Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (2 jours) - Usage de la force - la fonctionnaire s'estimant lésée, conseillère à Développement des ressources humaines Canada, a appris de la superviseure qu'elle ne serait pas affectée à un projet spécial à cause de plaintes portées contre elle par les clients - la fonctionnaire a alors demandé qu'on lui fournisse plus de détails au sujet de ces plaintes - la superviseure n'étant pas prête à discuter de la question à ce moment-là, plus tard dans la journée, la fonctionnaire est allée voir la superviseure pour obtenir d'autres détails au sujet des plaintes - de nouveau, la superviseure a répondu qu'elle n'avait pas le temps d'en discuter à ce moment-là et lui a dit de revenir le lendemain matin en vue de prendre rendez-vous à ce sujet - le lendemain matin, la fonctionnaire est retournée voir sa superviseure qui lui a dit qu'elle serait libre pour discuter de l'affaire un jour particulier de la semaine suivante - la fonctionnaire a demandé à la superviseure de lui accorder 15 minutes sur-le-champ - la superviseure a refusé et lui a dit qu'elle devait attendre à la semaine suivante - pendant qu'elle prononçait ces paroles, la superviseure agitait un stylo dans la direction de la fonctionnaire, à une distance de 45 à 60 centimètres de son visage - la fonctionnaire a prétendu qu'elle s'était sentie menacée et qu'elle avait levé la main pour repousser la superviseure - cette dernière a prétendu que la fonctionnaire lui avait donné un coup de poing - les deux ont convenu que le coup avait fait reculer la superviseure - quelques jours après avoir été interviewée relativement à l'incident, la superviseure a signalé qu'elle avait une contusion à la clavicule - l'employeur a imposé une suspension de deux jours à la fonctionnaire - il a prétendu qu'il ne pouvait fermer les yeux sur les actes de violence au travail - la fonctionnaire a répondu qu'elle n'avait fait que se protéger contre ce qu'elle avait considéré être une menace - elle a ajouté que l'employeur n'aurait pas dû tenir compte de la contusion parce que son origine n'avait pas été établie - l'arbitre a conclu que l'employeur n'aurait pas dû tenir compte de la contusion parce qu'elle n'avait pas été signalée par la superviseure lors de l'entrevue au sujet de l'incident et, par conséquent, que la fonctionnaire n'avait pas été interrogée au sujet de la contusion lors de l'entrevue - l'arbitre a également conclu que la façon dont la superviseure avait traité la demande de la fonctionnaire au sujet des plaintes faites par les clients a contribué à faire monter la tension entre les deux employées - toutefois, l'arbitre a conclu que la fonctionnaire était à blâmer - l'arbitre a remplacé la suspension par une réprimande écrite et a ordonné à l'employeur de rembourser à la fonctionnaire deux jours de salaire. Grief admis en partie.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-27701 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE LORRAINE LOCKWOOD fonctionnaire s'estimant lésée et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Développement des ressources humaines Canada)

employeur

Devant : Joseph W. Potter, président suppléant Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Elle-même Pour l'employeur : Vickie Lou McCaffrey, avocate (Plaidoiries écrites déposées le 17 décembre 1998; le 25 janvier et le 1

Affaire entendue à Toronto (Ontario), le 2 décembre 1998. er février 1999.)

Décision Page 1 DÉCISION Le 11 février 1997, M me Lorraine Lockwood a déposé un grief relativement à une suspension de trois jours. Au cours de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a ramené cette suspension à deux jours et c'est en était le litige lorsque j'ai été saisi de l'affaire.

La suspension a été imposée à la suite d'une altercation survenue le 30 avril 1996 entre la fonctionnaire M me Elizabeth Sala. La lettre disciplinaire, datée du 5 juillet 1996 (pièce E-5), a été envoyée à la fonctionnaire par la gestionnaire, M ci-dessous :

[Traduction] Par la présente, je confirme les résultats de l'enquête que j'ai menée à la suite de l'incident survenu au CEC de Parkdale le mardi 10 avril [sic] au cours duquel vous avez agressé physiquement votre superviseure.

En examinant les éléments de preuve relatifs à cet incident, j'ai pris acte du fait que vous avez avoué avoir frappé votre superviseure, la poussant ainsi par en arrière. Vous l'avez frappée avec suffisamment de violence pour causer une contusion à la poitrine.

Ce type de violence physique ne sera pas toléré au travail. Vous serez donc suspendue pour une période de trois jours. Votre superviseure vous communiquera les dates.

Je m'attends à ce que vous vous comportiez désormais de manière professionnelle. Toute récidive pourrait entraîner l'imposition d'une mesure disciplinaire plus sévère.

Les témoins ont été exclus sur demande. Quatre témoins ont comparu. Vu que l'affaire s'est prolongée au-delà du temps alloué, les parties ont présenté des plaidoiries écrites.

Contexte Les faits essentiels de l'affaire n'ont pas réellement été contestés. La fonctionnaire s'estimant lésée, qui occupait un poste de PM-2, était conseillère à Développement des ressources humaines Canada. Le 29 avril 1996, sa superviseure, M m e Elizabeth Sala, lui a expliqué que du travail allait être confié à une autre Commission des relations de travail dans la fonction publique

s'estimant lésée et sa superviseure, me Barbara Taylor; elle est reproduite

Décision Page 2 conseillère en partie parce que certains clients s’étaient plaints de la façon dont ils avaient été traités par M me Lockwood. M me Lockwood a été étonnée d’apprendre qu'on s'était plaint d’elle vu que personne ne lui en avait soufflé mot; elle a demandé qu’on lui fournisse plus de détails au sujet de ces plaintes. M me Sala n'était pas prête à discuter de la question à ce moment-là, mais elle a convenu de rencontrer la fonctionnaire le lendemain (le 30 avril 1996).

Ce n'était pas la première fois que M me Lockwood et M me Sala avaient des « démêlés ». En février 1996, M me Lockwood avait envoyé une note de service à la gestionnaire, M me Barbara Taylor, pour se plaindre de harcèlement personnel de la part de M me Sala (pièce G-4). Cette note de service avait été suivie d'une autre note (pièce G-5) quelque quatre jours plus tard pour que M me Taylor règle la situation immédiatement. M me Lockwood a déclaré que la direction n'avait rien fait pour régler le problème. La tension au bureau avait continué d'augmenter (voir la pièce G-6). L'employeur n'a pas contesté cette perception de la fonctionnaire s'estimant lésée.

Quoi qu'il en soit, M me Lockwood voulait en savoir davantage au sujet des prétendues plaintes. Elle est allée voir sa superviseure vers 9 h 30 le 30 avril 1996. Sa version des événements de ce matin-là est décrite dans la pièce G-7 et ne diffère pas réellement, comme je l'ai déjà dit, de la preuve produite par l'employeur à ce sujet.

M m e Lockwood s'est présentée au poste de travail de M rendez-vous pour discuter de la question des plaintes des clients. M qu'elle ne serait pas disponible avant la semaine suivante, soit le mercredi en matinée ou en après-midi.

M m e Lockwood a demandé à M me Sala de lui consacrer 15 minutes sur-le-champ, mais cette dernière a refusé. Irritée par les pressions exercées par M me Lockwood pour fixer une rencontre, M me Sala a alors demandé à la fonctionnaire, en agitant un stylo dans sa direction, de choisir un moment (soit, durant la matinée ou l'après-midi du mercredi de la semaine suivante) pour discuter du problème.

Au cours du contre-interrogatoire, M m e Sala a affirmé qu'elle se trouvait à environ deux pieds ou deux pieds et demi de M m e Lockwood lors de cet échange. Elle a Commission des relations de travail dans la fonction publique

me Sala en vue de prendre m e Sala lui a dit

Décision Page 3 déclaré qu’elle agitait le stylo de gauche à droite, mais elle a admis qu’elle l’agitait devant le visage de M m e Lockwood. M m e Lockwood a affirmé qu'elle se trouvait à environ un pied de M me Sala lorsque celle-ci a pointé le stylo directement dans son visage en l’agitant d’avant en arrière.

Nous arrivons maintenant au nœud du problème. M me Sala a affirmé que M m e Lockwood lui avait alors donné un coup de poing à la poitrine, ce qui lui avait fait faire un grand bond par en arrière.

M me Lockwood a déclaré avoir été provoquée par M m e Sala qui s'était approchée d'elle en agitant un stylo devant son visage. Elle a levé la main pour l'empêcher de s'approcher davantage. À la pièce G-7, qui, je le répète, est la version des faits de M m e Lockwood, il est dit, à la page 2 : [Traduction] [...] J'ai levé la main et je l’ai repoussée pour garder une distance entre nous. Je tiens à préciser que je ne l'ai pas poussée fort, ni bousculée ni frappée de quelque façon que ce soit [...]

