Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Accusations criminelles postérieures au licenciement - Admissibilité de la preuve - Ajournement - la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté un grief contestant son licenciement pour motif disciplinaire - à l'audience, l'employeur a voulu présenter en preuve un acte d'accusation postérieur au licenciement, déposé contre la fonctionnaire s'estimant lésée relativement à des actes de même nature que ceux à la base du licenciement - la fonctionnaire s'estimant lésée s'est objectée à l'admissibilité de l'acte d'accusation parce que les faits qui y étaient allégués n'étaient pas les mêmes que ceux sur lesquels l'employeur s'était fondé pour la licencier - la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé un ajournement d'audience si l'arbitre décidait d'admettre l'acte d'accusation en preuve - l'arbitre a ajourné l'audience pour une période de 30 jours pour permettre à la fonctionnaire s'estimant lésée, qui n'était pas représentée, d'obtenir les conseils d'un conseiller en droit ou en relations de travail quant à la poursuite de son grief - à la fin de la période de trente jours, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas fait part de sa position et l'employeur a demandé que la cause soit remise au rôle - l'arbitre a donc décidé d'admettre en preuve l'acte d'accusation déposé contre la fonctionnaire s'estimant lésée, quitte à en évaluer la pertinence ultérieurement - l'arbitre a aussi ajourné l'audience jusqu'à ce qu'une décision soit rendue par une cour criminelle relativement à l'acte d'accusation déposé contre la fonctionnaire s'estimant lésée. Ajournement accordé.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28112 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE MAUDE BOUDREAULT fonctionnaire s’estimant lésée et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Bureau des passeports)

employeur Devant : Evelyne Henry, présidente suppléante Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Maude Boudreault Pour l’employeur : Michel LeFrançois, avocat Affaire entendue à Chicoutimi (Québec), du 14 au 16 octobre 1998 et du 12 au 14 janvier 1999.

Décision intérimaire DÉCISION INTÉRIMAIRE Page 1 Au début de l’audience du présent grief, Mme Boudreault n’était pas présente. Le témoignage de Michel Leduc a donc débuté en l’absence de la fonctionnaire s’estimant lésée. Lors de ce témoignage, M. Leduc a produit la pièce E21, qui est une photocopie de la sommation adressée à Mme Maude Boudreault de comparaître le 12 novembre 1998 pour répondre à plusieurs accusations d’infractions aux articles 367 et 368(1)a du Code criminel, s’étalant du 23 septembre 1996 au 17 mars 1998, en rapport avec ses activités dans l’organisation Femme et Développement régional.

Lorsque Mme Boudreault s’est présentée, un résumé du témoignage de M. Leduc lui fut remis, ainsi qu’une copie des pièces E1 à E21. Mme Boudreault s’est opposée à la production de la pièce E21. Comme M. Leduc n’était pas l’auteur ni le récipiendaire du document, et n’y avait pas accès dans l’exercice normal de ses fonctions, j’ai fait droit à l’objection.

Lors de la reprise de l’audience, M e LeFrançois m’a fait part de son intention de produire Mme Sylvie Dubois, trésorière de Femme et Développement régional, comme témoin afin d’introduire correctement la pièce E21 et de faire une preuve sur les incidents qui ont mené aux poursuites criminelles. Mme Boudreault s’est opposée à la production de cette preuve car ses démêlés avec Femme et Développement régional n’ont pas fait partie des motifs de licenciement et n’ont rien à faire avec son emploi au Bureau des passeports.

M e LeFrançois a plaidé que la raison de l’employeur pour justifier la production de la pièce E21 et de la preuve s’y rattachant est que cette deuxième série de chefs d’accusation constitue un motif additionnel de licenciement et qu’il est justifié de conclure à un bris irréparable du lien de confiance.

M e LeFrançois soutient que, si je ne jugeais pas acceptable cette preuve pour motiver le licenciement, je devrais en considérer la pertinence quant au redressement à ordonner si j’en venais à la conclusion que le licenciement n’était pas justifié sur la base des motifs invoqués dans la lettre de licenciement.

Comme observation, M e LeFrançois souligne que, à sa face même, la pièce E21 indique que les chefs d’accusation portent sur des manquements de même nature que ceux pour lesquels Mme Boudreault a été licenciée. Il s’agit d’accusations relatives à

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision intérimaire Page 2 de faux comptes de dépenses, dont certains chefs portent sur des événements qui ont eu lieu avant le licenciement, avant même l’embauche de Mme Boudreault au Bureau des passeports. Les accusations ont été déposées le 13 octobre 1998; c’est pour cela que l’employeur ne s’est pas fondé sur elles au moment du licenciement. Par contre, Mme Boudreault sait, depuis le 14 octobre 1998, que l’employeur compte verser au dossier la pièce E21 et ces chefs d’accusation.

M e LeFrançois présente la jurisprudence suivante : McKendry, [1973] C.F. 126; Lau (Décision de la Commission 166-2-26646); Lalla (Décision de la Commission 166-2-3969)

et affirme que l’employeur n’aurait pas pu découvrir au moyen d’une enquête raisonnable les fautes postérieures de la fonctionnaire s’estimant lésée.

