Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Harcèlement - Fonctionnaire exclue - Compétence - Procédure - Conflit d'intérêts - la fonctionnaire s'estimant lésée, avocate, a déposé un grief alléguant le harcèlement de la part d'un cadre de son Ministère - avant l'audience, l'employeur s'était objecté à la compétence de la Commission de nommer un arbitre dans l'affaire au motif que la plainte de la fonctionnaire ne constituait pas un grief et que la fonctionnaire n'était pas assujettie à une convention collective et ne pouvait pas déposer un grief en ce sens - au début de l'audience, la fonctionnaire a soulevé une question de conflit d'intérêts touchant la représentante de l'employeur du fait que cette dernière était impliquée dans une affaire semblable visant la rémunération des fonctionnaires de l'État - la représentante de l'employeur a soutenu que la question de conflit d'intérêts ne pouvait pas être soulevée dans l'affaire en espèce et devrait plutôt l'être dans l'autre affaire et que, de toute façon, si jamais l'affaire en espèce était entendue sur le fond, elle se retirerait du dossier - l'arbitre a statué que, puisque l'employeur proposait seulement de présenter son objection déclinatoire de compétence à l'audience et de ne pas engager un débat sur le fond, sa représentante ne saurait être en situation de conflit d'intérêts - l'arbitre s'est dit de l'avis que la plainte de la fonctionnaire pouvait constituer un grief - toutefois, il a conclu que, puisque le grief ne concernait pas une mesure disciplinaire et que la fonctionnaire n'était pas assujettie à une convention collective et ne pouvait alors pas renvoyer le grief en cause à l'arbitrage, il ne possédait pas la compétence requise pour trancher le grief. Grief rejeté* . *La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une demande à la Cour fédérale du Canada en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, en vue de faire annuler la décision de la Commission. L'affaire est en instance. (Dossiers de la Cour no A-89-97 and A-98-97).

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27335 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE HÉLÈNE BEAULIEU fonctionnaire s’estimant lésée et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Justice Canada)

employeur

Devant: Yvon Tarte, président Pour la fonctionnaire s’estimant lésée: Ionnis Mavrikakis Pour l’employeur: Carole Bureau, avocate Affaire entendue à Montréal, Québec, le 7 octobre 1996

Decision Page 1 DÉCISION Le 11 juin 1996, Hélène Beaulieu demandait à la Commission que soit renvoyée à l’arbitrage une plainte de harcèlement à l’encontre de M. Marc Mayrand. Ladite plainte avait été déposée auprès de la Directrice générale des Ressources Humaines au ministère de la Justice le 24 octobre 1994; en voici le texte reproduit exactement: Je joins à la présente les pages 14 et 15 du document que je vous ai envoyé le 18 courant. Il s’agit d’une plainte formulée à l’encontre du surintendant-associé, M. Marc Mayrand du Bureau du Surintendant des Faillites.

Après vérification auprès de M. Denis Garceau, Agent d’enquêtes et de conciliation Région du Québec (514- 283-2514), celui-ci m’a avisée que ladite plainte devait vous être adressée.

Veuillez agréer, Chère madame, l’expression de mes sentiments distingués.

Le 26 août 1994 Marc Mayrand ....

Objet: Dossier Maurice Gallant et Maurice Gallant & Associés Inc.

Cher Monsieur, Les événements des derniers jours m’ont portée à croire qu’il y a trop d’intervenants du ministère dans ce dossier et ce, contrairement au code de déontologie des avocats du Québec.

Je crois que dans les circonstances, sans présumer des qualités de tous et chacun, vu que mon confrère de la partie adverse a communiqué avec moi, il aurait été de bon ton que des discussions ne s’éparpillent pas à plusieurs membres du ministère.

Ne noulant en aucun cas intervenir dans la décision finale qui vous appartient, et que je ne conteste pas, j’aurais aimé que toute discussion entre les parties ci-haut mentionnés et le ministère passent par la principale intéressée, c’est-à-dire moi. Vous le savez pertinemment, lorsqu’il y a plusieurs intervenants les autres parties en tirent des bénéfices car elles essaient d’insinuer qu’une des parties aurait dit ceci ou cela. D’ailleurs, pourrais-je blamer mon confrère d’en tirer avantage?

