Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Services d'entretien - Officier de navire - Ambiguïté latente - Principe d'irrecevabilité - Usage - depuis que l'administration fédérale exploite des navires, les officiers bénéficient de l'entretien de leurs cabines, lorsque c'est possible, et cette pratique est considérée comme un droit acquis - cette pratique a été reconnue dans la première convention collective, dont le libellé concernant l'entretien des cabines n'a pas été modifié depuis - au cours de la dernière ronde de négociations, afin de dissiper toute ambiguïté pouvant découler de la convention collective, et dans le but de maintenir le statu quo (76 % des officiers de navires bénéficiaient de l'entretien de leurs cabines), l'agent négociateur a tenté de faire clarifier le libellé de la convention collective - l'employeur a répondu qu'il ne réduirait aucun des services pendant la durée de la convention collective - par conséquent, l'agent négociateur a cessé d'exiger que l'on modifie la convention collective à cet égard - cinq ans plus tard, l'employeur a décidé de cesser d'entretenir entièrement et quotidiennement la cabine du fonctionnaire s'estimant lésé - le fonctionnaire a soutenu que l'employeur avait violé la convention collective - de plus, le fonctionnaire a maintenu que l'employeur était empêché par préclusion de changer unilatéralement sa pratique - le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que l'employeur devait maintenir sa pratique jusqu'à la fin de la convention collective suivante - l'employeur a soutenu que le libellé de la convention collective lui permettait de cesser d'entretenir les cabines - l'employeur a ajouté que, au cours de la dernière ronde de négociations, il n'avait nullement assuré l'agent négociateur que la pratique ne serait pas modifiée - l'employeur a soutenu qu'il n'était pas possible d'invoquer le principe d'irrecevabilité puisque le fonctionnaire n'avait subi aucun préjudice en se fiant à l'usage - l'arbitre a jugé que le libellé de la convention collective comportait une ambiguïté latente et qu'elle avait donc le droit de tenir compte de preuves extrinsèques pour l'aider à interpréter la convention - l'arbitre a fait remarquer que la pratique de l'employeur avait consisté à entretenir la cabine des officiers dans 76 % des cas - l'arbitre a décidé que, aux termes de la convention collective, le fonctionnaire s'estimant lésé avait droit à l'entretien journalier de sa cabine, ce qui était l'usage - subsidiairement, l'arbitre a conclu que, à la lumière des observations faites par l'employeur à l'agent négociateur durant la dernière ronde de négociations, auxquelles l'agent négociateur s'était fié, le principe de préclusion empêchait l'employeur de modifier unilatéralement l'usage. Grief admis.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27426 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE ELOI LÉVESQUE fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Pêches et Océans : Garde côtière canadienne)

employeur Devant: Marguerite-Marie Galipeau, président suppléant Pour le fonctionnaire s’estimant lésé: David Jewitt, avocat, Guilde de la marine marchande du Canada

Pour l’employeur: Agnès Lévesque, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 22 avril 1997.

Decision Page 1 DÉCISION La présente décision fait suite à l'audition d'un grief renvoyé à l'arbitrage par M. Eloi Lévesque, qui est officier de navire (SO-MAO-5) à la Garde côtière canadienne.

Le fonctionnaire s'estimant lésé allègue que l'employeur a unilatéralement modifié ses conditions de travail et qu'il contrevient donc à la clause 25.01 de la convention collective du groupe Officiers de navire (pièce A-1) conclue par la Guilde de la marine marchande du Canada et le Conseil du Trésor (date d'expiration : 31 mars 1994; prolongée depuis par la loi).

Son grief est ainsi formulé: L'entretien de ma cabine n'a pas été effectué sur une base journalière depuis le 28 juin 95 et cela sans que j'en sois avisé. L'employeur n'a pas le droit unilatéralement de changer mes conditions d'emploi.

Il demande le redressement suivant : Je désire le retour au normal de la situation d'entretien de ma cabine en tant qu'officier de navire, soit que le service d'entretien soit maintenu à une fois par jour.

La clause 25.01 dit ce qui suit : Article 25 Repas et logement 25.01 Lorsque l'officier travaille sur un navire muni d'une cuisine et de logements, il a droit aux repas et au logement, sauf stipulations contraires énoncées à la clause 25.02.

Le 19 janvier 1996, l'employeur a publié une circulaire (pièce A-3) qui dit notamment ce qui suit :

2 Généralités Chaque personne à bord, sans exception, doit assurer elle-même la propreté et l'ordre de sa cabine, selon les exigences établies pour les navires de la GCC. Chaque personne doit aller chercher elle-même ses repas à un comptoir genre cafétéria. Au fur et à mesure que de nouveaux navires seront construits ou que les navires existants seront remodelés, le service des repas sera concentré

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Decision Page 2 en un même endroit partagé par les officiers et les membres d'équipage.

Le 27 mars 1996, l'employeur a convenu (pièce A-3, onglet 5) qu'un grief [traduction] « du groupe original de la région Laurentienne soit retenu comme grief représentatif et que le résultat obtenu soit appliqué à tous les officiers de navire d'un bout à l'autre du pays ».

À l'audience, les deux avocats ont présenté les exposés introductifs suivants. Selon l'avocat du fonctionnaire, la circulaire précitée (pièce A-3) publiée par l'employeur en janvier 1996 a modifié les conditions de travail des officiers de navire telles qu'elles sont énoncées à la clause 25.01 de la convention collective, telles que l'employeur les a appliquées au fil des ans en application de cette clause et telles qu'il les a lui-même interprétées à la table de négociation durant la ronde de négociations collectives qui a précédé la conclusion de la convention collective en litige (pièce A-1).

