Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif non disciplinaire) - Incapacité - Absentéisme - le fonctionnaire s'estimant lésé s'absentait souvent à cause surtout de douleurs au bas du dos - à partir de 1989, l'employeur a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de justifier ses absences au moyen d'un certificat médical - le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié en mars 1996 après avoir été en congé non payé pendant deux ans et demi - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé était incapable d'exécuter les tâches de son poste et que, d'après la preuve médicale, il serait incapable de le faire à l'avenir - l'arbitre a aussi conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était fait offrir un travail de bureau mais qu'il n'avait manifesté aucun intérêt pour ce travail parce qu'il craignait de devoir monter et descendre des escaliers s'il l'acceptait - l'arbitre a été convaincu que l'employeur a fait tous les efforts raisonnables possibles pour composer avec la situation du fonctionnaire s'estimant lésé et que celui-ci a manifesté peu d'intérêt, voire aucun intérêt, pour travailler ailleurs. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27680 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE J. GARY ISFELD fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur Devant: J. Barry Turner, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Derek Dagger, de l’Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Roger Lafrenière, avocat

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba), le 28 mai 1997.

Decision Page 1 DÉCISION M. Gary Isfeld occupait, jusqu’à son licenciement en mars 1996, un poste de préposé à l’armoire à outils (magasinier), classifié au niveau GS-STS-3, à l’escadre 17 de la base des Forces canadiennes (BFC), ministère de la Défense nationale, Winnipeg (Manitoba). Il a contesté son licenciement en présentant le grief que voici : [Traduction] JE CONTESTE LA LETTRE DE LICENCIEMENT DATÉE DU 15 MARS 1996, DOSSIER 6007-14-1(CMDT P.I.), QUE J’AI REÇUE LE 29 MARS 1996.

Voici le texte de la lettre de licenciement en date du 15 mars 1996 signée par le major-général B.C. Horseman, commandant par intérim : [Traduction] Comme vous le savez, le commandant de l’escadre 17 à Winnipeg a recommandé votre licenciement.

La recommandation du commandant de l’escadre est fondée sur votre absence importante et continue du travail, et sur les expertises médicales indiquant que vous êtes physiquement incapable de retourner à votre poste à l’escadre 17. Je crois savoir, en effet, que vous avez confirmé vous-même que vous ne pensiez pas pouvoir reprendre votre ancien emploi.

Après avoir moi-même examiné les circonstances, et après m’être rendu compte qu’on avait fait des efforts raisonnables pour vous trouver un autre emploi pouvant répondre à vos limitations, j’ai décidé d’appuyer la recommandation du commandant d’escadre.

En vertu du pouvoir qui m’est délégué par le sous-ministre de la Défense nationale en vertu de l’alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je vous avise que vous êtes licencié de votre poste dans la fonction publique, décision qui prendra effet le 29 mars 1996.

Je vous informe par ailleurs que vous avez le droit de contester ce licenciement en déposant un grief dans les 25 jours suivant la réception de la présente lettre.

M. Isfeld demande le redressement suivant :

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision [Traduction] MA RÉINTÉGRATION CORRESPOND À MES RESTRICTIONS MÉDICALES; OU

UNE LETTRE ME DÉCLARANT EXCÉDENTAIRE ET UNE OFFRE D’EMPLOI RAISONNABLE DANS UN POSTE CORRESPONDANT À MES RESTRICTIONS MÉDICALES; OU

QU’ON M’OFFRE UN CHOIX DES PROGRAMMES FINANCIERS EXISTANTS LORS DE LA CESSATION D’EMPLOI (PRPC/PERA)

On me demande de décider si la décision de l’employeur était justifiée. L’audience a duré une journée; quatre personnes ont témoigné et vingt-trois pièces ont été produites en preuve.

Résumé de la preuve 1. Le major Allen Augustson a servi dans les Forces canadiennes pendant 31 ans dans de nombreux endroits d’un bout à l’autre du Canada. Il a connu le fonctionnaire s’estimant lésé durant la période de 1982 à 1985 lorsqu’il travaillait à la base à Winnipeg, mais celui-ci ne relevait pas de lui à l’époque. Il est devenu le gestionnaire du fonctionnaire en 1992 lorsque M. Isfeld était préposé à l’armoire à outils (ou magasinier), ses fonctions consistant alors à fournir les outils aux techniciens de l’atelier d’entretien et à réapprovisionner les mécaniciens en produits non durables, en puisant dans les magasins. Il y avait à l’époque entre 60 et 70 personnes à l’atelier qui avaient besoin de l’assistance du fonctionnaire. Le major Augustson a témoigné qu’en 1992 la seule préoccupation qu’il avait concernant le rendement du fonctionnaire était son problème d’assiduité. Il a imposer des sanctions pour s’assurer que toute absence du fonctionnaire était accompagnée d’un certificat du médecin, et toutes ses demandes de congé devaient être approuvées. Selon le témoin, la situation a empiré et est devenue critique à l’été de 1993 lorsque l’assiduité du fonctionnaire est passée de mauvaise à nulle. Le major Augustson a approuvé un congé prolongé, payé au départ puis non payé par la suite. Le fonctionnaire a été informé de ces préoccupations et du fait que le major Augustson allait prendre des mesures administratives quelconques. Le témoin travaillait avec M me Jane Field, agente du personnel civil (APC) à l’époque. Ils ont constitué un dossier d’information documentant l’utilisation que le fonctionnaire

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 2 DANS UN POSTE QUI

Decision Page 3 avait faite de congés de maladie et de congés discrétionnaires (pièce E-1, annexe 1), incluant huit évaluations de rendement, et auquel ils ont joint une lettre-conseil envoyée au fonctionnaire en août 1991 (annexe 2). Le témoin a en outre reconnu une série d’annexes, allant jusqu’à l’annexe 17, qui étaient jointes à la pièce E-1. Il s’est reporté en particulier à l’annexe 10 de la pièce E-1, une ventilation montrant une analyse de l’utilisation de congés discrétionnaires; c’est-à-dire, selon le major Augustson, des congés qui n’étaient pas normalement planifiées. Dans le cas de M. Isfeld, la très grande majorité de ces demandes de congé étaient liées à des fins de semaine ou à des jours fériés. Le major Augustson a signalé que l’annexe 11 expliquait certains des changements de responsabilités que le Ministère était à mettre en œuvre sur la base. Le major Augustson a assumé l’entière responsabilité des changements qui, à l’été de 1993, ont eu pour effet de muter le fonctionnaire de son poste de magasinier à celui d’aide aux gens du métier à l’atelier. Les absences continues du fonctionnaire, selon le major, nuisaient à l’exécution des travaux à l’atelier. Le major Augustson a expliqué que, en juin 1993, il a rencontré le fonctionnaire et son représentant syndical, M. B. Monteith, pour expliquer quels changements on allait apporter aux responsabilités du fonctionnaire à l’atelier. Le fonctionnaire, a-t-il dit, lui a parlé de ses problèmes familiaux et de son état de santé. M. Isfeld lui a dit que ces deux aspects étaient plus importants pour lui que son emploi à l’atelier. Le major Augustson a témoigné qu’il était au courant de certains des troubles de santé avec lesquels M. Isfeld était aux prises; par exemple, il avait de la difficulté à monter et à descendre les escaliers, il avait des maux dans le bas du dos qui l’empêchaient de soulever les objets très lourds, il éprouvait de la difficulté à se pencher. Il a été décidé, de poursuivre le major Augustson, de déplacer M. Isfeld de son poste de magasinier à un poste d’aide aux gens de métier classifié ECE-3. « Nous avons conçu le poste pour qu’il lui convienne en tant que condition de son comportement au travail », de préciser le major Augustson. Ce dernier a ajouté qu’une partie des nouvelles fonctions allaient consister à nettoyer l’atelier et que le fonctionnaire aurait de l’aide pour faire le travail dur puisqu’il disposait d’outils mécaniques pour soulever les objets lourds tandis qu’au magasin il travaillait seul. Tout cela a été expliqué à M. Isfeld.

