Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Vol - Circonstance atténuante - Toxicomanie - Traitement inéquitable - Réintégration conditionnelle - le fonctionnaire s'estimant lésé occupait un poste de magasinier au sein du Groupe d'approvisionnement en vivres, à Willow Park à la BCF Halifax - le 10 août 1995, des agents de la Police militaire ont reçu un téléphone anonyme les informant qu'un employé civil volait des fournitures au magasin du Groupe d'approvisionnement en vivres vers 11 h 30 tous les jours - la Police militaire a donc organisé une surveillance à l'extérieur du magasin vers 10 h 50 le lendemain et les policiers ont surpris le fonctionnaire s'estimant lésé en train de charger une automobile de fournitures d'une valeur approximative de 300 dollars - avec le concours de la police civile, le fonctionnaire s'estimant lésé a été appréhendé à la suite d'une poursuite en voiture, puis accusé de vol de biens d'une valeur inférieure à 1 000 $ en vertu du Code criminel - à la suite de cette accusation, le juge a mis le fonctionnaire s'estimant lésé en probation avec conditions - une des conditions fixées était qu'il accepte d'être évalué et conseillé et de suivre une cure de désintoxication destinée à régler son problème d'alcoolisme et de toxicomanie - le fonctionnaire s'estimant lésé avait été suspendu indéfiniment par l'employeur en attendant les résultats de l'enquête - la preuve entendue a démontré qu'avant l'incident en question, le superviseur du fonctionnaire s'estimant lésé savait que celui-ci éprouvait des ennuis financiers ainsi qu'un problème d'alcoolisme et qu'il consommait peut-être aussi de la marijuana - par conséquent, le superviseur avait recommandé au fonctionnaire s'estimant lésé de consulter un conseiller du Programme d'aide aux employés - à l'audience disciplinaire, l'employeur a été informé des problèmes de toxicomanie du fonctionnaire s'estimant lésé et du fait qu'il s'était inscrit à une cure de désintoxication - néanmoins, le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié - la preuve entendue a également permis d'établir que d'autres employés qui avaient été convaincus de vol d'une valeur supérieure au vol commis par le fonctionnaire s'estimant lésé n'avaient reçu qu'une suspension de 20 jours - l'arbitre a estimé que l'alcoolisme et la toxicomanie sont généralement considérés comme des maladies - par conséquent, l'employeur assume dans une certaine mesure la responsabilité d'aider un tel employé à guérir de ces maladies au moyen de programmes de traitement et de réadaptation - avant la cessation de l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur a été informé de son problème de toxicomanie, problème dont il n'était pas au courant auparavant, et du fait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait fait les premiers pas afin de régler ce problème - l'inconduite du fonctionnaire s'estimant lésé était d'une nature grave et méritait une forme de sanction disciplinaire correspondant à la gravité du geste posé - l'arbitre en est venue à la conclusion qu'une longue suspension sans salaire suivie par une réintégration conditionnelle constituait la solution respectant le mieux l'équilibre des intérêts en cause - à l'appui de sa conclusion, l'arbitre a cité des textes jurisprudentiels établissant qu'une personne ne peut automatiquement être licenciée du simple fait qu'elle a commis un ou plusieurs vols - les circonstances atténuantes que l'arbitre a pris en considération afin de réduire la sanction sont la toxicomanie du fonctionnaire s'estimant lésé et ses tentatives de réadaptation, et le fait que l'employeur avait dans le passé imposé des sanctions moindres à des employés qui avaient commis des vols plus graves - l'arbitre a ordonné la réintégration du fonctionnaire s'estimant lésé sous réserve qu'il soit en mesure dans les 30 jours suivant l'émission de sa décision de produire à l'intention de son employeur une preuve qu'il avait commencé à suivre un programme de réadaptation et continuait de le faire - à défaut de produire la preuve en question dans le délai précisé, son grief serait rejeté - la sanction substituée au congédiement était une suspension sans salaire jusqu'à la date de sa réintégration - pendant un an après la réintégration, l'employeur était autorisé à exiger du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il fasse la preuve qu'il continuait de suivre un programme de réadaptation. Grief admis en partie.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27188 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JAMES GREGORY HERRITT fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur Devant: Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: Evelyne Henry, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur: Harvey A. Newman, avocat Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 30 juillet 1996.

Decision Page 1 DÉCISION M. James Gregory Herritt a contesté son congédiement du ministère de la Défense nationale. Il occupait le poste de magasinier, Groupe d’approvisionnement en vivres, Willow Park, BFC Halifax. Il a été embauché à ce titre pour une période déterminée au niveau GS-STS-02T le 16 juillet 1980. Il a été nommé, toujours à titre de magasinier, à un poste de durée indéterminée de niveau GS-STS-03 le 18 janvier 1982 (pièce E-11). La lettre l’avisant de son congédiement, signée par le contre-amiral G.L. Garnett et datée du 26 octobre 1995, se lit comme suit (pièce E-4) : [traduction] Comme vous l’avez appris à la lecture de la lettre du commandant Olsen datée du 22 septembre 1995, vous avez été reconnu coupable de mauvaise conduite, d’où la recommandation du commandant Olsen de vous licencier. Cette conclusion et cette recommandation découlent de votre participation à un vol de vivres appartenant au ministère de la Défense nationale.