L'avocat du fonctionnaire a expliqué que les navires de classes A et B n'ont pas de cuisine ni de logements, mais que les navires de classe C et supérieure en ont. La preuve, a-t-il dit, montrerait que les officiers de navire en poste sur des navires de classe C et supérieure ont toujours, depuis que la négociation collective existe, bénéficié de repas qui étaient préparés pour eux et qui leur étaient servis ainsi que de l'entretien de leur cabine, le tout en conformité avec le libellé de la clause 25.01 qui n'a pas changé depuis aussi longtemps qu'on puisse se souvenir.

Selon l'avocat, la preuve montrerait par ailleurs que, durant la dernière ronde de négociations [en 1990-1991], l'agent négociateur, après avoir pris connaissance de rumeurs voulant que l'employeur modifie la façon dont les repas étaient servis et les logements entretenus, a fait une proposition la proposition 22 » : pièces A-4 et A-5) afin d'assurer le maintien des conditions de travail existantes concernant les repas et le logement.

L'avocat du fonctionnaire a également affirmé que la preuve montrerait que, durant les négociations et lors de la discussion de la proposition de l'agent négociateur, les représentants du Conseil du Trésor ont assuré la Guilde qu’aucun changement ne serait apporté à la pratique courante et que la clause 21.05 continuerait d'être appliquée comme elle avait toujours été appliquée. La preuve

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Decision Page 3 montrerait par ailleurs que l'agent négociateur, en réponse aux affirmations qui lui avaient été faites durant les négociations, a retiré sa proposition et que, en fait, au cours des cinq ans qui sont suivi la ratification de la convention collective, on a continué de préparer les repas des officiers et de les leur servir, et d'entretenir leurs logements.

L'avocat du fonctionnaire a résumé la position de ce dernier dans les termes suivants : l'employeur a enfreint la clause 25.01 de la convention collective telle qu'elle a toujours été interprétée; à la lumière des observations qu'il a lui-même faites durant les négociations et compte tenu de sa propre pratique, l'employeur est empêché par préclusion de modifier la façon de donner les repas ou d'entretenir les logements des officiers de navire.

L'avocat du fonctionnaire a également affirmé que même si, comme l'a signalé l'avocate de l'employeur, les repas n'étaient pas mentionnés dans le grief ou les réponses au grief, ils faisaient eux aussi partie du grief. Il a expliqué que l'objet du litige était la directive contenue dans la circulaire de l'employeur (pièce A-3, onglet 1) et que les repas et les logements étaient tous les deux touchés par la publication de cette directive. L'agent négociateur, a-t-il ajouté, voulait éviter de devoir revenir devant la Commission avec d'autres griefs concernant les repas, puisque l'effet de la directive était le même, qu'il s'agisse des repas ou des logements.

Pour sa part, l'avocate de l'employeur a fait remarquer que certains navires n'ayant pas de cuisine et de logements n'offraient pas des repas préparés et des logements entretenus avant la publication de la circulaire (pièce A-3, onglet 1) et qu'ils n'avaient toujours pas de repas préparés ou de logements entretenus. (L'avocat du fonctionnaire a reconnu ce fait et a signalé que l'agent négociateur cherchait à préserver la situation telle qu'elle avait existé d'un commun accord entre les parties avant la publication de la circulaire et qu'il ne cherchait pas à élargir ses droits.)

L'avocate de l'employeur a en outre affirmé que la preuve montrerait que l'agent négociateur avait fait la proposition 22 (pièce A-5), mais que l'employeur avait rejeté celle-ci parce qu'il ne voulait pas modifier la clause 25.01, qui tenait compte des différences entre les navires.

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Decision Page 4 Étant donné, de poursuivre l'avocate de l'employeur, que certains navires sont trop petits, que d'autres n'ont pas le personnel voulu, que d'autres servent uniquement à des voyages de jour et que d'autres encore sont en mer pendant vingt jours consécutifs, il aurait été illogique pour l'employeur d'accepter les expressions « repas préparés » et « logement entretenu » que l'agent négociateur a proposées dans sa proposition 22 (pièce A-5) et qui auraient imposé à l'employeur une obligation qu'il n'aurait pu remplir.

L'avocate de l'employeur fait en outre remarquer que ce ne sont que les termes « repas » et « logement » qu'on trouve dans la convention collective et que l'employeur n'est tenu à rien de plus du fait qu'il est allé au-delà de son obligation par le passé.

Selon l'avocate de l'employeur, la preuve montrerait également que l'employeur avait avisé les intéressés que l'entretien des logements et la préparation des repas changeraient, qu'il était dans son droit d'apporter ce changement et que le principe de préclusion (estoppel) ne s'appliquait pas en l'espèce.

Les motifs pour lesquels l'employeur avait effectué ces changements, a-t-elle dit, étaient reliés aux coûts. L'employeur avait l'intention d'appliquer sa circulaire (pièce A-3, onglet 1) sur une période de trois ans, ce qui expliquait pourquoi, à la date de l'audience, il y avait des variations dans son application.

L'avocate de l'employeur a expliqué que les membres d'équipage et les officiers mangeaient la même nourriture, c'est-à-dire qu'ils bénéficiaient des mêmes choix d'aliments, mais que la distinction entre les groupes résidait dans le fait que chacun recevait un service différent. L'objet de la directive, selon l'avocate de l'employeur, est de faire en sorte que le service de cafétéria s'applique tant aux officiers de navire qu'aux membres d'équipage.

