Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Abus de confiance - la fonctionnaire s'estimant lésée, une commis, a été congédiée pour avoir émis un chèque de 2 900 $ à un ami, qui n'y avait pas droit - la fonctionnaire a soutenu qu'elle avait voulu avancer 170 $ sur le prochain chèque de la prestation pour enfant de son ami, mais qu'elle s'était trompée de dossier avec celui d'un autre contribuable, qui avait droit à un remboursement de 2 900 $ - la fonctionnaire a maintenu que, à l'époque pertinente, elle était malade, elle avait une lourde charge de travail et il y avait eu une panne d'ordinateur - elle a en outre fait valoir qu'elle était une bonne employée comptant 15 années de service et elle a en outre signalé les difficultés économiques et le haut taux de chômage qui sévissaient à Terre-Neuve - elle a soutenu que la sanction devrait être réduite - l'employeur a répondu que la version des faits de la fonctionnaire n'était pas plausible et que, une fois qu'elle a été confrontée à sa conduite, elle a tenté de tromper l'employeur - l'arbitre a préféré ne pas accepter la version des faits de la fonctionnaire et a conclu qu'elle n'avait même pas le droit d'émettre une avance sur la prestation pour enfants - l'arbitre a conclu que le congédiement n'était pas inapproprié dans les circonstances et que les circonstances atténuantes invoquées par la fonctionnaire étaient insuffisantes pour justifier la modification de la sanction disciplinaire imposée par l'employeur - l'arbitre a enfin conclu que, à la lumière de la gravité de la faute de conduite de la fonctionnaire, des mesures disciplinaires progressives ne constituaient pas une réponse acceptable. Grief rejeté. Décisions citées : Vasilas (166-2-28149); Amarteifio (166-2-25829); McPhee (166-2-13787); Phillips Cables Ltd. (1974), 6 L.A.C. (2d) 35.

Contenu de la décision

Dossiers : 166-2-27766 166-2-27865

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE DEBBIE RENOUF fonctionnaire s'estimant lésée et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Impôt)

employeur

Devant : Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Michael Tynes, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l'employeur : André Garneau, avocat Affaire entendue à St-John's (Terre-Neuve), le 24 février 1998.

DÉCISION M me Debbie Renouf travaillait pour Revenu Canada à St-John's (Terre-Neuve) comme commis à l'Unité de la prestation pour enfants (UPE). Elle a été suspendue sans rémunération pour une période indéterminée le 19 février 1996, (166-2-27865) puis a été congédiée le 14 mai 1996 (166-2-27766). Elle conteste sa suspension et son congédiement. La lettre de congédiement (pièce E-7) est reproduite ci-dessous :

[Traduction] Le 12 février 1996, vous avez demandé l'émission d'un chèque de prestation pour enfants de 2 988 $ payable à l'ordre d'un client qui n'avait droit à la prestation à ce moment-là.

Quand le coordonnateur de l'équipe vous a interrogée à ce sujet, vous avez nié avoir fait émettre le chèque de même que vous avez refusé d'admettre que le client était un ami.

Lors de rencontres subséquentes avec l'employeur, vous n'avez pas été en mesure d'expliquer de façon satisfaisante le montant du chèque ni les motifs pour lesquels vous en avez demandé l'émission. Nous n'avons donc d'autre choix que de conclure que vous l'avez fait émettre dans le but d'en faire bénéficier un ami.

Par votre comportement, vous avez rompu le lien de confiance qui doit exister entre le Ministère et ses employés. Vous avez contrevenu aux procédures du Ministère, aux lignes directrices concernant les conflits d'intérêts et aux normes de conduite des employés de Revenu Canada.

Le régime fiscal canadien est un régime fondé sur l'observation volontaire et il est primordial que le Ministère maintienne la confiance de la population envers le régime. Des actions comme celles que vous avez commises, minent cette confiance et ne peuvent pas être tolérées. Par conséquent, par les présentes et en vertu du pouvoir dont je suis investi par le sous-ministre de Revenu Canada aux termes de l'alinéa 11 (2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques, vous êtes licenciée à compter de la fermeture des bureaux le 14 mai 1996.

