Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Réorganisation - Attribution de fonctions - Perte du statut de fonctionnaire exclu - Rétrogradation - Cotisation syndicale - Sanction pécuniaire - Compétence - Revenu Canada a subi une réorganisation en profondeur afin de regrouper ses secteurs Impôt et Douanes et Accise - les fonctionnaires s'estimant lésés ont tous été affectés à de nouveaux postes - ils ont ainsi cessé de remplir des fonctions de gestion, ce qui a eu pour effet de les placer dans l'unité de négociation, et ils ont commencé à payer des cotisations syndicales - la classification des fonctionnaires s'estimant lésés est demeurée au même niveau - les fonctionnaires s'estimant lésés ont soutenu qu'ils avaient été rétrogradés - ils ont en outre prétendu que le versement de cotisations syndicales constituait une sanction pécuniaire - l'employeur a répondu que la classification des fonctionnaires n'avait pas été rabaissée, et qu'on n'avait pas non plus touché à leurs traitements - l'employeur a ajouté qu'il n'y avait aucune connotation punitive au fait de devoir verser des cotisations syndicales - l'arbitre a refusé d'assumer la compétence - il n'y avait aucune preuve indiquant que l'action de l'employeur avait été de nature disciplinaire - l'obligation de verser des cotisations syndicales ne suffit pas à établir l'existence d'une sanction pécuniaire - l'affectation à de nouveaux postes, au même niveau de classification et au même taux de rémunération, n'est pas une rétrogradation au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. Griefs rejetés. Décision citée : Canada (procureur général) c. Laidlaw et autres (1997), 127 F.T.R. 305.

Contenu de la décision

Dossiers : 166-2-27650 à 27661 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE LARRY BROWNE ET AUTRES fonctionnaires s’estimant lésés et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt)

employeur

Devant : P. Chodos, président suppléant Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Larry Browne Pour l’employeur : Robert Jaworski, avocat Affaire entendue à Toronto (Ontario), les 14 et 15 octobre 1997.

DÉCISION Tous les fonctionnaires s'estimant lésés (Larry Browne, Henry Szczesciuk, Ramesh Jain, Allan M. Pertens, Gurjit Sodia, Reid Villett, Kewal Gupta, Mahendi Ladhani) travaillent dans les bureaux de Revenu Canada à Mississauga. À l'exception de M. Gurjit Sodia, un AU-04, les autres fonctionnaires s'estimant lésés sont des AU-03. Les fonctionnaires s'estimant lésés prétendent avoir été rétrogradés ou avoir fait l’objet d’une sanction pécuniaire à la suite de la réorganisation du ministère et du regroupement des secteurs Douanes, Accise et Impôt. L'employeur prétend qu’ils n’ont pas été rétrogradés et qu’ils n'ont fait l’objet d’aucune sanction pécuniaire de telle sorte que leurs griefs ne sont pas arbitrables. La présente décision porte sur les objections formulées par l'employeur à l’égard de la compétence de l’arbitre.

La plupart des faits portant sur la question de la compétence ne sont pas contestés. En 1994, le Parlement a adopté le projet de loi C-2 une Loi visant à modifier la Loi sur le ministère du Revenu national (L.C. 1994, c. 13). Le projet de loi, qui a reçu la sanction royale en mai 1994, prévoyait l’unification des secteurs administratifs de l'Impôt et des Douanes et Accise au ministère du Revenu national. L'adoption de la loi a donné lieu à une réorganisation ministérielle en profondeur qui a touché de nombreux employés, notamment les fonctionnaires s'estimant lésés, du secteur Douanes et Accise et du secteur Impôt. En novembre 1995 ou vers cette date, les fonctionnaires s'estimant lésés ont été avisés qu'ils n'exécuteraient plus les tâches de leur ancien poste de gestionnaire, Unité de vérification, et qu’ils n'assumeraient plus aucune des responsabilités inhérentes à ces postes (dans le cas de M. Sodia, il s’agissait du poste de chef de district, Vérification). On leur a plutôt attribué les fonctions du nouveau poste de vérificateur sur place conseiller technique (dans le cas de M. Sodia, chef d'équipe), ce qui a eu pour effet de les intégrer dans l'unité de négociation.