Par la présente, je vous avise que, après avoir examiné soigneusement cette affaire, j’ai conclu que vous avez irrémédiablement rompu les liens de confiance avec votre employeur qui sont indispensables pour garder votre emploi dans la fonction publique fédérale. Par conséquent, conformément au pouvoir qui m’a été délégué par le sous-ministre de la Défense nationale aux termes de l’alinéa 11.(2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques, vous êtes avisé par la présente que vous serez licencié de la fonction publique fédérale le 3 novembre 1995.

La suspension sans salaire pour une durée indéfinie qui vous a déjà été imposée demeure en vigueur jusqu’à cette date.

De plus, vous êtes avisé que, conformément à votre convention collective, vous avez le droit de déposer un grief dans les 25 jours de la date de réception de la présente lettre pour contester ma décision.

Le rapport d’enquête de la police militaire (pièce E-6), établi par le caporal E. Seymour, contient la version suivante des événements qui ont mené à l’arrestation de M. Herritt :

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Decision Page 2 [traduction] 2.(PB) À 23h10, le 10 août 1995, le poste de garde principal, Section de la police militaire, BFC Halifax (N.-É), a reçu un appel anonyme d’un homme qui a affirmé ce qui suit :

a) un employé civil travaillant dans l’entrepôt d’approvisionnement en vivres, bâtiment WL-26, Willow Park, BFC Halifax, vole quotidiennement des caisses d’aliments;

b) l’employé en question sort les aliments du bâtiment à peu près à la même heure (vers 11h30) tous les jours;

c) les caisses d’aliments sont déposées dans le coffre de la voiture de l’employé, décrite seulement comme étant de modèle Mercury Topaz/Ford Tempo 1984 ou 1985, de couleur grise;

d) la dernière fois l’interlocuteur a aperçu l’employé en train de voler des vivres est vers 11h30, le 10 août 1995; ce dernier a volé un gros sac de farine et plusieurs caisses de vivres;

e) l’interlocuteur a refusé de fournir le nom de l’employé; il l’a toutefois décrit comme étant un homme de 5 pieds 11 pouces, 180 livres, cheveux châtains, courts (coupe non militaire), qui avait entre 33 et 35 ans;

f) l’interlocuteur a déclaré vouloir dénoncer l’employé en question à la police militaire parce qu’il estimait que ce dernier avait déjà volé beaucoup trop de vivres;

g) l’interlocuteur a, à maintes reprises, refusé de s’identifier. 3.(PB) À 8 heures, le 11 août 1995, j’ai été informé de ce qui précède. Le caporal-chef CASSWELL a indiqué que les environs de l’entrepôt d’approvisionnement en vivres, bâtiment WL-26, BFC Halifax, seraient mis sous surveillance.

4.(PB) À 8h20, le 11 août 1995, accompagné du caporal-chef CASSWELL, j’ai effectué une vérification du terrain de stationnement dans les environs du bâtiment WL-26, Willow Park, BFC Halifax. Durant cette vérification, nous avons aperçu une voiture grise, modèle Ford Tempo 1984, immatriculée en Nouvelle-Écosse, immatriculation n o CPF 168, stationnée à proximité du côté est du bâtiment WL-26. Une vérification auprès du CIPC a permis de découvrir que le véhicule était enregistré au nom d’une certaine M m e Drake. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision 5.(PB) À 10h50, le 11 août 1995, accompagné du caporal-chef CASSWELL, j’ai commencé à surveiller le côté est du bâtiment WL-26, Willow caporal SPARKES a commencé à surveiller le côté nord du même bâtiment.

6.(PB) À 11h17, le 11 août 1995, j’ai aperçu un homme (identifié plus tard comme étant M. HERRITT), correspondant à la description physique de la personne mentionnée au paragraphe 2 ci-dessus, sortir par la porte du garage, située du côté est du bâtiment WL-26, en transportant des caisses. Il s’est approché de la Ford Tempo grise, a ouvert le coffre et y a déposé les caisses. Il est rentré dans le bâtiment WL-26 par la même porte. Pendant que j’observais les agissements de cette personne, le caporal-chef CASSWELL a pris plusieurs photos.

7.(PB) À 11h21, le 11 août 1995, j’ai de nouveau vu M. Herritt, transportant plusieurs caisses, sortir par la même porte. Il s’est rendu à l’arrière de la Ford Tempo, a ouvert le coffre et y a déposé les caisses. Le caporal-chef CASSWELL a encore une fois pu prendre plusieurs photos des agissements de M. HERRITT.

8.(PB) À 11h22, le 11 août 1995, j’ai vu M. HERRITT faire démarrer le véhicule en question et rouler en direction de la sortie nord du terrain de stationnement de Willow Park. À ce moment-là, j’ai communiqué avec le caporal SPARKES par radio pour lui expliquer la situation et lui demander d’essayer d’intercepter le véhicule à la sortie de Willow Park.

