Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Rémunération - Droit à une indemnité de départ - Article 748 du Code criminel - le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié par application de la loi et plus particulièrement par application de l'article 748 du Code criminel après avoir été reconnu coupable d'un acte criminel et avoir été condamné à une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à cinq années - le fonctionnaire s'estimant lésé avait contesté par voie de grief son licenciement et renvoyé son grief à l'arbitrage - l'arbitre avait rejeté le grief au motif qu'il n'avait pas compétence pour l'entendre: [(1995) 27 Recueil de décisions de la CRTFP 38 (166-2-26267)] - le fonctionnaire s'estimant lésé s'est adressé à la Cour fédérale, Division de première instance, afin d'obtenir un examen judiciaire et sa demande a été rejetée: dossier de la Cour no T-1323-95 - le fonctionnaire s'estimant lésé a cherché à obtenir une indemnité de départ au motif qu'il avait été renvoyé pour incapacité et que par conséquent, il avait droit à une telle indemnité en vertu des dispositions pertinentes de la convention collective - l'arbitre en est venu à la conclusion que les dispositions pertinentes de la convention collective ne prévoyaient les cas où un employé perd son emploi par application de la loi en vertu de l'article 748 du Code criminel. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27360 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE KENNETH J. FOSTER fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur

Devant: J. Barry Turner, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Michael Tynes, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l'employeur: Harvey Newman, avocat Affaire entendue à Halifax (N.-É.), le 29 octobre 1996.

Decision Page 1 DÉCISION M. Kenneth Foster était un employé du ministère de la Défense nationale, classification FR-1, Service d’incendie de la base, DMFC Bedford (Nouvelle-Écosse). Son emploi a pris fin le 17 mai 1993 (pièce G-1) par l’effet de la loi, conformément à l’article 748 du Code criminel canadien lorsqu’il a été déclaré coupable d’un acte criminel pour lequel il a été condamné à un emprisonnement de plus de cinq ans.

L’article 748 du Code criminel est ainsi libellé : 748 (1) Tout emploi public, notamment une fonction relevant de la Couronne, devient vacant dès que son titulaire a été déclaré coupable d’un acte criminel et condamné en conséquence à un emprisonnement de plus de cinq ans.

(2) Tant qu’elle n’a pas subi la peine qui lui est imposée ou la peine y substituée par une autorité compétente ou qu’elle n’a pas reçu de Sa Majesté un pardon absolu, une personne visée par le paragraphe (1) est incapable d’occuper une fonction relevant de la Couronne ou un autre emploi public, ou d’être élue, de siéger ou de voter comme membre du Parlement ou d’une législature, ou d’exercer un droit de suffrage.

(3) Nulle personne déclarée coupable d’une infraction visée à l’article 121, 124 ou 418 n’a qualité, après cette déclaration de culpabilité, pour passer un contrat avec Sa majesté ou pour recevoir un avantage en vertu d’un contrat entre Sa Majesté et toute autre personne ou pour occuper une fonction relevant de Sa Majesté.

(4) La personne visée au paragraphe (3) peut, avant que lui soit octroyée la réhabilitation prévue à l’article 4.1 de la Loi sur le casier judiciaire, demander au gouverneur en conseil d’être rétablie dans les droits dont elle est privée en application de ce paragraphe.

(5) Sur demande présentée conformément au paragraphe (4), le gouverneur en conseil peut ordonner que le demandeur soit rétabli dans tout ou partie des droits dont il est privé en application du paragraphe (3) aux conditions qu’il estime souhaitables dans l’intérêt public.

(6) L’annulation d’une condamnation par une autorité compétente fait disparaître l’incapacité imposée par le présent article.

M. Foster a contesté son licenciement par voie de grief devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. L’arbitre a conclu qu’il n’avait pas la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision compétence requise pour trancher cette affaire (pièce G-2). Cette décision a, par la suite, été maintenue par le juge Joyal de la Cour fédérale du Canada, 1 décision datée du 20 août 1996 (dossier de la Cour T-1323-95) (pièce G-3).

M. Foster conteste maintenant par voie de grief la décision de l’employeur de lui refuser une indemnité de départ. Son grief est rédigé comme suit :

[Traduction] Je me plains de ce que le refus de la direction de me verser l’indemnité de départ constitue une violation de l’alinéa 24.01f), article 9, de la Convention cadre de l’AFPC.

