trop hypothétique pour justifier l'attribution de dommages-intérêts - l'arbitre a également fait remarquer que le concept de << préavis raisonnable >> s'applique uniquement aux licenciements assujettis à la common law et non pas aux licenciements assujettis à la LRTFP - lorsqu'il s'agit d'attribuer à un fonctionnaire une rémunération en remplacement de sa réintégration en vertu de la LRTFP, les arbitres examinent par analogie les décisions rendues en common law à titre de guide concernant le montant approprié - l'arbitre a conclu qu'en l'absence d'une disposition dans la LRTFP lui conférant le pouvoir de le faire, il ne pouvait accorder au fonctionnaire des intérêts pour ses frais juridiques - ni le paragraphe 97(4) ni le paragraphe 98(1) de la LRTFP ne confèrent à l'arbitre un tel pouvoir - en fait, au paragraphe 98(1) il est uniquement question d'exemption d'un employé non représenté du paiement d'une partie des frais de la Commission comme le prévoit le paragraphe 98(2) - à la lumière de la preuve et des arguments présentés par les parties, l'arbitre a accordé la somme de 95 000 $ à titre de dommages-intérêts à la place de la réintégration - ce montant devait s'ajouter à toute indemnité de départ et autres avantages que le fonctionnaire a reçus de l'employeur au moment de son licenciement - toutefois, l'arbitre a refusé d'ordonner à l'employeur de remettre au fonctionnaire une lettre de référence ou de recommander que l'employeur lui fasse des excuses. Indemnisation accordée. Décisions citées :Alberta Wheat Pool c. Konevsky (non publiée, Cour d'appel fédérale, dossier no A-96-89, en date du 11 septembre 1990); Première nation de Wolf Lake c. Young, (1997) 130 F.T.R. 115; Re Ogilvie and Treasury Board (1984), 15 L.A.C. (3d) 405; Puxley (166-2-22284); Hallé v. Bell Canada (1989), 99 N.R. 149; Bardall v. Globe & Mail Ltd (1960), 24 D.L.R. (2d) 140 (Haute cour de justice de l'Ontario); Kilpatrick v. Peterborough Civic Hospital (1988), 38 O.R. (3d) 298.

Contenu de la décision

Dossier : 166-20-27336 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JOHN MATTHEWS fonctionnaire s’estimant lésé et LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ employeur Devant : J. Barry Turner, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Shawn Minnis, avocat Pour l’employeur : Gérard Normand, avocat Affaire entendue à Ottawa (Ontario), du 10 au 14 décembre 1998.

DÉCISION M. John Matthews était employé par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) à titre d’agent principal (niveau 8), Direction de l’administration et des finances, Direction générale des politiques et des systèmes jusqu’à sa présumée mise en disponibilité le 1 er avril 1996. J’ai entendu en arbitrage, en novembre et décembre 1996, son grief initial concernant son licenciement par le SCRS. Dans la décision que j’ai rendue le 5 mars 1997 j’ai conclu que, même si le SCRS avait agi de mauvaise foi lorsqu’il avait licencié le fonctionnaire, il convenait d’accorder des dommages-intérêts à M. Matthews au lieu de le réintégrer. Je lui ai accordé 70 000 $. M. Matthews a présenté une demande de révision judiciaire de ma décision; le juge Richard, Section de première instance de la Cour fédérale, a ordonné ce qui suit le 8 décembre 1997 (dossier de la Cour T-623-97) : [Traduction] La partie de la décision de l’arbitre qui fixe le montant des dommages-intérêts accordés au requérant est annulée et la Cour ordonne à l’arbitre de déterminer de nouveau le montant des dommages-intérêts après avoir accordé au requérant et au défendeur la possibilité de présenter à l’arbitre des arguments et des preuves sur ce point particulier.

Ce qui suit est le résultat de l’audience subséquente concernant le montant des dommages-intérêts à attribuer à M. Matthews.

Résumé de la preuve 1. M. Matthews, qui est le 18 avril 1948, est marié et a deux fils. En 1973 il s’est joint au ministère de la Consommation et des Corporations (MCC), Section de la comptabilité. En mars 1989, il a été mis en disponibilité après 16 ans de service au Ministère. Le 30 octobre 1989, il est entré au service du SCRS.

M. Matthews a expliqué que le Programme d’encouragement à la retraite (PERA) était un incitatif qu’on offrait aux fonctionnaires pour qu’ils quittent la fonction publique fédérale à l’âge de 50 ans sans subir de pénalité du point de vue de la pension. Il savait en 1995 qu’on offrait le PERA pour une période de trois ans. Lorsqu’il a eu 50 ans en avril 1998, il aurait accepté cette offre. Il doit maintenant attendre d’avoir 60 ans, a-t-il ajouté, pour recevoir une pension non réduite. Lors de son licenciement le fonctionnaire gagnait annuellement 62 552 $.

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Décision Page 2 M. Matthews, un golfeur avide, a ajouté qu’un des avantages dont il bénéficiait lorsqu’il était au SCRS découlait de son adhésion au Buffalo Golf Club lequel avantage, apparemment, remontait à l’époque de la GRC; cela lui permettait de jouer au golf à divers clubs de golf de la région de la capitale nationale, et ce, à des taux considérablement réduits. Parfois, a-t-il dit, il pouvait économiser entre 40 et 45 $ par ronde de golf.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit qu’après son licenciement il s’est astreint à une stricte routine en vue de se trouver un nouvel emploi. Il lui était difficile de trouver du travail à cause de son âge et de ses nombreuses années au sein de la fonction publique. Il a envoyé environ 75 demandes et il a touché, pendant 40 semaines, des prestations d’assurance-emploi totalisant environ 18 000 $.

Le fonctionnaire a témoigné que, puisqu’il avait perdu des prestations dentaires auxquelles il avait droit lorsqu’il travaillait au SCRS, sa femme l’a ajouté à son régime, ce qui lui coûtait environ 57 $. Celle-ci occupe un poste d’infirmière dans la fonction publique ontarienne. Il a en outre souscrit une politique collective d’assurance-vie temporaire de 100 000 $ auprès de l’Association canadienne des automobilistes (CAA), laquelle lui coûtait environ 1 500 $. Le taux a doublé lorsqu’il a eu 50 ans, a-t-il ajouté. La pièce G-3 montre les frais que le fonctionnaire a assumer au titre de l’assurance-soins dentaires et de l’assurance-vie.

En décembre 1997, M. Matthews a commencé à travailler à titre de fonctionnaire nommé pour une période déterminée (six mois) à Agriculture et Agroalimentaire Canada; il y travaillait au bureau de la comptabilité à titre de FI-2 et touchait 49 500 $. Son contrat a été prolongé jusqu’au 31 mars 1999 au salaire de 51 000 $. En tant que fonctionnaire nommé pour une période déterminée il bénéficie d’avantages réduits et ne souscrit à aucun régime de soins dentaires ou de soins de santé, mais il doit verser des cotisations au régime de retraite.

Le fonctionnaire a reconnu la pièce G-1 comme étant l’état des frais juridiques qu’il avait lui-même assumer jusqu’à la date de la présente audience, lesquels totalisent 36 093,17 $. Au début de l’audience, M e Minnis m’a informé que le total atteindrait vraisemblablement 45 000 $.

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Décision Page 3 M. Matthews a lu une déclaration décrivant comment la perte de son emploi l’avait affecté, ainsi que sa famille et ses amis, et les effets que cela avait eus sur sa situation financière et ses perspectives d’emploi. Quatre de ses anciens collègues du SCRS ont bénéficié du PERA, mais pas lui. Le fonctionnaire a reconnu une analyse des prestations de retraite qu’il avait perdues, laquelle avait été préparée par un actuaire, M. Guy Martel de la firme Welton, Beauchamps, Parent Inc. (pièce G-2).

En contre-interrogatoire, M. Matthews a précisé que lorsqu’il a été mis en disponibilité en 1989 il pouvait exercer l’option de placement assortie d’un montant forfaitaire équivalant à six mois de rémunération et d’avantages sociaux en remplacement de la période de préavis, ou il aurait pu travailler pour un autre ministère dans un emploi autre que la vérification. Il a décidé d’accepter le montant forfaitaire. À l’époque, il a placé sa pension dans un REER autogéré et a transféré ces fonds au régime de retraite du SCRS en octobre 1989. Lorsqu’il a quitté le SCRS, M. Matthews dit avoir reçu 7 193,19 $ en indemnité de départ et 4 258,37 $ en vacances payées (voir la pièce E-1). Il croit se rappeler que le régime de soins dentaires du SCRS remboursait 90 % des frais lorsqu’il a commencé à y travailler et 80 % à son départ; l’assurance (vie, invalidité et mutilation) offerte par le SCRS lui coûtait annuellement 500 $ environ. Il est maintenant assuré par le régime familial dont sa femme bénéficie au travail, puisqu’en tant que fonctionnaire nommé pour une période déterminée à Agriculture Canada il n’a pas droit à certains avantages.

M. Matthews croit se rappeler que son adhésion au Buffalo Golf Club du SCRS lui coûtait 100 $ par année. Il a finalement abandonner son adhésion, et celle de sa femme, à deux clubs de golf privés au Kanata Lakes Golf Club.

Après son licenciement, le fonctionnaire ne pouvait présenter sa candidature qu’à des postes de la fonction publique offerts au public. Maintenant, à titre de fonctionnaire nommé pour une période déterminée, il peut postuler des emplois auxquels les fonctionnaires peuvent présenter leur candidature. M. Matthews a signalé qu’il n’avait été convoqué qu’à deux ou trois entrevues à la suite des 75 demandes qu’il avait envoyées.

Pendant le réinterrogatoire, le fonctionnaire a précisé que lorsqu’il a quitté le MCC il a reçu six mois de salaire et une indemnité de départ équivalant à 16 semaines

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Décision Page 4 de salaire; il a aussi transféré environ 70 000 $ dans un REER privé. Lorsqu’il s’est joint au SCRS, il a racheté ses années de service ouvrant droit à pension pour qu’il en soit tenu compte dans son régime de retraite du SCRS. Cela lui a coûté entre 75 000 $ et 80 000 $.

