Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Fraude - Aide au relogement - le fonctionnaire s'estimant lésé s'est réinstallé temporairement, puis définitivement, suite à son affectation à une projet spécial - sur la foi des reçus qu'il a produits, il a réclamé 1 500 $ par mois, pendant 27 mois, en frais d'aide au logement, alors que ses frais réels étaient beaucoup moins importants - l'employeur a licencié le fonctionnaire s'estimant lésé - l'employeur a plaidé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait présenté de faux reçus au soutien de ses réclamations - l'employeur a allégué que le fonctionnaire s'estimant lésé savait que, lorsque des reçus sont exigés, les employés n'ont droit qu'au remboursement des frais réels encourus - le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu que, après son entrevue initiale avec la représentante de l'employeur, il croyait avoir droit à 1 500 $ par mois - il a ajouté que l'employeur ne lui avait pas remis copie de la politique sur la réinstallation, contrairement à l'exigence de la convention collective - le fonctionnaire s'estimant lésé soutient que l'employeur a fait preuve de laxisme et rappelle qu'il a offert de rembourser le trop-perçu dès que son erreur lui a été communiquée et qu'il a effectivement remboursé le total de cette somme très rapidement par la suite - le fonctionnaire s'estimant lésé soutient que le licenciement est une peine trop sévère dans les circonstances - l'arbitre a décidé que la faute de conduite du fonctionnaire s'estimant lésé était grave - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé et l'employeur ont été tous deux négligents dans cette affaire - l'arbitre a substitué une suspension sans solde de 12 mois. Grief admis en partie.

Contenu de la décision

Dossier: 166-2-27737 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE MARC BEAULNE fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant: Jean Charles Cloutier, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé: Jean Ouellette, L'Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur: Michel LeFrançois, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), les 25, 26 et 27 août 1997.

Decision Page 1 DÉCISION Le 29 octobre 1996, Monsieur Marc Beaulne, employé à Transports Canada, a présenté un grief concernant son licenciement.

L'énoncé du grief se lit comme suit: (traduction) Je conteste mon congédiement abusif par Transport Canada. La lettre de licenciement datée du 29 octobre 1996 se lit comme suit: Après enquête sur les irrégularités concernant les dépenses qui vous ont été remboursées conformément à la directive du Conseil du Trésor sur la réinstallation, j'ai attentivement examiné toutes les informations existantes et j'en suis arrivé aux conclusions suivantes.

Les preuves démontrent que vous avez obtenu à tort une indemnité pour l'occupation temporaire de deux résidences d'abord pendant votre réinstallation à court terme puis votre réinstallation permanente à Ottawa, Ontario. Pendant 27 mois, de juillet 1994 à septembre 1996, vous avez fourni des reçus indiquant que vous versiez 1500 $ par mois en location et en services. Vous avez donc reçu 1500 $ par mois en indemnité pour l'occupation temporaire de deux résidences. Il a été démontré que les reçus que vous présentiez étaient faux en fait et ne reflétaient pas le montant réel que vous dépensiez chaque mois en location et en services. Si vous n'aviez pas présenté de faux reçus, vos remboursements mensuels auraient été beaucoup moins élevés que les 1500 $ que vous receviez.

Je considère que vos actes portent gravement atteinte aux relations employeur-employé surtout si l'on considère le niveau très élevé de confiance et d'intégrité que l'on vous demande comme inspecteur de la navigabilité aérienne. Vous avez indiqué que vous croyiez que vos actes étaient corrects et que vous n'aviez aucune intention de mal agir. Je ne peux accepter cette explication; je crois que vos actes, tant durant la période de 27 mois vous avez obtenu à tort une indemnité pour l'occupation temporaire de deux résidences que durant l'enquête, démontrent un manque total de jugement. Je ne peux faire autrement que de conclure que vous saviez ou que vous auriez savoir que vos actes étaient clairement inacceptables et pouvaient entraîner des conséquences graves.