M e Lafrenière a produit les pièces 12, 13, 14 et 15, non pas pour la véracité de leur contenu mais simplement pour montrer que diverses personnes avaient fourni des documents expliquant les lacunes du fonctionnaire. M. Dagger s’est opposé à la

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision production de cette preuve, qu’il a qualifiée de ouï-dire. M s’agissait effectivement de ouï-dire. J’ai fait savoir que j’y accorderais l’importance qui lui revient dans ma décision.

Le major Augustson a ajouté que les annexes 12 à 15 avaient été écrites après l’entrevue-conseil du 29 juin 1993 avec le fonctionnaire (annexe 17) au cours duquel ce dernier avait été informé que l’APC allait traiter une recommandation de licenciement à cause d’absentéisme. M. Isfeld a donc été alerté que son emploi était menacé à cause de son manque d’assiduité. Le major Augustson a clairement dit qu’à l’entrevue-conseil du 29 juin 1993 le fonctionnaire n’a pas été informé de son licenciement mais du fait que le processus allait être mis en branle. Il a ajouté que si le fonctionnaire avait démissionné à ce moment-là sa démission aurait été acceptée. Le major Augustson a reconnu l’annexe 16, une demande de congé de maladie non payée du fonctionnaire datée du 30 août 1993 et accompagnée de lettres de deux médecins. Le témoin a approuvé la demande lorsqu’il l’a signée le 31 août 1993. À propos de l’annexe 17, le résumé de la rencontre du 29 juin 1993 avec le fonctionnaire et M. Monteith, le major Augustson a témoigné que la recommandation de licenciement initiale n’avait pas été acceptée par l’employeur, mais qu’il avait été décidé qu’une autre expertise médicale s’imposait.

Le major Augustson a reconnu la pièce E-3, une lettre en date du 31 janvier 1994 du D r Lappi, de Santé Camada, indiquant qu’en février 1994 le fonctionnaire commencerait un nouveau traitement qui devrait avoir un effet positif sur sa santé. Le major Augustson a reconnu la pièce E-2 datée du 1 er mars 1994 comme étant un deuxième résumé des antécédents du fonctionnaire auquel était joint la première lettre du D r Lappi concernant ce dernier. Selon le major Augustson, la pièce E-2 était une forte recommandation pour qu’il soit mis fin immédiatement à l’emploi de M. Isfeld. À ce qu’il sache, cette deuxième recommandation n’a pas été acceptée telle quelle. Le major Augustson a reconnu la pièce E-4, une note de service en date du 23 septembre 1993 qu’il a envoyée à l’APC pour lui demander de réévaluer la situation médicale de M. Isfeld. Cette note faisait suite à l’annexe 16, la demande de congé non payé du 30 août 1993. Subséquemment, l’APC à Winnipeg, M. Mark Johnson, a écrit au D r Lappi, en octobre 1993, pour lui demander une autre expertise médicale concernant le fonctionnaire (pièce E-5). Le témoin a reconnu une autre lettre datée d’octobre 1993

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 4 e Lafrenière a reconnu qu’il

Decision Page 5 (pièce E-6) que le Dr Lappi avait envoyée à M. Isfeld pour lui expliquer que l’employeur voulait réévaluer sa situation médicale.

Le major Augustson a reconnu une note de service datée du 10 mars 1994 (pièce E-8) du colonel J.R.B. Proulx, commandant d’escadre, qui recommandait le licenciement de M. Isfeld. Voici la teneur de la pièce E-8 : [Traduction] Conformément à la documentation produite à titre de référence, il est recommandé d’amorcer les mesures nécessaires au licenciement de M. J.G. Isfeld. M. Isfeld est en congé de maladie non payé depuis septembre 1993 et il n’y a aucune indication qu'il a l’intention de retourner au travail ni aucune indication, s’il devait retourner au travail, que son rendement serait autre qu’insatisfaisant.

Le major Augustson a témoigné que le fonctionnaire n’était toujours pas revenu au travail. Le témoin a reconnu une autre lettre du D r Lappi, datée du 25 mars 1994 celle-là (pièce E-9), indiquant que le fonctionnaire avait été incapable de commencer son nouveau programme de traitement. Le major Augustson a affirmé que, en juillet 1994, il a été réaffecté au quartier général du commandement aérien, à Winnipeg, mais que l’APC Johnson et le major Hall ont pris en charge le dossier du fonctionnaire. Jusqu’en juillet 1994, M. Isfeld n’a jamais essayé de retourner au travail. Le témoin ignorait qu’en mars 1994 le fonctionnaire avait présenté une demande d’assurance-invalidité.

En contre-interrogatoire, le représentant du fonctionnaire s’est reporté à l’annexe 9, un résumé des divers codes des congés que le fonctionnaire avait pris au cours des quelques dernières années. À la question de savoir ce qu’il voulait dire par un congé discrétionnaire, le major Augustson a répondu que c’est normalement un congé portant le code 210, dans l’annexe 9, c’est-à-dire un congé de maladie sans certificat médical, mais que dans certains cas le code 220 (congé de maladie avec certificat médical) pouvait être considéré comme discrétionnaire, comme d’ailleurs le code 410 (congé pour obligations familiales). Le code 990 (autres congés non payés) n’inclut pas les congés discrétionnaires. Le major Augustson était d’accord avec M. Dagger que, si un employé était absent pendant un mois entier en congé de maladie, alors cent pour cent de la journée avant ou après une fin de semaine serait en fait lié à une fin de semaine. Lorsque M. Dagger lui a demandé s’il avait vu la pièce G-1, une

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 lettre en date du 22 septembre 1993 que l’APC Jane Field avait envoyée à M. Isfeld, le major Augustson a répondu que oui, il avait vu cette note de service dont le paragraphe 1 dit ce qui suit :

[Traduction] 1. La note de service susmentionnée demande qu’on vous recycle dans un emploi de bureau, ce qui, à votre avis, améliorerait votre état et vous permettrait de continuer de travailler. Pour le moment, notre bureau ne voit aucune possibilité de recyclage. Votre fiche d’assiduité peu enviable est inacceptable et par conséquent le ministère n’est par prêt à investir dans le but de vous préparer à un autre poste dans la fonction publique. Comme vous n’avez pas réussi à établir ni à maintenir une assiduité raisonnable, vous n’êtes pas un employé utile pour l’ERE GME et, compte tenu de votre manque d’engagement à l’égard de votre poste actuel, nous n’avons aucune raison de croire que vous seriez davantage dévoué si vous exerciez des fonctions différentes.

Le major Augustson a reconnu que, lorsqu’il a pris connaissance de la pièce G-1, il avait en main des documents médicaux concernant les troubles de santé du fonctionnaire. À la question de savoir si une personne ayant un tel état de santé devenait un employé inutile, il a répondu : « Non, pas du tout. » Le major Augustson ne souscrivait pas à l’évaluation que M me Field avait faite du fonctionnaire au paragraphe 1 précité parce que, en ce qui concerne l’atelier, il estimait que M. Isfeld était effectivement un employé utile.

