Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Description d'emploi - le fonctionnaire occupait un poste d'observateur des incendies dans des tours d'observation situées au Yukon - il a soutenu que sa description de travail ne brossait pas un tableau complet et exact de l'ensemble de ses fonctions et responsabilités, en contravention des dispositions de la convention collective - l'arbitre a conclu d'après la preuve que la description de travail était déficiente et a ordonné à l'employeur de la mettre à jour afin qu'elle reflète les fonctions et responsabilités d'un observateur. Grief admis.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-27344 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE EDWARD DEAN FOREMAN fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Affaires indiennes et du Nord Canada)

employeur

Devant : Ken Normam, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : David Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur : Robert Smart Affaire entendue à Whitehorse (Yukon), les 18 et 19 décembre 1997.

DÉCISION M. Ed Foreman, un employé des Affaires indiennes et du Nord Canada, travaille comme observateur dans des tours d’observation situées au Yukon. Il soutient, au nom de ses collègues, que la description de travail d’observateur ne brosse pas un tableau complet et exact de l’ensemble des tâches et responsabilités des observateurs. Le présent grief est l’aboutissement d’une assez longue histoire dont le sujet principal est le mécontentement qu’a provoqué chez les observateurs un certain nombre de décisions prises par la direction à leur sujet. Pour résumer l’affaire en quelques mots, je dirai que cette histoire me semble être celle d’observateurs qui se sentent sous-estimés. La question que je me pose ici est de savoir si je peux me saisir de griefs de ce type déposés en vertu de l’article M-32.01 de la convention cadre conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor le 17 mai 1989.

J’ai entendu les témoignages détaillés de M. Ed Foreman, M. Marc Chouinard et de leur collègue M m e Lana VanVeen. Je conviens avec M. Smart, toutefois, que les témoins ont surtout argumenté et que leurs propos avaient davantage à voir avec l’analyse ou l’évaluation des emplois. M. René Pelkman, « Rmo » chez Tagish, a témoigné au nom des fonctionnaires s’estimant lésés. Une fois de plus, le témoignage de M. Pelkman a essentiellement porté sur des questions d’interprétation liées à l’évaluation des emplois. L’employeur a appelé un seul témoin, soit M. Keith Kepke, chef, gestion des incendies, qui a répondu aux observations de M. Ed Foreman.

Une grande partie du travail dont il est question dans le grief était effectué par M. Ed Foreman. Pendant environ un an avant le dépôt du grief, ce dernier a échangé de la correspondance et a eu des entretiens avec divers membres de la direction au sujet de la description de travail des observateurs, et il a proposé plusieurs révisions. Il s’est donné beaucoup de peine pour rédiger une description de travail complète qu’il a soumis à l’employeur. Il était en désaccord sur une foule de points dans les documents antérieurs et actuels de l’employeur. Dans beaucoup de cas, il s’agit de questions d’interprétation, de style et de degré d’importance. Dans d’autres cas, les problèmes soulevés par M. Foreman ne trouvent pas de réponse dans la description de travail actuelle. D’après la preuve présentée par le syndicat, celui-ci a toujours épousé les vues de M. Ed Foreman pendant le processus d’examen et de consultation qui a mené au dépôt du grief.

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Décision Page 2 Arguments Dans l’ensemble, M. Landry et M. Smart ont adopté des vues diamétralement opposées au sujet de la preuve qui a été entendue. M. Landry me demande d’accepter l’ébauche de description de travail préparée par M. Ed Foreman comme preuve que l’employeur n’avait pas respecté les exigences de l’article M-32.01 de la convention cadre. M. Smart m’exhorte à considérer ces observations comme une tentative déguisée de m’amener à réaliser ce qui doit être considéré comme l’objectif véritable du fonctionnaire s’estimant lésé, à savoir, modifier sa classification dans un sens particulier. De plus, M. Smart fait préalablement valoir que le grief doit être rejeté étant donné qu’on a la preuve qu’il n’a pas été précédé d’une « demande écrite », comme le prévoit l’article M-32.01.

Motifs de décision En ce qui a trait à l’objection préliminaire de l’employeur selon laquelle je n’aurais pas être saisi du présent grief en raison de l’absence de preuve qu’il y avait eu une « demande écrite », comme il est indiqué au début de l’article M-32.01, j’accepte plutôt l’argument du syndicat fondé sur la préclusion. Le 5 juin 1995, M. C.S. Diaz, agent principal des relations du travail à Affaires indiennes et du Nord Canada, a envoyé à M. Jim Brohman, représentant syndical, une lettre dans laquelle on peut notamment lire :

[Traduction] Depuis deux ans, les observateurs dans les tours d’observation de cette région déposent des griefs alléguant que leur description d’emploi actuelle (GS-PRC-02) est incomplète et qu’elle ne respecte pas l’article M-32.01 de la convention cadre (AFPC).

