Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (3 jours) - Propos offensants par un médecin à l'endroit d'un patient - Autorité de l'employeur sur un professionnel régi par une loi provinciale - Loi constitutionnelle de 1867 - Dossier de l'employé - Mesure disciplinaire réduite puisqu'elle était fondée en partie sur une mesure disciplinaire qui datait de plus de 25 mois antérieurs - le fonctionnaire s'estimant lésé, médecin, a examiné un patient en vue d'évaluer son degré d'invalidité aux fins d'une pension - à la suite de l'examen, le patient s'est plaint que le fonctionnaire a tenu des propos qui constituaient des reproches de nature personnelle qui ont eu l'effet de le faire sentir comme «un parasite de la société» - la surveillante du fonctionnaire lui a imposé au une suspension de 5 jours fondée en partie sur une mesure disciplinaire qui datait de plus de 25 mois - la suspension fut réduite à 3 jours une fois que l'employeur a pris connaissance de ce fait - il n'y eut aucune rencontre entre la surveillante et le fonctionnaire avant que la mesure disciplinaire soit imposée - la preuve à l'audience a révélé que le fonctionnaire n'avait pas engueulé ni injurié le patient mais qu'il avait plutôt tenu des propos qui auraient minimisé les prétentions du patient quand à son invalidité - le procureur du fonctionnaire a plaidé que l'employeur n'avait pas le pouvoir de punir le fonctionnaire puisque l'autorité exclusive de punir un médecin relève de l'Ordre des médecins du Québec, en vertu de lois provinciales qui régissent un domaine de compétence exclusive provinciale - l'arbitre a pris en délibéré l'objection du procureur du fonctionnaire pour en conclure en fin d'analyse que l'employeur avait le droit de discipliner un médecin pour un écart de conduite - l'employeur ne remettait pas en question sa compétence en tant que médecin ni son droit de pratiquer sa profession - quant à la procédure qui a mené à l'imposition de la mesure disciplinaire, l'arbitre a reconnu certaines lacunes mais elle a statué, l'affaire Tipple à l'appui, que la procédure du renvoi devant elle avait l'effet de corriger toute lacune lors de la procédure interne de griefs - sur le fond, l'arbitre a conclu à un écart de conduite de la part du fonctionnaire mais elle a substitué une réprimande écrite à la suspension. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27311 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE NICOLAE TANCIU fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Anciens combattants Canada)

employeur

Devant: Muriel Korngold Wexler, président suppléant Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Luc Quesnel, procureur, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Agnès Lévesque, procureure

Affaire entendue à Montréal (Québec), les 9 et 10 janvier 1997.

Decision Page 1 DÉCISION Le 18 janvier 1996, le docteur Nicolae Tanciu a présenté un grief contestant l'imposition d'une suspension de cinq jours par l'employeur en raison de ses propos et de son attitude lors de l'examen médical d'un client. La suspension a été réduite à trois jours au cours de la procédure interne au Ministère. Ce grief a été dûment renvoyé à l'arbitrage le 5 juin 1996 et entendu les 9 et 10 janvier 1997.

La preuve L'employeur a été représenté par M e Agnès Lévesque et le docteur Nicolae Tanciu par M e Luc Quesnel. L'employeur a fait entendre quatre témoins: M. Bernard Parker, M me Louise Cléroux, M e Claudette Richer et le docteur François Déziel. Le procureur du docteur Tanciu n'a pas appelé de témoin et les parties ont présenté 11 pièces justificatives.

Le docteur Tanciu est médecin principal de district pour le compte du ministère des Anciens combattants Canada. La preuve non contestée a démontré que le docteur Tanciu est un médecin d'expérience. L'employeur ne conteste pas sa compétence. Au contraire, le docteur Tanciu a une excellente réputation médicale.

Les clients du ministère des Anciens combattants sont des combattants de la première et deuxième grandes guerres, de la guerre de Corée et de celle du Golfe, ainsi que les membres des Forces régulières et de la Gendarmerie royale du Canada. Ce Ministère en est un de «reconnaissance» et les clients ont un statut particulier.

L'incident donnant cause à la mesure disciplinaire a eu lieu le 19 juillet 1995. M. Bernard Parker est un photographe professionnel âgé de 36 ans. Étant donné son service avec les Forces canadiennes entre août 1983 et octobre 1985, il avait droit de demander une pension du ministère des Anciens combattants. M. Parker souffrait de problèmes aux pieds. Il a commencé des démarches en 1990 afin d'obtenir une pension du ministère des Anciens combattants. Sa première demande a été refusée. Il en a fait appel deux fois sans succès. Finalement, le 7 juin 1995, sa demande a été accordée et il a été décidé que les affections suivantes lui ouvraient un droit de pension: «Pes Planus Right Foot, Pes Planus Left Foot» (pièce 3). Dans le but d'évaluer le degré d'invalidité de M. Parker et le pourcentage de la pension auquel il avait droit, le 6 juillet 1995, M. Parker a été convoqué à un examen médical du docteur Tanciu

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Decision Page 2 (pièce 4). Cet examen médical a eu lieu le 19 juillet 1995 à 9 h 30, au 4545, chemin Queen Mary, à Montréal.

M. Parker a témoigné qu'il s'est présenté au bureau et s'est assis dans la salle d'attente. Le docteur Tanciu est venu le chercher et lui a demandé: «Qu'est ce qu'un jeune homme, en pleine santé comme vous, vient faire ici?» M. Parker a trouvé cette question et le ton de la voix du docteur Tanciu offensant, dénotant un manque de respect et un reproche à l'égard de sa demande de pension. Même s’il reconnaissait qu’il était en bonne santé, il s’est offusqué de cette question, qu'il a perçue comme un reproche. Il s’est senti mal accueilli. Le docteur Tanciu lui a posé plusieurs questions personnelles auxquelles M. Parker a répondu. Il a trouvé les questions au sujet de son âge, du nombre de frères et soeurs, et s’il était marié, normales même s’il n’en voyait pas la pertinence. M. Parker lui a répondu qu’il était marié depuis trois ans et le docteur Tanciu lui a demandé s’il avait des enfants. Lorsque M. Parker lui a répondu que non, le docteur Tanciu qui était en train de prendre des notes, s’est redressé et en le regardant lui a dit: «Après trois ans de mariage, aucun enfant?...de trois à six enfants dans le cas de jumeaux». M. Parker a interprété ces commentaires comme un reproche. Il s’est demandé quel rapport cela avait avec l’examen médical. M. Parker n’en voyait aucun et il considérait que ce n’était pas l'affaire du médecin le nombre d’enfants. M. Parker lui a répondu qu’il ne voyait pas la pertinence de cette question. Selon M. Parker, cet échange a duré environ cinq à dix minutes.

Ensuite, le docteur Tanciu a passé à l’examen physique de M. Parker. Il a pris le pouls, la respiration, a fait un examen du thorax, l’a pesé et mesuré, etc. Le docteur lui a demandé de se déchausser et l’a fait marcher devant son bureau une vingtaine de secondes.

Le docteur Tanciu lui a aussi demandé la raison de la visite médicale. M. Parker lui a alors répondu que c’était à cause de «ses pieds plats». Le docteur Tanciu a tenté de lui expliquer qu’il n’avait pas des pieds plats mais un affaissement de l’arche. M. Parker a été surpris par cette explication vu que deux médecins lui avaient mentionné les pieds plats. M. Parker s’est senti offusqué par cette remarque du docteur Tanciu. Ensuite, le docteur Tanciu lui a dit que de toute façon, il n’aurait pas une grosse pension. Le docteur a sorti des documents pour lui expliquer que la marge du pourcentage pour une telle «invalidité» était de 0 à 10 %. M. Parker a interprété les

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Decision Page 3 remarques du docteur Tanciu comme un reproche du fait qu’il demandait une pension pour l’état de ses pieds.

Puis, M. Parker a remis ses chaussures et il s’est rassis. Entre temps, le docteur Tanciu écrivait et «monologuait» sur les bienfaisances des Forces canadiennes et que c’était une belle institution. Cette conversation a duré cinq à huit minutes. M. Parker s’est senti visé par cette conversation. Il a considéré les remarques comme signifiant qu’il était une sorte de profiteur du plan de pension. Le docteur Tanciu n’a rien dit à ce sujet mais M. Parker a eu cette impression vu le ton et le sens de l’ensemble du discours. Le docteur Tanciu lui a aussi conseillé de faire des exercices. M. Parker a aussi mal pris ce conseil. De plus, le docteur Tanciu lui a suggéré de ne plus porter les supports d’arches (orthèses plantaires) parce que dans son cas il était préférable de ne pas les porter.

M. Parker a ajouté qu’à quelques reprises, le docteur Tanciu lui a demandé s’il était furieux contre lui parce que M. Parker n’était pas d’accord avec le diagnostic au sujet des pieds plats. M. Parker était furieux et il l’était «à cause de la façon dont le docteur Tanciu l’a traité». M. Parker était «choqué» de l’attitude du docteur Tanciu. M. Parker a estimé que sa visite chez le docteur Tanciu a duré 50 minutes. Dix minutes pour prendre le pouls, etc., et 30 minutes de questions et pour la prise de notes.

Lors de son témoignage, M. Parker a essayé d’expliquer ce qui l’a fâché pendant l’examen médical par le docteur Tanciu. M. Parker s’est senti jugé par le docteur Tanciu. Il n’a pas haussé le ton mais M. Parker a perçu ce ton comme un ton de reproche. Le docteur ne l’a pas insulté directement. Aucun langage abusif n’a été utilisé. Le sentiment qu’il a eu était au ton, aux questions posées et aux commentaires. Lorsque le docteur Tanciu a mentionné «les trois à six enfants», M. Parker a vu ceci comme une insulte, «un ton de curé de 1950». M. Parker a considéré le comportement et l’attitude du docteur Tanciu comme étant péjoratif à son égard. Le docteur Tanciu n’a jamais utilisé le mot «parasite de la société». Mais, M. Parker a pris les remarques du docteur Tanciu dans ce sens-là. M. Parker a conclu sur la base des remarques du docteur Tanciu que ce dernier lui disait qu’il était un parasite et qu’il le pensait aussi. M. Parker a compris de l’échange qu’il a eu avec le docteur Tanciu, que ce dernier lui reprochait de ne pas avoir d’enfants. M. Parker a aussi ressenti que le docteur Tanciu n’était pas d’accord avec la réclamation de

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Decision Page 4 pension. Ainsi, il a eu peur que l'attitude du médecin puisse affecter le montant qu’il pourrait recevoir du régime de pension.