M. Mahendi Ladhani, l’un des fonctionnaires s'estimant lésés, a déclaré que, à titre de gestionnaire d’une unité de vérification, il supervisait une équipe de vérificateurs à qui, entre autres choses, il attribuait les vérifications à faire; il s’occupait de l'administration générale du programme de vérification au niveau de l'unité; il répondait aux griefs au premier palier de la procédure; il préparait les évaluations de rendement; il s’occupait des questions disciplinaires. En outre, il fixait les objectifs, déterminait les priorités de travail et conseillait son personnel en matière Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 2 de droit fiscal et de procédures et techniques de vérification. À la suite de la réorganisation de novembre 1995, il a cessé d'exécuter ses fonctions de gestion pour s’acquitter plutôt des tâches de vérificateur qui lui avaient été confiées, ce qui l'a amené à travailler avec les membres de l’équipe qu'il supervisait auparavant.

De juillet à novembre 1996, M. Ladhani a eu la possibilité d’occuper à titre intérimaire un nouveau poste de chef d’équipe classifié à un niveau supérieur à celui de son poste d'attache actuel de AU-03. D’après lui, il avait bien plus de responsabilités à titre de gestionnaire d’une unité de vérification qu’à titre de chef d'équipe; par exemple, ce dernier poste ne comporte pas la responsabilité d’instruire des griefs au premier palier de la procédure; de plus, à titre de gestionnaire d’une unité de vérification, il avait le pouvoir d’annuler certaines amendes imposées en vertu de la Loi sur la taxe d'accise alors qu’il n'avait pas ce pouvoir à titre de chef d'équipe. En dépit de ces différences, M. Ladhani a maintenu que le poste de chef d’équipe, dans la nouvelle organisation, était le poste qui se rapprochait le plus de son ancien poste de gestionnaire d’une unité de vérification; toutefois, ce n'est pas présentement son poste d'attache.

M. Ladhani a fait remarquer que ses supérieurs n’ont jamais formulé quelque réserve que ce soit au sujet de son rendement ou de son comportement en tant que gestionnaire d’une unité de vérification. Rien n’empêche qu’il a été dépouillé des tâches et des responsabilités du poste qu'il a obtenu à l'issue de divers concours auxquels il a participé sur une période de 19 ans. À son avis, la perte de son poste de gestionnaire d’une unité de vérification équivaut à une sanction pécuniaire puisque, comme il doit désormais verser des cotisations syndicales, son salaire net est inférieur à celui qu'il gagnait auparavant. De plus, en lui enlevant ses responsabilités de gestionnaire et en l'affectant à des tâches moins névralgiques, l’employeur se trouve, dans les faits, à l’avoir rétrogradé même si sa classification et son salaire sont demeurés les mêmes.

M. Gurgit Sodia a présenté une preuve analogue. Il travaille à Revenu Canada depuis 30 ans et pendant tout ce temps son rendement a toujours été jugé à tout le moins entièrement satisfaisant. En tant qu'ancien chef de district, Vérification, il était responsable, entre autres, du recrutement du personnel, de l'administration de la convention collective, de l'imposition de mesures disciplinaires et de l'approbation

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Décision Page 3 des congés au deuxième palier de gestion. Dans la nouvelle organisation, à titre de chef d'équipe, Vérification, il a beaucoup moins de responsabilités et il a chuté dans la hiérarchie du ministère, bien qu’il soit toujours classifié AU-04 et que son salaire n'ait pas changé. M. Sodia estime que ses anciennes responsabilités de chef de district, Vérification, correspondent davantage à celles du poste actuel de gestionnaire, Vérification, qu’à celles de chef d'équipe, Vérification. Les deux témoins ont établi des comparaisons entre leurs anciennes et leurs nouvelles descriptions de travail pour illustrer les changements qui sont survenus (pièces G-1, G-2).