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Decision Page 2 Quelle crédibilité, pensez-vous que j’aurai vis-à-vis de mon confrère étant donné le nombre d’intervenants dans ce dossier?

En conséquence, je considère que ma position dans ce dossier est plus que précaire et porte à confusion. Afin de ne pas paraître vis-à-vis de mon confrère plus imbécile que je ne le suis, je me vois, à mon grand regret, forcée de me désister de ce dossier et je crois, qu’en homme compréhensif et intelligent que vous êtes, vous agiriez de même.

Croyez, Cher Monsieur, à l’expression de mes sentiments distingués.

Montréal, le 30 août 1994 M. Marc Mayrand ... Objet: Dossier Maurice Gallant et Maurice Gallant & Associés Inc.

Cher monsieur, Notre conversation de ce soir m’incite à croire que la lettre que je vous ai adressée le 26 août n’était peut-être pas assez explicite ou incomprise par vous.

Il n’est pas dans mes intentions d’essayer de penser à moi. A preuve que d’une part le dossier à ce que j’ai pu en juger à ce jour a été fait en toute équité et que d’autre part la mise en garde que je vous ai mentionnée dans ma lettre était pour protéger le Ministère afin que la partie adverse ne prenne pas comme faiblesse les propos ou les assentiments de tous et chacun.

Croyez, cher monsieur, que tout au long de ma carrière je n’ai eu qu’un seul intérêt celui de mon employeur, et cela serait immorale pour moi de penser autrement.

Je crois qu’il serait de bon ton que vous preniez une heure afin de comprendre le pourquoi de ma lettre, car je n’ai pas été informée de tous les faits et de plus, plusieurs intervenants décidaient suivant les bribes des conversations qu’ils avaient. Personne n’est à blamer là-dessus mais le “système”, ou tous se retranchent sans apprécier les conséquences des décisions tant pour les parties en cause que pour les tiers.

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Decision Page 3 J’aurais aimé vous parler avant, mais les circonstances ont été toutes autres; j’ai cependant discuté des dangers d’une telle “pratique” ainsi que de déontologie avec votre remplacante par intérim.

Je crois peut-être je me trompe mais le fait de vous faire part de mes doléances et mettre le Ministère en garde contre les prétentions des parties en cause, que cela aurait été avantageux pour vous. Vous l’avez mal pris, peut-être préférez-vous que je fasse mon métier comme une automate....

Je tiens à vous réitérer que mon seul souci était de sauvegarder les intérêts du Ministère, et je n’ai rien à y gagner personnellement.

J’espère que vous m’accorderez un entretien afin de compléter mon exposé et dissiper tout malentendu et, dans cette attente,

Je vous prie d’agréer, cher monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

... lui présenter mes excuses et semblait croire qu’il s’agissait, selon lui, d’une “erreur” susceptible d’être corrigée. Or, il appert que M. Mayrand a refusé de me rencontrer à ce jour.

Me Von Finckenstein a alors demandé à Me Lewis de communiquer avec M. Mayrand pour que je puisse le rencontrer en présence de Me Lewis.

Rencontre de la soussignée avec M. Marc Mayrand au bureau du surintendant, en présence de Me Lewis, le 12 octobre 1994.

M. Mayrand a répété a plusieurs reprises, à la demande de Me Lewis, que le seul élément retenu ou considéré dans sa décision était la position adoptée dans la lettre du 26 août 1994 et celle du 30 août.

Je lui ai demandé - s’il savait que Me Gauvreau ne m’adressait plus la parole depuis le 19 septembre 1994...

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Decision Page 4 - s’il avait demandé à Me Gauvreau de donner instructions à Mme Mahoney de ne pas donner suite aux diverses notes de services que je lui avais adressées afin d’obtenir les documents nécessaires pour complétéer la preuve dans un dossier... et lui ai remis la note de service adressée à Me Gauvreau le 7 octobre.

