Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Rappel au travail - Frais de déplacement - Convention collective - Directive sur les voyages - le fonctionnaire s'estimant lésé, un infirmier, a été rappelé au travail pour effectuer un quart de travail supplémentaire précédant immédiatement son quart normal - le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé le remboursement de ses frais de déplacement (aller-retour), appuyant sa demande sur une disposition de la convention collective qui s'appliquait spécifiquement au groupe des Sciences infirmières (NU) - il remplissait les conditions fixées dans sa convention collective pour le paiement des frais de déplacement, c'est-à-dire qu'il avait été rappelé au travail en dehors de ses heures de travail normales et il avait dû utiliser un moyen de transport autre que les moyens de transport en commun normaux - l'employeur lui a remboursé ses frais de déplacement pour un aller simple, se fondant sur son interprétation à l'effet que la politique sur les voyages, incorporée par référence dans la convention collective, l'emportait sur la disposition particulière applicable au groupe Sciences infirmières - le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief réclamant le remboursement de ses frais de déplacement pour le retour - l'arbitre a décidé que la disposition de la convention collective qui s'appliquait spécifiquement au groupe des Sciences infirmières avait préséance sur la politique sur le voyages, d'application plus générale - de plus, l'arbitre n'a pas été convaincu par l'employeur qu'une décision arbitrale sur laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé se fondait était manifestement erronée - l'arbitre a ordonné à l'employeur de rembourser au fonctionnaire ses frais de déplacement pour le retour. Grief admis. Décision citée : Dufour et Lapierre (166-2-23487).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-27329

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE NORMAND MARLEAU fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Anciens Combattants Canada)

employeur

Devant : Jean Charles Cloutier, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lucie Baillairgé, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Michel LeFrançois, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec), le 9 février 1998.

Décision DÉCISION Page 1 Cette décision fait suite à l’audition d’un grief renvoyé à l’arbitrage par M. Normand Marleau. Il est infirmier (NU-HOS-02) et travaille au ministère des Anciens Combattants à Ste-Anne de Bellevue (Québec). Il demande le remboursement de frais de retour à la maison après une période de rappel au travail contigüe à ses heures normales de travail et appuie sa réclamation sur la clause NU-2.02 de la convention cadre entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

L’énoncé du grief se lit comme suit : Je conteste la décision de l’employeur de me rembourser seulement les dépenses de transport afférentes à un aller simple, suite à un rappel au travail fait au 7A de nuit, le 3 janvier 95, le tout en contravention avec la convention cadre et plus particulièrement l’article NU-2 et de la décision arbitrale rendue dans les dossiers Lapierre et Dufour.

La mesure corrective du grief se lit comme suit : Je réclame le remboursement des dépenses de transport d’un aller-retour. Sans préjudice à mes droits et privilèges.

La clause NU-2.02 (pièce G-1) se lit comme suit : NU-2.02 Lorsque l’employé est tenu de se présenter au travail et qu’il se présente selon les conditions décrites aux clauses 9.03 et 10.01, et qu’il doit recourir à des moyens de transport autres que les moyens de transport en commun normaux, il touche un remboursement des dépenses raisonnables engagées comme suit:

a) une indemnité de millage au taux normalement payé à l’employé si l’employeur l’autorise à utiliser sa voiture, lorsque l’employé se déplace au moyen de sa propre voiture,

ou b) les dépenses qu’occasionne le recours à d’autres moyens de transport commerciaux.

La clause suivante a également rapport au litige :

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Décision Page 2 10.01 Lorsqu’un employé est rappelé au travail ou lorsqu’un employé qui est en disponibilité est rappelé au travail par l’employeur à n’importe quel moment en dehors de ses heures de travail normales, il touche le plus élevé des deux montants suivants:

(i) un minimum de trois (3) heures de salaire au taux applicable des heures supplémentaires;

ou (ii) la rémunération au taux des heures supplémentaires applicable pour chaque heure qu’il effectue.