Lorsqu’il travaillait au SCRS, a-t-il ajouté, il pouvait combler l’écart entre son régime de soins dentaires et celui de son épouse. Il pouvait bénéficier du Buffalo Golf Club du SCRS entre 12 et 15 fois par année. Le maximum permis, croit-il, était de 20 fois par année.

M e Normand a produit la pièce E-1, le calcul des prestations de retraite et des avantages auxquels M. Matthews avait droit et qu’a préparée le 11 décembre 1998 M me Ginette Garneau, de la Section de la rémunération du SCRS. M e Minnis s’est opposé à la production de cette preuve, qu’il a jugée inéquitable pour deux raisons : premièrement, c’était la première fois qu’il voyait ce document, et deuxièmement, M e Normand avait en main l’analyse des prestations de retraite du fonctionnaire (pièce G-2) depuis juin 1998. Avant d’accepter que soit admise la pièce E-1, M e Minnis a demandé que M e Normand convienne de ce qui suit : (1) que M me Garneau n’est pas une actuaire; (2) que les chiffres fournis ne portent que sur les prestations de retraite non réduites et réduites à un moment précis;

(3) que les nombres sont calculés suivant les règles régissant la pension de retraite en vigueur en décembre 1998.

M e Normand en a convenu. Les parties ont passé l’après-midi de la première journée d’audience à tenter d’en arriver à un règlement de l’affaire. Elles n’y sont pas parvenues.

M e Normand a en outre produit un document du Conseil du Trésor intitulé « Comptabilisation centrale du passif relié à la réduction des effectifs pour l’exercice clos le 31 mars 1997 », document daté du 27 mars 1997 (pièce E-2) ainsi qu’un avis spécial daté du 10 juin 1997 intitulé « Fin du Programme d’encouragement à la retraite anticipée (PERA) » (pièce E-3).

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Décision Page 5 M e Minnis a produit un document que le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu d’un certain M. Ron Easey, coordonnateur du Centre de ressources de la Commission de la fonction publique, et lequel contient des questions et réponses à propos du PERA (pièce G-4). Il a en outre confirmé auprès de M e Normand que quatre des anciens collègues du fonctionnaire s’estimant lésé, MM. Gagnon, Klein, Lapointe et Bussière, s’étaient tous prévalus du PERA depuis 1995.

M e Normand a reconnu que si M. Matthews avait continué de travailler au SCRS il aurait été admissible au PERA si on le lui avait offert, puisqu’il avait à son crédit plus de dix années de service dans la fonction publique. Ce fait était crucial à l’argumentation de M e Minnis, puisqu’il est mentionné dans le rapport actuariel de M. Martel (pièce G-2).

M e Normand a en outre reconnu que le fonctionnaire assumait seul les primes de son assurance-vie lorsqu’il était au SCRS, et que s’il avait continué de travailler au SCRS ses primes auraient été inférieures à celles qu’il avait payer pour des régimes privés, tel que l’indique la pièce G-3, puisque le SCRS offrait un taux collectif réduit.

Argumentation du fonctionnaire s’estimant lésé M e Minnis présente un cahier de jurisprudence comportant 23 onglets. Il soutient que, en vertu du paragraphe 97(4) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), je suis investi d’un pouvoir illimité pour imposer que soit prise n’importe quelle mesure à l’endroit du fonctionnaire s’estimant lésé. Le paragraphe 97(4) est ainsi libellé : (4) L’employeur prend toute mesure que lui impose une décision rendue à l’arbitrage sur un grief.

À l’appui de son argument, M e Minnis me renvoie à l’onglet 15, la décision qu’a rendue en 1970 la Commission dans l’affaire Alliance de la fonction publique du Canada et Conseil du Trésor (groupe Soutien technologique et scientifique catégorie technique) (dossier de la Commission 161-2-24) concernant une plainte alléguant le défaut de la part de l’employeur d’appliquer une convention collective dans le délai prévu à l’article 56 (maintenant 57) de la LRTFP. Dans sa décision, la Commission a tenu compte de la portée du paragraphe 96(4) (maintenant 97(4)) de la LRTFP à la page 17 :

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Décision Page 6 [...] Il n’y a rien dans l’article 96(4) [maintenant 97(4)] qui puisse restreindre la mesure compensatrice qu’un arbitre peut ordonner [...]

Il me renvoie en outre à l’onglet 17, un arrêt dans lequel la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la portée du pouvoir de redressement que confère à un arbitre le paragraphe 61.5(9) du Code canadien du travail (le Code). Dans Slaight Communications Inc. c. Davidson [1989] 1 R.C.S. 1038 le juge Lamer a fait les observations suivantes à page 1072 : [...] Alors même si je devais admettre que la version anglaise devrait prévaloir sur la version française, ce que je n’admets pas, je serais néanmoins d’avis que cette disposition est ambiguë et que la façon la plus rationnelle de l’interpréter consiste à dire que la présence du mot « like » dans cette version n’a pas pour effet de limiter le pouvoir général conféré à l’arbitre. Cette interprétation est d’ailleurs beaucoup plus conforme à l’économie générale du Code et en particulier au but de la division V.7 qui est d’offrir à l’employé non syndiqué un moyen de contester un congédiement qu’il juge injuste et parallèlement d’offrir à l’arbitre les pouvoirs nécessaires pour remédier aux effets d’un tel congédiement. L’article 61.5 est une disposition clairement réparatrice qui, de ce fait, doit être interprétée largement.

[Note de l’arbitre : Le paragraphe 61.5(9) du Code est maintenant la section XIV, Cas de congédiement injuste, paragraphe 242(4).]

M e Minnis soutient que le paragraphe 97(4) de la LRTFP est semblable au paragraphe 242(4) du Code qui confère à un arbitre le pouvoir d’indemniser intégralement un employé s’estimant lésé. Le paragraphe 242(4) du Code est ainsi libellé : (4) S’il décide que le congédiement était injuste, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi; c) de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

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Décision Page 7 Selon M e Minnis, à titre d’arbitre nommé en vertu de la LRTFP, j’ai des pouvoirs étendus afin d’indemniser intégralement le fonctionnaire en lui attribuant des dommages-intérêts importants, tel qu’il est indiqué à l’onglet 20, une décision rendue par un arbitre nommé en vertu du Code dans l’affaire George Willberg and Jo-Ann Trucking Ltd., Brooks, Alberta, (1982), dans laquelle on peut lire notamment ce qui suit aux pages 22 et 23 : [Traduction] Le point de départ est de reconnaître la théorie de l’« indemnisation intégrale » qui soutient l’article. L’article devrait être appliqué de façon à contrer l’injustice visée par cette disposition, à savoir le caractère inadéquat apparent de la mesure des dommages dans une action de congédiement injustifié intentée en common law. En common law, les principes sous-jacents à l’appréciation des dommages sont les suivants : premièrement, placer l’employé dans la situation il aurait été si le contrat avait été exécuté et, deuxièmement, tenir pour acquis que l’employeur se serait acquitté de ses obligations de la façon la moins désavantageuse pour lui. Ces principes se traduisent par cet autre principe fondamental voulant que l’employé ne puisse recouvrer que les seules indemnités d’emploi auquel il a contractuellement droit pour la période de préavis légal pour mettre fin au contrat. Par conséquent, un arbitre ne peut attribuer d’indemnité à l’égard d’attentes raisonnables non fondées sur le contrat, ni pour les pertes subies après la période de préavis, nonobstant le fait que ces pertes puissent être attribuables au congédiement injustifié. La règle à appliquer en common law est décrite avec discernement dans G. England, « Recent developments in wrongful dismissal laws and some pointers for reform » (1978), 16 Alta. L. Rev. 470, p. 491-495. Afin de remédier à cette injustice, l’alinéa 61.5(9)c) devrait être appliqué de façon à « indemniser intégralement » l’employé des conséquences du congédiement, c’est-à-dire le dédommager des pertes réelles qu’il a subies à la suite du congédiement illégal. Cette théorie de l’« indemnisation intégrale », bien qu’elle ne soit pas toujours explicitement reconnue, sous-tend clairement les décisions remédiatrices de la plupart des arbitres.

En ce qui concerne mon choix de redressement, M ma décision antérieure dans cette affaire quand aux motifs pour lesquels j’ai conclu que le SCRS était responsable de ce que M l’employeur » lorsque celui-ci a licencié M. Matthews, surtout que j’ai décidé de ne pas le réintégrer. Il me renvoie à une sentence arbitrale rendue en Ontario dans l’affaire

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e Minnis me demande de revoir e Minnis qualifie de « mauvaise foi de

Décision Page 8 Tenant Hotline and Peters and Gittens (1983), 10 L.A.C. (3d) 130, à la page 139, l’on peut lire ce qui suit (onglet 18) : [Traduction] À vrai dire, le droit à un emploi continu est normalement une prétention légale beaucoup plus tangible et valable sous le régime d’une convention collective que ce ne fut jamais le cas en vertu d’un contrat d’emploi individuel, et, par conséquent, le renvoi d’un employé (spécialement un employé qui a eu un rendement satisfaisant par le passé) est un fait qualitativement plus grave et plus préjudiciable que ce ne serait le cas en common law. C’est pourquoi, depuis les tous débuts de l’arbitrage en matière de travail, les arbitres ordonnent de façon routinière la réintégration ainsi que l’indemnisation. La clause du « motif valable » a fourni aux employés le genre de sécurité d’emploi qui leur manquait en common law. Aujourd’hui cette réponse est si bien inscrite dans la jurisprudence que la British Columbia Labour Relations Board a récemment affirmé que (sauf dans les circonstances les plus exceptionnelles) il irait à l’encontre des principes de droit du travail incorporés dans le Labour Code, R.S.B.C. 1979, c. 212 de ne pas réintégrer un employé congédié de façon injustifiée.