L’alinéa M-24.01f) de la Convention cadre entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor précise ce qui suit :

M-24.01f) Dans les cas suivants et sous réserve de la clause M-24.02, l’employé-e bénéficie d’une indemnité de départ calculée selon son taux de rémunération hebdomadaire.

[...] f) Renvoi pour incapacité ou incompétence (i) Lorsque l’employé-e justifie de plus d’une (1) année d’emploi continu et qu’il cesse de travailler par suite d’un renvoi pour incapacité conformément à l’article 31 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d’emploi continu. L’indemnité ne doit toutefois pas dépasser vingt-huit (28) semaines.

(ii) Lorsque l’employé-e justifie de plus de dix (10) années d’emploi continu et qu’il cesse de travailler par suite d’un renvoi pour incompétence conformément aux dispositions de l’article 31 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d’emploi continu. L’indemnité ne doit toutefois pas dépasser vingt-huit (28) semaines.

Le plaignant demande la mesure de redressement suivante : [Traduction] Je demande que l’on me verse immédiatement la pleine indemnité de départ correspondant à 28 années de service à titre de fonctionnaire fédéral.

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Page 2 re instance, dans une

Decision Page 3 Aucun témoin n’a été entendu dans cette affaire. Les parties ont convenu que les faits n’étaient pas en litige. Cinq pièces ont été déposées par consentement des parties. Au début de l’audience, M e Newman a déclaré qu’il ne soulèverait pas la question du respect des délais au regard de ce grief. M. Tynes m’a informé que, même si le fonctionnaire s’estimant lésé était dans l’incapacité d’assister à l’audience, ce dernier lui avait demandé de faire en sorte que l’audience soit tenue en son absence. M. Tynes m’a également informé que la mention de l’article 9 dans le grief était une erreur dont il ne fallait pas en tenir compte.

Je dois décider si l’employeur était fondé de refuser de verser au fonctionnaire l’indemnité de départ.

Position des parties M. Tynes fait valoir que le fonctionnaire auraittoucher l’indemnité de départ en application de l’alinéa M-24.01f) de la Convention cadre, surtout compte tenu de la lettre transmise à ce dernier le 25 août 1993 (pièce G-4) dans laquelle l’employeur décrit le licenciement comme une «démission involontaire» et mentionne la page 2) que le fonctionnaire a droit à une indemnité de départ. Dans le même contexte, il me renvoie aussi à la «Note» du 27 août 1993 (pièce G-5) concernant l’«avis de cessation d’emploi». En guise de motif de la cessation d’emploi, on y trouve la mention : «licenciement involontaire».

Selon M. Tynes, l’employeur ayant présumé que le fonctionnaire était incapable d’occuper ses fonctions en raison de l’application de l’article 748 du Code criminel, il y aurait lieu d’appliquer à M. Foster les dispositions de l’alinéa M-24.01f) - Renvoi pour incapacité ou incompétence - en ce qui a trait au versement de l’indemnité de départ. Il soutient qu’un employé n’est privé de son indemnité de départ que s’il est renvoyé pour des motifs disciplinaires. Il soutient également que si M. Foster avait été condamné à un emprisonnement de moins de cinq ans, il aurait été renvoyé pour incapacité en application de l’article 31 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. M. Foster était admissible à une indemnité de départ parce qu’il justifiait de plus de dix années d’emploi dans la fonction publique.

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Decision Page 4 M e Newman reconnaît que, du point de vue de l’équité, le grief n’est pas sans fondement puisque le fonctionnaire n’a pas été licencié pour des motifs disciplinaires. Il a ajouté que, initialement, à un palier de la direction, on avait recommandé d’accorder l’indemnité à M. Foster, mais que l’employeur avait ensuite refusé (pièce G-1). Étant donné que le fonctionnaire avait un bon dossier d’emploi, l’employeur avait tout d’abord pensé que le fonctionnaire pourrait reprendre ses fonctions après avoir purgé sa sentence, mais l’emploi de M Foster est devenu vacant en application de l’article 748 du Code criminel. Selon M e Newman, même si les parties, aux alinéas a) à f) de la clause M-24.01 ont envisagé différents cas d’indemnités de départ, la convention collective ne règle pas une situation comme celle dont je suis saisi et qui découle du Code criminel. M e Newman reconnaît qu’il s’agit d’un cas «anormal», comme l’a affirmé le juge Joyal dans sa décision (pièce G-3) et que ni la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ni la Loi sur la gestion des finances publiques ne sont applicables dans la présente affaire comme l’a également conclu le juge Joyal dans sa décision. Voici ce que dit le juge Joyal :

