Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Compétence - Renvoi en cours de stage - Contrôleur de la circulation aérienne - Mesure disciplinaire déguisée - paragraphe 92(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - l'employeur aurait renvoyé le fonctionnaire en cours de stage - le fonctionnaire a soutenu que le licenciement était en réalité une mesure disciplinaire déguisée - l'employeur a soulevé une objection préliminaire concernant la compétence de l'arbitre d'instruire le grief - l'employeur a soutenu que, vu que le fonctionnaire a été avisé qu'il était renvoyé en cours de stage, le paragraphe 92(3) de la LRTFP empêche l'arbitre d'examiner l'affaire - l'arbitre a conclu que, quand la question est soulevée par le fonctionnaire, un arbitre a les pouvoirs nécessaires de déterminer si un renvoi en cours de stage est un trompe-l'œ;il ou du camouflage, ce qui lui donne donc la compétence nécessaire pour trancher le grief sur le fond - pour que l'arbitre puisse déterminer sa compétence, l'employeur doit fournir des éléments de preuve qui démontreront qu'il était pleinement justifié pour des motifs liés à l'emploi de licencier le fonctionnaire en cours de stage - toutefois, cela ne signifie pas que l'employeur doit démontrer l'existence d'un << motif déterminé valable >> au sens normalement donné à cette expression dans le contexte des relations du travail - une fois que l'employeur a fourni un motif véritable lié à l'emploi pour décréter un renvoi en cours de stage, le paragraphe 92(3) s'applique et l'arbitre n'a pas compétence pour poursuivre l'examen du grief. Objection préliminaire rejetée. Décisions citées :Procureur général du Canada et la Commission des relations de travail dans la fonction publique, [1978] 2 S.C.R. 15; Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.F.); Sa Majesté la Reine v. Rinaldi, (1997), 127 F.T.R. 60; Canada (Procureur général) v. Matthews, (1997), 139 F.T.R. 287; Nicholson v. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police (1978), 88 D.L.R. (3d) 671 (S.C.C.); Caron (1967) Recueils de décisions des relations de travail M 1; Earle (166-2-27346); Perreault (166-2-26094).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-27886 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE D. LEONARDUZZI fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant : P. Chodos, vice-président Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Vonnie Rochester, avocate Pour l'employeur : Robert Jaworski, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario), les 31 mai et 1 er juin 1999.

Décision DÉCISION PRÉLIMINAIRE Page 1 Le 9 août 1996, M. Leonarduzzi a déposé un grief dans lequel il a prétendu ce qui suit : [Traduction] Mon renvoi et ma cessation d'emploi sont injustes. Il y a eu mauvaise foi et violation des politiques et pratiques de l'employeur.

Le 30 mai 1997, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté son grief à la Commission au moyen d'un Renvoi à l'arbitrage (Formule 14). L'affaire a été mise au rôle à plusieurs occasions et à chaque fois été reportée à la demande du fonctionnaire. Le 31 mai 1999, les parties se sont réunies pour exposer leurs arguments devant le soussigné. Dès le début de l'audience, le fonctionnaire a produit deux documents avec le consentement de l'employeur : le premier est une lettre de l'employeur à M. Leonarduzzi, datée du 9 février 1996, lui faisant l'offre suivante : [Traduction] […] une nomination pour une période indéterminée au poste susmentionné à compter du 19 février 1996. La présente offre est assortie de la condition que vous réussissiez le programme de formation de base à l'IFCT, Cornwall.

[…] Étant donné que vous avez été recruté à l'extérieur de la fonction publique, vous êtes en période de stage jusqu'à la fin de votre formation. En tant que tel, vous devez satisfaire aux exigences du Programme de formation en vue d'une qualification (PFQ) pendant votre séjour à l'unité de formation régionale (UFR) et durant votre formation en cours d'emploi (FCE), à défaut de quoi vous serez renvoyé en cours de stage.

[…] Le second document (lequel constitue l'unique autre élément de preuve présenté à l'audience) était une lettre de l'employeur à M. Leonarduzzi, datée du 10 juillet 1996, au sujet du « Renvoi en cours de stage »; je tiens à souligner que l'avocate du fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'elle produisait le document en preuve à la seule fin de démontrer que l'employeur avait licencié le fonctionnaire.

