Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Demande de prolongation du délai pour déposer un grief aux termes de l'article 63 des Règlement et règles de procédure de la CRTFP - Taux de rémunération - Salaire initial - Preuve - Préclusion - Grief continu - le fonctionnaire s'estimant lésé, un psychologue, est devenu un employé embauché pour une période indéterminée après avoir travaillé pendant des périodes déterminées - même s'il a accepté d'être lié par le Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique en acceptant un poste pour une durée indéterminée, le fonctionnaire s'estimant lésé croyait qu'il pourrait négocier son salaire initial à la suite de sa nomination - le fonctionnaire s'estimant lésé avait eu cette impression à la suite des représentations du recruteur, même si ce n'était pas un de ses supérieurs - le fonctionnaire s'estimant lésé a maintenu que le principe de la préclusion empêchait l'employeur d'appliquer le Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique pour fixer son salaire initial - le fonctionnaire s'estimant lésé a attendu presqu'un an avant de déposer un grief contestant son taux de rémunération car il espérait que l'affaire serait réglée à l'amiable sans recourir à la procédure accusatoire - le fonctionnaire s'estimant lésé a maintenu qu'il s'agissait d'un grief continu et que par conséquent son grief n'était pas hors délai - la Commission a rejeté l'argument que le grief constituait un grief continu vu que la prétendue infraction ne s'est pas reproduite à chaque période de paye, mais qu'elle était une conséquence d'un événement particulier - la Commission a fait remarquer qu'il faut des motifs convaincants pour lever l'obligation de respecter les délais prévus par la convention collective et que, dans les circonstances, les agissements du fonctionnaire s'estimant lésé n'avaient pas démontré qu'il avait fait preuve de diligence - quoi qu'il en soit, après avoir entendu la preuve sur le fond, l'arbitre a conclu que le fonctionnaire n'aurait pas eu gain de cause - il n'y a pas eu de preuve selon laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé avait subi un préjudice réel ou actuel qui justifierait l'application de la préclusion Demande rejetée. Décision citée: Rattew (149-2-107).

Contenu de la décision

Dossiers: 166-2-27330 149-2-165

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE ROBIN J. WILSON fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)

employeur et défendeur Devant: P. Chodos, président suppléant Pour le fonctionnaire s'estimant lésé/demandeur: Daniel Rafferty, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Peter Hajecek, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario), le 18 février 1997.

Decision Page 1 DÉCISION M. Wilson (anciennement Watson) a déposé un grief dans lequel il fait valoir qu’il aurait être autorisé à négocier son salaire initial lorsqu’il a obtenu un poste de durée indéterminée au Service correctionnel en 1994. En vertu du paragraphe 63 b) des Règlement et règles de procédures de la C.R.T.F.P. (1993), il a aussi demandé que soit prorogé le délai de présentation de son grief.

Les faits pertinents quant à la demande de prolongation du délai et au grief sur le fond sont étroitement reliés; par conséquent, ils ont tous été regroupés sous forme de résumé.

Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits partiel reproduit ci-dessous : [traduction] 1. Le fonctionnaire s'estimant lésé fait partie du groupe Psychologie (PS). Il est visé par les dispositions de la convention cadre de l’IPFPC dont la date d’expiration originale était le 30 septembre 1990.

2. Avant la date prévue de reprise des négociations en vue de conclure une nouvelle convention cadre en 1990, le groupe Psychologie a refusé, à la suite d’un scrutin, de participer à une autre ronde de négociation d’une convention cadre.

3. Par conséquent, le Conseil du Trésor et l’IPFPC ont signé un protocole d’entente en juillet 1990 prévoyant la modification des taux de rémunération. Ce document constitue l’annexe I.

4. La date d’expiration de la convention collective du groupe Psychologie (qui était identique, sauf pour ce qui est des taux de rémunération, à la convention cadre de l’IPFPC arrivant à échéance le 30 septembre 1990) a été reportée, en vertu de la Loi sur la rémunération du secteur public, du 1 er mai 1991 au 1 er mai 1993. Les nouveaux taux de rémunération établis aux termes de cette loi sont entrés en vigueur le 2 mai 1992. La copie de ces taux de rémunération constitue l’annexe 2.

5. Le fonctionnaire s'estimant lésé a d’abord travaillé pour le Service correctionnel du sous-traitant, dans le communautaire de traitement de délinquants sexuels pour lequel ses services ont été retenus au mois d’août 1991.

