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Résumé :

Nomination intérimaire - Indemnité de départ - Vérificateur - neuf semaines avant sa retraite, le fonctionnaire s'estimant lésé a été nommé, de façon intérimaire, à un poste de niveau immédiatement supérieur au niveau de classification de son poste d'attache - l'employeur l'a confirmé par écrit sept semaines avant la retraite - le fonctionnaire s'estimant lésé allègue qu'il avait droit à une indemnité de départ à la retraite calculée sur la base de la rémunération du poste qu'il occupait de façon intérimaire - il prétend que la lettre de l'employeur confirmant la nomination intérimaire est un certificat de nomination aux fins de la convention collective - l'employeur a répondu que le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui était en vigueur à la date de la signature de la convention collective ne prévoyait pas de certificat de nomination pour des nominations intérimaires - l'employeur a prétendu que le certificat de nomination dont parle la convention collective ne peut être que le certificat de nomination pour une période indéterminée sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique - l'arbitre a décidé que la confirmation écrite de l'employeur équivalait à un certificat de nomination aux fins de la convention collective - l'arbitre a souligné que la convention collective ne restreignait pas les certificats de nomination aux nominations à un "poste d'attache". Grief admis.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27675 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE RÉAL P.L. PARENT fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Impôt)

employeur

Devant: Muriel Korngold Wexler, président suppléant Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Lucie Baillairgé, avocate, L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Raymond Piché, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec), le 11 juin 1997.

Decision Page 1 DÉCISION Cette décision porte sur le grief présenté par M. Réal Paul Léo Parent et contestant le montant de l'indemnité accordée par l'employeur suite à son départ à la retraite. M. Parent a dûment renvoyé ce grief à l'arbitrage et il a été entendu à Montréal (Québec) le 11 juin 1997.

Les parties se sont entendus sur les faits et ont soumis en preuve ce qui suit (pièce 3): 1. Le fonctionnaire s'estimant lésé, Réal Parent, a été à l'emploi de la fonction publique au Ministère du Revenu national (Impôt, douanes et accise) à partir du 10 août 1957 jusqu'en mai 1967. Puis, il est revenu à la fonction publique, au même ministère, le 23 octobre 1967 jusqu'au 28 juin 1996, date de sa retraite.

2. M. Parent a été nommé au poste de chef de groupe, AU-3, le 19 décembre 1973, à Revenu Canada, à Montréal. Il a été muté à Laval en 1989 à un poste de même titre et niveau. Par la suite, en raison d'une réorganisation des tâches, son poste a été modifié en celui de conseiller technique de même niveau de classification (AU-3).

3. M. Parent a assumé à plusieurs reprises le poste de coordonnateur d'équipe, AU-4, à Laval, en remplacement temporaire du titulaire du poste. À partir du 22 avril 1996 jusqu'au 2 août 1996, il avait été prévu que M. Parent assumerait de façon intérimaire les tâches de coordonnateur d'équipe, AU-4, à Laval. Une lettre datée du 6 mai 1996 confirme d'ailleurs la nomination intérimaire de M. Parent. Cependant, ce dernier a fait part à son gestionnaire, dans une lettre du 6 juin 1996, qu'il avait l'intention de prendre sa retraite le 28 juin 1996, date de sa dernière journée de travail.

4. M. Parent a reçu la rémunération intérimaire, au niveau AU-4, du 22 avril 1996 jusqu'au moment il a pris sa retraite, le 28 juin 1996.

5. Au moment de sa retraite, M. Parent a reçu une indemnité de départ, selon l'article 24.03 de la convention collective du groupe Vérification, signée le 19 août 1988, qui devait expirer le 4 mai 1990 mais qui a été prolongée subséquemment par législation. Le montant de son indemnité de départ a été déterminé au niveau AU-3, au montant de 31,115.02$.

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Decision Page 2 6. Comme M. Parent a été rémunéré, du 22 avril 1996 jusqu'au 28 juin 1996, au niveau AU-4 (61,141.00$), il allègue que l'indemnité de départ aurait être calculée et payée à ce même niveau et par conséquent, il aurait recevoir approximativement 32,811.02$.

