Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (1 jour, 3 jours et 6 jours) - Manque de professionnalisme - Employeur non informé des problèmes émotionnels du fonctionnaire - Mesures disciplinaires progressives - l'employeur a imposé une suspension d'un jour au fonctionnaire, un inspecteur des douanes, pour avoir parlé fort à une représentante d'un client durant l'exercice de ses fonctions, et pour l'avoir traitée de manière condescendante et non professionnelle et avoir manqué de patience envers elle - l'employeur a imposé en outre une suspension de trois jours au fonctionnaire pour avoir parlé fort et de manière condescendante à la représentante d'un autre client durant l'exercice de ses fonctions - enfin, l'employeur a suspendu le fonctionnaire pendant six jours pour avoir fait des remarques désobligeantes à l'endroit d'un collègue durant l'exercice de ses fonctions - l'employeur a fait valoir que la conduite du fonctionnaire était déplacée, que celui-ci n'avait manifesté aucun remords et que les mesures disciplinaires étaient justes et progressives dans les circonstances - le fonctionnaire a répondu qu'il avait un faible seuil de tolérance sur le plan émotionnel et qu'il fallait en tenir compte comme facteur atténuant - il a ajouté que son comportement n'était pas volontaire et que les mesures disciplinaires étaient donc inappropriées - l'arbitre a jugé que les trois incidents justifiaient les mesures disciplinaires imposées - il a conclu en outre que la preuve n'avait pas établi que le fonctionnaire était incapable de se contrôler ou que ses actes étaient non volontaires - l'arbitre a noté que l'employeur n'avait pas été mis au courant des problèmes émotionnels du fonctionnaire - l'arbitre a constaté que le fonctionnaire n'avait pas reconnu que son comportement avait pu être inapproprié - à son avis, les mesures disciplinaires imposées à la suite de chacun des trois incidents étaient progressives et appropriées dans les circonstances. Griefs rejetés. Décision citée : Funnell (166-2-25762).

Contenu de la décision

Dossiers : 166-2-27608 166-2-28503 166-2-28504, 149-2-172

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE GERALD A. THOMAS fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (REVENU CANADA - Accise, douanes et impôt)

employeur

Devant : Donald MacLean, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Michael Tynes, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur : Asha Kurian, stagiaire en droit Affaire entendue à Saint John (Nouveau-Brunswick), le 15 mars 1999.

DÉCISION La présente décision porte sur trois griefs déposés par M. Gerald A. Thomas, un fonctionnaire de Revenu Canada affecté au bureau de Saint John.

M. Thomas a commencé à travailler à la Sous-direction des douanes et de l'accise du ministère sur l’île Campobello (Nouveau-Brunwick) en juin 1985 à titre de PM-1, inspecteur des douanes, sur une base saisonnière. Il a finalement obtenu un poste à temps plein au poste frontalier de Ste-Croix (Nouveau-Brunswick) en octobre 1986.

En août 1991, M. Thomas a demandé une mutation au bureau de Saint John, sa ville natale, il travaille depuis en qualité de PM-1, inspecteur des douanes (services frontaliers).

L'affaire dont la Commission est saisie se rapporte à des incidents survenus entre mai 1995 et avril 1997. M. Thomas a fait l'objet de trois mesures disciplinaires à la suite de trois incidents distincts pour lesquels il a été suspendu sans traitement une journée, trois jours et six jours respectivement. Il a contesté les trois suspensions par voie de grief; il demande que toute mention des mesures disciplinaires en question soit rayée de son dossier et que le salaire perdu lui soit remboursé.

J’examinerai chaque incident séparément, puis je rendrai une décision à l’égard de chacun d’eux.

1. Grief 166-02-27608 Le premier incident a trait à une visite effectuée le 29 mai 1995 par le fonctionnaire s'estimant lésé au bureau de Global Convention Services Ltd. Global ») à Saint John.

M. Thomas avait reçu instruction d’inspecter un chargement de marchandises chez Global. Sa tâche consistait à annuler un permis d’exonération pour la marchandise qui était destinée à une foire commerciale aux États-Unis. Il devait comparer les numéros de série de la marchandise aux numéros inscrits sur le manifeste.