6. Le 19 octobre 1992, le SCC a offert au fonctionnaire s'estimant lésé un poste à temps partiel pour une période

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Canada (SCC) comme cadre d’un programme

Decision Page 2 déterminée comme psychologue au Bureau de district central de l’Ontario à Toronto. Il s’agissait d’un poste de niveau PS-03; le salaire au moment de la nomination était de 47 512 $ (le premier échelon du niveau PS-03). La nomination visait la période du 26 octobre 1992 au 31 mars 1993. Le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté le poste en signant et en datant la page 2 de l’offre le 2 novembre 1992. Ce document constitue l’annexe 3.

7. L’emploi à temps partiel pour une période déterminée du fonctionnaire s'estimant lésé a par la suite été prolongé jusqu’en mai 1993, date à laquelle celui-ci a accepté d’occuper le même poste à temps plein pour une période déterminée jusqu’en décembre 1993. Par la suite, sa nomination a été prolongée jusqu’au 31 mars 1994, puis jusqu’au 31 mars 1995.

8. Au cours de la dernière prolongation mentionnée au paragraphe 8, le fonctionnaire s'estimant lésé a réussi un concours visant à combler un poste de psychologue d’une durée indéterminée au niveau PS-03 au Bureau de district central de l’Ontario à Toronto. Il a reçu une offre datée du 18 octobre 1994, et il a accepté la nomination en signant la page 2 de cette offre le 7 novembre 1994. Cette offre constitue l’annexe 4.

9. Le 16 janvier 1995, le fonctionnaire s'estimant lésé a écrit au Conseil du Trésor du Canada. La lettre constitue l’annexe 5.

10. Le 6 février 1995, T.A. Smith, chef, Administration de la paye, Conseil du Trésor du Canada, a accusé réception de la lettre du fonctionnaire datée du 16 janvier 1995. L’accusé de réception constitue l’annexe 6.

11. Les parties se réservent le droit de présenter d’autre preuve le cas échéant.

M. Wilson a témoigné en son propre nom; M comparaître au nom de l’employeur.

M. Wilson a déclaré qu’il avait été activement sollicité par M me Lynn Stewart et le psychologue régional, M. Bob Cannon, avant d’accepter une nomination d’une durée déterminée en 1992. Il était candidat au doctorat à l’Institut d'études pédagogiques de l'Ontario (Université de Toronto) lors de sa nomination en octobre 1992; il a obtenu son doctorat en janvier 1996. Il a affirmé qu’au moment de sa nomination d’une durée déterminée le salaire qu’il escomptait recevoir était fondé sur l’échelle des salaires offerts par d’autres organisations telles que l’Institut psychiatrique Clarke; d’après lui, un employé moins qualifié que lui pouvait recevoir entre 52 000 $ et 54 000 $ par

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me Lynn Stewart a été citée à

Decision Page 3 année à l’Institut. Il a toutefois accepté de commencer à un salaire de 47 512 $ par année, soit le premier échelon du niveau PS-03. D’après ses souvenirs, avant d’accepter le poste à temps partiel d’une durée déterminée, M. Wilson a eu des entretiens avec le personnel du Service correctionnel à trois occasions; la question du salaire a été soulevée au cours d’un de ces entretiens. Selon M. Wilson, M me Stewart lui avait dit qu’il pourrait négocier son salaire lorsqu’on lui offrirait un poste de durée indéterminée. Il avait cru comprendre qu’on lui offrirait un tel poste « à la première occasion », fort probablement au printemps de 1993. En fait, le concours a eu lieu en 1994, et il s’est classé premier.