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Décision Page 2 La lettre est ainsi libellée : [Traduction] Comme vous n'avez pas satisfait aux normes du Programme de formation des contrôleurs de la circulation aérienne, il a été recommandé de mettre fin à votre formation. J'ai examiné les documents pertinents et, en me fondant sur les renseignements qu'ils contiennent, je souscris à cette recommandation.

Je vous informe donc par la présente que vous êtes renvoyé en cours de stage. Vous cesserez d'être un employé de Transports Canada deux semaines à compter de la date de réception de la présente lettre, soit le 30 juillet 1996 ou aux environs de cette date.

Je tiens à vous remercier du temps et des efforts que vous avez consacrés à cette formation et je vous souhaite tout le succès possible dans ce que vous entreprendrez à l'avenir.

Les avocats des parties ont été invités à présenter leurs arguments au sujet du fardeau de la preuve et du déroulement de l'audience. J'ai pris leur arguments en délibéré et j'ai rendu ma décision le lendemain. En résumé, j'ai ordonné à l'employeur de fournir des preuves quant aux motifs du prétendu renvoi en cours de stage (les motifs de la décision sont exposés ci-après). L'employeur a contesté cette décision; il a demandé qu'elle soit mise par écrit et que l'audience soit ajournée en vue de lui permettre de présenter une demande de révision judiciaire à la Cour fédérale. L'avocate du fonctionnaire a indiqué qu'elle ne s'opposait pas à ce que j'ajourne l'audience et que je rende une décision préliminaire. Par conséquent, l'audience a été ajournée indéfiniment et j'ai rédigé la présente décision.

Les parties présentent les arguments suivants au sujet des questions en cause. L'avocate du fonctionnaire soutient que, conformément au paragraphe 92(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP), un renvoi en cours de stage pour un motif déterminé ne peut pas être renvoyé à l'arbitrage. Toutefois, avant de conclure qu'il n'a pas compétence, l'arbitre doit d'abord déterminer si M. Leonarduzzi a été licencié en vertu de la LEFP; en d'autres termes, l'employeur doit démontrer que toutes les conditions de l'article 28 de la LEFP ont été remplies. M e Rochester maintient qu'il faut satisfaire à trois conditions aux termes de cette disposition : (1) l'employé doit

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Décision Page 3 être en stage; (2) le licenciement doit survenir durant la période de stage; enfin, (3) le licenciement doit être pour un motif déterminé. Selon M e Rochester, « motif déterminé » s'entend d'un « motif déterminé valable », c'est-à-dire que l'employeur doit produire une preuve prima facie que le licenciement du fonctionnaire était justifié. Elle soutient que la question de la bonne ou de la mauvaise foi n'est pertinente qu'après que l'employeur a démontré l'existence d'un « motif déterminé » aux termes de l'article 28 de la LEFP. D'après elle, c'est ce qui différencie la présente affaire de l'affaire Rinaldi (dossiers de la Commission 166–2–26927 et 26928) l'unique condition applicable était la question de savoir s'il y avait eu ou non réorganisation. M. Rinaldi ayant admis ce fait, il a été obligé de prouver que l'employeur avait agi de mauvaise foi. Toutefois, en l'espèce, l'employeur n'a fourni aucun élément de preuve au sujet du « motif » du licenciement du fonctionnaire. Ce dernier a le droit de connaître les motifs particuliers de son licenciement. M e Rochester maintient que ce principe est conforme à l'arrêt Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 430 de la Cour d'appel fédérale. Elle soutient en outre qu'il n'y a aucune raison de conclure qu'un fonctionnaire en cours de stage a moins de droits que les employés se trouvant dans la même situation dans le secteur privé où, bien que la norme de preuve soit moins rigide, l'employeur est obligé de démontrer l'existence d'un motif déterminé. À l'appui de cette thèse, l'avocate mentionne le chapitre cinq de l'ouvrage intitulé Just Cause, The Law of Summary Dismissal in Canada, par Randall Echlin et Matthew Ceriosimo, 1999, Canada Law Book. M e Rochester cite également la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Canada (Procureur général) v. Matthews (1997), 139 F.T.R. 287, l'employé avait prétendument été mis en disponibilité aux termes de la LEFP; en fait, la cour a conclu que la notion de bonne ou de mauvaise foi s'ajoute à l'exigence d'établir l'existence des conditions justifiant une mise en disponibilité aux termes de la LEFP.