L’avocat me rappelle que si j’avais réintégré M. Matthews celui-ci aurait pu cette année, dans le cadre du PERA, quitter le SCRS après avoir eu 50 ans.

En ce qui a trait à l’indemnisation ou aux dommages-intérêts, M e Minnis me renvoie à quatre décisions dans lesquelles des arbitres, en vertu de la LRTFP (onglets 2, 6, 7 et 14), ont attribué des indemnités allant de six à 12 mois de salaire pour des employés ayant entre une et 17 années de service. Il s’agit d’un éventail étendu, estime-t-il, et il me demande en outre d’attribuer une indemnisation appropriée à M. Matthews.

Dans ma décision, M e Minnis soutient que je devrais être guidé par l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Wallace c. United Grain Growers [1997] 3 R.C.S. 701, onglet 19, et par les cinq principes que l’on applique en général à la détermination du préavis raisonnable mentionné à la page 737 de la décision : Pour déterminer ce qui constitue un préavis raisonnable de cessation d’emploi, les tribunaux ont généralement appliqué les principes énoncés par le juge en

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Décision Page 9 chef McRuer dans Bardal c. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140 (H.C. Ont.), à la p. 145 :

[TRADUCTION] Il est impossible de préciser ce qui constitue un préavis raisonnable dans des catégories particulières de cas. Le caractère raisonnable du préavis est à déterminer au cas par cas, eu égard à la nature de l’emploi, à l’ancienneté de l’employé, à l’âge de celui-ci et à la possibilité d’obtenir un poste similaire, compte tenu de l’expérience, de la formation et des compétences de l’employé.

L’avocat ajoute que M. Wallace avait 59 ans à l’époque et qu’il comptait 17 années d’expérience. Selon M e Minnis, la mauvaise foi dont le SCRS a fait preuve en l’espèce est un autre facteur dont je dois tenir compte, sans compter la vulnérabilité de M. Matthews, autant de facteurs qui sont soulignés dans Wallace (supra), aux pages 741 et 742, que nous reproduisons ici en partie : Cette inégalité de pouvoir n’est pas limitée au contrat de travail lui-même. Elle sous-tend plutôt presque toutes les facettes de la relation entre l’employeur et son employé. Dans l’arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, le juge en chef Dickson a commenté, au nom de la Cour à la majorité, la nature de cette relation. Aux pages 1051 et 1052, il a cité, en l’approuvant, un passage tiré de l’ouvrage de P. Davies et M. Freedland, intitulé Kahn-Freund’s Labour and the Law (3 e éd. 1983), à la p. 18 : [TRADUCTION] [L]a relation entre un employeur et un employé ou un travailleur isolé est typiquement une relation entre une personne qui est en situation d’autorité et une personne qui ne l’est pas. À son début, il s’agit d’un acte de soumission, dans son fonctionnement, il s’agit d’un acte de subordination...

Cette inégalité de pouvoir a amené les juges majoritaires de notre Cour dans l’arrêt Slaight Communications, précité, à décrire les employés comme un groupe vulnérable dans la société : voir p. 1051. La vulnérabilité des employés ressort de l’importance que notre société attache à l’emploi. Comme l’a fait observer le juge en chef Dickson dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, à la p. 368 :

Le travail est l’un des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L’emploi est une composante essentielle

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Décision Page 10 du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel.

Ainsi, pour la plupart des gens, le travail est l’une des caractéristiques déterminantes de leur vie. Par conséquent, tout changement survenant dans la situation professionnelle d’une personne aura sûrement de graves répercussions. Dans son article intitulé « Aggravated Damages and the Employment Contract », loc. cit., Schai notait, à la p. 346, que [TRADUCTION] « [l]orsque ce changement est involontaire, le « bouleversement personnel » est encore plus grand. »

Le moment il y a rupture de la relation entre l’employeur et l’employé est celui l’employé est le plus vulnérable et a donc le plus besoin de protection. Pour reconnaître ce besoin, le droit devrait encourager les comportements qui réduisent au minimum le préjudice et le bouleversement (tant économique que personnel) qui résultent d’un congédiement. Dans l’arrêt Machtinger, précité, on a fait remarquer que la façon dont il peut être mis fin à un emploi revêt tout autant d’importance pour l’identité d’une personne que le travail lui-même la p. 1002). En poussant plus loin cet énoncé, je souligne que la perte d’emploi est toujours un événement traumatisant. Cependant, lorsque la cessation d’emploi s’accompagne d’actes de mauvaise foi dans la façon dont le renvoi est effectué, les résultats peuvent être particulièrement dévastateurs. À mon avis, pour que les employés puissent bénéficier d’une protection adéquate, les employeurs devraient assumer une obligation de bonne foi et de traitement équitable dans le mode de congédiement, de sorte que tout manquement à cette obligation serait compensé par une prolongation de la période de préavis.

L’avocat affirme que, en 1997, la Cour suprême du Canada a confirmé la période de préavis de 24 mois en tant que plafond dans le cas de M. Wallace.

L’avocat me renvoie ensuite à la décision rendue par le juge Wilkins de la Cour de l’Ontario (Division générale) dans l’affaire Kilpatrick v. Peterborough Civic Hospital (1998), 38 O.R. (3d) 298, dans laquelle le plafond de la période de préavis a été prolongé à 30 mois. M. Kilpatrick avait 53 ans et comptait six années de service au Peterborough Civic Hospital, et on l’avait incité à quitter son lieu de travail pour aller travailler à Peterborough. M e Minnis fait valoir que, puisque M. Matthews avait presque 48 ans en 1996 et qu’il comptait près de sept années de service, il devrait avoir un préavis plus long, spécialement à la lumière de ma conclusion quant à la mauvaise foi du SCRS.

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Décision Page 11 M e Minnis se reporte aux cinq principes énoncés dans Wallace (supra) tels qu’ils s’appliquent à M. Matthews, à savoir : (1) la nature de l’emploi : M. Matthews est un professionnel qui travaillait dans la section de la vérification; (2) l’ancienneté : M e Minnis me demande de tenir compte de toutes les années d’emploi du fonctionnaire dans la fonction publique, c’est-à-dire, le temps qu’il a passé au MCC de 1973 à 1989, ainsi que ses années au SCRS d’octobre 1989 à avril 1996. Il signale que le fonctionnaire a pu racheter ses années antérieures de service ouvrant droit à pension lorsqu’il s’est joint au SCRS, même si, en 1989, M. Matthews a connu une période de six mois pendant laquelle il n’a pas eu d’emploi dans la fonction publique; (3) âge : M. Matthews avait presque 48 ans lorsqu’il a été mis fin à son emploi au SCRS en avril 1996; (4) poste similaire : en 1995-1996, il s’agissait d’un marché de l’emploi difficile que le fonctionnaire cherchait à réintégrer, et il lui a fallu un an et demi avant d’obtenir du travail à Agriculture et Agroalimentaire Canada à titre de fonctionnaire nommé pour une période déterminée, en dépit des efforts considérables qu’il a déployés en vue de trouver un nouvel emploi; (5) formation et compétences : M. Matthews détient un diplôme en administration des affaires et a satisfait en partie aux exigences associées au titre de comptable général agréé (CGA), il a beaucoup d’expérience et il est bilingue.

M e Minnis conclut que M. Matthews aurait avoir un préavis de 7 à 10 mois, ou de 16 à 24 mois, selon ma conclusion quant à son ancienneté dans la fonction publique. Il me renvoie à l’onglet 23 pour me guider dans ma détermination du préavis et soutient que je devrais utiliser 22 années de service (16 au MCC et 6 au SCRS) pour M. Matthews et lui attribuer un préavis de 16 à 24 mois. Il fait remarquer que les affaires citées à l’onglet 23 ont toutes été tranchées avant l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Wallace (supra) et la décision rendue dans l’affaire Kilpatrick (supra).

M e Minnis ajoute que l’employeur doit être franc, il doit dire la vérité et il doit agir de bonne foi, mais qu’il n’a fait aucune de ces choses en ce qui concerne M. Matthews. Après avoir examiné une partie de ma décision initiale, et à la lumière des décisions rendues dans Wallace et Kilpatrick (supra), M e Minnis conclut que je pourrais prolonger le plafond du préavis à 30,5 mois, spécialement à la lumière de la mauvaise foi dont a fait preuve le SCRS. Il me rappelle que, quelle que soit la période que je déciderai, toute attribution serait sujette aux retenues normales ainsi qu’à une Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 12 réduction du fait que le fonctionnaire a reçu une indemnité de départ de 7 193,19 $. L’avocat fait valoir que, le 18 avril 1998, date à laquelle M. Matthews a eu 50 ans, celui-ci aurait reçu, dans le cadre du PERA, une indemnité généreuse ainsi qu’une pension non réduite, ce qu’il n’aurait pu recevoir qu’à l’âge de 60 ans en temps normal. Il me rappelle que M. Matthews a déclaré qu’il se serait prévalu du PERA.

Pour ce qui est des ajustements à apporter, M e Minnis me rappelle que le fonctionnaire a cherché un autre emploi après qu’il a quitté le SCRS, et que je devrai tenir compte du chevauchement entre la période de préavis prolongée et la période pendant laquelle il a occupé son nouveau poste d’une durée déterminée à Agriculture et Agroalimentaire Canada.

En ce qui concerne les avantages, l’avocat soutient que le fonctionnaire a droit aux avantages qu’il aurait reçus durant une période de préavis prolongée, à savoir : la cotisation de l’employeur au Régime de pensions du Canada, le privilège de golf accordé par le Buffalo Golf Club et les régimes d’assurance (vie, soins dentaires).