M m e Lockwood a nié, lors du contre-interrogatoire, avoir frappé M me Sala ou avoir serré le poing.

La gestionnaire, M me Barbara Taylor, a communiqué avec une autre gestionnaire, M me Heather Young, le 30 avril pour lui demander d'enquêter sur l'incident. M a mené son enquête et a interviewé M dactylographiées de cette entrevue constituent la pièce E-2; il n'existe aucune différence importante entre ces notes et le témoignage de M M me Sala a consulté un médecin le 4 mai 1996; une note de ce dernier (pièce E-1) a été introduite en preuve indiquant que M au-dessous du cou.

M m e Young a interviewé la fonctionnaire s'estimant lésée le 7 mai 1996. L'entrevue n'a pas eu lieu le même jour que celle avec M me Sala parce que M me Lockwood avait demandé d'être accompagnée par un dirigeant syndical. Le 7 mai Commission des relations de travail dans la fonction publique

me Young me Sala le 1 er mai 1996. Ses notes m e Sala. me Sala avait une contusion juste

Décision Page 4 était la première date qui convenait à toutes les parties. Juste avant l’entrevue avec la fonctionnaire, M m e Young a rencontré M me Sala et celle-ci lui a montré une contusion en train de virer au jaune. Lors du contre-interrogatoire, M m e Young a affirmé ne pas avoir tenu compte de la contusion dans ses conclusions. Elle a aussi convenu qu'il n'avait pas été question de la contusion durant l'entrevue avec M me Sala. Celle-ci n’avait en fait été informée de la chose que quelques jours plus tard, de manière fortuite. M m e Young a pris des notes lors de l'entrevue avec la fonctionnaire et les a dactylographiées par la suite pour les incorporer dans son rapport officiel (pièce E-3). Ces notes ont ensuite été présentées à M me Lockwood pour sa gouverne; cette dernière y a apporté quelques corrections à la main. La pièce contient les corrections en question.

Pendant l'entrevue, M m e Young a demandé à M Les résultats sont décrits à la page 5 de la pièce E-3. Cette pièce contient les notes de l'entrevue de M me Young ainsi que les commentaires manuscrits de M citation ci-dessous est tirée des notes que M [Traduction] [...] Comme M m e Lockwood pivotait sur elle-même, M dirigée vers elle; il n’y avait plus qu’une douzaine de pouces de distance entre elles. Elle avait un stylo dans la main et l’agitait devant le visage de M m e [...] M m e Lockwood a affirmé avoir instinctivement levé la main, paume ouverte (dans un mouvement semblable à celui d'un agent de police dirigeant la circulation); comme M continuait de se rapprocher, elle l'a « frappée » sur la clavicule.

[...] M m e Lockwood a affirmé avoir repoussé M m e Sala avec suffisamment de force pour la faire reculer d'environ trois pieds.

[...] Une fois les entrevues terminées, M me Young a remis son rapport (pièce E-4) à la gestionnaire, M m e Barbara Taylor. Le rapport conclut ce qui suit à la page 4 : Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Lockwood de mimer l'incident. m e Lockwood. La me Young a prises lors de l'entrevue : m e Sala s'est Lockwood [...] m e Sala

Décision Page 5 [Traduction] [...] Bien que M m e Lockwood ne semble pas avoir délibérément voulu frapper M m e Sala, elle semble avoir réagi plus vivement qu’il n’était nécessaire pour se protéger contre ce qu'elle a peut-être perçu comme une menace physique.

[...] M m e Taylor a reçu le rapport et, se fondant sur les conclusions qu’il contenait, elle a décidé de suspendre la fonctionnaire. Lors du contre-interrogatoire, M me Taylor a reconnu ne pas avoir interviewé à son tour les « combattantes ». En imposant la mesure disciplinaire, M me Taylor a affirmé avoir tenu compte du dossier irréprochable de la fonctionnaire. Elle estimait toutefois que l'incident était grave et elle a pris en considération la contusion de M me Sala. M me Lockwood a nié avoir frappé M m e Sala mais elle a reconnu, lors du contre-interrogatoire, qu’il y avait eu un contact.

Plaidoirie écrite de l'employeur Le 17 décembre 1998, l'avocate de l'employeur a présenté la plaidoirie écrite qui suit à l'appui de la suspension de deux jours.

[Traduction] [...] I. Questions devant l'arbitre L'employeur soutient que l'arbitre doit trancher deux questions : 1. M m e Lorraine Lockwood (ci-après appelée « M m e Lockwood ») a-t-elle agressé M m e Elizabeth Sala (ci-après appelée « M m e Sala ») le 30 avril 1996? 2. En partant de l'hypothèse qu'il y a eu mauvaise conduite, la suspension de deux jours était-elle appropriée?

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Décision II. Preuve de la mauvaise conduite 1. M m e Lockwood a-t-elle agressé M L'employeur doit d'abord convaincre l'arbitre que M comportement répréhensible. Il accepte ce fardeau. Il présente les éléments de preuve suivants à l'appui de son argumentation voulant que, le 30 avril 1996, M m e Lockwood ait agressé M « frappant », en la « bousculant » ou en lui donnant un « coup » à la poitrine.

Témoignage et preuve de M m e Sala M m e Sala a déclaré qu’elle agitait un stylo parce que M m e Lockwood insistait pour prendre rendez-vous afin de discuter de ses problèmes de rendement. Elle a affirmé que M m e Lockwood s’était raidie, qu’elle avait cligné des yeux et qu’elle lui avait « donné » un coup de poing à la poitrine, juste à la base du cou. Elle a précisé que la vigueur du « coup » lui avait fait faire un bond par en arrière.

M m e Sala a également affirmé que le « coup » avait causé une contusion et lui avait fait mal. La pièce E-1 est une copie d'un rapport médical établi au nom de M m e Sala en date du 4 mai 1996. On peut y lire ce qui suit : « douleur/contusion, base du cou X 4 jours, frappée le mardi ». On peut également y lire que M m e Sala avait une contusion de couleur verdâtre « dans la région supérieure du sternum distal » de « 3” [po.] de diamètre ».

L'employeur soutient que la pièce E-1 corrobore le témoignage de M voulant que M m e Lockwood l'ait « frappée ». Elle corrobore également l'endroit du coup ainsi que la force avec laquelle M été « frappée ».

Témoignage et preuve de M m e Heather Young L'employeur soutient que le témoignage de M m e Heather Young (ci-après appelée « M m e Young ») est important à trois égards. Premièrement, le rapport de M m e Young corrobore l'existence de la contusion de M m e Sala (pièce E-4, page 3). Deuxièmement, les notes prises par M m e Young lors des entrevues ainsi que son rapport sont utiles en ce sens qu’ils soulignent qu'il y a eu une forme de « contact » inapproprié vu l'emploi des termes « coup de poing », « pousser », « frapper » malgré les contradictions qui existent entre le récit de M m e Sala et celui de M m e Lockwood. Dans les deux documents qu’elle a rédigés, M m e Young a noté ce qui suit : [Traduction] Selon les notes de M m e Young, M m e Sala a dit que M m e Lockwood [traduction] « lui avait donné un coup de poing à la

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Page 6 m e Sala le 30 avril 1996? m e Lockwood a eu un m e Sala en la « poussant », en la

m e Sala m e Sala prétend avoir

Décision Page 7 poitrine (en indiquant la base du cou) » avec suffisamment de force pour la faire reculer. (pièce E-2, page 3).

Les notes prises par M m e Young lors de l'entrevue du 7 mai 1996 précisent que M affirmé avoir instinctivement levé la main, paume ouverte (dans un mouvement semblable à celui d'un agent de police dirigeant la circulation); comme M de se rapprocher, elle l'a « frappée »* sur la clavicule ». (pièce E-3, page 5). *Remarque : Dans ses notes manuscrites sur la pièce E-3 M m e Lockwood conteste l'emploi de ce terme par M précise qu'elle croit lui avoir dit qu’il « y avait eu un contact ».

(c'est moi qui souligne) Malgré les contradictions relevées ci-dessus, M déclaré ce qui suit dans son rapport : [traduction] « Il n'y a pas de doute que l'incident s'est produit et que M m e Lockwood a poussé ou autrement frappé M (pièce E-4, page 3)

(c'est moi qui souligne) Troisièmement, et surtout, l'employeur soutient que la preuve de M est cruciale pour déterminer si les gestes de M peuvent être qualifiés de défensifs ou d'offensifs. À cet égard, M fait remarquer ce qui suit dans son rapport (pièce E-4, page 4) :

[Traduction] « M m e Lockwood prétend qu’elle a agi de manière défensive dans le but de garder une certaine distance entre elle et M m e Sala et qu'il lui était impossible de changer de place parce qu'un fauteuil l'en empêchait.