L'avocate de l'employeur a conclu en disant que la preuve montrerait qu'il n'y avait pas eu d'infraction à la convention collective, pas plus qu'il n'y avait eu de promesses de faites concernant les repas et les logements durant les négociations.

PREUVE À la demande de l'avocate de l'employeur, les témoins ont été exclus. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 Les faits tels qu'ils se rapportent au fonctionnaire s'estimant lésé se relatent simplement. À la suite d'une ordonnance provisoire de la flotte de la Garde côtière rendue en juillet 1995, l'employeur a cessé d'assurer un entretien complet et quotidien du logement du fonctionnaire. Cette ordonnance a été suivie d'une autre ordonnance de la flotte de la garde côtière n o 444.00 (pièce A-3) en janvier 1996, dont la partie pertinente est reproduite au début de la présente décision.

Il n'est pas clair à quelle date exactement l'entretien journalier des logements a cessé. Selon le grief, c'était le 28 juin 1995; selon une annexe au grief, c'était en décembre 1995.

Le fonctionnaire s'estimant lésé a cité deux témoins. Voici le résumé de leurs témoignages.

M. Kenneth William Herbert travaille à la Guilde de la marine marchande du Canada la Guilde ») depuis 1983. Actuellement, il est adjoint au secrétaire-trésorier. Avant 1992, il était un agent syndical de la Guilde. Il avait entre autres pour fonction de négocier au nom de la division de l'Ouest de la Guilde. En 1985, il est devenu président du comité de négociation national. Il a notamment pris part aux négociations avec le Conseil du Trésor pour le compte des officiers de navire fédéraux en 1990-1991.

En sa qualité de président du comité de négociation, il a rassemblé les propositions pour la région de l'Ouest, a participé aux négociations à titre d'observateur pour la région de l'Est et a supervisé le regroupement des propositions à l'échelon national. Il a préparé la présentation des propositions et a fixé les réunions de négociation avec les représentants du Conseil du Trésor. À titre de président, il a dirigé les négociations au nom de la Guilde. Il était le porte-parole désigné par le comité. Une fois les négociations terminées, il a rédigé une circulaire à l'intention des membres pour leur expliquer en détail tous les changements sur lesquels les parties s'étaient mises d'accord dans le protocole d'entente. Il a assisté à une série de réunions à la grandeur du pays afin de répondre aux questions des membres concernant la conclusion des négociations.

La proposition 22 (pièce A-5) faisait partie des propositions (pièce A-5) que la Guilde avait faites durant la dernière ronde de négociations. En voici la teneur :

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Decision Page 6 [Traduction] Proposition n o 22 LIBELLÉ MODIFIÉ 25.01 Lorsque l'officier travaille sur un navire muni d'une cuisine et de logements, il a droit aux repas préparés et au logement entretenu, sauf stipulations contraires énoncées à la clause 25.02.

Juillet 1990 M. Herbert a expliqué comme suit le contexte dans lequel cette proposition avait été retirée.

Premièrement, le libellé actuel de la clause 25.01 de la convention collective est le même depuis la conclusion de la toute première convention collective en 1969-1970.

Voici comment on a appliqué cette clause. Dans les navires de classe C et supérieure, il y a des stewards, les officiers se font servir leurs repas qu’ils choisissent à partir d’un menu et leurs cabines sont également entretenues tous les jours. Sur les plus petits navires, à cause de la taille physique du navire et du nombre de personnes à bord, les officiers entretiennent leurs propres logements et les repas sont préparés par le personnel non breveté ou les membres d’équipage.

La pratique qui a cours sur les navires de classe C et supérieure existait même avant l’avènement de la négociation collective. Selon M. Herbert, depuis que le gouvernement canadien exploite des navires, les officiers se font servir leurs repas par les membres d’équipage et on entretient leurs logements, c’est-à-dire qu’on fait leur lit, on nettoie leur salle de bains et on passe l’aspirateur et lave le plancher tous les jours. Cette pratique était la même d’un bout à l’autre du pays. Les officiers de navire considèrent cette pratique comme un droit historique.

Déjà à l’époque il a commencé comme agent syndical en 1983, M. Herbert se faisait dire par ses membres qu’un des avantages d’être officier, c’était qu’on entretenait son logement et qu’on lui servait ses repas. Cette pratique était un trait

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Decision Page 7 caractéristique qui distinguait les officiers brevetés des membres d’équipage non brevetés.

M. Herbert a produit un tableau (pièce A-6) des navires de chaque région montrant la situation qui existait à bord des navires avant et après la publication de la circulaire de l’employeur.

M. Herbert a signalé que, bien que la pratique existât sur les navires de classe C et supérieure, il y avait trois navires dans la région Laurentienne (EP LE QUÉBÉCOIS, LOUISBOURG, CALANUS II) à bord desquels la pratique n’existait pas avant la publication de la circulaire (pièce A-3). Pour ce qui est des autres navires de classe C et supérieure de la région Laurentienne, la pratique avait existé sur ces navires depuis leur construction.

La pratique avait cours dans la région Centrale et dans la région du Pacifique, ainsi que dans la région de Terre-Neuve et celle des Maritimes. Dans la région du Pacifique et dans celle de Terre-Neuve, l’employeur n’a pas commencé à appliquer la directive publiée dans sa circulaire de 1996, mais il a commencé à le faire partiellement dans la région des Maritimes à bord de l’ALFRED NEEDLER.