Le major Augustson a témoigné que, autant qu’il se souvienne, le poste d’attache STS-3 qu’occupait le fonctionnaire n’a jamais été aboli, même si à l’été de 1993 l’employeur a conçu pour celui-ci un nouveau poste qui était jusque-là désigné comme un ELE-3. Le témoin a reconnu la pièce G-2 datée du 10 juin 1993, une note de service adressée à M. Isfeld qui avait pour effet de rétrograder le poste de STS-3 qu’il occupait au magasin à un poste d’aide aux gens de métier à l’atelier au niveau ELE-2 ou 3. Cette mesure s’inscrivait dans la réduction des effectifs militaires et civils, et constituait le début du regroupement prévu pour la section de l’approvisionnement. Il croit, toutefois, que le fonctionnaire a conservé son niveau STS-3. Lorsque M. Dagger lui a demandé si ce nouveau poste n’allait pas exacerber les problèmes physiques du fonctionnaire, puisqu’il l’obligerait à déplacer des barils d’huile, à soulever des choses et à se déplacer beaucoup, le témoin Augustson a répondu : « Pas du tout. Au magasin il était seul, il devait se pencher, il devait balayer et il devait nettoyer. Dans son

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 nouveau poste, il n’avait pas à monter et à descendre d'escaliers. » Le major a ajouté que, dans son ancien poste au magasin, le fonctionnaire était obligé de rester debout ou assis le plus souvent derrière un comptoir. Le témoin Augustson estimait qu’à la longue ce nouveau poste aurait été mieux pour le fonctionnaire. Il ne se rappelle pas que ce dernier lui ait dit qu’il préférait travailler au magasin. À cause de la réduction des effectifs, le poste de magasinier était maintenant un poste hybride, d’ajouter le major. À la question de savoir si le fonctionnaire lui avait écrit pour lui demander un poste il pourrait s’asseoir, le témoin Augustson a répondu que le fonctionnaire lui avait écrit une note à cet effet. Le major Augustson et ses collègues n’ont pu trouver un autre emploi à l’extérieur de l’escadre 17 pour le fonctionnaire, car il n’avait pas suffisamment de connaissances d’APC, mais il a essayé de lui trouver un poste dans son escadron et dans l’escadre 17, même s’il y avait plus d’emplois de la Défense nationale au Manitoba.

Le major Augustson ne se souvient pas d’avoir rencontrer M. Isfeld avant que ce dernier ait présenté l’annexe 16, c’est-à-dire la demande de congé de maladie non payé datée du 30 août 1993. À propos du résumé des absences du fonctionnaire (pièce E-1) qu’il a préparé de concert avec M me Jane Field, le major Augustson a reconnu que certaines des absences qui y sont mentionnées résultaient d’un accident que le fonctionnaire avait subi sur une ligne de piquetage en 1991 il s’était fait frappé par un véhicule ainsi que d’une blessure sportive. Le témoin ignorait que, à la suite de l’accident de 1991, le fonctionnaire avait pendant un certain temps touché des prestations d’assurance-invalidité. En ce qui concerne l’annexe 17, le major Augustson a précisé que la rencontre du 29 juin 1993 avait principalement pour but de renseigner le fonctionnaire sur ses options à ce moment-là. Ce n’était pas pour le harceler afin qu’il quitte le travail. Personne n’a tenté de faire cela. À l’époque, il estimait que le Ministère avait épuisé toutes ses options pour le fonctionnaire, d’ajouter le témoin, puisqu’en 1993 il n’existait au sein de son organisation civile aucun autre poste que celui-ci aurait pu occuper. Le major Augustson a reconnu une description d’emploi pour le poste d’aide aux gens de métier (pièce G-3), laquelle reflétait à ses yeux fidèlement les tâches que le fonctionnaire était censé exécuter. L’une de ces tâches consistait à nettoyer les véhicules avec un boyau à haute pression afin d’enlever la neige et la boue pour que les mécaniciens puissent les réparer. Selon le major Augustson, le fonctionnaire n’était pas plus obligé de se pencher pour faire ce travail qu’il le faisait lorsqu’il travaillait au magasin. Le fonctionnaire devait également laver

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 8 des voitures et des camions de transport plus petits et, par comparaison, il estimait que son travail était plus facile, même lorsqu’il avait à déplacer des barils comme il le faisait au magasin, puisqu’il disposait d’un chariot à fourche et d’un diable à cette fin. Le major Augustson a ajouté qu’il était plus facile pour le fonctionnaire d’obtenir de l’aide à l’atelier pour exécuter diverses tâches que ce n’était le cas lorsqu’il travaillait au magasin.

En réinterrogatoire, l’avocat a signalé à l’attention du témoin la pièce E-1, l’annexe 16, soit la lettre jointe du D r Chlysta indiquant certaines des restrictions auxquelles le fonctionnaire était astreint. À la question de savoir s’il existait un poste civil pouvant convenir à ces restrictions, le major Augustson a répondu qu’il n’y en avait pas. À propos de l’indication du D r Chlysta comme quoi le fonctionnaire ne devait pas rester assis pendant de longues périodes, le major Augustson a affirmé que même lorsqu’il travaillait au magasin le fonctionnaire devait rester assis pendant un fort pourcentage de son temps.

Au sujet de la pièce G-2 la note de service envoyée à M. Isfeld pour l’aviser que son poste serait reclassifié à la baisse –, à la question de savoir si M. Isfeld s’était opposé à sa rétrogradation, le major Augustson a répondu : « Autant que je me souvienne, non. » Le témoin a ajouté, en se reportant au commentaire de M me Field selon lequel il était impossible de recycler le fonctionnaire (pièce G-1), que dans son atelier il n’y avait pas de poste pour lequel le fonctionnaire aurait pu être recyclé puisque, en fait, on était à réduire les effectifs à l’époque.

2. Le major Hall travaille au ministère de la Défense depuis dix-huit ans et a pris en charge le dossier du fonctionnaire lorsqu’il s’est installé à Winnipeg en juillet 1994. Le major Hall a témoigné qu’on l’avait renseigné sur la situation du fonctionnaire et que le quartier général de l’escadre aérienne attendait une autre expertise médicale concernant celui-ci. Le major Hall a rencontré M. Isfeld pour la première fois au début d’août 1994 avec son représentant syndical lorsqu’il lui a accordé un congé de maladie non payé pour la période de septembre à novembre 1994. M. Isfeld l’a mis au courant de ce qu’il lui était arrivé au cours des dernières années et de ses limitations médicales, et lui a dit qu’il recevait un nouveau traitement et qu’il espérait que cela l’aiderait à se pencher, à s’asseoir et à faire plus de tâches de base. Ils ont discuté de la question de savoir si M. Isfeld pouvait retourner au magasin ou à l’atelier, et le major Hall a dit au fonctionnaire qu’il ferait tout en son possible pour adapter le travail à ses besoins,

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 9 même au magasin. Le témoin Hall a affirmé que le fonctionnaire lui a dit que son état de santé à l’époque l’empêchait de retourner au travail. Le major Hall a reconnu la pièce E-10, une lettre datée du 4 août 1994 que le fonctionnaire a envoyée au directeur des appels et du programme des contrôles pour les pensions d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La dernière phrase, à la page 2 de la pièce E-10, dit ce qui suit :

[Traduction] Par conséquent, vu l’état de mon dos, je ne me vois pas accomplir un travail rémunérateur dans l’avenir immédiat.

À la question de savoir si c’est ce que M. Isfeld lui avait dit en août 1994, le major Hall a répondu : « Oui, c’est ce qu’il m’a expliqué également. » Le témoin a déclaré que le fonctionnaire lui a dit en août qu’il allait être en congé d’invalidité jusqu’à la fin de novembre 1995. À ce moment-là, le témoin a demandé à M. Isfeld s’il pensait pouvoir travailler au bureau de contrôle pour y faire du travail de bureau, ce à quoi le fonctionnaire lui a répondu qu’il ne pouvait rester assis pendant de longues périodes. M. Monteith était aussi présent à la réunion d’août 1994. M e Lafrenière a demandé au major Hall s’il y avait quelque chose que le fonctionnaire aurait pu faire à l’atelier à l’époque. De répondre le témoin : « Non, pas avec les limitations qu’il m’a décrites. » À l’époque, le major Hall croyait que le fonctionnaire allait retourner au travail vers la fin d’août 1994. Le major Hall a reconnu la pièce E-11, une lettre en date du 13 septembre 1994 que l’APC Mark Johnson a envoyée pour demander un nouvel avis médical concernant l’état du fonctionnaire. Le D r Lappi n’a pas répondu à la pièce E-11. Le major Hall a signalé que le fonctionnaire était venu le voir avec une demande de prolongation de son congé non payé pour la période allant du mois de décembre 1994 au mois de février 1995.