M. Thomas a rencontré M me Brenda Gaudet, une employée de Global¸qui remplaçait à ce moment-là le gestionnaire qui était habituellement chargé des inspections des douanes. M m e Brenda Gaudet était pressée par le temps car elle devait Public Service Staff Relations Board

Décision Page 2 faire inspecter la marchandise, la faire ramasser par la société de transport, puis la faire livrer à la foire commerciale.

M. Thomas, pour sa part, a eu de la difficulté à trouver le chargement. On lui avait dit qu’il était dans l’entrepôt de la société de transport il s'était d'abord rendu.

Selon M m e Gaudet, le fonctionnaire est arrivé à l'entrepôt de Global en colère contre elle et d’autres employés. Après s'être rapidement présenté, il a indiqué à M m e Gaudet qu’il [traduction] « n’avait pas le temps de s’occuper de ça... », en tapant du doigt sur sa montre.

Le fonctionnaire devait ramener un collègue au bureau. Il a indiqué à M qu’il devait s’absenter quelques minutes, mais qu’il reviendrait sous peu.

De retour chez Global, M. Thomas a continué de parler fort et de s'exprimer de manière condescendante. Il a de nouveau indiqué qu’il [traduction] « n’avait pas le temps dans sa journée de s’occuper de ça » et il s’est mis à citer des dispositions du règlement douanier. M m e Gaudet s’est sentie intimidée, agressée, malmenée et harcelée. Elle s'occupe du service à la clientèle chez Global. D’après elle, les raisons pour lesquelles M. Thomas l’a malmenée n’excusent pas le manque de professionnalisme qu'il lui a témoigné.

M me Gaudet ne connaissait pas le fonctionnement de l’entrepôt et ne savait pas se trouvait la marchandise. Elle a réussi à trouver les caisses, mais celles-ci n’étaient pas ouvertes, ce qui n’a qu’aggraver la mauvaise humeur du fonctionnaire s’estimant lésé.

M. Thomas a néanmoins terminé son travail et a quitté les bureaux de Global. L'attitude et les remarques de M. Thomas ont bouleversé Mme Gaudet. Cette dernière a communiqué avec M. Jamie Bastarache, le surveillant de M. Thomas au ministère, pour porter plainte. Elle lui a envoyé un résumé écrit de l’incident.

M. Bastarache a demandé au gestionnaire du secteur de mener une enquête officielle, à la suite de laquelle on a conclu que la plainte était fondée.

Après avoir pris connaissance des résultats de l’enquête, M. Bastarache a décidé qu'une mesure disciplinaire était justifiée. En examinant le dossier du fonctionnaire

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me Gaudet

Décision Page 3 s’estimant lésé, il a constaté que ce dernier avait déjà récemment fait l’objet d’une mesure disciplinaire et d'une entrevue-conseil à la suite d'un comportement semblable.

M. Bastarache a tenu compte du dossier du fonctionnaire, de son comportement antérieur au travail, du fait que les employés doivent toujours être polis et courtois avec le public; il a revu les normes de conduite professionnelle du ministère; il a également noté que le fonctionnaire refusait d’assumer la responsabilité de ses actes et qu'il ne montrait aucun remords. Il a donc conclu que le fonctionnaire méritait une suspension d'une journée.

M. Thomas a contredit l'employeur lors de son témoignage. Il a indiqué que lui-même et M. Gary Powers (l’autre agent des douanes) avaient reçu instruction d'inspecter la marchandise chez Global. On leur avait toutefois précisé qu'ils devaient être de retour au bureau à 16 h 30 pour que M. Powers puisse remplacer un autre fonctionnaire dont le quart prenait fin.

Malheureusement, les deux hommes ont été mal renseignés quant à l’endroit se trouvait la marchandise. M. Thomas a donc été obligé de faire quelques arrêts pour demander elle était entreposée. On leur a finalement dit de se rendre aux bureaux de Global sur la promenade Bayside.

Une fois rendu chez Global, M. Thomas n’a pas tapé du doigt sur sa montre. Il ne se souvient pas d’avoir haussé le ton. Au contraire, à son arrivée, il a remarqué que Mme Gaudet semblait contrariée. Celle-ci a [traduction] « pris ses grands airs » parce qu'il n'y avait personne pour ouvrir les caisses dont le contenu devait être inspecté.