9.(PB) À 11h23, le 11 août 1995, le caporal SPARKES, au volant d’un véhicule banalisé dont le gyrophare du tableau de bord était allumé, a intercepté la Ford Tempo à l’intérieur de Willow Park en lui coupant la route. Le caporal- chef CASSWELL et moi-même nous sommes dirigés vers l’endroit le caporal SPARKES avait indiqué au conducteur du véhicule en cause de s’immobiliser. À notre arrivée sur les lieux par l’arrière (sud), le caporal-chef CASSWELL et moi-même avons vu le conducteur de la Ford Tempo contourner le véhicule du caporal SPARKES, sortir de Willow Park et emprunter la rue Windsor nord, à Halifax (Nouvelle-Écosse). Le caporal-chef CASSWELL et moi-même, au volant d’un véhicule banalisé de la police militaire, le gyrophare du tableau de bord et les clignotants d’urgence allumés, nous sommes lancés à la poursuite du véhicule.

10.(PB) À 11h25, le 11 août 1995, le caporal-chef CASSWELL a contacté par radio le poste de garde principal de la Section

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Page 3 Park tandis que le

Decision Page 4 de la police militaire et a demandé que l’on communique avec le Service de police de Halifax (SPH) pour demander de l’aide afin d’appréhender le conducteur de la Ford Tempo qui, semblait-il, n’avait nullement l’intention de s’arrêter.

11.(PB) À 11h32, le 11 août 1995, avec l’aide de deux policiers à motocyclette du SPH, la Ford Tempo a été interceptée sur le chemin Herring Cove, à Halifax (Nouvelle-Écosse). Le caporal-chef CASSWELL et moi-même nous sommes approchés du véhicule et avons demandé au conducteur de sortir, mais il a carrément refusé. Il a alors posé un geste déconcertant en enfonçant d’un geste brusque la main droite dans son pantalon. Là-dessus, le caporal- chef CASSWELL et moi-même avons dégainé notre pistolet réglementaire et, le tenant le long de notre corps, avons ordonné au conducteur de poser les mains sur le volant, ce qu’il a fait. Il a ensuite obéi à un ordre de sortir du véhicule et a été mis en état d’arrestation. Il a été informé de ses droits à un avocat et reçu lecture de l’avertissement habituel servi par les policiers. Identifié à l’aide de sa carte d’identité d’employé civil du MDN comme étant M. HERRITT, le conducteur a été fouillé, s’est fait passer les menottes et a pris place sur la banquette arrière de mon véhicule banalisé de la police militaire.

12.(PB) À 11h35, le 11 août 1995, le caporal-chef CASSWELL a jeté un coup d’oeil à l’intérieur de la Ford Tempo, mais il n’a rien trouvé. Le coffre, par contre, contenait onze caisses de vivres de toutes sortes. Le caporal-chef CASSWELL a pris des photos du véhicule et du contenu du coffre.

13.(PB) À 11h38, le 11 août 1995, le caporal SPARKES m’a rejoint et a commencé à faire l’inventaire des vivres qui se trouvaient dans le coffre de la Ford Tempo. Les caisses ont ensuite été transportées dans le coffre du véhicule du caporal SPARKES.

14.(PB) À 11h50, le 11 août 1995, le matelot 1 GRAVEL m’a rejoint à bord d’un véhicule identifié de la police militaire. M. HERRITT y a été transféré et, accompagné du mat 1 GRAVEL, je l’ai conduit à la Section de la police militaire. À notre arrivée à la section, j’ai refait lecture de l’avertissement habituel de la police à M. HERRITT et l’ai informé de son droit à un avocat. M. HERRITT a affirmé avoir compris et a indiqué vouloir parler à un avocat, ce qu’il a fait. Après s’être entretenu en privé avec l’avocat, il a refusé d’être interviewé, sur le conseil de l’avocat.

15.(PB) À 11h52, le 11 août 1995, quelqu’un a appelé ACE Towing Services à Halifax (Nouvelle-Écosse). Une

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Decision Page 5 remorqueuse a été envoyée au chemin Herring Cove et la Ford Tempo a été remorquée jusqu’à la fourrière de la compagnie, située rue Mitchell à Halifax (Nouvelle-Écosse).

16.(PB) À 12h20, le 11 août 1995, le caporal-chef CASSWELL et le caporal SPARKES se sont présentés à la Section de la police militaire et ont déménagé les caisses de vivres du coffre de la Ford Tempo à la Section des enquêtes. Le caporal SPARKES a alors procédé à l’inventaire détaillé et pris des photos de chaque article, qu’il a ensuite mis sous clef dans des casiers pour fins de preuve. Une description complète des articles saisis se trouve à l’ANNEXE A du présent rapport.

17.(PB) À 13h30, le 11 août 1995, le caporal-chef CASSWELL a communiqué avec M e MARTIN, le procureur de la Couronne de la région. Il lui a fait part de l’arrestation de M. HERRITT et a discuté de la possibilité d’obtenir un mandat de perquisition de la résidence de M. HERRITT. M e MARTIN lui a expliqué qu’il ne possédait pas suffisamment de preuve pour pouvoir obtenir le mandat en question et lui a recommandé de libérer M. HERRITT après lui avoir remis une citation à comparaître ou obtenu une promesse de comparaître.