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Decision Page 2 Étant donné ce qui précède, je considère que la relation de confiance qui doit exister entre un employé et la direction a été irrémédiablement compromise. En conséquence, conformément aux pouvoirs qui me sont délégués par le Sous-ministre de Transports Canada et en application de l'alinéa 11(2)f) et du paragraphe 11(4) de la Loi sur la gestion des finances publiques et de l'article 50 du Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique, je mets fin par la présente à votre emploi dans la fonction publique pour inconduite. Cette décision entre en vigueur à la fermeture des bureaux aujourd'hui.

Vous avez le droit de déposer un grief contre cette décision si vous le désirez.

La Direction des opérations de la rémunération communiquera avec vous pour régler les formalités administratives concernant cette décision.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.

(pièce E-4) La mesure corrective demandée est: (traduction) Réintégration à mon poste TI-05 de durée indéterminée.

PREUVE L'avocat de l'employeur a déposé 11 pièces justificatives (E-1 à E-11 inclusivement). Le représentant de l'employé a déposé 15 pièces justificatives (G-1 à G-15 inclusivement). La preuve de l'employeur peut être résumée comme suit.

Linda Wisking, responsable des politiques de voyages et de réinstallation, a eu une rencontre avec Marc Beaulne en juin 1994. Celui-ci était réinstallé de Timmins à Ottawa, et la coutume veut que les employés soient informés de la directive sur la réinstallation (pièce E-7). Ces séances d'information durent habituellement une heure environ mais elle n'a pris qu'environ une demi-heure avec M. Beaulne. Elle l'a informé qu'il avait droit à 1 500 $ par mois pour son loyer dans la région de la Capitale nationale ce qui comprenait les frais d'hydro, de téléphone et de

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Decision Page 3 câblodistribution. M me Wisking ne se souvient pas d'avoir remis une copie de la politique au fonctionnaire mais plutôt de lui avoir expliqué ses droits. Elle reconnaît avoir initialé les documents (autorisation de voyage et frais d'avance) et admet avoir vu les 27 reçus au montant de 1 500 $ chacun signé par R. Nadon. En contre- interrogatoire, M me Wisking a mentionné que le montant de 1 500 $ était un maximum et que ce montant n'apparaissait pas dans la politique sur la réinstallation car il varie selon la moyenne des montants payés en loyer pour la région concernée. Le témoin de l'employeur a aussi mentionné dans sa note du 13 novembre 1996 (pièce G-12), que lorsque l'employeur donnait un montant fixe par mois, il n'exigerait pas de reçus pour les dépenses encourues. Une réunion a aussi eu lieu au mois d'avril 1996 entre M me Wisking, Marc et Michèle Beaulne concernant sa réinstallation permanente à Ottawa étant donné qu'il avait gagné un poste permanent à Ottawa. Cette réunion avait pour but d'expliquer ce à quoi il avait droit tant en vertu de la politique sur la réinstallation (permanente) que de la toute nouvelle politique (ébauche) de vente de maison. M me Wisking dit que M. Beaulne a très bien compris ladite politique, et même mieux qu'elle à ce moment-là.

Le deuxième témoin de l'employeur fut Josée Derickx, employée en relation de travail à Transports Canada, qui dit avoir reçu un téléphone le 11 septembre 1996 de P. Desjardins, agent de sécurité, l'informant d'irrégularités dans les frais de voyages de M. Beaulne. Le 8 octobre 1996, une réunion avait lieu entre M. Beaulne, Larry Teslyk, représentant syndical, Don Sherritt, Directeur par intérim, et Josée Derickx, au cours de laquelle on a informé M. Beaulne des irrégularités dans ses comptes de réinstallation.