7. L'employeur a répondu à M. Parent qu'il ne pouvait lui accorder l'indemnité de départ au niveau AU-4 parce qu'au moment de sa retraite, il occupait le poste intérimaire depuis approximativement deux mois. C'était seulement dans les cas un employé occupait un poste intérimaire au moment de sa retraite depuis plus de quatre mois qu'il pouvait obtenir une indemnité de départ à ce niveau de poste (intérimaire).

... M. Parent réclame une différence de 1 652 $. En outre, les parties ont présenté trois pièces justificatives avec six documents annexés.

Les clauses applicables au présent litige sont les suivantes (pièce 1): ARTICLE 24 INDEMNITÉ DE DÉPART ... 24.01 Dans les cas suivants et sous réserve de la clause 24.02, l'employé bénéficie d'une indemnité de départ calculée selon son taux de rémunération hebdomadaire.

... d) Retraite (i) Au moment de la retraite, lorsque l'employé a droit à une pension à jouissance immédiate aux termes de la Loi sur la pension de la Fonction publique ou qu'il a droit à une allocation annuelle à jouissance immédiate aux termes de ladite loi,

... une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu, l'indemnité ne devant toutefois pas dépasser vingt-huit (28) semaines de rémunération.

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Decision Page 3 24.03 Le taux de rémunération hebdomadaire dont il est question dans les clauses ci-dessus est le taux de rémunération hebdomadaire auquel l'employé a droit à la date de cessation de son emploi, conformément à la classification qu'indique son certificat de nomination.

27.01 Sauf selon qu'il (sic) est stipulé dans le présent article, les conditions régissant l'application de la rémunération aux employés ne sont pas modifiées par la présente convention.

27.02 L'employé a droit, pour la prestation de ses services, a) à la rémunération indiquée à l'appendice «A» pour la classification du poste auquel il est nommé, si cette classification concorde avec celle qu'indique son certificat de nomination;

ou b) à la rémunération indiquée à l'appendice «A» pour la classification qu'indique son certificat de nomination, si cette classification et celle du poste auquel il est nommé ne concordent pas.

27.07 Lorsque l'employé est tenu par l'employeur d'exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un employé d'un niveau de classification supérieur et qu'il exécute ces fonctions pendant au moins quinze (15) jours de travail consécutifs, il touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s'il avait été nommé à ce niveau supérieur.

La question en litige est de savoir si une lettre datée du 6 mai 1996 signée par M. Michel Gionet, Gestionnaire: Vérification/Vérification particulière, constitue le certificat de nomination mentionné à la clause 24.03 de la convention collective en question.

La lettre du 6 mai 1996 (pièce 3B) se lit comme suit: OBJET: NOMINATION INTÉRIMAIRE No. Poste: 1246-70333 No. Emploi: AU-012

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Decision Page 4 Monsieur, Il me fait plaisir de vous informer que votre nomination à titre intérimaire a été approuvée au poste de AU-04 Coordonnateur d'équipe: Vérification, section Vérification/ Vérification particulière, division Validation et Exécution au bureau des services fiscaux de Laval.

Cette nomination est faite pour une période déterminée qui a débuté le 22 avril 1996 et qui prendra fin le 2 août 1996 à moins que vos services ne soient requis pour une période plus courte.

Votre traitement sera fixé conformément aux Règlements sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique.

Ce poste est bilingue et vous aurez droit à la prime au bilinguisme de $800.00 par année, conformément à la politique sur les langues officielles.

Une description de tâches de ce poste vous sera remise sur demande, par votre coordonnateur d'équipe ou gestionnaire.

J'aimerais vous rappeler, que lors de cette nomination un fonctionnaire doit se conformer aux lignes directrices relatives aux conflits d'intérêts. À cet effet, il doit mentionner à son supérieur tout intérêt de nature commerciale ou financière susceptible d'entrer en conflit avec ses fonctions. Il doit, de plus, lui signaler toute situation dans l'exercice de ses fonctions, des parents ou des amis pourraient être en cause afin que ces cas soient traités par un autre fonctionnaire du ministère.

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

De son côté, l'employeur prétend que cette lettre ne constitue pas un certificat de nomination et que le seul certificat de nomination applicable dans le présent litige est la lettre du 9 avril 1974 (pièce 3A) par l'entremise de laquelle on informe M. Parent qu'il a été promu le 19 décembre 1973 au poste AU-3.