Pour ce qui est des pertes au titre de la pension, M e Minnis me renvoie à la pièce G-2, qui a été à l’origine préparée en juin 1998, soit en fonction de la tenue de l’audience à l’été; il faudrait refaire les calculs en fonction de la date d’audience réelle, soit décembre 1998. L’avocat fait valoir deux scénarios : premièrement, celui de la perte des prestations prévues par le PERA; et deuxièmement, celui de la perte de prestations de retraite en l’absence du PERA. M e Minnis me renvoie à la pièce G-2, page 2, l’on calcule que la valeur actuelle des prestations de retraite futures le 16 juin 1998 est de 256 221 $, en supposant que le fonctionnaire eût pris sa pension non réduite à 50 ans. Si, a-t-il ajouté, M. Matthews n’avait pas bénéficié du PERA à l’âge de 50 ans, mais qu’il avait prévu commencer à toucher sa pension à 60 ans, selon la pièce G-2 il aurait besoin qu’on lui attribue 341 551 $. Dans les circonstances actuelles, M. Matthews ne peut toucher sa pension avant l’âge de 60 ans. M e Minnis soutient que, en common law, des employés se sont vus attribuer les prestations qu’ils auraient reçues durant une période de préavis, y compris les prestations de retraite. L’avocat me renvoie à l’onglet 8, la décision rendue par le juge Foisy de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans Harris v. Robert Simpson Company Ltd., [1985] 1 W.W.R., 319, l’on peut lire notamment ce qui suit dans le résumé : [Traduction] Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 13 Si le défendeur avait donné le préavis exigé par la loi, le demandeur aurait bénéficié de tous les avantages de son emploi durant la période de préavis, y compris le droit de se prévaloir de l’option de retraite anticipée. [...]

M e Minnis cite ensuite la page 329 de la même décision : [Traduction] Voir également Christie, Employment Law in Canada (1980), à la page 385.

Si un employé qui a été congédié de façon injustifiée doit être placé dans la situation il aurait été si le contrat avait été exécuté, auquel cas il aurait bénéficié d’une période de préavis raisonnable des intentions de l’employeur, alors il semble raisonnable que cet employé ne devrait pas subir de préjudice à la suite de ce congédiement injustifié. Si l’employé avait pu se prévaloir à juste titre de ses prestations de retraite en des circonstances plus avantageuses durant cette période de préavis, à plus forte raison devrait-il pouvoir le faire si l’employeur ne lui a pas signifié le préavis auquel il avait droit.

Il se reporte en outre à la page 330 : [Traduction] La prétention du demandeur selon laquelle il aurait été censé bénéficier de cette application trouve un certain appui, également, chez les universitaires qui ont écrit sur le congédiement injustifié. Harris, dans Wrongful Dismissal, écrit ce qui suit à la p. 82 :

« Une question connexe, qu’il reste à plaider, concernerait le droit de l’employé à des dommages-intérêts résultant de son licenciement à une époque il aurait pu, à son choix, se prévaloir des avantages d’une retraite anticipée à un taux réduit ou non réduit. On peut affirmer que si le demandeur avait reçu un préavis il aurait maintenu l’option de recevoir des prestations de retraite durant cette période et, de plus, il se serait vraisemblablement prévalu de cette option. On peut présumer que le préjudice qu’il a subi équivaut aux prestations découlant de la retraite anticipée dont il a été privé à cause de son licenciement.

M e Minnis se réfère en outre à l’onglet 21, une décision rendue par le juge Robin de la Haute Cour de justice de l’Ontario dans Zeggil v. Foundation Co. of Can. (1980), 2 C.C.E.L. 164; on peut y lire ce qui suit dans le résumé :

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Décision Page 14 [Traduction] [...] Le demandeur aurait recevoir des dommages-intérêts pour la perte résultant de la cessation anticipée de son régime de retraite, surtout que, lorsqu’il a été licencié, il lui restait une année avant d’avoir cotisé au maximum au régime. La perte équivalait à la différence entre le montant qu’il recevait et le montant qu’il aurait reçu, moins le montant qu’il aurait cotisé.

L’avocat me rappelle que si je conclus que la période de préavis aurait être de 30,5 mois M. Matthews aurait eu 50 ans, il se serait prévalu du PERA et il devrait se voir attribuer 341 551 $ au titre de la pension de retraite en vertu du paragraphe 97(4) de la LRTFP. Je peux, ajoute-t-il, attribuer moins si je décide qu’il ne devrait pas recevoir les prestations prévues au titre du PERA. Selon M e Minnis, il faudrait que j’accepte certaines hypothèses si je retiens ce scénario. Selon une des hypothèses non déraisonnables, le fonctionnaire serait demeuré au SCRS jusqu’à l’âge de 50 ans et il n’aurait pas été licencié avant; de plus, il se serait prévalu du PERA comme quatre de ses collègues de la section de la vérification l’ont fait. L’avocat me rappelle une fois de plus que le SCRS a licencié M. Matthews en contrevenant à ses propres politiques. Il soutient en outre qu’il est fort probable que M. Matthews, s’il avait été coté insatisfaisant, aurait réagi en conséquence et amélioré son rendement. Il me rappelle que le SCRS n’a jamais évalué comme tel le rendement de M. Matthews. M e Minnis maintient que je devrais, en bout de ligne, accorder au fonctionnaire le bénéfice du doute concernant l’une ou l’autre ou la totalité des hypothèses, puisqu’il est la partie innocente qui a subi le préjudice et que le SCRS est à blâmer pour ce gâchis au départ.

L’avocat soutient que s’il a renvoyé l’affaire à la Cour fédérale pour un contrôle judiciaire, c’était pour recouvrer les 341 551 $ que le fonctionnaire avait perdus en ne bénéficiant pas du PERA.

M e Minnis soutient que si je décide de ne pas attribuer au fonctionnaire les avantages prévus au titre du PERA, je devrais à tout le moins lui attribuer un montant forfaitaire de 10 463 $ pour la perte des prestations de retraite qu’il a subie à la suite de son licenciement, tel qu’il est indiqué dans l’analyse de M. Martel à la page 3 de la pièce G-2.

En ce qui concerne les questions non pécuniaires, M suit : que je recommande que le SCRS adresse à M. Matthews des excuses, tel qu’il a été Commission des relations de travail dans la fonction publique

e Minnis demande ce qui

Décision Page 15 recommandé dans l’affaire Lo (dossier de la Commission 166-2-27825); qu’une lettre de référence du SCRS soit écrite au nom du fonctionnaire s’estimant lésé; et que ma décision initiale soit versée à son dossier personnel aux fins de justification.

Pour ce qui est des intérêts à payer sur les sommes qui sont dues, M e Minnis soutient que je devrais attribuer des intérêts sur la partie monétaire de ma décision au taux prévu par la Cour fédérale, et ce, à compter de la date de ma décision initiale, soit le 5 mars 1997. L’avocat me renvoie à l’onglet 12, la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Banca Nazionale del Lavoro of Canada Ltd. v. Lee-Shanok (1988) 22 C.C.E.L. 59, et il soutient que je devrais attribuer des intérêts en vertu du paragraphe 97(4) de la LRTFP afin d’indemniser intégralement le fonctionnaire, spécialement à la lumière du traitement que le SCRS a fait subir à M. Matthews. Le juge Stone, au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit par rapport à la portée du paragraphe 61.5(9) du Code à la page 74 : [Traduction] Cette disposition, d’après l’interprétation que j’en fais, devrait avoir pour objectif d’indemniser pleinement la victime d’un congédiement injustifié de la même façon que, en certaines circonstances, l’attribution d’une indemnité ou la réintégration, ou les deux, l’indemniseraient intégralement. L’arbitre, semble-t-il, a le droit d’invoquer l’alinéa c) afin de trouver quelque chose que, s’il en faisait l’objet d’une ordonnance, aurait pour effet en soi, ou en combinaison avec soit une indemnité ou la réintégration ou les deux, de produire ce résultat. Dans mon esprit, le paiement d’une indemnité sans intérêt sur celle-ci ne permettrait pas d’atteindre cet objectif en ce sens que le congédiement a privé le plaignant de l’utilisation de l’argent qui lui a été retiré par suite du congédiement. L’attribution d’intérêts aurait certes pour effet de remédier aux conséquences du congédiement ou, à tout le moins, à en amortir les effets. Je ne vois aucune raison primordiale d’interpréter l’alinéa c) de façon à priver un arbitre du pouvoir d’attribuer des intérêts lorsque les circonstances le justifient et si le libellé n’exige pas une telle restriction.

En ce qui concerne les frais juridiques, M e Minnis me renvoie à deux décisions récentes d’arbitres nommés en vertu de la LRTFP, l’affaire Avey (dossier de la Commission 166-18-27611, onglet 3) et l’affaire McMorrow (dossier de la Commission 166-2-23967, onglet 14); dans les deux cas l’arbitre n’a pas alloué les frais juridiques, sans toutefois préciser ses motifs. L’avocat se dit en désaccord avec ces décisions,

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Décision Page 16 puisqu’il estime que le paragraphe 97(4) se prête à nombre d’interprétations, et puisque de nombreux autres frais sont adjugés, alors pourquoi les frais juridiques ne pourraient-ils pas l’être également, lance-t-il. Il soutient que je devrais allouer les frais juridiques, notamment parce que M. Matthews a perdu son emploi, qu’il n’a pas été réintégré par moi et qu’il a assumer lui-même tous ses frais juridiques, car il n’était pas représenté par un agent négociateur, ce que M e Minnis considère comme discriminatoire.

L’avocat me renvoie au paragraphe 98(1) de la LRTFP à l’appui de sa demande d’ordre pécuniaire visant les employés non représentés. Le paragraphe 98(1) dit ce qui suit : 98. (1) Dans les cas le fonctionnaire ayant déposé le grief n’est pas représenté dans la procédure d’arbitrage par un agent négociateur, c’est la Commission qui supporte les frais d’arbitrage.