L'avocat de l'employeur soutient que l'arbitre doit accepter à première vue qu'il s'agit en l'espèce d'un renvoi en cours de stage conformément à la LEFP, une question qui n'est pas du ressort d'un arbitre nommé en vertu de la LRTFP. Par conséquent, le fardeau de la preuve revient au fonctionnaire, qui doit démontrer la mauvaise foi de l'employeur. M e Jaworski fait remarquer que la lettre de renvoi en cours de stage (supra) dit ce qui suit : « Comme vous n'avez pas satisfait aux normes établies »; cette lettre en soi suffit pour empêcher tout renvoi à l'arbitrage et pour établir la

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Décision Page 4 présomption selon laquelle l'employeur a agi de bonne foi. Il souligne que, en vertu du paragraphe 92(3) de la LRTFP, il est expressément interdit à un arbitre de se saisir d'une affaire visée par la LEFP. À l'appui de sa thèse, M e Jaworski cite la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Sa Majesté la Reine and Rinaldi (1997), 127 F.T.R. 60 ainsi que les décisions arbitrales rendues dans les affaires Earle (dossier de la Commission 166–2–27346) et Perreault (dossier de la Commission 166–2–26094).

Motifs de la décision La genèse de la question de savoir si un arbitre a compétence pour se saisir d'un prétendu renvoi en cours de stage aux termes de la LEFP est longue et complexe; en fait, dans la toute première décision arbitrale rendue en vertu de la LRTFP (Caron (1967) Recueil de la CRTFP M 1), le professeur Harry Arthurs, alors arbitre en chef, a assumé compétence dans cette affaire, qui concernait le renvoi d'un employé en cours de stage. Le cas d'espèce sur cette question, soit l'arrêt de la Cour suprême du Canada, Jacmain c. le Procureur général du Canada et la Commission des relations de travail dans la fonction publique, [1978], 2 R.C.S. 15; 81 D.L.R. (3d) 1; 18 N.R. 361; 78 CLLC 14,117, date maintenant de plus de vingt ans. Cet arrêt, qui concernait les droit des employés en cours de stage aux termes de la LRTFP et de la LEFP avant les modifications de 1993, réunit trois opinions distinctes de juges de la Cour suprême, ce qui n'a pas été sans générer une certaine confusion. Toutefois, des éclaircissements ont été fournies par la Cour d'appel fédérale en 1989 quand cette dernière a été saisie de l'affaire Canada (Procureur général) c. Penner [1989] 3 C.F. 429. Le juge Marceau a analysé en détail l'arrêt Jacmain ainsi que les dispositions pertinentes de la LRTFP et de la LEFP. Les dispositions du paragraphe 92(1) de la LRTFP et de l'article 28 de la LEFP, qui étaient en vigueur à cette époque, sont libellés comme suit : 92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) une mesure disciplinaire entraînant le congédiement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

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Décision Page 5 28. (1) À partir de la date de sa nomination, le fonctionnaire est considéré comme stagiaire durant la période fixée par la Commission pour lui ou la catégorie dont il relève.

(2) Dans le cas d'une nomination interne, l'administrateur général peut, s'il le juge opportun, réduire la durée du stage ou en dispenser le fonctionnaire.

(3) À tout moment au cours du stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de le renvoyer, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis fixé par la Commission pour ce fonctionnaire ou la catégorie dont il relève; il en avise également la Commission. Sauf nomination par celle-ci dans un autre poste de la fonction publique avant l'expiration de ce délai, le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de cette période.

(4) Toute décision prise par l'administrateur général aux termes du paragraphe (3) doit être motivée auprès de la Commission.

(5) Le fonctionnaire qui perd sa qualité de fonctionnaire en application du paragraphe (3) est inscrit d'office, dans le cas d'une nomination interne, sur la liste d'admissibilité et au rang que la Commission juge correspondre à ses qualifications; dans le cas contraire, il peut l'être, mais à l'appréciation de la Commission.