Plaidoiries M e Lucie Baillairgé a plaidé ce qui suit. En vertu de la clause 24.01a) de la convention collective couvrant le groupe Vérification (Code: 204/88), M. Parent avait droit à 28 semaines de rémunération. De plus, la clause 24.03 prévoit le taux de

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Decision Page 5 rémunération hebdomadaire auquel il avait droit à la date de sa cessation d'emploi, conformément à la classification qu'indique son certificat de nomination. Selon M e Baillairgé, la lettre datée du 6 mai 1996 (pièce 3B) annonçant l'approbation de sa nomination à titre intérimaire au poste de AU-04 constitue le certificat de nomination mentionné à la clause 24.03.

M e Baillairgé a ajouté que la clause 24.03 ne précise pas le certificat de nomination dans le poste d'attache. Lorsqu'un(une) fonctionnaire est nommé(e) dans un poste intérimaire, une lettre lui est envoyée à ce sujet. De plus, le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (1993) ne fait aucune différence entre nominations temporaires et permanentes. À ce sujet, M e Baillairgé a renvoyé à l'article 5 du Règlement.

À l'appui de sa plaidoirie, M e Baillairgé a cité les décisions suivantes: Lucas c. Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique [1987] 3 C.F. 354; et Boisclair (dossier de la Commission 166-2-25700).

M e Raymond Piché a plaidé que le rôle d'un arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est d'interpréter la convention collective en tenant compte de l'intention des parties lorsqu'elles l’ont signée. Dans la convention collective en question, on fait référence aux taux de rémunération auxquels un fonctionnaire a droit et sur ce point M e Piché a cité les clauses 27.01 et 27.02. Ainsi, c'est la nomination qui commande le salaire et l'article 27 est le seul autre article dans la convention collective l’on parle de certificat de nomination. La clause 27.07 prévoit la nomination intérimaire. Toutefois, le ministère n'a pas l'autorité de nommer les fonctionnaires à des postes. C'est la Commission de la fonction publique et son Règlement qui l’ont.

Selon M e Piché, le Règlement prévoit deux sortes de nominations: intérimaires et permanentes. Depuis 1967, le principe qui domine les nominations est le mérite. Toutefois, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, avant 1993, ne prévoyait pas de nominations intérimaires. Cependant, la notion de nomination intérimaire a toujours existé et c'était la convention collective qui prévoyait le taux de rémunération et la condition selon laquelle le(la) fonctionnaire devait occuper le poste intérimaire pendant une certaine période. M e Piché a conclu que, si la Loi sur l'emploi dans la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 fonction publique prédatant 1993 ne prévoyait pas de nomination intérimaire, donc il n'y avait pas de certificat de nomination pour les nominations intérimaires effectuées avant cette date.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique en vigueur à partir de 1993 ne prévoit pas de nominations intérimaires (articles 22 et 24). Toutefois, l'article 35 de cette loi stipule que la Commission de la fonction publique peut prendre toute mesure d'ordre réglementaire nécessaire tel que «35.(2)c) régir les nominations intérimaires ... ». Selon M e Piché, cela veut dire que les nominations intérimaires existent en vertu du Règlement et non de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. M e Piché ajoute que l'article 5 du Règlement stipule: NOMINATIONS INTÉRIMAIRES 5. Toute nomination intérimaire est soustraite à l'application:

a) des articles 10 et 21 de la Loi durant la période commençant à la date de sa prise d'effet et se terminant le premier en date des jours suivants:

(i) le jour qui suit de quatre mois la date de prise d'effet de la nomination intérimaire, si la durée initiale de cette nomination est d'au plus quatre mois,

(ii) le jour la prolongation est effectuée, si la durée initiale de la nomination intérimaire est de quatre mois ou moins et que la nomination intérimaire est prolongée au-delà de sa durée initiale de façon qu'elle s'étende sur plus de quatre mois,

(iii) le jour la nomination intérimaire prend fin; b) des paragraphes 29(3), 30(1) et (2) et 39(3) et (4) de la Loi, pendant la durée de la nomination intérimaire.