Le major Hall a reconnu une autre recommandation de licenciement du fonctionnaire datée du 14 février 1995 (pièce E-12), à laquelle était jointes un certain nombre d’annexes, de lettres et d’expertises médicales qui ont convaincu la direction locale que M. Isfeld ne serait jamais apte à retourner au travail. Le major Hall a reconnu l’annexe 4 de la pièce E-12 datée du 12 août 1994 comme étant un résumé de la réunion qu’il avait eue avec le fonctionnaire et M. Monteith et au cours de laquelle le fonctionnaire avait dit qu’il envisagerait d’être muté à un poste plus sédentaire, mais qu’il n’était pas sûr de pouvoir faire le travail. Le témoin a reconnu l’annexe 5 de la pièce E-12, datée du 21 novembre 1994, dans laquelle il demande une expertise Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 10 médicale à jour concernant l’état de santé du fonctionnaire. Il a affirmé dans l’annexe 5 : [Traduction] « Il est très évident à mes yeux que M. Isfeld n’a nullement l’intention de retourner au travail à l'ERE GEM. » Le major Hall a reconnu l’annexe 10 de la pièce E-12, datée du 5 décembre 1994, comme étant l’expertise médicale soumise par le D r Lappi pour faire le point sur l’état de santé du fonctionnaire. Le major Hall a dit qu’il avait été déçu par les points énumérés par le D r Lappi parce que ce dernier n’a pas mentionné ce que le fonctionnaire pouvait faire et qui lui aurait permis, au major Hall, d’adapter ses conditions de travail à l’atelier. L’annexe 10, d’ajouter le témoin, contredit ce que M. Isfeld lui avait personnellement affirmé en août 1994. En ce qui concerne l’annexe 11 (pièce E-12) en date du 22 décembre 1994, le major Hall a fait remarquer qu’il n’était pas heureux de l’évaluation du D r Lappi, car il estimait que la direction avait fait tout ce qu’elle pouvait pour s’adapter à l’état de santé détérioré du fonctionnaire. Le major Hall a témoigné que, à son avis, le passage du poste de magasinier à celui dans l’atelier allait être un peu plus difficile. Il a reconnu l’annexe 12 de la pièce E-12, datée du 8 février 1995, comme étant une lettre que l’APC Mark Johnson a envoyée au D r Lappi pour lui demander de clarifier ce que le fonctionnaire était capable de faire. Le témoin a ajouté que le fonctionnaire pouvait toujours reprendre son poste de magasinier. M. Isfeld a affirmé qu’il ne pouvait plus accomplir ce travail. L’annexe 13 (pièce E-12) datée du 14 février 1995 envoyée au fonctionnaire était une confirmation de la part de l’APC Johnson que la direction allait donner suite à la recommandation initiale de le licencier. Le major Hall a affirmé que, autant qu’il sache, le D r Lappi ne s’est d’aucune façon opposé à la décision de l’employeur de licencier M. Isfeld.

Dans l’annexe 10 (pièce E-12) en date du 5 décembre 1994, le D cinq points à propos de ce que le fonctionnaire ne pouvait pas faire. Voici la teneur de cette lettre :

[Traduction] J’ai eu l’occasion de voir M. Isfeld le 2 décembre 1994 tel que demandé. Après avoir discuté de ses problèmes de santé actuels, nous avons exploré un certain nombre de solutions possibles qui lui seraient acceptables. Ces solutions éventuelles sont les suivantes :

1. M. Isfeld est actuellement en congé d’invalidité de longue durée. Dans le cadre de son programme d’invalidité de longue durée, il a droit à une aide pour se recycler. Il est disposé à se rendre disponible pour

Commission des relations de travail dans la fonction publique

r Lappi soulève

Decision Page 11 un poste de formation, complété par des études si nécessaire, si en bout de ligne cela signifie qu'il pourra occuper un poste qui n’exigera pas de travail dur.

2. Si un poste convenable, n’exigeant pas de travail dur, est disponible sans recyclage, il est prêt à commencer à travailler dès que les mesures nécessaires pourront être prises.

3. Il serait prêt à essayer des postes exigeant du « travail dur », particulièrement s’il est possible qu’il puisse accomplir le travail à son propre rythme.

4. Il est disposé à accepter une mutation à un autre ministère fédéral s’il est possible de trouver un travail convenable.

5. Il est prêt à accepter une offre de cessation d'emploi liée à la réduction des effectifs.

Je vous suggère d’examiner ces possibilités et si l’une ou plusieurs d’entre elles vous semblent viables, nous devrions les examiner plus en détail.

Si aucune des possibilités susmentionnées ne semble viable, je suis disposé à rencontrer M. Isfeld de nouveau et à discuter en détail avec lui et son médecin de famille de sa description d’emploi comme aide-mécanicien. Je pourrais ensuite vous soumettre une liste des tâches qui m’apparaissent problématiques. Il s’agirait ensuite de déterminer s’il est capable d’accomplir un pourcentage suffisant des tâches énumérées pour que son retour à un travail modifié constitue une option réalisable dans la pratique pour votre ministère ou pour M. Isfeld. Je propose que nous explorions cette possibilité si aucune des suggestions susmentionnées n’est réalisable.

Dans l’attente de votre réponse... À propos du premier point, le major Hall a précisé que le fonctionnaire ne pouvait occuper la majorité des postes de son atelier parce qu’ils comportaient tous beaucoup de travail physique. Il avait peu de souplesse, a-t-il ajouté, parce que le fonctionnaire ne pouvait rester assis pendant de longues périodes, que le poste de magasinier exigeait du titulaire qu’il attende du travail environ 40 % du temps et que 60 % du temps il travaillait à son rythme à commander du matériel et d’autres articles. Pour ce qui est du point numéro quatre, il n’était au courant d’aucun autre ministère qui aurait pu avoir un poste convenable pour le fonctionnaire. Enfin, il n’était pas possible de faire à M. Isfeld une offre de cessation d’emploi liée à la réduction des effectifs puisque son poste de magasinier existait toujours en 1994. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 12 Le major Hall a reconnu la pièce E-13, la lettre de licenciement proprement dite du fonctionnaire datée du 15 mars 1996, et il ne pouvait expliquer pourquoi il s’était écoulée plus d’un an entre la recommandation de licencier M. Isfeld qui avait été formulée le 14 février 1995 (pièce E-12) et son exécution comme telle. Le major Hall a reconnu une lettre que lui avait envoyée le fonctionnaire en septembre 1995 (pièce E-14) expliquant certaines des limitations qu’il avait concernant son emploi continu, lesquelles semblaient coïncider avec les renseignements médicaux que le témoin avait en main à l’époque. En ce qui concerne la recherche d’un autre emploi pour le fonctionnaire, le major Hall a expliqué que, même si l’escadre réduisait ses effectifs, l’APC Johnson avait examiné huit à dix autres postes pour voir s’ils convenaient au fonctionnaire (pièce E-15). Ils étaient soit au-delà de ses capacités ou visés par les réductions. Le major Hall a reconnu la réponse de l’employeur à la lettre de M. Isfeld en date du 27 septembre 1995 (pièce E-14) ainsi qu’une note de l’APC Johnson, datée du 9 novembre 1995 (pièce E-16), précisant que, si le fonctionnaire voulait retourner à son ancien poste à titre de préposé à l’armoire à outils (magasinier), le poste était toujours libre, mais que l’employeur allait donner suite à la recommandation initiale de licenciement. Le major Hall n’était au courant d’aucune expertise médicale que l’employeur aurait reçue indiquant que le fonctionnaire pouvait reprendre les fonctions de son poste d’attache.