- je l’ai aussi informé que Me Gauvreau avait dit en présence de Me Lewis que le document produit le 19 août ne correspondait pas à ce que le surintendant avait demandé et lui ai fait part que j’aurais apprécié qu’ils (le surintendant et lui-même) me fassent part de leurs commentaires lors de ladite réunion. M. Mayrand m’a dit n’avoir émis aucun commentaire à l’exception de ceux tenus lors de ladite rencontre.

- Quant à l’allégation à l’effet que je n’avais pas de bonnes relations avec les vérificateurs, M. Mayrand m’a retournée la question. Je lui ai fait part entre autres qu’à ma connaissance et selon moi un seul des trois vérificateurs avec lesquels j’avais travaillé était mécontent, soit celui s’étant rendu chez le syndic “G” et qu’il ne m’adressait plus la parole depuis l’envoi de la lettre du 26 août 1994.

J’ai de plus souligné qu’à part l’incident que je lui ai relaté lors de notre rencontre du 12 septembre, ce vérificateur prenait le café régulièrement avec moi AVANT le 23 août 1994.

Cependant, j’ajoute que le vérificateur en question répond à mes salutations mais, selon moi, semble éviter toute conversation.

M. Mayrand a tenu des propos blessants et vexatoires, allant jusqu’à questionner mon intégrité, lors de la rencontre du 30 août 1994:

a) que j’avais agit pour mon avantage personnel et non celui du ministère;

b) que je voulais me défiler car il s’agissait d’un dossier difficile;

c) que le l’avais laissé tombé; et ce, contrairement à une discussion que nous aurions pu avoir franche et sereine.

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Decision Page 5 De plus, pendant près d’une semaine, il ne m’a plus adressé la parole et ce jusqu’au 9 septembre 1994 un rendez-vous a été pris pour une rencontre à Ottawa.

Lors de cette rencontre, il en est ressortit que tout le travail de six mois était inutile, le rapport initial du vérificateur étant, selon lui, suffisant. Il s’est excusé quant au choix des mots mais a réitéré que j’avais agit dans mon intérêt personnel, sans spécifier quels intérêts je retirais.

De plus, il a conclut en disant que je ne pouvais d’après lui travailler en groupe.

Je réitère ici qu’aucune information ne m’avait été donnée au départ dans le dossier:

pas de rencontre formelles ou informelles avec Me Gauvreau; pas de balise sur quoi travailler; pas de direction; dossier remis à l’intéressée (moi-même) sans précisions, ni direction; aucune discussion de droit avec Me Gauvreau;

sauf que lors de rencontres ou par téléphone, M. Mayrand, me disait de rajouter ou d’enlever tel ou tel sujet dans le dossier.

Le 30 août 1994, M. Mayrand est venu à Montréal pour discuter avec Me Leclerc, le syndic F. et le syndic G du dossier et alors qu’il se targue d’être un gestionnaire ayant je présume plusieurs années d’expérience d’avocat et de travail au sein du gouvernement, et d’être en plus mon supérieur, n’a même pas pris la peine de venir me voir avant ladite rencontre pour discuter de ma lettre, m’ignorant complètement alors que le bon sens aurait voulu, selon moi, et particulièrement s’il était réellement “completely at lost”, une discussion franche - nous n’étions pas des ennemis mais employé et employeur.

Depuis le 12 octobre il était entendu que je recevrais une lettre de lui sur ce qu’il entendait faire, à ce jour, rien n’a transpiré, sauf ce qu’il a dit à Me Lewis et aussi en ma présence, sur insistance de M. Von Finckenstein pour qu’il nous rencontre.