18.(PB) À 14h10, le 11 août 1995, j’ai libéré M. HERRITT après lui avoir remis une citation à comparaître et l’avoir accusé des infractions suivantes :

a) vol d’une valeur ne dépassant pas 5 000 $ en contravention du sous-alinéa 334b)(i) du Code criminel du Canada (CCC);

b) possession d’un objet d’infraction (valeur ne dépassant pas 5 000 $) en contravention du sous-alinéa 355b)(i) du CCC;

c) violation d’une ordonnance contravention du paragraphe 740(1) du CCC;

d) conduite dangereuse l’alinéa 249(2)a) du CCC;

e) conduite pendant que le permis de conduire est frappé d’une suspension contrairement au paragraphe 6(1) du Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement (RRCTG);

f) défaut d’obéir aux ordres d’un agent de la paix contrairement au paragraphe 6(1) du RRCTG.

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de probation en

en contravention de

Decision Page 6 M. HERRITT doit se présenter à la Cour provinciale de Halifax, 5250, chemin Spring Garden, Halifax (Nouvelle-Écosse), à 9 heures, le 27 septembre 1995, pour répondre aux accusations susmentionnées. Il doit aussi se présenter à la Section d’identification de la Défense nationale, roulotte n o 4, rue Provo Wallis, arsenal CSM, BFC Halifax, à 9 heures, le 30 août 1995, aux fins d’identification aux termes de la Loi sur l’identification des criminels.

[...] Les articles qui ont été saisis dans le véhicule conduit par M. Herritt sont énumérés dans la liste d’inventaire qui fait partie de la pièce E-6 :

LISTE DES ARTICLES SAISIS AUX FINS DE MCHX 310-154-95 Code Article Quantité Coût à l’unité Coût total d’inventaire

5337 12 X 500 ml 1 caisse 3,12 $ 37,44 $ Pots de confiture de fraises Kraft

5359 12 X 500 ml 1 caisse 3,39 $ 40,68 $ Pots de confiture de framboises Kraft

5396 12 X 200 g 1 caisse 2,65 $ 31,80 $ Pots de café instantané Hills Bros.

5400 12 X 150 g 1 caisse 2,65 $ 31,80 $ Pots de café instantané décaféiné Nescafé

5410 24 X 250 g 1 caisse 2,62 $ 62,88 $ Boîtes de cacao Fry’s

5654 24 X 57 ml 1 caisse 1,50 $ 36 $ Bouteilles de sauce piquante de marque Tabasco

5656 24 X 285 ml 1 caisse 1,60 $ 38,40 $ Bouteilles de sauce chili Heinz

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Decision Page 7 5639 12 X 440 ml 1 caisse 2,40 $ 28,80 $ Bouteilles de sauce à taco Old El Paso

5648 24 X 200 ml 1 caisse 1,41 $ 33,84 $ Bouteilles de sauce HP

5649 12 X 250 ml 1 caisse 0,97 $ 11,64 $ Bouteilles de sauce aux prunes Wong Wing

5650 12 X 163 ml 1 caisse 1,21 $ 14,52 $ Bouteilles de sauce Worcestershire Heinz

M. David, le superviseur de M. Herritt, a témoigné au nom de l’employeur. Il est superviseur d’entrepôt depuis 25 ans. Il relève de M. Coffin, le superviseur du Groupe d’approvisionnement de Willow Park, l’approvisionnement de la base, lequel, au moment de l’incident, relevait du capitaine John Olsen. Le témoin a affirmé que les magasiniers doivent travailler de façon autonome la majorité du temps et qu’ils occupent des postes de confiance.

Selon M. David, M. Herritt est un bon employé, en fait un des meilleurs du groupe. En 1992 ou 1993, il a discuter de son absentéisme excessif avec lui. Il a aussi constaté que M. Herritt avait des difficultés financières et des problèmes d’alcoolisme. Il pensait qu’il faisait également usage de marijuana. M. Herritt a comparaître en cour à quelques reprises pour se défendre contre des accusations de conduite en état d’ivresse et pendant que son permis était frappé d’une suspension. Le témoin a affirmé qu’il avait essayé d’aider M. Herritt à régler ses problèmes, allant jusqu’à le conduire lui-même chez ses créanciers le jour de la paie pour s’assurer qu’il n’accuserait pas de retard dans ses paiements.

M. David a recommandé à M. Herritt de communiquer avec un conseiller du Programme d’aide aux employés pour discuter de son alcoolisme. Il a précisé qu’il ne savait pas au juste ce qui s’était passé par la suite, mais il croit que le fonctionnaire

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Valeur totale : 367,80 $ qui lui relève de l’officier de

Decision Page 8 s’est rendu à un rendez-vous. Il n’a été informé de la toxicomanie de ce dernier qu’après l’incident qui a donné lieu au présent grief. Il s’était alors senti trahi, blessé et ne croyait plus pouvoir lui faire confiance. M. Herritt l’avait laissé tomber, lui et le reste des employés. Les agissements de M. Herritt les avaient soumis à énormément de pressions parce que le Groupe d’approvisionnement en vivres était menacé d’une réduction des effectifs; il avait cependant obtenu un sursis à titre exceptionnel pour prouver qu’il était financièrement viable. Le vol était survenu en plein milieu de la période de sursis. M. David a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait perdu la confiance de ses collègues parce que, à une époque ces derniers consacraient toute leur énergie à essayer de sauvegarder leur emploi et leur gagne-pain, ses agissements avaient nui à la réputation du Groupe.