Il a reçu une offre écrite d’emploi pour une période indéterminée datée du 18 octobre 1994 (annexe 4 de l’Énoncé conjoint des faits) et précisant que : « [...] Votre salaire sera déterminé conformément aux Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique. » Il a accepté l’offre d’emploi le 7 novembre 1994; dans les 14 jours suivants, il a mentionné la question de son salaire à M me Stewart. Celle-ci l’a renvoyé à la directrice, Services de gestion, M me Marg Harlang, qui lui a dit qu’il ne pouvait pas négocier son salaire parce qu’il aurait le faire lorsqu’on lui a offert un poste pour une durée déterminée en 1992. M. Wilson a de nouveau rencontré M me Harlang au cours de la semaine suivante; elle lui a suggéré d’écrire au Conseil du Trésor, ce qu’il a fait le 16 janvier 1995. Il a déclaré qu’il avait attendu jusque pour envoyer sa lettre parce qu’il avait eu de la difficulté à déterminer à qui l’adresser; il y avait aussi eu la période des Fêtes. Il a reçu une réponse provisoire datée du 6 février 1995 laissant entendre que le Conseil du Trésor devrait faire des recherches sur la question. Il n’a reçu aucune autre communication jusqu’à ce qu’il téléphone à un certain M. Reg Giekes qui était désigné comme la personne-ressource au Conseil du Trésor dans la lettre du 6 février. Le 1 er mai 1995, il a reçu par télécopieur une copie d’une lettre de M. Smith, datée du 17 février 1995. Aucune explication n’était donnée quant à la raison pour laquelle la lettre ne lui avait pas été envoyée plus tôt. Cette lettre (pièce G-2) l’informait que son taux de rémunération était le bon et qu’il était conforme au Règlement. La lettre précisait également que : « [...] nous nous assurerons que les personnes responsables de cette disposition particulière du RCEFP soient informées de votre situation, et il est possible que des mesures correctives puissent être prises après l’expiration de la Loi sur les restrictions salariales du secteur public. »

M. Wilson a discuté de cette question avec M lui, celle-ci a indiqué qu’elle mentionnerait la chose au directeur régional d’alors,

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me Stewart au début de mai; selon

Decision Page 4 M. Peter White. Comme il était toujours sans nouvelle, il a rencontré M. White entre la mi-juin et le début de juillet. Celui-ci a affirmé qu’il s’occuperait de l’affaire, puis M. Wilson et M. White sont tous les deux partis en vacances. M. Wilson a de nouveau communiqué avec M. White à la fin d’août ou au début de septembre; celui-ci lui a dit qu’il croyait qu’il n’y avait rien à faire.

À la fin de septembre, M. Wilson, qui assistait à une conférence dans son domaine professionnel, a rencontré par hasard M. Karl Furr, un psychologue, qui était aussi un délégué syndical de l’IPFPC. Il lui a expliqué sa situation. M. Furr lui a demandé de lui télécopier les documents pertinents. M. Wilson les lui a télécopiés le 18 octobre 1995. Moins de deux semaines plus tard, M. Furr lui a conseillé de communiquer avec M. Rafferty à l’IPFPC, ce qu’il a fait au cours de la première semaine de novembre 1995. Il lui a télécopié les documents pertinents le 15 novembre 1995. Le 20 décembre 1995, M. Rafferty a écrit à M. Wilson (pièce G-5) et lui a envoyé une formule de présentation de grief. M. Wilson a présenté son grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 2 janvier 1996 seulement. Il a fait remarquer qu’il estimait que la direction le traitait de façon amicale et cherchait à régler son problème dans la cordialité et que M me Stewart et M. White voulaient qu’il obtienne satisfaction; il percevait la procédure de règlement des griefs comme un processus accusatoire et il croyait qu’il serait plus facile de régler le problème par la discussion.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Wilson a reconnu que M me Stewart n’avait jamais dit qu’elle était son superviseur même s’il considérait qu’elle l’était. Il a convenu qu’elle ne signait pas ses demandes de congé et qu’elle avait le même niveau de classification que lui. Il a affirmé que M me Stewart avait gardé contact avec lui pendant son congé de maternité de cinq mois et qu’en réalité elle le supervisait de chez elle. Il savait que le directeur régional adjoint, M. John Currie, était le superviseur de M me Stewart. Il a convenu qu’il touchait un salaire d’environ 47 000 $ avant sa nomination au Service correctionnel. Il a aussi reconnu qu’en 1992 il détenait une maîtrise seulement. Il ne se souvenait pas des termes exacts employés par M me Stewart lorsqu’elle lui a dit qu’il pourrait négocier son salaire au moment de sa nomination pour une période déterminée; il se rappelait qu’elle « était d’avis » qu’il aurait l’occasion de négocier son salaire lorsqu’il serait nommé pour une période indéterminée. Il n’a pas cherché à confirmer cette déclaration auprès de qui que ce soit; il l’a acceptée sans se poser de questions. Il a supposé également que l’offre (annexe 4, Énoncé conjoint des faits) s’accompagnait d’un processus de négociation du salaire.

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Decision Page 5 M. Wilson a aussi reconnu qu’il connaissait la convention collective et qu’il savait qu’elle prévoyait une procédure de règlement des griefs. Il a convenu également que la signification de la lettre du 17 février était claire et qu’il n’avait pas déposé de grief après l’avoir reçue.