Même s'il était pressé et qu’il devait retourner au bureau le plus tôt possible, M. Thomas affirme qu’il n’était pas contrarié. Il s’est simplement absenté pendant quelques minutes, puis est revenu chez Global pour terminer l’inspection.

De retour chez Global, l’inspection n’a pris que quelques minutes. Le fonctionnaire croit qu’il a été poli et serviable. Il a toutefois éprouvé du ressentiment envers M me Gaudet parce qu'elle semblait contrariée par sa présence chez Global. 2. Grief 166-02-28503 Le deuxième grief concerne un incident qui s’est produit à l’aéroport de Saint John le 10 novembre 1996. MM. Thomas et Matt Ridgeway étaient les deux

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Décision Page 4 inspecteurs des douanes affectés au passage aux douanes des passagers des lignes aériennes arrivant au Canada. Une employée d’Air Atlantic a déposé une plainte contre le fonctionnaire s’estimant lésé à la suite d'un incident survenu ce jour-là.

M me Judy Pike représentait les services à la clientèle d’Air Atlantic le soir du 10 novembre à l'arrivée d'un des avions de la ligne aérienne qui avait quitté Boston à destination de Halifax. Le vol était presque complet. Les agents des douanes devaient faire passer 27 passagers et leurs bagages en appliquant les procédures habituelles. Parmi les passagers se trouvaient le premier ministre, M. Frank McKenna, sa femme, M me Julie McKenna, M. Derek Oland, président des Brasseries Moosehead, et une équipe de basketball de Halifax. L’avion devait décoller trente minutes plus tard.

Outre les passagers, il fallait vérifier et dédouaner plusieurs bagages, notamment des sacs de sports. Pour faciliter cette tâche, M me Pike a obtenu de l’autre agent des douanes, M. Ridgeway, l’autorisation d'acheminer les sacs de sports par la porte latérale. (Toutefois, ce n’était pas le passage habituel pour procéder à l'inspection des bagages.)

Quelques minutes plus tard, M. Thomas a remarqué que les sacs de l’équipe de basketball avaient été acheminés par la porte latérale. Ce soir-là, sa tâche consistait à effectuer l’inspection secondaire des bagages. Il a lancé d'une voix forte à M me Pike : [traduction] « Qu’est-ce que vous faites ? » Il lui a dit que les sacs qui avaient été acheminés par la porte latérale devaient être ramenés en vue de leur inspection. Bien que M me Pike ne se soit trouvée qu’à quatre ou cinq pieds de lui, le fonctionnaire s’estimant lésé s'exprimait sur un ton péremptoire et suffisamment fort pour que le silence se fasse dans le secteur douanier. Tous les passagers, y compris M. McKenna et M. Oland, ont interrompu leurs activités pour voir ce qui se passait.

M me Pike s'est pliée à la demande du fonctionnaire et a renvoyé les sacs, mais elle était embarrassée pour elle-même, pour Air Atlantic, pour le fonctionnaire s’estimant lésé, pour le service des douanes et pour les passagers.

Cet incident a complètement bouleversé M me Pike. Elle a écrit à son gestionnaire qui, en retour, a envoyé la plainte à M. Bastarache. D'après elle, M. Thomas a mal agi et a nui à Air Atlantic. Pour les employés d’Air Atlantic, leur présence au comptoir du service à la clientèle constitue une bonne façon de connaître la compagnie. Cela leur facilite la tâche au cours des processus d'émission des billets et d'embarquement et il

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Décision Page 5 s’agit d’une façon agréable de souhaiter bon voyage aux passagers qui poursuivent leur route.

M. Bastarache a témoigné que M. James Kendall, directeur des services d'Air Atlantic à l'aéroport (et surveillant de M m e Pike), avait communiqué avec lui. M. Kendall était préoccupé par l'incident. Plus particulièrement, il était mécontent de l'atteinte à la réputation de la compagnie aérienne et du fait que son employée avait été malmenée.

La réaction de M. Bastarache a été de demander au bureau régional de mener une enquête. Il a aussi communiqué avec le fonctionnaire s’estimant lésé et lui a demandé un rapport écrit. Il a également eu un entretien avec M. Ridgeway au sujet de l'incident.

Environ deux semaines plus tard, M. Bastarache a reçu le rapport d'enquête confirmant les incidents survenus le 10 novembre tels que M va de soi qu'il était préoccupé par le fait que le fonctionnaire ne prenait pas au sérieux son problème de comportement et les mesures disciplinaires antérieures.