Dans sa décision, le juge Marceau a analysé en détail les jugements dans l'arrêt Jacmain et a examiné les décisions arbitrales contradictoires rendues ultérieurement. Dans ce contexte, le juge a fait les observations suivantes à la page 438 : D'autres arbitres ont adopté une attitude assez différente de celle qui précède: ils ont accepté la thèse selon laquelle, dès le moment ils sont convaincus que la décision contestée était effectivement fondée sur un motif réel de renvoi, c'est-à-dire procédait d'une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l'égard de l'aptitude de l'employé, les arbitres n'ont pas compétence pour examiner la question de savoir si la décision de renvoyer l'employé était appropriée ou était bien fondée. Dans l'affaire Smith (dossier N o 166–2–3017 de la Commission), l'arbitre Norman exprime sans détours sa pensée à ce sujet:

En effet, une fois que l'employeur a présenté à l'arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l'audition sur le fond dans

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Décision Page 6 l'affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu'à une impasse soudaine. L'arbitre perd ainsi tout pouvoir pour ordonner que l'employé s'estimant lésé soit réintégré dans ses fonctions en faisant valoir à cet égard que l'employeur n'a pas donné de motif valable pour le congédiement.

[Traduction] À mon avis, cette dernière opinion est la seule que l'arrêt Jacmain autorise et que la législation reconnaît.

Puis, à la page 441, le juge Marceau a tiré la conclusion suivante : La conclusion fondamentale de l'arrêt Jacmain est, à mon avis, qu'un arbitre nommé sous le régime de la L.R.T.F.P. est sans compétence à l'égard d'un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que les représentants de l'employeur ont agi de bonne foi au motif qu'ils ne considéraient pas que l'employé possédait les aptitudes requises pour occuper le poste visé. Et cette conclusion, selon moi, découle inexorablement des dispositions législatives actuellement en vigueur.

Tel que je l'ai indiqué plus haut, la LRTFP et la LEFP ont été modifiées en 1993, y compris les dispositions relatives à l'arbitrage et au renvoi en cours de stage. L'article 92 de la LRTFP est maintenant libellé comme suit : 92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

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Décision Page 7 (2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l'application de l'alinéa (1)b), tout secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

Les alinéas 11(2)f) et g), et le paragraphe 11(4) de la Loi sur la gestion des finances publiques sont libellés comme suit : (2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

f) établir des normes de discipline dans la fonction publique et prescrire les sanctions pécuniaires et autres y compris le licenciement et la suspension, susceptibles d'être appliquées pour manquement à la discipline ou pour inconduite et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces sanctions peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

g) prévoir, pour des raisons autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur des personnes employées dans la fonction publique et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

(4) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation effectués en application des alinéas 2f) ou g) doivent être motivés.

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Décision Page 8 L'article 28 de la LEFP prévoit maintenant ce qui suit : 28. (1) À partir de la date de sa nomination à un poste pourvu par nomination externe, le fonctionnaire est considéré comme stagiaire durant la période fixée par règlement par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie.

(1.1) Une nouvelle nomination ou une mutation n'interrompt pas le stage.

(2) À tout moment au cours du stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de le renvoyer, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis fixé par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de cette période.

Une des plus importantes modifications apportées à l'article 92 de la LRTFP a été l'ajout du paragraphe 92(3); comme l'a fait remarquer l'arbitre dans l'affaire Perreault (dossier de la Commission 166-2-26094), cette disposition « interdit expressément et sans équivoque le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le (c.-à-d. tout) licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique » (page 23). Cela dit, toutefois, nous devons nous poser la question suivante : quand un grief est renvoyé à l'arbitrage et que l'employeur soutient que l'arbitre est sans compétence parce que le licenciement découle de l'application de la LEFP, à quelle genre d'enquête peut ou doit se livrer l'arbitre en réponse à cet argument? La Section de première instance de la Cour fédérale a se poser cette question dans l'affaire Sa Majesté la Reine v. Rinaldi (1997), 127 F.T.R. 60. Dans cette affaire, le fonctionnaire s'estimant lésé avait déposé un grief contestant la décision de l'employeur de le licencier; M. Rinaldi avait prétendument été mis en disponibilité à la suite d'une réorganisation de l'organisme pour lequel il travaillait. Dès le début de l'audience en arbitrage, l'avocat de l'employeur a soulevé une objection déclinatoire de compétence de l'arbitre au motif que, en vertu du paragraphe 92(3) de la LRTFP, l'arbitre n'a pas compétence dans un cas de mise en disponibilité aux termes de la LEFP. À ce sujet, le juge Noël a fait les observations et tiré les conclusions suivantes aux pages 67 et 68 : Gardant à l'esprit ce contexte statutaire, la présente affaire soulève selon la requérante deux questions de droit, soit d'une part celle à savoir si l'intimé pouvait modifier son grief une fois rendu devant l'arbitre, et d'autre part celle portant sur la compétence de l'arbitre de se saisir du grief

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Décision Page 9 alors que l'employeur invoque une abolition de poste conformément à l'article 29 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique comme cause de licenciement.