Le capitaine Olsen a témoigné. En juillet 1995, il était l’officier de l’approvisionnement de la Base des Forces canadiennes (BFC) Halifax. Plus de 500 employés relevaient de lui et il gérait des approvisionnements d’une valeur de plusieurs millions de dollars.

Il avait été question d’abolir le Groupe d’approvisionnement en vivres et de sous-traiter les tâches. Le Groupe bénéficiait d’une période de sursis pour prouver sa rentabilité. Le vol a eu un effet dévastateur sur les employés à cause de son incidence sur les frais généraux. Les employés devaient démontrer leur rentabilité, sous peine de perdre leur emploi.

En ce qui concerne l’incident lui-même, le capitaine Olsen a affirmé qu’il avait tenu une audience le 12 septembre 1995 avant de décider de sévir contre M. Herritt. Au moment de son arrestation par la police, M. Herritt a avoué avoir volé les vivres le jour en question, mais il a prétendu que ce n’était pas prémédité. Avant de prendre la décision d’imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire, le capitaine Olsen a tenu compte de la rupture du lien de confiance avec le Ministère, particulièrement à un moment les autres employés du Groupe d’approvisionnement en vivres luttaient pour conserver leur emploi. Il s’était dit que M. Herritt avait très probablement commis d’autres vols. Même après avoir examiné les circonstances atténuantes, il avait conclu que les possibilités de réadaptation de M. Herritt étaient limitées et qu’il fallait le congédier.

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Decision Page 9 En contre-interrogatoire, le capitaine Olsen a affirmé que, avant de prendre sa décision, il avait lu une lettre datée du 29 août 1995 dans laquelle le service de pharmacodépendance du ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse indiquait que M. Herritt était inscrit à un programme de réadaptation (pièce G-2).

Le capitaine Olsen a convenu qu’il était au courant d’un autre vol important qui avait été commis dans une autre direction générale du Ministère à la BFC Halifax, et non au sein du Groupe d’approvisionnement en vivres. Il savait que les trois employés qui avaient commis les vols n’avaient pas été congédiés, mais uniquement suspendus pendant 20 jours seulement. Il s’agissait de vols importants d’appareils ménagers, notamment de réfrigérateurs et de cuisinières. Le capitaine Olsen a affirmé que ces vols ne pouvaient pas être comparés aux circonstances du cas présent. En l’occurrence, il s’agissait d’un employé qui avait volontairement décidé de voler tandis que dans les autres cas il y aurait eu coercition, ce qui constituait une circonstance atténuante.

Le témoin suivant a été M. Kevin Locke, un mécanicien de machines fixes qui occupe un poste au sein de l’Union des employés de la Défense nationale (UEDN). Il est premier vice-président et délégué syndical intérimaire. C’est à titre d’observateur qu’il avait assisté à l’audience convoquée par le capitaine Olsen le 12 septembre 1995. À cette occasion, M. Ron Marsh, représentant syndical, avait soulevé la question de la toxicomanie de M. Herritt et de sa réadaptation. Il avait donné moults détails sur la consommation de drogues, ses causes et ses conséquences sur la personne aux prises avec ce problème. Le témoin a affirmé que le capitaine Olsen avait paru surpris par la preuve présentée alors et, en apprenant l’ampleur du problème du fonctionnaire s'estimant lésé, avait semblé sincèrement inquiet. Le capitaine Olsen avait affirmé qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour aider M. Herritt.

M. Locke a déclaré qu’il connaissait les trois autres employés qui avaient été suspendus pour vols. Tous les trois étaient contremaîtres et occupaient des postes de confiance. Ils étaient des signataires autorisés pour acheter des outils, de l’équipement et d’autres biens et fournitures nécessaires pour leurs ateliers. Ces contremaîtres font de la supervision et sont responsables des gens de métier qui

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Decision Page 10 relèvent d’eux dans leur atelier respectif. M. Locke a affirmé qu’il connaissait les faits puisqu’il avait pris part aux discussions syndicales-patronales concernant leur situation et qu’il était en fait le représentant syndical de l’un d’eux.

Le témoin a ajouté que M. Ron Marsh avait mentionné au capitaine Olsen le cas des trois contremaîtres qui avaient été mêlés aux vols d’articles de plus grande valeur (dépassant 1 000 $) et qui avaient écopé d’une suspension de 20 jours.

Dans le cas d’un autre incident, survenu immédiatement après celui impliquant M. Herritt, un fonctionnaire du groupe Manoeuvres et Hommes de métier avait été mêlé à un vol d’une grande quantité d’huile à moteur d’une valeur approximative de 800 $ et d’autres articles de moindre valeur. Comme M. Herritt, il était toxicomane et alcoolique, mais on lui avait imposé une suspension de 20 jours seulement.