Bien que le geste de M m e Lockwood semble être de nature défensive et avoir été fait sous l'impulsion du moment, il y a lieu de se demander si la force physique était la seule réaction possible et si la force employée était nécessaire.

Ni l'une ni l'autre des employées n'a indiqué que M m e Lockwood avait essayé d’arrêter M crayon en lui exprimant ses inquiétudes ou craintes, voire en lui demandant de s’éloigner. En outre, le coup a porté avec suffisamment de force pour faire reculer M d'environ trois pieds au lieu de simplement l'arrêter.

Bien que M m e Lockwood ne semble pas avoir délibérément voulu frapper M m e Sala, elle semble avoir réagi plus Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Lockwood [traduction] « a m e Sala continuait m e Young et

m e Young a m e Sala. »

m e Young m e Lockwood le 30 avril 1996 m e Young

m e Sala d’agiter le m e Sala

Décision Page 8 vivement qu’il n’était nécessaire pour se protéger contre ce qu’elle a peut-être perçu comme une menace physique. »

(c'est moi qui souligne) Lors de l'audience, à la question de savoir si elle croyait que la réaction de M m e Lockwood pouvait être qualifiée de réaction défensive ou de réaction offensive, M m e Young a répondu, après quelques instants de réflexion, qu’elle avait senti une certaine « agressivité » dans le geste de M m e Lockwood. Bien que M m e Young ait admis qu'elle aussi aurait trouvé le stylo physiquement menaçant, elle a réitéré que la réaction de M m e Lockwood était un geste offensif et elle a terminé son témoignage en affirmant notamment ce qui suit :

[Traduction] « À bien y penser, si je dois me prononcer au sujet de la force qui était nécessaire pour la repousser, je dirais qu'elles se trouvaient à environ deux pieds l'une de l'autre et qu'il s'agissait d'un coup pour repousser et non pas d'un geste pour arrêter. »

Témoignage et preuve de M m e Lockwood En décrivant la situation qui a mené à l’incident, M que la « détérioration » des relations entre elle-même et M abouti à une altercation » le 30 avril 1996. Lors du contre-interrogatoire, à la question de savoir ce qu'elle entendait par « altercation », M s'est dérobée et n'a pas répondu.

Lors du contre-interrogatoire, M m e Lockwood a aussi indiqué qu'elle avait été incapable de s'éloigner de M m e Sala à cause du fauteuil. Toutefois, elle a également déclaré ne pas avoir demandé ou intimé à M m e Sala de cesser d’agiter le stylo; elle n'a pas détourné le visage et elle n'a pas essayé de se protéger à l'aide de ses mains ou de ses bras.

À divers moments au cours de son témoignage, M m e Lockwood a affirmé avoir « poussé » M m e Sala. Elle a fait l'aveu suivant à la page 2 de la pièce G-7 :

[Traduction] « [...] elle s'est approchée à quelques pouces de mon visage en agitant le stylo. Je me suis sentie intimidée et menacée par ce geste; c'est pourquoi j'ai levé la main et je l’ai poussée afin de garder une certaine distance entre nous. Je tiens à préciser que je ne l'ai pas poussée fort, ni bousculée ni frappée de quelque façon que ce soit. Elle a alors dit que je l'avais frappée et s’est dirigée vers l'ascenseur ».

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m e Lockwood a déclaré m e Sala « avait m e Lockwood

Décision Page 9 (c'est moi qui souligne) Lors de l'audience, M m e Lockwood a mimé la façon dont elle avait « poussé » M m e Sala pour l'éloigner d'elle. Elle a démontré, de manière très mesurée et « contrôlée » comment elle avait « poussé » M m e Sala en appuyant sur sa « clavicule ». Elle a montré qu’elle avait physiquement ignoré la « menace » à ses yeux et à son visage. En agissant ainsi, soutient l'employeur, elle a montré qu'elle n'avait pas du tout réagi « instinctivement » ou par « réflexe » à la « menace ».

Argumentation En règle générale, la description du contact comme tel a varié suivant le témoin. Malgré cela, l'employeur soutient que la preuve montre que M m e Lockwood a commis une faute de conduite en « poussant », « frappant », « bousculant » M m e Sala ou en lui donnant un « coup » à la poitrine le 30 avril 1996. L'argumentation à l'appui de cette affirmation est présentée ci-dessous.

Lors du contre-interrogatoire de M m e Sala, M m e Lockwood n'a pas contesté la pièce E-1. En outre, elle n'a jamais contesté le témoignage de M m e Sala au sujet de l’emplacement de la contusion, pas plus qu'elle n'a remis en question l'origine de cette contusion. Durant le contre-interrogatoire de M m e Sala, M m e Lockwood n’a pas offert d'autres explications pour contester l'origine ou l’emplacement de la contusion.

L'employeur soutient que la pièce E-1 et le témoignage de M m e Sala au sujet de l'origine et de l’emplacement de la contusion attestent sans contredit de la force avec laquelle M m e Lockwood a « poussé », « frappé », « bousculé » M m e Sala ou lui a autrement donné un « coup ». Il est intéressant ce noter que cet élément de preuve n'a pas été contesté ni contredit. Par conséquent, l'employeur demande à l'arbitre de considérer comme un fait établi que M m e Lockwood a agressé M m e Sala le mardi 30 avril 1996 avec suffisamment de force pour causer une contusion et une douleur ayant incité M m e Sala à voir un médecin par la suite. Si l'arbitre n'accepte pas le témoignage de M m e Sala à titre de preuve prima facie de la faute de conduite, l'employeur lui demande d'accepter les autres éléments de preuve qui complètent le témoignage de M m e Sala. Plus particulièrement, l'employeur demande à l'arbitre de tenir compte des déclarations de M m e Young selon lesquelles la réaction physique de M m e Lockwood n'était pas de nature défensive mais plutôt de nature offensive. Bien que M m e Young ait admis qu'elle se serait elle aussi sentie menacée physiquement par le stylo, elle a déclaré qu'il y avait une certaine « agressivité » dans la réaction de M m e Lockwood. En outre, une fois arrivée à cette conclusion, M m e Young a confirmé son témoignage selon lequel la « réaction » de M m e Lockwood était une réaction inappropriée et qu’elle était de nature offensive.

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Décision L'employeur soutient en outre que M perdre en menant son enquête ou en affirmant que M une « réaction » défensive plutôt qu'une réaction offensive. Il maintient que les notes prises par M m e Young lors des entrevues ainsi que son rapport et son témoignage sont crédibles, et il demande à l'arbitre d'accorder beaucoup d’importance à ces éléments de preuve pour déterminer s'il y a eu mauvaise conduite ou non.

Enfin, l'employeur soutient que M m e Lockwood a elle-même admis à maintes reprises avoir « poussé » M m e Sala. M m e Lockwood a admis et démontré ce fait lors de l'audience, durant son entrevue avec M m e Young (pièce E-3) et dans la preuve documentaire qu'elle a produite (pièce G-7). En outre, l'employeur conteste toute affirmation voulant que sa réaction ait été de nature défensive uniquement. À cet égard, l'employeur demande à l'arbitre de conclure que M m e Lockwood n'a pas réagi par « instinct » ou par « réflexe » pour empêcher M m e Sala d’agiter le stylo à proximité de ses yeux ou de son visage. La preuve a démontré que M m e Lockwood a choisi d’ignorer le geste qu'elle a décrit comme « menaçant » et « intimidant » pour « pousser » M m e Sala à la hauteur de la « clavicule ». L'employeur soutient que M m e Lockwood était contrariée parce que M m e Sala refusait de répondre sur-le-champ à ses questions sur les problèmes de rendement qui avaient récemment été mis au jour. L'employeur maintient que la preuve démontre que M m e Lockwood a frappé sa collègue non seulement parce qu'elle était contrariée, mais également parce qu'elle était en colère.

Vu l'ensemble de la preuve présentée ci-dessus, l'employeur maintient que M m e Lockwood a « poussé », « frappé » ou « bousculé » M donné un « coup » à la poitrine le 30 avril 1996. L'employeur soutient s'être déchargé du fardeau de la preuve en démontrant que M a commis une faute de conduite en agressant sa superviseure.

III. Preuve relative à la sévérité de la mesure disciplinaire 2. En supposant qu'il y a eu mauvaise conduite, la suspension de deux jours était-elle appropriée?

L'employeur doit également convaincre l'arbitre que la mesure disciplinaire imposée était appropriée dans les circonstances. Il accepte ce fardeau et présente les éléments de preuve et les arguments qui suivent à l'appui de son argumentation selon laquelle la suspension de deux jours imposée à M m e Lockwood était justifiée et raisonnable. Preuve de la gestionnaire, M m e Barbara Taylor Lors de l'audience, la gestionnaire ayant sévi contre M m e Lockwood a témoigné au sujet de sa décision d'imposer une suspension de trois jours.