M. Beaulne a admis à cette réunion que son loyer était de 783 $ par mois y compris les services (hydro, téléphone, câblodistribution) et que les 27 reçus de 1 500 $ étaient faux. De plus, M. Beaulne a offert de rembourser les montants reçus en trop soit environ 19 000 $. Josée Derickx nous informe d'une autre réunion, le 29 octobre 1996, à laquelle les mêmes personnes étaient présentes en plus de D. Spruston, directeur général, et Georges Dufour, avocat de M. Beaulne. D. Spruston a alors informé M. Beaulne qu'il le licenciait (pièce E-4) dès ce jour et que la Gendarmerie royale avait été saisie du cas. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré à cette réunion qu'il avait compris qu'il avait droit à 1 500 $ par mois et qu'il devait produire un reçu pour ce montant. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 En contre-interrogatoire, Josée Derickx déclare que M. Beaulne a admis à cette réunion:

a) que les reçus étaient faux; b) qu'il ne croyait pas avoir rien fait d'illégal mais s'il avait fait une erreur, il était prêt à rembourser le montant total.

Don Sherritt, directeur par intérim, fut le dernier témoin de l'employeur et il a confirmé les dires de Josée Derickx quant aux faits qui sont ressortis des réunions. De plus, M. Sherritt dit que M. Beaulne a semblé très troublé et confus lors des réunions ce qui le laisse perplexe car il est son superviseur immédiat et le compte parmi ses cinq meilleurs inspecteurs. Le témoin a référé à plusieurs évaluations de rendement (pièce G-1), lesquelles portent une cote «entièrement satisfaisant». De plus, il a fait état de la description de tâches (pièce E-3) du fonctionnaire qui décrit les responsabilités très importantes de ce dernier à l'égard des transporteurs aériens et il en vient à la conclusion que M. Beaulne a fait preuve d'un pauvre jugement en s'appropriant des sommes auxquelles il n'avait pas le droit. En contre-interrogatoire, le témoin a dit ne pas savoir demeurait M. Beaulne, c'est-à-dire qu'il ne connaissait pas son adresse à domicile.

La preuve du représentant du fonctionnaire s'estimant lésé peut être résumée comme suit.

M me Nathalie Nadon a rencontré Marc Beaulne et sa famille à l'été 1994 et c'est à ce moment qu'il a annoncé le fait qu'il venait travailler dans la région d'Ottawa sur un projet spécial, ajoutant que l'employeur lui donnait 1 500 $ par mois pour ses frais. Le but de la visite de M. Beaulne à la famille Nadon était de rencontrer Rolland Nadon afin de lui demander de l'aide à se trouver un logis. En contre-interrogatoire, M me Nathalie Nadon a déclaré que Marc Beaulne lui a dit qu'il recevrait 1 500 $ par mois.

Le témoin suivant est M. Rolland Nadon, un ami de la famille Beaulne demeurant au 104, boul. Lorrain à Gatineau. Lors de la rencontre entre M. Nadon et M. Beaulne, le 1 er juillet 1994, M. Beaulne lui a fait part de sa mutation à Ottawa pour une période variant de 9 mois à un an tout en lui disant qu'il était très fier de cette

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Decision Page 5 promotion et que l'employeur lui allouait 1 500 $ par mois pour défrayer les dépenses occasionnées par cette mutation. C'est alors que M. Nadon a offert à M. Beaulne d'ajouter/de construire un loyer à sa propriété au 104, boul. Lorrain afin d'y loger sa famille tout en lui assurant que le tout serait prêt dans les mois suivants. C'est alors que M. Nadon a convenu de trouver le loyer temporaire jusqu'à la fin de la construction. M. Nadon trouva un loyer chez un M. Desjardins au 407, rue Plouffe, à Gatineau au coût de 640 $ par mois, sans bail. M. Nadon a consenti alors à payer le loyer de 640 $ à chaque mois à M. Desjardins pour l'appartement au 407, rue Plouffe demeurait M. Beaulne et sa famille et en plus M. Nadon a signé les 27 reçus mensuels au montant de 1 500 $ afin de permettre à M. Beaulne de recevoir ce montant de l'employeur à chaque mois. En contre-interrogatoire, M. Nadon a dit comprendre qu'on avait alloué 1 500 $ par mois à M. Beaulne et qu'il fallait qu'il produise un reçu. M. Nadon admet n'avoir jamais touché plus de 640 $ par mois, admet avoir signé de faux reçus car il n'a pas reçu les 1 500 $ et dit ne pas avoir payé l'hydro, le téléphone ou la câblodistribution. Le projet de construction d'un loyer chez lui (104, boul. Lorrain) ne s'est pas matérialisé et c'est au printemps 1995 qu'il en a fait part à M. Beaulne. M. Nadon a appris que M. Beaulne avait signé un bail (pièce E- 11) avec M. Desjardins seulement à l'été 1995. M. Nadon dit qu'il ne voyait pas d'inconvénient à signer les 27 (faux) reçus et à payer pour M. Beaulne 640 $ par mois à M. Desjardins, pendant toute la période de 27 mois.