M. Bastarache a déclaré que l'incident avait mis le ministère dans l'embarras. Il a imposé une suspension de trois jours au fonctionnaire en espérant que ce dernier comprendrait le caractère inacceptable de ce type de comportement.

De nouveau, M. Thomas a essentiellement contredit l'employeur. M. Thomas a indiqué que son travail à l'aéroport consiste à inspecter les bagages pouvant contenir des articles suspects. Le soir en question, il a remarqué que quelqu'un avait placé un certain nombre de sacs de sports près de la porte latérale et que ceux-ci n'avaient pas été inspectés de la façon habituelle.

M me Pike se trouvait à une distance de six à huit pieds de M. Thomas. Ce dernier l'a interpellée en employant les termes [traduction] « Excusez-moi » pour lui demander ce que les sacs faisaient à cet endroit. Malheureusement, elle regardait du côté opposé. Il lui a fait un signe de la main. Elle s'est approchée de lui et il lui a demandé pourquoi les sacs se trouvaient près de la porte latérale et si M. Ridgeway lui avait donné la permission de dédouaner les sacs de cette façon. N'obtenant pas de réponse, il lui a demandé de ramener les sacs en vue de leur inspection.

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m e Pike les avait décrits. Il

Décision Page 6 M. Thomas a indiqué qu'il ne parlait pas fort et qu'il s'adressait uniquement à M me Pike. Le niveau de bruit dans le secteur est demeuré le même. Il s'est excusé auprès de M me Pike quand il a appris que M. Ridgeway lui avait donné la permission d'acheminer les sacs par la porte latérale. Il estime qu'il faisait preuve de délicatesse envers les passagers et la compagnie aérienne et qu'il accomplissait tout simplement son travail.

Durant la procédure de règlement des griefs, l'employeur a soulevé la question du respect des délais. Toutefois, il a abandonné la question et ne l'a pas mentionnée à l'audience.

3. Grief 166-02-28504 Le dernier incident s'est produit à la réception du bureau des services douaniers à Saint John le 14 mars 1997. M m e Anik Maisonneuve, une fonctionnaire du bureau des services à la clientèle du ministère à l'étage est venue au bureau. M m e Jewel Graves l'avait accompagnée jusqu'au présentoir qui se trouve à l'entrée du bureau. M me Maisonneuve a fait remarquer qu'il n'y avait pas de version française de la demande de passeport dans le présentoir. Elle a ajouté que s’il n’y avait pas de demandes de passeport en français, il fallait donc enlever la version anglaise.

Le fonctionnaire se trouvait dans l'aire de réception à ce moment-là. Il n'a pas aimé entendre dire qu'il fallait enlever la version anglaise des demandes du présentoir. Il était contrarié et s'est mis à agiter les bras. Il parlait fort. En se retournant pour se diriger vers son bureau, il a murmuré : [traduction] « tactiques de Gestapo ».

M me Sheri Bartlett se trouvait à son bureau, qui est situé à proximité de l'aire de réception. D'après elle, il était évident que le fonctionnaire était agité et contrarié à la suite de la conversation. Il marchait de long en large dans le hall en agitant les bras. Il parlait sur un ton inapproprié.

Tout de suite après l'incident, M m e Bartlett a pris une courte pause au cours de laquelle elle a rencontré M m e Maisonneuve; elles se sont mises à bavarder. M me Maisonneuve lui a demandé pourquoi M. Thomas était si agité et surexcité. Elle l'avait entendu employer le mot « Gestapo », mais elle ne savait pas dans quel contexte. M me Bartlett s'est excusée des actions du fonctionnaire s’estimant lésé et a déposé un rapport d'incident.

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Décision Page 7 M. Bastarache se trouvait dans son bureau au moment de l'incident. Il entendait du bruit provenant du comptoir dans l'aire de réception. De son bureau, il pouvait voir M. Thomas et d'autres fonctionnaires au comptoir. Il a entendu M. Thomas dire « Gestapo ». Une cliente (M me Maisonneuve) se trouvait également dans l'aire de réception; il l'a vue « blêmir », puis sortir rapidement du bureau.