M. Parker a ajouté que le docteur Tanciu n’avait pas à s’ingérer dans sa vie personnelle. M. Parker a considéré tout leur échange, depuis le début de l’examen médical et du moment le médecin lui a adressé la parole, comme des reproches de la part du docteur Tanciu. M. Parker a reconnu que le docteur Tanciu ne l’a pas insulté.

M. Parker a admis qu’il a signé, lors de l’examen médical le 19 juillet 1995, la déclaration notée par le docteur Tanciu: À mon enrôlement personne ne m’a signalé avoir des pieds plats et c’est dans l’Armée que - je pense - à cause des entraînements sévères avec de surcharge et sans porter de souliers (ou bottes) adaptés (sans quelque appui plantaire que ce soit). Les souliers qu’on nous a forcé de porter pour les courses (entraînements dans le gymnase) n’avaient pas de supports plantaires comme ceux des souliers de sport en général.

À présent, j’ai mal aux pieds, aux chevilles et aux genoux, et je dois porter des souliers avec des orthèses plantaires.

Je n’ai pas d’autres problèmes de santé à part quelques allergies.

(pièce 5) Lorsque M. Parker a quitté le bureau du docteur Tanciu, il était furieux et il est allé consulter M e Claudette Richer, avocate au sein du Bureau des services juridiques des pensions, ministère des Anciens combattants, et la procureure qui s’occupait de son dossier au ministère des Anciens combattants. Il lui a relaté sa visite au docteur Tanciu décrite ci-haut. M. Parker lui a dit qu’il voulait porter plainte contre le docteur Tanciu. M. Parker se sentait anxieux, perturbé et insécure quant à l’évaluation de sa pension. Il s’est senti vexé.

M e Richer a témoigné que le Bureau des services juridiques des pensions offre des services gratuits aux anciens combattants, aux militaires et aux membres des Forces régulières et de la Gendarmerie royale du Canada. Lorsque M. Parker est venu la voir à son bureau le 19 juillet 1995, il avait l’air fort perturbé. Il lui a dit que le docteur Tanciu lui avait donné l’impression qu’il était un parasite de la société et que l’examen

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Decision Page 5 médical avait été très sommaire, environ cinq minutes. Ainsi, M. Parker se demandait si l’évaluation par le docteur Tanciu était adéquate et honnête.

M e Richer a recommandé à M. Parker de contacter M me Louise Cléroux, Directrice du district, ministère des Anciens combattants, et s’il n’était pas satisfait du montant de la pension, il avait droit d'en appeler de cette évaluation. La rencontre entre M. Parker et M e Richer a duré dix minutes. M e Richer a témoigné que l’évaluation faite par le docteur Tanciu dans le dossier Parker a été adéquate et elle n’a pas recommandé à M. Parker d’aller en appel.

Suite à cette rencontre, M. Parker est rentré chez lui et, quelques heures plus tard, il a écrit un brouillon de la lettre de plainte qu’il a adressée au directeur de District. Cette lettre a été finalisée et envoyée à M me Cléroux le 6 septembre 1995. M. Parker a déclaré qu’il a reçu une réponse concernant sa demande de pension environ une semaine à dix jours plus tard. La plainte de M. Parker datée du 6 septembre 1995 se lit comme suit: Je tiens à vous faire part d’un incident survenue (sic) lors de mon examen médicale (sic) au centre des vétérans, au mois de juillet dernier. A ce moment, je devais me faire examiner par le Dr. Tancaeu (sic) pour des traumatisme (sic) au (sic) pieds survenues (sic) lors de mon service militaire.

Lors de notre rencontre, il est devenue (sic) tout à fait apparent, par les commentaires du Dr. Tancaeu (sic), qu’il n’était pas du tout d’accord avec le fait que je réclamais des dommages au Ministère de la Défense Nationale. Des phrases tels que «qu’est (sic) qu’un jeune homme, en pleine santé comme vous faîtes ici» dit sur un ton de reproche à peine masqué. De plus, le Dr. Tancaeu (sic) à (sic) précédé mon «examen» médicale (sic) par des questions qui se rapprochait (sic) beaucoup plus d’une inquisition suivit (sic) de remontrances et de sermons.

Après plusieurs questions sur ma vie personnelle et familiale le Dr. Tancaeu (sic) m’a reproché, sans chercher à se cacher, de ne pas avoir au moins de 3 à 6 enfants après 3 ans de mariage, entre autres. De plus, il s’est permis de me commander de faire de l’exercice régulièrement sans jamais s’informer si j’en faisais déjà en prétendant que cela résoudrais (sic) mes problèmes. Tout au long de l’entrevue il m’a accusé d’être «furieux» contre lui parce que je n’était (sic) pas d’accord avec son diagnostic, ce qui est faux. Par contre j’était (sic), et continue d’être outrancé par l’attitude de ce monsieur. Il a suivit (sic) le tout avec

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Decision Page 6 l’historique complet de SON service militaire, qui a durée (sic) plus d’un quart d’heure, et des commentaires sur les bienfaisances des Forces Armées.

L’examen «médicale» (sic) a duré environ 10 minutes, les 30 autres minutes se sont dérouler (sic) de la façon décrite si (sic) haut.

Je considère l’attitude et le comportement du Dr. Tancaeu (sic) comme étant péjoratif à mon égard et à mon dossier et je désire porter plainte contre cet individu et son manque total de professionnalisme.

(pièce 2) M. Parker a expliqué que la raison de sa plainte était l’attitude inacceptable du docteur Tanciu et la façon dont il l’a traité. M. Parker a ajouté qu’il a porté plainte parce qu’il ne voulait pas qu’une autre personne ait à subir «une telle agression verbale». Il a donné comme raison du délai écoulé entre le 19 juillet et le 6 septembre qu’il se connaît et qu'il a voulu attendre pour se calmer, et qu'il avait eu d’autres contraintes sur son temps.

M me Louise Cléroux a commencé son emploi au poste de Directrice de district au ministère des Anciens combattants le 17 juillet 1995. M me Cléroux a reçu la plainte de M. Parker le 12 septembre 1995 et a avisé le docteur Tanciu de celle-ci le 23 octobre 1995.

Le 23 octobre 1995, M me Cléroux a écrit au docteur Tanciu ce qui suit: La présente est pour vous informer que nous avons reçu une plainte d’un client que vous avez examiné en juillet dernier.

Afin de compléter le processus administratif, je vous transmets copie de la lettre qu’il m’adressait. Je vous invite à en prendre connaissance et à me transmettre vos commentaires écrits relativement à ces allégations pour le 30 octobre prochain. Par la suite, je vous rencontrerai avec le gestionnaire des Ressources humaines en vue de faire le point sur la situation et d’établir si des mesures administratives s’imposent. Votre représentante syndicale pourrait vous accompagner si vous le jugez approprié.

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Decision Page 7 Entre-temps, je vous demande de ne pas contacter le client et vous remercie de votre collaboration.

(pièce 6) Lorsque M me Cléroux a reçu la plainte, elle a consulté le gestionnaire des Ressources humaines, M. Marcel Gauthier. Puis, en octobre 1995, M. Gauthier et M me Cléroux ont rencontré M. Parker pour savoir s’il y avait lieu de poursuivre l’affaire. Toutefois, M me Cléroux a décidé de ne pas rencontrer le docteur Tanciu au sujet de la plainte. Les 23 et 24 octobre 1995, M me Cléroux a croisé «deux fois le docteur Tanciu dans le corridor» et lors de ces deux reprises, le docteur Tanciu lui a dit qu’elle devait le croire vu qu’il était médecin. De plus, à un certain moment entre le 12 septembre et le 23 octobre 1995, le docteur Tanciu lui a remis un document de 15 pages qu’il avait écrit le 15 mars 1994 et il donnait son opinion sur le système de pension, le rôle d'un médecin du Ministère, l’administration et la structure de prises de décisions en matière de santé et pension (pièce 8). Le docteur Tanciu est de l’avis que les médecins sont les seuls à avoir la compétence pour décider de tout problème de santé et, vu que l’activité du Ministère est centrée à 90 % sur la santé des anciens combattants (clients du Ministère), la structure du Ministère devrait refléter cette réalité. Le docteur Tanciu a ajouté dans ce document qu’il fallait éviter «l’existence de ce qui semble assez courant... : des directeurs de district sans école secondaire complétée; des directeurs généraux régionaux sans éducation universitaire...» (pièce 8). M me Cléroux a pris connaissance de ce document dans le courant du mois d’août 1995 et elle en a été très influencée.

Le docteur Tanciu lui a dit que ce document reflétait sa pensée. Elle ne lui a pas demandé les raisons qui l’ont amené à écrire ce document. De plus, M me Cléroux n’a jamais discuté avec le docteur Tanciu du contenu de ce document. Toutefois, M me Cléroux a bien analysé le texte de la pièce 8. De plus, les 27 juillet et 4 août 1995, elle avait rencontré le docteur Tanciu et ils avaient discuté du fait qu’un non-médecin ou non-professionnel était le surveillant d'un médecin. (M me Cléroux n’est membre d’aucune corporation professionnelle et aucune preuve n'a été présentée quant à ses qualifications, scolarité, études universitaires, etc.)

