Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Discipline - Suspension de deux semaines - Règles de la preuve - Justice naturelle - Règle dans Browne et Dunn - Obligation de prévenir les témoins que certains aspects de leur témoignage seront contestés par la présentation d'une preuve contradictoire - le fonctionnaire a contesté une suspension de deux semaines - au cours de l'audience, l'agent négociateur qui le représentait a demandé l'ajournement de l'audience en vue de retenir les services d'un avocat pour représenter le fonctionnaire durant le reste de l'audience - l'arbitre a accordé l'ajournement à la condition que l'audition reprenne là où elle s'était arrêtée - à la reprise de l'audience, le fonctionnaire a demandé l'autorisation de rouvrir le contre-interrogatoire des témoins de l'employeur - il a soutenu que la règle énoncée dans l'affaire Browne et Dunn n'avait pas été respectée lors du contre-interrogatoire du fait que les témoins n'avaient pas été prévenus que certains aspects de leur témoignage seraient contestés - il a également prétendu que des points importants avaient été omis lors du contre-interrogatoire, ce qui le priverait d'une audience équitable et approfondie - l'employeur a répondu que le fonctionnaire cherchait en réalité à contre-interroger à nouveau les témoins de l'employeur - l'arbitre a conclu que la règle énoncée dans Browne et Dunn n'empêchait pas le fonctionnaire de produire des éléments de preuve pour contredire le témoignage des témoins de l'employeur et a précisé que l'employeur pourrait alors soit interroger de nouveau ses propres témoins, soit présenter une contre-preuve - l'arbitre a en outre conclu que le fait pour le fonctionnaire de ne pas avoir obtenu les éléments de preuve qu'il cherchait lors du contre-interrogatoire des témoins ne constituait pas un motif suffisant pour l'autoriser à rouvrir le contre-interrogatoire de ces témoins. Demande rejetée. Décisions citées : Browne and Dunn (1894), 6 R. 67 (H.L.); Avey (166-18-27611).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28144 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JOHN RICHARD McELREA fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Industrie Canada)

employeur

Devant : Jean Charles Cloutier, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Pascale-Sonia Roy, avocate et Lyette Babin, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Kathryn A. Hucal, avocate (Décision rendue sans audience)

DÉCISION PARTIELLE Le 14 juillet 1997, le fonctionnaire a présenté un grief pour contester la suspension de deux semaines sans traitement que l’employeur lui avait imposée. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 2 octobre 1997. L’audition de l’affaire a débuté devant moi le 23 mars 1998 et s’est poursuivie du 24 au 27 mars 1998. Le fonctionnaire était représenté à l’audience par son agent négociateur.

Le 27 mars 1998, l’agent négociateur du fonctionnaire a demandé un ajournement afin de retenir les services d’un avocat pour représenter le fonctionnaire pendant le reste de l’audience. Le 2 avril 1998, le secrétaire adjoint de la Commission a informé les parties de ce qui suit : [Traduction] L’arbitre, après avoir examiné les arguments des parties, accorde l’ajournement à condition que l’audition de l’affaire reprenne au point l’audience a été ajournée.

L’audition de l’affaire a repris le 8 septembre 1998, auquel moment l’avocate du fonctionnaire a présenté une demande écrite pour qu’on l’autorise à reprendre le contre-interrogatoire des témoins de l’employeur. Un autre ajournement a été accordé afin de permettre à l’employeur de répondre à la demande par écrit.

Arguments Le fonctionnaire s’estimant lésé a soulevé les deux arguments suivants à l’appui de sa demande : [Traduction] [...] 18. Les motifs de la motion sont les suivants : a) La règle énoncée dans Browne v. Dunn n’a pas été suivie durant le contre-interrogatoire des témoins [de l’employeur]. On n’a pas signalé à l’attention des témoins les aspects de leur témoignage leur crédibilité serait contestée par la présentation d’une preuve contradictoire. Par conséquent, ces témoins ont été privés de la possibilité de reconsidérer leurs réponses par rapport aux questions qui allaient faire l‘objet d’une preuve contradictoire.

b) Dans le contre-interrogatoire de ces témoins, des points importants ont été omis de sorte que le fonctionnaire sera

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 2 privé d’une audience équitable et approfondie, dans l’éventualité ces questions ne seraient pas abordées [...]