Dans les minutes qui ont suivi, M. Bastarache a convoqué M. Thomas à son bureau pour lui parler de l'incident. Il lui a demandé ce qui s'était passé et pourquoi il avait employé le mot « Gestapo »; selon le gestionnaire, le fonctionnaire aurait répondu que [traduction] « tout le monde connaît son point de vue philosophique au sujet de la politique sur l'utilisation du français » et qu'il en avait assez de cette [traduction] « merde du français ». Le fonctionnaire ne s'est pas excusé, en outre, il ne voyait pas en quoi son comportement constituait un problème. Quand M. Bastarache lui a demandé s'il était intéressé à recevoir du counselling pour régler son problème de comportement, M. Thomas a indiqué qu'il allait simplement déposer un grief.

Vu qu'il a été témoin de l'incident, M. Bastarache n'a pas demandé au bureau régional d'enquêter sur les détails de l'affaire. Néanmoins, il a conclu qu'une mesure disciplinaire était justifiée et qu'une suspension de six jours était appropriée dans les circonstances.

M. Bastarache a également déclaré qu'aucun des autres inspecteurs des douanes n'avait agi de la façon dont M. Thomas avait agi avec le public. Par exemple, il est au ministère depuis 16 ans et n'a jamais entendu parler de problème avec un client qui demande une inspection de marchandises en vue d'obtenir une exonération du paiement des droits de douanes avant leur expédition à l'extérieur du pays. Lui-même et les employés sont au service de la population. Les inspecteurs reçoivent une formation au cours de laquelle ils apprennent à traiter tout le monde avec respect. Ils doivent agir de façon professionnelle, sensible, polie et courtoise en tout temps. On ne peut traiter les gens de la manière dont le fonctionnaire s’estimant lésé les traite. Et ce dernier devait changer d'attitude, il devait examiner soigneusement la façon dont il traitait les autres. Il a suivi un certain nombre de cours offerts par l'employeur durant lesquels on lui a enseigné que [traduction] « le client est roi ».

M. Thomas a déclaré n'avoir jamais rencontré M m e Maisonneuve auparavant. Il l'a entendue expliquer à M m e Jewel Graves, la fonctionnaire des douanes au comptoir, qu'il Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 8 fallait offrir les versions française et anglaise de la demande de passeport. Si la version française n'était pas disponible, il fallait retirer la version anglaise du présentoir.

Le fonctionnaire a été contrarié par ce commentaire en particulier et la politique du bilinguisme du gouvernement en général. En revenant à son bureau, il a murmuré les mots « tactiques de Gestapo ». Il ne se souvient pas d'avoir agité les bras ou d'avoir fait un autre geste. Il admet qu'il était contrarié. Il croit que la politique actuelle du gouvernement en matière de bilinguisme lui a nui. Il a toutefois pris la décision de cesser de s'en faire.

Quand M. Bastarache l'a convoqué à son bureau, il lui a dit ce qu'il pensait de la politique sur le bilinguisme. Il hésitait à parler à M. Bastarache parce qu'il croyait que toute discussion relative à cet incident pouvait lui causer du tort. Il ne se souvient pas d'avoir été agité ou en colère.

M. Thomas a reconnu avoir reçu une réprimande écrite au sujet de son comportement envers un client en juin 1993. Il a également reconnu avoir reçu du counselling au sujet de commentaires qu'il a faits à son surveillant en mars 1994.

En réponse à tous ces incidents, M. Thomas croit que M. Bastarache le traite injustement; il ne lui fait pas confiance.

M. Thomas croit qu'il a de bons rapports avec les autres employés. En règle générale, l'atmosphère du bureau se prête aux échanges de plaisanteries entre collègues.

M. Thomas a traversé une période extrêmement stressante et il avait de la difficulté à se concentrer au travail. Son seuil de tolérance sur le plan émotionnel est bas et il prend des médicaments prescrits par son médecin.

En outre, M. Thomas a pris d'autres mesures en vue de surmonter son stress au travail. Il a rencontré un conseiller dans le cadre du programme d'aide aux employés (PAE). Depuis septembre 1997, il voit également un psychiatre tous les deux mois qui lui apporte de l'aide et lui prescrit des médicaments.