En novembre 1995, M. Furr ou M. Rafferty lui a mentionné la question du délai. M. Rafferty l’a invité à demander à M. White si la direction soulèverait cette question s’il déposait un grief. M. Wilson en a discuté avec M. White et M me Stewart à ce moment-là; ils lui ont dit qu’ils ne s’opposeraient pas au grief à cause du délai; on ne lui a rien remis par écrit à ce sujet. Il a reconnu que la question a été soulevée dans la réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs; il n’était au courant d’aucune démarche qui aurait été faite à ce moment-là pour demander la prolongation du délai.

M me Lynn Stewart a témoigné au nom de l’employeur. Elle a commencé son congé de maternité en octobre 1992; des dispositions ont été prises pour embaucher deux personnes à contrat pour faire son travail à un coût total ne dépassant pas son salaire de l’époque, lequel était inférieur au maximum prévu pour son niveau de classification. Les services de M. Wilson ont été retenus pour environ le tiers du salaire de M me Stewart, et ceux de M me Ursula Stych, pour les deux tiers environ; il était entendu que M me Stych assumerait diverses responsabilités administratives. M me Stewart a affirmé qu’elle savait que ce n’était pas son rôle de négocier les salaires; elle estime avoir clairement expliqué à M. Wilson qu’elle ne pouvait pas déterminer son salaire et que cette décision revenait à la section de la paie et de la rémunération ou à un gestionnaire. Elle a déclaré qu’elle n’était pas superviseure en octobre 1992 et qu’elle ne supervisait pas M. Wilson bien que celui-ci lui ait téléphoné à la maison à quelques occasions. Elle a reconnu lui avoir dit de ne pas se donner la peine de négocier son salaire lorsqu’il a été nommé pour une période déterminée, mais d’attendre plutôt d’être nommé pour une période indéterminée. D’après elle, comme le budget salarial était limité, elle ne pouvait pas offrir plus que ce qu’il y avait dans la tirelire à ce moment-là. De plus, elle savait que le fonctionnaire s'estimant lésé était sur le point de recevoir son doctorat; elle estimait qu’il aurait de meilleurs atouts dans son jeu pour négocier son salaire une fois son diplôme en poche. Elle a maintenu qu’elle n’avait rien promis, mais qu’elle avait « mal interprété » la situation. Elle a reconnu qu’elle avait rédigé des appréciations du rendement de M. Wilson; à ce moment-là, les

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Decision Page 6 psychologues en chef (PS-04) étaient rares au Service correctionnel, de telle sorte qu’il arrivait souvent aux autres psychologues de demander l’avis des PS-03 principaux. M me Stewart a pris la peine de mentionner que M. Wilson était un très bon employé, qu’il est hautement qualifié et qu’elle regrette qu’il ait fait les frais des restrictions salariales.

Argumentation Au nom du fonctionnaire s'estimant lésé, M. Rafferty a fait valoir que M. Wilson s’était en tout temps montré coopératif et conciliant et qu’il avait patiemment essayé de trouver un terrain d’entente avec la direction; certaines personnes lui avaient donné à entendre qu’elles tenteraient d’obtenir des précisions et qu’elles feraient des démarches en son nom; il les a crues sur parole et a patiemment attendu que l’affaire se règle cordialement. M. Rafferty a soutenu que M. Wilson ne s’était pas contenté d’attendre mais qu’il avait cherché à trouver une solution à l’amiable; il considérait la procédure de règlement des griefs comme un processus accusatoire à n’utiliser qu’en dernier recours. M. Rafferty a fait remarquer que M. Wilson n’était pas au courant des subtilités de la procédure de règlement des griefs ou de la possibilité d’obtenir une prolongation de délai; les retards attribuables à l’agent négociateur ne devraient pas lui être imputés. M. Rafferty a soutenu que la prolongation était justifiée en l’occurrence vu la notion d’équité qui sous-tend l’article 63 du Règlement. À l’appui de son argument, il a cité les décisions de la Commission rendues dans les affaires Lusted (dossier de la Commission : 166-2-21370), Butra (dossier de la Commission : 166-2-22221 et Sittig (dossier de la Commission : 166-2-24117) ainsi que la décision de la Cour fédérale rendue dans l’affaire Canada (Office national du film) c. Coallier (C.A.F.) [1983] F.C.J. 813.

Subsidiairement, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que cette question constitue un grief continu, étant donné que pour chaque période de paie, M. Wilson a reçu moins que ce qu’il aurait reçu s’il avait eu l’occasion de négocier son salaire au moment de sa nomination. À l’appui de son argument, M. Rafferty a fait référence à la décision Moyes (dossier de la Commission : 166-2-24629).