Au nom des fonctionnaires s'estimant lésés, M. Browne a présenté l’exposé écrit suivant à l'appui des prétentions des fonctionnaires s'estimant lésés :

[Traduction] EXPOSÉ FINAL EN VUE D’ÉTABLIR LA COMPÉTENCE En résumé, Monsieur le président, nous prétendons que nos griefs sont effectivement arbitrables aux termes de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP et des alinéas 11(2)f) ET g) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Nous ne contestons nullement le pouvoir de l'employeur d'attribuer les tâches et de classifier les postes. Nous avons été nommés GUV-CDV du fait de l’exercice de ce pouvoir.

Toutefois, Revenu Canada a établi des critères qui doivent être respectés dans le cas d’une réorganisation importante. Ces procédures sont décrites à la pièce G-6 datée du 10 avril 1996, soit une note de service préparée par Serge Bastien, SMA, Ressources humaines, Revenu Canada.

Nous prétendons que nos postes de GUV-CDV ont continué d’exister à la suite de l’unification administrative; ils ont tout simplement changé de nom pour devenir ceux de CHEF D'ÉQUIPE et de GESTIONNAIRE, VÉRIFICATION.

Les principes du mérite, de l'équité, de l'uniformité et de la transparence VIS-À-VIS CHACUNE DES PERSONNES n'ont pas été respectés, vu que ne possédant pas les compétences voulues nous n’avons pas été affectés à ces postes qui sont fondamentalement les mêmes que les postes de GUV-CDV.

Lors de mon interrogatoire principal, j'ai clairement démontré que nos tâches existent toujours dans la nouvelle organisation, autrement dit, qu'il existe un lien évident entre

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Décision Page 4 le poste de GUV et celui de chef d'équipe ainsi qu’entre le poste de CDV et celui de gestionnaire, Vérification.

Nous croyons que l'employeur n'a pas respecté de façon tangible ses propres critères pour désigner un nouveau poste en ce qui concerne : l’étendue des responsabilités les changements dans les rapports hiérarchiques et les pouvoirs étendus en matière de relations humaines.

Par conséquent, vu l'existence de ce lien évident, comme nous l’avons démontré au moyen des pièces G-4 et G-5... Résumé des tâches et Tâches et pouvoirs comparatifs, nous soutenons que nous avons subi l’équivalent d’une rétrogradation et que l’affectation à des tâches moins névralgiques constitue une mesure disciplinaire de la part de l'employeur. Aux termes de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP, nous avons fait l’objet d’une sanction pécuniaire étant donné que l'employeur nous oblige désormais à verser des cotisations syndicales à l'agent négociateur, ce que nous ne faisions pas avant l’unification administrative parce que nous étions des employés exclus.

L’employeur ne nous ayant donné aucune indication du contraire, nous estimons avoir fait l'objet d'une mesure disciplinaire du fait que nous avons été relevés de toutes nos fonctions ou tâches de gestion qui exigeaient un degré élevé d'honnêteté et d'intégrité et que nous ont été confiées des tâches moins névralgiques. Les lignes directrices en matière disciplinaire sont exposées dans le guide du gestionnaire, chapitre 4, section G, paragraphe 25. Pièce G-8.

De plus, l'organigramme entré en vigueur le 20 novembre 1995 qui a été largement diffusé étayait nos prétentions de rétrogradation. Notre poste d'attache dans la nouvelle organisation aurait été celui de chef d'équipe, dans le cas d’un GUV, et de gestionnaire, Vérification, dans le cas d’un CDV. Nous estimons donc avoir été rétrogradés et avoir par la même occasion fait l’objet d’une sanction pécuniaire. Tous les organigrammes qui ont été établis depuis l’unification administrative indiquent que nous avons chuté dans la hiérarchie, et nous ne sommes plus invités à participer aux réunions de la direction. Nous devons désormais travailler avec des employés que nous supervisions auparavant et dont nous préparions les évaluations de rendement. En ne nous attribuant pas des postes correspondant à notre niveau de titularisation, l’employeur nous envoie clairement le message qu'il était insatisfait de notre rendement. Nous ne savons pas pour quelle raison il agi de la sorte, si ce n’est que notre seul tort est d’avoir appartenu à la direction générale de la TPS de Revenu Canada et que la sanction que nous a valu le fait de ne pas

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Décision Page 5 venir de la direction générale de l'Impôt à Revenu Canada a été une rétrogradation à des tâches moins névralgiques ou à des postes subalternes comportant moins de pouvoirs que nos postes d'attache.