Cette deuxième question peut se trancher facilement. À mon avis, il ne fait aucun doute que selon l'hypothèse formulée par l'arbitre aux fins de sa décision, celle-ci a eu tout à fait raison de conclure qu'elle aurait compétence pour entendre et donner suite au grief. Comme le disait le Juge Marceau dans l'affaire Procureur général du Canada c. Penner.

L'on ne peut tolérer que, par l'effet du camouflage, une personne soit privée de la protection que lui accorde une loi.

Contrairement à ce que prétend la requérante, aucune modification législative n'est venue atténuer ce principe. L'ajout du paragraphe 92(3) à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui exclut le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique n'a pas pour effet d'anéantir la compétence de l'arbitre au seul motif qu'un tel licenciement est invoqué par l'employeur. De toute évidence, cette disposition exclut le renvoi à l'arbitrage que lorsqu'un licenciement a effectivement lieu en vertu de cette loi. Or l'hypothèse sur laquelle l'arbitre a fondé sa décision rejoint carrément la situation l'employeur camoufle un congédiement illégal sous l'égide de l'abolition d'un poste en invoquant de façon factice cette Loi. Il va de soi qu'il s'agirait d'une situation qui tombe dans le champs [sic] de compétence dévolu à l'arbitre en vertu de l'article 92(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Par suite de la décision de la cour, le grief de M. Rinaldi a été renvoyé à l'arbitre pour qu'il l'instruise. Il y a lieu de souligner que le juge Richard dans l'affaire Procureur général du Canada v. John Matthews (1997), 139 F.T.R. 287 a tiré une conclusion analogue. Cette affaire mettait également en cause un fonctionnaire qui avait prétendument été mis en disponibilité en application des politiques de l'employeur. La cour a conclu que l'arbitre avait compétence pour procéder à une enquête en vue de déterminer si la mise en disponibilité constituait un exercice de bonne foi du pouvoir de l'employeur.

Il est évident à la lecture des dispositions législatives citées auparavant, et de la jurisprudence pertinente que, premièrement, un licenciement en application de la LEFP n'est pas arbitrable en soi aux termes de la LRTFP. Deuxièmement, lorsqu'un grief Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 10 contestant un prétendu licenciement est renvoyé à l'arbitrage, il incombe à l'arbitre dont la compétence est contestée de déterminer si le licenciement est réellement le résultat de l'application de la LEFP et non pas un subterfuge ou un « camouflage » (le terme employé par la Cour suprême dans l'arrêt Jacmain). La preuve que requiert un arbitre pour trancher la question dépend de la nature du prétendu licenciement. Je suis d'accord avec l'avocate du fonctionnaire quand elle dit que l'arbitre doit déterminer, lorsque le licenciement prend la forme d'un renvoi en cours de stage motivé aux termes de l'article 28 de la LEFP, si ce renvoi était pour un « motif déterminé » au sens cette expression est employée à l'article 28. Précisons que l'article 28 de la LEFP emploie l'expression « motif déterminé » et l'article 11 de la loi complémentaire, soit la Loi sur la gestion des finances publiques, le terme « motivée ». Il est manifeste, par conséquent, qu'ils ont une signification et une importance particulières dans le contexte des droits des fonctionnaires fédéraux.