M m e Barbara Taylor (ci-après appelée « M m e Taylor »), la directrice intérimaire du Centre de counselling en ressources humaines au moment s'est produit l'incident, a témoigné au sujet de sa décision et a présenté

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Page 10 m e Young n'avait rien à gagner ou à m e Lockwood avait eu

m e Sala ou lui a m e Lockwood

Décision en preuve la lettre disciplinaire adressée à M 5 juillet 1996 (pièce E-5).

Dans cette lettre disciplinaire (pièce E-5), M M m e Lockwood a admis avoir frappé sa superviseure assez vigoureusement pour la faire reculer. Elle fait aussi remarquer que le coup avait été assez violent pour causer une contusion sur la poitrine de M l'imposition d'une suspension de trois jours, M de violence physique ne sera pas toléré au travail. »

Lors de l'audience, M m e Taylor a déclaré qu'elle avait tenu compte des notes d'entrevue de M m e Young ainsi que du rapport de cette dernière pour arriver à sa décision. Elle a également précisé qu'elle avait parlé à M m e Sala qui lui avait montré la contusion. Elle a en outre ajouté qu'elle avait examiné le dossier personnel de M m e Lockwood et constaté qu'il était sans tache.

Même si M m e Lockwood n'avait jamais fait l'objet d'une mesure disciplinaire auparavant, M m e Taylor a jugé qu'une suspension de trois jours était justifiée vu les éléments susmentionnés et vu que l'employeur ne pouvait donner l’impression qu’il approuvait les actes de violence au travail.

Autre preuve relative à la sévérité de la mesure disciplinaire M m es Sala, Young et Taylor ont toutes déclaré que M m e Lockwood ne s'était pas excusée et qu’elle n'avait manifesté aucun remords ni sur le moment ni dans les jours suivants pour avoir « poussé », « frappé » « bousculé » M m e Sala ou lui avoir donné un « coup ». Lors de l'audience, M m e Lockwood n'a ni offert d’excuses ni, soutient-on, manifesté quelque remords que ce soit.

Sévérité de la mesure disciplinaire selon la jurisprudence L'examen de la jurisprudence révèle que l'agression, qu'elle soit réelle ou prenne la forme d’une menace, est toujours considérée comme une infraction disciplinaire grave. À juste titre, la jurisprudence montre que l’infraction est plus grave lorsque la victime est un superviseur puisqu’elle témoigne d’un grand mépris pour l'autorité. L'employeur s'appuie sur les quatre affaires suivantes pour soutenir que la suspension de deux jours est justifiée et raisonnable.

Dans l'affaire Lefebvre c. le Conseil du Trésor (166-2-14809), le fonctionnaire s'estimant lésé, agent de correction à l'établissement Leclerc, a contesté la suspension de trois jours qui lui a été imposée à la suite d'un incident qui s'est produit dans le stationnement après son quart de travail, lorsqu’il a menacé son superviseur de lui casser la gueule. Comme en l'espèce, les relations de travail étaient tendues, l'incident dans l'affaire Lefebvre découlait d'un désaccord qu’il y avait eu pendant le quart de travail parce que le superviseur avait récemment offert à un autre gardien de faire des heures supplémentaires et parce que les choses n’allaient déjà

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Page 11 m e Lockwood en date du

m e Taylor souligne que m e Sala. Pour justifier m e Taylor a écrit que ce « type

Décision Page 12 pas très bien entre eux. L'arbitre a conclu qu’il y avait effectivement eu infraction et que la mesure disciplinaire imposée n'était pas déraisonnable dans les circonstances. En outre, dans ses motifs de décision, l'arbitre a souligné que M. Lefebvre ne s’était jamais excusé et n'avait jamais manifesté de remords.

Dans l'affaire Sloker c. le Conseil du Trésor (166-2-17589), le fonctionnaire s'estimant lésé, manœuvre à la Base des forces canadiennes Winnipeg, ministère de la Défense nationale, a été suspendu pendant trois mois après avoir menacé physiquement son superviseur et un collègue. L'arbitre, sur la foi de la preuve, a ramené à cinq jours la suspension de trois mois parce que la direction n'avait pas enquêté sur tous les faits pertinents.

L'employeur soutient que l'affaire Sloker est importante parce que l'arbitre n'a pas annulé la totalité de la suspension. En révoquant la suspension de trois mois et en y substituant une suspension de cinq jours, l'arbitre a fait remarquer que les menaces proférées au travail sont inacceptables même si la preuve a démontré que M. Sloker avait été provoqué et harcelé. Selon l'arbitre, cela ne constituait pas un motif pour exonérer complètement le fonctionnaire, mais cela le convainquait qu'il y avait lieu de réduire substantiellement la mesure disciplinaire.

L'employeur soutient que les affaires Sloker et Lefebvre illustrent le peu de tolérance qu’il y a dans la jurisprudence pour les « menaces » d'agression. Il maintient que, par voie de conséquence, une agression « réelle » justifie une mesure disciplinaire plus sévère.

Dans l'affaire Giroux c. le Conseil du Trésor (166-2-14730), le grief concernant une suspension de seize jours imposée à la suite d'une agression contre un superviseur a été rejeté. La fonctionnaire, enseignante dans une réserve indienne, avait agressé son superviseur et avait tenu des propos racistes à son endroit. S’appuyant sur la preuve, l'arbitre a conclu que la mauvaise conduite de la fonctionnaire avait été prouvée et que la mesure disciplinaire imposée était justifiée.

Dans l'affaire Voyer c. le Conseil du Trésor (166-2-16197), le fonctionnaire a agressé son superviseur à la fin de la journée. Il n'y avait pas de témoins. La victime de la prétendue agression a immédiatement rapporté l'incident à son superviseur qui a pu examiner les blessures fraîches et qui, le lendemain, a constaté une contusion au genou. Le fonctionnaire s'estimant lésé a maintenu que le superviseur s’était infligé lui-même les blessures ou qu’il était tombé ou avait eu une collusion. Malgré les affirmations du fonctionnaire, l'arbitre a conclu que la suspension de vingt-deux jours était appropriée étant donné que la seule explication plausible des blessures, selon la prépondérance des probabilités, étayait la conclusion selon laquelle le fonctionnaire avait frappé le superviseur durant une altercation.

Les faits dans l'affaire Voyer ressemblent à ceux de la présente affaire en ce sens que la fonctionnaire a aussi tenté de faire croire que la contusion de M m e Sala n’avait rien à voir avec le fait qu’elle avait été « poussée » ou « frappée » à la poitrine. L'employeur soutient que, en l'espèce, les

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Décision Page 13 tentatives de M m e Lockwood d’utiliser les mêmes arguments que dans l'affaire Voyer témoignent de son intransigeance ou de son refus général d'assumer la responsabilité de ses actions. L'absence d'excuses et de remords de la part de M m e Lockwood étaye encore davantage cet argument. Argumentation L'employeur soutient qu'une agression est toujours une infraction grave. Assurément, c’est une infraction plus grave quand la victime est un superviseur parce que cela témoigne d’un grand mépris pour l'autorité. L'employeur demande en outre à l'arbitre de tenir compte du fait que M m e Lockwood ne s'est jamais excusée et n’a jamais manifesté de remords. De plus, elle a cherché à imputer les blessures de M m e Sala à d'autres circonstances ou personnes.

L'employeur soutient que, quoique M m e Lockwood ne veuille pas admettre son comportement parce qu’elle estime que ses actions sont justifiées, il n’en demeure pas moins que le 30 avril 1996 elle a perdu son sang-froid et a agi de façon inappropriée. Sa réaction physique inacceptable était un acte d’insubordination qui témoignait d’un grand mépris pour l’autorité. L'employeur maintient qu'elle a commis une faute de conduite et qu'elle doit en assumer la responsabilité. Vu ces faits, la preuve et la jurisprudence, l'employeur soutient que la suspension de deux jours est justifiée et raisonnable dans les circonstances.

En ce qui a trait à l’argumentation concernant la provocation, l'employeur soutient que le fait que M m e Sala a agité un stylo devant le visage de M m e Lockwood ne justifie pas l'agression. Il maintient que la provocation ne peut jamais être invoquée pour justifier complètement un acte de violence physique contre un collègue.