Pour sa part, l’employeur invoque la Directive sur les voyages (qui est incorporée à la convention collective en vertu de la clause 36.03 (pièce G-1)), et plus particulièrement le paragraphe 7.1.1 (pièce E-1), qui se lit comme suit : Frais de transport 7.1 Heures supplémentaires 7.1.1 Lorsque le fonctionnaire est autorisé à faire des heures supplémentaires et qu’il est tenu d’utiliser un moyen de transport autre qu’un service de transport public normal et raisonnable ou un moyen de transport offert par l’État, l’utilisation d’un taxi ou, si une voiture particulière est à sa disposition, le versement d’un montant calculé au taux supérieur par kilomètre doit être autorisé pour le transport entre le domicile du fonctionnaire et son lieu de travail, dans les deux sens, si nécessaire, et les frais de stationnement inévitables doivent être remboursés:

a) pour une période de travail supplémentaire qui suit ou précède immédiatement ses heures normales de travail et que, en conséquence directe de l’heure de son déplacement, il se trouve privé de son mode habituel de transport; ou

b) pour une période de travail supplémentaire qui l’oblige à se rendre au lieu de travail à un moment qui ne suit ni ne précède immédiatement ses heures normales de travail.

Les faits sont les suivants. Le témoignage de M. Marleau se résume comme suit.

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Décision Page 3 Le 3 janvier 1995, les heures normales de travail de Normand Marleau sont de 7 h 30 à 15 h 30 (quart du jour). Au cours de la soirée du 2 janvier 1995, M. Marleau a reçu un appel lui demandant de venir accomplir le quart de travail de 23 h 30 à 7 h 30 le 3 janvier 1995 au matin. Ce quart de nuit est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable. La coutume à l’Hôpital Ste-Anne de Bellevue veut que les employés qui le désirent, et toujours selon leur disponibilité (liste de disponibilité), inscrivent leur nom sur une liste et M. Marleau avait bel et bien inscrit son nom sur cette liste. M. Marleau habite à Ste-Marthe, comté de Soulanges, soit à environ 40 kilomètres de Ste-Anne de Bellevue. Il n’y a pas de transport en commun entre ces deux villes. Habituellement, pour se rendre au travail, M. Marleau se sert de son véhicule. M. Marleau nous a dit que les frais de taxi pour le transport entre son domicile et l’hôpital sont d’environ 45 $ pour un aller simple.

Le procureur de l’employeur a fait entendre comme témoin M. Jean Lajeunesse, chef des relations de travail et de la rémunération à l’Hôpital Ste-Anne de Bellevue. Celui-ci a corroboré les faits quant aux heures de travail de M. Marleau pour les 2 et 3 janvier 1995.

La procureure du fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposée à la production de trois mémorandums internes (pièces E-2, E-3 et E-4). J’ai pris son objection sous réserve. J’ai étudié ces éléments de preuve mais j’estime qu’ils ne sont pas concluants.

Le témoin Lajeunesse a dit que la décision prise de payer seulement les dépenses pour l’aller, et non pour le retour, est basée sur l’interprétation que l’employeur a faite du paragraphe 7.1.1 de la Directive sur les voyages. Suite aux questions de la procureure du fonctionnaire s’estimant lésé, le témoin Lajeunesse a reconnu qu’il n’est pas fait mention des heures contigües dans la clause NU-2.02.

Plaidoiries La plaidoirie de la procureure du fonctionnaire s’estimant lésé se résume comme suit.

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Décision Page 4 La clause NU-2.02 est une clause spécifique au groupe des sciences infirmières. Le remboursement de salaire s’effectue selon la clause 10.01. La preuve est que le fonctionnaire s’estimant lésé a été tenu de se présenter au travail en dehors de ses heures normales. M. Marleau a été rappelé au travail et, selon la clause NU-2.02, il doit toucher un remboursement des dépenses raisonnables engagées, soit a) en utilisant son automobile, soit b) en utilisant un moyen de transport commercial. Il a choisi le moins dispendieux des deux, soit a). Cette même clause parle de dépenses raisonnables et non de dépenses additionnelles et, de plus, cette clause n’exclut aucunement le cas d’une période de travail supplémentaire accolée aux heures normales de travail. La clause NU-2.02 est une clause spécifique qui s’applique seulement au groupe des sciences infirmières dont fait partie le fonctionnaire s’estimant lésé [Dufour et Lapierre (dossiers de la Commission 166-2-23487 et 23488)].