M me Cléroux a témoigné qu’elle est entrée en fonctions au ministère des Anciens combattants le 17 juillet 1995 (elle était auparavant aux Ressources humaines, dans un

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Decision Page 8 autre ministère et elle n’avait jamais surveillé de médecins ou autres professionnels de la santé). Comme surveillante du docteur Tanciu, elle s’occupe d’affaires administratives. Toutefois, sur toute question d’ordre médicale, elle doit se remettre aux docteurs François Déziel (en matière de pension) et Rolland Chiasson (côté traitement). M me Cléroux a rencontré le docteur Tanciu les 27 juillet et 4 août 1995 afin de faire sa connaissance étant donné qu’elle était devenue sa surveillante immédiate. Ils ont discuté de la philosophie et de la structure du Ministère et il lui a fait part de certaines opinions. M me Cléroux a déclaré que lors de ces deux rencontres, elle lui avait dit ce qu’elle attendait de lui comme médecin principal de district et la façon dont il devait agir avec les clients. Elle a eu ces discussions parce qu’elle avait eu des commentaires négatifs à ce sujet. M me Cléroux a toutefois ajouté qu’elle n’avait reçu aucune plainte précise sauf celle du 6 septembre 1995 de M. Parker. Le docteur Tanciu lui a répondu que «si les gens réagissaient ainsi c’est parce qu’il leur refusait des bénéfices». Ainsi, M me Cléroux a conclu que le docteur Tanciu ne voulait pas s’ajuster à ses directives quant au traitement des clients. Elle n’a perçu dans les réponses des 27 juillet et 4 août 1995 du docteur Tanciu aucun effort de vouloir changer son attitude envers les clients («pour les mettre à l’aise»). M me Cléroux s’attend à ce que le médecin traite le client de façon respectueuse.

Suite à la réception de la plainte de M. Parker le 12 septembre 1995 et après avoir consulté M. Gauthier, le 23 octobre 1995, M me Cléroux a demandé au docteur Tanciu ses commentaires au sujet de cette plainte. Le 23 et le 24 octobre 1995, M me Cléroux et le docteur Tanciu se sont croisés à deux reprises «dans le corridor» et, à ces moments-là, le docteur Tanciu lui a dit qu’elle devait préférer le croire lui à cause de son statut de médecin. Le docteur Tanciu a aussi ajouté «qu’elle (M me Cléroux) pouvait être sa fille (en terme d’âge). De plus, comme elle n’est pas médecin, elle ne devrait pas agir en autorité sur lui et qu’elle devait lui donner toute la crédibilité au lieu de M. Parker».

Le 24 octobre 1995, M me Cléroux a reçu les commentaires écrits du docteur Tanciu concernant les événements du 19 juillet 1995: Je suis profondément étonné de la lettre que ce jeune client a pu écrire un mois et demi plus tard, soit le 6 septembre 1995, suite à mon examen du 19 juillet 1995.

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Decision Page 9 Avant d’expliquer (ou de clarifier les points de sa plainte) je ne puis m’empêcher de croire qu’il a écrit cette lettre parce qu’il a été frustré de ce que l’Administration Centrale lui a communiqué 45 jours plus tard: un pourcentage d’invalidité de 5% (bien trop petit, selon lui, pour cette invalidité). Moi, j’ai suggéré ce pourcentage avec le maximum de générosité possible pour ce genre de troubles. En vérité, il n’avait pas de vrais pieds plats mais plutôt un affaissement modéré; j’ai accepté que cela pouvait lui produire des douleurs aux pieds et j’ai assimilé sa condition avec celle de vrais pieds plats, de premier degré.

Je crois que sa frustration vient, aussi, du fait de lui avoir dit que les pieds plats sont une condition innée que le service militaire peut, tout au plus, aggraver. Cette affirmation l’a indisposé fortement parce que ce jeune client aurait voulu que ce soit l’armée, le service militaire, qui fût la cause unique de sa condition.

Ceci pour expliquer le fond réel de sa plainte. Maintenant, je vais détailler chronologiquement, selon mon souvenir:

1- Quand je l’ai salué et invité dans mon bureau, je lui ai dit, à la blague, bien sûr: «Que vient faire ici un jeune homme si bien bâti et, apparemment, en excellente santé?!?», cette question n’a pas été «prise» par le client, apparemment, et je le regrette.

2- Invité devant moi et assis sur une chaise, il m’a dit que le service difficile (ses entraînements lourds avec des surcharges difficiles à porter, sans équipement adapté) lui aurait causé les troubles d’aujourd’hui: douleurs importantes dans les pieds ainsi que la nécessité de porter des souliers avec des supports adaptés.

C’est ici que je lui ai dit que les pieds plats ne sont plus considérés, aujourd’hui, par des spécialistes orthopédistes de la médecine sportive, comme nécessairement invalidants. De grands athlètes professionnels ou olympiques (haltérophiles, joueurs de baketball (sic) célèbres) parfaitement performants, ont des pieds plats. Ceci était pour le rassurer sur le manque de danger, si jamais cette condition se vérifiait chez lui.

De toute évidence, cette tentative très amicale (et très juste, professionnellement) n’a pas été acceptée par ce client et il est devenu agressif.

3- Si, par après, pour atténuer son agressivité, je lui ai dit que l’armée demeure une bonne école avec des effets plutôt positifs sur les jeunes et que, moi-même, j’ai été militaire pour de longues années (et j’en ai retiré non seulement de

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ce qui s’est passé

Decision Page 10 bons souvenirs mais aussi des profits psychologiques importants dans la vie, comme apprendre à vivre en collectivité, pratiquer l’entraide et la solidarité, apprendre à travailler en service commandé, etc.) il est évident, maintenant, qu’il a pris cela comme une remontrance. Je le regrette, ce jeune homme ne voulait rien entendre.

4- Quand je l’ai interrogé sur sa vie personnelle (famille, enfants) c’était, de toute évidence, pour me rendre compte de ses éventuelles difficultés dans la vie civile. Et, bien sûr, ses appréciations sur le nombre d’enfants, les «ordres» que je lui aurais donnés de faire des exercices, etc., sont de ses inventions. Il tente de convaincre qu’un docteur n’a pas le droit de s’intéresser (si profondément) à la vie d’un patient, ni à lui conseiller quoique ce soit. Ce qui, à n’en pas douter, ne peut être que l’opinion d’un client peiné et frustré.

Par ailleurs, la façon dont il juge ma compétence professionnelle et, en général, mon attitude (exactement à l’opposé de mes intentions) prouve son dépit et sa mauvaise foi.

Maintenant, je vais essayer de disséquer, si je puis dire, ce que ce monsieut (sic) décrit comme un «incident».

a- Si, à la fin de notre rencontre, il aurait été si irrité et indisposé de mon examen, il se serait plaint immédiatement. C’est évident que 45 jours plus tard, après avoir reçu la lettre du ministère qui ne lui accordait que 5% de pension (ce que, je l’ai déjà dit, était ma recommandation plus que généreuse) il s’est senti, tout à coup, frustré et, comme bien des gens fragiles psychologiquement, a cru que la cause de son insuccès c’était moi. Il a fait, simplement, le transfert de ses peines et dépits sur moi. De telles personnes perçoivent toujours leurs problèmes comme étant générés, assez souvent, par leurs médecins mêmes qui sont appelés à les solutionner, les alléger ou bien à leur expliquer les raisons (en fait, pour les rassurer, les soulager). Ils ont besoin d’un bouc émissaire.

b- Il faut reconnaître que le médecin, en général, étant en contact plus direct avec l’intimité d’un patient, peut être facilement perçu comme la cause de ses problèmes ou au moins, la boîte de résonance de ses problèmes, leur amplificateur. Donc, en quelque sorte, coupable.

Quelle chance, donc, que d’être fonctionnaire et n’avoir jamais à traiter sur le vif avec des problèmes douloureux des autres. Et combien de médecins ne donnent le meilleur d’eux-mêmes en ne récoltant que l’ingratitude et le dédain.

c- D’autre part, il faut bien croire que les vétérans appartiennent à une catégorie un peu spéciale par le fait que

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Decision Page 11 certains, par différence d’un patient habituel qui aime plutôt à être rassuré, à entendre son médecin lui donner la bonne nouvelle que son état n’est pas grave, n’est pas inquiétant ... et bien, certains vétérans sont mécontents d’entendre que leur état est bon et n’inspire aucun danger.

C’est un comportement paradoxal seulement en apparence, bien sûr. Nous savons tous de quoi il s’agit! Ils y voient le danger de ne pas avoir assez de pension, de ne pas la voir augmenter sinon diminuer. Comme cela, que peut-on y faire?

Je ne peux pas terminer ces lignes sans affirmer des choses que nos employés, qui me connaissent depuis plus de 15 ans, savent déjà: je suis un médecin trop affectueux, trop penché sur la compréhension plus profonde des maladies et souffrances de nos clients et, à cause de cela, trop insistant dans mon anamnèse (interrogatoire), l’historique du problème et mon examen. «Trop détaillé», disent certains, en pensant plutôt à leur fatigue à me lire.

Mais, en fin de compte, ils ont raison et je finis, moi, par ne pas avoir cette même raison: mes efforts sont pris de travers, sont mal interprétés et, pourquoi ne pas le dire, du moment mon nom a une consonance étrangère, me voilà le souffre-douleur idéal des insatisfaits. Je deviens la cause, je dois en subir leur vengeance. Je suis un étranger incompréhensif!.

Et tout ça pour avoir voulu les servir. Ceci m’amènera sûrement à faire vite, moi aussi, à l’avenir.

(pièce 7) En se fondant sur ses expériences avec le docteur Tanciu, les opinions exprimées par celui-ci dans la pièce 8 et les commentaires écrits au sujet de la plainte de M. Parker (pièce 7), M me Cléroux a décidé de ne pas rencontrer le docteur Tanciu pour discuter de la plainte. M me Cléroux n’a pas tenu de rencontre administrative ni disciplinaire. De plus, lors de son témoignage, M me Cléroux a déclaré qu’elle ne faisait pas de différence entre des mesures administratives ou disciplinaires. Pour elle, c’est la même chose. Elle a même ajouté que pour elle, un processus administratif et l’imposition d’une discipline c’est la même chose. M me Cléroux a déclaré qu’avant d’entrer en fonctions le 17 juillet 1995 au ministère des Anciens combattants, elle a travaillé au ministère des Travaux publics et services gouvernementaux dans la section des Ressources humaines. Elle était dans un «poste dans le programme de développement pour les cadres.