Résumé de la preuve M. Lorne Morris, qui était le coordonnateur de l'unité de la prestation pour enfants au Centre fiscal et le superviseur de M me Debbie Renouf, a déclaré que cette dernière était absente le 15 février 1996. Une des commis de son unité,

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Décision Page 2 M me Jean Ann Ryan (Wescott), a été affectée au bac prioritaire ce jour-là. Elle est tombée sur une copie d'une note de service aller-retour qui avait été renvoyée par le secteur appelé la « caisse » les chèques sont émis manuellement. On y mentionnait qu'une demande de chèque n'avait pas été signée par l'auteur de cette demande. Le formulaire aurait normalement être signé par le commis. Il portait toutefois la signature de M. Gerald Alexander, un coordonnateur qui remplaçait M. Norris qui était absent ce jour-là. M m e Jean Ann Ryan ne savait pas à quel commis remettre la copie. Elle l'a donc apportée à M. Norris qui a reconnu l'écriture de M me Debbie Renouf. Une autre employée du bureau savait que M me Debbie Renouf et M. Robert Lockyer (le nom du destinataire du chèque de 2 988 $, qui était inscrit sur le formulaire) étaient des amis. Elle s'est demandé pourquoi le chèque lui avait été émis. En procédant à une vérification à l'ordinateur, elle a constaté que M. Lockyer recevait des chèques de prestation pour enfants tous les mois et qu'il n'avait pas droit au chèque additionnel. M. Norris a alors téléphoné à M me Renouf chez elle pour lui demander des explications au sujet du chèque. Il ne savait pas à ce moment-là que M. Lockyer et la fonctionnaire s'étaient déjà fréquentés, et celle-ci ne l'a pas mentionné lors de la conversation téléphonique. Plusieurs employés le savaient et ils en ont informé M m e Ryan qui, en retour, l'a dit à M. Norris.

M. Norris a ensuite essayé sans succès de rejoindre M. Lockyer plusieurs fois pour lui dire de ne pas encaisser le chèque. Il se servait d'un téléphone du gouvernement dont le numéro s'affichait. Il ne savait pas si cela avait fait une différence.

M me Jean Ann Ryan (Wescott) a déclaré avoir découvert, après avoir confirmé que M. Lockyer n'avait pas droit au chèque, que la transaction n'avait pas été enregistrée dans le système informatique. Elle a rejoint M. Lockyer dès la première tentative; elle s'est servie d'une ligne téléphonique qui n'affichait pas le numéro du bureau, seule l'inscription « nom confidentiel/numéro confidentiel » apparaissait. Elle lui a dit qu'il devait retourner le chèque parce qu'il n'y avait pas droit. Il a répondu « D'accord ». Le lundi 19 février, elle a appris que le chèque avait été encaissé; elle a donc retenu tous les chèques qui lui étaient adressés jusqu'à ce que la dette soit recouvrée.

M. Norris a déclaré que le chèque n'avait pas été enregistré dans le système Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 3 informatique. Il n'y avait donc aucune preuve de son émission. Le formulaire contenait si peu de renseignements qu'il serait passé inaperçu n'eut été l'intervention des autres employés.

Le chèque de M. Lockyer avait été émis en priorité. Lorsqu'un chèque est émis manuellement pour des raisons urgentes, il doit être signé par un superviseur.

M. Rex Hayward, gestionnaire, T-01, Services à la clientèle, a été informé de la situation par M. Norris durant l'après-midi du 15 février. Il en a fait part à son patron, M. Jim Tobin. Il voulait prendre des dispositions pour que quelqu'un aille chercher le chèque chez M. Lockyer. M. Norris lui a téléphoné le lundi 19 février pour qu'il dirige une réunion à laquelle assisteraient M me Renouf, M. Tobin et lui-même. La réunion, qui s'est déroulée dans une salle de conférence, avait été organisée après que M m e Renouf eut téléphoné à M. Norris pour lui dire qu'elle voulait le rencontrer le lundi 19 février quand elle reviendrait au travail.