M. Herbert a corrigé le tableau de la région de Terre-Neuve en ce qui concerne les navires « HARP » et « HOOD ». Il n’y a pas de stewards sur ces navires. Le cuisinier et l'homme de pont préparent les repas et entretiennent les cabines.

Il a également apporté des corrections à la région Centrale : le NAMO est un navire de classe C, le NAHIDICK, de classe D. Le ECKALOO, le DUMIT et le TEMBAH sont des navires de classe C et supérieure.

En résumé, la pratique de servir des repas préparés et d’entretenir les logements s'appliquait à environ 76,3 % des membres de la Guilde.

La pratique avait cours en même temps qu’était en vigueur le libellé qu’on trouve dans la clause 25.01 de la convention collective et qui n’a pas changé d’une convention collective à l’autre.

En 1990-1991, il s’est produit deux incidents qui ont incité l’agent négociateur à déposer la proposition 22 à la table de négociation : dans le premier cas, on n’avait

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Decision Page 8 pas préparé les repas d’officiers de la côte Ouest; dans l'autre cas, certains gestionnaires au niveau national avaient laissé entendre qu’ils discontinueraient la pratique d’entretenir les logements.

Afin de préserver la pratique qui avait toujours existé, l’agent négociateur a présenté la proposition 22 dans le but de maintenir le statu quo. Le libellé de la proposition 22 (pièce A-5) reflétait simplement la pratique qui avait toujours existé. La position du comité de négociation n’était pas de réaliser un gain, mais plutôt de maintenir ce dont les officiers avaient bénéficié durant toute leur carrière. C’était une proposition qui maintenait le statu quo.

Avant les négociations, l’employeur n’avait laissé entendre qu’une seule fois que la clause 25.01 ne voulait pas dire que les repas des officiers étaient préparés et que leurs logements étaient entretenus. C’était pendant une grève nationale des membres d’équipage. Durant la grève, le steward du MARTHA L. BLACK était un employé nommé pour une période déterminée et il n’a pas participé à la grève. Son contrat est arrivé à terme pendant la grève et l’employeur ne l’a pas renouvelé. Les officiers ont été laissé à eux-mêmes et on leur a dit qu’ils avaient accès à la cuisine et aux réfrigérateurs et qu’ils pouvaient se servir. Ils ont déposé des griefs et ont eu gain de cause à l’arbitrage.

Exception faite de cet incident, l’employeur n’a jamais laissé entendre que la clause 25.01 ne voulait pas dire des repas préparés et un logement entretenu à bord des navires de classe C et supérieure.

Pendant les négociations, lorsque l’agent négociateur a présenté la proposition 22 (pièce A-5), le négociateur du Conseil du Trésor, M. Tony Boettger, était très préoccupé parce qu’il avait l’impression que l’effet de cette proposition serait d’obliger les ministères employeurs d'augmenter l’effectif des navires. Il a fait remarquer qu’il y avait de nombreux navires qui n’assuraient pas l’entretien des logements parce qu’il n’y avait pas de steward à bord et que, sur certains navires, les repas étaient préparés mais non servis. Il estimait que la proposition de l’agent négociateur obligerait l’employeur à préparer les repas et à entretenir les logements pour les 24 % des membres de l’unité de négociation qui n’avaient pas jusque-là bénéficié de ces services. Le négociateur de l’agent négociateur, M. Herbert, a assuré le négociateur de l’employeur que l’agent négociateur ne cherchait pas à obtenir plus de

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Decision Page 9 services pour ce 24 % de ses membres et qu’il ne cherchait pas à faire augmenter l’effectif. Il voulait simplement protéger les services qui étaient déjà fournis.

Dans une autre discussion, le négociateur du Conseil du Trésor, M. Tony Boettger, a adopté la position que le Conseil du Trésor n’avait pas l’intention de modifier aucun des services couramment fournis. M. Herbert se souvient que M. Boettger a déclaré que l’employeur n’avait pas l’intention de changer quoi que ce soit concernant les services déjà offerts. Le ministère, a-t-il dit, ne réduirait aucun des services pendant la durée de la convention collective. Après une pause, l’agent négociateur est revenu à la table et, se fiant aux garanties qu’on lui donnait, a retiré la proposition 22 (pièce A-5) de la table de négociation. Selon M. Herbert, il était entendu que l’employeur appliquerait la clause 25.01 comme il l’avait toujours fait par le passé.

On a sondé régulièrement l’opinion des membres à diverses réunions syndicales d’un bout à l’autre du pays. Les membres du comité de négociation de l’agent négociateur ont expliqué aux membres de l’unité de négociation que la proposition 22 était retirée parce qu’on avait obtenu des garanties comme quoi il n’y aurait aucun changement à la situation existante.

M. Herbert a ajouté que les négociateurs du Conseil du Trésor étaient catégoriques, à savoir qu’il n’était pas dans l’intention de l’employeur de réduire les services et qu’il n’était donc pas nécessaire de modifier le libellé de la clause 25.01. L’agent négociateur a donc retiré sa proposition 22 (pièce A-5). Si la proposition 22 n’avait pas été retirée, elle aurait abouti en médiation et possiblement à l'arbitrage.