En contre-interrogatoire, le major Hall a déclaré avoir offert au fonctionnaire un emploi dans le bureau en août 1994 pour l’aider à s’adapter jusqu’à ce qu’il soit rétabli, mais il n’a pas documenté cette offre. Il n’y avait pas d’escalier menant au bureau qu’il avait à l’esprit, a-t-il dit. Le témoin a ajouté qu’en août 1994 il avait dit au fonctionnaire que son poste de magasinier était toujours et qu’il pouvait y retourner s’il le souhaitait. À la question de savoir s’il avait dit à M. Isfeld qu’il aurait à exécuter des tâches à l’atelier et au magasin, le major Hall a répondu : « Non, monsieur. » Le fonctionnaire lui a dit qu’il ne pensait pouvoir faire aucun travail. Il n’a jamais été question de placer le fonctionnaire en congé non rémunéré pour une période indéfinie. Les restrictions formulées par le D r Lappi ont été examinées, de poursuivre le témoin, mais il était impossible pour l’employeur de s’y adapter dans son lieu de travail. Le témoin a ajouté que même si le fonctionnaire touchait toujours des prestations d’assurance-invalidité en novembre 1995 il devait tout de même revenir présenter une demande de congé non payé. Le fonctionnaire ne cessait de lui dire que son état se détériorait et qu’il ne pouvait rien faire. Le major Hall a signalé qu’il n’avait pas

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 13 examiné avec M. Isfeld la liste des postes pour lesquels on aurait pu envisager sa candidature (pièce E-15).

En réinterrogatoire, par rapport à la liste des postes qu’aurait pu occuper le fonctionnaire (pièce E-15), le major Hall a fait remarquer qu’il ne lui revenait pas d’offrir aucun de ces postes au fonctionnaire, surtout que pour certains d’entre eux il n’y avait pas de vacance de toute façon. Aussi, a-t-il ajouté, certains des postes figurant sur la liste par exemple, conduire un véhicule ne convenaient pas au fonctionnaire à cause de ses restrictions médicales, car il ne pouvait pas demeurer assis longtemps.

3. Le D r V. Lappi, un médecin expert en hygiène professionnelle à Santé Canada, connaît très bien les antécédents médicaux du fonctionnaire s’estimant lésé. Il travaille à Santé Canada, à Winnipeg, depuis 1993. Le D r Lappi a témoigné qu’il avait fait une première expertise médicale complète concernant le fonctionnaire le 27 janvier 1994 et une mise à jour le 2 décembre 1994. Il avait reçu de nombreuses autres expertises médicales au sujet du fonctionnaire des D rs Erenberg, D. Chlysta, W. Chlysta, Rothova et Pearson, ainsi que du médecin de famille du fonctionnaire à qui il a parlé mais qui ne lui a pas remis de rapport. Le D r Lappi a conclu que le pronostic de retour au travail du fonctionnaire en décembre 1994 n’était « pas positif ». De plus, le D r Lappi a lu le paragraphe 1 qui suit de ses notes sur l’évolution de l’état de santé professionnel du fonctionnaire (pièce E-18) :

[Traduction] Pas intéressé à retourner travailler. En congé d’invalidité de longue durée depuis un an. La Sun Life est prête à le recycler. Le syndicat appuie l’intérêt [du fonctionnaire] à obtenir un autre travail. De plus, il est incapable de faire du travail physique. Aimerait se recycler en vue d’occuper un emploi de bureau.

Le D r Lappi a ajouté que, en général, la probabilité que les personnes qui sont absentes du travail pendant plus d’un an retournent au travail est d’environ 25 %, tandis que dans le cas des personnes qui sont absentes pendant deux ans cette probabilité chute à seulement 2 ou 3 %. Selon le D r Lappi, M. Isfeld souffrait de douleurs lombaires de nature mécanique, un mal de dos mécanique sans indication de complications neurologiques. Le fonctionnaire, a-t-il ajouté, fait aussi de l’embonpoint et souffre de dépression clinique. Le D r Lappi a affirmé qu’il était au courant des problèmes d’assiduité du fonctionnaire à son poste de magasinier, et du fait que celui-ci avait été

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 14 jugé admissible à des prestations d’invalidité de longue durée et qu’il pourrait peut-être obtenir de la formation par l’intermédiaire de la Sun Life. Le D r Lappi ignorait si le fonctionnaire avait demandé à être recyclé. Il a témoigné que M. Isfeld aurait eu besoin de nombreuses restrictions et qu’il lui fallait acquérir progressivement une meilleure forme et devenir plus confiant en lui-même avant de pouvoir retourner au travail. Le fonctionnaire, a-t-il ajouté, lui avait dit qu’il cherchait d’autres débouchés. Le D r Lappi a écrit l’annexe 10 de la pièce E-12 afin de donner la chance à M. Isfeld d’aller travailler ailleurs, mais pas nécessairement à la Défense nationale. Le D r Lappi a conclu que toutes les expertises médicales qui avaient été faites au sujet des capacités du fonctionnaire allaient dans le même sens. Il a parlé au D r Rothova en février 1995 lorsqu’elle s’est dite préoccupée par le licenciement imminent du fonctionnaire. À ce moment-là, de souligner le D r Lappi, le pronostic pour M. Isfeld n’était « pas bon ». En contre-interrogatoire, le D r Lappi a dit qu’il ne pensait pas que le ministère de la Défense lui ait jamais demandé de fournir quelque traitement que ce soit de conditionnement au travail. En gros, de commenter le témoin, l’objectif du fonctionnaire était de retourner à un poste qui n’exigeait pas qu’il soulève des objets lourds.

En réinterrogatoire, le D r Lappi a précisé que les propositions ou recommandations qu’il avait formulées concernant le fonctionnaire en décembre 1994 avaient été discutées avec ce dernier. L’APC avait besoin d’une évaluation du fonctionnaire de toute urgence, mais il n’était pas sûr si un licenciement était imminent lorsqu’on lui a demandé une expertise médicale finale. En examinant de plus près la pièce E-11, la lettre en date du 13 septembre 1994 que l’APC lui avait envoyée, le D r Lappi s’est rendu compte que le licenciement y était mentionné et qu’il avait savoir à l’époque qu’il était imminent. À la question de savoir s’il savait que le fonctionnaire avait tenté de retourner au travail en décembre 1994, le D r Lappi a répondu : « Pour autant que je sache, non. » Le D r Lappi a reconnu une lettre datée du 8 décembre 1993 que lui a envoyée le D r D. Chlysta et qui reconfirme certaines des restrictions du fonctionnaire, notamment son incapacité à lever tout objet lourd, à pousser, à tirer, à rester assis pendant longtemps, à demeurer debout ou à marcher (pièce E-19).