Lors de cette réunion, on a demandé à M me Renouf à plusieurs reprises si elle voulait être représentée par son syndicat. Elle a fini par accepter après avoir refusé plusieurs fois. Elle a tenté de justifier l'émission du chèque de M. Lockyer en faisant valoir qu'elle avait voulu lui donner une avance de 170 $, soit le montant de la prestation du mois de mars, et qu'elle comptait apporter les modifications voulues plus tard dans le système pour éviter un paiement en double ce mois-là. Elle s'occupait d'un autre dossier pour lequel elle avait calculé un montant de 2 988 $. Elle prétend s'être trompée et avoir indiqué que cette somme était due à M. Lockyer. Lors de la réunion avec les gestionnaires le 19 février, elle a été incapable de refaire ses calculs en utilisant les imprimés de l'autre dossier. Elle a déclaré que, même si elle savait qu'il était illégal d'émettre un chèque d'avance à M. Lockyer, elle s'était sentie moralement obligée de le faire parce qu'il venait de perdre son emploi et qu'elle savait qu'il avait de gros problèmes d'argent. Elle a reconnu la note de service aller-retour qu'elle a préparée pour demander le chèque. À la fin de la réunion, on lui a remis une lettre de suspension. M. Hayward l'a ramenée chez elle accompagné de M. Tobin et du représentant syndical. Au retour, M. Hayward a tout de suite jeté ses notes sur papier. On a communiqué avec la Division des affaires internes à Ottawa pour lui demander de faire enquête.

M me Greta Murphy, Unité du grand livre général, Traitement des recettes, a Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 4 déclaré que le formulaire de demande de chèque prioritaire pour M. Lockyer qu'elle a reçue n'avait pas été signé par M me Renouf et qu'il manquait certains renseignements. Elle n'a pas reconnu la signature de M. Alexander non plus, mais elle a pu confirmer auprès d'autres employés que c'était bien la sienne. Elle disposait du minimum de renseignements nécessaires pour faire émettre un chèque; c'est pourquoi elle a inscrit le numéro de compte et le nom « M. Lockyer » sur le formulaire pour que l'unité de la prestation pour enfants puisse faire le rapprochement nécessaire. Elle a décidé d'indiquer ces renseignements pour qu'il soit plus facile à l'unité de repérer la demande de double de chèque.

M. Gerald Alexander, aujourd'hui renseignements et des redressements, était superviseur intérimaire le jour en question. Il a signé le formulaire à la demande de M chose en tête à l'époque. Il se souvient précisément de lui avoir dit de bien remplir le formulaire et de le signer. M me Renouf a convenu lors de son témoignage que c'est bien ce qu'il lui avait dit et qu'elle n'avait pas suivi ses instructions.

M. Gerry Brown, directeur du Centre fiscal depuis 1978, a décidé de licencier M me Renouf en s'appuyant sur les rapports et les documents fournis par MM. Norris, Hayward et Tobin ainsi que sur le rapport d'enquête dont il avait reçu une ébauche. D'après lui, M m e Renouf avait contrevenu aux lignes directrices concernant les conflits d'intérêts en traitant le dossier d'un ami. Le témoin s'est reporté aux pièces E-9 et E-10, le Code régissant les conflits d'intérêts et les normes de conduite. Il s'est également reporté à la pièce E-11. Le formulaire utilisé par M m e Renouf n'avait pas été bien rempli de telle sorte qu'il avait été impossible d'entrer les renseignements dans le système.

M. Brown a déclaré que le régime fiscal est fondé sur l'observation volontaire. Il est par conséquent indispensable que la population ait confiance en ce régime, et il faut maintenir cette confiance. Le ministère doit aussi pouvoir être certain que ses employés gèrent bien l'argent des contribuables. Quand une action, comme celle de M m e Renouf, est commise, il y a perte de confiance. Le lien de confiance a été irrémédiablement rompu.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Brown a déclaré que cet incident n'a pas été rendu public et qu'il n'y a pas eu d'accusation criminelle.

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coordonnateur des demandes de m e Renouf, mais il avait autre

Décision Page 5 La fonctionnaire, M me Debbie Renouf, a témoigné en son propre nom. Elle est une commis CR-04 à Revenu Canada depuis 1980.

Elle a expliqué avoir décidé de verser à M. Lockyer une avance de 170 $ sur sa prestation mensuelle pour enfants parce qu'il était sans emploi et éprouvait des difficultés financières. L'avance lui permettrait d'acheter de la nourriture au moins pour lui-même et ses deux fils. Il devait recevoir la pension alimentaire que lui verse son ex-épouse et il allait donc pouvoir se passer du chèque de prestation du mois de mars. M me Renouf pouvait entrer dans le système et le modifier pour qu'il ne reçoive pas le paiement du mois de mars. M. Lockyer et elle s'étaient fréquentés quelque deux ans avant cet incident et ils étaient demeurés bons amis; ils se téléphonaient et se voyaient toutes les semaines.