Conformément à la télécopie que je vous ai envoyée en date du 26 mai 1995, je demande que tous les griefs relatifs à la description de travail des observateurs dans les tours soient mis en suspens jusqu’à ce qu’une décision soit prise au dernier palier de la procédure de règlement des griefs relativement au grief de M. Ed Foreman (c’est-à-dire le YUK-NAP-94/95). Cette décision devrait valoir pour tous les observateurs.

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Décision Page 3 J’interprète cette lettre comme un engagement pris par les parties en vue de régler, par l’intermédiaire du grief de M. Ed Foreman, ce problème de longue date, aux termes de l’article M-32.01, qui concerne plusieurs personnes. Au nom du syndicat, M. Jim Brohman a signé la lettre le 9 juin 1995. Le syndicat a alors commencé à préparer son dossier en vue de l’arbitrage. L’employeur ne peut donc prétendre, plus de deux ans plus tard, s’opposer au grief de M. Ed Foreman parce que ce dernier n’a pas réussi à prouver qu’une « demande écrite » avait précédé le dépôt du grief. La doctrine de préclusion l’empêche d’adopter une telle position.

Cette conclusion est facile à tirer vu que l’employeur n’a subi aucun préjudice. La raison fondamentale de la « demande écrite » est assurément d’offrir à l’employeur la possibilité d’examiner attentivement une description de travail pour déterminer si elle est effectivement « complète et courante » avant d’accepter un grief. D’après les faits qui m’ont été présentés, l’employeur a été informé à de nombreuses reprises des préoccupations des observateurs au sujet de leur description de travail. Pendant environ un an avant le dépôt du grief, toutes les parties intéressées ont pris part à un long processus d’examen et de consultation sur la description de travail.

La présente affaire se situe à la limite de la compétence, aux termes de la convention collective, d’un arbitre nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de celle d’un agent d’appel en matière de classification. D’une part, une grande partie de la preuve du fonctionnaire rejoint la conclusion à laquelle est arrivé l’arbitre Young à la page 16 dans l’affaire Taylor (dossier 166-2-20396) « [...] les questions de classification et de rémunération sont à l’origine du litige. » Essentiellement, j’accepte la présentation de M. Smart selon laquelle les points que le fonctionnaire a soulevés dans son témoignage ne sont ni plus ni moins que des observations au sujet de l’analyse et de l’évaluation de l’emploi. Par ailleurs, il y a quelques points dans la description de travail qui donnent à penser, selon le libellé de l’affaire, qu’elle omet de mentionner une fonction ou responsabilité particulière que le fonctionnaire doit remplir, pour paraphraser l’arbitre Young à la page 15 de l’affaire Taylor.

Tout compte fait, au sujet de la question de ce qui, soutient-on, a été omis dans la description de travail, je suis persuadé que, contrairement à l’affaire Taylor, la plainte du fonctionnaire fondée sur l’article M-32.01 ne doit pas être rejetée.

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Décision Page 4 L’exemple le plus clair de ce genre d’omission nous est donné sous la rubrique « RESPONSABILITÉS EN MATIÈRE DE RESSOURCES TECHNIQUES », il est nullement fait mention de la valeur pécuniaire des ressources techniques dont un observateur a la charge. En dépit du fait que M. Ed Foreman a écrit à l’employeur pour lui dire qu’il faudrait mentionner sous cette rubrique que la valeur des ressources techniques dont un observateur est responsable dépasse les « 100 000 $ », la description d’emploi est demeurée muette sur cette question. M. Ed Foreman a déclaré avoir rédigé ses propositions de description de travail en s’inspirant de l’Ébauche - Description de travail, rédigée par le Groupe de travail, Simplification de la classification, FP2000, troisième édition, novembre 1992, et publiée par le Secrétariat du Conseil du Trésor. [le Guide FP2000]. Sous la rubrique « Responsabilité en matière de ressources techniques » le Guide prévoit ce qui suit :

Indiquez la valeur monétaire des ressources techniques. [C’est moi qui souligne.] Interrogé à ce sujet, M. Keith Kepke, chef de la gestion des feux de forêts au Yukon pendant toute la période pertinente, a indiqué qu’il ne se souvenait pas d’avoir eu, au sujet de cette question, des discussions à l’issue desquelles il a été décidé de ne pas indiquer sur la description de travail la valeur des ressources techniques dont un observateur a la responsabilité. Il a toutefois affirmé que le chiffre de 100 000 $ proposé par M. Ed Foreman correspondait plus ou moins à la valeur de remplacement du matériel en cause. À cet égard, je ne puis que conclure, puisqu’on n’a pas contesté devant moi le fait que la valeur pécuniaire des ressources techniques n’est pas indiquée, que cette omission dans la description de travail est contraire au libellé de l’article M-32.01 voulant que la description de travail soit « un exposé complet et courant [des] fonctions et responsabilités [...] du poste ».