Entre la fin des négociations en 1991 et la publication de la circulaire (pièce A-3, onglet 1) en janvier 1996, la clause 25.01 a été appliquée exactement comme elle l’avait été dans les vingt-cinq années précédentes.

Voici le résumé du témoignage du deuxième témoin de l’agent négociateur. M. John Love a joint les rangs de la Garde côtière en 1982, a obtenu son brevet en 1985 et est officier de flotte depuis lors.

Il a participé aux négociations de 1990-1991 et il faisait partie du comité de négociation de l’agent négociateur.

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Decision Page 10 Avant 1990-1991, a-t-il dit, des stewards servaient les repas et entretenaient les logements à bord des navires il a travaillé.

Son témoignage corrobore celui de M. Kenneth William Herbert. La Guilde de la marine marchande du Canada la Guilde ») a présenté la proposition 22 (pièce A-5) parce qu’elle avait entendu des rumeurs de réductions, notamment du nombre de stewards. La Guilde a retiré sa proposition après que l’employeur, par l’entremise de son négociateur, M. Tony Boettger, a assuré le comité de négociation de l’agent négociateur qu’il n’était pas nécessaire de modifier la convention collective et qu’il n’avait pas l’intention de modifier le service aux cabines ou de retirer les stewards. L’agent négociateur s’est fié à ces garanties et, par conséquent, a abandonné sa proposition.

Après la fin des négociations de 1991 et la ratification de la convention collective, la pratique s’est poursuivie jusqu’en 1996, c’est-à-dire qu’on a continué de servir les repas, d’entretenir les logements et d’appliquer la clause 25.01 comme elle l’avait été par le passé.

Puis, l’employeur a publié sa circulaire (pièce A-3, onglet 1) en 1996 et à bord du GRIFFON travaillait M. John Love on a retiré un steward et cessé d’entretenir les cabines.

La preuve de l’employeur se résume comme suit. M. Yves Villemaire, directeur de la gestion du personnel à la Garde côtière canadienne, était chef du personnel navigant pour la Garde côtière en 1990-1991.

Durant les négociations de 1990-1991, il faisait partie de l’équipe de négociation de l’employeur et représentait la Garde côtière canadienne.

Lorsqu’on lui a présenté la proposition 22 (pièce A-5), l’employeur a répondu que le libellé existant était approprié. L’employeur estimait que la proposition 22 était inacceptable parce qu’il croyait que son acceptation « aurait des implications en termes d’années-personnes ». Selon M. Villemaire, l’agent négociateur voulait faire insérer la proposition 22 dans la convention collective en vue d’éviter les situations comme celle qui s’était produite durant la grève des membres d’équipage lorsqu’on

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Decision Page 11 avait cessé de préparer les repas et dit aux officiers d’aller se servir au réfrigérateur. L’agent négociateur était d’avis que le fait de pouvoir se procurer un bifteck congelé n’était pas un repas. M. Villemaire ne se souvient pas comme tel si on a discuté de l’entretien des cabines.

M. Villemaire ne se rappelle pas à quel moment l’agent négociateur a laissé tomber la proposition 22 ni les raisons qui l’ont motivé. Pendant l’interrogatoire principal, M. Villemaire a affirmé ne pas se souvenir que le négociateur du Conseil du Trésor ait promis de maintenir le statu quo.

En contre-interrogatoire, M. Villemaire a reconnu qu’à l’époque des négociations de 1990-1991 le Conseil du Trésor n’avait pas l’intention de modifier ses opérations. Il a aussi reconnu qu’il était possible que le négociateur du Conseil du Trésor, M. Tony Boettger, ait affirmé que l’employeur n’avait pas l’intention de modifier les repas et les services. Il a en outre répété que, à l’époque, l’employeur n’avait pas l’intention « d’enlever quelque chose aux repas et services » et que, si telle avait été son intention, l’employeur en aurait avisé l’agent négociateur.

Voici le résumé de la déposition du dernier témoin de l’employeur. M. Tony Boettger était négociateur en chef de l’équipe de négociation du Conseil du Trésor durant les négociations de 1990-1991. M. Boettger se souvient vaguement des discussions entourant la proposition 22 de l’agent négociateur (pièce A-5). Il se rappelle que l’employeur avait soutenu à l’époque que la proposition 22 aurait entraîné des problèmes pour lui en ce sens que, à son avis, elle aurait comporté une garantie de maintien de services et une garantie d’emplois dans une autre unité. De plus, la proposition soulevait la question de l’équité entre les navires.

D’après son souvenir, l’agent négociateur se préoccupait du fait que ses officiers avaient se faire à manger durant une grève des membres d’équipage et qu'ils avaient entretenir leurs logements.

M. Boettger ne se souvient pas d’avoir pris un engagement par rapport à la proposition 22. Il pense que tout engagement ayant trait aux opérations aurait été pris par écrit par quelqu’un du ministère.

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Decision Page 12 M. Boettger ne connaissait pas la durée de la période antérieure à 1996 durant laquelle les cabines étaient entretenues. À la question de savoir si l’employeur avait l’intention, au moment des négociations, de modifier les services, il a répondu ne pas se souvenir que tel était le cas.

En contre-interrogatoire, M. Boettger a affirmé qu’à l’époque des négociations le Conseil du Trésor n’avait pas l’intention de modifier la clause 25.01 de la convention collective.