En ce qui concerne la compétence de la Commission pour se prononcer sur le grief quant au fond, M. Rafferty a fait valoir que les principes énoncés dans la décision Molbak (dossier de la Commission : 166-2-26472) concernant la préclusion s’appliquent en l’espèce. M me Stewart a clairement indiqué à M. Wilson que celui-ci aurait l’occasion Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 de négocier un salaire de base au moment de sa nomination pour une période indéterminée. Étant donné que ces déclarations ont été faites dans le cadre d’une entrevue, il est logique que M. Wilson ait cru qu’elles provenaient d’une personne en autorité, et il s’y est fié de toute évidence. M. Rafferty a fait valoir que l’employeur ne devrait pas être autorisé à fermer les yeux sur l’erreur commise par une de ses fonctionnaires. Il a fait remarquer que la décision Molbak (précitée) a été confirmée par la Cour fédérale (Procureur général du Canada c. Molbak, dossier de la Cour T-2287-95). Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a aussi soutenu que la décision de la Commission dans l’affaire Mark et autres (dossiers de la Commission : 166-2-21451 à 21455) n’est pas applicable en l’occurrence puisque cette affaire concernait une situation survenue au moment de l’embauche, et qui plus est les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient subi aucun préjudice par suite des déclarations faites.

L’avocat de l’employeur a répondu que le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait pas satisfait aux critères communément acceptés pour que la Commission exerce son pouvoir discrétionnaire de proroger les délais prévus à l’article 63 du Règlement. À cet égard, il a invoqué la décision de la Commission dans l’affaire Rattew (dossier de la Commission : 149-2-107), laquelle a été suivie de l’affaire Stubbe (dossier de la Commission : 149-2-114). L’avocat a fait remarquer que dans la décision rendue dans l’affaire Stubbe (dossier de la Cour : A-130-93), la Cour fédérale a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait pas pensé à déposer un grief dans les délais prescrits et qu’il s’agissait d’un motif suffisant pour rejeter la demande de prolongation du délai. M e Hajecek a fait remarquer qu’en date du 1 er mai 1995, le fonctionnaire s'estimant lésé avait reçu la pièce G-2 l’informant de la position de l’employeur; malgré cela le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait pas cherché à se renseigner au sujet de la procédure de règlement des griefs à ce moment-là et ne l’avait fait que plusieurs mois plus tard. Même après que l’employeur eut indiqué dans sa réponse au grief au premier palier que le grief était hors délai, le fonctionnaire s'estimant lésé n’a pas fait de démarches pour demander que le délai soit prorogé.

Pour ce qui est du fond du grief, M e Hajecek a soutenu que la Commission n’a pas compétence pour régler une plainte de cette nature aux termes de l’article 92 de la Loi; ce qui est en cause c’est le salaire de M. Wilson au moment de sa nomination, et c’est une question visée par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, comme l’a fait remarquer la Commission dans les affaires Mark et autres (précitée) et Guillemette (dossier de la Commission : 166-2-23827).

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Decision Page 8 L’avocat de l’employeur a aussi maintenu que les principes régissant la préclusion promissoire ne s’appliquent pas en l’espèce. Pour étayer son argument, il a fait référence à l’ouvrage de G.H.L. Fridman The Law of Contract in Canada, troisième édition, Carswell, 1994. Il a soutenu qu’il n’y avait aucun lien légal étant donné que M me Stewart n’était investie d’aucune autorité pour promettre quoi que ce soit en matière de salaire; il n’y a pas eu non plus de déclaration ou de promesse claire pas plus qu’il n’y avait d’intention de la part de M me Stewart d’être liée par ses propos. M e Hajecek a aussi fait valoir que M. Wilson n’avait pas subi de préjudice étant donné qu’il a été incapable de démontrer que s’il avait pu négocier son salaire au moment de sa nomination initiale il aurait nécessairement obtenu un meilleur salaire. Au mieux, il se berçait de l’illusion qu’il aurait peut-être obtenu un meilleur salaire à ce moment-là. M e Hajecek a aussi soutenu que la décision Molbak (précitée) est différente du cas présent du fait que le fonctionnaire s'estimant lésé dans l’espèce avait été induit en erreur par des paroles et par des actes et qu’il avait clairement subi un préjudice.