M e Minnis fait valoir que, si j’accepte le raisonnement des arbitres dans Avey et McMorrow (supra), alors il n’y a pas de lumière au bout du tunnel pour M. Matthews concernant le paiement des frais juridiques. Cela serait discriminatoire. Il ajoute que l’arbitre Wilson, dans la décision qu’il a rendue dans Brady and C.B.C., une affaire concernant le Code canadien du travail, dossier n o 84-6504, onglet 4, a alloué les frais juridiques. M. Wilson a écrit notamment ce qui suit aux pages 12 et 13 : [Traduction] En ce qui a trait au paiement d’intérêts et de frais juridiques antérieurs au jugement, la CBC a soutenu uniquement qu’un arbitre, en vertu de l’article 61.5, n’a pas le pouvoir d’allouer des frais juridiques. Je ne suis pas d’accord pour deux raisons : (1) le pouvoir prévu par l’article en question est un pouvoir réparateur étendu dont l’objet fondamental est de placer le plaignant injustement congédié dans la situation qui se rapproche le plus de celle il se serait trouvé s’il n’avait pas été injustement congédié. Une cour de justice pourrait attribuer des intérêts et des frais antérieurs au jugement dans une affaire de congédiement injustifié. L’affirmation voulant qu’un arbitre agissant en vertu de l’article 61.5 ne puisse accorder les mêmes remèdes fait de la loi une simple coquille et rend inefficace ce pouvoir réparateur conféré par le Parlement du Canada. Sans le paiement des frais et intérêts antérieurs au jugement, l’attribution serait pratiquement annulée; et, (2) d’autres arbitres ont alloué les frais ou dépens.

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Décision Page 17 Pour renforcer son argument selon lequel je peux et je devrais allouer les frais juridiques, M e Minnis me renvoie à l’onglet 16, une décision que l’arbitre Beatty a rendue dans l’affaire Cablecasting Ltd. - Graham Cable and Escott and O’Connor (1984), 15 L.A.C. (3d) 245, et dans laquelle il a attribué les frais juridiques. On peut notamment y lire ce qui suit aux pages 246, 247 et 248 : [Traduction] [...] En effet, il y a lieu de signaler par rapport à la dernière décision que, bien que la question n’ait pas été débattue directement devant la Cour d’appel fédérale, cette dernière a confirmé effectivement la décision de l’arbitre dans un jugement qui a pris explicitement acte de cette partie de la décision de l’arbitre dans laquelle il a ordonné le paiement des frais et dépens [voir 83 C.L.L.C. par. 14,009].

Il semble incontestable, après un examen simple de ces décisions, que les arbitres assument de plus en plus le pouvoir d’attribuer les dépens aux plaignants qui réussissent à obtenir réparation en vertu de l’article 61.5 du Code. Et, à mon avis, ils sont bien fondés à le faire, tant à cause du libellé de la loi que de la politique qui lui est sous-jacente. Ainsi, que l’on interprète littéralement l’alinéa 61.5(9)c) ou qu’on en interprète la portée, il me semble que la seule interprétation que l’on puisse raisonnablement soutenir est que le législateur voulait que les arbitres aient le pouvoir discrétionnaire d’ordonner ce genre de réparation lorsqu’il était approprié de le faire. Cet article est rédigé en termes très généraux et permet aux arbitres d’enjoindre à l’employeur : « de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable [...] de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier. » Les mots clés de cette disposition me semblent être ceux qui confèrent aux arbitres le pouvoir « de prendre toute autre mesure [...] de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier » (c’est moi qui souligne). L’éventail des mesures de redressement qu’autorise cette disposition ne pourrait être plus étendu et, à mon avis, s’étend facilement à l’attribution des frais et dépens. De même, la mention des « effets » est certes assez générale pour inclure les frais substantiels que les plaignants seraient obligés de supporter et qui, en fait, découlent directement du défaut de l’employeur de respecter les droits que leur confère le Code.

De plus, au-delà des termes généraux employés dans l’alinéa 61.5(9)c), il me semble que l’objet recherché et la politique sous-jacente à la reconnaissance des droits à la sécurité d’emploi qui sont protégés par l’article 61.5 du Code constituent de solides arguments permettant de conclure que l’interprétation que j’ai donnée au libellé de cette disposition

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Décision Page 18 est la seule qui puisse raisonnablement s’imposer en l’occurrence. À vrai dire, s’il devait en être autrement, et si les plaignants étaient obligés d’assumer les frais juridiques associés à la défense de la violation, par l’employeur, de leurs droits prévus à l’article 61.5, ils ne seraient pas entièrement indemnisés de la violation de ces droits et les employeurs, par conséquent, ne seraient pas incités pleinement à respecter les droits que le Parlement du Canada a bien voulu accorder aux employés. Les employés tels que les plaignants seraient obligés, à cause de la violation de leurs droits par l’employeur, de subir une perte contre laquelle il n’y aurait aucun redressement. Ils seraient obligés de supporter un préjudice financier important du simple fait qu’ils ont tenté de résister à la violation de leurs droits par l’employeur et qu’ils ont insisté pour être réintégrés avec indemnisation. Une telle conséquence serait, à mon avis, « inéquitable » et l’on pourrait le démontrer et permettrait, par conséquent, à l’employeur de faire fi de la politique sous-jacente à l’article 61.5 sans assumer les pleins coûts associés à son comportement illégal. En termes positifs, le fait d’obliger l’employeur à assumer les frais juridiques associés au fait que le plaignant exige le respect des droits que lui confère l’article 61.5 vient renforcer l’incitation de l’employeur à ne pas violer les droits de ses employés prévus par cet article et l’encourage à respecter les politiques et les objectifs de la sécurité d’emploi dont il fait la promotion.

En conclusion, je suis convaincu que l’alinéa 61.5(9)c), qu’on l’interprète littéralement ou qu’on en interprète la portée, autorise un arbitre à allouer les frais juridiques lorsqu’il est équitable de le faire.

M e Minnis me rappelle une fois de plus que j’ai le pouvoir discrétionnaire d’allouer les frais en vertu du libellé général du paragraphe 97(4) de la LRTFP, ce qui découragerait les employeurs de prendre des mesures semblables à l’avenir; une telle décision serait analogue à celle qu’ont prise les arbitres ayant alloué les frais en vertu du Code.

L’avocat fait remarquer que, ce faisant, je mettrai en lumière la mauvaise conduite du SCRS à l’endroit de M. Matthews, ainsi que les retards et les problèmes de divulgation causés par le SCRS non seulement à l’occasion de la présente audience mais lors de l’audience initiale, autant de problèmes qui ont fait monter les frais juridiques de M. Matthews.

M e Minnis me demande de demeurer saisi de toute décision que je rendrai. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 19 À ce moment-ci, M e Normand a demandé que l’on ajourne pour la journée puisqu’il ne pourrait terminer son argumentation avant de devoir partir à cause d’obligations personnelles.

M e Minnis s’y est opposé et a signalé que cette demande était typique des autres retards causés par le SCRS et ferait monter encore plus les frais juridiques de M. Matthews.

J’ai acquiescé à la demande d’ajournement. Argumentation de l’employeur M e Normand fait valoir qu’en mars 1989, lorsque M. Matthews a été mis en disponibilité par le MCC, celui-ci a accepté l’offre qu’on lui a faite, il a placé sa pension dans un REER et il a cessé d’être un fonctionnaire. En octobre 1989, ajoute-t-il, le fonctionnaire s’est joint au SCRS et en septembre 1995, à la suite d’un réaménagement majeur des effectifs, il a été de nouveau mis en disponibilité à la suite d’une décision fondée sur l’ordre inverse du mérite que M. Matthews n’a pas contestée. M e Normand ajoute qu’en mars 1997 j’ai conclu que le congédiement du fonctionnaire était injuste, et non illégal.

En ce qui concerne un redressement consécutif à la perte d’un emploi, M e Normand me renvoie à la décision rendue par le juge Darichuk de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba dans l’affaire Graceffo v. Alitalia [1995] 2 W.W.R. 351, qui mentionne, au paragraphe 6, le paiement offert par l’employeur pour une période de préavis de six mois à compter de la date du licenciement; au paragraphe 12 il signale le droit à un préavis raisonnable et au paragraphe 13, au droit, subsidiairement et en l’absence d’un préavis raisonnable, au paiement de la rémunération pour la période de préavis. L’avocat signale que, dans cette affaire, l’employé s’était vu attribuer une rémunération équivalant à une période de préavis de 24 mois débutant en janvier 1992, le mois M. Graceffo a été avisé qu’il serait mis fin à son emploi; autrement dit, M. Graceffo a initialement obtenu un préavis de six mois de son employeur, mais la cour lui a attribué 18 autres mois. Par conséquent, de soutenir M e Normand, toute période de préavis que j’accorderai devra tenir compte des six mois que M. Matthews a déjà reçus.

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Décision Page 20 M e Normand soutient que je devrais également examiner les autres avantages sociaux liés à la période de préavis et ne tenir compte que des « pertes pécuniaires » signalées dans l’affaire Graceffo (supra), au paragraphe 17, et non des dépenses personnelles engagées par M. Matthews. Pour ce faire, je devrais m’inspirer de la décision qu’a rendue l’arbitre dans Willberg and Jo-Ann Trucking Ltd. (supra) le 10 octobre 1982 (onglet 20) en vertu de l’article 61.5 du Code canadien du travail et qui limite ce que je peux examiner. L’arbitre affirme ce qui suit à la page 23 : [Traduction] Ces principes se traduisent par cet autre principe fondamental voulant que l’employé ne puisse recouvrer que les seules indemnités d’emploi auquel il a contractuellement droit pour la période de préavis légal pour mettre fin au contrat. Par conséquent, un arbitre ne peut attribuer d’indemnité à l’égard d’attentes raisonnables non fondées sur le contrat, ni pour les pertes subies après la période de préavis, nonobstant le fait que ces pertes puissent être attribuables au congédiement injustifié.