En outre, d'après Brown et Beatty, la provocation n'excuse pas la mauvaise conduite. Elle sert plutôt à atténuer la peine. Les auteurs font également valoir qu'il est possible d’invoquer la provocation pour justifier complètement la mauvaise conduite dans certaines circonstances faisant intervenir certains comportements:

[Traduction] « Les arbitres s'entendent pour dire que lorsqu'un employé est capable de prouver que son comportement a été provoqué, du moins en partie par certains gestes de provocation [...] posés par un cadre [...], ce fait, bien qu'il puisse ne pas être suffisant pour l'exonérer complètement ou justifier sa mauvaise conduite, peut néanmoins être invoqué pour atténuer la peine imposée. Toutefois, pour que la provocation prenne valeur de justification, il faut, aux dires d’un arbitre, déterminer si l'employé s'estimant lésé aurait être en mesure de s’extraire d’une situation qui s’envenimait. Un autre arbitre a affirmé qu'une provocation grave pouvait exonérer complètement l'employé s'estimant lésé qui aurait tenu des propos grossiers parce que

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Décision Page 14 l'employeur, par ses agissements, s’est départi de son autorité légitime. »

(c'est moi qui souligne) Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration, Third Edition (Aurora : Canada Law Book Inc., 1998) p. 7-179.

L'employeur soutient que M m e Lockwood ne peut invoquer la provocation pour demander l'atténuation de la mesure disciplinaire en l'espèce. Elle n'a pas cherché à s’extraire de la situation avec M m e Sala. Plus particulièrement, elle est restée dans le bureau de M m e Sala même si cette dernière lui a demandé de sortir à plusieurs reprises. Au contraire, comme elle l'a avoué elle-même, c'est elle qui a provoqué les événements et qui est responsable de leur escalade. L'employeur soutient que la preuve à cet égard se trouve à la page 2 de la pièce G-7 M m e Lockwood a écrit ce qui suit : [Traduction] « Elle a affirmé qu'elle était trop occupée pour me rencontrer avant cette date. J'ai répondu que, si elle s’interrogeait sur mon rendement, je devais savoir à quoi m'en tenir. [...] Elle a déclaré qu'elle m'avait indiqué une date et que c'était à prendre ou à laisser, que je n’avais qu’à tirer un trait sur le passé et à recommencer à neuf avec John. Je lui ai demandé ce qu'elle entendait par et elle a répondu qu'elle n'allait pas me laisser prendre davantage de son temps. J'ai rétorqué que, par courtoisie, elle pourrait peut-être me fournir une explication. Son téléphone a sonné et elle a répondu; j'ai attendu qu'elle raccroche. Après avoir raccroché, elle m'a dit de sortir de son bureau. J'ai déclaré que je voulais savoir en quoi mon travail était insatisfaisant et elle a répondu qu'elle m'avait déjà dit qu'elle n'avait pas le temps. »

(c'est moi qui souligne) L'employeur soutient qu'en dépit des demandes répétées de M M m e Lockwood, par insubordination, a exigé des explications de sa superviseure, ce qui a eu pour effet d'exacerber la situation. M voulait des réponses immédiates. Elle ne voulait pas sortir du bureau de M m e Sala et se plaindre plus tard. Vu les actions de M l'employeur soutient que celle-ci ne peut pas invoquer la provocation pour obtenir une atténuation de la peine ou pour justifier complètement ce qui s’est passé.

[...] [C'est l'avocate de l'employeur qui souligne.]

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m e Sala, m e Lockwood m e Lockwood,

Décision Page 15 Argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée M me Lockwood a déposé son argumentation écrite le 25 janvier 1999. Elle est reproduite ci-dessous :

[Traduction] Selon les instructions reçues lors de l'audience le 2 décembre 1998, veuillez trouver ci-dessous les renseignements à l'appui de mon argumentation et une réfutation de l'argumentation de l'avocate (M e McCaffrey). J'aimerais vous fournir certains renseignements de fond dont vous n'êtes peut-être pas encore au courant. Quand le grief a été renvoyé à l'arbitrage le 24 avril 1998, l'employeur m'a offert un règlement. Aux yeux de l'employeur et du représentant syndical, l’offre semblait juste et équitable pour les deux parties. Le représentant syndical m'a dit que l'AFPC cesserait de me représenter si je ne l'acceptais pas. De toute évidence, j'ai refusé le règlement proposé car il ne tenait pas compte de l'humiliation et du stress que l'employeur m'a causés en grande partie en raison de la façon extrêmement maladroite dont il a traité mes plaintes initiales concernant le manque de professionnalisme de M m e Sala. J'ai été extrêmement offensée par les accusations criminelles non fondées qui ont injustement donné lieu à ma condamnation à l'issue d'un processus partial et superficiel. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de poursuivre mon grief malgré l'absence de représentation.

Je ne m'attends plus à ce que l'employeur assume ses responsabilités car mes attentes ont diminué depuis le début de ce processus long et fatigant. Je suis devenue plus réaliste et moins idéaliste. Je vais accepter votre décision quelle qu'elle soit et je n'ai pas l'intention de pousser plus loin cette fâcheuse affaire. J'ai décidé de me représenter moi-même à l’audience du 2 décembre 1998 essentiellement parce que j'estime ne pas avoir été écoutée ou traitée de manière respectueuse et professionnelle. L'absence de soutien et d’action responsable de la part de la direction après que je lui eus fait part de mes doléances ont tout simplement contribué à la détérioration d’un climat de travail déjà malsain dont les conséquences m’ont, de façon fort opportune, été imputées puisqu’on m’a blâmée et qu’on m’a imposé une mesure disciplinaire. La direction a refusé de tenir compte de la façon dont ses actions ou son inaction ont conduit au présent grief. Si on avait pris en considération les doléances que j’ai formulées de vive voix et par écrit au cours des mois qui ont précédé l'incident du 30 avril 1996, la superviseure n’aurait pas continué à agir de la manière non professionnelle qui a mené aux événements que l’on sait, et je ne serais pas en train d'écrire la présente lettre.

Je vous adresse une réponse même si je trouve difficile et stressant de revivre les événements et de me remémorer le traitement que j’ai subi par la suite. Je suis fatiguée d'avoir à prouver constamment mon innocence comme j’ai le faire tout au long de la procédure de règlement des griefs.

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Décision Page 16 J'ai été reconnue coupable avant que tous les faits pertinents aient été réunis, vérifiés et analysés. Je poursuis mon grief par respect pour moi-même et par souci d'intégrité, l'employeur ne m'ayant rien témoigné de la sorte. En outre, j'espère que cela empêchera que d'autres employés soient traités avec aussi peu d’égards.

Remarque : Veuillez vous reporter au règlement ci-joint que l'on m'a proposé.

En avril 1998, j'ai demandé une lettre d'excuses à l'employeur car j'estimais à ce moment-là que cela prouverait qu’il me respectait et qu’il assumait ses responsabilités. Bien entendu, je n'ai jamais reçu cette lettre. Cette demande semble inappropriée et ridicule aujourd'hui car, même si l'employeur y avait donné suite, ses excuses n’auraient pas été sincères et n’auraient pas été la manifestation d’un véritable sens des responsabilités. En d’autres termes, la direction a abdiqué ses responsabilités en n’acceptant pas de régler le problème du manque de professionnalisme de la superviseure, comme on se serait attendu qu’elle le fasse. On a fait fi de mes doléances et on a soutenu la superviseure.

Je me rends bien compte maintenant que je ne puis obtenir ce dont j’ai besoin par ce processus, c’est-à-dire que la direction assume ses responsabilités et me manifeste du respect. C'est quelque chose que je ne peux attendre que de moi-même et de véritables professionnels comme ceux que j'ai rencontrés et avec qui j'ai eu de bonnes relations de travail depuis mon départ de la fonction publique fédérale. J'attribue cela à mon attitude professionnelle ainsi qu'à des collègues et des superviseurs qui ont fourni d'excellentes références en mon nom.

Je ne poursuivrai pas cette affaire car je me rends enfin compte que je n'ai pas besoin de prouver à qui que ce soit que mes actions étaient justifiées et appropriées dans les circonstances. Si je me retrouvais dans la même situation, je n'hésiterais pas à réagir de la même façon. Personne ne devrait être menacé de manière agressive et persécuté au travail par une superviseure ou, en fait, par qui que ce soit.

Si j’ai effectivement agressé quelqu’un, ce qui est une infraction criminelle, pourquoi l'employeur m'a-t-il offert une indemnité de départ s’il avait des preuves que je n'étais pas une bonne employée? Je ne suis pas une personne agressive et je n’ai pas la réputation d’avoir un comportement violent. En fait, c'est plutôt le contraire.

D’après ce que je peux comprendre, on ne cherchait pas du tout à découvrir la vérité cette journée-là; c’est plutôt la bureaucratie qui a pris le dessus. Il ne servirait à rien de m’adresser des excuses vu que j'ai perdu tout respect pour l'équipe de direction qui aurait mettre un terme aux abus dont j'ai été victime de la part de ma superviseure, M m e Sala, et de la gestionnaire, M m e Taylor, du fait qu’elle n’a pris aucune mesure responsable et appropriée.