M. Herritt, le fonctionnaire s’estimant lésé, a témoigné. Il est classé GS-STS-03. Il compte 15 ans de service. Depuis le 11 août 1995, le jour du vol, il a reçu du counselling et a participé à un programme de désintoxication pour drogués et alcooliques.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a parlé dans son témoignage de ses progrès au cours de l’année et du fait qu’il suit avec succès un programme de désintoxication. Il a été capable de suivre le programme malgré un énorme stress dans sa vie. Il a déclaré faillite au cours de l’année et a été en mesure d’aider sa conjointe de fait durant une grossesse difficile et, maintenant, de s’occuper de leur enfant. M. Herritt a déposé en preuve une lettre du 2 février 1996 adressée par son médecin, le docteur Howard S. Conter, à M me Sharon E. Cournoyer, son agent de probation. Voici le texte de la lettre (pièce G-7) :

[traduction] La présente lettre porte sur l’état de santé physique et mentale de M. James Herritt en vue de l’établissement du rapport présentenciel. Au cours des six à neuf derniers mois, M. Herritt a subi énormément de stress émotif et psychologique. Ce stress est relié, entre autres choses, à la consommation de drogues, particulièrement la cocaïne. Son accoutumance a provoqué un changement de comportement

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Decision Page 11 parce qu’il devait trouver les fonds nécessaires pour la satisfaire. Depuis, grâce à la psychothérapie suivie avec le docteur Gosse et moi-même, son médecin de famille, il a cessé de consommer de la cocaïne. Il mène une vie rangée depuis les trois ou quatre derniers mois.

Au cours de cette période, il a aussi subi les pressions et le stress causés par une faillite personnelle et la grossesse de sa conjointe de fait. Il a également faire face aux conséquences psychologiques d’avoir été pris en train de voler des objets au travail.

Dans l’ensemble, par conséquent, ses problèmes sont de trois ordres :

1. Consommation de drogues 2. Stress causé par sa faillite personnelle 3. Stress additionnel causé par la grossesse de sa conjointe de fait.

Ces facteurs se sont conjugués pour causer énormément de problèmes psychologiques chez James ainsi que des problèmes physiques, notamment des problèmes gastro- intestinaux, particulièrement un ulcère et un reflux gastro-oesophagien ainsi que de la fatigue et de l’anxiété.

Il s’en est assez bien tiré au cours des six derniers mois grâce à mon aide et à celle du docteur Gosse, et je crois sincèrement qu’en poursuivant les traitements, il continuera de s’améliorer, mais il devra continuer de participer au programme pour éviter toute rechute dans la drogue; à cette condition, il devrait très bien s’en sortir et être capable d’éviter de nouveaux ennuis.

N’hésitez pas à me téléphoner si vous avez besoin de plus amples renseignements. Je n’ai reçu pour le moment aucun rapport du docteur Gosse.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi déposé en preuve une lettre de M. Doug Blundon, agent de santé pharmacodépendance, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, datée du 25 juillet 1996, qui décrit l’état de santé du fonctionnaire en date de l’audience (pièce G-9) :

[traduction] La présente fait suite à notre conversation de ce matin. M. Herritt a communiqué avec notre bureau la première fois le 17 août 1995 pour nous demander de l’aide et des conseils

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communautaire, Division de la

Decision Page 12 au sujet de ses problèmes de consommation de drogue. Il a admis que, depuis la naissance de son enfant en mai, il avait eu plus de temps pour penser à se soigner. Il a été question des programmes clés de la Division et des réunions des NA ainsi que d’un calendrier de participation. J’ai conseillé à M. Herritt de faire signer un formulaire de participation chaque fois qu’il se rendra à une réunion de groupe. Il participe régulièrement aux réunions du groupe de récupération et continue ses séances de counselling individuelles avec le soussigné.

N’hésitez pas à me téléphoner au 424-5920 pour plus de renseignements.

M. Herritt a déclaré que le vol commis le 11 août 1995 (qu’il a avoué) et les incidents qui ont suivi avaient déclenché le signal d’alarme concernant ses toxicomanies. Il niait tout auparavant. Au moment du vol, il ne savait plus ce qu’il faisait, il mentait, trompait et volait pour financer sa toxicomanie. Lorsqu’il s’est rendu compte de la gravité de son problème, il a décidé de remettre de l’ordre dans sa vie. Il a suivi un traitement et il se sent en meilleure santé, il mange mieux et fait de l’exercice. Il est une «meilleure personne», il accepte ses responsabilités et sait il va dans la vie. Il a quatre enfants, âgés de quatre mois à 17 ans.

Après son congédiement de la fonction publique, il a comparu devant la juge Beach à la Cour provinciale de Halifax le 27 mai 1996. Il a été mis sous probation pendant deux ans moyennant certaines conditions : il doit se présenter à son agent de probation dans les 10 jours suivant sa condamnation et par la suite selon les exigences de l’agent de probation; il doit effectuer 100 heures de travail communautaire; il doit accepter de se soumettre à une évaluation, à du counselling et à un programme de désintoxication (alcool et drogues). De plus, la juge lui a ordonné de comparaître de nouveau en cour le 16 octobre 1996 pour rendre compte des progrès de sa réadaptation (pièce G-4)

En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’estimant lésé a réitéré son désir de tout avouer et de reconnaître ses erreurs. L’avocat de l’employeur a passé en revue avec lui les incidents entourant le vol commis le 11 août 1995. Le fonctionnaire a reconnu sans réserve avoir été impliqué dans tous les incidents survenus ce jour-là et a plusieurs fois répondu par l’affirmative aux questions concernant sa volonté de

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Decision Page 13 vivre honnêtement désormais. Lorsque l’avocat de l’employeur a mentionné les renseignements fournis à la police par un dénonciateur anonyme et qu’il a demandé au fonctionnaire : «Vous dites que vous voulez être parfaitement honnête et dire toute la vérité désormais, mais ce n’est toujours pas le cas parce que vous avez nié avoir volé avant le 11 août; voulez-vous avouer maintenant que vous avez commis d’autres vols dans les entrepôts?» Le fonctionnaire ne l’a pas avoué.