Pour ce qui est de la détermination d’une période de préavis, M e Normand soutient que le critère applicable à un préavis raisonnable est « de nature objective », comme le souligne le juge en chef Nemetz de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Steinicke v. Manning Press Ltd. [1983] B.C.J. No. 282. Quant aux critères devant servir à déterminer le préavis raisonnable, ils sont énoncés dans Bardal v. Globe & Mail Ltd. (supra); ils sont également mentionnés dans l’arrêt Wallace c. United Grain Growers Limited (supra), soit l’onglet 19 auquel s’est référé M e Minnis. À propos de ces critères, M e Normand fait valoir ce qui suit : M. Matthews avait une expérience en gestion limitée (il n’a remplacé M. Gagnon à titre intérimaire qu’une fois en 1993) et il n’avait aucune formation spéciale pour ce qu’il faisait; par ailleurs, je dois considérer son ancienneté comme se limitant à six années puisqu’en 1989, lorsqu’il a quitté le MCC, sa carrière en tant que fonctionnaire a pris fin et son ancien employeur ne lui a pas demandé de reprendre son poste. À l’appui de son argument, l’avocat me renvoie à la décision rendue par le juge Lowry de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Swamy v. O’Bryan Hotels Ltd. [1997] B.C.J. No. 2114. Selon M e Normand, le fait que M. Matthews s’est joint au SCRS six mois après avoir quitté le MCC et qu’on lui a permis de maintenir son régime de retraite par le rachat de ses

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Décision Page 21 années de service ne prouve aucunement qu’il n’y a pas eu interruption de son emploi dans la fonction publique fédérale.

L’avocat me rappelle que M. Matthews avait presque 48 ans lorsqu’il a été licencié en avril 1996.

En ce qui a trait au quatrième critère, soit l’existence d’un emploi similaire, M e Normand soutient que le fonctionnaire n’avait aucune spécialité, qu’il y avait au SCRS des emplois pour lesquels il avait les compétences voulues en 1996, et que M. Matthews a postulé de nombreux emplois ailleurs. M e Normand fait valoir que, contrairement à ce qui était le cas dans Kilpatrick (supra), qui occupait un poste au plus haut niveau de la haute direction, M. Matthews n’occupait pas un tel poste.

À propos de la mention de mauvaise foi qui figure dans Wallace (supra), à la page 740, à savoir qu’il s’agit d’« un autre facteur qui est compensé adéquatement par un ajout à la période de préavis », et de la qualification de l’« incitation » (page 739) comme un facteur qui étaye la décision « d’accorder un montant maximal de dommages-intérêts », M e Normand reconnaît que tous ces facteurs étaient indicatifs d’une conduite répréhensible de la part de l’employeur, ce qui fait que M. Wallace s’est vu attribuer une rémunération de 24 mois en remplacement du préavis. Il convient par ailleurs que le fait que M. Kilpatrick a été fortement incité à aller travailler dans un autre hôpital mais qu’on l’a finalement renvoyé constituait, aux yeux d’un juge de l’Ontario, une « injustice extrême ».

Toutefois, M e Normand conclut que les circonstances entourant le départ de M. Matthews ne peuvent se comparer à celles entourant le départ de M. Wallace ou de M. Kilpatrick, et que la prétention de M e Minnis concernant la mauvaise foi du SCRS n’est ni applicable ni comparable. L’avocat me demande de revoir les conclusions que j’ai tirées à propos des lacunes de M. Matthews dans ma décision initiale (aux pages 57, 58, 59 et 60), dont aucune n’a été contestée par le fonctionnaire s’estimant lésé. M e Normand conclut que la mauvaise foi manifestée par le SCRS en ne suivant pas ses propres politiques ou en négligeant de signifier un avis raisonnable à M. Matthews ou le fait d’avoir recouru à l’ordre inverse du mérite (OIM) pour se débarrasser de lui sont loin de me permettre d’invoquer la mauvaise foi du SCRS pour modifier sa période de préavis.

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Décision Page 22 M e Normand reconnaît que je pourrais à la limite ajouter quatre mois à la période de préavis du fonctionnaire en tenant compte de ses six années de service. M e Normand soutient que si je décide que la période de préavis devrait être fondée sur 22 ans de service (16 au MCC et 6 au SCRS), étant donné que M. Matthews n’était pas un gestionnaire et qu’il n’avait pas plus de 50 ans, je devrais lui attribuer au maximum un préavis de 12 mois. L’avocat me rappelle que dans l’affaire Graceffo (supra), M. Graceffo avait 61 ans, il comptait 31 années de service auprès de son employeur, il exerçait des fonctions de surveillance, sans compter qu’il était un employé respecté et estimé, ce qui lui avait mérité un préavis de 24 mois. Or ce n’est pas le cas de M. Matthews, de signaler M e Normand. Ce dernier me rappelle que M. Wallace, qui avait 59 ans, comptait 14 années de service chez son employeur et 25 années chez un concurrent et qu’il a lui aussi bénéficié d’un préavis de 24 mois, et que M. Kilpatrick occupait un poste de la haute direction, contrairement à M. Matthews.

M e Normand décrit comme suit ce à quoi, d’après lui, le fonctionnaire s’estimant lésé a droit : des prestations dentaires, mais uniquement à la différence entre le régime du SCRS et le régime de l’épouse du fonctionnaire à l’égard de toute période de préavis additionnelle que je pourrais attribuer; même chose pour l’assurance-vie, soit la différence entre ce qu’il aurait payé au SCRS et ce qu’il a payé à un régime privé à l’égard de toute prolongation éventuelle de la période de préavis (voir la pièce G-3 comme guide); les prestations de retraite dépendent elles aussi de la prolongation de la période de préavis.

M e Normand précise que le montant de 341 551 $ mentionné dans la pièce G-2 repose sur la prolongation de la période de préavis à 30,5 mois de façon à couvrir la période s’échelonnant jusqu’au 50 e anniversaire de naissance du fonctionnaire en avril 1998 et tient pour acquis que M. Matthews aurait pu alors se prévaloir du PERA et qu’il aurait compté 10 années de service dans la fonction publique. Par ailleurs, il n’y a aucune preuve montrant que si toutes ces conditions avaient été réunies, ou que si je jugeais que tel était le cas, qu’il aurait été mis fin au poste du fonctionnaire afin de lui permettre d’être admissible au PERA.

M e Normand ajoute que je ne peux fonder ma décision sur des « si », c’est-à-dire si M. Matthews avait été l’objet de mesures disciplinaires, il se serait peut-être conduit différemment, mais uniquement sur les « faits » qui m’ont été présentés. De plus, de

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Décision Page 23 poursuivre l’avocat, même si j’ajoute six mois à la période de préavis, il n’y a maintenant aucune preuve m’indiquant quel devrait être ce montant.

M e Normand se reporte à l’onglet 21, la décision rendue dans Zeggil v. Foundation Co. of Canada (supra), et fait remarquer que M. Zeggil avait 64 ans lors de son licenciement et qu’il a obtenu une période de préavis d’un an afin de coïncider avec l’arrivée de sa pension à 65 ans. Tel n’est pas le cas pour M. Matthews.

Pour ce qui est des intérêts que je pourrais allouer, M e Normand soutient qu’il n’y a aucune jurisprudence à ce sujet au titre de la LRTFP, et que je me trouverais à établir un précédent si j’attribuais des intérêts. Il maintient qu’il en serait de même si je décidais d’allouer les frais juridiques demandés.

En résumé, M e Normand soutient que M. Matthews a eu de sérieuses lacunes pour lesquelles il n’a subi aucune mesure disciplinaire comme ç’aurait peut-être être le cas et qu’il s’est vu attribuer environ 100 000 $, si l’on tient compte du montant que j’ai initialement attribué (70 000 $) et du préavis de six mois plus l’indemnité de départ qu’il a reçue pour ses six années de service au SCRS. L’avocat estime que le montant que j’ai attribué est « un peu généreux » et que je devrais maintenant n’attribuer que quatre autres mois de rémunération en remplacement du préavis. Pour ce qui est des excuses, M e Normand se reporte à la décision rendue par la Commission dans l’affaire Lo et le Conseil du Trésor (dossier 166-2-27825) dans laquelle l’arbitre n’a recommandé que des excuses; pour ce qui est d’une lettre de recommandation, cela serait pratiquement impossible étant donné les conclusions auxquelles je suis arrivé dans ma première décision au sujet du comportement du fonctionnaire; enfin, il n’y a dans le dossier du fonctionnaire aucune mention de faute de conduite à l’exception de ce qui figure dans ma décision première.

Réfutation présentée par le fonctionnaire M e Minnis soutient que, selon la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Helbig v. Oxford Warehousing Ltd. (1985), 51 O.R. (2d) 421 (onglet 9), le rendement de M. Matthews n’entre aucunement en considération dans le calcul de la période de préavis. Il se reporte à la page 431 l’on peut lire notamment ce qui suit :

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Décision Page 24 [Traduction] Notre Cour a déjà déclaré dans Harold Johnson v. General Tire Canada Ltd. (décision non publiée rendue le 22 avril 1985) que la conduite d’un employé qui ne suffit pas à justifier son renvoi ne peut être invoqué contre lui lorsqu’il s’agit de déterminer le délai approprié de cessation d’emploi. De même, comme c’est le cas en l’espèce, le fait qu’un employé a fait une contribution importante à la compagnie n’entre pas davantage en ligne de compte puisqu’il a été engagé et rémunéré pour faire une contribution importante.

L’avocat soutient par ailleurs qu’il incombait à l’employeur de faire des offres d’emploi à M. Matthews durant sa période de préavis. L’avocat me rappelle que, s’il est vrai que le fonctionnaire a eu une interruption d’emploi entre le MCC et le SCRS, il n’a toutefois pas quitté le MCC volontairement.

M e Minnis maintient par ailleurs que la période de préavis devrait débuter le 1 er avril 1996 et que je devrais considérer que M. Matthews a été un fonctionnaire jusqu’au 1 er avril 1996, tel que le confirme la lettre d’avis d’excédentaire datée du 19 septembre 1995 qui a été admise en preuve à l’audience initiale (pièce G-1, onglet 35).