4. M. Gary Isfeld a été nommé à un poste d’une durée indéterminée en 1985. Il travaillait essentiellement à l’armoire à outils et au magasin, il commandait des

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 15 produits non durables, assurait le contrôle des outils, s’occupait des barils de 45 gallons et remettait les outils. Pendant de nombreuses années, 80 % de ses problèmes étaient liés aux migraines. M. Isfeld a déclaré que c’est vers 1989 qu’on lui a demandé pour la première fois de produire un certificat médical pour un congé de maladie afin de montrer qu’il ne s’absentait pas pour le simple plaisir de le faire. Il a relaté certains des incidents le mettant en cause qui avaient nécessité une intervention médicale; par exemple, un accident subi durant la grève de la fonction publique en septembre 1991. M. Isfeld croit qu’il est passé pour la première fois du magasin à l’atelier en mai 1993. Il a témoigné que, lorsqu’il a été décidé qu’il serait déplacé du magasin à l’atelier, le major Augustson lui a expliqué qu’il agissait ainsi pour protéger son poste, car le poste de magasinier était aboli par Ottawa (voir la pièce G-2). Le major Augustson ne lui a jamais dit qu’il faisait cela à cause de ses maux de dos ou de ses migraines. M. Isfeld a ajouté que, en juillet 1993, il était en congé pour le soin et l'éducation d’enfants d’âge préscolaire et que, à l’époque, il avait six enfants dont le plus jeune avait quatre ans. Lorsqu’on lui a demandé de décrire ce qu’il faisait dans son nouveau poste ELE à l’atelier, M. Isfeld a expliqué qu’il lavait les véhicules tels que les transports de troupes blindés (TTB), ce qui l’obligeait à monter un escalier, qu'il remplissait les barils de 45 gallons et qu’il ramassait les bacs d’huile. De temps à autre, il pouvait obtenir de l’aide dans son travail. M. Isfeld a fait remarquer que ce nouvel emploi était plus exigeant physiquement que le précédent en ce sens qu’il était debout plus longtemps.

M. Isfeld a affirmé que ses évaluations de rendement avaient été satisfaisantes au fil des ans, mais qu’il avait des problèmes d’assiduité. Une semaine après avoir commencé ses nouvelles fonctions il avait beaucoup de douleur et il est allé voir le major Augustson, le 29 août 1993, afin de discuter de la possibilité de faire un travail moins ardu, mais celui-ci a refusé. Il a demandé à retourner à son poste au magasin, mais le major Augustson lui a répondu que ce poste avait été aboli et qu’il n’avait plus maintenant que deux options : démissionner ou prendre un congé d’invalidité. Le lendemain, le fonctionnaire a écrit l’annexe 16 de la pièce E-1 et il a présenté sa demande d’assurance-invalidité à la Sun Life, qui a autorisé le versement de prestations d’invalidité pour la période du 1 er septembre 1993 au 30 novembre 1995. La dernière fois qu’il a été au travail fut le 30 août 1993. Pendant qu’il était en congé d’invalidité, il a reçu divers traitements d’un chiropraticien et a fait d’autres exercices de réadaptation; il a aussi eu un rendez-vous au Back Institute. Il a tenté d’obtenir du

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 16 recyclage par lui-même et par l’entremise de la Sun Life, mais il n’a reçu aucune aide financière. À l’été de 1994, le fonctionnaire a rencontré le major Hall, qui s’est dit préoccupé par le fait qu'il avait été absent du travail pendant si longtemps à ce moment-là. Le major Hall lui a dit que son poste au magasin existait toujours, mais que les fonctions de celui-ci avaient changé avec la réduction des effectifs et la réorganisation. Il lui faudrait travailler à l’atelier aussi bien qu’au magasin si nécessaire. M. Isfeld a dit au major Hall qu’il avait de la difficulté à marcher, ce à quoi le major a répondu qu’il était aussi bien de ne pas retourner au travail. Le fonctionnaire a témoigné avoir dit au major Hall, en août 1994, qu’il voulait essayer de reprendre son travail au magasin, mais le major a répondu que cela n’était pas possible. Jamais on ne lui a offert de travail de bureau, d’ajouter le fonctionnaire, mais le major Hall lui a dit qu’il y avait un emploi de commis pour lui mais qu’il lui fallait monter deux escaliers; or il avait de la difficulté à monter les escaliers. Au bureau de contrôle il n’y avait pas d’escalier, mais on ne lui a jamais offert de poste là. M. Isfeld a témoigné que la Sun Life l’a informé que ses prestations d’assurance-invalidité prendraient fin en novembre 1995 et qu’il lui faudrait alors présenter une demande au RPC puisqu’il n’était pas totalement invalide. Le RPC lui a répondu (pièce E-10) qu’il n’était pas admissible à une pension parce qu’il pouvait accomplir un travail de bureau. M. Isfeld était d’accord.

En ce qui concerne la liste des postes que l’APC Johnson pensait qu’il pourrait peut-être occuper (pièce E-15), M. Isfeld a dit que la question n’avait jamais été discutée avec lui, pas plus que le Ministère ne lui avait jamais dit qu’il pourrait être muté. Lors de son licenciement, a-t-il expliqué, il aurait honnêtement tenté de faire un travail de bureau, car à ce moment-là il faisait des étirements et de la natation, et « se laissait guider par la douleur ». Il ne pensait pas qu’il y avait du travail qu’il pouvait faire maintenant à l’escadre 17 à Winnipeg. À propos de la pièce G-3, la description du poste d’aide aux gens de métier (ELE-3) qu’il a signée le 22 juin 1993, le fonctionnaire estimait qu’il y avait des tâches qu’il n’aurait pas pu exécuter et d’autres qu’il avait accomplies au magasin.

Lorsqu’on l’a contre-interrogé au sujet de l’annexe 16 de la pièce E-1, M. Isfeld a déclaré qu’il s’inscrivait en faux contre la version des faits du major Augustson, en ce sens qu’il voulait retourner à son poste au magasin. Il a reconnu qu’il ne l’avait pas signalé dans l’annexe 16 le 30 août 1993 parce que ce n’était qu’une demande verbale et qu’on lui avait dit que le poste n’existait plus. À la question de savoir si, le 30 août 1993, il avait demandé à ravoir son poste au magasin, M. Isfeld a répondu par la

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 17 négative. Il voulait un travail de bureau puisque c’était le seul travail qu’il pouvait faire. Il a reconnu qu’à l’époque sa situation ne s’améliorait pas. M. Isfeld a dit que lorsqu’il a rencontré le major Hall en août 1994 ce dernier lui a dit que son ancien emploi n’avait jamais changé. Il en doutait car on lui avait dit que l’ancien poste avait maintenant de nouvelles fonctions. M. Monteith, son représentant syndical, l’accompagnait à la réunion avec le major Hall. Durant sa deuxième réunion avec le major Hall, M. Isfeld a demandé à retourner à son poste de magasinier (préposé à l’armoire à outils), mais on lui a dit que le poste réunissait maintenant les fonctions de deux emplois. Le major Hall a refusé de le laisser y retourner. M. Isfeld a discuté d’un emploi de bureau avec le major Hall qui, a-t-il reconnu, cherchait à le faire retourner au travail, mais il ne s’est pas enquis davantage de l’emploi de bureau parce qu’il a supposé qu’il aurait à monter des escaliers et à marcher beaucoup. Il a dit au major Hall qu’il ne pouvait pas faire cela. Le fonctionnaire a expliqué qu’après sa rencontre d’août 1994 avec le major Hall, il avait travaillé à améliorer sa santé jusqu’en décembre 1994, mais qu’il n’avait pas téléphoné à son employeur pendant cette période. À la fin de 1994 il a vu le D r Lappi, qui était au courant de son possible licenciement. Le fonctionnaire a témoigné au sujet de l’annexe 10 de la pièce E-12, soit la lettre du D r Lappi décrivant les diverses limitations qu’il aurait s’il retournait au travail. M. Isfeld a dit que le D r Lappi lui avait demandé de considérer ces possibilités si la Base lui faisait par écrit une offre d’emploi qui n’incluait pas de travail dur. M. Isfeld a répondu au D r Lappi qu’il essaierait d’accepter les options qui s’offriraient à lui, mais qu’il était en congé d’invalidité jusqu’en décembre 1995.

M. Isfeld a reconnu une lettre du D r Rothova datée du 15 avril 1996 (pièce E-20) indiquant que le pronostic pour son rétablissement n’avait pas changé au cours des trois dernières années. Voici le texte de cette lettre :

[Traduction] M. Isfeld souffre de lombalgie chronique secondaire à une arthrose ménisco-somatique lombaire, de déconditionnement chronique et d’obésité.