[Traduction] [...] À cet égard, j’endosserais l’argument de l’intimé selon lequel l’employeur et l’arbitre n’avaient aucun pouvoir discrétionnaire dans cette affaire puisque les mécanismes établis pour le licenciement dans la fonction publique n’étaient pas engagés. De façon générale, on considère que la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et la Loi sur la gestion des finances publiques fournissent les fondements juridiques d’un tel licenciement. La première précise les conditions de licenciement dans les cas de nomination pour période déterminée, de démission, de renvoi en cours de stage et de mise en disponibilité, tandis que la deuxième règle les modalités des licenciements pour des motifs disciplinaires et non disciplinaires. Il me semble toutefois évident qu’aucune de ces lois n’est applicable en l’espèce, puisqu’aucune mesure de licenciement n’a été prise par l’intimé, que ce soit pour des motifs disciplinaires ou non disciplinaires.

Dans sa conclusion, il ajoute : [Traduction] [...] On peut toutefois remarquer que, compte tenu de l’expérience de la fonction publique canadienne et du contexte des lois particulières auxquelles on a fait allusion, la situation du requérant est anormale [...]

M e Newman fait valoir que l’employeur n’a adopté aucune mesure de licenciement dans cette affaire, qu’il s’est contenté de prendre acte de la disposition du Code criminel et qu’il n’avait aucun choix à cet égard. Il a convenu que M. Foster «était resté le bec dans

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Decision Page 5 l’eau» et que le Ministère avait eu beaucoup de difficulté à classifier sa perte d’emploi. C’est la raison pour laquelle l’employeur a décrit sa perte d’emploi comme une «démission involontaire» et un «licenciement involontaire» dans les pièces G-4 et G-5, respectivement, alors qu’aucune de ces expressions ne figure dans la Convention cadre. Il conclut que, cette question pourra être abordée au cours de la prochaine ronde de négociations, mais que, sous le régime actuel des dispositions de la convention collective, l’employeur n’est pas tenu de payer une indemnité de départ à M. Foster.

En réfutation, M. Tynes fait valoir que je peux interpréter l’incapacité comme signifiant non seulement la maladie ou la perte de documents tels qu’un permis de conduire ou d’un certificat de qualification de vendeur qui rend parfois le titulaire incapable d’exécuter son travail, mais que, dans les circonstances spéciales de l’espèce, je pourrais juger que M. Foster est dans l’incapacité d’effectuer son travail et, par conséquent, lui accorder l’indemnité de départ.

Motifs de la décision L’affaire dont je suis saisi découle de la décision rendue dans l’affaire Foster (dossier de la Commission 166-2-26267) par l’arbitre Tarte, le 24 mai 1995.

L’article 748 du Code criminel met fin à l’emploi d’un fonctionnaire qui, ayant été déclaré coupable d’un acte criminel, est condamné à un emprisonnement de plus de cinq ans. Sous le régime de l’article 748 du Code criminel, une cessation d’emploi survient automatiquement par l’opération de la loi. L’employeur n’a aucun pouvoir discrétionnaire dans un tel cas.

À mon avis, l’employeur s’est débattu avec les expressions «démission involontaire» et «licenciement involontaire» parce qu’il n’a pas réussi à trouver une expression plus appropriée ou plus exacte dans la Convention cadre pour décrire la perte d’emploi de M. Foster.

M. Tynes me demande d’ajouter une nouvelle signification à l’alinéa M-24.01f) - Renvoi pour incapacité ou incompétence - de la Convention cadre pour le rendre applicable à une situation découlant de l’article 748 du Code criminel. Je ne peux pas le

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Decision Page 6 faire. Subsidiairement, il me demande de récrire la Convention cadre pour inclure un renvoi à l’article 748 du Code criminel. Je ne peux pas le faire non plus.

Si regrettable que soit la situation de M. Foster, ce dernier «reste le bec dans l’eau», comme l’a décrit M e Newman, même s’il a été au service de la fonction publique pendant plus de dix ans. Le Conseil du Trésor pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire en effectuant un paiement ex gratia à M. Foster, mais ma compétence ne me permet pas de prononcer une ordonnance à cet effet.

Pour toutes ces raisons, je rejette le grief. Je suggère toutefois que, au moment de la reprise des négociations collectives, les parties tentent de trouver une solution à ce problème puisqu’une autre situation du genre pourrait survenir à une date ultérieure.

J. Barry Turner, commissaire

OTTAWA, le 19 novembre 1996 Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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