Question de conflit d’intérêts Dès le début de l’audience M. Mavrikakis a soulevé une question de conflit d’intérêts touchant M e Carole Bureau du ministère de la Justice. Le représentant de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 fonctionnaire s’estimant lésée m’a signalé que M e Bureau était impliquée à titre de requérante dans une cause similaire à celle présentée dans le dossier 166-2-27316 touchant une question salariale et l’application de certaines lois visant la rémunération des fonctionnaires de l’État. Pour appuyer sa thèse, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a renvoyé aux textes et décisions suivants: Code de déontologie des avocats (R.R.Q. 1981, c. B-1, T. 1), Guide sur les conflits d’intérêts (Service de recherche et de législation, Barreau du Québec), Succession MacDonald c. Martin, [1990] R.C.S. 1235, 2527-7195 Québec Inc. v. 161442 Canada Inc. (C.S. district de Montréal n o : 500-05-000372-894), Donald D. Thomson et al. c. Smith Mechanical Inc. et al., [1985] C.S. 782, APV Pavailles Inc. c. Alain Bonischot et John A. Swift (Cour d’Appel, greffe de Montréal n o 500-09-000999-912) et Claude Pageau c. Dame Blanche Vanasse Aubry (C.S., district de Montréal, n o 500-14-002503-910). M. Mavrikakis demandait donc, entre autres choses, que M e Bureau soit déclarée inhabile à représenter le ministère de la Justice dans la présente affaire et que soit nommé un nouvel avocat dans des délais prescrits.

En réponse aux questions soulevées par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée, la représentante du Ministère a signalé que la possibilité d’un conflit d’intérêts ne pouvait être soulevée que dans le dossier 166-2-27316 touchant la question salariale et que de toute façon si jamais ce litige était entendu sur le fond, M e Piché et elle se retireraient du dossier. Décision sur la question de conflit d’intérêts Étant donné l’engagement des représentants de l’employeur de se retirer du dossier 166-2-27316, si jamais ce grief devait être entendu sur le fond, j’ai statué que M e Bureau et M e Piché pouvaient présenter leurs objections préliminaires déclinatoires de compétence dans les 6 renvois de M me Beaulieu soit les dossiers de la Commission 166-2-27313 à 27316, 27289 et 27335. En limitant leurs interventions à des questions de compétence, les procureurs du ministère de la Justice ne sauraient être en situation de conflit d’intérêts, réel ou apparent.

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Decision Page 7 Objection préliminaire Le 26 juillet 1996, M e Bureau faisait valoir, au nom de l’employeur, une objection déclinatoire de compétence dont voici le texte reproduit exactement. Je voudrais vous informer que l’employeur s’objecte à ce que la Commission des relations de travail dans la fonction publique nomme un arbitre selon le paragraphe 95(2)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi) pour entrendre le grief rappelé en référence pour les motifs suivants:

Me Hélène Beaulieu n’a jamais logé un grief conformément à la Loi à l’encontre de Me Marc Mayrand, mais plutôt une plainte de harcèlement laquelle a été traitée selon la procédure ministérielle de harcèlement en milieu de travail. Cette procédure n’est d’ailleurs pas terminée, le rapport final émanant du représentant ministériel attitré n’étant pas terminé.

D’autre part, même si la Commission était d’avis que ladite plainte de harcèlement constitue un grief, l’employeur s’objecte à la nomination d’un arbitre selon le paragraphe 95(2)c) de la Loi pour les motifs suivants:

Mme Hélène Beaulieu occupait un «poste de direction ou de confiance» selon de la définition contenue à l’article 2 de la Loi puisqu’elle occupait un poste de conseiller juridique au ministère de la Justice et partant n’était assujettie à aucune convention collective.

Or, selon l’alinéa 92(1)a) de la Loi, Me Hélène Beaulieu ne peut renvoyer à l’arbitrage ce grief puisqu’il ne porte pas sur l’interprétation ou l’application à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

Deuxièmement, la plainte de Me Beaulieu intitulée «plainte de harcèlement à l’encontre de M. Marc Mayrand» porte sur le refus présumé de ce dernier de la rencontrer tel qu’il appert de la lettre de plainte du 11 juin 1996 déposée par la plaignante à l’appui de sa demande et du présent renvoi à l’arbitrage.