La procureure du fonctionnaire s’estimant lésé m’a renvoyé aux décisions suivantes : Johnston (dossier de la Commission 166-2-10027) ; Chandler et autres (dossiers de la Commission 166-2-4139 à 4142) ; Derbyshire (dossier de la Commission 167-2-5) ; Re Steel Co. of Canada Ltd., Hilton-Works and United Steelworkers, Local 1005 (1980), 27 L.A.C. (2d) 252.

La plaidoirie du procureur de l’employeur se résume comme suit. Le grief de M. Marleau devrait être rejeté car, en vertu de l’article NU-2.02, il n’a pas droit au remboursement. La décision Dufour et Lapierre est erronée. Le tout a été mal compris et mal appliqué. La Directive sur les voyages doit s’appliquer car elle fait partie de la convention collective au même titre que la clause NU-2.02. Même si le fonctionnaire s’estimant lésé avait inscrit son nom sur une liste de disponibilité, il avait le droit de refuser de faire ce quart de travail en heures supplémentaires. La clause NU-2.02 ne parle pas d’aller et retour mais plutôt de se présenter au travail. La clause NU-2.02 ne couvre pas les situations de rappel au travail contigu aux heures normales de travail. La clause NU-2.02 est bien sûr une clause spécifique au groupe des sciences infirmières, mais la Directive sur les voyages fait aussi partie de la même convention collective et s’applique au même groupe, donc une disposition n’a pas préséance sur l’autre.

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Décision Page 5 Le procureur de l’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Re Government of Province of British Columbia and British Columbia Government Employees’ Union (Podger) (1990), 14 L.A.C. (4th) 308 ; Windley (dossier de la Commission 166-2-22140) ; Francoeur (dossier de la Commission 166-2-25922) ; Bodkin et autres (dossiers de la Commission 166-2-18108 et al.).

Décision Une lecture attentive de la décision Dufour et Lapierre, mentionnée ci-dessus, me permet de constater qu’elle traite du remboursement de frais de transport lors d’une période de rappel au travail contigüe aux heures normales de travail, ce qui est aussi le cas de M. Marleau.

La clause NU-2.02 ne fait aucune mention de période de rappel au travail contigüe aux heures normales de travail. Cependant, elle ne l’exclut pas non plus.

Tel que mentionné dans la clause NU-2.02, l’employé Marleau a été tenu de se présenter au travail, et ce, selon les conditions décrites à la cause 10.01. Il a donc droit de toucher un remboursement des dépenses raisonnables engagées pour se présenter au travail.

L’alinéa a) de la clause NU-2.02 consent une « indemnité de millage » au taux normalement payé à l’employé si l’employeur l’autorise à utiliser sa voiture, ce qui a été le cas de M. Marleau.

Je suis du même avis que celui exprimé par l’arbitre M e Marguerite-Marie Galipeau dans la décision sur l’affaire Dufour et Lapierre (supra) il est spécifié que la clause NU-2.02 est spécifique et est précisément applicable au groupe des sciences infirmières et que celle-ci a priorité sur une clause d’application générale énoncée dans la Directive sur les voyages qui est incorporée à la convention collective. Le procureur de l’employeur ne m’a pas convaincu que cette interprétation était manifestement erronée.

Pour ces motifs, le grief de M. Marleau est accordé. L’employeur doit rembourser, en conformité de la clause NU-2.02, les frais de kilométrage pour le retour à la maison.

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Décision Page 6 J’aimerais ajouter que, étant donné que l’agent négociateur et l’employeur (l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor) sont présentement à négocier la convention cadre, je leur suggère fortement de discuter les situations de rappel au travail, du paiement des dépenses lors des périodes de rappel au travail contigües ou non contigües aux heures normales de travail, etc. Le présent grief n’est pas le premier à être renvoyé à la Commission et je crois qu’un éclaircissement du libellé de la convention collective s’impose afin d’améliorer les relations patronales syndicales dans le milieu du travail.

Jean Charles Cloutier, commissaire

OTTAWA, le 16 mars 1998.

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