M. Richard Laurence "Larry" Teslyk, représentant syndical, a assisté aux deux réunions (8 et 29 octobre 1996). Il a affirmé qu'il avait compris de M. Beaulne que celui-ci avait le droit de réclamer 1 500 $ par mois tout en ayant un reçu pour ce montant. Il dit que M. Beaulne a à plusieurs reprises durant les deux réunions admis avoir mal compris et que, si c'était le cas, il était prêt à rembourser les montants dus. Il a remarqué que M. Beaulne avait une attitude de grande coopération durant ces deux réunions et qu'il ne semblait vouloir rien cacher.

Durant le contre-interrogatoire par l'avocat de l'employeur, le témoin a alors réalisé l'erreur commise par M. Beaulne, c'est-à-dire qu'il avait droit à un maximum de 1 500 $ et que les dépenses seraient remboursées si elles étaient accompagnées de reçus. Ce témoin croit que Marc Beaulne n'est pas coupable car il a tout simplement fait une erreur humaine.

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Decision Page 6 Le témoin suivant de la défense fut l'épouse du fonctionnaire, M me Michelle Beaulne. M me Beaulne a confirmé le fait qu'ils devaient prendre un logement temporaire en attendant la construction promise par M. Nadon. Elle a confirmé avoir vécu 27 mois au 407, rue Plouffe et que le loyer était payé par M. Nadon à M. Desjardins. Elle a confirmé que son mari lui avait dit qu'ils avaient droit à 1 500 $ par mois pendant la période de transition.

En contre-interrogatoire par l'employeur, M me Beaulne a déclaré que son mari lui avait dit que Linda (Wisking) l'avait informé de produire un reçu global. Elle a aussi admis n'avoir jamais vu les 27 reçus de 1 500 $ préparés par son mari et signés par M. Nadon.