Elle a fini de remplir le formulaire le lundi 12 février, mais elle avait commencé à le remplir le vendredi précédent. Elle était très occupée. Sa charge de travail était énorme. Elle rentrait d'un stage de formation à Ottawa. Le lundi en question, le système est tombé en panne. En outre, elle ne se sentait pas bien ce matin-là; elle était rentrée chez elle à midi et avait été en congé de maladie le reste de la semaine. Elle avait tout simplement oublié de signer le formulaire (pièce E-2). Ce n'était pas intentionnel. La même matinée, elle avait voulu envoyer un chèque prioritaire au montant de 2 988 $ à un autre client. Il n'était pas destiné à M. Lockyer. Il ne lui est jamais arrivé de commettre une pareille erreur par le passé. Elle a déclaré qu'elle connaissait les règles interdisant de traiter avec des amis et de leur accorder un traitement de faveur. La règle veut que le dossier d'un ami soit confié à un autre commis.

Elle s'est rendue compte qu'il y avait un problème lorsque M. Norris lui a téléphoné à la maison le jeudi 15 février. Apprendre qu'un chèque de 2 988 $ avait été émis à M. Lockyer lui a donné un tel choc qu'elle n'a pas su quoi répondre. Elle ne comprenait pas comment cela avait pu se produire. Elle a vainement essayé de rejoindre M. Lockyer au téléphone pendant les cinq jours suivants. Ce n'est qu'après avoir été suspendue qu'elle a réussi à lui parler; c'est lui qui l'a appelée. Elle a déclaré : « Je crois lui avoir alors expliqué ce qui était arrivé », mais elle n'était pas sûre de l'avoir fait.

Le lundi 19 février, M me Renouf a communiqué avec M. Norris en arrivant au Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 6 travail. Elle voulait lui avouer avoir voulu émettre une avance de 170 $ à M. Lockyer. Elle voulait également voir avec M. Norris comment elle avait pu se tromper de dossier. Elle a été incapable de refaire les calculs dans l'autre dossier pour arriver au chiffre de 2 988 $. Les imprimés d'ordinateur qu'elle a demandés lui ont été fournis. Toutefois, a-t-elle indiqué à l'audience, elle aurait peut-être obtenu un meilleur succès si elle avait fait ses calculs à l'ordinateur. Elle n'a cependant pas demandé d'avoir accès à un ordinateur parce qu'elle croyait que cela lui serait sans doute refusé.

Après avoir été suspendue, M me Renouf a été convoquée par le Royal Newfoundland Constabulary et a fait une déposition. Elle n'a pas fait l'objet d'accusation.

Au cours de l'enquête du ministère, on lui a demandé de se soumettre à un test polygraphique. Elle a d'abord refusé sur les conseils de son avocat. Elle a toutefois changé d'avis dans la semaine qui a suivi. Le test a être reporté parce que le technicien était occupé ailleurs. Enfin, deux mois plus tard, elle est revenue sur sa décision parce que cela retardait l'enquête. Elle voulait que l'affaire se règle parce qu'on lui avait refusé le droit à l'assurance-chômage et qu'elle avait désespérément besoin d'argent. Son unique revenu mensuel provenait d'un chèque de pension alimentaire de 150 $ et d'un chèque de prestation pour enfants de 95 $. Elle a dit à l'enquêteur d'utiliser l'information qu'il possédait déjà et de terminer son rapport.

En juillet 1996, M me Renouf a commencé un cours qu'elle devait terminer au printemps 1998. Elle subsiste grâce à des prêts étudiants qu'elle devra rembourser au complet. Si elle était réintégrée, elle ne tenterait plus jamais d'accorder un traitement de faveur à un ami. Elle a affirmé qu'elle savait qu'elle allait devoir rétablir la confiance qui existait auparavant. Elle accepterait volontiers que son travail soit vérifié et contre-vérifié.