Actuellement il est incapable d’exercer les fonctions de son ancien emploi et peut exécuter des tâches légères; ce qui inclut rester assis pendant au moins 60 % de la journée, transporter ou soulever au plus 10 livres à la hauteur de la taille, se pencher et se mouvoir à des intervalles peu fréquents pour modifier la position du corps pendant le travail.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 18 Le pronostic pour l’état de M. Isfeld est mauvais et les restrictions professionnelles devraient être considérées comme permanentes.

En ce qui concerne la liste des postes que M. Johnson a envisagés pour le fonctionnaire (pièce E-15), ce dernier a affirmé ne l’avoir jamais vue. Lorsque M e Lafrenière lui a demandé s’il avait reçu la pièce E-16, c’est-à-dire la lettre de l’APC en date de novembre 1995 l’informant du fait que le poste de magasinier n’avait pas été aboli, M. Isfeld a répondu : « Oui, maintenant je me rappelle avoir reçu cette lettre. » À la question de savoir s'il s'était enquis des efforts que l'employeur avait faits pour lui, le fonctionnaire a répondu qu'il avait demandé ce qui avait été fait et que M. Johnson lui avait dit qu'ils avaient effectué quelques vérifications pour divers postes. Il n'a pas demandé à M. Johnson de clarifier ce que cela voulait dire. M e Lafrenière a demandé à M. Isfeld s'il avait songé à reprendre son ancien poste au magasin, et celui-ci a répondu qu'il avait en main un document du major Augustson indiquant que son poste avait en fait été aboli. Il a remis ce document au major Hall et à l'APC Johnson et n'a plus jamais entendu parler d'eux. M. Isfeld n'a pas répondu à la pièce E-16, la lettre de l'APC concernant son ancien poste de magasinier. Se référant à la pièce E-18, les notes du D r Lappi sur l'évolution de l'état de santé professionnel de M. Isfeld, l'avocat a demandé à ce dernier s'il avait jamais dit au D r Lappi qu'il n'était pas intéressé à retourner à son ancien poste, ce à quoi le fonctionnaire a répondu : « Oui, je lui ai dit, mais pas exactement dans ces termes. » À la question de savoir s'il avait obtenu une expertise médicale récente concernant sa capacité de travailler maintenant, M. Isfeld a répondu par la négative.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 19 Argumentation de l'employeur Selon M e Lafrenière, il y a peu de points en litige ici, si ce n'est une certaine confusion entre les témoignages du major Augustson et du fonctionnaire s'estimant lésé. L'avocat me rappelle l'entretien que le fonctionnaire et le major Augustson ont eu le 30 août 1993 et au cours duquel le fonctionnaire dit avoir soulevé la question de sa santé et fait savoir qu'il souhaitait ravoir son poste de magasinier. Le major Augustson ne se souvient pas de cette discussion. L'avocat me renvoie à la pièce E-1, annexe 16, que le fonctionnaire a écrite le 30 août 1993 et dans laquelle il ne mentionne aucunement le fait qu'il voulait retourner à son poste au magasin, ce qui est très révélateur selon lui.

L'avocat me rappelle que le fonctionnaire était absent du travail depuis plus de deux ans et qu'il n'a fait aucune tentative en vue de retourner à son poste durant cette période. En fait, M. Isfeld a témoigné avoir dit au D r Lappi, en décembre 1994, qu'il examinait diverses options parce qu'il savait qu'il pouvait être licencié. Même s'il était toujours en congé d'invalidité, il commençait à tenter de stopper l'inévitable. L'avocat soutient que l'employeur a le devoir de ne pas réintégrer un employé dans un emploi celui-ci risque de se blesser.

M e Lafrenière me rappelle l'entretien qu'ont eu en août 1994 le major Hall et M. Isfeld concernant un emploi de bureau, et fait remarquer qu'il y a deux versions différentes de cette discussion mais que celle de l'employeur colle mieux aux faits. En ce qui concerne la modification des responsabilités pour le poste fusionné de magasinier/aide aux gens de métier qui a suivi la réorganisation et la réduction des effectifs à l'escadre 17, M e Lafrenière soutient qu'il incombait aussi au fonctionnaire d'avancer un plan montrant qu'il pouvait exercer ces nouvelles fonctions, et que l'employeur n'était pas seul à devoir s'adapter à la situation. L'avocat fait remarquer que, après avoir examiné attentivement les pièces E-1 et E-2, il est clair que l'employeur n'a pas précipité la décision de licencier le fonctionnaire puisqu'il a attendu de 1993 à 1996 avant de prendre sa décision finale. Pendant toute cette période le fonctionnaire était au courant de ce qui se passait. M e Lafrenière me rappelle que j’ai en main tous les renseignements médicaux voulus et que l’employeur s’est acquitté de son devoir d’agir de façon raisonnable en examinant les perspectives professionnelles de M. Isfeld pour l’avenir prévisible. L’avocat me renvoie à la décision rendue par la Cour fédérale du Canada (Section de première instance) dans Guibord (dossier de la Cour T-111-96), ainsi

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 20 qu’aux décisions rendues par la Commission dans les affaires McCormick (dossier 166-2-26274) et Begley (dossier 166-2-26311).

Argumentation du fonctionnaire M. Dagger soutient que, pour la plupart, les faits ne sont pas réellement contestés en l’espèce, et que la question d’offrir un emploi de bureau au fonctionnaire est manifestement fausse. À l’appui de cette affirmation, M. Dagger me renvoie à la pièce E-1, article 8, qui dit notamment ce qui suit sous le titre Consideration for Alternate Employment (Possibilité d’un autre emploi) :

[Traduction] 8. La direction locale ne considère pas qu’un autre emploi est une option viable dans le cas de M. Isfeld.

M. Dagger conclut de cela que l’employeur n’a jamais eu l’intention d’offrir un emploi de bureau à M. Isfeld. Il maintient en outre que la tentative de l’employeur de placer le fonctionnaire dans un poste ELE-3 à titre d’aide aux gens de métier l’aurait en fait rendu plus malade, puisqu’il s’agissait d’un travail plus difficile à accomplir. L’employeur n’allait pas faire beaucoup pour s’accommoder à la situation du fonctionnaire puisque, si on examine les rapports médicaux sur l’état de ce dernier, il est évident qu’il avait besoin d’un emploi moins dur, or l’employeur est allé dans le sens contraire en lui donnant un travail plus difficile. M. Dagger soutient en fait que, parce que le fonctionnaire a des incapacités importantes et qu’il est essentiellement invalide, il avait droit à une plus grande reconnaissance de la part de l’employeur sans que celui-ci ne s’impose de contrainte excessive. À l’appui de cet argument, M. Dagger me renvoie à l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970. M. Dagger fait valoir que si j’accepte ce que l’employeur tentait de faire pour s’adapter à la situation du fonctionnaire, comme il n’y avait qu’entre 25 et 30 employés dans l’unité de l’escadre 17, il s’agit d’un très faible effectif sur lequel compter pour lui faire une place. Le représentant maintient par ailleurs que les tentatives de procéder à des accommodements en élargissant la recherche à la grandeur de la fonction publique fédérale ont été faibles. Aux yeux de M. Dagger, il ne fait aucun doute que l’employeur, en licenciant quelqu’un dans les circonstances qui étaient celles du fonctionnaire, s’est rendu coupable de discrimination avec effet préjudiciable. Le représentant soutient que l’employeur a pris M. Isfeld pour cible dans son examen en tant que personne

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 21 handicapée, et il a donc fait preuve de discrimination à son endroit. L’employeur, de poursuivre M. Dagger, se trouvait en réalité à dire « fais ce nouveau travail ou tu seras licencié », une situation qui ne toucherait pas un employé moyen, mais qui a eu un effet préjudiciable sur le fonctionnaire à cause de son invalidité. « Tous les employés devraient être capables d’exécuter les tâches de leur poste », soutient-il. M. Dagger fait en outre valoir que l’employeur a soigneusement évité l’aspect de la contrainte excessive de l’affaire dont je suis saisi. Il n’aurait rien coûté à l’employeur de composer avec la situation du fonctionnaire, dit-il, et il n’aurait pas non plus été obligé d’enfreindre la convention collective pour le faire. M. Dagger maintient que l’employeur aurait pu au moins garder le fonctionnaire dans son effectif ou il aurait pu le placer dans un autre poste.