Le dernier témoin de M. J. Ouellette fut Marc Beaulne qui a déclaré être à l'emploi de Transports Canada depuis 1987 et ce, à titre d'inspecteur de navigabilité au niveau de TI-05. Il s'est reporté à ses évaluations (pièce G-1) qui sont toutes entièrement satisfaisantes et de plus, il a confirmé que le présent dossier constitue sa seule mesure disciplinaire. Il a confirmé que ses supérieurs lui avaient demandé en juin 1994 de venir participer à un projet spécial à Ottawa pour une période de 6 à 9 mois. Avant le début de son affectation (le 4 juillet 1994), soit au cours du mois de juin 1994, il a rencontré Linda Wisking et celle-ci lui aurait dit qu'il aurait un montant de 1 500 $ par mois pour vivre ici (Ottawa) et que tous les coûts supérieurs à ce montant devraient être défrayés par lui. M. Beaulne dit ne pas avoir reçu copie de la directive. M. Beaulne a rencontré M. Nadon. Celui-ci lui a offert de lui construire un logis à même sa demeure familiale et a ajouté que durant la période de construction, il (M. Nadon) lui trouverait un logement temporaire. M. Beaulne a conclu une entente verbale avec M. Nadon selon laquelle M. Nadon paierait le loyer au 407, rue Plouffe, app. 2, Gatineau à M. Desjardins et M. Beaulne préparerait des reçus de 1 500 $ par mois qui seraient signés par M. Nadon. Tous les documents concernant les demandes de remboursement au cours de la période de juillet 1994 à octobre 1996 (27 mois) portent l'adresse du 104, boul. Lorrain bien que M. Beaulne admette n'avoir jamais vécu à cette adresse. M. Beaulne admet avoir signé un bail avec M. Desjardins (pièce E-11) pour l'appartement il demeurait (407, rue Plouffe) mais malgré cela M. Nadon continuait de payer le loyer (640 $) et signait toujours des reçus de 1 500 $ à chaque mois. M. Beaulne a reconnu que c'est à la réunion du 8 octobre 1996 qu'il a réalisé l'erreur qu'il avait faite en croyant que les 1 500 $ étaient un montant alloué et Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 non un maximum. Il a offert de tout rembourser si erreur il avait fait. M. Beaulne admet son très mauvais jugement dans cette affaire et dit que sa négligence lui a fait faire une grosse erreur et que c'est la leçon de sa vie. Le montant total a été remboursé à même son fond de pension. Par ailleurs, son dossier sécuritaire dans les aéroports est annoté, ce qui lui crée des problèmes à obtenir du travail. Il dit n'avoir rien à cacher et croit qu'il pourrait retourner au travail car cet incident n'affecterait pas son rendement au travail.

En contre-interrogatoire par M e Michel LeFrançois, M. Beaulne a reconnu qu'il lisait et comprenait très bien les politiques reliées à son travail mais qu'il n'a même pas demandé une copie de la politique sur la réinstallation. Il dit qu'il se fiait à L. Wisking et il n'a jamais informé (pendant 27 mois) le Ministère de son changement d'adresse même s'il remplissait lui-même les documents. M. Beaulne admet qu'il réclamait le double de ce que ça lui coûtait par mois.

PLAIDOIRIES Pour l'employeur L'exposé de l'avocat de l'employeur peut être résumé en ces termes. La preuve démontre que M. Beaulne a participé à de la fraude en fabricant 27 faux reçus qu'il a fait signer par M. Nadon, des reçus faisant état d'un montant qui représente le double du montant réellement dépensé. En plus, Linda Wisking a déclaré avoir dit à l'employé qu'il avait droit à un maximum de 1 500 $ et qu'il devait fournir des reçus pour justifier l'avance qu'il recevrait. Pendant 27 mois, il a produit des reçus de 1 500 $ par mois et ce, pour une adresse (104, boul. Lorrain) il n'a jamais habité. Ces documents portent toujours la signature de M. Beaulne et l'employeur n'avait aucun moyen à ce moment d'y voir des irrégularités. L'avocat met l'emphase sur le fait que M. Beaulne a présenté des reçus frauduleux à l'égard de demandes erronées qui ne reflètent pas sa véritable adresse. Il s'est approprié près de 20 000 $ auxquels il n'avait pas droit et ce, avec la participation de M. Nadon. M. Beaulne avait tout à gagner en dissimulant sciemment son adresse pendant 27 mois afin de recevoir des montants supérieurs à ceux auxquels il avait droit.

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Decision Page 8 M. Beaulne a admis avoir voyagé dans ses fonctions et savoir très bien que, lorsque des reçus sont exigés, c'est parce que l'on est remboursé que pour le montant qui y figure et que, par ailleurs, lorsqu'un montant forfaitaire est alloué on n'exige pas de reçu. Le représentant de l'employeur a cité les décisions suivantes à l'appui: John King et Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-25956); Richard Allen Boyle et Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-24108); Nancy Cole et Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-25466); Graham L. Dixon vs Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-555).

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé La plaidoirie qu'a présentée le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé peut être résumée comme suit.