D'après moi, pour démontrer que l'arbitre ne peut pas se saisir du grief du fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur doit produire quelque élément de preuve indiquant qu'il existe un véritable motif lié à l'emploi de licencier le fonctionnaire au cours de la période de stage. En l'espèce, l'employeur n'a absolument rien fait de la sorte, malgré l'invitation qui lui a été faite. Il maintient plutôt qu'il doit tout au plus démontrer l'existence d'une lettre renvoyant censément le fonctionnaire en cours de stage. J'ignore complètement qui a pris cette décision, de quels facteurs il a tenu compte, quelles sont les normes auxquelles il est fait allusion dans cette lettre et, en fait, si de telles normes existent véritablement. En outre, il semblerait, d'après les décisions rendues dans les affaires Earle et Perreault (supra), que les termes employés dans la lettre de renvoi en cours de stage de M. Leonarduzzi sont les termes communément employés dans ce genre de lettre circulaire contenant peu de variantes, voire aucune (voir page 1 respectivement des décisions Earle et Perreault). Bien que je ne sois pas sûr que l'expression « motif déterminé » employée à l'article 28 signifie « motif déterminé valable », comme l'affirme l'avocate du fonctionnaire, je crois que l'employeur doit produire un minimum d'éléments de preuve pour que l'arbitre puisse raisonnablement rendre une décision éclairée sur la question de savoir s'il a compétence pour trancher le grief sur le fond. Je suis convaincu que cela signifie que l'employeur doit démontrer, au moyen d'éléments de preuve convenables, qu'il avait effectivement une « raison » d'agir comme il l'a fait.

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Décision Page 11 En souscrivant à la thèse de l'employeur, j'ouvrirais la porte à des décisions susceptibles d'être complètement arbitraires, fondées sur des facteurs non pertinents, et peut-être sans la moindre parcelle de légitimité. Il ne faut pas oublier que l'employeur est le seul à savoir pourquoi il a pris la décision que l'on sait; en ne fournissant pas d'éléments de preuve et de renseignements, il place le fonctionnaire dans la position peu enviable de spéculer sur les raisons de sa décision et, par conséquent, d'assumer un fardeau presque impossible, soit celui d'essayer de prouver la mauvaise foi. Ce n'est pas ce qu'exigent les dispositions législatives en cause, et cela est contraire à l'équité et au bon sens élémentaires. Du moins depuis l'arrêt Nicholson v. Haldimand-Nortfolk Regional Board of Commissioners of Police (1978), 88 D.L.R. (3d) 671 (C.S.C.) de la Cour suprême, il est généralement reconnu que même les employés en stage ont droit à un minimum d'équité quand leur gagne-pain est en jeu. Comme l'a dit le juge Laskin à la page 680 : « En bref, bien qu'à mon avis, l'appelant ne puisse pas réclamer la protection de la procédure prévue pour un agent de police engagé depuis plus de dix-huit mois, on ne peut lui refuser toute protection. On doit le traiter «équitablement» et non arbitrairement. »

J'aimerais également revenir sur l'argument du fonctionnaire selon lequel l'employeur doit produire une preuve prima facie que le licenciement était pour un « motif déterminé » valable. Je crois, comme je l'ai indiqué plus haut, que l'employeur est obligé de démontrer devant l'arbitre que l'article 28 de la LEFP s'applique, ce qui empêche l'arbitre de se saisir de l'affaire conformément au paragraphe 92(3) de la LRTFP. Toutefois, cela ne signifie pas que l'employeur doit démontrer l'existence d'un « motif déterminé valable » au sens normalement donné à cette expression dans le contexte des relations du travail. Autrement dit, je ne crois pas que l'employeur a la charge de justifier sa décision de licencier le fonctionnaire une fois qu'il a fourni un motif véritable lié à l'emploi. Il doit uniquement démontrer qu'il agit conformément aux dispositions de la LEFP. Conclure autrement serait contraire aux dispositions du paragraphe 92(3) de la LRTFP.

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Décision Page 12 Pour résumer, j'estime qu'il incombe à l'employeur de démontrer que l'article 28 de la LEFP s'applique à un renvoi en cours de stage pour un motif déterminé. Cela fait, il revient ensuite au fonctionnaire de démontrer que les actions de l'employeur sont effectivement un trompe-l'œil ou du camouflage et qu'elles sont par conséquent contraires à l'article 28 de la LEFP. Ce n'est que si le fonctionnaire réussit à se décharger de ce fardeau que l'arbitre peut se déclarer compétent pour se saisir de l'affaire en vertu de l'article 92 de la LRTFP, et examiner le grief sur le fond.

P. Chodos, vice-président

OTTAWA, le 28 juin 1999. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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