Selon le représentant, les affaires Guibord (supra), McCormick (supra) et Begley (supra) sont toutes très différentes de celle qui m’occupe et n’ont aucune pertinence.

M. Dagger me renvoie à l’affaire Alcatel, ITT Industries of Canada Ltd. and C.A.I.M.A.W. (1989), 9 L.A.C. (4th) 321.

M. Dagger me demande donc de rétablir M. Isfeld dans son emploi, de lui recréditer tous ses crédits de congé, et il me demande de demeurer saisi de l’affaire.

En réplique, M e Lafrenière me renvoie aussi à l’affaire Alcatel (supra) et conclut qu’il n’y avait aucun espoir que M. Isfeld puisse retourner au travail ni aucune preuve médicale indiquant qu’il pouvait revenir au travail. M e Lafrenière me rappelle que M. Isfeld ne pouvait ni marcher, ni s’asseoir, ni se pencher ni soulever des objets, et que le major Hall lui a offert un emploi de bureau en août 1994 après que l’employeur eut produit les pièces E-1 et E-2.

J’ai soulevé le redressement demandé par le fonctionnaire, et M. Dagger m’a informé qu’il voulait un redressement au point numéro un, qu’il ne voulait pas de lettre de déclaration d’excédentaire sous le point numéro deux, et que le fonctionnaire ne retirerait pas le point numéro trois.

Décision Le fonctionnaire a été licencié en mars 1996 parce que l’employeur a décidé, en s’appuyant sur son absence prolongée du travail et sur les expertises médicales qui

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 22 écartaient son retour au travail, que M. Isfeld n’était pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible. Je suis d’accord.

M. Isfeld était absent du travail depuis deux ans et demi avec un « mauvais » pronostic de rétablissement suffisant pour y retourner, et son état de santé ne s’était pratiquement pas amélioré (pièce E-20). L’employeur lui a cherché un autre emploi, mais malheureusement, à cause de ses limitations physiques, ces recherches ont été infructueuses. D’après les expertises médicales, M. Isfeld ne pouvait rester assis pendant de longues périodes, il ne pouvait se pencher, ni soulever des objets de plus de 10 livres, tirer, marcher quelque distance que ce soit ou demeurer debout pendant quelque période que ce soit. Par conséquent, l’APC Johnson ne pouvait retenir sa candidature pour aucun des postes qu’il considérait (pièce E-15). Le fonctionnaire savait que l’employeur cherchait à le placer dans un autre poste, mais il n’a lui-même pris aucune initiative à cet égard. Le D r Lappi, dans la preuve écrite contenue dans les annexes de la pièce E-12, n’affirme pas carrément que M. Isfeld ne retournera jamais au travail. Cependant, dans son témoignage lorsqu’il s’est reporté à ses notes personnelles écrites en décembre 1994 (pièce E-18), il a déclaré que le fonctionnaire lui avait dit qu’il n’était « pas intéressé à retourner à [son] ancien emploi ». M. Isfeld, dans son propre témoignage, a reconnu avoir tenu ces propos, mais pas aussi explicitement. Le fait est que, déjà en décembre 1994, il ne voulait pas réellement retourner au travail.

Le major Augustson a témoigné que, déjà en 1992, les problèmes d’assiduité du fonctionnaire avait commencé. M. Isfeld l’a lui-même reconnu. Le 29 juin 1993, le major Augustson a rencontré M. Isfeld en compagnie de son agent négociateur, M. Monteith, pour l’alerter que son emploi était compromis à cause de l’absentéisme. La recommandation initiale de licenciement datée du 1 er octobre 1993 que le major Augustson a subséquemment faite (pièce E-1) n’a pas été acceptée parce qu’il fallait davantage de preuves médicales. La deuxième recommandation du major Augustson (pièce E-2) datée du 4 mars 1994 et renforcée par la lettre du colonel Proulx en date du 10 mars 1994 (pièce E-8) n’a pas été acceptée non plus, pas plus d’ailleurs que la troisième recommandation, émanant de l’APC Johnson celle-là (pièce E-12) et datée du 14 février 1995. L’employeur a finalement licencié M. Isfeld en mars 1996 après être arrivé au bout de sa patience et avoir cessé de croire dans les chances du fonctionnaire de s’améliorer.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 23 Il y a eu une réorganisation des postes, des fonctions et des responsabilités qui accompagne inévitablement une réduction des effectifs qui a entraîné une certaine confusion concernant le niveau de classification du fonctionnaire. Il est toutefois évident à mes yeux que, quel que soit le poste, M. Isfeld n’a jamais réellement eu l’intention de retourner au travail. Ses faibles efforts en ce sens n’ont pas démontré à l’employeur qu’il était réellement intéressé à le faire.

En août 1994, le major Hall était prêt à trouver un travail adapté au fonctionnaire dans le magasin, mais M. Isfeld a affirmé qu’il ne pouvait pas retourner au travail. M. Isfeld a confirmé cela dans la lettre en date du 4 août 1994 (pièce E-10) qu’il a envoyée à l’APC.

Pas plus tard qu’en novembre 1995, l’APC Johnson a informé M. Isfeld que son poste de magasinier était libre dans l’éventualité il était capable de retourner au travail (pièce E-16). Le fonctionnaire a reconnu avoir reçu cette lettre dans son témoignage, mais il n’a jamais répondu à M. Johnson à l’époque. Selon la preuve, M. Isfeld était en fait incapable d’accomplir son travail à l’atelier, et rien ne permettait raisonnablement de croire qu’il serait capable de le faire à l’avenir. Tout compte fait, je suis d’avis qu’on lui a offert un travail de bureau, mais il n’a manifesté aucun intérêt parce qu’il craignait même de devoir monter et descendre des escaliers s’il acceptait un emploi de bureau.

Je crois qu’à ce moment-là M. Isfeld n’avait nullement l’intention de retourner à l’escadre 17 et il a manifesté peu d’intérêt, voire aucun, pour travailler ailleurs. Dans les circonstances, je suis convaincu que l’employeur a fait tous les efforts raisonnables possibles pour composer avec la situation du fonctionnaire.

Je ne suis pas d’accord avec M. Dagger lorsqu’il soutient que M. Isfeld a été l’objet de discrimination par suite d’un effet préjudiciable à cause de ses limitations physiques. M. Isfeld n’a fait preuve d’aucune initiative, d’aucun intérêt réel et d’aucune volonté de retourner au travail. En fait, son ancien employeur a été extrêmement patient en ne précipitant pas sa décision finale. Pour ce qui est de l’opposition soulevée par M. Dagger à l’égard des annexes 12, 13, 14 et 15 de la pièce E-1, je n’ai pas tenu compte de celles-ci dans ma décision.

Comme l’a dit l’arbitre dans McCormick (supra) : « [...] La question n'est pas de savoir si j'aurais été incliné ou si quelqu'un d'autre l'aurait été à attendre un peu plus

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 24 longtemps, mais de savoir si l'employeur a agi raisonnablement lorsque, en juin 1994, il a licencié le fonctionnaire. Je suis au regret de devoir conclure qu'il s'est agi d'une décision raisonnable. » Ses conclusions valent également en l’espèce.

Pour ces motifs, le grief de M. Isfeld est rejeté.

J. Barry Turner, commissaire

OTTAWA, le 26 juin 1997.

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.