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Decision Page 12 Ainsi, M me Cléroux a consulté M. Gauthier et le docteur Déziel au sujet de l’approche que devait avoir le médecin quant à la sévérité de la sanction disciplinaire. À la demande de M me Cléroux, le docteur Déziel a communiqué par écrit au docteur Tanciu ce que le ministère attendait de lui. Cette lettre d’orientation est datée du 22 novembre 1995 et elle a été remise au docteur Tanciu en annexe à la lettre de discipline de M me Cléroux, laquelle est datée du 20 décembre 1995 (pièce 1). M me Cléroux a décidé que le docteur Tanciu méritait cinq jours de suspension. Elle a imposé les cinq jours de suspension «à cause qu’elle avait déjà discuté, les 27 juillet et 4 août 1995, avec le docteur Tanciu de son approche envers les clients du ministère des Anciens combattants et le docteur Tanciu n’avait pas changé cette approche». De plus, elle a tenu compte d’une mesure disciplinaire antérieure datant de plus de 25 mois et de deux rapports d’évaluation. Ces deux rapports d’évaluation de rendement couvraient les périodes du 30 novembre 1992 au 31 décembre 1993 (pièce 9) et du 1 er janvier 1994 au 31 décembre 1994 (pièce 10). Dans celui de 1992-1993 (pièce 9), M me Cléroux a retenu le commentaire suivant: Il faut également mentionner que nous avons reçu quelques plaintes de la part de clients en rapport avec des commentaires inappropriés faits par le Dr. Tanciu au cours de ses examens, dont deux se sont avérées particulièrement embarrassantes pour le Ministère.

... ....même si le Dr. Tanciu en est avisé, il ne s’est pas corrigé et continue dans le même sens.

M me Cléroux n’a donné aucune précision au sujet de ces plaintes et elle a retenu le commentaire que le docteur Tanciu ne se corrigeait pas.

Quant au rapport d’évaluation de rendement de 1994 (pièce 10), M me Cléroux a remarqué la phrase suivante: «À mon avis, le Dr. Tanciu devrait améliorer ses relations interpersonnelles.» Mais, elle n’en a pas tenu compte lors de l’imposition de la discipline.

M me Cléroux «a vu la plainte de M. Parker comme une confirmation du mépris que le docteur Tanciu exprimait envers certains clients». Selon M me Cléroux, le docteur Tanciu a des idées précises qu’il partage ouvertement. Pour lui, les personnes sans

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Decision Page 13 statut d’ancien combattant ne devraient pas recevoir d'avantages sociaux. Le docteur Tanciu lui avait dit qu’il avait fait les commentaires à la blague à M. Parker.

M me Cléroux a tenu compte du fait que le pourcentage de la pension n’était pas connu le 19 juillet 1995. M me Cléroux a aussi consulté M e Richer qui lui a relaté la visite de M. Parker, le fait qu’il avait l’air enragé et qu’il s’était plaint au sujet du docteur Tanciu. C’est le médecin principal du district qui recommande le pourcentage mais la décision quant au droit de pension est prise aujourd’hui par le ministère des Anciens combattants et, en 1995, par la Commission canadienne des pensions.

Donc, en décembre 1995, M me Cléroux a conclu que le docteur Tanciu ne voulait pas reconnaître qu’il y avait un problème. Dans le contexte du Ministère, la façon dont on traite un client est important. L’engagement du Ministère est de servir les clients avec respect et célérité. Selon M me Cléroux, le docteur Tanciu blâmait M. Parker et il lui a admis qu’il avait remarqué que ce dernier était mal à l’aise sauf que, selon elle, le médecin a continué ses commentaires. M me Cléroux a fait remarquer au docteur Tanciu que pour le client il faisait figure d’autorité, à quoi le médecin a répondu qu’il n’était pas l’autorité. Comme le docteur Tanciu blâmait M. Parker, elle ne pouvait faire autrement que de préférer la version de M. Parker.

Le 20 décembre 1995, M me Cléroux a écrit la lettre de mesure disciplinaire découlant du grief: La présente fait suite à la plainte que monsieur Bernard Parker nous a fait parvenir relativement au déroulement de son examen médical pour fins de pension.

Avec la collaboration du conseiller médical principal ainsi que du gestionnaire des ressources humaines, nous avons pris en considération tant votre argumentation que celle du client afin de faire le point sur cet incident. Vos commentaires écrits ainsi que les propos que vous avez tenus lors de notre rencontre à ce sujet démontrent que vous accordez peu d’importance à la démarche de monsieur Parker. Considérant votre expérience au ministère et votre connaissance de notre clientèle, je m’étonne de votre position et ne peut l’accepter.

Notre ministère s’est toujours fait un point d’honneur de veiller sur les anciens combattants et de leur procurer les services de qualité auxquels ils sont en droit de s’attendre. L’approche que vous avez eue avec monsieur Parker s’avère non seulement en opposition avec notre engagement face à

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Decision Page 14 la clientèle mais reste aussi inacceptable d’un point de vue professionnel.

Les propos et l’attitude que vous avez adoptés lors de la visite médicale de monsieur Parker se veulent offensants et humiliants à son égard et à sa fierté d’être ancien combattant. De plus, le but de l’examen, à savoir, un examen de pension pour pieds plats n’explique pas les interventions face à sa vie personnelle. Des situations similaires vous ont déjà été reprochées dans le passé et je me dois de considérer celle-ci comme une récidive à des mesures disciplinaires qui vous ont déjà été imposées.

Dans ce contexte, je me vois dans l’obligation de vous suspendre pour une période de 5 jours. Cette suspension s’effectuera les 15, 16, 22, 23 et 24 janvier 1996. Durant ces journées, il vous sera interdit de vous présenter au travail sans autorisation écrite de ma part. Vous comprendrez qu’en aucun cas, je ne pourrai tolérer qu’une telle situation se reproduise. Je m’attends que vous adopterez une approche empreinte de courtoisie et de respect à l’égard de notre clientèle à défaut de quoi des mesures disciplinaires plus sévères pouvant aller au congédiement seront entreprises. Je joins à la présente un document d’orientation préparé par le docteur Déziel et compte qu’il saura vous aider à mieux vous acquitter de vos responsabilités.

(pièce 1) Il est intéressant de noter que M me Cléroux a entendu au premier palier de la procédure de grief, le grief du docteur Tanciu contestant les cinq jours de suspension. M me Cléroux a témoigné qu’elle a réduire les cinq jours à trois jours de suspension parce qu’elle n’avait pas droit de tenir compte de la sanction disciplinaire datant de plus de 25 mois. En fait, le docteur Tanciu avait un dossier disciplinaire vierge. Elle a ajouté que le docteur Tanciu l’a «engueulée» lors de la présentation du grief et que s’il ne l’avait pas fait et avait reconnu sa mauvaise approche, elle aurait peut-être réduit la sanction disciplinaire encore davantage. M me Cléroux a reconnu que le docteur Tanciu a une excellente réputation médicale et elle n’a jamais mis cela en doute; ce qu’elle lui reproche c’est son attitude avec les clients. De plus, le 5 % de pension qu’il a recommandé dans le cas de M. Parker était approprié. M me Cléroux est d’avis qu’elle a droit d'intervenir lorsque le médecin sermonne sur le droit de pension de certains clients et qu'il trouve que le Ministère est trop généreux. Elle lui reproche la façon dont il a transigé avec M. Parker. Le reproche n’est pas au niveau médical mais porte sur son comportement. Donc, il n’y a pas lieu de porter plainte au «Collège» des médecins.

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Decision Page 15 M me Cléroux a accepté la version de M. Parker selon laquelle le docteur Tanciu avait utilisé un ton de reproche.

M me Cléroux a ajouté que le docteur Tanciu est apprécié et c’est la raison pour laquelle «elle lui a même offert de travailler à temps partiel afin de lui permettre de continuer à travailler au ministère».

M me Cléroux a reconnu que le docteur Tanciu est une personne qui parle fort et qu'il a parfois une personnalité difficile lorsqu’il discute de certains programmes. Toutefois, M me Cléroux et le docteur Tanciu peuvent discuter; il n’y a pas de conflit de personnalité entre eux.

Le docteur François Déziel a témoigné qu’il est conseiller médical principal au bureau central (Charlottetown), ministère des Anciens combattants, depuis octobre 1989 et qu'avant cela il était conseiller médical au même bureau à Charlottetown de 1984 à 1989. Le docteur Déziel connaît le docteur Tanciu depuis 1984.

Le docteur Déziel a expliqué que le rôle du médecin est d’évaluer le client et de déterminer s'il a droit à une pension. S’il décide que oui, cette recommandation va à un arbitre du Ministère. Une fois décidé que le client a droit à la pension, le médecin doit examiner le client pour déterminer le montant mensuel de la pension auquel le client aura droit et le médecin donne un chiffre. Le but de cet examen médical est d’évaluer l’affection qui donne droit à la pension. Le médecin note ses conclusions quant à la sévérité de l’invalidité et recommande au Ministère (bureau central) un montant. Le médecin explique au client en partant le but de l’examen mais il ne peut pas discuter du montant. L’examen médical dure environ de 45 à 60 minutes, à la suite de quoi le médecin prépare un rapport. Ce rapport est une recommandation. Le docteur Déziel revoit les recommandations des médecins de district. Il y a environ 30 districts et environ un médecin par district.

Le docteur Déziel a rédigé la pièce 1, annexée à la lettre de suspension, à la demande de M me Cléroux. Le document du docteur Déziel est daté du 22 novembre 1995 et il se lit comme suit: Étant donné que vous êtes un médecin d’expérience, et que vous êtes à l’emploi du Ministère des anciens combattants depuis de nombreuses années, je n’entends pas vous

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Decision Page 16 expliquer en grand détail la nature de vos fonctions au District de Montréal.

Cependant, vu certains malentendus qui se sont produits au cours des années et même récemment, j’ai cru nécessaire d’apporter quelques précisions quand au rôle que vous jouez au niveau des examens de pensions.

L’examen aux fins de pension n’a pour but que de déterminer le degré d’invalidité qui découle des affections ouvrant droit à pension.

Il va de soi que le montant de détails que l’on apporte à l’examen de pension dépend, en général, du nombre, de la nature, de la complexité, et de la sévérité des affections ouvrant droit à pension. En général, on doit fournir beaucoup plus de détails en ce qui concerne ces affections que l’on donnerait pour une affection qui, quoique sévère et incapacitante pour le client, n’ouvre pas droit à pension.

Il importe, avant de procéder à un examen de pension, de prendre connaissance du dossier du client, et de déterminer son statut quant aux pensions d’invalidité qu’il détient ou qu’il se serait vu refuser dans le passé; également pour mieux s’orienter, il faut relire les examens antérieurs, s’il y en a eu, et être au courant de la durée et du type de service militaire dont il est question.