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Décision Page 17 Je ne veux pas revenir sans cesse sur la façon dont l'employeur m'a traitée en relatant tous les détails car je ne peux me faire à l’idée que les mêmes personnes portent probablement encore des jugements à l’emporte-pièce. Je ne me laisserai plus influencer par des jugements portés par une équipe de gestion incompétente. Je n'ai absolument rien à me reprocher. Je n’ai agressé personne. J’ai des principes moraux élevés. Il est très malheureux que tant d'énergie négative, de temps et d'argent aient été consacrés à ce processus à cause de l’incurie de gestionnaires.

Je vous remercie, M. Potter, du respect que vous m'avez témoigné et des conseils que vous m'avez donnés le jour de l'audience. Je me respecte car je sais que les autres qui sont au courant de la situation ont du respect pour moi. Le fait de défendre mon intégrité en disant la vérité et en offrant ma collaboration m’inspire de la fierté. Je n'ai pas fait tout ce que j'ai fait dans le but uniquement de récupérer deux jours de salaire. Je suis convaincue d'avoir fait la preuve de mon grand dévouement et de mon professionnalisme pendant tout le temps j’ai travaillé pour la fonction publique fédérale du Canada.

Les points suivants indiquent que je suis loin d'avoir bénéficié d'un processus équitable et juste depuis le début. Dans mon argumentation, j'ai fait ressortir des faits qui prouvent que l'accusation de comportement répréhensible portée contre moi n'est pas fondée.

Sont énoncés ci-dessous les points que j'ai jugé bon de faire valoir pour démontrer le manque de professionnalisme et de compétence de l’équipe de gestion qui a traité cette affaire.

1. La manière tout à fait inadmissible dont M m e Taylor a traité ma plainte initiale concernant le comportement inappropriée de M m e Sala à mon égard plusieurs mois avant le prétendu incident du 30 avril 1996 (voir le document G4); -mes notes de service ainsi que mes messages électroniques et téléphoniques adressés à M m e Tangler sont tous demeurés sans réponse (voir les documents G4, G5 et G6). J’y mentionnais le comportement de M m e Sala et je proposais des solutions pour atténuer la tension insupportable et le manque de respect à mon égard. -M m e Taylor n'a rien fait pour empêcher la situation de s’envenimer entre M m e Sala et moi-même, même si elle était au courant du conflit. 2. À titre d'exemple du manque de professionnalisme de M m e Sala, je tiens à mentionner l’inquiétude vague et non fondée au sujet de mon rendement dont je n’ai été mise au courant que le 29 avril 1996; -lors de l'audience, M m e Sala a affirmé qu’elle s’inquiétait depuis six mois de mon rendement au travail; pourtant, elle ne m'en avait rien dit; -il n'existe aucun document au sujet de cette inquiétude et des prétendues plaintes des clients; M m e Sala en a pourtant parlé plusieurs fois (voir le dernier paragraphe de la page 2 et le premier paragraphe de la page 5 du document E2); -M m e Sala a également affirmé à l'audience que ces documents avaient été détruits. Pourquoi? Ont-ils seulement existé?

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Décision Page 18 -j'ai demandé à M m e Sala pendant combien de temps les documents personnels doivent être conservés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Elle a répondu qu'ils devaient être conservés pendant trois ans. Pourquoi, alors, ces documents ont-ils été détruits? Vu que ses prétendues inquiétudes duraient depuis six mois, on a consigner les « plaintes » quelque part au cours de cette période; -M m e Taylor affirme dans sa correspondance à M. Ian Cox, le coordonnateur régional des renseignements personnels (voir le document G3 à la rubrique « remarques ») [traduction] « J'ai confirmé auprès d’Elizabeth Sala qu'il n’y avait aucun document dans son dossier se rapportant à des plaintes de clients. » -M m e Sala a échoué l'examen des conseillers en emploi du gouvernement fédéral. Pourquoi, alors, ses inquiétudes au sujet du rendement d’une conseillère en emploi dûment accréditée ont-elles été jugées crédibles par la direction et pourquoi n'a-t-on pas communiqué avec un spécialiste en counselling au bureau régional si les inquiétudes étaient fondées?

3. Je me demande aussi pourquoi M m e Sala et moi-même avons continué de travailler ensemble au cours des deux semaines qui ont suivi la prétendue agression; -et pourquoi la direction, voire M m e Sala, n'a pas appelé la police; -selon le règlement de l’unité régionale de la santé et de la sécurité, la direction aurait immédiatement rédiger un « Rapport sur l’incident, le danger ou l’accident » (voir le document G2, section B).

4. Il y a des divergences entre les déclarations faites lors de l'audience du 2.12.98 et les documents écrits; -M m e Sala a indiqué dans le compte rendu de l’entrevue signée (voir le document E2, page 3, 1 er paragraphe) [traduction] « alors qu’elle parlait à M m e Lockwood, elle a brandi le stylo en l’agitant »; -dans le rapport de M m e Young (voir le document E2, page 2, 3 e paragraphe) il est dit que : [traduction] « M m e Sala s'est dirigée vers M m e Lockwood en pointant le stylo [..] en direction du visage de M m e Lockwood ». Dans le même document (page 3, dernier paragraphe de la conclusion), il est dit que : [traduction] « M m e Sala [...] a apparemment levé le stylo qu’elle agité à proximité du visage de M m e Lockwood »; -lors de l'audience, M m e Sala a prétendu, contrairement à ce qu’elle avait initialement affirmé, qu’elle avait agité le stylo de gauche à droite plutôt que d’avant en arrière, dans ma direction; -M m e Taylor et M m e Young ont maintenu que le stylo avait été pointé vers mon visage; -M m e Sala a affirmé à l'audience qu'une distance d'environ un pied nous séparait, même si elle a aussi affirmé qu'elle avait continué d'avancer vers moi; -M m e Sala a affirmé à l'audience avoir « fait un grand bond par en arrière » après l'altercation, -alors que dans le rapport disciplinaire (voir le document G1, page 1, question 5) M m e Taylor affirme que : [traduction] « M m e Lockwood a agressé physiquement sa superviseure [...] la poussant ainsi par en arrière ».

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Décision Page 19 5. Je n'ai pas eu comme M m e Sala la possibilité de présenter à M m e Taylor ma version des faits immédiatement après la prétendue agression (voir le document E2, page 1, 1 er paragraphe) [traduction] « M m e Sala et M m e Taylor, la gestionnaire du CEC de Parkdale, avaient discuté d'une mesure disciplinaire possible, mais aucune décision n'avait encore été prise concernant la sévérité de cette mesure »; -lors de l'audience, M m e Taylor a affirmé qu'elle avait effectivement rencontré M m e Sala immédiatement après la prétendue agression et qu’elle avait discuté avec elle de ce qui s'était passé ainsi que de la mesure disciplinaire; -j’ai, semble-t-il, été reconnue coupable par M m e Taylor avant qu'elle ait pu réunir tous les faits et les analyser; -M m e Sala a ensuite rencontré les responsables des relations de travail au cours de l'après-midi et M m e Young le lendemain matin; -M m e Taylor était au bureau le 7 mai 1996 quand M m e Young m'a interviewée, mais elle n'a pas assisté à l'entrevue (voir le document E3, page 1, 2 e paragraphe); -cela peut être perçu comme un traitement préférentiel et partial puisque je n'ai pu rencontrer M m e Young qu'une semaine plus tard (document E3). 6. Dans le document E2 il est question de la responsable de la série d'événements (voir en bas de la page 2 et en haut de la page 3), il est dit que : [traduction] « M m e Sala a affirmé qu’elle avait refermé son agenda et qu’elle était passée devant M m e Lockwood pour sortir du poste de travail. M m e Lockwood se tenait encore au coin du bureau quand M m e Sala est revenue vers elle »; -puis elle a dit qu'elle avait brandi son stylo et l’avait agité devant mon visage; -il y a également lieu de mentionner, au sujet de l’opinion que M m e Sala avait de moi (voir le document E2, page 2, en haut de la page) que : [traduction] « M m e Young a demandé si M m e Lockwood avait élevé le ton. M m e Sala a répondu que M m e Lockwood n'avait pas élevé le ton, qu'elle se contrôlait très bien »; -j'interprète cette affirmation comme une indication de mon attitude réservée et professionnelle.