Selon le psychiatre qu’il voit, bien que M. Thomas ait des troubles de la personnalité et soit dans un état dépressif à cause du stress au travail, il collabore avec le médecin en vue de surmonter ses problèmes. Il a suivi un cours collectif visant

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Décision Page 9 l'apprentissage de certaines techniques (dont des techniques pour réduire le stress, atténuer l'anxiété et améliorer l'estime de soi) ainsi qu'un cours de gestion de la colère. Il a fait preuve « d'énormément d'empressement et d'enthousiasme pour obtenir de l'aide. »

Questions en litige Dans des affaires de discipline, il faut trancher un certain nombre de questions au sujet de chaque incident.

Le fonctionnaire a-t-il eu un comportement qui a incité l'employeur à imposer la mesure disciplinaire et, dans l'affirmative, ce comportement était-il grave au point de justifier l'imposition de la mesure disciplinaire ?

Si la réponse à cette dernière question est également affirmative, la mesure disciplinaire est-elle juste et raisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances ?

(Voir l'ouvrage de Brown et Beatty Canadian Labour Arbitration (3 (Canada Law Book), paragraphe 7:4000, page 7-197, et l'affaire Heustis c. Commission d'énergie électrique du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768).

Résumé des observations faites au nom des parties Plaidoirie de l'employeur La représentante de l’employeur soutient que le comportement du fonctionnaire était inapproprié, plus particulièrement lorsqu'il traitait avec le public. M. Thomas a incommodé la clientèle et a nui à la réputation de l'employeur. Les problèmes de personnalité que peut avoir le fonctionnaire n'excusent pas son comportement. Il n'a exprimé aucun remords. Il faut tenir compte de la gravité de l'écart de conduite.

À l'appui de son argumentation, l'employeur invoque la décision rendue dans l'affaire Funnell (dossier de la Commission 166-2-25762). Dans cette affaire, un fonctionnaire avait des problèmes de comportement au travail qui ont fini par mener à son licenciement. Par la suite, toutefois, de nouveaux éléments de preuve ont été portés à l'attention de l'employeur. Il a été révélé que le fonctionnaire souffrait d'une maladie affective bipolaire, laquelle était à l'origine de son comportement inacceptable

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e édition),

Décision Page 10 au travail. Ce renseignement n'avait pas été communiqué à l'employeur avant le licenciement. Malgré ce nouvel élément de preuve, l'arbitre a conclu que le congédiement était justifié et que la preuve présentée après le licenciement ne pouvait pas être utilisée pour modifier une décision qui était justifiée au moment elle a été rendue.

L'employeur soutient que la mesure disciplinaire imposée en l'espèce était à la fois juste et progressive dans les circonstances. Il fait valoir que toute mesure disciplinaire doit être suffisante pour faire comprendre au fonctionnaire qu'il ne peut traiter le public de la manière dont il l'a traité. C'est important en raison de la nature de son emploi dans la fonction publique.

M me Kurian soutient qu'il n'y a rien dans le rapport du psychiatre qui [traduction] « justifie l'atténuation de la mesure disciplinaire[…] » « Aucun élément de preuve médical n'indique que M. Thomas est incapable de se contrôler. »

M m e Kurian demande que les griefs soient rejetés. Plaidoirie de M. Thomas Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé fait valoir que celui-ci est tenu de travailler dans des conditions stressantes. Il devient rapidement surexcité. Toutefois, il n'a jamais intentionnellement harcelé la clientèle ou mis l'employeur dans l'embarras. En d'autres termes, ces incidents étaient le résultat d'une rupture de communication dans des situations stressantes.

Le fonctionnaire a un faible seuil de tolérance sur le plan émotionnel et il faut en tenir compte comme facteur atténuant en l'espèce. Il a naturellement tendance à parler fort. Il devient facilement surexcité. Si le comportement « n'est pas volontaire », le fonctionnaire n'est pas coupable et, par conséquent, la mesure disciplinaire est inappropriée.

En outre, les actions de M. Thomas dans chacun des cas sont attribuables aux problèmes émotionnels pour lesquels il se fait soigner. Peut-être aurait-il discuter de ses problèmes avec son surveillant. Toutefois, il y a une absence apparente de confiance entre lui et M. Bastarache. Le fonctionnaire craignait également que toute discussion de cette nature lui nuise.

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Décision Page 11 En guise de conclusion, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé demande que les trois griefs soient admis, que de l'aide soit offerte à M. Thomas et qu'il soit autorisé à garder son emploi en tant que fonctionnaire productif.