Dans chaque cas, il faut entamer le rapport en décrivant les plaintes de l’ancien combattant, mais en mettant l’emphase sur l’invalidité actuelle qui existe, plutôt que sur l’historique de la maladie ou du traumatisme qui a mené à l’invalidité actuelle.

Ensuite, on doit donner une description générale de la personne: apparence, comportement, démarche, élocution, degré d’orientation, et autres observations du genre. Dans chaque cas, on doit noter le pouls, la tension artérielle et la fréquence respiratoire.

En ce qui a trait à l’affection ouvrant droit à pension, il faut donner autant de détail que possible, dans le but de nous permettre d’en arriver à une évaluation équitable. En plus de l’examen physique détaillé, il faut mentionner les traitements présentement en cours, la prise de médication(s), les hospitalisations récentes et les rapports de consultants, s’il y a lieu.

Pour ce qui a trait aux affections qui n’ouvrent pas droit à pension, il est bon de les mentionner, mais il n’est pas nécessaire de donner tous les détails, à moins que les informations recueillies se rapportent de façon indirecte à l’affection pensionnée ou aux prestations de traitements.

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Decision Page 17 Prenons, à titre d’exemple, un cas un client souffre de maladie cardiaque artérioscléreuse et de sclérose en plaques.

Si l’affection cardiaque ouvre droit à pension, il faudra alors faire un examen détaillé de l’appareil cardio-vasculaire, établir quelle est la tolérance à l’effort, et décrire en détail tout traitement en cours, ainsi que le pronostic. La date de révision obligatoire devrait également être fixée en se basant sur le rythme d’évolution de la maladie. Si on suppose que la sclérose en plaques n’ouvre pas droit à pension, il suffirait de donner les grandes lignes en ce qui concerne les principaux déficits neurologiques en question, sans devoir procéder à un examen neurologique détaillé.

Par contre, si l’affection de sclérose en plaques ouvre droit à pension, il faudra alors faire l’historique de la maladie, et pratiquer un examen neurologique des plus détaillés, y compris toutes les fonctions motrices, sensorielles, cérébelleuses, et visuelles; il faudrait également parler des traitements en cours des consultations neurologiques récentes, des hospitalisations, et du pronostic. En supposant que l’affection cardiaque n’ouvre pas droit à pension, un questionnaire et un examen sommaire concernant l’appareil cardio-vasculaire suffirait.

Votre examen doit être accompagné d’une recommandation quant à l’évaluation de l’invalidité qui découle de l’affection ouvrant droit à pension. Cette recommandation, que nous considérons très importante au bureau central, doit être basée sur la Table des invalidités, tout en prenant bien soin de faire la distinction entre les affections pensionnées et les affections non pensionnées.

Si, au cours du questionnaire ou de l’examen, vous prenez connaissance d’une affection qui n’ouvre pas droit à pension, et que vous croyez qu’il serait avantageux de faire une demande à cet effet, il faudrait prendre les démarches nécessaires, par l’entremise des agents de pensions du district.

Je tiens à vous signaler que vos rapports m’ont toujours paru très détaillés, soignés, et témoignant de connaissances médicales qui dépassent la moyenne; je vous en félicite.

Vu les situations fâcheuses que nous avons vécues récemment, je dois vous souligner certaines pratiques que vous devriez éviter, autant que possible.

D’abord, il faut bien réaliser qu’un examen de pension ne correspond pas du tout à un examen qu’un médecin ferait dans son cabinet de consultation privé; les techniques d’examen sont sûrement les mêmes, mais le contexte est entièrement différent: le seul but de l’examen est d’évaluer

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Decision Page 18 les invalidités qui découlent des affections qui ouvrent droit à pension.

Il n’y pas (sic) lieu, durant un examen de pension, de “rassurer” le client quant à la nature mineure de son affection pensionnée; un tel commentaire ne sera interprété que comme voulant dire que l’affection en question est banale, et ne mérite pas beaucoup d’attention. De tels propos créent un degré d’inconfort qui se comprend bien.

Également, il est important de ne pas faire de commentaire quant au bien-fondé de l’octroi de la pension d’invalidité; cette décision a déjà été prise par d’autres instances, et il n’appartient pas au médecin ou à quiconque de faire des jugements à cet effet.

Enfin, je dois vous prévenir que les clients sont susceptibles de mal interpréter tout commentaire informel ou “blague” de votre part; donc, mieux vaudrait éviter d’en faire, tout simplement.

J’espère que vous saurez recommandations afin de nous assurer que vos interventions auprès de notre clientèle rencontrent nos attentes et se déroulent de façon harmonieuse.

Je demeure disponible l’accomplissement de vos fonctions en tant que médecin principal de district, et vous prie d’agréer mes meilleurs sentiments.

Le docteur Déziel a expliqué qu’il a pris connaissance de la plainte écrite de M. Parker la veille du 22 novembre 1995 «sauf que M me Cléroux lui en avait parlé au téléphone avant de se rendre à Montréal». Il a discuté de la plainte avec M me Cléroux. Le rôle du docteur Déziel dans le dossier disciplinaire du docteur Tanciu était «d’étudier la plainte et de faire que ceci ne se reproduise pas». La mesure disciplinaire relevait de M me Cléroux. Le docteur Déziel n’a jamais rencontré M. Parker, il s’est fié au texte de la lettre de celui-ci, datée du 6 septembre 1995 (pièce 2). Il a déclaré qu’il croyait avoir discuté informellement avec le docteur Tanciu du cas de M. Parker.

Le docteur Déziel a conclu de sa lecture de la lettre de M. Parker du 6 septembre 1995, que ce dernier s’était senti blessé. L’incident est le résultat du fait que le docteur Tanciu n’a pas mis M. Parker à l’aise lors de l’examen médical. L’examen médical était correct, le problème était au niveau de la réaction que cet examen a

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tenir compte de ces

pour vous aider dans

Decision Page 19 provoquée chez le client. Le docteur Déziel n’a remarqué rien d’anormal dans le rapport et le dossier médical de M. Parker.

Le docteur Déziel a expliqué que tout patient est susceptible de mal interpréter une blague. Le patient consulte le médecin parce qu’il considère son problème sérieux. Le rôle du médecin en pratique privée est de réconforter le patient. Toutefois, le client qui vient consulter le médecin du ministère des Anciens combattants y est pour convaincre ce médecin de son invalidité. Ce client est donc encore plus susceptible; la dernière chose qu’il veut entendre c’est qu’il n’a rien, ou des blagues à ce sujet. Le Ministère s'attend que les clients soient toujours traités avec courtoisie et que leurs plaintes soient traitées avec sérieux. Le docteur Déziel a ajouté que le Ministère ne reçoit pas souvent des plaintes des clients. Le questionnaire fait partie intégrale de l’acte médical. Dans le cas de M. Parker, quelque chose a mis M. Parker mal à l’aise et le docteur Tanciu a reconnu que M. Parker s’est senti blessé. Il a été bouleversé par le questionnaire.

L’ordre des témoins a été le suivant: M. Parker, M M e Richer. Suite au témoignage du premier témoin, M. Parker, M docteur Tanciu, a présenté une requête demandant le rejet de la sanction disciplinaire en contestant le droit et la compétence de M disciplinaire au docteur Tanciu. M e Quesnel a plaidé que seule la corporation professionnelle, l’Ordre des médecins du Québec, a le droit et la compétence d’imposer une mesure disciplinaire au docteur Tanciu.

J’ai entendu les parties au sujet de la requête de M e Quesnel et j’ai décidé de la prendre en délibéré. J’ai permis la continuation de la présentation de la preuve et j’ai décidé de rendre ma décision quant à cette requête lors de ma décision sur le fond du grief.

La requête présentée par M e Quesnel M e Quesnel a souligné que le reproche adressé au docteur Tanciu concerne ses agissements lors d’un examen médical. Il n’y a aucune référence à des événements non liés à cet examen médical. Ainsi, le reproche touche à un geste que le docteur Tanciu posait en qualité de médecin. L’exercice de la profession médicale est une question de

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me Cléroux, le docteur Déziel et e Quesnel, procureur du me Cléroux d’imposer une sanction

Decision Page 20 compétence provinciale. Le paragraphe 92 (16) de la Loi constitutionnelle de 1867 a été cité: 92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories des sujets ci-dessous énumérés, savoir:

16. Généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province.

M e Quesnel a fait valoir que la convention collective applicable au groupe Médecine (Code 217/89) donne un deuxième élément d’interprétation. La clause 1.02 prévoit: 1.02 Les parties à la présente convention ont un désir commun d’améliorer la qualité de la fonction publique du Canada, d’appliquer des normes professionnelles et de favoriser le bien-être des employés et l’accroissement de leur efficacité afin que les Canadiens soient servis convenablement et efficacement. Par conséquent, elles sont décidées à établir, dans le cadre des lois existantes, des rapports pratiques et efficaces à tous les niveaux de la fonction publique auxquels appartiennent les fonctionnaires faisant partie de l’unité de négociation.

M e Quesnel a ajouté que la convention collective nous entraîne dans les lois québécoises concernant l’exercice de la médecine, c’est-à-dire le Code des professions, L.R.Q., c. C-26, ainsi qu’amendée en 1994. M Code des professions: 2. [Application du Code] dispositions inconciliables d’une loi particulière, le présent code s’applique à tous les ordres professionnels et à leurs membres.

3. [Constitution] [Nom] Est institué un organisme sous le nom de «Office des professions du Québec».

... 12. [Fonctions de l’Office] L’Office a pour fonction de veiller à ce que chaque ordre assure la protection du public. À cette fin, l’Office peut, notamment, en collaboration avec chaque ordre, vérifier le fonctionnement des divers mécanismes mis en place au sein de l’ordre en application du

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(pièce 11) e Quesnel a cité les articles suivants du Sous réserve des

Decision Page 21 présent code et, le cas échéant, de la loi le constituant en ordre professionnel.

... 12.2 [ ] L’Office peut, dans un règlement qu’il est habilité à prendre en vertu du présent code ou d’une loi constituant un ordre professionnel, rendre obligatoire une norme élaborée par un gouvernement ou par un organisme. Il peut prévoir que le renvoi qu’il fait à une telle norme comprend toute modification ultérieure qui y est apportée.

... 23. [Fonction] Chaque ordre a pour principale fonction d’assurer la protection du public.