Ce grief ne portant pas sur une suspension, ni sur une sanction pécuniaire, ni même sur une mesure disciplinaire entraînant son licenciement ou sa suspension ou une sanction pécuniaire Me Beaulieu ne peut s’autoriser de l’alinéa b) de l’article 92 de la Loi pour renvoyer son grief à l’arbitrage.

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Decision Page 8 Cette requête en irrecevabilité est faite dans le but de favoriser la bonne administration de la justice, parce qu’il est inutile d’encombrer le rôle de la Commission avec des affaires au sujet desquelles un arbitre n’a manifestement pas compétence.

Nous serions disposés, au nom de l’employeur, à faire des représentations oralement si la Commission juge approprié de tenir une audition sur cette question.

Considérant ce qui précède, nous croyons qu’il serait inapproprié pour la Commission de fixer immédiatement l’audition de l’affaire mentionnée en rubrique pour la période du 7 au 11 octobre 1996.

Dans l’attente de votre décision, je vous prie d’agréer, monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Lors de l’audience sur le grief tenue le 7 octobre 1996, M objection préliminaire.

En réponse aux objections formulées par M e Bureau le 26 juillet 1996, M. Mavrikakis faisait valoir les arguments qui suivent dans une lettre datée du 16 août 1996 traitant des différents griefs renvoyés à l’arbitrage par M me Beaulieu et dont voici le texte reproduit exactement: OBJET: Renvois à l’arbitrage (166-2-27289, 27313 à 316, 127335, Hélène Beaulieu - Justice Canada

Monsieur le Secrétaire-adjoint, J’accuse réception des lettres de Madame Carole Bureau, représentant du Ministère dans cette affaire et je comprends très mal les trois premiers paragraphes de la première page lesquels sont repris en intégralité dans les six lettres.

En effet, le 11 juin 1996, plainte a été portée par Madame Hélène Beaulieu à votre Commission. Le 28 juin, vous avisiez les parties que l’audition des affaires citées se déroulerait du 9 au 13 septembre 1996. Par la suite une autre date a été demandée par nous pour le mois d’octobre, ce que le représentant de l’employeur, à ce moment-là M. Roger Lafrenière, avait accepté. Par la suite un autre procureur est assigné pour des raisons que vous connaissez et ce n’est que le 26 juillet que l’employeur décide de

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e Bureau a répété son

Decision Page 9 s’objecter à ce que Madame Hélène Beaulieu fasse entendre ses griefs et plaintes par la Commission.

Je voudrais ici souligner qu’en aucun cas le premier représentant n’a présenté cet argument et ce n’est que 45 jours après le dépôt de la plainte que l’employeur, pour des raisons obscures et invoquant des lois qu’il a lui même edictées s’oppose à ce que la Commission se penche sur le cas de Madame Beaulieu.

À ce sujet, nonobstant les articles référés par Madame Bureau dans sa lettre et plus particulièrement à la page 1 aux trois premiers paragraphes, il serait important pour l’employeur de se remémorer les outils de travail et les études qu’il a lui-même déposés concernant la politique sur le harcèlement au travail. Je me réfère ici au dossier du Conseil du Trésor du 3 janvier 1995 signé par M. R. J. Giroux qui dit en page 2

“Veuillez appliquer immédiatement la politique revisée”.

et à la page 13 au paragraphe du “Grief” “Si un employé décide de déposer un grief.... et à la page suivante la clause “En vertu d’une entente entre le le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la Fonction Publique, cette dernière enquêtera sur les plaintes de harcèlement.”

Et dans un autre document du Ministère de la Justice sur le harcèlement en milieu de travail, on y retrouve en page 3 la définition du harcèlement au paragraphe 2 et à la page 4

“le harcèlement comprend aussi l’abus de pouvoir qui signifie l’exercise malséant de l’autorité ou du pouvoir inhérent à un poste dans le dessein de compromettre l’emploi....”