M e LeFrançois se réfère ensuite aux décisions McIntyre (dossier de la Commission 166-2-25417) et Phillips Cables Ltd. and International Brotherhood of Electrical Workers, Local 625 (1993), 32 L.A.C. (4th) 153, pour étayer sa position subsidiaire concernant la pertinence de cette preuve pour évaluer le redressement, advenant que je trouve les motifs de licenciement insuffisants.

M e LeFrançois m’a ensuite renvoyée aux décisions Les Aliments Interbake Ltée and Syndicat International des Travailleurs de la Boulangerie, Confiserie et du Tabac, Local 320 (1984), 16 L.A.C. (3d) 92, et Canada Post Corp. and Canadian Union of Postal Workers (1993), 35 L.A.C. (4th) 328 (Pickford).

Au sujet de l’effet de la décision Compagnie minière Québec Cartier, [1995] 2 R.C.S. 1095, M e LeFrançois souligne que le résumé de cette décision précise que : « […] l’arbitre peut se fonder sur une preuve d’événements subséquents, mais seulement lorsqu’elle est pertinente relativement à la question dont il est saisi, c’est-à-dire lorsqu’une telle preuve aide à clarifier si le congédiement était raisonnable et approprié au moment il a été ordonné. »

Mme Boudreault répond qu’elle n’est pas au courant de tous les faits qui lui sont reprochés, que les chefs d’accusation concernent des comptes de dépenses mal justifiés et que les faits reprochés à l’appui du licenciement sont différents. Mme Boudreault soutient que la présomption d’innocence doit prévaloir et que la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision intérimaire Page 3 pièce E21 ne constitue pas une preuve. Mme Boudreault considère que ces inculpations sont la conséquence de son congédiement du Bureau des passeports, qui ont produit une panique au sein d’un organisme dont elle était la présidente.

Mme Boudreault soutient qu’elle ne se sent pas en mesure de se défendre ici, avant de le faire au criminel. Mme Boudreault indique qu’elle peut se représenter elle-même contre les allégations se rapportant aux incidents survenus au Bureau des passeports mais qu’elle ne pourrait pas le faire en ce qui concerne Femme et Développement régional. Mme Boudreault mentionne qu’elle a fondé Femme et Développement régional, que Mme Sonia Bergeron était sa meilleure amie, Mme Dubois une ex-amie et qu’il lui serait difficile de les contre-interroger. Il lui serait difficile de se défendre sans l’aide d’un avocat.

J’ai alors demandé à Mme Boudreault si elle voulait un ajournement si je décidais d’entendre la preuve concernant les chefs d’accusation reliés à Femme et Développement régional. Mme Boudreault a répondu par l’affirmative et elle dit être incapable de se défendre sans l’aide d’un avocat.

Mme Boudreault a ajouté que l’affaire au Bureau des passeports a eu comme conséquence de miner sa réputation auprès de Femme et Développement régional plutôt que l’inverse.

En réponse, M e LeFrançois indique que si l’employeur avait su, il n’aurait pas pu ne tenir aucun compte de ce qui s’est passé à Femme et Développement régional et que je dois en tenir compte.

J’ai indiqué aux parties que l’audience serait ajournée pour permettre à Mme Boudreault de consulter un conseiller en droit ou en relations de travail au sujet d’une offre de règlement que lui a faite l’employeur. J’ai ajouté que Mme Boudreault serait bien avisée de soumettre à son conseiller la position et la jurisprudence présentées par l’employeur au soutien de sa motion d’élargir les motifs de licenciement. J’ai accordé trente (30) jours aux parties pour me laisser savoir si une entente de règlement avait été conclue ou pour que Mme Boudreault soumette une position plus élaborée à l’encontre de la requête de l’employeur.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision intérimaire Page 4 Mme Boudreault n’a rien soumis dans les trente jours qui ont suivi l’ajournement de l’audience. M e LeFrançois a fait part à la Commission des relations de travail dans la fonction publique que Mme Boudreault n’avait pas répondu à l’offre de l’employeur et qu’il désirait que la cause soit remise au rôle.

J’ai donc décidé de rendre une décision intérimaire sur la requête de l’employeur de produire une preuve sur les chefs d’accusation relatifs aux agissements de Mme Boudreault dans Femme et Développement régional. Je vais entendre la preuve que veut produire l’employeur et, par la suite, j’en évaluerai la pertinence.

Comme Mme Boudreault avait indiqué qu’elle ne voulait pas procéder avec l’arbitrage avant la fin du procès criminel qui met en cause Femme et Développement régional si je devais accepter d’entendre la preuve concernant les chefs d’accusation contenus dans la pièce E21, l’audience est ajournée jusqu’après les procédures criminelles.

Evelyne Henry, présidente suppléante.

OTTAWA, le 26 avril 1999.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.