Un autre exemple nous est donné sous la rubrique « MÉTHODES, TECHNIQUES ET PRATIQUES », l’on peut lire ce qui suit [traduction] : « Techniques et méthodes nécessaires pour effectuer l’entretien mineur du matériel L’ébauche préparée par M. Ed Foreman étoffe cette phrase : [traduction] « le travail exige une connaissance des méthodes et des techniques élémentaires de menuiserie, de mécanique et d’électricité

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Décision Page 5 en vue de faire l’entretien du matériel d’observation et du matériel connexe. » Le Guide FP2000 prévoit ce qui suit : Tenez compte du niveau de spécialisation de la connaissance des méthodes, des techniques et des pratiques, ainsi que de la complexité de ces dernières.

[C’est moi qui souligne.] Par rapport à cette norme, la description de travail manque encore une fois de précision. Chacun des observateurs qui a témoigné a précisé s’être retrouvé régulièrement confronté à des problèmes d’entretien et de réparation qui exigeaient de leur part des connaissances élémentaires de la menuiserie, de la mécanique et de l’électricité. De plus, l’employeur ne m’a pas expliqué pourquoi les particularités proposées par M. Ed Foreman, conformément au Guide FP2000, n’étaient pas nécessaires.

Un troisième exemple se trouve sous la rubrique « CONDITIONS DE TRAVAIL » sous « ENVIRONNEMENT », l’ébauche de M. Ed Foreman dit entre autres : [traduction] « Le travail nécessite d’être exposé à l’occasion aux éclairs et à des animaux sauvages dangereux. » La description de travail ne parle pas de ce facteur. Le Guide FP2000 précise : Décrivez le genre ou la combinaison de conditions désagréables propres au travail ou en découlant ainsi que la fréquence et la durée de l’exposition à celles-ci.

[C’est moi qui souligne.] Selon son propre témoignage, M. Kepke s’est contenté de déclarer, en réponse à la demande de M. Ed Foreman à cet égard, que le Yukon est une [traduction] « contrée sauvage foisonnent les ours » et que l’observateur ne court aucun risque particulier. Comme la majorité des tours d’observation sont situées à des endroits relativement éloignés, je ne suis pas convaincu par la réponse de M. Kepke. Les trois observateurs qui ont témoigné ont tous raconté s’être déjà retrouvés face à des ours et d’autres animaux sauvages pendant qu’ils étaient en service.

Pour ce qui est de la question du risque d’être frappé par la foudre, j’ai entendu le témoignage d’un observateur qui est demeuré prisonnier d’une tour autonome pendant toute la durée d’un orage électrique parce qu’il risquait d’être foudroyé s’il

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Décision Page 6 utilisait l’échelle non mise à la terre et exposée aux éléments. J’ai aussi entendu parler d’observateurs travaillant dans des coupoles d’observation alors que le ciel était sillonné d’éclairs. M. Kepke a toutefois concédé que l’occupant d’une tour, vu la hauteur de celle-ci et la possibilité qu’elle soit construite sur un ravin, risque davantage d’être frappé par la foudre que toute autre personne au Yukon. Encore ici donc, tout compte fait, je conclus que la description de travail ne tient pas compte des exigences de l’article M-32.01.

Pour les motifs susmentionnés, je fais droit au grief. Pour paraphraser la conclusion de l’arbitre dans l’affaire Littlewood et autres (dossier 166-2-16044) [Deans], à la page 23, il ressort de la preuve que les tâches que les observateurs assument dans un nombre de domaines sont plus étendues que celles qui sont prévues dans la description de travail. Par les présentes, l’employeur est tenu de préparer une description de travail qui comble ces lacunes, en fournissant un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités des observateurs. Je note, d’après la preuve de M. Kepke, que l’employeur procédera à un examen périodique de la description de travail des observateurs dans les mois à venir. L’application de la présente décision peut être intégrée au processus d’examen prévu. Je conclus en exprimant le vœu que j’espère que l’employeur n’oublie aucun élément pertinent dans le document qui découlera de ce processus.

Ken Norman, commissaire

SASKATOON, le 28 janvier 1998. Traduction certifiée conforme Serge Lareau Commission des relations de travail dans la fonction publique

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