[Contrôle de l’exercice] notamment contrôler l’exercice de la profession par ses membres.

... 26. [Droit exclusif d’exercice] Le droit exclusif d’exercer une profession ne peut être conféré aux membres d’un ordre que par une loi; un tel droit ne doit être conféré que dans les cas la nature des actes posés par ces personnes et la latitude dont elles disposent en raison de la nature de leur milieu de travail habituel sont telles qu’en vue de la protection du public, ces actes ne peuvent être posés par des personnes ne possédant pas la formation et la qualification requises pour être membres de cet ordre.

... 32. [Obligation de détenir un permis] Nul ne peut de quelque façon prétendre être avocat, notaire, médecin, dentiste, pharmacien, optométriste, médecin vétérinaire, agronome, architecte, ingénieur, arpenteur-géomètre, ingénieur forestier, chimiste, comptable agréé, technologue en radiologie, denturologiste, opticien d’ordonnances, chiropraticien, audioprothésiste, podiatre, infirmière ou infirmier, ni utiliser l’un de ces titres ou un titre pouvant laisser croire qu’il l’est, ni exercer une activité professionnelle réservée aux membres d’un ordre professionnel, prétendre avoir le droit de le faire ou agir de manière à donner lieu de croire qu’il est autorisé à le faire, s’il n’est détenteur d’un permis valide et approprié et s’il n’est inscrit au tableau de l’ordre habilité à délivrer ce permis, sauf si la loi le permet.

...

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À cette fin, il doit

Decision Page 22 59. [Acte dérogatoire] Tout professionnel qui contrevient aux articles 57 ou 58 commet un acte dérogatoire à la dignité de sa profession.

59.1 [ ] Constitue un acte dérogatoire à la dignité de sa profession le fait pour un professionnel, pendant la durée de la relation professionnelle qui s’établit avec la personne à qui il fournit des services, d’abuser de cette relation pour avoir avec elle des relations sexuelles, de poser des gestes abusifs à caractère sexuel ou de tenir des propos abusifs à caractère sexuel.

59.2 [ ] Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.

59.3 [ ] Tout professionnel doit, dans les dix jours à compter de celui il en est lui-même informé, informer le secrétaire de l’ordre dont il est membre qu’il fait ou a fait l’objet d’une décision judiciaire ou disciplinaire visée à l’article 55.1.

... 60.1 [Service conforme à la publicité] Un service ou un bien fourni par un professionnel doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire fait par lui à son sujet; cette déclaration ou ce message publicitaire lie ce professionnel.

60.2 [Fausse représentation] Un professionnel ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse, trompeuse ou incomplète à une personne qui recourt à ses services, notamment quant à son niveau de compétence ou quant à l’étendue ou à l’efficacité de ses services et de ceux généralement assurés par les membres de sa profession.

60.3 [Manoeuvres interdites] Un professionnel ne peut faussement, par quelque moyen que ce soit:

a) attribuer à un service ou à un bien un avantage particulier;

b) prétendre qu’un avantage pécuniaire résultera de l’utilisation ou de l’acquisition d’un service ou d’un bien;

c) prétendre qu’un service ou un bien répond à une norme déterminée;

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Decision Page 23 d) attribuer à un service ou à un bien certaines caractéristiques de rendement.

60.4 [ ] Le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession. Il ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne.

... 62. [Devoirs du Bureau] Le Bureau est chargé de l’administration générale des affaires de l’ordre et de veiller à l’application des dispositions du présent code, de la loi ou des lettres patentes constituant l’ordre et des règlements adoptés conformément au présent code ou à ladite loi. Il exerce tous les droits, pouvoirs et prérogatives de l’ordre, sauf ceux qui sont du ressort des membres de l’ordre réunis en assemblée générale.

... 87. [Code de déontologie] Le Bureau doit adopter, par règlement, un code de déontologie imposant au professionnel des devoirs d’ordre général et particulier envers le public, ses clients et sa profession, notamment celui de s’acquitter de ses obligations professionnelles avec intégrité.

Donc, personne ne peut autoriser l’exercice de la médecine: cela est réservé à l’Ordre des médecins du Québec. De plus, les médecins doivent détenir un permis. M e Quesnel a fait valoir que M. Parker n’a pas relevé le docteur Tanciu de son secret professionnel. Selon la preuve, M. Parker et M me Cléroux ont attaqué le professionnalisme du docteur Tanciu mais M me Cléroux n’a pas la compétence, l’expérience ni les qualifications pour évaluer le professionnalisme du docteur Tanciu et statuer ce point.

M e Quesnel a ajouté les articles suivants: 112. [Fonctions] Le comité surveille l’exercice de la profession par les membres de l’ordre et il procède notamment à la vérification de leurs dossiers, livres, registres, médicaments, poisons, produits, substances, appareils et équipements relatifs à cet exercice ainsi qu’à la vérification des biens qui leur sont confiés par leurs clients. À cette fin, le bureau peut nommer des inspecteurs pour assister le comité; le comité peut aussi agir de sa propre initiative en les choisissant parmi les inspecteurs dont le nom figure sur une liste que peut établir le Bureau.

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Decision Page 24 [Enquêtes sur conduite professionnelle] À la demande du Bureau, le comité ou un de ses membres fait enquête sur la compétence professionnelle de tout membre de l’ordre indiqué par le Bureau; le comité ou un de ses membres peut aussi agir de sa propre initiative, à cet égard. Le comité ou un de ses membres peut, avec l’autorisation du Bureau, s’adjoindre des experts aux fins d’une telle enquête. Le Bureau peut aussi nommer des enquêteurs pour assister le comité ou l’un de ses membres dans l’exercice de ses fonctions; le comité peut aussi agir de sa propre initiative en les choisissant parmi les enquêteurs dont le nom figure sur une liste que peut établir le Bureau. Les inspecteurs et les enquêteurs doivent être membres de l’ordre. [Rapport au Bureau] Le comité fait rapport au Bureau sur ses activités avec les recommandations qu’il juge appropriées. De plus, le comité informe le syndic lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire qu’un professionnel a commis une infraction visée au deuxième alinéa de l’article 116.

116. [Comité constitué] Un comité de discipline est constitué au sein de chacun des ordres. [Étude des plaintes] Le comité est saisi de toute plainte formulée contre un professionnel pour une infraction aux dispositions du présent code, de la loi constituant l’ordre dont il est membre ou des règlements adoptés conformément au présent code ou à ladite loi. Le comité est saisi également de toute plainte formulée contre une personne qui a été membre d’un ordre pour une infraction visée au deuxième alinéa, commise alors qu’elle était membre de l’ordre. Dans ce cas, une référence au professionnel ou au membre de l’ordre, dans les dispositions du présent code, de la loi constituant l’ordre dont elle était membre ou d’un règlement adopté conformément au présent code ou à ladite loi, est une référence à cette personne.

117. [Composition] Le comité est formé d’au moins trois membres, dont un président. Celui-ci est désigné par le gouvernement, après consultation du Barreau, parmi les avocats ayant au moins dix années de pratique; le gouvernement fixe la durée du mandat du président. Au moins deux autres membres doivent être désignés par le Bureau de l’ordre parmi les membres de l’ordre; le Bureau fixe la durée de leur mandat. [Choix du président] Dans le choix du président, le gouvernement peut considérer comme années de pratique les années au cours desquelles une personne a acquis une expérience juridique pertinente après l’obtention d’un permis d’exercice de la profession d’avocat, d’un diplôme d’admission au Barreau ou d’un certificat d’aptitude à exercer la profession d’avocat.

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Decision Page 25 En autant que faire se peut, la personne désignée par le gouvernement comme président d’un comité est également désignée comme président du comité de discipline d’autres ordres.

... 149. [Réponse aux questions] Le témoin ou le professionnel qui témoigne devant le comité est tenu de répondre à toutes les questions. Son témoignage est privilégié et ne peut être retenu contre lui devant une instance judiciaire ou quasi judiciaire. Il ne peut invoquer son obligation de respecter le secret professionnel pour refuser de répondre. [Secret du témoignage] Lorsqu’il y a ordonnance de huis clos au cours d’une séance conformément à l’article 142, toute personne au courant de ce témoignage est elle-même tenue au secret, sauf le droit du président de l’ordre dont est membre le professionnel et des membres du Tribunal des professions d’en être informés dans l’exécution de leurs fonctions.

... 152. [Décision de commission d’infraction] Le comité décide privativement à tout tribunal, en première instance, si l’intimé a commis une infraction visée à l’article 116. En l’absence d’une disposition du présent code, de la loi constituant l’ordre dont l’intimé est membre ou d’un règlement adopté conformément au présent code ou à cette loi et applicable au cas particulier, le comité décide de la même manière: 1 o si l’acte reproché à l’intimé est dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’ordre; 2 o si la profession, le métier, l’industrie, le commerce, la charge ou la fonction que l’intimé exerce est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de la profession.

Il a aussi renvoyé aux articles 2, 3, 31, 32 et 42 de la Loi médicale, L.R.Q., c. M-9: 2. L’ensemble des médecins habilités à exercer la profession médicale au Québec constitue une corporation désignée sous le nom de «Corporation professionnelle des médecins du Québec» ou «Ordre des médecins du Québec».

3. Sous réserve des dispositions de la présente loi, l’Ordre et ses membres sont régis par le Code des professions.

...

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Decision Page 26 31. Constitue l’exercice de la médecine tout acte qui a pour objet de diagnostiquer ou de traiter toute déficience de la santé d’un être humain. L’exercice de la médecine comprend, notamment, la consultation médicale, la prescription de médicaments ou de traitements, la radiothérapie, la pratique des accouchements, l’établissement et le contrôle d’un diagnostic, le traitement de maladies ou d’affections.

32. Le médecin peut, dans l’exercice de sa profession, donner des conseils permettant de prévenir les maladies et promouvoir les moyens favorisant une bonne santé.

... 42. Un médecin ne peut être contraint de déclarer ce qui lui a été révélé à raison de son caractère professionnel.

Et au Code de déontologie des médecins, L.R.Q., c. M-9, r.4: 2.01.01 La violation d’un des articles de ce chapitre constitue un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession.

2.02.01 Le médecin a le devoir primordial, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions médicales, de protéger la santé et le bien-être des individus qu’il dessert tant sur le plan individuel que collectif.