Et, dans les lignes directrices, page 15 et suivantes, le Ministère de la Justice énonce le rôle de la Commission de la Fonction Publique notamment il est dit:

qu’une plainte auprès de la Direction des enquêtes de la Fonction Publique (harcèlement non lié à un motif inscrit dans la Loi Canadienne sur les Droits de la Personne).

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Decision Page 10 ce qui est le cas puisqu’il s’agit d’un abus d’autorité entre autres.

Le Conseil du Trésor dans son étude sur le harcèlement en milieu de travail de septembre 1994 a consacré de longs articles sur le harcèlement en milieu de travail et particulièrement en ce qui a trait à l’abus.

Je me réfère aussi au document de griefs et plus particulièrement au paragraphe 9.2.1 Généralités du Volume 1 Chapitre 13, Volume 7, chapitre 5, chapitre 6 et chapitre 13, et de la Loi sur les Relations de Travail dans la Fonction Publique (L.R.T.F.P, art. 91 -101, Règlements et Règles de procédure de la Commission des Relations de Travail dans la Fonction Publique, art. 69-90 il est dit au paragraphe a:

“Un grief est une plainte écrite qu’un employé peut faire relativement à ses conditions d’emploi”.

Le sous-ministre adjoint Jean-Claude Demers, considérant, comme il le dit lui-même, que le harcèlement en milieu de travail était très important a édicté une politique dans une note de service du 27 janvier 1995 laquelle, aux pages 13 et 14, mention “grief”:

“En vertu d’une entente entre le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la Fonction Publique, cette dernière enquêtera sur les plaintes de harcèlement...”

ce qui entre autre permet de constater que Monsieur le sous- ministre-adjoint a repris à son compte les mêmes énoncés que le Conseil du Trésor.

Et dans la Directive du sous-ministre de la Justice, M. George Thomson, numéro 189SM du 16 février 1996, on peut y lire:

“C’est avec grand plaisir que j’annonce la nouvelle politique du Ministère de la Justice en matière de règlement des conflits. Cette politique représente une autre étape dans l’engagement du Ministère de fournir des services juridiques de qualité élevée.”

Et au paragraphe “Buts”, le sous-ministre ajoute: “En conformité avec gouvernementale le Commission des relations de travail dans la fonction publique

la politique Ministère encourage

Decision l’utilisation de différents règlement des conflits circonstances appropriées.

et plus loin: “Le recours aux mécanismes des règlements des conflits affirme deux des principes de l’énoncé de mission du Ministère: “Seconder le Ministre dans la tâche d’assurer, au Canada, l’existence d’une société juste respectueuse des Lois”.

Le Ministère énonce des lois, publie plusieurs fascicules sur le harcèlement mais lorsqu’il s’agit de son application, il cherche les échappatoires pour tout, en ne tenant pas compte d’une part de la tardivité de son objection, et, deuxièmement de tous les beaux énoncés ainsi que des conférences qu’il a faites à ce sujet.

CRTFP : 166-2-27289 a) Madame Bureau indique que Madame Beaulieu occupait un poste de direction ou de confiance “. Comme il existe aucune définition à ma connaissance de “poste de confiance” car tous les employés, je suppose à tous les échelons des Ministères occupent un poste de confiance, que ce soit du balayeur au Ministre.

Quoiqu’il en soit, nous devons nous référer ici à la définition du LA-1 du Conseil du Trésor, Chap. 3-1 l’on y traite du LA-1 dans la description des niveaux de traitement, page C-1:

LA-1 “Les conseillers juridiques à cette échelle de traitement effectuent un travail juridique sous surveillance générale”.

Or à la lecture de ceci, il ne semble pas que ce soit un poste de Direction. Et, dans la description de tâches qui a été faite pour Me Beaulieu, on y lit:

Sous la supervision d’un avocat plus expérimenté d’effectuer des travaux juridiques de nature a permettre d’acquérir la formation et l’expérience nécessaires pour obtenir un emploi à un niveau plus élevé.”