Au cours du contre-interrogatoire, M me Renouf a déclaré qu'elle avait décidé d'aider M. Lockyer à son insu. Elle n'a pas consciemment pris la décision de ne pas signer le formulaire. Elle ne sait pas pourquoi elle ne l'a pas signé. Elle croyait qu'il s'agissait de l'autre dossier quand elle a inscrit les chiffres. Elle a convenu que lorsqu'elle a montré les formulaires à M. Alexander, celui-ci lui a indiqué qu'il manquait des renseignements et lui a demandé de finir de le remplir et de le signer. Elle ne l'a pas fait. À cause de ces omissions, a-t-elle convenu, il a été difficile de

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Décision Page 7 remonter la filière jusqu'à elle et même de savoir envoyer le duplicata pour que la transaction se fasse. Elle n'a pas pu expliquer pourquoi, quand M. Alexander lui a signalé qu'il manquait certains renseignements, elle ne s'est pas rendue compte de son erreur.

Argumentation Le représentant de la fonctionnaire fait valoir que celle-ci a commis une erreur parce qu'elle travaillait à un autre dossier en même temps. Quand l'incident s'est produit, elle ne se sentait pas bien, elle avait une énorme charge de travail et le système informatique était en panne. Le représentant soutient que la peine de congédiement est trop sévère. La fonctionnaire était une excellente employée qui était disposée à recevoir de la formation et à participer à la formation d'autres employés. C'était une bonne employée; elle était fiable, bien renseignée et avait de longs états de service remontant à 1980. Visiblement, son action, si elle est reconnue coupable, n'était pas dans son caractère. C'est une personne gentille qui se préoccupait du sort d'un ami. Elle regrette clairement d'avoir, de sa propre initiative, décidé de donner une avance de 170 $ à M. Lockyer. Elle a admis avoir mal agi à cet égard.

Le représentant de la fonctionnaire a fait aussi remarquer la situation économique difficile et le taux de chômage élevé dans la région.

Le représentant termine son argumentation en faisant valoir que le lien de confiance n'a pas été irrémédiablement rompu. Aucun tort n'a été causé à la réputation de l'employeur et on n'a produit aucune preuve de mauvaise publicité. Les affaires McPhee (166-2-13787) et Amarteifio (166-2-25829) sont invoquées. M. McPhee, qui avait traité la demande de sa femme, a été réintégré; M. Amarteifio, qui a été reconnu coupable de favoritisme, a lui aussi été réintégré.

L'avocat de l'employeur déclare que M me Renouf a fait en sorte qu'un ami reçoive un chèque de presque 3 000 $ auquel il n'avait pas droit. Elle n'est tout simplement pas crédible lorsqu'elle dit qu'il s'agissait d'une erreur. Quand son superviseur l'a convoquée la première fois, elle a nié être au courant de l'affaire ou affirmé ne pas s'en souvenir. Elle savait fort bien qu'elle devait gagner du temps pour trouver un moyen de s'en sortir. Plus tard, elle a trouvé comme explication qu'elle voulait seulement remettre à M. Lockyer une avance de 170 $ qui s'est par la suite

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Décision Page 8 transformée en une avance de 2 988 $. Cela est loin d'être une erreur commise par simple mégarde.

L'avocat soutient qu'il est évident que l'employeur ne peut plus faire confiance à cette employée. Vu qu'elle continue de vouloir le tromper, il n'y a manifestement aucun espoir de réhabilitation.

Décision J'ai étudié l'ensemble de la preuve et des arguments présentés et je suis arrivée à la conclusion suivante.

Premièrement, je conclus que l'explication de la fonctionnaire n'est pas plausible. Elle n'est pas crédible quand elle dit qu'elle n'avait pas l'intention de donner à M. Lockyer le chèque de 2 988 $ destiné à un autre client. Elle a été incapable de démontrer que la somme était due à un autre client. Il est difficile de croire qu'elle a pu accidentellement se tromper de client selon la preuve qui a été produite concernant la façon dont les formulaires ont été remplis. La preuve indique également que la fonctionnaire avait de toute façon l'intention de faire émettre une avance illégale à M. Lockyer. Elle a admis que c'était son intention et elle a également reconnu qu'elle n'avait pas le droit de le faire. Elle n'a toutefois donné cette explication que lorsqu'elle est retournée au travail le 19 février. Un certain nombre de circonstances sont suspectes : elle a commencé à remplir les formulaires de demande de chèque quelques jours avant de les présenter à un superviseur inexpérimenté pendant l'absence de son superviseur habituel, et elle n'a pas bien rempli la demande de chèque et ne l'a pas signée, des omissions qui, normalement, n'auraient pas permis de remonter la filière jusqu'à elle.