... 2.03.18 Le médecin doit élaborer son diagnostic avec la plus grande attention, en utilisant les méthodes scientifiques les plus appropriées et, si nécessaire, en recourant aux conseils les plus éclairés.

... 2.03.31 Le médecin contrôleur ou le médecin expert qui examine un patient doit:

a) faire connaître à ce patient le but de son travail; b) s’abstenir d’obtenir de ce patient ou de lui faire toute révélation ou interprétation non pertinente à son travail;

c) s’abstenir, à moins qu’il n’y ait juste cause, d’une parole ou d’un geste susceptible de diminuer la confiance du patient envers son médecin;

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Decision Page 27 d) communiquer son rapport à la personne ou à l’organisme qui a demandé l’examen de contrôle ou l’expertise.

M e Quesnel a souligné que le docteur Tanciu a respecté ces dispositions. De plus, il est du ressort de l’Ordre des médecins du Québec de décider si le docteur Tanciu a respecté ou non les obligations que lui impose le Code de déontologie des médecins. En outre, selon M e Quesnel, ce n’est que l’Ordre des médecins du Québec ou une autorisation explicite de M. Parker qui peuvent relever le docteur Tanciu de son secret professionnel.

M e Quesnel m’a demandé de déclarer que la décision de M me Cléroux est un geste illégal en vertu de l’article 152 du Code des professions parce que la discipline est régie exclusivement par l’Ordre des professions.

M e Lévesque a répondu que l’article 2 du Code des professions s’applique parce que dans le cas du docteur Tanciu c’est le gouvernement fédéral qui a décidé d’imposer à son employé l’obligation d’être membre de l’Ordre des médecins du Québec. Quant au secret professionnel, à partir du moment M. Parker a fait sa demande de pension, son dossier médical s’est ouvert. Donc, il a automatiquement renoncé à son droit au secret professionnel. De plus, il a porté plainte et il a témoigné sous serment dans cette cause. Ce droit existe pour protéger le patient et M. Parker a relevé le docteur Tanciu de son obligation au secret professionnel. En outre, l’employeur a le droit de sanctionner un manquement à la discipline de son employé. La sanction disciplinaire imposée par M me Cléroux est légale et fait partie de ses responsabilités. Plaidoiries sur le fond M e Lévesque a fait valoir les arguments suivants. La question que j’ai à trancher est celle de savoir si le docteur Tanciu a commis une faute d’inconduite. Et, si la réponse à cette question est oui, je dois décider si les trois jours de suspension sont justifiés dans les circonstances de cette affaire.

Le docteur Tanciu n’avait pas à remettre en question la décision du Ministère d’accorder à M. Parker une pension pour ses pieds plats. Dans ses explications écrites du 24 octobre 1995 (pièce 7), le docteur Tanciu a écrit «que vient faire ici un jeune homme si bien bâti et, apparemment, en excellente santé?» Ainsi, le docteur Tanciu n’a

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Decision Page 28 pas nié les propos relatés par M. Parker. Lorsque M. Parker s’est présenté chez le docteur Tanciu, tous les deux savaient qu’une pension avait été accordée pour des pieds plats. M. Parker a consulté le docteur Tanciu pour déterminer le montant de cette pension. Donc, M. Parker a été perturbé par les propos du docteur Tanciu. Le docteur Tanciu lui a dit que les pieds plats n’étaient pas sources d'invalidité. De plus, M. Parker a déclaré qu’il a cru que c’était le docteur Tanciu qui prenait la décision au sujet de sa pension. Le docteur Tanciu n’aurait pas blaguer. L’examen médical et les propos du docteur Tanciu n’étaient pas pertinents dans le cadre du dossier médical de M. Parker. Le docteur Tanciu a créé une atmosphère de confrontation. En outre, même lorsqu’il a remarqué que son client était indisposé, le docteur Tanciu lui a demandé trois fois s’il était furieux. M. Parker s’est senti comme un parasite de la société. Il s’est senti insécure et minimisé. Donc, il a porté plainte contre le docteur Tanciu et M. Parker a expliqué la raison du délai de 45 jours pour présenter sa plainte.

Quant au témoignage de M me Cléroux, cette dernière a déclaré qu’elle est entrée en fonctions le 17 juillet 1995. Elle a rencontré le docteur Tanciu deux fois, les 27 juillet et 4 août 1995, ils ont discuté de «plaintes» et elle a jugé que le docteur Tanciu ne voulait pas s’ajuster. De plus, cette opinion a été confirmée lorsque le docteur Tanciu a remis à M me Cléroux le document de 1994 (pièce 8) il a mis par écrit ses idées et son point de vue sur son rôle de médecin au ministère des Anciens combattants. M me Cléroux lui a remis le 23 octobre 1995 la plainte de M. Parker et, le 24 octobre 1995, le docteur Tanciu lui a remis un commentaire écrit sur cette plainte. Le docteur Tanciu a perçu M. Parker comme un homme frustré.

M me Cléroux a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une rencontre pour discuter de cette plainte. Le docteur Tanciu a admis les propos. Donc, le 19 juillet 1995, le docteur Tanciu a commis des fautes de comportement. M me Cléroux a expliqué que les clients du ministère des Anciens combattants sont particuliers et le docteur Tanciu n’a pas facilité le déroulement de l’examen médical de M. Parker. Cette atmosphère tendue n’a pas aidé à obtenir des réponses adéquates au questionnaire médical. Toutefois, l’évaluation du pourcentage de la pension à accorder à M. Parker par le docteur Tanciu n’a pas été contesté.

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Decision Page 29 À l’appui de sa plaidoirie, M e Lévesque a cité les décisions suivantes: Bériau (dossier de la Commission 166-2-22357); Perigord (dossier de la Commission 166-2-14670); Metikosh (dossier de la Commission 166-2-14166); et Tanciu (dossier de la Commission 166-2-25763). La décision Tanciu est pertinente parce que le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu une suspension de trois jours pour une infraction semblable et que la suspension a été maintenue.

M e Lévesque a conclu que je dois rejeter le grief. Il ne faut pas que le comportement du docteur Tanciu se reproduise. Lorsque le docteur Tanciu voit le public, il représente le Ministère. Le but du Ministère est de servir ce public. Donc, ce service doit être rendu avec respect et courtoisie. L’employeur a l’obligation de s'assurer que le geste (les propos inappropriés) du 19 juillet 1995 ne se reproduisent pas et que le docteur Tanciu comprenne que son comportement du 19 juillet 1995 était inacceptable.

M e Quesnel a fait valoir les arguments suivants. La décision Tanciu (supra) est publique. Toutefois, vu les dispositions de la convention collective, le docteur Tanciu a un dossier vierge et l’employeur ne peut faire indirectement ce qu’il n’a pas le droit de faire directement. La décision Tanciu (supra) ne peut servir que de guide et je ne peux tenir compte de l’identité du fonctionnaire s’estimant lésé visé par cette décision. Je dois traiter cette décision sur une base anonyme. L’utilisation de cette décision antérieure à la période de 24 mois, va à l’encontre des principes en relations de travail au Canada permettant à la personne de s’amender. Dans Tanciu, le fonctionnaire a utilisé un juron, donc l’infraction était sérieuse, ce qui n’est pas le cas dans l’affaire qui nous regarde. M e Quesnel a souligné que dans sa plainte du 6 septembre 1995 (pièce 2), M. Parker a dit qu’il n’était pas furieux. Toutefois, lors de son témoignage lequel a confirmé les commentaires du 24 octobre 1995 du docteur Tanciu (pièce 8), M. Parker a reconnu qu’il était furieux. Comment mettre à l’aise un client furieux? Le docteur Déziel en parle dans la pièce 1 (lettre du 22 novembre 1995). Le docteur Tanciu a admis les propos et il a écrit très clairement à plusieurs reprises dans la pièce 7 du 24 octobre 1995 qu’il regrettait ses commentaires.

M me Cléroux a témoigné que si le docteur Tanciu avait reconnu l’incident, elle aurait réduit la peine disciplinaire. Le docteur Tanciu a exprimé ses regrets et M me Cléroux n'en a pas tenu compte. Le tout a été un malentendu. Le docteur Tanciu a Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 30 essayé d’expliquer à M. Parker sa situation médicale et il a voulu le rassurer. Toutefois, cela a mal fonctionné et M. Parker est devenu agressif. Le rôle du docteur Tanciu était d’évaluer et de diagnostiquer le problème médical de M. Parker. Le docteur Tanciu a ajouté que ses efforts ont été pris de travers. Le docteur Tanciu ne reconnaît pas avoir commis une faute personnelle. De plus, la pièce 7 a été écrite dans le but de répondre à la pièce 6, c’est-à-dire à une enquête administrative. En outre, M. Parker a signé sa déclaration confirmant ce qu’il a raconté au docteur Tanciu le 19 juillet 1995. Cette déclaration est la pièce 5. Le docteur Déziel n’avait aucun reproche ou critique quant à l’évaluation du dossier de M. Parker par le docteur Tanciu.

M. Parker était furieux et il avait l’impression que le docteur Tanciu allait évaluer défavorablement le montant de la pension. Donc, le docteur Tanciu a été la victime. Le docteur Déziel s’est basé sur la lettre de M. Parker du 6 septembre 1995 et il lui a accordé la crédibilité. Cela a été un procès subjectif et une question de perception. De plus, M me Cléroux s’est servi du document de 1994 (pièce 8) pour interpréter les intentions du docteur Tanciu. M e Quesnel a demandé: comment peut-on punir quelqu’un pour le sentiment du client?

M me Cléroux a attribué au docteur Tanciu l'intention de vouloir offenser et humilier un client. Même si le docteur Tanciu a reconnu avoir prononcé les paroles, il n’a pas eu l’intention d’offusquer M. Parker. M me Cléroux a basé sa décision d’imposer une sanction disciplinaire sur cette prétendue intention. M e Quesnel a ajouté que je dois aussi tenir compte du processus de prise de décision et du fait que M me Cléroux ne fait aucune différence entre un processus administratif et un processus disciplinaire. De plus, le docteur Déziel n’a trouvé rien d’incorrect au niveau médical. Il a donné des recommandations à la demande de M me Cléroux. M e Quesnel a souligné qu’il y a une tension entre le docteur Tanciu et M me Cléroux. Il y a deux pôles d’analyse entre les médecins et l’administration. Ainsi, le docteur Tanciu et M me Cléroux n’ont pas la même approche. M e Quesnel a ajouté que cette mesure disciplinaire est grossièrement exagérée. M me Cléroux s’est servie de deux rapports d’évaluation de rendement pour amorcer la mesure disciplinaire. Puis, elle s’est servie du document de 1994 (pièce 8) pour évaluer l’incident. Et elle en a tiré des conclusions sur l’intention du docteur Tanciu sans jamais l’avoir rencontré officiellement. Donc, ce qu’on a ici c’est plutôt un procès d’intention que de faits.