Durant le contre-interrogatoire principal par sa propre représentante, le fonctionnaire a réitéré qu’il éprouvait des remords au sujet des incidents survenus le 11 août 1995, et il a admis que, durant les séances de counselling avec son psychologue, il avait faire face à beaucoup de choses qu’il avait fuies au cours de la dernière année. Interrogé à brûle-pourpoint à savoir pourquoi il avait tant de difficulté à avouer des vols antérieurs, le fonctionnaire est devenu très émotif. Il a répondu qu’il se sentait très mal et qu’il voulait faire face à tout son passé en se présentant à l’audience. Il a déclaré qu’il craignait d’aggraver sa situation, d’empirer les choses et de s’incriminer davantage. Il a dit qu’il se sentait très mal de ne pas encore pouvoir faire face à tout.

M. Ron Marsh, magasinier, Groupe d’approvisionnement en vivres, Réparation de navires, a témoigné au nom du fonctionnaire. Il compte presque 23 ans de service et connaît le fonctionnaire s’estimant lésé depuis une dizaine d’années. Il a affirmé qu’il était alcoolique et que, grâce à son expérience personnelle, à la formation syndicale et à son travail de liaison dans le cadre du Programme d’aide aux employés, il avait appris à connaître les toxicomanies, leurs effets sur les gens et les techniques pour s’en sortir.

La première étape du processus de réadaptation est l’honnêteté. Il faut d’abord être capable d’avouer son accoutumance et reconnaître qu’il existe des options, qu’une personne peut changer.

M. Marsh connaît Greg Herritt et voit en lui une personne différente de ce qu’il était il y a un an. En fait, les progrès réalisés depuis six mois sont remarquables. Greg Herritt continue de nier dans une certaine mesure son état et n’est pas encore pleinement conscient de l’étendue de son accoutumance. La perte de son emploi a créé

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Decision Page 14 un grand vide dans sa vie, en ce qui concerne sa confiance en lui et le sentiment de sa propre valeur.

Étant donné que Greg Herritt en est toujours au stade de la négation, il a suggéré que le besoin de l’employeur d’être convaincu qu’il peut lui faire confiance pourrait être satisfait par l’imposition de conditions.

Arguments Pour l’employeur Il ne fait aucun doute que le fonctionnaire s’estimant lésé est coupable de mauvaise conduite grave. Il a complètement laissé tomber ses collègues en commettant un vol au travail à un moment la rentabilité du Groupe d’approvisionnement en vivres faisait l’objet d’un examen. L’avocat de l’employeur a soutenu que le fonctionnaire s'estimant lésé, malgré l’occasion qui lui a été offerte, a refusé d’avouer avoir commis d’autres vols de telle sorte que ses remords sonnent creux. On ne peut toujours pas lui faire confiance, et l’employeur ne devrait pas être tenu de prendre le risque de le réintégrer. Par ailleurs, les cas des trois superviseurs qui ont reçu une suspension de 20 jours ne sont pas forcément comparables.

L’avocat de l’employeur a invoqué les affaires Funnell (dossier de la Commission : 166-2-25162) et Barratt et autres (dossiers de la Commission : 166-2-10643 et autres).

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé M. Herritt a commencé sa désintoxication immédiatement après l’incident du 11 août 1995 et avant d’être congédié. Il a réussi à s’abstenir totalement de drogues et d’alcool au cours de la dernière année en dépit de ses nombreux problèmes ou revers sur le plan personnel, notamment sa faillite. D’autres fonctionnaires du Ministère, qui s’occupaient des postes comportant autant de responsabilités que celui de M. Herritt et pour lesquels la confiance jouait un rôle aussi important, ont reçu une suspension de 20 jours au lieu d’être congédiés.

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Decision Page 15 L’employeur a l’obligation de composer avec l’incapacité d’un employé. Puisque M. Herritt a changé son mode de vie, qu’il faisait face à ses toxicomanies et qu’il avait cessé de consommer des drogues et de l’alcool, M me Henry a fait valoir qu’il serait approprié de substituer au congédiement la réintégration de M. Herritt moyennant certaines conditions.

Motifs de décision En règle générale, l’alcoolisme et la toxicomanie sont considérés comme des maladies. Cela étant, il incombe dans une certaine mesure à l’employeur d’aider l’employé à faire face à ces maladies par le biais de programmes de traitement et de réadaptation. L’employeur avait été averti avant le vol que M. Herritt avait des problèmes d’argent et d’alcoolisme, qu’il faisait probablement usage de marijuana et qu’il avait été aiguillé vers le Programme d’aide aux employés. Il n’y a cependant pas réellement eu de suivi. L’employeur n’était pas au courant de la cocaïnomanie de ce fonctionnaire. Il en a toutefois été informé avant de congédier M. Herritt ainsi que des mesures premières prises par M. Herritt pour se soigner.