Conclusion et motifs de la décision J'ai l'intention de passer en revue les questions mentionnées plus tôt (page 9) puis de déterminer leur incidence sur ma décision.

1. L'employeur avait-il un motif juste et raisonnable pour imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire s'estimant lésé ?

Dès le départ, je dois déterminer dans chacun des trois griefs si le fonctionnaire a fait ce que l'employeur prétend qu'il a fait et si les actions que lui reproche l'employeur méritaient l'imposition d'une mesure disciplinaire.

J'ai tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents qui ont été présentés à l'audience. J'ai examiné les circonstances de chaque incident et je suis arrivé aux conclusions suivantes relativement à chacun des incidents.

Au sujet du premier incident, je crois que M. Thomas a effectivement traité M me Gaudet de façon humiliante chez Global. J'accepte et préfère la description que cette dernière a faite du comportement de M. Thomas, soit que celui-ci parlait fort, qu'il l'a traitée de manière condescendante et non professionnelle, qu'il a manqué de patience contre elle et qu'il s'est emporté. N'eût été le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé, elle se souciait peu de ce dernier. Elle voulait simplement qu'un employé des douanes vérifie les numéros de série. Elle essayait de faire le nécessaire pour que les douaniers puissent examiner la marchandise. Elle ne s'est pas contredite durant son témoignage.

M. Thomas s'est rendu chez Global pour s’assurer que les numéros de série de la marchandise qui devait être exportée correspondaient à ceux figurant sur sa liste. Ce devait être une tâche simple qui ne devait donner lieu à aucun affrontement. À cause de son attitude et de ses actions, le fonctionnaire l'a transformée en incident désagréable, déplacé et humiliant. Il a eu tort d'agir de la sorte. Il a mérité la mesure disciplinaire.

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Décision Page 12 Je préfère les souvenirs que M me Pike a des incidents à « l'aéroport » dans les cas ils contredisent ceux du fonctionnaire. Elle a témoigné franchement et sans exagération. Elle ne se préoccupait pas pour elle-même; mais pour la réputation de sa compagnie et celle des services douaniers. Je conclus que M. Thomas a parlé fort et de manière condescendante à M me Pike lors de cet incident. Les passagers d'Air Atlantic ont eu connaissance de l'incident. Ils ont cessé de parler. C'était une situation embarrassante pour M me Pike et pour Air Atlantic, et M. Thomas était responsable. Il a mérité la mesure disciplinaire imposée.

Troisièmement, je conclus que M. Thomas a employé le mot « Gestapo » au bureau et cela, dans le but uniquement de contester la raison même de la présence de M m e Maisonneuve au bureau. Ce n'était pas justifié. Peu importe ce qu'il pense personnellement de la politique sur le bilinguisme du gouvernement, il n'avait pas le droit d'employer le mot « Gestapo ». C'était une remarque désobligeante et totalement injustifiée dans les circonstances. Il a mérité la mesure disciplinaire imposée.

En tirant mes conclusions, j'ai tenu compte du fait que le travail peut devenir stressant. Je n'oublie pas non plus que les employés peuvent être assujettis aux exigences du public dans l'exécution de leur travail. Toutefois, durant toute la période il a travaillé au service frontalier à Saint John, M. Thomas n'a pas discuté de ses lacunes personnelles avec l'employeur.

En dépit de ces derniers facteurs, je conclus que l'employeur a eu raison de sévir contre M. Thomas après chacun des trois incidents. La preuve a démontré que M. Thomas devient rapidement surexcité et agité lorsqu'il se trouve dans des situations stressantes. Qui plus est, son comportement, à chacune des occasions, a nui à l'employeur et à la réputation de celui-ci en matière de service au public.

En outre, tous ces incidents auraient pu être évités si le fonctionnaire avait été disposé à traiter le public avec respect et à faire preuve de patience. Malheureusement, dans chacun des cas, il a manqué de retenue personnelle. Je rejette toute affirmation selon laquelle il est incapable de se contrôler ou a agi malgré lui. Son psychiatre n'a pas prétendu que c'était le cas. Il avait recommandé que M. Thomas suive des cours pour apprendre certaines techniques.