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Page 11 mécanismes de dans toutes les

Decision Page 12 Comme on peut le voir, rien dans ses tâches ne peut permettre à Madame Bureau de relier l’emploi de Madame Beaulieu à l’article 2 de la Loi.

b) Lorsque l’on parle de M. Marcel Gauvreau, et les notes sont pour l’expliquer, Madame Bureau note elle- même dans son paragraphe 2 de sa lettre:

“La réponse au dernier palier aurait été faite sans tenir compte des questions qu’elle aurait posées à l’enquêteur.”

Le dossier parle par lui-même: on lui a fait une fin de non recevoir malgré de nombreux appels de sa part, tel qu’en fait foi le dossier remis au sous-ministre. L’enquêteur, M. Baron, aux demandes répétées, a indiqué qu’il ne se rappelait plus, qu’il n’avait pas ses notes et qu’il n’était pas en mesure de répondre aux questions de Madame Beaulieu...

Quant au 4e paragraphe de la lettre de Madame Bureau qui dit que le grief ne porte pas sur une suspension ni sanction pécunière ni même mesure disciplinaire, il y a lieu de se rapporter à la plainte 166-2-27313 qui est la conséquence de ce premier grief logé par Madame Beaulieu à l’encontre de M. Marcel Gauvreau.

CRTFP : 166-2-27335 Madame Bureau mentionne au paragraphe 2 “Cette procédure n’est d’ailleurs pas terminée, le rapport émanant du représentant ministériel attitré n’est pas terminé”.

La représentante du ministère oublie que M. Grosleau de la Direction des Relations de travail essaye vainement depuis le mois de décembre d’avoir un rendez-vous avec M. Mayrand et celui-ci semble fort occupé et, par lettre du 4 juin 1996, nous avions indiqué à M. Grosleau que les délais avaient été plus que suffisants et que nous renvoyions le tout devant la Commission.

Les autres motifs invoqués sont les mêmes que ceux mentionnés au début de cette lettre et par voie de conséquence, nous n’avons pas à les commenter d’avantage.

CRTFP : 166-2-27314 La représentante du Ministère oublie que n’eut été les plaintes d’abus d’autorité et d’éthique à l’encontre de M. Pépin, il n’y aurait

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Decision Page 13 pas eu de lettre de congédiement tel que mentionné dans la plainte no. 166-2-27313.

Pour ce qui est du reste, nous vous référons à nouveau aux commentaires déjà énoncés ci-dessus.

CRTFP : 166-2-27315 Je pense que la représentante de l’employeur reprend les écrits de Madame Beaulieu dans un autre contexte quand elle dit que c’est une “opinion divergente qui aurait été rendue par son superviseur.

Il ne s’agit pas de celà, la lettre de Madame Beaulieu parle par elle-même et dit en substance que c’est plutôt une opinion juridique que madame Beaulieu a faite, laquelle a été approuvée par “son supérieur”, en consultation avec lui et, que pour des raisons obscures, il a changé quelques jours plus tard en en donnant une autre à l’insu de Madame Beaulieu, sans la consulter ni lui en donner la teneur.

Pour ce qui est du reste, nous vous référons à nouveau aux commentaires déjà énoncés ci-dessus.

CRTFP : 166-2-27313 La représentante du Ministère fait mention que Madame Beaulieu perdait sa qualité de fonctionnaire à l’expiration de la période pour laquelle elle a été nommée.

Trois points essentiels sont manquants ici ou passés sous silence:

1) “Le superviseur” n’avait pas l’autorité voulu pour lui signifier son congédiement;

2) Le contrat entre le B.F.D.R.(Q) et le Ministère de la Justice prévoyait au paragraphe 1 de l’Entente que six mois avant l’expiration dudit contrat, le B.F.D.R.(Q) devait aviser le Ministère de la Justice de toute modification. Or rien n’apparait dans le dossier démontrant que des modifications avaient été demandées par le B.F.D.R.(Q).

3) Dans le cas qui nous préoccupe, le B.F.D.R.(Q) avait le devoir, dans un premier temps, d’aviser le Ministère de la Justice six mois avant toute modification à l’Entente entre les Ministères. Dans un deuxième temps, le Ministère de la Justice devait regarder parmi ses effectifs, suivant l’ordre d’ancienneté d’emploi des avocats pour les années 1993, 1994 et 1995, et ensuite reclasser Madame Beaulieu.