M. Herritt a avoué avoir volé les vivres. Ce vol constituait de la mauvaise conduite grave et l’employeur se devait de sévir en imposant une mesure disciplinaire correspondant à la gravité de l’acte. Je dois aussi tenir compte des préoccupations de l’employeur quant aux risques qu’il courrait s’il réintégrait M. Herritt sur le lieu de travail.

J’estime qu’une longue suspension sans salaire, suivie d’une réintégration moyennant certaines conditions, représente un juste équilibre entre des intérêts opposés.

Je crois que le fonctionnaire s'estimant lésé a transformé sa vie depuis les incidents en question. Il participe à des programmes de réadaptation; il essaie de régler ses problèmes; il mène une vie rangée; il a réussi à maîtriser sa dépendance envers les drogues et l’alcool. À tous égards, il mène une vie plus saine et il a appris comment éviter d’avoir des problèmes à l’avenir. Je l’ai trouvé digne de foi.

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Decision Page 16 Il lui a fallu beaucoup de courage pour avouer que les événements du 11 août 1995 l’avaient sensibilisé au fait qu’il avait touché le fond. Il m’est apparu qu’il était extrêmement pénible pour lui de dresser le bilan de sa vie à l’audience et de reconnaître le gâchis qu’il en avait fait, y compris les mensonges, la tromperie et le vol.

Les progrès qu’il a réussi à accomplir en vivant une vie rangée depuis environ un an et la prise en charge de ses propres responsabilités dans la vie ainsi que celle de sa conjointe de fait et du nourrisson témoignent du fait qu’il a chose pénible se regarder en face et qu’il a travaillé fort pour transformer sa vie. Dans ces circonstances, il semble que les pronostics d’avenir soient raisonnablement favorables.

Après avoir entendu son témoignage, je suis convaincue qu’il est déterminé à réparer les dégâts si la chance lui en est donnée. Il a avoué sa culpabilité à toutes les accusations portées contre lui. Il a eu de la difficulté à avouer davantage. Nous avons entendu le témoignage de son superviseur, selon qui M. Herritt avait été un employé très compétent. Je crois qu’il pourra de nouveau apporter une contribution positive au travail s’il continue de se soigner, et je crois qu’il a la capacité et la détermination voulues pour aller jusqu’au bout.

La plupart des arbitres acceptent désormais qu’une [traduction] : « [...] personne ne peut être congédiée d’office parce qu’elle a commis un ou plusieurs vols » (Canadian Labour Arbitration, troisième édition, MM. Brown et Beatty, 7:3314). Les arbitres ont tenu compte de nombreux facteurs pour arriver à la conclusion que la sanction consistant à congédier un employé reconnu coupable de vol devrait être remplacée par une suspension d’une durée déterminée.

Un des facteurs mentionnés dans l’ouvrage cité ci-dessus est le manque de cohérence de l’employeur dans l’application de ses propres règles en cas de vol. En l’occurrence, les faits indiquent que le Ministère a imposé une suspension de 20 jours à trois contremaîtres qui avaient été impliqués dans des vols d’une valeur de plus de 1 000 $. Ces hommes de métier occupaient des postes de confiance correspondant au

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Decision Page 17 moins à celui de M. Herritt, un magasinier. De plus, un autre fonctionnaire appartenant au groupe Manoeuvres et Hommes de métier a écopé d’une suspension de 20 jours pour avoir volé de l’huile à moteur d’une valeur approximative de 800 $. Compte tenu de la volonté de l’employeur de tenir compte des circonstances particulières de la situation d’une personne au moment d’imposer une sanction moins lourde que le congédiement dans ces cas, il aurait dû, dans le cas de M. Herritt, accorder plus d’importance au problème d’accoutumance du fonctionnaire et au fait que celui-ci avait déjà commencé à suivre un traitement.

Au moment de l’audience, M. Herritt avait changé son mode de vie et s’était déjà engagé dans le droit chemin. Ce fait, conjugué à sa dignité retrouvée et à une plus grande acceptation de ses responsabilités à l’égard de lui-même et des autres, me permet de conclure que, s’il a réussi à persister dans cette voie pendant plusieurs mois, il devrait maintenant être en mesure de reprendre le travail.

Si, dans les 30 jours suivant la présente décision, M. Herritt est en mesure de produire, à l’intention de son employeur, une déclaration de son médecin ou d’une autorité de la division de la pharmacodépendance du ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, indiquant qu’il participe depuis un certain temps à un programme de réadaptation, l’employeur doit le réintégrer dès la production de ladite déclaration. Dans le cas contraire, il ne sera pas fait droit au grief.

Je substitue au congédiement une suspension sans paie jusqu’à la date de la réintégration.

Pendant un an après la réintégration de M. Herritt, l’employeur peut exiger la preuve que celui-ci participe toujours à un programme de réadaptation.

Même si au cours de son témoignage M. David a fait allusion au fait que M. Herritt avait perdu la confiance de ses collègues de travail, je prends note qu’aucun d’entre eux n’a en réalité témoigné que c’était le cas. En tout état de cause, je crois que la bonne conduite de M. Herritt facilitera sa réintégration au travail.

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Decision Page 18 Je demeure saisie de l’affaire au cas la mise en œuvre de la présente décision causerait des difficultés aux parties.

Rosemary Vondette Simpson, commissaire

OTTAWA, le 17 décembre 1996. Traduction certifié conforme Serge Lareau

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