Toutefois, cet article ne donne qu'un droit d'appel et ne confère pas une nomination.

Selon M e Piché, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et le Règlement ne prévoient rien quant aux modalités des nominations intérimaires et à la nécessité de délivrer un certificat de nomination intérimaire. Donc, lorsque la convention

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Decision Page 7 collective parle de certificat de nomination, c'est celui prévu à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

À l'appui de sa plaidoirie, M e Piché a cité les décisions suivantes: Langlois (décision de la Cour fédérale de première instance, T-291-90, non rapportée; décision rendue le 11 juillet 1991); Sinclair (décision de la Cour d'appel fédérale, A-443-90, non rapportée; décision rendue le 10 décembre 1991); et Ouellette (dossier de la Commission 166-2-22219).

Motifs M. Parent a pris sa retraite le 29 juin 1996. Lorsque son emploi a cessé, il occupait de façon intérimaire le poste de Coordonnateur d'équipe, AU-04, depuis le 22 avril 1996. La convention collective du groupe Vérification était en vigueur lorsqu'il a pris sa retraite.

La question que j'ai à trancher est la suivante: Quel document doit on retenir et considérer comme son certificat de nomination aux fins du calcul de son indemnité de départ de la manière décrite à l'article 24 de la convention collective pertinente?

Lorsque M. Parent a pris sa retraite, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique en vigueur était celle de 1993. Il est illogique et inconcevable de penser que la loi applicable est celle qui était en vigueur en 1988 ou en 1990, lorsque la convention collective a été signée ou prorogée. La loi en vigueur à ces deux dates-là fut amendée en 1993.

Pour commencer, l'article 35 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique fut amendé en 1993 lorsqu'on a prévu que: 35. (1) La Commission peut prendre toute mesure d'ordre réglementaire nécessaire selon elle à l'application de la présente loi.

(2) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), la Commission peut, par règlement

...

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Decision Page 8 c) régir les nominations intérimaires, prévoir la durée maximale de ces nominations ou d'une catégorie de celles-ci ou les soustraire à l'application de tout ou partie de la présente loi.

La Commission de la fonction publique a fait ainsi lorsque, à l'article 5 du Règlement, elle a stipulé que: NOMINATIONS INTÉRIMAIRES 5. Toute nomination intérimaire est soustraite à l'application:

a) des articles 10 et 21 de la Loi durant la période commençant à la date de sa prise d'effet et se terminant le premier en date des jours suivants:

(i) le jour qui suit de quatre mois la date de prise d'effet de la nomination intérimaire, si la durée initiale de cette nomination est d'au plus quatre mois,

(ii) le jour la prolongation est effectuée, si la durée initiale de la nomination intérimaire est de quatre mois ou moins et que la nomination intérimaire est prolongée au-delà de sa durée initiale de façon qu'elle s'étende sur plus de quatre mois,

(iii) le jour la nomination intérimaire prend fin; b) des paragraphes 29(3), 30(1) et (2) et 39(3) et (4) de la Loi, pendant la durée de la nomination intérimaire.

Ainsi, les nominations intérimaires ont été expressément prévues à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et le Règlement. Cette notion de nomination intérimaire existe en droit en vertu de cette loi et de son Règlement. Les décisions citées par les parties, excepté la décision Boisclair (supra), ne sont pas très pertinentes vu qu'elles sont antérieures à 1993 lorsque la Loi et le Règlement furent amendés.

Je souscris au raisonnement de M e Rosemary Vondette Simpson, membre de la Commission, dans la décision Boisclair lorsqu'elle a décidé que la lettre de nomination dans un poste intérimaire équivaut au certificat de nomination prévu à la convention collective. De plus, la clause 24.03 de la convention collective du groupe Vérification ne limite pas ce certificat de nomination au poste d'attache puisque l’expression «au poste d'attache» n’est aucunement mentionnée.

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Decision Page 9 Pour ces raisons, je fais droit au grief de M. Parent. Il a droit à ce que son indemnité soit calculée selon le salaire du poste AU-4 qu'il occupait le 28 juin 1996.

Muriel Korngold Wexler, président suppléant

OTTAWA, le 14 juillet 1997

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