Nous alléguons devant la Commission que l'infraction que nous avons prétendument commise s’est produite indépendamment de notre volonté. La sanction (soit la rétrogradation à des tâches moins névralgiques ou à des postes subalternes comportant moins de pouvoirs) imposée pour cette infraction est trop sévère. En fait, elle ne correspond pas à la sanction à imposer pour ce genre d’infraction d’après le guide du gestionnaire du ministère.

En jouant de cette façon avec nos postes, le ministère cherche à nous faire comprendre que c'est lui qui détient l'autorité; en nous indiquant est notre place, le ministère veut nous faire savoir qu’il peut à loisir faire ce qu’il veut de nos postes, qu’il peut nous confier des responsabilités à titre intérimaire lorsqu’il ne trouve personne d’autre pour occuper un poste par exemple, de façon à graduellement miner chez nous toute volonté de nous battre, croyant ainsi qu'avec le temps nous nous habituerons à ce traitement de faveur et que dans la confusion nous perdrons de vue notre propre réalité.

Certes, la mesure disciplinaire ne nous a pas été signifiée par écrit. Or, l’abondance de la preuve indique qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire et que la sanction est excessive. Par ailleurs, le ministère ne nous a pas fait savoir de la même manière qu’il a annoncé la mesure disciplinaire qu’il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire en affichant un avis au tableau d’affichage précisant que tous les gestionnaires de la TPS avaient été affectés à des tâches moins névralgiques ou s’étaient vus attribuer des postes de subalternes en guise de récompense pour l’excellent travail accompli par le passé. De plus, ce n’est que lorsqu’il a répondu à notre grief que l’employeur a jugé bon de nous dire que nous avions fait du bon travail. Il ne l'a pas reconnu ouvertement devant tout le monde. C'est une autre raison pour laquelle nous croyons avoir fait l’objet d'une mesure disciplinaire puisque l’employeur a sûrement voulu donner l'impression à tout le personnel qu’on s’était occupé du cas des gestionnaires de la TPS qui travaillaient à Toronto Ouest. Dans le secteur privé, lorsqu'un employé perd une partie de ses pouvoirs et qu'il est affecté à des tâches moins névralgiques, c’est indéniablement l’indication d'une rétrogradation. Si le président d'une compagnie perd ses pouvoirs et son autorité et qu'on lui demande d'assumer des tâches moins importantes, il s'agit d'une rétrogradation.

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Décision Page 6 Compte tenu de ce qui précède, nous croyons que l'employeur n’a pas agi de bonne foi et n’a pas respecté les principes de la justice naturelle.

Nous croyons que nous avions le droit d’être sélectionnés pour occuper les postes de chef d'équipe et de gestionnaire, Vérification, suivant le principe des compétences exposé dans l'affaire T-692-96 entre : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET JAMES G LAIDLAW et autres que la Cour fédérale du Canada a été appelée à trancher. On a fait remarquer dans cette décision que même si Revenu Canada avait le pouvoir discrétionnaire de doter les postes comme bon lui semblait à la suite de la réorganisation, ce pouvoir comportait certaines contraintes; il doit être exercé en toute bonne foi et conformément aux principes de la justice naturelle.

Monsieur le président, la Cour a conclu dans ce cas particulier que le poste de chef d'équipe/coordonnateur créé à la suite de la modernisation n'était pas un nouveau poste et que les défendeurs avaient le droit d’y être nommés selon leur mérite.