Il a également affirmé qu’il savait que cela faisait partie des fonctions des membres d’équipage de préparer les repas et d’entretenir les logements. Lors des négociations, les représentants ministériels qui le conseillaient sur cette question connaissaient mieux que lui les détails de la pratique qui avait cours à l’époque. Pour sa part, il n’était pas en mesure de dire depuis combien de temps la pratique existait, ni depuis quand le libellé actuel faisait partie des conventions collectives successives.

M. Tony Boettger a corroboré le témoignage de M. Yves Villemaire à savoir que, à l’époque des négociations, l’employeur n’entretenait aucun projet visant à apporter des changements opérationnels sous le régime de la clause 25.01 de la convention collective. Il a ajouté que si tel avait été le cas il en aurait informé l’agent négociateur.

M. Boettger a par ailleurs affirmé qu’il ne se souvenait pas, lui-même, si on avait discuté ou non de la proposition 22 (pièce A-5).

ARGUMENTS Voici le résumé des arguments qu'a fait valoir l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé.

La clause 25.01, suivant la pratique courante, oblige l'employeur à servir des repas préparés aux officiers et à entretenir leurs logements. Les témoignages non contredits ont établi l'existence de cette pratique. Même les négociations en 1991 n'ont pas modifié cette pratique, qui ne l'a été qu'en 1996.

On peut affirmer que le libellé de la clause 25.01 est ambigu et que, par conséquent, on peut invoquer la pratique. On peut également affirmer, à partir de cette pratique ininterrompue qui a eu cours sous le régime de la clause 25.01, que

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Decision Page 13 l'employeur est empêché par préclusion de modifier unilatéralement celle-ci. On peut également soutenir que le même principe empêche l'employeur de modifier la pratique en raison des déclarations qu'il a faites durant les négociations et qui ont entraîné le retrait de la proposition 22 (pièce A-5).

De plus, l'expression « to receive » dans le libellé anglais de la clause 25.01 est ambiguë et permet donc le recours à la pratique. Le terme « galley » dans le libellé anglais désigne une cuisine l'on prépare les repas. En général, un navire muni « d'une cuisine et de logements » est un navire de classe C. Les mots « normalement fournis » employés dans les clauses 25.02 et 25.03 invitent à considérer la norme, c'est-à-dire la pratique courante.

L'avocat cite les affaires suivantes portant sur l'ambiguïté latente et la pratique, ainsi que sur le recours à l'historique des négociations : Commissioner of Northwest Territories and Northwest Territories Public Service Association 24 L.A.C. (3d) 132; Motor Transport Industrial Relations Bureau of Ontario and General Truck Drivers' Union, Local 938, 2 L.A.C. (2d) 206; United Steelworkers, Local 3129, and Moffats Ltd. 22 L.A.C. 56; Teamsters Union and Motor Transport Industrial Relations Bureau of Ontario 22 L.A.C. 57; Hermes Electronics Ltd. and International Brotherhood of Electrical Workers, Local 1651, 14 L.A.C. (4th) 289; Sherwood Co-operative Association Ltd. and Retail, Wholesale & Department Store Union, Local 539 49 L.A.C. (4th) 418; British Columbia Nurses' Union and Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 444, 49 L.A.C. (4th) 374; British Columbia Teachers' Federation and British Columbia Teachers' Federation Administrative Staff Union 47 L.A.C. (4th) 221.

Le libellé de la clause 25.01 et la pratique fondée sur celle-ci qui a eu cours montrent que l'employeur a toujours voulu fournir des repas préparés et entretenir les logements. Ni l'un ni l'autre n'ont été renégocié. L'employeur n'avait pas l'intention de retirer les services auxquels les officiers avaient droit, il avait l'intention de maintenir le statu quo. Selon M. Yves Villemaire, si l'intention de l'employeur avait été autre, celui-ci en aurait avisé l'agent négociateur. Le retrait de la proposition 22 (pièce A-5) par l'agent négociateur confirme l'intention des parties de maintenir le statu quo, c'est-à-dire que les repas soient préparés et les logements entretenus. Il y a lieu de signaler que M. Yves Villemaire était d'accord que « statu quo » voulait dire des repas préparés et des logements entretenus. Avant de retirer la proposition 22 (pièce

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Decision Page 14 A-5), l'agent négociateur a demandé et obtenu l'assurance que le statu quo serait maintenu. L'agent négociateur n'aurait pas fait marche arrière s'il n'avait pas obtenu de garanties et il aurait fini par renvoyer la proposition 22 à la médiation.

La longue pratique à laquelle a donné lieu la clause 25.01 montre bien quelle était l'intention des parties. Il y avait une entente sur le sens de la clause 25.01.

La pratique et les déclarations constituent une protection sur laquelle compte l'agent négociateur. Il y a lieu de signaler que, même après les négociations de 1991, la pratique n'a pas changé pendant cinq ans. Enfin, que le principe de préclusion (estoppel) s'applique en faveur ou au détriment de l'agent négociateur, celle-ci continuera jusqu'à ce que les parties renégocient.