7. Le fait que M m e Taylor et M m e Sala ont initialement traité ma plainte de harcèlement contre M m e Sala (voir le document E2, page 4) : [traduction] « M m e Sala a indiqué à M m e Young que M m e Barb Taylor et elle-même avaient convenu de faire une chose à la fois. Elles s'occupaient d’un problème de harcèlement »; -d'après les lignes directrices du Conseil du Trésor et le règlement de Développement des ressources humaines Canada ni l'une ni l'autre des employées n’aurait intervenir, surtout pas M m e Sala! 8. Le fait que M m e Taylor m'a imposé une mesure disciplinaire sans m'interviewer et qu'elle s’est fait une opinion à partir de la transcription de notes;

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Décision Page 20 -M m e Taylor affirme dans le document E5 : [traduction] « Par la présente, je confirme les résultats de l'enquête que j'ai menée à la suite de l'incident », toutefois, ce n’est pas M m e Taylor qui a mené l'enquête, c'est M m e Young; -M m e Taylor affirme également dans le document E5 : [traduction] « vous avez avoué avoir frappé votre superviseure, la poussant ainsi par en arrière », je n'ai jamais dit avoir frappé M m e Sala, la poussant ainsi par en arrière » (voir le document E3, page 5, dernier paragraphe); sur la transcription, j'ai écrit : [traduction] « J'ai dit qu’il y avait eu un contact » et dans le document G7, page 2, au milieu de la page, j'ai précisé : [traduction] « Je me suis sentie intimidée et menacée par ce geste; c'est pourquoi j'ai levé la main et l’ai poussée afin de garder une distance entre nous. Je tiens à préciser que je ne l'ai pas poussée fort, ni bousculée ni frappée de quelque façon que ce soit »; -M m e Taylor a employé le terme « frapper » dans le document E5; cela suppose une agression tandis que mon libellé indique un réflexe de protection; -M m e Taylor affirme également dans le document E5 : [traduction] « Vous l’avez frappée avec suffisamment de violence pour causer une contusion à la poitrine de la superviseure ». Comment est-elle arrivée à cette conclusion? Sur quelle preuve s'est-elle fondée? Dans le rapport de M m e Young (document E4, page 3), elle ne formule aucune opinion et n'affirme pas non plus que c'est moi qui ai causé la contusion. -le document G7 était une description des faits que j'ai apportés à l'entrevue avec M m e Young (document E3) de ma propre initiative; j'ai donc collaboré pleinement au processus; -il n'y a pas eu d'audience disciplinaire ni d'explication quant à la façon dont elle était arrivée à ses conclusions, pas plus qu'il n'y a eu de suivi; -on m'a seulement remis une enveloppe le 5 juillet 1996 (voir le document E5); dans cette lettre M m e Taylor affirme : [traduction] « Vous avez agressé physiquement votre superviseure »; c'est une déclaration carrément diffamatoire; -en outre, il n'est pas du tout question de l'attitude de M m e Sala dans cette lettre ni dans les autres documents de M m e Taylor; -je ne puis que conclure que M m e Taylor approuvait les méthodes de supervision de M m e Sala; -le rapport disciplinaire (document G1) ne contient aucune preuve, simplement la mention : [traduction] « voir ci-joint les notes de l'entrevue avec E. Sala le 1 er mai 1996 » (voir le document E2); -il n'y a absolument aucune analyse (document G1, page 2, question n o 10); -elle a inscrit la mention « aucune » sous circonstances atténuantes (document G1, page 1, question n o 9), même si elle savait que ce n'était pas vrai;

9. Le document E1 ne mentionne pas le nom du médecin ni ses titres et qualités. Il y a également des notes manuscrites de deux personnes différentes dont l'identité n’est pas précisée; -de plus, les notes dactylographiées au bas du document ne sont pas signées; -j’ai vu ce document ou j’ai été mis au courant de son existence pour la première fois à l'audience en arbitrage;

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Décision Page 21 -pourquoi ce document n'a-t-il pas été présenté en preuve à un des paliers de la procédure de règlement des griefs ou mentionné dans le rapport disciplinaire (document G1)?

10. Il semble y avoir des divergences de vues au sujet de l’emplacement et de la dimension de la contusion sur le corps de M m e Sala; -M m e Sala a affirmé avoir « reçu un coup de poing à la base du cou » (document E2, page 3, 2 e paragraphe); -M m e Taylor a affirmé, à l'audience en arbitrage, que M m e Sala lui avait montré la contusion au milieu de la poitrine, en pointant cet endroit sur elle-même; -M m e Taylor a affirmé, à l'audience en arbitrage, que la contusion avait trois pouces de diamètre une semaine après l'incident; -M m e Young a affirmé avoir également examiné la contusion de M m e Sala à ce moment-là et qu'elle avait un pouce de diamètre; -comment est-on arrivé à la conclusion que cette contusion était le résultat de l'altercation survenue le 30 avril 1996? -est-ce la seule conclusion que l'on a tirée? -cette marque ne pouvait-elle pas avoir de nombreuses autres causes?

11. Il est insensé de me demander de faire des excuses à M m e Sala. C’est plutôt elle qui devrait m’en adresser. Son attitude agressive, imprévisible et offensante est inexcusable; -j’étais la cible constante de remarques et de gestes irrespectueux et non professionnels, mais la direction n’est jamais intervenue; -même à l'audience, M m e Sala a affirmé ne pas m'avoir parlé des prétendues plaintes des clients par souci parce qu’elle craignait pour leur sécurité et leur bien-être; -pourquoi, alors, si c’est vraiment la conclusion qu’elle a tirée à mon sujet et l’opinion qu’elle a de moi, m'a-t-on autorisé à continuer de travailler comme conseillère en emploi, à remplir toutes les fonctions de mon poste, plus particulièrement à rencontrer des gens individuellement de manière quotidienne;

12. Lors de l'audience, M. Potter a demandé à M d'agressive ou de passive ma réaction au comportement de M -pourquoi a-t-elle tant tardé à répondre à la question? -on aurait dit qu’elle cherchait la « bonne » réponse pour étayer l'argumentation de la direction.

13. On m'a demandé pourquoi je n'avais pas envisagé d'autres moyens de m’en sortir quand M m e Sala s’était mise à agiter un stylo à une douzaine de pouces de mon visage en se dirigeant vers moi. J'ajouterai que le bureau se trouvait juste derrière moi et que j’étais pour ainsi dire coincée. De plus, M m e Sala étant sortie du poste de travail (voir le document E2, page 2, dernière phrase et en haut de la page 3), ses actions étaient donc tout à fait inattendues et m’ont prise pas surprise car tout s'est déroulé en quelques secondes;

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m e Young si elle qualifierait m e Sala;

Décision Page 22 -l’imprévisibilité et la rapidité de son geste plus la position dans laquelle je me trouvais ne m'ont laissé d'autre choix que de chercher spontanément à me protéger; -je fais également remarquer que je reçois une pension d'invalidité à cause d'une blessure au dos qui réduit ma mobilité et ma souplesse, ce qui m’empêche de me mouvoir rapidement et facilement.

14. De ma propre initiative, j'ai essayé de plusieurs façons de mettre un terme à ce comportement abusif de M m e Sala et au stress et à la tension grandissants qui en résultaient même après m'être rendue compte que la direction ne comptait pas donner suite à mes doléances ou prendre quelque mesure que ce soit en d’autres termes, assumer ses responsabilités. J'ai essayé de faire la paix avec M m e Sala le 3 mars 1996 (voir le document G7, page 2, dernier quart de la page).

15. Les griefs cités à titre d'exemple n'ont absolument rien à voir avec le présent grief, car ils concernent des menaces verbales adressées à des superviseurs; -comportement violent avec l'intention de blesser; -agression physique préméditée; -remise en question de la crédibilité des fonctionnaires s'estimant lésés, leurs versions des faits changeant continuellement; -facultés affaiblies par l'alcool ou alcoolisme dans un cas. On n'a cité aucun cas d'employé cherchant à se protéger contre l'agressivité d'un superviseur; -Il n’y a pas de parallèle avec mon cas.

Réfutation de l'employeur Le 1 er février 1999, l'avocate de l'employeur a réfuté l'argumentation écrite de la fonctionnaire s'estimant lésée dans les termes suivants :

[Traduction] [...] I. Non-pertinence de l’argumentation L'employeur soutient que la page [15 et les deux premiers paragraphes de la page 16] ne se rapportent pas aux questions juridiques que soulève la présente affaire.

En ce qui concerne les points soulevés aux numéros 2 et 3, pages [17] et [18], l'employeur soutient qu'ils ne se rapportent pas à la présente affaire.

L'employeur soutient en outre que le numéro 5 [pages 18-19] n’est pas pertinent de même que le numéro 7 à la page [19].

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Décision II. Impossibilité d’invoquer la atténuant

En ce qui concerne l'argumentation de la fonctionnaire au numéro 1 de la page [17], l'employeur maintient son argumentation initiale selon laquelle la provocation ne peut être invoquée comme facteur atténuant (argumentation de l'employeur datée du 17 décembre 1998, aux pages [13-14]).