D’après ce qui précède, Monsieur le président, nous soutenons que vous avez compétence pour instruire nos griefs.

L'avocat de l'employeur a répondu que la question relative à la compétence est assez circonscrite du fait qu'il s’agit de déterminer s'il y a eu une rétrogradation ou une sanction pécuniaire aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP). M e Jaworski a fait remarquer qu'en vertu de l'alinéa 11(2)g) de la LGFP, le terme « rétrogradation » a un sens particulier et que la disposition ne fait pas référence aux tâches mais à la classification. L'avocat de l'employeur a soutenu que les faits n'étayent pas la conclusion que les fonctionnaires s'estimant lésés ont fait l'objet d'une mesure disciplinaire quelconque. L’employeur reconnaît volontiers qu'ils étaient tous des employés compétents. Toutefois, la fusion a nécessité une réorganisation qui a eu pour effet d'éliminer les responsabilités administratives des fonctionnaires s'estimant lésés. M e Jaworski a maintenu que le gouvernement avait le pouvoir de modifier l’organisation, y compris les tâches et les responsabilités de chaque fonctionnaire. Il a fait remarquer que les fonctionnaires s'estimant lésés n’avaient pas changé de classification et que leur salaire n'avait pas été réduit. Il a aussi fait remarquer que les fonctions du poste de chef d'équipe ne se limitent pas à l’administration de la taxe sur les biens et services vu que le titulaire doit également appliquer la Loi de l'impôt sur le Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 7 revenu. Il a fait remarquer que, conformément à la pièce G-7, le chef d'équipe supervise les vérificateurs spécialisés dans les domaines de l'impôt et de la TPS.

L'avocat a aussi soutenu qu'il ne faut pas assimiler le versement de cotisations syndicales à une sanction pécuniaire; l'employeur est lié par les conventions collectives et il doit prélever et remettre les cotisations; ce prélèvement des cotisations syndicales n’a rien à voir avec le droit des fonctionnaires à leur salaire. À l'appui de son argumentation, M e Jaworski a cité la décision d'arbitrage rendue dans l'affaire Bowers (dossier de la Commission 166-26-25013) l'arbitre a conclu qu'il n'avait pas compétence pour se prononcer sur la modification à la baisse de la classification du fonctionnaire s'estimant lésé en l'absence de preuve qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire voilée ou non voilée.

En réponse à l’avocat, M. Browne a fait remarquer que les fonctionnaires s'estimant lésés sont tous des comptables professionnels, qu'ils proviennent du secteur Impôt ou de celui de la TPS/Douanes et Accise. D’après lui, ils assument des fonctions beaucoup plus générales que celles décrites par l'employeur.

Motifs de la décision Le fondement législatif de l'arbitrage des griefs se trouve au paragraphe 92(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, lequel prévoit ce qui suit : 92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

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Décision Page 8 L'alinéa 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit ce qui suit : 11. (2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

[...] f) établir des normes de discipline dans la fonction publique et prescrire les sanctions pécuniaires et autres y compris le licenciement et la suspension, susceptibles d'être appliquées pour manquement à la discipline ou pour inconduite et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces sanctions peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

g) prévoir, pour des raisons autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur des personnes employées dans la fonction publique et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

Il est évident d'après l'examen de la preuve présentée par les fonctionnaires s’estimant lésés et de leur argumentation, qu'aux termes des dispositions susmentionnées, un arbitre n'a pas compétence pour instruire leurs griefs. Premièrement, il n’y a pas un seul élément de preuve que les fonctionnaires s'estimant lésés ont eu un comportement qui aurait justifié l’imposition de mesures disciplinaires ou que l'employeur était insatisfait de leur comportement ou de leur rendement. Au contraire, les fonctionnaires s'estimant lésés ont déclaré que leur rendement avait toujours été jugé entièrement satisfaisant; en fait, rien ne permet de conclure que la décision de réorganiser leurs tâches et responsabilités ait été basée sur des considérations d’ordre disciplinaire. Par conséquent, la condition fondamentale qui permettrait à l’arbitre d’exercer sa compétence aux termes du Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 9 sous-alinéa 92(1)b)(i), c'est-à-dire l’existence d'une « mesure disciplinaire », n'a pas été établie.