L'avocat se reporte à la jurisprudence suivante : James C. MacDonald, Robert J. Bélanger et Richard Douillette et le Conseil du Trésor (dossiers de la Commission 166-2-26406, 166-2-26435 et 166-2-26440); Luc Deniger et William Jones Miller et le Conseil du Trésor (dossiers de la Commission 166-2-21583 et 166-2-21584); Harold Dore et autres et le Conseil du Trésor (dossiers de la Commission 166-2-15053 à 15056); Metropolitan Toronto Zoo and Canadian Union of Public Employees, Local 1600 47 L.A.C. (4th) 336; Government of Province of Manitoba and Manitoba Government Employees' Union 34 L.A.C. (4th) 116; Ferraro's Ltd. and United Food & Commercial Workers, Local 1518 7 L.A.C. (4th); Dow Chemical Canada Inc. and Energy and Chemical Workers Union, Local 672 7 L.A.C. (3d) 385; Fernie District Hospital and British Columbia Nurses' Union 18 L.A.C. (4th) 140; Board of Commissioners of Police for the Township of Innisfil and Township of Innisfil Police Association 19 L.A.C. (3d) 263; Southam Murray Printing (Council of Printing Industries of Canada) and Toronto Typographical Union, Local 91 24 L.A.C. (3d) 76.

En ce qui concerne le redressement, l'avocat de l'agent négociateur a présenté les arguments suivants.

Il y a lieu de signaler que le fonctionnaire ne demande pas un redressement pécuniaire mais le rétablissement d'une condition de travail. On devrait envisager de prolonger la pratique, qui existe depuis toujours. Pour le moment, l'employeur se trouve à avoir retiré un avantage acquis par négociation. Sur la base du seul principe de préclusion, l'ordonnance devrait avoir pour effet de maintenir la pratique pendant

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Decision Page 15 une période équivalente à la durée de son interruption illégale, c'est-à-dire que celle-ci continuerait pendant la prochaine ronde de négociations et la durée de la prochaine convention collective. Il ne suffit pas de dire qu'il y a eu violation de la convention collective. Les parties amorcent des négociations et, à la suite d’un geste de l'employeur, le statu quo a été changé depuis l'introduction de la circulaire. On ne doit pas laisser l'agent négociateur dans cette situation. L'ordonnance doit aborder la question d'équité. Par conséquent, la pratique devrait être maintenue pendant toute la durée de la prochaine convention collective. On ne devrait pas mettre fin à la pratique avant l'expiration de la prochaine convention collective qui sera négociée. L'employeur a obtenu un avantage en retirant la pratique. Il serait injuste de mettre l'agent négociateur dans la situation de devoir renégocier pour rétablir quelque chose dans la convention collective. C'est à l'employeur que devrait incomber le fardeau de négociation, en ce sens que c'est lui qui devrait soumettre à l'agent négociateur une proposition en vue de modifier la convention collective.

La Commission peut à sa discrétion décider pendant combien de temps le principe de préclusion s'appliquera. La norme veut que ce soit jusqu'à la prochaine ronde de négociations, mais l'affaire qui nous occupe présente une situation exceptionnelle et le principe de préclusion devrait s'appliquer jusqu'après la prochaine ronde de négociations.

Il y avait une pratique et il y a eu des observations de faites durant la dernière ronde de négociations. Si l'employeur n'avait pas donné les garanties qu'il a données, l'agent négociateur aurait peut-être obtenu, par la médiation, le libellé qu'il voulait.

L'avocat demande que l'arbitre déclare que, en publiant la circulaire (pièce A-3, onglet 1), l'employeur a enfreint la clause 25.01 de la convention collective et qu'il ordonne le rétablissement des repas préparés et des logements entretenus sur les navires l'on fournissait normalement ces services, et qu'il ordonne en outre que tous les officiers qui ont été lésés soient indemnisés conformément à la clause 25.02 (qui est l'indemnisation la plus logique). Subsidiairement et en ce qui concerne le principe de préclusion, l'avocat demande que l'arbitre déclare qu'il n'est pas loisible à l'employeur, en raison du principe de préclusion qui s'applique en l'espèce, de publier une directive ou de modifier la pratique de fournir des repas préparés et d'entretenir

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Decision Page 16 les logements d'ici l'expiration de la convention collective subséquente qui entrera en vigueur le 1 er avril 1998. Enfin, il importe de souligner que l'agent négociateur cherche uniquement à faire appliquer la pratique on l'appliquait normalement déjà.

Voici le résumé des arguments présentés par l'avocate de l'employeur. La clause 25.01 ne dit pas un logement entretenu ni des repas préparés. C'est en décembre 1989 que l'employeur a eu pour la première fois besoin d'utiliser la souplesse accordée par la clause 25.01. Durant les négociations, l'employeur ne voulait pas incorporer dans la convention collective un libellé qui limiterait la flexibilité qu'il avait en vertu de la clause 25.01 dans sa forme actuelle et suivant l'application qu'on en avait faite par le passé et qu'on en faisait maintenant. Toutefois, il ne pouvait promettre que les choses n'allaient pas changer. Pendant les négociations de 1991, l'employeur n'a pas donné de garantie comme quoi il ne changerait pas sa pratique. M. Yves Villemaire a témoigné que l'intention était de maintenir le statu quo.

Il importe de signaler que sur certains navires on ne fournissait pas de repas préparés ou de logements entretenus.

La convention collective est claire. Le libellé de la proposition 22 (pièce A-5) n'a pas été incorporé. Certains navires [de classes C et D] n'offrent pas de repas préparés et un logement entretenu. Il n'existe pas de pratique uniforme. Si l'employeur avait incorporé la modification contenue dans la proposition 22, il n'aurait pas été en mesure de remplir ses obligations sur les navires n'ayant pas un effectif suffisant pour servir les repas ou entretenir les logements.