Motifs de décision À mon avis, il ne peut être fait droit au présent grief pour plusieurs raisons. Premièrement, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un cas la Commission peut exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai aux termes du Règlement. Comme elle l’a indiqué dans l’affaire Rattew (précitée) et dans d’autres affaires, il incombe au demandeur de fournir des raisons convaincantes pour justifier le retard et d’expliquer pourquoi il ne devrait pas assumer les conséquences de son défaut de respecter les délais prévus dans la convention collective pertinente. Il faut bien comprendre que la Commission ne décidera pas à la légère d’annuler des délais dûment négociés et qu’elle ne le fera en fait uniquement si l’application des délais « entraîne une injustice ». Un facteur important dont elle tient compte est l’importance du retard; elle détermine aussi si le fonctionnaire s'estimant lésé a en tout temps fait preuve de diligence.

Vu su l’angle le plus favorable pour le fonctionnaire s'estimant lésé, celui-ci a été informé de façon très définitive le 1 er mai 1995 que l’employeur rejetait ses prétentions salariales. M. Wilson a quand même jugé bon d’attendre jusqu’en janvier 1996 avant de déposer son grief. C’est une période excessivement longue pour déposer un grief officiel. L’explication du fonctionnaire s'estimant lésé selon laquelle il souhaitait régler l’affaire à l’amiable sans recourir à la procédure accusatoire est loin d’être convaincante compte tenu du fait qu’à tout le moins à l’automne de 1995, il envisageait

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Decision Page 9 sérieusement de recourir à la procédure de règlement des griefs et qu’il en avait discuté avec le délégué syndical. Il a néanmoins continué de tergiverser en reportant encore de plusieurs semaines sa décision de déposer un grief. La Commission n’a aucune raison d’exercer son pouvoir discrétionnaire dans les circonstances, car cela minerait considérablement l’intentionnalité des délais prescrits dans la convention collective. Par conséquent, la demande de prolongation des délais est rejetée.

Je tiens à faire remarquer également qu’il ne s’agit pas d’un grief continu à mon avis. Il n’existe aucune allégation voulant que l’employeur ait mal interprété les dispositions de la convention collective relatives à la rémunération de sorte qu’à chaque paie l’employeur manque à ses obligations. Il est incontesté que M. Wilson est rémunéré comme il se doit conformément au Règlement et à la convention collective; l’unique question en l’occurrence est de savoir si M. Wilson s’est vu refuser une occasion unique de négocier un meilleur salaire initial. En fait, à un moment donné M. Wilson a très clairement compris qu’il ne pourrait pas négocier le salaire obtenu lors de sa nomination initiale pour une période indéterminée.

M. Wilson n’a pas réussi à prouver la question préjudicielle concernant le dépôt de son grief en dehors des délais prescrits de telle sorte que l’affaire ne peut aller plus loin. Toutefois, comme cela pourrait rendre service aux parties, je précise également que le fonctionnaire s'estimant lésé ne pouvait pas obtenir gain de cause sur le fond du grief. Pour les motifs invoqués par M e Hajecek, je ne crois pas qu’il s’agisse en l’occurrence d’un cas il y a lieu d’appliquer le principe de la préclusion promissoire; je fais mienne notamment la position de l’avocat de l’employeur selon laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé n’a pas démontré qu’il avait subi un préjudice réel ou actuel à la suite des prétendues déclarations de M me Stewart. En fait, conclure que M. Wilson aurait réussi à négocier un meilleur salaire s’il avait su qu’il pouvait le faire au moment de sa nomination pour une période déterminée relève de la pure conjecture compte tenu du témoignage au sujet du budget limité qui était disponible pour payer son salaire à l’époque et du fait qu’il n’avait pas de doctorat. De plus, il n’a pas été démontré que le fonctionnaire s'estimant lésé aurait refusé la nomination pour une période indéterminée s’il avait su qu’il était hors de question de négocier un meilleur salaire. L’employeur aurait fort bien pu faire valoir à l’époque qu’en dépit de toutes les déclarations qu’il pouvait avoir faites, M. Wilson ne devrait pas être rémunéré à un taux supérieur à celui du premier échelon applicable au niveau PS-03. En d’autres termes, le

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Decision Page 10 fonctionnaire s'estimant lésé ne s’est pas déchargé de toute façon du fardeau de la preuve qui lui incombe concernant le fond de son grief.

Encore une fois, pour les motifs susmentionnés, la demande de prolongation du délai prévu pour déposer un grief est rejetée.

P. Chodos, président suppléant OTTAWA, le 24 avril 1997.

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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