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Decision Page 31 M me Cléroux a donné foi à M. Parker qui a dit avoir été victime de propos volontairement offensants.

M e Quesnel a demandé que la mesure disciplinaire soit annulée parce que la démarche patronale n’a pas tenu compte des explications du docteur Tanciu à l’effet qu’il regrettait l’incident du 19 juillet 1995. Il a exprimé ses regrets deux fois dans sa lettre du 24 octobre 1995 (pièce 7). De plus, le traitement du dossier de M. Parker par le docteur Tanciu était positif et M. Parker en était satisfait.

M e Quesnel a établi une distinction avec les décisions citées par M e Lévesque il est question d’impolitesse, de racisme et de vulgarité. Ici, le docteur Tanciu n’a pas été impoli. M e Quesnel a ajouté que M me Cléroux ne pouvait pas se servir des rapports d’évaluation de rendement aux fins disciplinaires parce que ce sont des documents administratifs. M e Quesnel m’a demandé de tenir compte des regrets exprimés par le docteur Tanciu. Il y a donc lieu de mitiger la sanction.

M e Lévesque a répliqué que le docteur Tanciu a été avisé que son comportement avait donné lieu à des plaintes. Cet avis a été noté aux pièces 9 et 10 (les rapports d’évaluation de son rendement pour les années 1993 et 1994). La gestion lui a communiqué les attentes du Ministère. Donc, il les connaissait lorsqu’il a examiné M. Parker le 19 juillet 1995. La décision Tanciu (supra) est un guide parce qu’on a une situation semblable. Sur ce point, M e Lévesque a cité les décisions Bousquet (dossier de la Commission 166-2-16316) et Hogarth (dossier de la Commission 166-2-15583). M e Lévesque a souligné que la fin ne justifie pas les moyens. Donc, il importe peu que l’évaluation du dossier de M. Parker a été satisfaisante. Il reste que le comportement du docteur Tanciu ne l’était pas.

Motifs de la décision La preuve a révélé que M. Parker s'est fâché lorsque: 1) le docteur Tanciu l'a salué et lui a demandé «que vient faire ici un jeune homme si bien bâti et...en excellente santé»; 2) lui a fait le commentaire au sujet des trois à six enfants; 3) lui a exprimé son opinion sur le service militaire; et 4) lui a dit que ce dernier n'avait pas des pieds plats mais plutôt un affaissement modéré. Selon le docteur Tanciu, les deux premiers reproches ont été dits à la blague et les deux derniers avaient pour but de rassurer et calmer M. Parker, lequel était furieux. Pour ces reproches, M me Cléroux lui a imposé Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 32 cinq jours de suspension qui fut réduite à trois jours. Les faits démontrent que cet examen médical a débuté du mauvais pied (si j'ose dire). M. Parker a témoigné devant moi et j'ai pu remarquer qu'il a l'air très sérieux. Donc, le docteur Tanciu a manqué de jugement. Il a mal choisi son audience et il a mal jugé lorsqu'il a pensé qu'il pouvait blaguer avec M. Parker.

Je retiens l'opinion du docteur Déziel qu'un médecin procédant à un examen en vue d'une pension se doit de rassurer le client et de blaguer avec lui parce que la seule raison pour laquelle le client consulte ce médecin-là est pour obtenir une pension. Le client doit donc convaincre le Ministère qu'il a une invalidité ouvrant droit à la pension.

Je conclus que les paroles exprimées par le docteur Tanciu pouvaient faire l'objet d'un malentendu et c'est ce qui est arrivé le 19 juillet 1995. Le docteur Tanciu est un médecin compétent, très qualifié et de très bonne réputation. Toutefois, il aurait être plus prudent et s'attendre à ce qu'un tel malentendu puisse se produire un jour. Il a manqué de jugement le 19 juillet 1995. Le client s'est senti mal reçu par le docteur Tanciu et il s'est plaint. Cet incident n'aurait pas se produire. Je suis de l'avis que cet incident pouvait justifier une mesure disciplinaire.

M e Quesnel a plaidé que M me Cléroux n'avait pas l'autorité d'imposer une mesure disciplinaire au docteur Tanciu. Seul l'Ordre des médecins du Québec avait cette autorité et cette compétence. Je ne suis pas d'accord avec M e Quesnel à ce sujet. La sanction a été imposée parce que l’employeur n'était pas satisfait du comportement du docteur Tanciu. L'examen médical a été correctement tenu sauf pour le questionnaire. Le docteur Déziel a déclaré que le reproche formulé à l'égard du docteur Tanciu c'est de ne pas avoir mis M. Parker à l'aise. Le docteur Déziel n'a remarqué rien d'anormal dans le rapport et le dossier médical de M. Parker. L'employeur a le droit d'imposer une mesure disciplinaire lorsqu'il est insatisfait du comportement de son employé. C'est le cas ici. Ce qu'on demandait du docteur Tanciu, c'était de ne pas blaguer ni de faire de commentaires avec les clients et M me Cléroux avait l'autorité d'exiger cela du docteur Tanciu. On n’a pas remis en question sa qualité de médecin, ni son droit d’exercer sa profession, loin de là.

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Decision Toutefois, je suis d'accord avec les prétentions de M processus disciplinaire et de la façon dont la mesure disciplinaire a été imposée dans cette affaire.

À titre d’obiter dictum, j’offre les remarques suivantes. M me Cléroux est arrivée au ministère le 17 juillet 1995. Compte tenu de son témoignage et des gestes qu'elle a posées, j'en conclus qu'elle manquait peut-être d'expérience. Elle n'avait jamais surveillé des professionnels de la santé et elle semblait manquer de connaissances en relations de travail. Sa lettre au docteur Tanciu datée du 23 octobre 1995 (pièce 6) parle de «processus administratif». De plus, lors de son témoignage, elle n’a fait aucune distinction entre les processus administratifs et disciplinaires. Elle a déclaré qu'elle a avisé le docteur Tanciu les 27 juillet et 4 août 1995 au sujet de son attitude envers les clients. Mais ses déclarations étaient vagues et ambiguës. On ne sait pas vraiment ce qu'elle a dit au docteur Tanciu. Elle a ajouté que le docteur Tanciu ne s'est pas ajusté à ses directives. Or, encore une fois, on ne sait pas ce qu'elle a conseillé au docteur Tanciu. De plus, la plainte n'a été reçue que le 12 septembre 1995 et M me Cléroux n'avait reçu aucune plainte officielle auparavant. Elle a basé sa décision sur un document écrit par le docteur Tanciu en 1994 (pièce 8) dont elle n'a pas discuté avec lui (le docteur Tanciu). M me Cléroux ne savait pas dans quelles circonstances le docteur Tanciu avait écrit ce document (pièce 8). De plus, elle a décidé de ne pas tenir de rencontre disciplinaire pour entendre la version du docteur Tanciu parce qu'elle n'en voyait pas le besoin vu qu'elle avait croisé le docteur Tanciu à deux reprises et qu'il lui avait dit de le croire parce qu'il était médecin. M me Cléroux a rendu sa décision sans avoir permis au docteur Tanciu de venir la rencontrer avec son représentant syndical pour discuter de l'incident. M me Cléroux aurait tenir cette réunion avant d'imposer la mesure disciplinaire. De plus, elle a tenu compte d'une mesure disciplinaire datant de plus de 25 mois en contravention des dispositions de la convention collective. Il n'en reste pas moins que même si M me Cléroux peut avoir manqué à certaines de ses obligations, elle avait raison lorsqu'elle a décidé que cet incident méritait une mesure disciplinaire.

M me Cléroux a fini par imposer trois jours de suspension et elle a déclaré qu'elle aurait réduit cette mesure disciplinaire davantage si le docteur Tanciu n'avait pas été impoli (ne l'avait pas "engueulé") lors de l'audience au premier palier de la procédure des griefs et s'il avait manifesté des regrets. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 33 e Quesnel au sujet du

Decision Page 34 Je conclus que, même si le docteur Tanciu n'a pas témoigné et qu'il n'a pas exprimé ses regrets oralement devant moi, le 24 octobre 1995 il l'a fait par écrit (pièce 7). Le docteur Tanciu a droit à ses opinions et il a droit de les exprimer. Je ne lui reproche pas d'en discuter avec ses gestionnaires et ses collègues et la gestion ne devrait pas l'en dissuader. Le docteur Tanciu est un médecin avec une grande expérience et une bonne réputation. De plus, M me Cléroux n'aurait pas mettre tant d'emphase sur le document de 1994 (pièce 8). Ce document n'aurait pas servir à l'appui de sa décision disciplinaire.

Ainsi, je conclus que la suspension de trois jours est exagérée dans les circonstances de la présente affaire. Les paroles prononcées par le docteur Tanciu n'étaient pas graves. Il n'a jamais insulté M. Parker. C'est M. Parker qui a attribué à ces paroles un sens de dévalorisation et de reproches. Le docteur Tanciu n'a pas utilisé de mots grossiers ou un langage abusif. Au contraire, l'échange a été très poli. Ce sont le ton, lequel n'était pas élevé, ou agressif, les questions et les commentaires qui ont fâché M. Parker. Une réprimande écrite aurait suffit.

La lettre du 22 novembre 1995 du docteur Déziel explique clairement le rôle d'un médecin principal et les attentes du Ministère. J'encourage le docteur Tanciu à suivre ces directives à la lettre afin d'éviter tout autre incident de ce genre.

Pour ces raisons, le grief est accueilli en partie. La suspension de trois jours est annulée et remplacée par une lettre de réprimande. Le docteur Tanciu a droit au remboursement de son salaire et des avantages perdus pendant la suspension de trois jours.

Muriel Korngold Wexler, président suppléant

OTTAWA, le 12 mars 1997.

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