Tout d'abord, l'employeur a le fardeau de la preuve et si l'on se reporte à la lettre de licenciement datée du 29 octobre 1996 (pièce E-4, 2 e para.) il est question d'avoir reçu des indemnités pour l'occupation temporaire de deux résidences, cette accusation n'a jamais été prouvée. De plus, cette même lettre met en doute ce que M. Beaulne savait ou aurait savoir. Aussitôt que M. Beaulne a été informé de la situation, celui-ci a immédiatement admis son erreur de jugement et a offert sur-le- champ de rembourser les montants, ce qu'il a d'ailleurs fait. Cette erreur ou cette faute de conduite ne justifie pas son licenciement. M. Beaulne a commis une erreur, mais il n'est pas un homme malhonnête. Il a témoigné en toute franchise et il a coopéré avec le Ministère. De plus il regrette son erreur. M. D. Sherritt, directeur par intérim, a déclaré que M. Beaulne était un de ses cinq meilleurs inspecteurs; donc au point de vue du rendement au travail, on n'avait rien à lui reprocher. À l'article M-37 (9) de la convention collective cadre entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique, il est bien spécifié que la politique sur la réinstallation fait partie intégrante de la convention. De plus, la partie 1.2.2 de cette politique sur la réinstallation (pièce E-7) se lit comme suit: 1.2.2 Une fois que la réinstallation est autorisée: a) l'employeur doit fournir immédiatement à l'employé muté une copie du présent chapitre, ainsi que le nom et le numéro de téléphone de la personne qui, au Ministère, peut l'aider à interpréter la directive;

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Decision Page 9 M. Beaulne n'a jamais reçu copie de la politique et de plus il n'a eu qu'une entrevue d'une demi-heure alors que Linda Wisking elle-même nous dit qu'habitu- ellement ce genre d'entrevue prend une heure.

Aussitôt après l'entrevue avec Linda Wisking, M. Beaulne a dit à son épouse et à ses amis: "J'ai le droit à 1 500 $ par mois ", ce qui démontre bien ce qu'il avait compris.

Le Ministère n'a jamais posé de questions ou fait de vérifications pendant 27 mois, ce qui prouve le laxisme dont il a fait preuve car il payait en se fiant à la signature de l'employé.

Dans sa lettre datée du 29 octobre 1996, le Directeur général, D. Spruston, (pièce E-5), informe M. Beaulne qu'il a deux façons de rembourser le montant dû, soit comptant ou soit que le Ministère le recouvre lors de son départ. Il est bon de remarquer que M. Beaulne a choisi la deuxième option et que le montant de 17 080,97 $ a été remboursé très rapidement, à la mi-novembre 1996. Il semble que le licenciement est beaucoup trop sévère car il équivaut à la peine capitale en matière de relations de travail. M. Beaulne a commis une omission grave (erreur de jugement) qui ne justifie pas son licenciement.

Le représentant de l'Alliance m'a renvoyé aux décisions suivantes: Daniel Arthur Thomas c. Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2- 14606); J.-G.-A. Gravel c. Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2- 21603); Arthur J. Kielbowicz c. Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2- 23717); Nancy Cole c. Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-25466); Hugh McGoldrik c. Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-25796); Satwinder Samra c. Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-26543); Stephen Melcher c. Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-27604); John (Jack) W. Sample c. Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2- 27610).

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Decision Page 10 DÉCISION Le présent grief fait suite à un congédiement, dont la date d'effet est le 29 octobre 1996. La lettre de renvoi (pièce E-4) spécifie que Marc Beaulne «a obtenu une indemnité ...» et «... que les reçus que vous présentiez étaient faux en fait et ne reflétaient pas le montant réel que vous dépensiez chaque mois en location et en services ...». Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a admis qu'on avait effectivement fait preuve d'une certaine négligence qui justifiait l'imposition d'une sanction disciplinaire.

Cependant, il a soutenu que l'employé s'estimant lésé n'était pas coupable de faute aussi grave que la faute alléguée et que la punition la plus sévère n'était pas justifiée.