Quant à l'argument voulant que le principe de préclusion s'applique, est le préjudice subi? Lors des négociations, ce qui importait à l'agent négociateur c'était la question de savoir si un repas devait être préparé par un officier ou non. Aucun préjudice n'a été causé du fait de l'adoption de la nouvelle directive. Il faut savoir qu'un officier peut se trouver sur un navire une année et sur un autre l'année suivante, et que la pratique peut exister sur un mais pas sur l'autre. Les employés de la même catégorie ne devraient pas être traités différemment. La directive contenue dans la circulaire (pièce A-3, onglet 1) a été instaurée pour des raisons de coûts. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 17 Jusqu'alors, ce ne sont pas tous les officiers qui bénéficiaient de l'avantage en question. Le grief devrait être rejeté.

S'il est fait droit au grief, le redressement ne devrait s'appliquer que jusqu'à la fin de la présente convention collective.

L'avocate cite la jurisprudence suivante : La Reine du chef du Canada représentée par le Conseil du Trésor, Transports Canada, J.P. Little et R.G. Bell [1984] 1 C.F. 1081; La Reine c. Benoît Charland et autres [1982] 1 C.F. 455; Richard Légaré et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-15018); Reclamation Systems Inc. v. The Honourable Bob Ray et al 27 O.R. (3d) 419.

L'avocat des fonctionnaires réitère que la preuve a clairement établi que l'employeur avait donné des assurances comme quoi il n'avait pas l'intention de modifier la pratique et que c'est en se fiant à ces garanties que l'agent négociateur a retiré sa proposition. En bref, l'agent négociateur s'est fié à la pratique qui avait eu cours pendant toute la durée de la convention collective, ainsi qu'aux assurances formelles qu'on lui avait données durant les négociations.

DÉCISION Il est fait droit au grief pour les motifs suivants. Les termes « repas » et « logement » employés dans la clause 25.01 renferment une ambiguïté latente lorsqu'on les applique dans le présent contexte et cette ambiguïté me permet de considérer la pratique. Cette ambiguïté a eu le mérite d'accorder de la « flexibilité » à l'employeur, pour reprendre l'expression utilisée par l'avocate de l'employeur, par rapport à certains navires. Cependant, cette ambiguïté latente a aussi donné lieu à une pratique qui a eu cours d'une convention collective à l'autre en ce qui concerne la plupart des navires de classe C et supérieure, à savoir que les repas y étaient servis et les logements entretenus.

En me basant sur la preuve, je suis convaincue que sur les navires figurant dans la pièce A-6 (avec les corrections et exceptions convenues) la pratique était que les officiers se faisaient servir leurs repas et qu'on faisait l'entretien quotidien de leur logement. Cette pratique avait cours sur la majorité des navires de classe C ou

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Decision Page 18 supérieure. Environ 76 % des membres de la Guilde bénéficiaient des avantages résultant de cette pratique.

Bien que la pratique ne s'appliquât pas à tous les navires, elle s'appliquait de façon uniforme sur un certain nombre de navires sur lesquels les parties s'entendent. Il y a lieu de signaler que l'existence de cette pratique n'a pas été niée par les témoins de l'employeur. En outre, il faut souligner que l'employeur a admis dans sa réponse au fonctionnaire au premier palier de la procédure de règlement des griefs que ses conditions d'emploi avaient été modifiées en 1995. Par conséquent, je conclus que, pour les navires en litige (pièce A-6), lorsqu'on parle de repas et de logement à la clause 25.01 on veut dire « repas préparés » et « logement entretenu » même si les mots « préparés » et « entretenu » n'y figurent pas comme tels, et que, en conséquence, le fonctionnaire avait droit, en vertu de la convention collective, à l'entretien quotidien de son logement, ce qui était la pratique.

Subsidiairement, je conclus que l'employeur, par ses propres propos à la table de négociation et par sa conduite au cours des cinq années suivantes, a confirmé cette pratique et n'avait donc pas le droit de la modifier sans le consentement de l'agent négociateur.

La déposition des témoins du fonctionnaire était claire et non ambiguë, tandis que le souvenir des témoins de l'employeur sur ce qui s'est passé à la table de négociation était vague et imprécis. D'autre part, le fait que la pratique a continué pendant cinq ans après les négociations ajoute de la crédibilité à la version des faits relatée par les témoins du fonctionnaire, à savoir qu'on leur a assuré à la table de négociation que la situation qui avait existé sous le régime des anciennes conventions collectives allait se poursuivre.

C'est sur la foi de ces assurances que l'agent négociateur a décidé de retirer la proposition 22. Il l'a fait à son propre détriment puisque, en se fiant aux garanties de l'employeur, il a renoncé à son droit de continuer de revendiquer la reformulation de la clause 25.01 et, si nécessaire, de renvoyer l'affaire en médiation et en arbitrage.

Pour ces motifs, il est fait droit au grief. J'ordonne à l'employeur de rétablir, sur les navires cette pratique existait avant l'instauration de la circulaire [pièce A-3] en 1996, la pratique qui avait cours avant cette date. Puisque le fonctionnaire ne parle

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Decision Page 19 pas de « repas préparés » dans le redressement qu'il demande dans son grief, je suppose qu'on ne lui a pas refusé de « repas préparés » et, par conséquent, j'exclus les « repas » de mon ordonnance. J'aurais toutefois été disposée à les inclure si on avait produit des preuves établissant qu'il ne bénéficiait pas de repas préparés. J'ordonne à l'employeur de rétablir la pratique d'ici à ce que les parties conviennent d'une autre solution.

Marguerite-Marie Galipeau, président suppléant

Ottawa, le 18 juillet 1997. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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