Quand le surveillant a interrogé M. Thomas, ce dernier n'a exprimé aucun remords ni n'a accepté la responsabilité de ses actions. Même lors de l'audience en

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Décision Page 13 arbitrage, il a attribué le tort aux autres sans jamais accepter le blâme personnellement.

Vu la nature de l'emploi de M. Thomas, j'estime qu'il était approprié de lui imposer une mesure disciplinaire à la suite des trois incidents. Il doit comprendre qu'il est indispensable qu'il change d'attitude et de comportement. Il refuse d'accepter que d'autres au ministère peuvent lui dire qu'il a mal agi. Si ce qu'il lui faut c'est de me l'entendre dire personnellement, je le dis : il a été fautif dans les trois cas. L'employeur a pris d'autres moyens pour l'amener à se corriger. Les tentatives ayant échoué, il avait le droit de sévir à la suite des trois incidents pour essayer de corriger son comportement futur.

2. Les mesures disciplinaires imposées au fonctionnaire s’estimant lésé étaient-elles justes et raisonnables dans les circonstances ?

En examinant cette question, je n'oublie pas que M. Thomas se devait d'offrir un service courtois et efficace à la clientèle. Le « service » est un objectif essentiel et fondamental de cette organisation. Se comporter de manière grossière ou agressive en public est tout simplement inacceptable. Je relève également que le fonctionnaire s’estimant lésé a manifesté très peu de remords pour sa conduite. Il refuse d'accepter le blâme ou d'assumer la responsabilité de ces incidents. Il ne reconnaît pas que son comportement peut avoir été déplacé. Malgré la concordance de la preuve et des plaintes, il trouve à redire contre son surveillant, M m e Gaudet, M me Pike et M me Maisonneuve. Il ajoute que le stress au travail et son seuil de tolérance émotionnel très bas expliquent en partie les incidents.

À n'en pas douter, travailler avec le public exige patience et doigté. La clientèle est souvent stressée quand elle rencontre un agent des douanes dont les capacités peuvent être mises à rude épreuve et dont le milieu de travail peut être exigeant. À mon avis, M. Thomas n'a pas réagi de façon correcte au stress ainsi qu'aux opinions ou attitudes qui divergeaient des siennes. Toutefois, son comportement lors des trois incidents était inacceptable pour un fonctionnaire.

Malheureusement, le fonctionnaire s’estimant lésé a des problèmes émotionnels pour lesquels il a demandé l'aide d'un professionnel. Toutefois, il n'a pas informé son employeur de ses problèmes ni demandé que soient modifiées ses tâches. L'employeur a fondé la mesure disciplinaire sur la preuve qu'il avait en sa possession à ce

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Décision Page 14 moment-là. J'accepte et adopte le raisonnement suivi dans la décision Funnell (supra) : la preuve présentée après l'imposition d'une mesure disciplinaire ne peut pas être invoquée en vue de modifier la décision de l'employeur qui était juste et raisonnable.

Bien que je respecte la décision du fonctionnaire s’estimant lésé d'obtenir de l'aide professionnelle et que je l'encourage à poursuivre dans cette voie, ses problèmes émotionnels n'excusent pas son comportement. En fait, je souscris à l'argument de l'employeur selon lequel même si le rapport du médecin explique en partie le comportement du fonctionnaire, il n'absout pas complètement sa conduite répréhensible.

Enfin, je trouve que la mesure disciplinaire imposée à la suite de chacun des trois incidents est appropriée. Pour être efficace, une mesure disciplinaire doit également être progressive. Le counselling, les réprimandes et les suspensions antérieures n'ayant pas réussi à atteindre l'objectif qui est de corriger le comportement d'un fonctionnaire, l'employeur a eu raison d'imposer une mesure plus sévère à chaque occasion. À mon avis, l'employeur a eu raison d'imposer des mesures disciplinaires progressives dans les circonstances.

J'estime que l'employeur avait un motif valable pour imposer les mesures disciplinaires qu'il a imposées à M. Thomas après chaque incident.

Je ne vois aucune raison d'admettre ces griefs. Par les présentes, je rejette les trois griefs pour les motifs susmentionnés.

Donald MacLean, arbitre et commissaire MONCTON, le 5 novembre 1999.

Traduction certifiée conforme

Serge Lareau Commission des relations de travail dans la fonction publique

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