Pour trancher la présente affaire, il faut connaître les faits et en tirer les conclusions qui seraient fondées. La question fondamentale est la suivante: le fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il oui ou non reçu des montants d'argent de l'employeur tout en étant conscient que les actes qu'il posaient étaient frauduleux?

M. Beaulne connaissait déjà les politiques et les procédures concernant les voyages et la réinstallation dans la fonction publique. Il ne peut donc pas prétendre à l'ignorance de certaines politiques. Il savait fort bien que lorsque l'on doit produire des reçus, ceux-ci doivent refléter le montant exact des dépenses encourues. Il était en mesure de savoir que lorsqu'on se voit allouer un montant fixe, on n'a pas à produire de reçus. M. Beaulne a non seulement produit des reçus tout en déclarant à qui voulait l'entendre qu'il lui était alloué un montant fixe de 1 500 $ par mois mais il a de plus fabriqué 27 faux reçus qu'il a fait signer par M. Nadon. Il est inconcevable qu'un employé du calibre de M. Beaulne accepte de plus de consentir à ce qu'une tierce personne (M. Nadon) paye son loyer pour lui, soit 640 $ par mois et ce pendant 27 mois. M. Beaulne a lui-même reconnu qu'il était coupable de grave négligence. Je crois que le Ministère était parfaitement justifié de considérer grave l'affaire. Maintenant que les éléments de preuve ont été soumis et que des témoignages ont été obtenus sous serment, je dois conclure que Marc Beaulne est coupable de grave négligence intentionnelle.

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Decision Page 11 Dans la présente affaire, la négligence de l'employé s'estimant lésé est de nature sérieuse. Le montant d'argent en cause est assez considérable et il a été recouvré par la Couronne, mais le principe est extrêmement important. Un fonctionnaire ne doit pas signer de documents comportant des affectations de fonds publics sans y apporter un grand soin et une grande attention.

Le fonctionnaire trouvé coupable de grave négligence à l'égard de son employeur (le Conseil du Trésor) doit s'attendre à recevoir une punition très sévère.

Au moment de son licenciement, le 29 octobre 1996, M. Beaulne était inspecteur de la navigabilité aérienne (TI-05). Personne ne s'est plaint de la qualité de son travail; au contraire, ses supérieurs ont de fait décrit son travail comme remarquable. M. Beaulne n'a jamais eu de sanctions disciplinaires à son dossier depuis son entrée à Transports Canada en 1987. La directive sur la réinstallation qui fait partie intégrante de la convention cadre est très explicite en disant: «a) l'employeur doit fournir immédiatement à l'employé muté une copie du présent chapitre ...». M. Beaulne n'a pas reçu cette copie, tel que l'a déclaré Linda Wisking.

De plus, je trouve aberrant le fait que pendant 27 mois M. Beaulne a demandé une avance, a signé une demande de remboursement, a produit un reçu et que toutes ces demandes de paiement ont été approuvées sans aucune question ou vérification. Il me semble que tous les gens qui devaient faire la vérification de ces documents avant d'en approuver le paiement ont été négligents et auraient pu et arrêter cette situation dès le début.

Tenant compte de toutes les circonstances, y compris le niveau du poste de M. Beaulne et ses responsabilités, son dossier, les services qu'il peut encore rendre ainsi que la leçon reçue de ces événements, je ne crois pas que la punition la plus grave est justifiée pour une négligence, aussi grave fut-elle. Je ne crois pas non plus qu'une suspension de courte durée correspondrait à la gravité du délit.

La punition appropriée pour sa grave négligence serait une suspension sans traitement ni autres avantages de 12 mois.

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Decision Page 12 Par conséquent, il est fait droit au grief de M. Beaulne et celui-ci doit être réintégré au niveau TI-05 le 30 octobre 1997.

Jean Charles Cloutier, commissaire

OTTAWA, le 23 septembre 1997.

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