De plus, je ne crois pas que l'obligation de verser des cotisations syndicales, à la suite de la perte des responsabilités administratives, constitue en soi une preuve suffisante que les fonctionnaires se sont fait imposer une « sanction pécuniaire » aux termes de l'article 92. Comme l'a fait remarquer M e Jaworski, le prélèvement des cotisations syndicales est une obligation contractuelle faite à l'employeur aux termes de la convention collective; ce n'est en aucune façon une décision unilatérale imposée par l'employeur aux employés. Le Concise Oxford Dictionary, septième édition, définit le terme « sanction » comme étant [traduction] une punition, plus particulièrement le versement d'une somme d'argent à la suite d'une infraction à la loi, à un règlement ou à un contrat (sous peine de congédiement etc.). L’obligation de verser des cotisations syndicales ne comporte aucun élément punitif; de plus, les fonctionnaires jouissent manifestement d’un avantage du fait du versement de ces cotisations, soit celui d’être représentés aux fins de la négociation collective par un agent négociateur accrédité.

Même une lecture rapide de l'alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques indique clairement que les circonstances dans lesquelles se sont retrouvés les fonctionnaires s'estimant lésés ne constituent pas une rétrogradation au sens de ce terme dans la LGFP. Ils ont reconnu que leur classification et leur taux de rémunération étaient demeurées les mêmes. On ne peut donc pas dire qu'ils ont été affectés à un « poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur » aux termes du paragraphe 11(2)g). Il est vrai que dans le secteur privé une diminution substantielle des responsabilités peut être perçue comme un congédiement déguisé, ce qui peut donner lieu à des poursuites en common law; toutefois, pour obtenir gain de cause, les fonctionnaires s'estimant lésés doivent faire valoir qu’ils ont été lésés en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et comme il est indiqué plus haut, ils ne l'ont pas fait.

L'insatisfaction sous-jacente des fonctionnaires s'estimant lésés découle du fait qu'ils croyaient qu'ils auraient obtenir ce qu’ils percevaient comme étant des postes équivalents aux leurs dans la nouvelle organisation, c'est-à-dire les postes de chef d'équipe et de gestionnaire, Vérification (voir les trois derniers paragraphes des observations écrites des fonctionnaires s'estimant lésés). Ces questions, qui

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Décision Page 10 concernent le processus de nomination, échappent clairement à la procédure de grief et d'arbitrage; s'il existe un redressement possible dans le cas de ce genre de questions, celui-ci relève indiscutablement de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et non pas de la LRTFP. En effet, le jugement cité par les fonctionnaires s'estimant lésés (Canada (Procureur général) c. Laidlaw et autres (publié sous (1997), 127 F.T.R. 305), qui a été prononcé à l’issue de la révision judiciaire d'une décision d’un comité d'appel de la Commission de la fonction publique il était question de faits presque identiques à la présente affaire, le démontre clairement.

Je suis frappé par la sincérité des points de vue exprimés par les fonctionnaires s'estimant lésés et leur consternation véritable quant à la façon dont ils estiment avoir été traités à la suite de l’unification. Des réorganisations en profondeur telles que l’unification des secteurs Impôt, Douanes et Accise sont manifestement des exercices difficiles et complexes; toutefois, l'insatisfaction exprimée par les fonctionnaires s'estimant lésés, des fonctionnaires de carrière qui ont indiscutablement donné beaucoup au ministère, devrait préoccuper grandement la haute direction de Revenu Canada. Néanmoins, quel que soit le redressement qui leur soit accessible, il ne relève pas de la procédure d'arbitrage prévue par la LRTFP.

Par conséquent, les présents griefs doivent être rejetés faute de compétence.

P. Chodos, président suppléant

OTTAWA, le 1 er décembre 1997. Traduction certifiée conforme Rod Auger Commission des relations de travail dans la fonction publique

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