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Decision Page 14 Madame Bureau dans sa lettre du 25 juillet à la Commission Canadienne des Droits de la Personnes aux questions posées par M. Jean-Guy Boissonneault, répond à la page 2, par. 4:

“En ce qui a trait au non renouvellement des autres employés du Ministère pour les années 1993, 1994 et 1995, le Ministère est actuellement en train de colliger cette information et je vous la ferai parvenir avec les commentaires appropriées dès qu’elle sera disponible.”

ce qui est en contradiction à la lettre du 26 juillet qu’elle vous a adressée, puisqu’elle n’a pas encore l’information.

CRTFP : 166-2-27316 Sans être irrevérentieux, nous nous inscrivons en faux aux prétentions de l’employeur et au contenu de sa lettre du 26 juillet et insistons pour dire que la Commission a le droit lorsqu’il s’agit d’une interprétation ou l’application à l’endroit de Madame Beaulieu d’une directive du Conseil du Trésor, de traiter de ce sujet car Madame Beaulieu a subit un préjudice au niveau économique et il n’est pas question ici d’un salaire supérieur à celui prévu à son contrat de travail, mais plutôt de la suspension du régime de rémunération au rendement de la requérante, chose que la requérant a le droit de recevoir des augmentations au rendement suivant les cotes au rendement qu’elle s’était méritée par son travail.

N’oublions pas que la même représentante d’un autre côté plaide en Cour Fédérale contre le Ministère pour les mêmes raisons et qu’aujourd’hui elle invoque d’autres motifs malgré qu’ils soient aussi louables que les siens et de même nature. Ceci nous amène beaucoup a réfléchir sur la bonne foi de l’employeur...

Pour toutes ces raisons, nous croyons que les objections contenues dans les lettres envoyées par la représentante de l’employeur sont mal fondées et devraient être rejetées, les dates du 7 au 11 octobre maintenues pour que les parties puissent être devant l’arbitre de la Commission et faire les représentations qui s’imposent.

Je vous remercie à l’avance de l’attention que vous porterez à la présente et nous nous tenons à votre disposition, afin de faire valoir oralement, si vous le jugez opportun, les réponses que vous soulignons ci-dessus.

Dans cette attente, nous vous prions de croire, Monsieur le Secrétaire-adjoint, à l’expression de nos salutations distinguées.

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Decision Page 15 Motifs de décision sur l’objection préliminaire La compétence d’un arbitre dans le cadre du régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique trouve sa source dans l’article 92 du texte législatif: Arbitrage des griefs Renvoi à l’arbitrage 92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

(2) Pour pouvoir renvoyer à l’arbitrage un grief du type visé à l’alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l’approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

(3) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l’application de l’alinéa (1)b), tout secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie II de l’annexe I.

Aux fins de ce dossier, je considère que la plainte de M constituer un grief aux termes de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Ceci dit, le grief de M collègue de travail. Il ne s’agit donc pas d’une plainte à l’encontre d’une mesure disciplinaire qui pourrait faire l’objet d’un renvoi en vertu des dispositions des

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me Beaulieu peut me Beaulieu concerne les agissements d’un

Decision Page 16 alinéas 92(1)b) et c) de la Loi. De plus, le fait que M m e Beaulieu ne soit pas syndiquée lui enlève toute possibilité de renvoyer à l’arbitrage un grief concernant l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale en vertu de l’alinéa 92(1)a). En effet le paragraphe 92(2) a pour effet d’exiger qu’un fonctionnaire soit assujetti à une convention collective et ait l’appui de son agent négociateur pour renvoyer à l’arbitrage un grief touchant l’interprétation d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

Je dois donc conclure que je n’ai pas la compétence nécessaire pour entendre le grief de M me Beaulieu. Yvon Tarte, président.

OTTAWA, le 10 janvier 1997.

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