[...] L’employeur a répondu à la demande du fonctionnaire le 30 septembre 1998. Il a notamment fait valoir les arguments suivants :

- bien que le fonctionnaire cite la règle énoncée dans Browne v. Dunn (1894), 6 R. 67 (Chambre des lords) pour faire valoir qu’il y a lieu de reprendre le contre-interrogatoire des témoins de l’employeur afin d’assurer qu’il aura la possibilité de répondre à la preuve contradictoire qui sera produite pour contester son témoignage, le fonctionnaire n’a ni précisé ni fourni de telles preuves;

- bien que le fonctionnaire invoque la règle énoncée dans Browne v. Dunn (supra), ce qu’il recherche réellement, c’est d’accorder à sa nouvelle avocate la possibilité de contre-interroger de nouveau les témoins de l’employeur;

- toutes les questions soulevées par le fonctionnaire à l’appui de sa demande ont été abordées dans l’interrogatoire principal et le contre-interrogatoire qu’on a déjà fait subir aux témoins de l’employeur;

- la demande du fonctionnaire de reprendre le contre-interrogatoire des témoins de l’employeur ne résulte pas d’une inadvertance ou du fait qu’il ne disposait pas de certains éléments de preuve lors contre-interrogatoire de ces témoins;

- si la demande du fonctionnaire était accueillie, il en résulterait des inconvénients et des frais supplémentaires pour l’employeur ainsi qu’un préjudice indu pour certains de ses témoins.

Le 16 octobre 1998, le fonctionnaire a répliqué à la réponse de l’employeur. Il a soutenu que, dans le contexte de sa demande, il n’avait pas besoin de préciser les éléments de preuve qu’il entendait présenter pour contredire les témoins de l’employeur. Le fonctionnaire a ajouté ce qui suit :

Commission des relations de travail dans la fonction publique

de l’interrogatoire principal ou du

Décision Page 3 [Traduction] [...] 16. Il est important de signaler que le [fonctionnaire s’estimant lésé] ne s’opposera pas à ce que l’employeur interroge de nouveau ses témoins si l’on acquiesce à sa demande de contre-interroger de nouveau [les témoins de l’employeur], ou de citer d’autres témoins en plus de ceux mentionnés dans la présentation de sa preuve principale.

17. De plus, dans l’éventualité l’employeur pourrait établir que le contre-interrogatoire des témoins [du fonctionnaire] a été déficient, à la suite de la présentation de la preuve dans le contexte d’un autre contre-interrogatoire des témoins de l’employeur, le [fonctionnaire s’estimant lésé] ne s’opposera pas à la citation de ces témoins.

[. . .] Motifs de la décision partielle Le fonctionnaire s’estimant lésé me demande de l’autoriser à reprendre le contre-interrogatoire des témoins de l’employeur parce que 1) la règle énoncée dans Browne v. Dunn (supra) l’empêcherait de contredire le témoignage de ces témoins étant donné que, lorsqu’il les a interrogés, sa représentante a omis de les informer qu’elle avait l’intention de contester leur témoignage sur des points spécifiques et que 2) l’omission de la représentante de les contre-interroger sur des points spécifiques revêtait une importance telle qu’elle le privait d’une audience équitable et approfondie.

La règle énoncée dans Browne v. Dunn (supra) a été appliquée de nombreuses façons. Cependant, à mon avis cette règle n’est pas aussi absolue que le prétend le fonctionnaire. À ce stade-ci de l’audience, je ne suis pas d’avis qu’il est interdit au fonctionnaire de produire des éléments de preuve pour contredire le témoignage des témoins de l’employeur. J’ajouterais néanmoins que je suis convaincu que l’approche adoptée par l’arbitre Potter dans Avey (dossier de la Commission 166-18-27611) s’appliquerait également en l’espèce; autrement dit, si le fonctionnaire devait produire d’autres éléments de preuve visant à contredire le témoignage des témoins de l’employeur, l’employeur pourrait soit interroger de nouveau ses propres témoins soit présenter une contre-preuve. À mon avis, en procédant ainsi on se trouverait à protéger tant l’intégrité que l’équité de l’audience. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 4 Maintenant, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’omission de la représentante du fonctionnaire de contre-interroger les témoins de l’employeur sur des points spécifiques revêtait une importance telle qu’elle priverait le fonctionnaire d’une audience équitable et approfondie, je tiens à faire remarquer que le fonctionnaire, au stade en question de l’audience, était représenté par son agent négociateur. Je me dois de prendre en considération le fait que la représentante du fonctionnaire a exercé son droit de contre-interroger les témoins cités par l’employeur et que, à ce moment-là, elle avait toute la latitude voulue pour aborder les questions qu’elle jugeait pertinentes. Le fait que le contre-interrogatoire n’a pas fourni au fonctionnaire la preuve qu’il aurait souhaité obtenir, pense-t-il maintenant, ne constitue pas à mes yeux un motif suffisant pour que je l’autorise à reprendre le contre-interrogatoire des témoins de l’employeur.

Pour tous ces motifs, je rejette la demande qu’a présentée le fonctionnaire pour que je l’autorise à reprendre le contre-interrogatoire des témoins de l’employeur.

Jean Charles Cloutier, commissaire

OTTAWA, le 4 novembre 1998. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.