N'eut été les démarches de M me Ryan et de ses collègues, qui se sont rendus compte en lisant le nom de M. Lockyer qu'il s'agissait d'un ancien ami de cœur de M m e Renouf, les actions de la fonctionnaire auraient sans doute passé inaperçues. Cette dernière n'aurait pas traiter le dossier d'un ami et elle n'avait pas le droit de prendre la décision de lui faire une avance, ce qui, prétend-elle, est tout ce qu'elle voulait faire.

M me Renouf occupait un poste de confiance qui l'amenait à prendre des décisions relativement à l'argent des contribuables. En prenant des dispositions pour Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 9 qu'une somme d'environ 3 000 $ soit détournée en faveur d'un ami est un acte d'inconduite très grave. À cause de la gravité de cet acte, le congédiement n'est pas une mesure déraisonnable de la part de l'employeur. Pour la même raison, les facteurs atténuants exposés par le représentant de la fonctionnaire ne suffisent pas pour faire du congédiement une mesure non appropriée en l'espèce. Je ne considère pas que des mesures disciplinaires progressives seraient acceptables à cause de la gravité de l'inconduite. Bien que la réintégration et l'imposition de mesures disciplinaires progressives puissent se justifier dans certains cas de vol, j'estime que ce n'est pas une solution appropriée en l'espèce vu la gravité de l'infraction et le fait que la fonctionnaire ne semblait pas pleinement en saisir la gravité, un fait qui milite contre toute possibilité de réhabilitation.

Je suis consciente de la situation de la fonctionnaire et des conséquences économiques que tout cet épisode a pu avoir pour elle, et je sympathise. Je suis également consciente que dans des affaires récentes, notamment la décision dans l'affaire Vasilas (166-2-28149), la réintégration a été considérée comme une mesure appropriée malgré le vol d'un somme d'argent considérable par suite de la falsification des fiches d'heures supplémentaires.

Les circonstances particulières de l'affaire Vasilas, notamment le fait que M. Vasilas n'était pas l'auteur de la combine visant à falsifier les heures supplémentaires et le fait qu'il a été traité différemment d'un autre employé, ne peuvent pas être considérées comme un précédent pour justifier la réintégration dans les cas de vol le montant en cause est beaucoup plus que symbolique.

Les circonstances de l'affaire Amarteifio (supra) sont très différentes. L'arbitre a conclu que les actions du fonctionnaire démontraient qu'il y avait eu manque de jugement plutôt que conflit d'intérêts. D'autres actes mineures d'inconduite avaient été commis, lesquels, d'après l'arbitre, justifiaient l'imposition d'une mesure disciplinaire. Toutefois, les faits de l'affaire McPhee (supra) révèlent que le fonctionnaire avait un excellent potentiel de réhabilitation et que les intérêts de l'employeur, selon la prépondérance des probabilités, seraient harmonisés et servis même s'il était réintégré.

Dans un passage qui reflète assez bien le consensus des arbitres, un arbitre (Phillips Cables Ltd. (1974), 6 L.A.C. (2d) 35 (Adams), pages 37 et 38, a dit ce qui suit :

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Décision Page 10 [Traduction] [….] dans un sens très général, l'honnêteté est la pierre angulaire d'une relation viable entre un employeur et ses employés. Si les employés doivent être surveillés constamment pour s'assurer qu'ils inscrivent honnêtement leurs allées et venues, ou pour s'assurer que des outils, du matériel et de l'équipement coûteux ne sont pas volés, l'entreprise commerciale aura tôt fait de se transformer en établissement pénitencier. En d'autres termes, la bonne foi et l'honnêteté d'un employé est un ingrédient important tant pour la démocratie industrielle que pour l'instauration d'une atmosphère de relations de travail règne un esprit de coopération.

Je souscris à ces commentaires et, dans cette optique, je dois conclure que le lien de confiance entre M me Renouf et son employeur est irrémédiablement rompu et je rejette les griefs contestant la suspension pour une période indéterminée et le congédiement.

Rosemary Vondette Simpson, commissaire

OTTAWA, le 8 juin 1998. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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