L’avocat me rappelle que M. Matthews n’a jamais touché la somme de 70 000 $ que je lui ai attribuée initialement en mars 1997, et que le niveau de salaire du fonctionnaire était équivalent à celui d’un chef, ce qui devrait équivaloir à une fonction de gestion. M e Minnis soutient par ailleurs que le congédiement injustifié de M. Matthews, tel que je l’ai conclu antérieurement, est illégal puisqu’il contrevient à la LRTFP.

À propos des prestations de retraite et du calcul des pertes effectué par l’employeur dans la pièce E-1, l’avocat me rappelle que M me Garneau, qui a préparé la pièce E-1, n’est pas une actuaire et qu’on ne peut donc se fier entièrement à sa preuve. M e Minnis me rappelle que le PERA a été en vigueur jusqu’en mars 1998, 18 jours avant que M. Matthews ait 50 ans, et que quatre des collègues du fonctionnaire se sont prévalus du programme. Il est donc raisonnable de supposer que le SCRS aurait demandé à M. Matthews de s’en prévaloir s’il avait toujours été là. L’avocat convient qu’il est vrai qu’il s’agit-là d’une hypothèse que je peux accepter ou rejeter.

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Décision Page 25 M e Minnis soutient que M. Martel a établi ses estimations (pièce G-2) en fonction de la date prévue de l’audience à ce moment-là, soit juin 1998, mais que je devrais maintenant fonder ma décision sur la date de décembre 1998; les solides calculs actuariels de M. Martel, ajoute-t-il, constituent la seule preuve régulière sur laquelle je puis me fonder.

M e Minnis me rappelle qu’en octobre 1999, lorsque M. Matthews s’est joint au SCRS, celui-ci avait racheter à la fois sa partie et la partie de l’employeur de la période de six mois ouvrant droit à pension.

M e Minnis s’appuie sur le paragraphe 12 de la décision rendue dans Swamy v. O’Bryan Hotels Ltd. (supra) pour affirmer que la période de six mois qui s’est écoulée entre la fin de son travail au MCC et son entrée en fonction au SCRS ne devrait aucunement entrer en ligne de compte dans le calcul de la période de préavis.

Le paragraphe 12 dit ce qui suit : [Traduction] À mon avis, il n’est pas nécessaire de régler les contradictions dans la preuve puisque je ne considère pas que l’interruption qu’il a pu y avoir devrait entrer en ligne de compte dans le calcul de la période de préavis.

L’avocat ajoute que M. Matthews a été mis en disponibilité et qu’il n’a pas démissionné comme l’a fait M. Swamy.

M e Minnis fait valoir par ailleurs que dans Steinicke v. Manning Press Ltd. (supra), le paragraphe 8 repose sur des principes de common law et ne s’applique ni au Code canadien du travail ni à un arbitre nommé en vertu de la LRTFP, puisqu’en vertu de ces deux lois la réintégration est un redressement, tandis que la réintégration prévue en common law ne constitue pas un redressement. Il conclut que le « droit absolu » mentionné au paragraphe 8 ne s’applique qu’en common law et n’a pas d’application dans la sphère fédérale. Le paragraphe 8 dit notamment ce qui suit : [Traduction] Bien que je sois en sympathie avec le demandeur sur le plan personnel, il est clair en droit que, sous réserve de certaines dispositions contractuelles particulières en matière d’emploi, l’employeur jouit du droit absolu de ne pas

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Décision Page 26 continuer d’employer un employé. Le seul redressement que peut invoquer l’employé à la suite de la perte de son emploi se limite à un préavis raisonnable ou à une rémunération qui en tient lieu.

L’avocat me rappelle que l’affaire Graceffo (1994) (supra) a été tranchée avant que ne soient rendues les décisions dans Wallace (1997) et Kilpatrick (1998) (supra), et que depuis les décisions rendues ont attribué au maximum un préavis de 24 mois. Il soutient en outre qu’il incombait à l’employeur de prouver le défaut de mitigation, spécialement en ce qui concerne la disponibilité d’emploi. Il me rappelle que, tel que je l’ai déterminé, M. Matthews a subi une injustice découlant de l’application factice de l’OIM, et qu’en tant qu’arbitre nommé en vertu de la loi j’ai le pouvoir de réintégrer le fonctionnaire, pouvoir qui est inexistant en common law.

À propos de la perte au titre de la pension, M e Minnis fait valoir que, si j’attribue une période de préavis importante qui permettrait au fonctionnaire de se prévaloir du PERA, je peux, en common law, lui attribuer la perte au titre du PERA, et même si je ne prolonge pas la période de préavis de façon à ce qu’il puisse se prévaloir du PERA, je puis toujours lui attribuer cette perte afin de l’indemniser intégralement puisqu’il s’agit d’une perte résultant de son licenciement.

Me Minnis ajoute que le véritable critère et la norme à respecter en l’espèce est énoncé dans l’arrêt Wallace (supra), à la page 743 : Il n’est pas possible de définir exactement l’obligation de bonne foi et de traitement équitable. Cependant, je crois tout au moins que, dans le cadre d’un congédiement, les employeurs doivent être francs, raisonnables et honnêtes avec leurs employés et éviter de se comporter de façon inéquitable ou de faire preuve de mauvaise foi en étant, par exemple, menteurs, trompeurs ou trop implacables.

M e Minnis soutient que la référence de M e Normand à la décision Willberg (supra), page 23, doit être interprétée dans le contexte de la common law, qui ne s’applique pas ici étant donné l’ensemble des circonstances de l’affaire.

L’avocat reconnaît que l’incitation et la mauvaise foi ne vont pas ensemble, mais si M. Kilpatrick peut se voir attribuer un préavis de 30 mois pour cause d’incitation, alors M. Matthews peut bénéficier de 30 mois pour mauvaise foi, car cette mauvaise foi

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Décision Page 27 de la part du SCRS a privé M. Matthews du PERA, ce qui était une injustice extrême selon M e Minnis. L’avocat me rappelle que, si je suis courageux, je peux allouer les intérêts et les frais juridiques. Enfin, M e Minnis fait état des tactiques de diversion délibérées utilisées par le SCRS à l’audience initiale ainsi qu’à la présente audience. Ces retards ont coûté cher à M. Matthews et, au bout du compte, il aura eu à débourser 45 000 $ en frais juridiques. L’avocat conclut que je devrais indemniser le fonctionnaire en conséquence en ordonnant au SCRS de payer tous les frais, surtout que c’est le SCRS qui a rendu nécessaire les audiences au départ.

À la fin de l’audience, j’ai demandé aux parties de me fournir, dans les deux jours, leurs meilleurs et pires scénarios en ce qui concerne les options de redressement. Cette documentation a été reçue et versée au dossier.

Décision Le juge Richard, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a ordonné ce qui suit le 8 décembre 1997 (dossier de la Cour T-623-97) : [Traduction] La partie de la décision de l’arbitre qui fixe le montant des dommages-intérêts accordés au requérant est annulée et la Cour ordonne à l’arbitre de déterminer de nouveau le montant des dommages-intérêts après avoir accordé au requérant et au défendeur la possibilité de présenter à l’arbitre des arguments et des preuves sur ce point particulier.

Dans ma décision initiale du 5 mars 1997, j’ai conclu qu’on avait invoqué l’ordre inverse du mérite afin de se débarrasser de M. Matthews en vertu de la Politique sur le réaménagement des effectifs, et que les gestionnaires du SCRS n’avaient jamais véritablement pris le taureau par les cornes en appliquant les diverses politiques relatives au personnel afin de faire face aux lacunes de M. Matthews. J’ai conclu, à la page 61 de ma décision : En me fondant sur toute la preuve, je conclus que l’employeur a agi de mauvaise foi en se débarrassant de façon arbitraire du fonctionnaire s’estimant lésé, sous prétexte d’une mise en disponibilité. En fait, on a licencié le fonctionnaire s’estimant lésé pour des motifs disciplinaires.

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Décision Page 28 Même si, à la page 62 de ma décision, j’ai conclu que « [...] le comportement général de M. Matthews ne justifiait pas la peine ultime de licenciement », je ne l’ai pas réintégré comme c’est la règle générale en pareilles circonstances. Je lui ai attribué des dommages-intérêts de 70 000 $ en remplacement de sa réintégration. J’ai rendu cette décision sans le bénéfice de preuves et d’arguments spécifiques que j’ai subséquemment reçus à la suite de la décision rendue par le juge Richard (supra).

La présente décision fait maintenant suite à l’ordonnance du juge Richard, à la suite de laquelle j’ai reçu des parties des arguments approfondis concernant le montant des dommages-intérêts que je devrais ou ne devrais pas attribuer. Il serait facile pour moi d’adopter l’approche que, même après avoir entendu des arguments logiques à l’appui du contraire, je devrais attribuer le même redressement que dans ma décision initiale. J’estime, toutefois, qu’il serait erroné et irresponsable de ma part d’agir ainsi, à moins d’être convaincu que ma décision initiale est toujours appropriée. J’ai donc, par conséquent, étudié en profondeur la preuve et les arguments qui m’ont été présentés dans cette affaire.

Lorsque M. Matthews a quitté le MCC en mars 1989, il a cessé d’être un fonctionnaire fédéral. Lorsqu’il a été engagé par le SCRS, un employeur distinct, en octobre 1989, il a commencé de nouveau sa carrière dans la fonction publique, mais il travaillait sans la représentation d’un agent négociateur et il n’avait pas de convention collective qui aurait pu protéger ses droits à titre de fonctionnaire ou me guider en l’espèce. Les années de service, par conséquent, dont je tiendrai compte pour les besoins de la présente décision sont celles qu’il a passées uniquement au SCRS; c’est-à-dire six ans et demi, et non le total cumulé de ses années de service dans la fonction publique si j’incluais son service antérieur au MCC.