L'employeur ajoute que ces observations s’appliquent aussi au numéro 6, à la page [19].

III. Qualification du geste de M m e En ce qui concerne l'affirmation faite au numéro 4, page [18], au numéro 8, [pages 19-20], aux numéros 12, 13 et 14, page [21], l'employeur demande à l'arbitre de retenir plutôt le témoignage de M répondu à la question de savoir si la réaction de M défensive ou offensive (témoignage de M de l'argumentation écrite de l'employeur datée du 17 décembre 1998; pièce E-2, pages 3 et 5; pièce E-4, page 4).

L'employeur conteste l'affirmation de M m e Lockwood qui prétend ne pas avoir eu d’autre choix. Elle a montré avoir contribué à envenimer la situation qui l'a amenée à « pousser » M m e Sala. La déclaration qu’elle a elle-même rédigée montre qu’elle a fait preuve d'insubordination en restant dans le bureau de M m e Sala après que celle-ci lui eut demandé à plusieurs reprises de sortir (pièce G-7, page 2). L'employeur soutient que d'autres choix s'offraient à M m e Lockwood. Elle aurait pu obéir à l'ordre de sa superviseure, faire preuve d'un peu plus de jugement et quitter les lieux. Elle a préféré rester dans le bureau.

IV. Refus d'assumer la responsabilité de l’incident et absence de remords

En ce qui a trait à l'affirmation de la fonctionnaire aux numéros 9, 10 et 11 [pages 20-21], l'employeur s’oppose de nouveau à ce que la fonctionnaire conteste après coup la preuve médicale ou le témoignage de M concernant l’origine de la contusion, car cela contrevient à la règle énoncée dans l'affaire Browne v. Dunn (1893), 6 R. 67 (H.L.), p. 70-1.

L'employeur soutient que les tentatives répétées de M m e Lockwood de contester le témoignage de M m e Sala, après le contre-interrogatoire, témoignent non seulement de sa propension à nier les faits, mais également de son refus d'assumer la responsabilité de l’incident. En fait, elle cherche à imputer la contusion à d'autres personnes ou événements. L'employeur maintient que sa version n'est pas plausible (voir Voyer c. le Conseil du Trésor (CRTFP 166-2-16197)) et demande de privilégier plutôt les témoignages de M m es Sala, Young et Taylor. En outre, l'employeur soutient que la propension de M m e Lockwood à nier Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 23 provocation comme facteur

Lockwood m e Young qui a m e Lockwood avait été m e Young reproduit aux pages [6-7]

m e Sala

Décision Page 24 les faits explique les contradictions relevées dans sa preuve. Dans son témoignage et son argumentation, elle a nié avoir employé le terme « coup » lors de l'entrevue avec M m e Young et a modifié le rapport en y substituant le terme « contact » (pièce E-3, page 5). Dans son témoignage direct, elle a affirmé qu'il y avait eu une « altercation » entre elle et M m e Sala. Pourtant, lors du contre-interrogatoire, elle a nié connaître le sens du terme « altercation » vu qu'elle n'avait pas de dictionnaire. Quant on lui a mentionné qu'elle avait elle-même employé ce terme, elle s’est dérobée et a refusé de répondre. Un peu plus tard, dans un autre document, elle a nié avoir donné un « coup » ou avoir « bousculé » M m e Sala (pièce G-7, page 2) préférant utiliser le terme « poussé » cette fois.

Enfin, comme le fonctionnaire dans l'affaire Lefebvre c. le Conseil du Trésor (166-2-19990), M m e Lockwood donne à entendre que la manière « tout à fait inadmissible » dont M m e Sala a traité ses plaintes, le « manque de professionnalisme » de M m e Sala, le fait que M m e Taylor approuvait les « méthodes de supervision » de M m e Sala ont mené en bout de ligne à l’agression de M m e Sala (voir l'argumentation écrite de la fonctionnaire s'estimant lésée datée du 25 janvier 1999, pages [17-18]). L'employeur soutient que M m e Lockwood a totalement refusé d'assumer la responsabilité de l’incident. Elle croit qu’elle n’a rien fait de mal et qu'elle est la seule victime dans cette situation. M m e Lockwood n'a jamais manifesté de remords.

Compte tenu de ce qui précède, l'employeur demande à l'arbitre d’accorder peu d’importance à l'ensemble de la preuve de M propension générale à nier les faits et les contradictions intéressées qu’elle contient.

Motifs de décision M me Barbara Taylor a imposé une suspension de trois jours, qui a été ramenée à deux jours, à M me Lorraine Lockwood pour avoir agressé physiquement sa superviseure, M me Elizabeth Sala. Bien que la lettre disciplinaire (pièce E-5) précise que l'incident remonte au 10 avril 1996, personne ne conteste qu’il s’est réellement produit le 30 avril. La lettre disciplinaire précise notamment ce qui suit :

[...] Vous l'avez frappée avec suffisamment de force pour causer une contusion à la poitrine.

[...] Il va de soi que les employeurs ont le droit d’imposer des mesures disciplinaires et, en règle générale, je crois que les arbitres ne devraient pas intervenir

Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Lockwood vu sa

Décision Page 25 quant la peine imposée se situe dans les limites de l’acceptable, qu’elle est justifiée et que l'on a tenu compte de tous les facteurs atténuants.

Toutefois, en l'espèce, il m'est tout simplement impossible d’entériner une suspension de deux jours vu les circonstances particulières qui m'ont été exposées.

Premièrement, M m e Taylor a affirmé qu'elle avait tenu compte, entre autres choses, de la sévérité de l'agression pour déterminer la mesure disciplinaire à imposer. Plus particulièrement, elle a indiqué avoir tenu compte du fait que M me Sala lui avait montré une contusion découlant de l'incident. Elle n'a pas mentionné cette contusion à M me Young (l'enquêteur) durant l’entrevue avec elle; pour sa part, M m e Young a affirmé que c’est par hasard qu’elle a vu la contusion quelques jours plus tard. M m e Young a déclaré qu'elle n'avait pas fondé son rapport, ou ses conclusions, sur le fait qu’il y avait une contusion. D’ailleurs, le fait que M me Sala avait peut-être été blessée n’a jamais été soulevé quand elle a été interviewée par M me Young, le 1 er mai 1996. Je trouve étrange que M me Sala n’ait pas mentionné la blessure lors de son entretien avec M me Young. La question n'a pas du tout été soulevée lorsque que M me Young a interviewé M me Lockwood; par conséquent, cette dernière n'a jamais eu l'occasion de formuler des observations au sujet de la blessure. Dans les circonstances, je conclus que M m e Taylor n'aurait pas tenir compte du fait que M m e Sala avait une contusion pour déterminer la durée de la suspension. M m e Lockwood m’a semblé une personne calme même lors du contre-interrogatoire serré de l'avocate. D'après mes observations et les faits exposés lors des témoignages, je crois que la fonctionnaire a commis une faute de conduite et qu'une mesure disciplinaire s’impose. Toutefois, je conclus également que la superviseure n'a rien fait pour atténuer la tension qui existait entre elle et M me Lockwood. La fonctionnaire venait de se faire dire qu’on s’était plaint d’elle, et elle voulait en discuter avec M me Sala. Si plaintes il y avait eu, c’était la première fois qu’on trouvait à redire au sujet du rendement de la fonctionnaire, à ce que je sache.

À mon avis, le désir de M me Lockwood de discuter le plus tôt possible d'une quelconque plainte d'un client était compréhensible. Elle venait juste d’apprendre qu’on s'était plaint de son rendement, mais M me Sala refusait de lui fournir plus de détails. En l'espèce, la superviseure est aussi à blâmer pour avoir envenimé la situation. Toutefois, cela n'excuse pas complètement le comportement de la

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Décision Page 26 fonctionnaire. On ne pousse tout simplement pas un superviseur, et l'employeur est justifié de sévir.

Il y a eu une altercation et la fonctionnaire a eu recours à la force pour repousser sa superviseure. M me Young a conclu (pièce E-4, page 4) que la fonctionnaire avait employé plus de force qu’il n’était nécessaire, et je suis d'accord avec elle sur ce point : dans son argumentation écrite, la fonctionnaire dit avoir poussé M me Sala par en arrière (pièce G-7, page 2).

Pour tous ces motifs, j’estime que, dans ce cas particulier, une réprimande écrite est plus appropriée. Dans cette mesure, il est fait droit au grief de M et celle-ci a droit au remboursement de deux jours de salaire.

Joseph W. Potter, président suppléant

OTTAWA, le 4 mars 1999. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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m e Lockwood

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