De plus, je ne crois pas que M. Matthews devrait être indemnisé pour avoir été privé de la possibilité de se prévaloir du PERA et que réclame M sur diverses hypothèses. La possibilité que le fonctionnaire eût pu se prévaloir du PERA s’il n’avait pas été licencié de façon injustifiée par le SCRS le 1 beaucoup trop hypothétique à mon dommages-intérêts.

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e Minnis en s’appuyant er avril 1996 est avis pour justifier l’attribution de

Décision Page 29 En ce qui a trait aux arguments de M e Minnis concernant la période de préavis ou le préavis raisonnable, il s’agit de concepts qui ne s’appliquent qu’aux licenciements assujettis à la common law, et non aux licenciements assujettis à la LRTFP. Le principe qui s’applique en common law veut qu’un employeur puisse licencier un employé, quel que soit le motif ou même sans motif, à condition de lui avoir signifié un préavis raisonnable de son intention en ce sens. L’employeur peut exiger de l’employé qu’il travaille pendant la période de préavis. Toutefois, les affaires dont sont saisis les tribunaux mettent habituellement en cause un employé qui a été licencié sans préavis ou avec un très court préavis. En pareil cas, lorsque le tribunal juge que le licenciement ne reposait pas sur un motif valable, celui-ci attribue habituellement à l’employé une somme d’argent équivalant à ce que l’employé aurait reçu durant la période de préavis. La question de savoir ce qui constitue une période raisonnable dépend des circonstances de chaque cas.

Lorsqu’il s’agit d’attribuer à un fonctionnaire une rémunération en remplacement de sa réintégration en vertu de la LRTFP, les arbitres examinent par analogie les décisions rendues en common law à titre de guide concernant le montant approprié. Cependant, il ne saurait être question d’une « période de préavis ». Ce concept n’a aucune application dans la LRTFP, et il ne figure pas non plus dans le Code canadien du travail. À cet égard, on se reportera à l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans Alberta Wheat Pool and Konevsky (1990) F.C.J. No. 877, dans lequel on peut lire ce qui suit : [traduction] « l’interprétation du paragraphe 61.5(9) du Code canadien du travail [...] ne peut être atténuée de façon à restreindre l’indemnisation qu’un arbitre est autorisé à attribuer à un employé au montant qu’il pourrait réclamer en common law [...] » Sur le même sujet, le juge Nadon de la Cour fédérale, Section de première instance, a déclaré ce qui suit dans Première nation de Wolf Lake c. Young (1997), 130 F.T.R. 115, à la page 130 (dossier de la cour T-1479-96) : L’application du paragraphe 242(4) du Code est claire; cette disposition est conçue pour indemniser pleinement un employé qui a été congédié injustement. Cette réparation ne se limite pas à l’indemnité de départ à laquelle l’employé a droit. Elle n’est pas calculée en fonction du préavis qui aurait être donné à l’employé.

Ces arrêts sont fondés sur le libellé spécifique du paragraphe 61.5(9) [maintenant 242(4)] du Code canadien du travail, et il n’y a aucune disposition

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Décision Page 30 comparable dans la LRTFP. M e Minnis voudrait me faire croire que la mention de « toute mesure » au paragraphe 97(4) de la LRTFP me donne carte blanche quant à l’attribution que je puis faire, y compris le pouvoir d’attribuer un montant pour les frais juridiques et les intérêts. Je ne suis pas d’accord puisque « toute mesure » ne peut renvoyer qu’à une mesure qui est par ailleurs autorisée par la LRTFP, qui ne renferme aucune disposition autorisant, formellement ou par implication, un arbitre nommé en vertu de la LRTFP à attribuer des intérêts ou frais juridiques lorsqu’il tranche un grief qui lui a été renvoyé en arbitrage. Si le législateur avait voulu conférer des pouvoirs aussi étendus à un arbitre nommé en vertu de la LRTFP, il l’aurait dit.

En ce qui concerne les intérêts et les frais, aucun arbitre nommé en vertu de la LRTFP n’en a attribué jusqu’ici. M e Minnis voudrait que je fasse preuve de « courage », comme il le dit, et que j’alloue ces frais. Pour ce qui est de l’appréciation de mon courage, je suis guidé par la loi, c’est-à-dire la LRTFP, et par la jurisprudence, notamment les deux décisions clés rendues par des arbitres nommés en vertu de la LRTFP. En 1984, le président suppléant Walter Nisbet (tel était alors son titre) a conclu qu’un arbitre nommé en vertu de la LRTFP n’avait pas le pouvoir d’attribuer des intérêts à un fonctionnaire s’estimant lésé ayant gain de cause, en l’absence d’une disposition contractuelle ou législative lui accordant ce pouvoir : Re Ogilvie and Treasury Board 15 L.A.C. (3d) 405. En 1994, le président suppléant Yvon Tarte (tel était alors son titre), après avoir examiné les pouvoirs d’ordonner un redressement prévu par la Loi sur la responsabilité de l’État, la Loi sur la Cour fédérale, la LRTFP et la décision rendue dans Ogilvie (supra), est arrivé à une conclusion semblable dans Puxley (dossier 166-2-22284), dans laquelle il a affirmé ce qui suit à la page 11 : Je suis arrivé à cette conclusion même s’il paraît quelque peu incongru que le fonctionnaire s’estimant lésé soit peut-être obligé de s’adresser à une autre tribune pour obtenir de l’intérêt sur les dommages adjugés par un arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Quoi qu’il en soit, je dois conclure que je n’ai aucun pouvoir d’ordonner le paiement d’intérêts à M. Puxley.

Je souscris à la conclusion à laquelle sont arrivés MM. Nisbet et Tarte. En ce qui concerne les frais ou dépens, en général lorsqu’une cour ou un tribunal attribue des frais juridiques à quelqu’un, cette personne ne se voit rembourser qu’une partie de ce qu’elle a dépensé. À cet égard, je me reporte à la décision rendue par la

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Décision Page 31 Cour d’appel fédérale dans Hallé v. Bell Canada (1989), 99 N.R. 149, à la page 156 (dossier de la Cour A-510-87) : La requérante a aussi soutenu que l’arbitre avait excédé sa compétence en accordant à l’intimée une somme de 10 000,00 $ pour l’indemniser partiellement de ses frais légaux. Cette prétention ne me semble pas fondée. Depuis l’arrêt de cette Cour dans Banca Nationale del Lavoro of Canada Limited v. Lee-Shanok [...], il me paraît incontestable que l’arbitre peut, en vertu de l’alinéa 61.5(9)c) (maintenant 242(4)c)) du Code canadien du travail, ordonner à l’employeur de payer une somme raisonnable à l’employé congédié injustement pour indemniser celui-ci d’une partie des frais légaux qu’il a supporter.

L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé s’est reporté au paragraphe 98(1) de la LRTFP probablement à l’appui de sa demande d’attribution des dépens. Or ce paragraphe a uniquement trait au fait d’exonérer un employé non représenté d’une partie des frais de la Commission tel qu’il est prévu au paragraphe 98(2).

La partie II de la Gazette du Canada, édition du 18 février 1998, énonce dans les règles de la Cour fédérale ce que cette dernière peut attribuer en termes de dépens. Il n’existe pas de règles ni de dispositions législatives qui s’appliquent aux arbitres nommés en vertu de la LRTFP.

Dans ma décision initiale concernant M. Matthews, j’ai conclu que le SCRS n’avait pas appliqué les politiques, procédures et lignes directrices établies afin de traiter M. Matthews convenablement, et qu’à la fin il avait agi de mauvaise foi en le licenciant. Puisqu’il était un fonctionnaire non représenté, M. Matthews a retenu les services d’un avocat pour le représenter et il a donc engagé des frais personnels considérables. Ce comportement du SCRS, la perte de pension et d’avantages, combinés à la nécessité de retenir les services d’un avocat privé, ce qui est coûteux dans les meilleures circonstances, sont autant de circonstances exceptionnelles auxquelles M. Matthews a faire face tout au long de son supplice.

À la lumière de tous les éléments de preuve produits et des arguments des parties, j’ai donc décidé d’attribuer à M. Matthews la somme de 95 500 $ à titre d’indemnisation en remplacement de sa réintégration. L’employeur devra lui verser ce montant en plus de toute indemnité de départ et des autres avantages que le fonctionnaire a pu recevoir du SCRS lors de son licenciement. Dans ma décision, j’ai Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 32 tenu compte de ce que j’avais décidé initialement, de la mauvaise foi de l’employeur comme dans Wallace (supra) ainsi que des principes énoncés par le juge en chef McRuer dans Bardall v. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140 (Haute cour de justice de l’Ontario), à la page 145. M e Minnis ne m’a pas convaincu d’accroître davantage le montant initial en invoquant l’affaire Kilpatrick v. Peterborough Civic Hospital (supra), puisque M. Matthews n’a jamais été incité à quitter son lieu de travail pour aller travailler ailleurs en 1989. Il n’était pas non plus un cadre supérieur ni un employé très estimé. De plus, il ne comptait que six ans et demi de service au SCRS.

En ce qui concerne la demande de redressements non pécuniaires, je ne crois pas qu’il serait indiqué d’exiger une lettre de référence dans les circonstances, ce qui, de toute façon, ne serait probablement pas utile à M. Matthews à ce moment-ci. Je ne crois pas non plus que des excuses du SCRS soient recommandables. Pour ce qui est de la demande que M e Minnis a faite pour que soit modifié le dossier du fonctionnaire, il ne semble pas nécessaire de l’ordonner puisque M e Normand a déclaré qu’il n’y avait rien au dossier du fonctionnaire qui faisait état d’une faute de sa part, à l’exception de ma décision première, qui est de nature publique.

La présente décision ne se veut pas punitive, mais juste et raisonnable dans les circonstances.

Je demeurerai saisi de la présente décision au cas les parties éprouveraient des difficultés à l’appliquer.

J. Barry Turner, commissaire

OTTAWA, le 18 février 1999. Traduction certifiée conforme

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Décision Page 33 Serge Lareau

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